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La fonction de Premier Ministre sous la Vème République (lettre Exprimeo)

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Page 1: La fonction de Premier Ministre sous la Vème République (lettre Exprimeo)

N°230 - semaine du 31 août au 06 septembre 2010

L’actuelle présidentialisation est-elle irréversible ?

- A quoi tient-elle ? - Sera-t-elle au cœur de l’élection de 2012 ?

Premier Ministre :

une fonction en péril ?

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La fonction de Premier Ministre est-elle en péril ?

Plus la prochaine réorga-nisation gouvernementale va approcher, plus la dé-signation du Premier Mi-nistre deviendra emblé-matique. C’est ce choix qui va pas-ser un premier message à l’opinion. Certes, la com-position du nouveau Gou-vernement sera forte de nombreuses significations à l’examen des sorties comme des entrées. Mais le premier message va résider dans le choix du titulaire de la fonction de Premier Ministre. La Vème République a installé un partage com-plexe des pouvoirs qui suppose l’acceptation d’u-ne rupture de l’égalité dans l’entente comme condition incontournable du fonctionnement effica-ce de la dualité de l’exé-cutif Français. Ce qui est propre à la Constitution de 1958, c’est que, selon les évè-nements, c’est le Chef de

l’Etat ou le Chef du Gou-vernement qui est mis en avant. Cette souplesse est l’une des forces de la Constitution de 1958. Il importe d’abord de constater que cette duali-té de l’exécutif existe dans de nombreux pays. Dans le cadre des régi-mes par lementa ires coexistent le Chef du Gouvernement qui détient les prérogatives les plus importantes et le Chef de l’Etat qui a un rôle de re-présentant de la nation vis à vis de l’intérieur et de l’extérieur. Dans des monarchies tra-ditionnelles qui subsistent en pays d’Islam, le mo-narque se limite aux questions fondamentales laissant au responsable du Gouvernement le soin de régler les tâches du gouvernement qui ne sont pas de «la dignité» du monarque. Parfois même dans le ca-

dre d’un régime présiden-tiel, qui connaît en princi-pe une structure unitaire de l’exécutif, apparaissent des exceptions notables comme en témoignent l’Argentine et le Pérou. Par conséquent, ce n’est pas le propre de la Cons-titution française que de porter en elle une struc-ture susceptible d’engen-drer un blocage entre deux autorités d’un même pouvoir.

L’originalité de la Consti-tution de la Vème Répu-blique naît de la réparti-tion complexe et très im-briquée des prérogatives confiées au Président de la République et au Pre-mier Ministre. Si dans les autres régi-mes la règle est une sé-paration relativement franche des fonctions, en France, plus particulière-ment sous l’empire de la Constitution de 1958, il en est différemment.

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Une rupture réelle avec le style présiden-tiel habituel : • Le quinquennat ? • Le tempérament ? • Une majorité politique

composée d’une forma-tion unique ?

• … Au-delà de toute appréciation sur le contenu même des ac-tions, Nicolas Sarkozy a chan-gé la fonction présidentielle au point que cet enjeu de style marquera fortement l’échéan-ce de 2012.

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Un rapide examen de l’histoire constitutionnelle française montre que la dualité des fonctions au sein du pouvoir exécutif est une tradition de notre droit public, encore qu’il s’agisse souvent d’une si-tuation de fait. Situation qui présente, il est vrai, de considérables avanta-ges. Un tel système est un élé-ment de stabilité dans les institutions en conciliant la continuité, par l’inter-médiaire d’un Chef de l’E-tat qui apparaît comme le recours suprême, le ga-rant des valeurs perma-nentes, le gardien de l’u-nité et le changement qui peut être obtenu par le renouvellement du chef du Gouvernement pour s’adapter aux nécessités changeantes de la vie po-litique. Si ces deux missions ont été souvent rigoureuse-ment séparées dans les textes, il fut, en réalité et en règle générale, fort difficile de conserver ce clivage strict. L’application de la Consti-tution de 1958 n’y échap-pe pas. En effet, si le dualisme de l’exécutif sous la Consti-tution de 1958 se carac-térise par la prééminence organique et fonctionnelle du Président de la Répu-blique, les nécessités de l’unité d’action conduisent

à une collaboration étroite du Président de la Répu-blique et du Premier Mi-nistre. La réforme de 1962 avec l’élection du Président de la République au suffrage universel direct a conduit à un nouvel équilibre au sein du pouvoir exécutif. Sans doute l’importance de la fonction de Chef de l’Etat apparaissait-elle dé-jà dans «l’architecture» de la Constitution de 1958 dans la mesure où le Titre II, qui est consa-cré au Président de la Ré-publique, est situé immé-diatement après le titre intitulé «de la souveraine-té» et avant les titres re-latifs aux autres organes de l’Etat.

Depuis 1962, nous som-mes passés de l’autorité personnelle du Général De Gaulle à l’autorité fonctionnelle qui s’attache à celui qui est l’élu de la nation toute entière.

La présidentialisation du régime a ensuite été liée aussi à la connaissance que les Présidents Pompi-dou et Giscard d’Estaing avaient des dossiers lors-qu’ils ont été élus, ce qui a pu les conduire à inter-venir dans un grand nom-bre d’affaires. Cette présidentialisation est alors apparue notam-ment par le rôle de Prési-dent du Conseil des Minis-tres reconnu au Président de la République. Puis, ce rôle d’orientation s’est

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manifesté par les «lettres directives» au moyen desquelles le Chef de l’E-tat définit les orientations laissant au Gouvernement le seul soin d’étudier les solutions possibles, faire des choix et poursuivre la mise en œuvre. C’est aussi celui qui assu-me les décisions du Gou-vernement en expliquant à la nation les raisons de telle ou telle décision par la voie de conférences de presse, «d’entretiens télé-visés». A cette époque, orientant l’action gouvernementale, le Chef de l’Etat ne peut plus demeurer à l’écart des résultats de celle-ci. Cette affirmation des pou-voirs du Chef de l’Etat ne signifie pas pour autant que le Chef du Gouverne-ment n’est plus qu’un «chef d’Etat major» ou un «administrateur en chef». En effet, les nécessités de l’unité d’action mettent en relief le fait que le Pre-mier Ministre est le point de passage obligé de la quasi-totalité des affaires. La politique n’est pas seulement l’art de pren-dre la parole. C’est aussi et surtout l’art de passer une politique dans les faits. Les strates administrati-ves constituent un terrible rempart. Les manifesta-

tions ont du poids mais le travail des bureaux n’est pas dépourvu d’influence, loin s’en faut. A l’égard des administra-tions, l’Hôtel Matignon est au centre d’un réseau où convergent les informa-tions, les questions, les demandes d’instructions ; c’est donc un rouage es-sentiel de la vie politique et le lieu où sont toujours examinés et très souvent tranchés les problèmes que pose le gouverne-ment du pays. Tant les services politi-ques du Premier Ministre que ses services techni-ques lui assurent un re-gard, si ce n’est une maî-trise, sur l’ensemble des procédures face à des «structures de la Prési-dence de la République qui demeurent légères». A cet égard, le rôle du Secrétariat Général du Gouvernement, placé sous l’autorité du Premier Ministre, est fondamental. Ainsi le Premier Ministre, malgré le bicéphalisme administratif apparu sous la Constitution de 1958, dispose-t-il de services de nature à lui assurer véri-tablement une autorité certaine en matière d’ac-tion administrative à condition, bien entendu, qu’il entende se servir des instruments qu’il détient.

L’avenir de la fonction de

Christine Lagarde : le joker ! Au moment où les noms fusent dans le cadre du remaniement, Christine Lagarde est probablement l'atout clef pour la réorga-nisation politique de l'au-tomne. Christine Lagarde est la véritable "valeur ajoutée" pour Matignon. Elle complète habilement les terrains politiques en montrant la priorité au redressement économi-que. Elle est la personnalité la plus populaire parmi les cadres supérieurs et les professions libérales qui boudent de plus en plus Nicolas Sarkozy. Christine Lagarde donne un profil technique à Ma-tignon, ce qui libère la marge de manoeuvre des "politiques purs". Plus le temps passe, plus sa valeur ajoutée trouve un impact majeur dans les circonstances actuel-les. De surcroît, elle féminise-rait le ticket de l'exécutif face à un profil féminin probable de la candidatu-re PS. La liste des élé-ments objectivement po-sitifs est particulièrement longue ...

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Jean Louis Borloo : passé de mode ? Pour ce parisien né en 1951, tout semble facile même le plus atypique. Tout est atypi-que dans sa carrière, dans sa personnalité, dans sa façon de faire de la politique. Dans sa carrière où avocat au Barreau de Paris, il choisit avant la mode le marché fi-nancier, les restructurations, les fusions et acquisitions. Dans sa carrière politique où son implanta-tion à Valenciennes passe par la Présidence du club local de football. Une mairie de Va-lenciennes conquise au second tour en 1989 mais dès le 1er tour en 1995 avec pas moins de 63 % des voix (score identique en 2001). Dans sa personnalité, tout tranche avec les profils classiques. JL Borloo apparaît souvent chemise mal boutonnée, veste fatiguée,

coiffure digne du réveil… Son discours est direct sans les précautions habituelles. Il a un actif incontestable dont : - la rénovation urbaine, - les services à la personne, ... On oublie parfois qu’au début des années 90 il fut l’un des fondateurs de « Génération Ecologie » avec Brice Lalonde, Noël Mamère et Haroun Tazieff. Tout ce parcours fait de lui le seul représentant crédible à droite en matière de justice sociale. Mais il doit désormais compter avec deux handicaps forts. Depuis l’origine, son tempé-rament fantasque le voue peu à la rigueur permanente de Matignon. Mais surtout, il est probablement trop nuancé pour vivre effica-cement l’actuelle radicalisation des débats avec, de surcroît, un climat de crise finan-cière qui diminue les espaces de créations.

Premier Ministre passe-t-il désormais par la sépara-tion des compétences avec l’Elysée et non plus par le partage concret des domaines et moyens d’ac-tions ? Mais la démocratie per-manente d’opinion qu’est devenue la vie politique française n’impose-t-elle pas de nouvelles règles ? La durée du mandat pré-sidentiel à 5 ans n’a-t-elle pas présidentialisé le régi-me bien au-delà du seul tempérament de Nicolas Sarkozy ? Dans cette tendance pro-fonde durable à la prési-dentialisation du régime, Nicolas Sarkozy a accélé-ré le processus en lui ap-

portant trois inflexions accélérées. Tout d’abord, il s’est considérablement éloigné des postures présidentiel-les habituelles. Sous cette formulation se cache le débat sur son style per-sonnel. Tout a contribué à l’éloigner du code de conduite traditionnel du Chef de l’Etat : depuis son vocabulaire jusqu’à sa vie privée en passant par des attitudes singuliè-res. C’est cette rupture qui a pu choquer ou paraître pour une provocation. Ensuite, Nicolas Sarkozy est le premier Président à assumer aussi ouverte-ment la fonction de chef

de parti et de surcroît d’un parti unique doté de la majorité absolue à l’As-semblée Nationale. Par son existence même, l’UMP a amplifié cette no-tion d’unicité de pouvoir qui n’existait pas du temps de la cohabitation entre plusieurs formations au sein même de la majo-rité dite présidentielle. Enfin, le circuit court «communication - action» a réduit les intermédiaires entre la Présidence et l’o-pinion, diminuant d’au-tant toute image de par-tage des pouvoirs entre le Président, le Premier Mi-nistre et les Ministres. Ces deux dernières fonc-tions n’apparaissent plus que comme des exécu-tantes de la parole prési-

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dentielle. Ces trois derniers facteurs montrent bien que l’ac-tuelle situation est plus évènementielle que né-cessairement durable. La majorité présidentielle peut retrouver un plura-lisme qui restaurera de fait la fonction politique du Premier Ministre com-me autorité charnière avec les formations de la majorité. Avec une majorité com-posée de plusieurs partis distincts, le Premier Mi-nistre retrouverait immé-diatement une fonction

politique de concertation et de coordination. Le Premier Ministre rede-viendrait l’intermédiaire indispensable entre le Président de la Républi-que et les Chambres. Il retrouverait sa fonction de représentant de l’exé-cutif auprès du Parlement détenant des attributions capitales tant pour l’exer-cice de la fonction législa-tive que dans l’exercice des moyens de contrôles. Traditionnellement, sous cet angle, le Premier Mi-nistre était, en quelque sorte, celui qui décidait de la traduction législative plus ou moins rapide, plus

ou moins fidèle, des tex-tes auxquels l’Elysée atta-chait une particulière im-portance. La structure même de l’actuelle majorité politi-que installe une donne qui demain peut être si-gnificativement différente en cas de victoire du PS qui ne bénéficie pas d’un «parti unique de gauche» mais devra composer avec ses partenaires. Il semble qu’il en serait de même pour tout autre Président issu d’une troi-sième voie (Villepin, Bayrou …) qui serait pro-bablement conduit à faire vivre sa formation avec

Le défi n°1 : le «nouveau Président» Le nouveau Gouvernement a une raison d’ê-tre précise : faire naître l’étape du «nouveau président». La personnalité même de Nico-las Sarkozy doit être perçue autrement en lui redonnant de la fraîcheur, de l’originalité, de l’atypisme. Cette équation repose sur quatre facteurs nouveaux majeurs : • L’opinion est en avance sur les structu-

res classiques des partis politiques. Elle est plus volatile et moins idéologique que les machines des partis. Lors de la présidentielle, le programme tient d’a-bord dans les personnalités des candi-dats. Il est donc indispensable de met-tre en perspective un tempérament présidentiel moins clivant et moins pro-vocateur.

• Ce « nouveau Président » doit être le

rassembleur des droites républicaines. Ce rassemblement est le seul de nature

à lui assurer un socle sécurisé. • A cette fin, il doit renouveler en profon-

deur le casting du Gouvernement. Trop de supposées locomotives initiales sont désormais poussives voire même dé-crédibilisées.

• Pour installer cette nouvelle étape, il

parait difficile de changer la donne sans changer le titulaire de Matignon. Cer-tes, la composition du Gouvernement doit impacter l’opinion. Mais un Gou-vernement modifié serait fragilisé par la continuité à Matignon avec le risque que l’arbre de la continuité en cache la forêt des changements.

Par conséquent, compte tenu de l’ampleur du défi, il paraît très probable que le chan-gement du titulaire de Matignon soit un point de passage préalable incontournable. Il restera ensuite à gérer F. Fillon à l’exté-rieur, un ancien Premier Ministre de plus ...

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un premier tour sécurisé. Fau te d ’une te l l e réunification, tout devient ouvert tant l’opinion est désormais volatile. Mais, après le tournant sécuritaire de l’été 2010, cette étape est-elle encore possible ? Dès lors, comment expliquer ce «tournant sécuritaire» alors même qu’au début de l’été 2010 des s chémas nouveaux semblaient s’esquisser ? L’arithmétique électorale imp o s e é g a l emen t désormais de souder les efforts à destination de ses deux opposants majeurs de la droite douce car, dans le cas contraire, le «seul r e b e l l e » s e r a i t m é c a n i q u e m e n t b é n é f i c i a i r e d ’ u n e poussée importante dans les intentions de votes. P o u r t o u t e s c e s c o n s i d é r a t i o n s , l e tournant sécuritaire parait peu compréhensible et complique sérieusement la tâche de l’installation du Gouvernement dans u n e l o g i q u e d e rassemblement imposée par le calendrier.

des alliés incontourna-bles. De même, second facteur de changement, il n’est pas acquis qu’un autre ti-tulaire de la fonction pré-sidentielle veuille mainte-nir le circuit court avec l’opinion. Ce circuit court n’est-il pas à l’origine d’u-ne surexposition perma-nente qui fragilise à ter-me ? Ce circuit court paraît tel-lement lié au sarkozysme que l’un des changements passera obligatoirement par d’autres méthodes en cas de défaite de l’actuel Président en 2012 ?

Enfin, l’élection de 2012 qui sera pour beaucoup une sorte de referendum sur la personnalité même de Nicolas Sarkozy ne va-t-elle pas imposer un retour à des habits p r é s i d e n t i e l s p l u s classiques ? Avec la rentrée de septembre 2010, la campagne 2012 est manifestement engagée. Le P rés iden t do i t consolider son socle des droites républicaines. C’est le point de passage incontournable pour aborder 2012 avec un

Editeur : Newday Directeur De publication : Denis BONZY

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Lettre 231: Royal : Sarah Palin de gauche ? 9

Au sommaire de notre prochain numéro : • La «fièvre Palin» • Les raisons • Les conséquences

sur la vie politique Française

• les profils compara-

bles : S. Royal ? Parution le 7 sept. 2010