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VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR LE SERVICE MANDATAIRE Marie-Hélène BONNEAU 2014

Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

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VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA

PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR

LE SERVICE MANDATAIRE

Marie-Hélène BONNEAU

2014

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014

R e m e r c i e m e n t s

Sans les personnes protégées que j’ai pu rencontrer ou avec lesquelles j’ai

travaillé, ce sujet de mémoire n’aurait pas vu le jour, en tout cas, pas de mon fait. Leur

évocation a égrené ma recherche, car il en est un certain nombre que je n’oublie pas.

Elles m’ont montré leur intérêt pour l’échange dans la réciprocité, leur besoin de

s’exprimer, leurs capacités à compenser leurs difficultés par des astuces, leur faculté à en

rire. L’humour que j’ai appris à utiliser d’un collègue, assistant social, au tout début de ma

carrière, est venu bien souvent ponctuer nos échanges pour atténuer la tension des

situations. Je ne peux clore mon sujet sans les remercier de tous leurs témoignages qui

ont orienté le sens de mon travail.

Mes remerciements s’adressent particulièrement à l’ATMP74, aux bénévoles et

aux professionnels impliqués au côté des personnes protégées qui s’efforcent de faire

face aux situations d’apparence inextricables dans lesquelles ils laisseront beaucoup

d’énergie, sans abandonner l’envie de questionner le sens de leur travail, ce que j’ai

intégré à ma réflexion.

La construction de ce mémoire a été lente et laborieuse. Conseillers, lecteurs et

re-lecteurs se sont relayés autour de moi pour m’aider à garder la cohérence dans mon

propos, m’encourager et m’apporter leurs remarques pertinentes qui m’ont permis d’aller

au bout de cet écrit, je leur en suis vraiment reconnaissante.

Pour finir, je veux remercier plus particulièrement mon compagnon de route pour

son écoute patiente et son soutien inébranlable.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014

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Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014

S o m m a i r e

Introduction

1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation pour

l’AMP74 ................................................................................................................ 3

1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique ................ 3

1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité juridique

totale. ................................................................................................................... 3

1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger ................ 5

1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés ............................................... 8

1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers ............................................... 10

1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie ............................................................................ 10

1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable ..................................................................... 11

1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers ............................................ 14

1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social .................... 17

1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents .............................................................. 17

1.3.2 Environnement et contexte du service ................................................................ 19

1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale ........ 23

2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits fondamentaux ............ 29

2.1 La dimension politique de la personne protégée ........................................... 29

2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée ............................................................. 29

2.1.2 La participation de la personne protégée ............................................................ 31

2.2 L’approche des « capabilités » ........................................................................ 34

2.2.1 Le primat des libertés ......................................................................................... 35

2.2.2 Les opportunités réelles de participation ............................................................ 35

2.2.3 Soutenir les capabilités pour réduire les vulnérabilités ....................................... 36

2.2.4 L’autonomie partagée en réponse à la demi-capabilité de la personne protégée 38

2.3 L’institution juste ............................................................................................. 40

2.3.1 Promouvoir l’éthique dans la relation à l’usager ................................................. 40

2.3.2 L’éthique de direction pour le développement d’une culture soutenante ............. 43

3 Construire une Institution juste ....................................................................... 47

3.1 Elaborer un nouveau « vivre ensemble » ....................................................... 47

3.1.1 Favoriser la participation des personnes protégées ............................................ 47

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Marie-Hélène BONNEAU-Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014

3.1.2 Créer du sens commun ...................................................................................... 52

3.2 Développer une compétence collective .......................................................... 56

3.2.1 Organiser la coordination des compétences ....................................................... 57

3.2.2 Repositionner l’encadrement intermédiaire sur le management ......................... 59

3.3 Devenir un acteur des solidarités locales ...................................................... 62

3.3.1 Promouvoir la relation de l’Institution avec les juges ........................................... 62

3.3.2 Quels échanges avec la direction de la cohésion sociale pour les personnes

protégées ? ........................................................................................................ 63

3.4 Elaborer un référentiel d’évaluation construit sur la participation des

personnes protégées ....................................................................................... 64

3.4.1 La construction du lien social permettant le contre don ...................................... 65

3.4.2 La participation de la personne à la mesure de protection et la personnalisation

de l’accompagnement. ....................................................................................... 67

3.4.3 La valorisation de l’autonomie ............................................................................ 68

3.4.4 La participation des personnes au fonctionnement du service ............................ 69

3.5 Evaluation des autres actions envisagées ..................................................... 70

3.5.1 La création de sens commun.............................................................................. 71

3.5.2 Les compétences collectives .............................................................................. 71

3.5.3 Le positionnement des responsables de service ................................................ 72

3.5.4 Les différentes coopérations .............................................................................. 72

Conclusion ............................................................................................................... 75

Bibliographie ........................................................................................................... 77

Liste des annexes ...................................................................................................... I

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L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s

ADAPEI Association départementale des amis et parents de personnes handicapées

mentales

ANDP Association nationale des délégués et personnels des services tutélaires

ANESM Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et

services sociaux et médico-sociaux

APA Allocation personnalisée à l’autonomie

ARS Agence régionale de santé

ATMP74 Association tutélaire des majeurs protégés de Haute Savoie

BTS Brevet de technicien supérieur

CAFDES Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service

d’intervention sociale

CAFERUIS Certificat d'aptitude aux fonctions d'encadrement et de responsable d'unité

d'intervention sociale

CASF Code de l’action sociale et des familles

CNC Certificat national de compétence

CNSA Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

CESF Conseillère en économie sociale et familiale

CREAI Centre régional pour les enfants, les adolescents et les adultes inadaptés

CREDOC Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie

CRPD Convention on the rights of persons with disabilities

Convention relative aux droits des personnes handicapées

CRTS Comité régional du travail social

CODERPA Comité départemental des retraités et des personnes âgées

DDASS Direction départementale des affaires sanitaires et sociales

DDCS Direction départementale de la cohésion sociale

DGCS Direction générale de la cohésion sociale

DIPM Document individuel de protection des majeurs

DREES Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques

DRJSCS Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

ESAT Etablissement et service d’aide par le travail

FRA Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne

INSEE Institut national de la statistique et des études économiques

MASP Mesure d’accompagnement social personnalisé

MJPM Mandataire judiciaire à la protection des majeurs

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique -2014

OMPMP Observatoire national des populations « majeurs protégés »

OPCA Organisme paritaire collecteur agréé

PACS Pacte civil de solidarité

RMI Revenu minimum d’insertion

RSA Revenu de solidarité active

SAVS Service d’accompagnement à la vie sociale

SAMSAH Service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés

SMIC Salaire minimum interprofessionnel de croissance

UDAF Union départementale des associations familiales

UDAPEI Union départementale des amis et parents de personnes handicapées

mentales

UNAF Union nationale des associations familiales

UNAPEI Union nationale des amis et parents des personnes handicapées mentales

UTRA Union tutélaire Rhône Alpes

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 1 -

Introduction

« J’ai 80 € par semaine, je gère toute seule. Quand j’ai besoin d’un supplément, j’appelle

ma curatrice. Je ne comprends pas pourquoi elle refuse de me donner de l’argent quand

j’ai de l’argent sur mon compte. Je voudrais qu’elle en mette un peu de côté et qu’elle

m’en donne plus. Ce sont les choses pour me faire plaisir qui me manquent le plus : aller

au restaurant, à la foire. J’ai appelé, mais je n’ai pas eu ma curatrice. Ça va être trop tard.

Si je pouvais donner mon avis personnel, il me faudrait 100 € par semaine. » (Extrait de

mon entretien avec Rose le 17 novembre 2012).

Pendant de nombreuses années, l’activité principale des services mandataires a

concerné la gestion et la protection des biens. L’argent est au cœur de la relation qui

s’instaure avec les personnes protégées notamment autour de l’établissement du budget

et de ses incidences sur leur mode de vie. De ce fait, les services ont développé un

accompagnement tutélaire qui témoigne de la prise en compte des difficultés des

personnes, autres que celles liées à l’argent. Cependant l’importance des champs

d’intervention, la diversité de la population suivie, le nombre de mesures exercées par les

mandataires judiciaires conduisent les professionnels à s’interroger sur le contour de leur

intervention. Le service mandataire est-il un service d’action sociale ? Malgré son

apparition dans la liste des établissements et services participant à l’action sociale, la

question reste en suspens. Souvent méconnue, la protection juridique reste envisagée

par les partenaires comme le dernier recours lorsque les autres modalités

d’accompagnement se sont heurtées à l’impossibilité de contractualiser la prise en

charge, au refus de soin, à l’isolement.

Les services d’action sociale mettent en œuvre les dispositifs visant à pallier les difficultés

d’une partie de la population en développant différents modes d’accueil ou

d’accompagnement. Leur finalité est de promouvoir, entre autres, l’autonomie, la

protection des personnes et l’exercice de la citoyenneté. C’est bien ces objectifs que la loi

du 5 mars 2007, réformant le dispositif de protection des personnes majeures, assigne

aux services mandataires à travers l’émergence de la protection de la personne. De

nombreuses dispositions dans les textes les invitent à respecter les choix de vie, à

rechercher l’accord de la personne, l’expression de son consentement, à connaitre ses

attentes et ses besoins et à en tenir compte, à co-construire le cadre dans lequel la

mesure peut s’exercer.

J’ai voulu m’interroger sur le sens même de la protection, celle qui met en sécurité, à l’abri

des autres et de soi-même, celle qui pare à toutes les situations de danger. Celle qui se

vit souvent comme une perte de liberté, une perte de possibilité de choix, une perte

d’informations. La protection ne peut pas avoir un prix si lourd à payer qui va à l’encontre

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 2 -

de la finalité du service mandataire. La sécurité peut ramener la confiance, la confiance

en soi, en son environnement, la confiance des autres, mais elle ne constitue pas, en tout

cas pas à elle seule, les aspirations essentielles des personnes : choix de vie, désirs,

rêve, idéal. C’est sur ce faux déterminant de la protection juridique que s’est construit le

paradoxe de la protection et de l’autonomie. Et c’est dans le vécu de ces antagonismes

que se débattent souvent les professionnels pris entre la logique de protection née du

mandat confié par le juge et celle de l’action sociale rappelée plus haut. Quel

accompagnement tutélaire pour substituer la dialogique au paradoxe ? En tant que

directrice, il me paraît essentiel de répondre à cette question pour être en mesure de

conduire l’adaptation du service à ses nouveaux enjeux.

Je me suis d’abord intéressée à l’histoire de la protection juridique parce qu’elle

raconte à travers la médecine et le droit l’évolution d’une prise de conscience mondiale :

Chaque être humain a des droits inaliénables et les états démocratiques doivent veiller à

ce qu’il en garde l’exercice.

Puis, j’ai recherché les références théoriques qui me permettent d’élaborer les repères

nécessaires à des pratiques renouvelées pour faire sens autour du nouvel enjeu de la

protection juridique : Protéger, c’est promouvoir l’autonomie et la participation des

personnes en favorisant leur expression et leur responsabilité. J’ai pu cheminer avec des

auteurs qui se sont intéressés à l’incomplétude de l’être humain, sa faillibilité, sa

vulnérabilité et aux opportunités à construire avec lui pour le rendre plus capable de lien,

d’échange, de participation, de confiance en soi.

Le service mandataire que je dirige témoigne de l’engagement des bénévoles et des

professionnels à soutenir cette évolution qui commence à modifier les représentations

communes de la personne protégée mais qui reste à ancrer dans les pratiques.

L’ATMP74 doit maintenant franchir de nouvelles étapes et se rapprocher de ce qu’elle a

laissé à distance en entrant dans un nouveau rapport d’usage avec les personnes

protégées. Ma conception de l’humain et des rapports entre les personnes, fondée sur

une posture éthique, imprègne profondément la conduite de cette adaptation que je veux

mener en référence à « l’Institution juste » de Paul RICOEUR.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 3 -

1 L’évolution de la protection juridique, un enjeu d’adaptation

pour l’AMP74

1.1 Les nouveaux principes fondamentaux de la protection juridique

1.1.1 Le plaidoyer européen pour la suppression des régimes d’incapacité

juridique totale.

A) Les recommandations des Institutions européennes

L’Union européenne a ratifié le 5 janvier 2011 la Convention on the Rights of Persons with

Disabilities (CRPD) adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies en 2006 qui

garantit l’égalité des droits des personnes handicapées. A sa suite, 24 États membres de

l’Union européenne ont ratifié cette convention. Dans son article 12, la CRPD affirme que

« les personnes handicapées ont droit à la reconnaissance en tous lieux de leur

personnalité juridique » avec jouissance de la capacité juridique dans des conditions

d’égalité avec les autres1. Elle enjoint aux États parties prenantes d’adopter « les mesures

appropriées pour donner aux personnes handicapées accès à l’accompagnement dont

elles peuvent avoir besoin pour exercer leur capacité juridique ».

Dès le 23 février 1999, le Comité des Ministres du conseil de l’Europe avait adopté une

recommandation2 préconisant la préservation maximale de la capacité juridique et

affirmant que, sur la base des principes de nécessité et de subsidiarité, « aucune mesure

de protection ne devrait être instaurée à moins qu’elle ne soit nécessaire ».

Depuis 2009, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a inscrit au rang des

priorités la réforme des dispositifs relatifs à la capacité juridique. Dans sa résolution

16423, l’Assemblée « invite les États membres à s’assurer que les personnes

handicapées disposent de la capacité juridique et l’exercent au même titre que les autres

membres de la société ». Pour ce faire, elle leur demande de garantir « que personne ne

limite ni n’exerce à leur place leur droit de prendre des décisions ». Elle insiste sur

1 Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13

décembre 2006, traduction française, p 10 consultée le 25 janvier 2014 sur http://www.un.org/french/disabilities/default.asp?navid=15&pid=605 2 Recommandation 99 du comité des ministres du conseil de l’Europe du 23 février 1999 consultée

le 25 janvier 2014 sur https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=429025&SecMode=1&DocId=781106&Usage=2, p10 et 11. 3 Résolution 1642 adoptée le 26 janvier 2009 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de

l’Europe consultée le 25 janvier 2014 sur http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta09/FRES1642.htm

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 4 -

l’importance de « mesures adaptées à leur situation » et sur la nécessité d’une aide à la

prise de décision par une tierce personne.

B) Les droits de l’Homme et la capacité juridique

Le document thématique « Á qui appartient-il de décider ? »4, commandé et publié par le

Commissaire aux Droits de l’Homme le 20 février 2012 s’attache à approfondir la réflexion

sur « le droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et

psychosociales ».

Il définit la capacité juridique comme « la possibilité pour une personne d’agir dans le

cadre du système juridique » et de devenir sujet de droits. A ce titre, elle joue un rôle

fondamental dans l’exercice des libertés comme celle de se marier, d’hériter, de travailler.

La capacité juridique est également source d’estime de soi et de responsabilisation en ce

qu’elle permet de prendre des décisions et de les assumer. L’égalité des droits pour les

personnes handicapées n’échappe pas au changement de paradigme qui incite à

promouvoir l’inclusion sociale en adaptant l’environnement pour permettre aux personnes

handicapées d’exercer leurs droits, de choisir leur mode de vie et de participer à la vie

sociale, culturelle, civique et économique de la société.

Sur le plan quantitatif, ce document thématique pointe qu’environ un million d’européens

sont placés sous un régime de tutelle les privant complètement de leur capacité juridique,

parfois à vie. En raison de l’amélioration des soins et de l’avancée en âge, on ne peut

qu’envisager la progression du nombre de personnes concernées par ces mesures.

Il est donc urgent d’agir au niveau des États membres, car toutes les juridictions

européennes ont mis en place des procédures dans lesquelles l’incapacité est assignée

aux personnes handicapées. Cet état des lieux a conduit le commissaire aux droits de

l’homme à joindre à ce document plusieurs recommandations parmi lesquelles figurent la

suppression des « mécanismes prévoyant une déclaration d’incapacité totale et une

tutelle complète » et l’élaboration de « solutions d’accompagnement à la prise de

décision ».

C) Les législations des États membres

L’analyse de l’agence des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (FRA) publiée en

octobre 2013 sur les normes nationales et internationales en matière de capacité juridique

des personnes dresse l’état des lieux des cadres juridiques nationaux et s’intéresse

4 Commissaire aux droits de l’Homme, Document thématique : A qui appartient-il de décider ? Le

droit à la capacité juridique des personnes ayant des déficiences intellectuelles et psychosociales. Février 2012 consulté le 25 janvier 2014 sur https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1908565

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 5 -

notamment au droit à la capacité juridique dans les Etats membres de l’Union

européenne. Elle relève que « de nombreux États européens sont dotés de législations

obsolètes qui se révèlent incompatibles avec l’article 12 de la CRPD, en application

duquel il y a lieu de favoriser une prise de décision assistée, et non une prise de décision

substitutive5 ».

Si la plupart des Etats membres ont adopté des régimes faisant varier le degré de

capacité juridique pour instaurer des mesures adaptées à la situation des personnes,

l’Agence des droits fondamentaux note que Chypre, l’Irlande et la Roumanie ne prévoient

qu’un seul degré de restriction à la capacité juridique, c’est celui de la mise sous tutelle

totale. Cependant, l’Agence souligne que plusieurs Etats membres ont admis la nécessité

d’harmoniser leurs législations avec les normes internationales et européennes en

vigueur. C’est le cas notamment de l’Angleterre (2005), de la France (2007) et de

l’Allemagne (2009). Pourtant, malgré ces révisions récentes, seules l’Allemagne et la

Suède ont supprimé la mise sous tutelle complète pour leur substituer des mesures

d’assistance qui restreignent au minimum la capacité juridique des personnes.

1.1.2 L’affirmation française des droits et libertés de la personne à protéger

A) Le principe d’autodétermination

Dans la lignée de la recommandation de 1999 du Conseil de l’Europe qui préconise la

prise en compte de manière prééminente des intérêts et du bien-être du majeur protégé

ainsi que le respect de ses souhaits et sentiments6, la France replace la personne au

cœur du dispositif de la protection juridique. La réforme du 5 mars 2007 donne valeur

législative à l’arrêt de principe de la Cour de cassation du 18 avril 1989 qui affirmait que

les régimes civils d'incapacité « ont pour objet, d'une façon générale, de pourvoir à la

protection de la personne et des biens de l'incapable ».7

Tout en prévoyant cette protection, la loi française définit aux articles 458 et suivants

du code civil un ensemble de configurations dans lesquelles cette protection de la

personne sera assurée par le protégé lui-même. Il en va ainsi des actes à caractère

strictement personnels qui ne peuvent donner lieu ni à une assistance ni à une

représentation quel que soit l’état de santé de la personne protégée : les actes de

5 L’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne (FRA). La Capacité juridique des

personnes souffrant de troubles mentaux et des personnes handicapées mentales FRA octobre 2013 consulté le 25 janvier 2014 sur http://fra.europa.eu/sites/default/files/fra-2013-legal-capacity-intellectual-disabilities-mental-health-problems_fr.pdf p 31 6 CRDPD, Op cité, p 12

7 Cour de Cassation, arrêt du 18 avril 1989 consulté le 1

er février 2014 sur

http://www.easydroit.fr/jurisprudence/Cour-de-Cassation-Chambre-civile-1-du-18-avril-1989-87-14-563-Publie-au-bulletin/C36447/

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 6 -

l’autorité parentale, le choix de changement de nom, le consentement à sa propre

adoption ou à celle de son enfant.

L’article 459 du code civil prévoit, quelle que soit la gradation de la mesure de

protection, que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne

dans la mesure où son état le permet ». Cela concerne aussi le choix du lieu de résidence

et la liberté d’entretenir des relations avec les personnes de son choix. Ces prises de

décisions personnelles dans le cadre de la mesure de protection peuvent être

accompagnées, comme le prévoit l’article 457-1 du code civil, des informations que doit

donner la personne chargée de la protection à la personne protégée sur « sa situation

personnelle, les actes à poser, leur utilité, leur degré d’urgence, les effets et les

conséquences d’un refus de sa part ».

B) La présomption de capacité

Lorsque la personne n’est pas en état de prendre seule une décision éclairée, elle

pourra être assistée, voire représentée par une personne chargée de sa protection.

Cependant, son consentement éclairé devra toujours être recherché. Cette préoccupation

est devenue essentielle depuis la loi du 2 janvier 2002 pour les usagers des services

sociaux et médico-sociaux, ainsi que pour les patients des établissements de soins

depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Elle tente de concilier les

principes d’autonomie et de protection comme l’affirme Benoît EYRAUD en 2008 à

l’occasion d’une journée d’étude de l’ANDP8 : « C’est lorsque cette présomption de

capacité est maintenue quand bien même l’incapacité paraît totale, que peut encore être

préservée la liberté individuelle9 »

Parce que cette présomption de capacité est maintenue, la révision des mesures de

protection devient incontournable, l’incapacité n’étant ni définitive ni rédhibitoire. Il n’y a

jamais eu autant de mainlevées qu’à l’occasion de ces révisions même si elles constituent

parfois une parenthèse dans un long parcours d’assistance. Cette présomption de

capacité est légitime et rend incontournable pour le juge l’audition systématique de la

personne avant le prononcé éventuel d’une mesure de protection (hors cas

d’incompatibilité avec l’état de santé).

C) Les dispositifs de contractualisation : la MASP10 et le mandat de protection future

C’est dans cet esprit du respect des droits et libertés que la réforme de 2007 a

particulièrement innové en créant, hors de la sphère judiciaire, un espace ouvert pour la

contractualisation. Cela concerne l’accompagnement des personnes en difficulté pour la

8 Association Nationale des délégués et personnels des services tutélaires.

9 ANDP journée d’études du 25 janvier 2008. « Analyse de la pratique : Le sujet est (toujours) là ».

10 Mesure d’accompagnement social personnalisé.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 7 -

gestion de leurs ressources et le mandat de protection future. Jusqu’alors ces personnes

étaient orientées vers une mesure de protection juridique alors qu’elles n’avaient pas

d’altération de leurs facultés. Les nouvelles mesures d’accompagnement social

personnalisé font partie du dispositif d’action sociale confié aux conseils généraux. Ainsi

la loi désigne comme bénéficiaires de la MASP toute personne majeure « dont la santé ou

la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources » dès

lors qu’il s’agit de prestations sociales. Sa mise en œuvre sort du cadre judiciaire et relève

du contrat que la personne acceptera de conclure avec le conseil général. Elle comporte

une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social

personnalisé. La MASP est donc fondée sur la volonté de contracter du bénéficiaire et du

conseil général.

Une autre disposition innovante de la réforme du 5 mars 2007 consacre le libre

choix de la personne majeure à désigner à l’avance une ou plusieurs personnes pour la

représenter au cas où il lui deviendrait impossible de pourvoir seule à ses intérêts. Il s’agit

du mandat de protection future pour soi- même. Il est élaboré par la personne elle-même

en pleine possession de ses facultés et soucieuse de ses intérêts pour l’avenir. Dans le

cadre de ce mandat, la protection de la personne doit être conforme aux dispositions

légales concernant les mesures de protection juridique, toute stipulation contraire étant

interdite. Le mandat de protection future peut aussi s’établir pour autrui. Il correspond à la

volonté des parents d’enfant en situation de handicap de prévoir la désignation d’un

protecteur pour leur enfant et d’organiser sa vie juridique et matérielle s’ils ne sont plus en

capacité d’assumer leur autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur ou la prise en

charge matérielle et affective de leur enfant majeur.

Si l’on a bien noté l’innovation instituée par l’apparition de formes de

contractualisation dans la sphère de la protection des personnes majeures, le rapport de

la cour des comptes de novembre 2011 à destination du Sénat sur la réforme de la

protection des majeurs relève la difficulté de sa mise en œuvre. Le nombre de MASP

dénombrées en 2009 atteint 4700 quand il en était prévu 9800. En effet de nombreuses

résistances ont été identifiées : refus des usagers de signer une MASP, prise en compte

de cet outil d’accompagnement budgétaire par les conseils généraux comme un des

dispositifs possibles au sein de l’ensemble des dispositifs d’accompagnement budgétaire

et social déjà effectifs au titre, par exemple, du RSA ou de l’accès au logement. Inspiré

par les législations étrangères, le mandat de protection future n’a lui aussi pas encore

connu les développements attendus. Au-delà d’une réforme du droit, c’est

vraisemblablement une modification en profondeur des représentations culturelles liées à

l’augmentation de l’espérance de vie qui permettra l’avancée de ce nouveau type de

convention.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 8 -

1.1.3 L’évolution de la population des majeurs protégés

A) Des statistiques éparpillées

Les mesures de protection juridique concernent désormais uniquement la personne

« dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération,

médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de

nature à empêcher l’expression de sa volonté11 ». Aucune statistique ne permet d’avoir

aujourd’hui une vision globale des bénéficiaires des mesures de protection juridique.

Cependant la thèse de doctorat en démographie de Paskall MALHERBE soutenue en juin

2012 sur « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et

dynamique d’une sous population méconnue » reconstitue et analyse un certain nombre

de données. Ainsi, au 31 décembre 2008, le nombre des majeurs protégés s’élevait à

741 82512, ce qui représentait à l’époque 1,48% de la population française majeure. La

proportion de femmes majeures protégées s’établissait à 48,66%, et celle des hommes à

51,33%. 50% des majeurs protégés se situaient alors dans la tranche d’âge des 35-64

ans et un tiers des majeurs protégés avait plus de 70 ans. Le nombre de majeurs

protégés n’a depuis cessé d’augmenter pour atteindre le million en 2010, selon les

projections effectuées dans le cadre des travaux préparatoires à la réforme de 2007.

On relève dans l’annuaire statistique de la justice13, dans son édition 2011-2012, qu’en

2010, les tribunaux ont prononcé 63 601 nouvelles mesures de protection. Ces nouvelles

mesures pour l’année 2010 sont pour 54% d’entre elles des mesures de tutelle, et pour

40,53 % des mesures de curatelle, le reste étant constitué par les sauvegardes de justice.

La moitié de ces mesures a été confiée à un membre de la famille ou un proche, l’autre

moitié à des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

Lors du comité de suivi de la mise en œuvre de la réforme de 2007, la DGCS a présenté

le 21 novembre 2013 un bilan statistique sur la protection juridique14. Au 31 décembre

2012, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs exerçaient 414 666 mesures

de protection, ce qui constitue une progression de 6,9% depuis 2009. Ces MJPM15

relèvent de 3 catégories : les services mandataires, les mandataires privés et les

11 Code civil Article 425

12 MALHERBE P, 2012, « Les majeurs protégés en France, dénombrement, caractéristiques et

dynamique d’une sous population méconnue » Université Montesquieu Bordeaux IV p 313 disponible sur http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/71/86/44/PDF/These_Paskall_Genevois-Malherbe.pdf 13

Annuaire de la justice 2011-2012 p 83 consulté le 1er

mars 2014 sur http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_annuaire_2011-2012.pdf 14

DGCS Bilan statistique sur la protection juridique consulté le 1er

mars 2014 sur http://protection-juridique.creainpdc.fr/content/la-dgcs-dresse-un-bilan-statistique-sur-la-protection-juridique-des-majeurs 15

Mandataires judiciaires à la protection des majeurs

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 9 -

mandataires préposés qui exercent en établissement accueillant des usagers. Les 355

services mandataires autorisés à fonctionner au plan national exercent 81,2 % des

mesures confiées à des Mandataires soit 335 437 mesures de protection.

B) Les caractéristiques socio -économiques

Au-delà de ce bilan statistique, la DGCS livre également quelques chiffres sur les

caractéristiques socio-économiques concernant les majeurs protégés. La population

suivie par les services mandataires est essentiellement masculine (53,4%) et bénéficie

pour 53,3% d’entre elle d’une mesure de curatelle renforcée. 64,2% vit à domicile et

88,8% a des ressources inférieures ou égales au SMIC. Depuis 2009, les mesures de

protection concernent davantage de personnes âgées, de personnes en établissement, et

les mesures de tutelle sont plus nombreuses.

En recoupant les chiffres de l’ONPMP16 et ceux de l’enquête Handicap Incapacité

Dépendance (HID) effectuée par la DREES17 à partir de 2008, Paskall MALHERBE

propose dans sa thèse18 « une esquisse du profil socio-économique et sanitaire des

majeurs protégés » dont il ressort que la population des majeurs protégés est fortement

touchés par les problèmes de santé, qu’elle est relativement isolée et qu’elle vit avec de

faibles ressources et peu de patrimoine.

L’ONPMP, au travers de ses différentes enquêtes auprès les majeurs protégés suivis par

les Unions Départementales des Associations Familiales, relève que la population des

majeurs protégés suivie par les UDAF est une population fortement isolée dont 90% ne

vivent pas en couple bien que 40% déclarent avoir des enfants. Si 60% d’entre eux vivent

en logement autonome, dans 40% des cas ces logements sont extrêmement dégradés.

20% vivent en maison de retraite, et seuls 8 % sont propriétaires de leur résidence

principale contre 57% des ménages français. Cette population vit avec de faibles revenus.

Environ 65% des majeurs protégés sont titulaires de l’allocation adulte handicapé. Au-

delà des revenus, ce pourcentage indique que la population des majeurs protégés est

fortement touchée par des troubles de santé. La moitié d’entre elle déclare rencontrer au

moins une difficulté relative à la santé dans sa vie quotidienne.

16 Observatoire National des Populations « Majeurs Protégés » chiffres clés Mai 2011 consulté le

1er

mars 2014 sur http://www.unaf.fr/IMG/pdf/Plaquette_Chiffres_cles_ONPMP-_7_juin_2011_-_version_definitive.pdf 17

Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques 18

MALHERBE P, op. cité, p 508

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 10 -

1.2 Du droit des incapacités au droit des usagers

La protection juridique s’inscrit dans l’histoire des civilisations depuis l’Antiquité. Si

elle peut refléter la préoccupation légitime d’une société à protéger les plus faibles, elle

révèle au fil du temps les particularités d’une époque, de ses coutumes, de ses progrès.

Fortement marquée par la protection des biens et les symptômes qui peuvent la mettre à

mal comme la folie ou la prodigalité, la protection juridique française a toujours été le sujet

de l’intrication du droit et de la médecine.

1.2.1 De l’aliénation à la psychiatrie

Le concept de l’aliénation s’est nourri à de multiples sources juridiques et philosophiques.

Le droit régit cette notion dans son caractère de désappropriation volontaire au bénéfice

d’un autre propriétaire. A ce dessaisissement volontaire, se juxtaposent d’autres

définitions comme l’idée d’une perte, d’un dessaisissement de l’être, d’une perte de la

conscience de soi, perte de liberté que l’on retrouve dans l’aliénation mentale, image de

la folie et de l’enfermement. En effet, sous l’Ancien régime, l’aliénation mentale peut

s’accompagner de la perte de liberté qui résultait soit de la décision judiciaire

d’enfermement, soit de la décision familiale de séquestration dès lors que l’aliéné restait

confié à sa famille. L’interdiction des fous et des prodigues a pour objectif de protéger leur

patrimoine pour qu’il n’échappe pas à leur famille.

Avec l’apparition du code Napoléon en 1804, l’interdiction est précisée en ces termes par

l’article 489 :« le majeur qui est dans un état habituel d’imbécilité, de démence ou de

fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides. » Les

prodigues qui se dessaisissent de leur patrimoine sans en envisager les conséquences

pour eux-mêmes et leur famille, bien que leur trouble ne soit pas plus défini, se voient

assister d’un conseil judiciaire pour tous les actes ayant trait à leur patrimoine.

Les progrès de la médecine font peu à peu émerger grâce aux travaux de Philippe PINEL,

savant aliéniste et Jean Etienne ESQUIROL, psychiatre, la reconnaissance de l’aliéné

comme malade avec l’obligation de le soigner dans des hôpitaux spécialisés ouverts dans

chaque département. C’est ainsi que la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés organise le

fonctionnement de ces établissements hospitaliers, fixe les modalités de placement et de

sortie et jette les bases de la psychiatrie. Elle définit un régime provisoire des aliénés non

interdits placés dans un hôpital psychiatrique : l’administration provisoire des biens. Celle-

ci est décidée par la commission administrative de surveillance de l’établissement et

exercée par l’un de ses membres. Ainsi, la protection juridique se concentre, et pour

longtemps, sur la protection des biens de l’interné, alors que la protection de la personne

relève du travail thérapeutique.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 11 -

1.2.2 La loi de 1968 : Le sujet incapable

A) Contexte et objectif

L’administration provisoire, mise en place par la loi de 1838 sur les aliénés, s’impose et

rend désuet l’ensemble du dispositif tutélaire, interdiction et conseil judiciaire, présent

dans le code civil. Très vite, l’évolution de la psychiatrie qui se met à soigner hors de

l’hôpital, dès que la maladie ne contraint plus à l’isolement, entraine une sortie

progressive des malades. La désinstitutionalisation s’accompagne, sans préparation et

sans délai, du retour à la pleine capacité et à la liberté de gestion. C’est l’ensemble des

prises en charge qui n’est plus adapté et qui va nécessiter la réforme du code civil.

La loi du 3 janvier 1968, rédigée par le doyen Jean CARBONNIER, portant réforme du

droit des incapables majeurs introduit une scission entre le médical et le judiciaire en

supprimant l’administration provisoire automatique lors d’un internement. Ainsi, elle stipule

que « les modalités du traitement médical, notamment quant au choix entre

l’hospitalisation et les soins à domicile, sont indépendantes du régime de protection

appliqué aux intérêts civils »19.

Cependant, elle dote les médecins de nouveaux pouvoirs. Celui d’effectuer, au nom du

principe de protection, une déclaration de sauvegarde de justice auprès du procureur s’ils

constatent qu’un patient a besoin d’être protégé et celui d’établir une expertise médicale

obligatoire pour qu’un juge puisse prononcer l’ouverture d’une mesure de protection si le

malade est atteint d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles.

Fondée sur « la défaillance de l’homo juridicus »20, l’incapacité dans la loi du 3 janvier

1968 est lue comme un « négatif de l’autonomie en tant qu’elle remet en cause les

potentialités de l’individu à se réaliser comme une personne juridique »21. Son

établissement se fait au vue de l’empêchement de pourvoir seul à ses intérêts du fait

d’une altération des facultés mentales ou d’une altération des facultés corporelles

lorsqu’elles empêchent l’expression de la volonté.

Mais la loi prévoit aussi un régime de protection basé sur des critères de subjectivité, pour

pallier à des attitudes non conformes avec la norme sociale représentée par le

comportement de bon père de famille. Il en est ainsi pour l’intempérant, l’oisif et le

prodigue quand il « s’expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exécution de ses

obligations familiales »22. Ainsi donc, la loi s’attache à couvrir une incapacité plus

générale en lui donnant une dimension sociale.

19 .Loi du 3 janvier 1968, article 490-1

20 BROVELLI G et NOGUES H « La tutelle aux majeurs protégés : la loi de 1968 et sa mise en

œuvre ». p 27 21

Ibid. p 28 22

Loi du 3 janvier 1968, article 488 alinéa 3

Page 20: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 12 -

Dans une période de croissance où l’Etat providence a suffisamment de ressources, la loi

confie à la puissance publique l’exercice des mesures de protection des plus faibles dès

lors qu’aucune famille ne peut en assumer la charge.

Refusant de légiférer sur la protection de la personne, elle prévoit une gradation du

régime de protection afin que les malades accèdent de manière souple à l’une ou l’autre

des mesures dès qu’ils peuvent assumer davantage de responsabilité, ceci étant un

élément capital au plan thérapeutique.

B) Les mesures de protection

La loi de 1968 décline 3 types de mesures de protection :

La sauvegarde de justice :

Elle résulte, soit d’une déclaration médicale comme indiqué plus haut, soit d’une

décision du juge, prise pour la durée de l’instance, lorsqu’il est saisi d’une demande de

mesure de protection. Cela lui donne, en cas d’urgence, le temps d’instruire la procédure,

tout en prévoyant la protection de la personne. Le majeur placé sous sauvegarde de

justice garde sa capacité, mais ses actes peuvent être réduits dans leurs conséquences

voire annulés s’ils lui ont porté préjudice. La liberté d’exercice de ses droits par le majeur

peut être limitée par la décision du juge d’instituer un mandataire spécial pour réaliser des

actes déterminés à la place de la personne protégée. Dans ce cas, le pouvoir du

mandataire est l’équivalent de celui d’un tuteur pour les actes de moindre importance qui

ne nécessitent pas d’autorisation spécifique du juge ou du conseil de famille. La mesure

de sauvegarde de justice est la seule à être limitée dans sa durée. Elle s’éteint par

l’arrivée à son terme si elle n’est pas renouvelée ou par la mise en place d’une mesure

de curatelle ou de tutelle.

La curatelle :

Elle est destinée au majeur qui « sans être hors d’état d’agir lui-même, a besoin

d’être conseillé ou contrôlé dans les actes de la vie civile »23. L’assistance du curateur se

manifeste par la nécessité de poser ensemble les actes les plus importants de la vie

civile : gestion du patrimoine, vente d’un bien, acceptation d’une succession. Cette

assistance se manifeste le plus souvent par l’apposition de la signature du curateur à côté

de celle de la personne. Cette assistance peut se transformer en représentation si le juge

fait application de l’article 512 de la loi en ordonnant que le curateur « percevra seul les

revenus de la personne en curatelle, assurera lui-même, à l’égard des tiers, le règlement

23Loi du 3 janvier 1968 article 510

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 13 -

des dépenses ». La porosité avec le régime de la tutelle est manifeste. Dans le régime

de la curatelle, c’est bien la curatelle renforcée qui a toujours été la plus utilisée par les

juges, la curatelle simple relevant presque de dispositions exceptionnelles. Cependant, la

mesure de curatelle peut aussi être allégée, en étant aménagée par le juge en faveur du

majeur « plus capable », par dérogation aux dispositions habituelles de la curatelle. Ainsi,

un majeur protégé pourra être autorisé par le juge à continuer de disposer d’un chéquier

pour effectuer ses paiements.

La tutelle :

C’est le régime de protection le plus fort dans l’arsenal législatif. Inspirée de la

tutelle des mineurs, la tutelle « est ouverte quand un majeur, pour l’une des causes

prévues à l’article 490, a besoin d’être représenté d’une manière continue dans les actes

de la vie civile. »24

L’organisation d’une tutelle complète passe par la décision du juge d’instaurer un conseil

de famille composé des membres des familles maternelles et paternelles et présidé par le

juge des tutelles. C’est le conseil de famille qui élit le tuteur en son sein. Le tuteur peut

faire seul les actes de gestion courante, dits d’administration. Pour les actes de

disposition, ceux qui comportent une conséquence importante pour le patrimoine de la

personne, le tuteur doit y être autorisé par le conseil de famille. Lorsque la tutelle est

vacante (absence de famille), elle peut être confiée à un service tutélaire. Dans ce cas,

toutes les décisions qui relevaient du conseil de famille, devront être autorisées par le

juge des tutelles.

Dans la tutelle, la représentation est continue et il y a peu de place pour la liberté et

l’expression de la personne protégée. Ainsi, le majeur en tutelle est privé du droit de vote.

Il faudra attendre la loi du 11 février 2005 pour la modification de l’article 5 du code

électoral en ces termes : « Les majeurs placés sous tutelle ne peuvent être inscrits sur les

listes électorales à moins qu'ils n'aient été autorisés à voter par le juge des tutelles ». Les

évolutions sociétales inscrites dans la loi du 15 novembre 1999 relative au PACS leur

sont interdites dans son article 2 qui prévoit que « Les majeurs placés sous tutelle ne

peuvent conclure un pacte civil de solidarité ».

Avec l’inflation des mesures de protection et l’explosion du coût du dispositif pour

l’Etat, la nécessité de réformer la loi du 3 janvier 1968 s’est imposée au début des années

90. L’inspection diligentée par les ministères de la justice, de l’économie et des finances

et de l’industrie, de l’emploi et de la solidarité a publié son rapport final en avril 2000,

neuf ans avant l’application de la réforme de la protection des majeurs.

24Loi du 3 janvier 1968, article 492

Page 22: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 14 -

1.2.3 La loi de 2007 : l’autonomie et le droit des usagers

Longtemps attendue, la réforme du 5 mars 2007, qui s’applique depuis le 1er janvier

2009, organise deux grandes orientations qui m’apparaissent essentielles : la protection

de la personne et l’inscription de l’activité professionnelle de la protection juridique dans le

champ de l’action sociale.

A) Les principes de subsidiarité, de nécessité et de proportionnalité

Une mesure de protection ne peut être prise que lorsqu’elle est strictement nécessaire

et qu’aucun autre accompagnement de l’ordre familial ou social n’est suffisant.

Pour éviter les dérives observées sous l’empire de la loi précédente, les mesures de

protection ne pourront être envisagées par le juge qu’en cas d’altération constatée par

certificat médical, des facultés mentales ou des facultés corporelles si elles empêchent

l’expression de la volonté. Les mesures de protection doivent être nécessaires et leur

mission ne peut être remplie par aucun autre dispositif existant. A ce titre, elles sont

subsidiaires.

Pour la première fois, la volonté législative exprime comme impératif le respect des droits

et libertés fondamentales de la personne protégée. La protection « est instaurée et

assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la

dignité des personnes »25. Le législateur prévoit à cet effet la proportionnalité et

l’individualisation de la mesure de protection en fonction du degré d’altération des

facultés personnelles. Il limite la mesure dans sa durée et en prévoit la révision à son

échéance. Le juge devra motiver le degré de la mesure de protection qu’il prend au

regard de l’insuffisance d’une mesure plus légère compte tenu de l’état de santé de la

personne. Il pourra considérer que la protection de la personne n’entre pas dans les

attributions du protecteur qui n’assurera qu’une protection des biens. Il pourra également

prévoir, quelle que soit l’importance de la mesure (curatelle ou tutelle), que la protection

de la personne fera l’objet d‘une assistance. En cas de tutelle, si l’assistance apparaît

insuffisante, le juge pourra prévoir la représentation de la personne.

B) Protection de la personne et autonomie

La protection « a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la

mesure du possible l’autonomie de celle -ci »26. La loi prévoit le partage de la protection

25 Code civil, article 415, alinéa 2.

26 Code civil, article 415, alinéa 3.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 15 -

de la personne entre le protecteur qui voit son champ d’intervention s’étendre et la

personne protégée qui peut prendre « seule les décisions relatives à sa personne dans la

mesure où son état le permet »27. Décider pour soi-même vient limiter explicitement la

présomption d’une incapacité continue à se protéger et reconnaître que la personne est la

mieux à même de prendre les décisions la concernant. Cette disposition a pour corollaire

l’obligation d’informations de la personne protégée imposée au protecteur par l’article

457-1 du code civil. Celui-ci doit lui donner « toutes informations sur sa situation

personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les

conséquences d’un refus de sa part ».

La loi de 2007 favorise les décisions et choix personnels de la personne protégée qui

garde le libre choix de sa résidence et de ses relations. Quel que soit le degré de sa

protection, elle lui laisse la possibilité de réaliser des actes qui ont des conséquences

personnelles fondamentales sur sa vie. Les dispositions relatives au PACS sont

modifiées : les personnes en curatelle et en tutelle pourront conclure un pacte civil de

solidarité. Elles pourront le rompre seules sans assistance ni autorisation. La personne en

tutelle aura la possibilité de faire un testament avec l’autorisation du juge, le tuteur ne

pouvant ni l’assister, ni la représenter. Elle peut révoquer seule tout testament effectué

avant ou après l’ouverture de la tutelle. Enfin, pour rappel, le droit de vote des personnes

en tutelle devient le principe, sa suppression devant être motivée par le juge à l’ouverture

de la mesure au regard de l’état de santé de la personne.

Malgré ces indéniables avancées dans l’autodétermination des personnes, je souhaite

évoquer ici l’importance du code de la santé publique depuis la loi du 4 mars 2002 sur le

droit des malades en matière de consentement aux soins, aux traitements médicaux et

aux interventions chirurgicales. Elle indique dans son article L 1111-4 : « Le

consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché

s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». La loi de 2007 superpose

à ce dispositif l’obligation pour le tuteur de requérir l’autorisation du juge pour prendre une

décision concernant une opération portant gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la

personne protégée. Elle subordonne ainsi à cette autorisation le consentement aussi

éclairé soit-il de la personne en tutelle.

On peut noter également dans le domaine de la santé que la personne en tutelle ne peut

toujours pas désigner une personne de confiance après sa mise sous tutelle, le tuteur

jouant de facto ce rôle.

Enfin, je veux revenir sur les dispositions relatives aux actes impliquant un consentement

strictement personnel énoncés dans l’article 458 du code civil : actes de l’autorité

parentale, déclaration du choix du nom ou du changement de nom d’un enfant,

27 Code civil, article 459, alinéa 1.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 16 -

consentement à sa propre adoption ou à celle de son enfant. En exigeant une décision

strictement personnelle pour ces actes et en refusant toute forme d’assistance pour y

parvenir, le législateur en a quasiment interdit l’accès aux personnes protégées.

Malgré ces quelques contradictions entre les textes, lorsque le législateur étend le champ

d’intervention du protecteur à la protection de la personne jusqu’alors acquise aux

thérapeutes, il confirme le passage de la protection juridique vers un dispositif socio-

judiciaire dans lequel le travail social peut prendre toute sa part.

C) Le droit des usagers

La loi du 5 mars 2007, en déclinant un volet préventif de mesure d’accompagnement

social personnalisé (MASP) pour les personnes présentant des difficultés à gérer leurs

ressources, fait aussi entrer la protection judiciaire des majeurs dans le code de l’action

sociale et des familles. L’article L 312-1 de ce code affirme que : « les services mettant en

œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre

du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice

ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire »

font partie des services sociaux et médico-sociaux. A ce titre, ils concourent à l’action

sociale et contribuent à une mission d’intérêt général. Les personnes prises en charge par

les services mandataires se voient garantir l’exercice de leurs droits et libertés

individuels aux fins notamment de prévenir tout risque de maltraitance : c’est le droit des

usagers. Décliné par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, il

fait l’objet d’une adaptation spécifique pour les services mandataires.

Le droit des usagers dans les services mandataires donne la priorité à l’information de

la personne et à son accès à cette information par des documents divers : notice

d’information, règlement de fonctionnement, charte des droits et libertés de la personne

protégée. Il étend l’accès de cette information à des parents ou personnes proches en cas

d’impossibilité d’informer la personne elle-même. Il garantit un accompagnement

individualisé de la personne favorisant le développement de son autonomie et

systématisant la recherche de son consentement éclairé. Il prévoit la participation directe

de la personne au document individuel de protection des majeurs qui devra définir les

objectifs de la mesure de protection. La participation des personnes protégées au

fonctionnement du service mandataire est prévue. Elle peut prendre la forme d’un conseil

de la vie sociale ou des autres formes de participation prévues par la loi.

Ainsi les personnes protégées par une mesure judiciaire contraignante deviennent

aussi usagers d’un service qu’elles n’ont, le plus souvent, pas choisi. La relation avec le

service mandataire s’en voit profondément modifiée par la participation de la personne

Page 25: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 17 -

protégée au fonctionnement du service mandataire dont elle devient un acteur avec lequel

il convient de partager l’exercice même de la mesure de protection.

1.3 Le service de l’ATMP 74 à la croisée du judiciaire et du social

1.3.1 L’histoire de l’engagement des parents

A) Les premiers pas

C’est dans le registre manuscrit destiné à recevoir les procès-verbaux de

l’association tutélaire des majeurs protégés de la Haute Savoie que sont consignés en

mémoire ses premiers pas. Le procès-verbal de l’Assemblée constitutive décrit ainsi

l’objet de l’Association : « Quand il ne reste plus personne, parent ou ami, capable de

veiller sur le sort d’un handicapé majeur (et seulement dans ce cas) nous apporterons

une solution de secours ». 28

Portée par de nombreux membres de l’ADAPEI, plusieurs directeurs d’établissement, le

président de l’UDAF, le représentant de la DDASS et le conseil général, la création de

l’ATMP74 le 21 avril 1975 fait consensus autour du majeur handicapé isolé. Le Président

de l’ADAPEI justifie la nécessité de l’intervention d’un organisme spécifique « car elle

permet d’organiser autour de lui le climat d’affection que ne peut plus lui donner la famille

et de résoudre les problèmes qui se poseront à lui ».

Le premier conseil d’administration comprend 23 membres dont 14 parents de mineurs ou

d’adultes handicapés. En juin 1976, à l’occasion de sa première assemblée générale,

l’Association fait un premier bilan de son expérience. Elle exerce 5 mesures de protection

confiées à des bénévoles. C’est le président qui est en relation avec les majeurs

protégés. L’Association fait de l’information sur les mesures de protection à destination

des familles. Elle marque son attachement aux bonnes relations avec les foyers

d’hébergement à qui elle délègue une partie de l’exercice des mesures : « L’Association

doit dégager les directeurs de foyer de certaines responsabilités ou les couvrir par une

délégation de pouvoirs en matière de gestion des biens ».

Grâce aux subventions des Associations de parents, elle gère un budget de 1160 francs.

Jusqu’en 1985, l’ATMP n’obtient aucun financement de l’Etat alors qu’elle exerce 35

mesures. L’ADAPEI est le support logistique du fonctionnement de l’ATMP et c’est cette

union d’associations de parent qui a porté ses débuts en lui prêtant son cadre associatif et

en la subventionnant.

28 Annexe1 : Extrait du procès-verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74

Page 26: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 18 -

B) L’expansion et la professionnalisation

La convention de financement avec l’Etat en 1986 permet à l’ATMP d’embaucher sa

première salariée. A partir de cette date, l’expansion est rapide. Le budget augmente

régulièrement : 81 000 francs en 1986, 195 000 en 1987, 700 000 en 1989 et 1 520 000

en 1990. L’ATMP peut embaucher son premier directeur en 1989. Elle double quasiment

son activité entre 1989 et 1990 pour atteindre 173 mesures de protection dont 73% sont

des mesures de tutelles. 57% des bénéficiaires de ces mesures vivent en établissement

pour personnes handicapées.

Entre 1990 et 2000, l’ATMP multiplie son activité par 15. Elle créé 6 antennes pour couvrir

le territoire départemental et organise un déménagement par an pendant 10 ans pour

adapter ses locaux à son activité.

Au vu du registre des procès-verbaux des Assemblées générales, j’ai pu reconstituer

ainsi l’expansion de l’ATMP :

Progression de l’activité :

ANNEES MESURES TUTELLE CURATELLE AUTRES

(Conseil de famille)

1986 32

1988 93 63 30

1993 574 204 355 15

1995 882 288 563 31

2002 1626 501 1125

2011 2117 636 1471 10

Progression des emplois :

ANNEES SALARIES ETP MJPM SECRETAIRES NOUVEAUX

POSTES

1988 3 2 1.5 0.5

1989 5 Directeur

1997 33 24 8

2002 58 44,73 35 11 4 responsables

1 comptable

2011 88 84,91 Directrice adjointe

Juriste

Informaticien

Assistante de

direction

Page 27: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 19 -

Les statuts de l’Association ont été modifiés en 2011 pour mieux prendre en compte la

diversité de la population concernée par le dispositif de la protection juridique. Ainsi, le

conseil d’Administration est composé d’une part de personnes physiques dont les parents

ou les proches sont des personnes handicapées et d’autre part, de représentants de

personnes morales, « associations à but non lucratif, dont l’objet est l’aide à des

personnes handicapées du fait d’une déficience intellectuelle, d’une maladie mentale,

d’une perte d’autonomie due au vieillissement ou à une addiction, d’une altération de ses

capacités corporelles 29».

En 2014, l’engagement des associations de parents reste intact malgré la difficulté de

trouver des bénévoles. Les 12 membres du conseil d’administration sont tous investis

dans d’autres responsabilités associatives au sein d’associations œuvrant dans le champ

du handicap et plus récemment dans celui des personnes âgées représenté par un

membre du CODERPA 30.

1.3.2 Environnement et contexte du service

A) Le quasi-monopole du service mandataire

La protection juridique dans le département

L’ATMP74 est quasiment le seul service mandataire à œuvrer sur le département.

La DRJSCS en mars 2014 a publié ses statistiques31dans lesquelles elle établit le nombre

de personnes prises en charges en Haute Savoie par des services mandataires, au 31

décembre 2011, à 2544 alors qu’à cette période l’ATMP74 exerce environ 2000 mesures.

Elle a limité son activité à la protection juridique des majeurs, alors que l’UDAF, souvent

active dans le domaine de la protection juridique, s’est cantonnée, en Haute Savoie, à la

mise en œuvre du dispositif concernant l’exercice des tutelles aux prestations sociales

puis des MASP. A la demande des juges, un service mandataire de l’Isère a obtenu un

agrément sur la Haute Savoie pour l’exercice de 350 mesures de protection.

La contribution départementale de la Haute Savoie au schéma régional de la protection

juridique des majeurs de 2010 à 2014 s’appuie sur l’évolution prévisionnelle de la

population jusqu’en 202032 :

29 Extrait des statuts de l’ATMP74

30 Comité départemental des retraités et des personnes âgées.

31DRJSCS, 9 avril 2014 « Panorama statistique jeunesse sport cohésion sociale Rhône Alpes

2013 » p 15 consulté le 13 avril 2014 sur le site http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Panorama-statistique-2013.html 32

DRJSCS, 24 septembre 2010, « Schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales »p 50, consulté le 13 avril 2014 sur http://www.rhone-alpes.drjscs.gouv.fr/Les-majeurs-proteges.html

Page 28: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 20 -

Haute

Savoie

Population

au 1er

janvier (en

milliers

Structure par âge Population par âge

0-19

ans

20-59

ans

60 ans

ou +

0-19

ans

20-59

ans

60 ans

ou plus

2010 726 038 25.8 53.8 20.4 187 515 390 559 147 964

2015 765 095 25.0 52.5 22.5 191 171 401 603 172 321

2020 803 973 24.2 51.2 24.4 196 513 411 451 196 009

Source : INSEE

L’augmentation de la population en Haute Savoie la met, selon la lettre de l’INSEE

de mars 200933, au 1er rang des départements de Rhône Alpes, à égalité avec l’Ain, pour

la croissance démographique. Tirée par la proximité de Genève, tous les territoires en

bénéficient. La hausse de la population confirme l’étalement périurbain des zones

urbaines. L’ATMP74 a su s’implanter au cœur de ces zones en développant des

antennes sur Annecy, Annemasse, Cluses, Thonon et la Roche sur Foron, assurant ainsi

la couverture du territoire départemental et la proximité avec les usagers et les

partenaires.

Le schéma régional fait également le constat de l’accroissement de la population des

personnes âgées via l’indicateur des bénéficiaires de l’APA en augmentation, sans

pouvoir envisager ses répercussions sur l’activité tutélaire.

En ce qui concerne les mesures de protection juridique, la DDCS établit à 19% leur

croissance entre 2007 et 2009. Près de 80% des mesures de protection concernent des

personnes à domicile alors que la moyenne régionale est de 64%. Elle reconnaît que

cette spécificité du département de Haute Savoie a « de fortes répercussions sur la

charge de travail des services de tutelle »34.

La difficulté des coopérations :

Avec quatre tribunaux d’instance et 6 juges d’Instance qui font aussi fonction de

juges des tutelles, il est difficile de travailler à une harmonisation des relations. Chaque

tribunal et son greffe dispose d’un mode d’organisation différent. Les juges, accaparés

ces dernières années par la révision des mesures de protection, ont tous leurs exigences

et attentes spécifiques de l’intervention d’un service mandataire. Ainsi, malgré la réforme

et les ajustements inévitables qu’elle engendre, il n’y a pas eu de concertation entre les

mandataires judiciaires du département et les magistrats pour envisager des

33 INSEE, mars 2009, « lettre n°108 » consultée le 13 avril 2014 sur

http://www.insee.fr/fr/insee_regions/rhone-alpes/themes/syntheses/lettre_analyses/01108/01108_RP_74.pdf 34

DRJSC, op cité, Schéma régional p 52

Page 29: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 21 -

fondamentaux communs traçant des repères pour l’action des professionnels tant sur la

forme que sur le fond.

Dans le cadre de l’UDAPEI, l’injonction du conseil général sur la mutualisation de moyens

entre les associations adhérentes conditionnait le maintien du poste de son chargé de

mission. Des commissions de travail ont été constituées avec des professionnels de

chaque association adhérente pour évoquer les coopérations possibles dans le domaine

des pratiques professionnelles, des ressources humaines, des achats et des appels à

projet. Malgré la volonté de l’UDAPEI, les associations concernées ont déjà établi des

réseaux par affinités géographiques ou d’actions. Ce travail n’a donc pas abouti. La

situation de quasi-monopole dans lequel se trouve l’ATMP ne facilite pas son

rapprochement avec des associations départementales autour de la protection juridique.

J’en fais encore le constat autour du projet de service d’aide aux tuteurs familiaux

que l’ATMP74 porte depuis de très nombreuses années sans en avoir trouvé le

financement. Fin 2013, c’est l’UDAF qui inaugure ce service, subventionné par l’UNAF et

ouvert sans concertation avec l’ATMP74 alors que sur de nombreux département, on

assiste pour l’établissement de ce service à la création d’une plateforme commune

réalisée par une pluralité d’acteurs de la protection juridique.

Cette difficulté d’une situation monopolistique vécue de manière non hégémonique par

l’ATMP74 la conduit à regarder au-delà du département.

B) L’amorce d’un ancrage plus régional

L’ATMP74 fait partie des huit ATMP de la région Rhône Alpes qui ont fondé

l’Union Tutélaire Rhône Alpes (UTRA) en 1992. L’URAPEI y est membre de droit. Son

but essentiel est d’être une instance de réflexion, de promouvoir une politique

commune d’actions, de réaliser une entraide entre ses membres. Elle peut organiser et

gérer des services d’intérêt commun aux membres. C’est ainsi qu’elle s’est dotée d’une

plateforme de formation à destination des professionnels des associations adhérentes.

La réunion mensuelle des directeurs est un espace d’échange qui permet d’élaborer

des positions communes relayées par l’UTRA. Une réunion trimestrielle des chefs de

service s’est mise en place fin 2013 pour réfléchir aux pratiques professionnelles. Ces

réunions répondent à un besoin croissant de partage et d’échange d’informations. Si

des positions communes sont arrêtées et constituent un cadre de référence encore

peu formalisé, l’UTRA n’a pas encore réussi à développer de réelles coopérations

entre les associations qui restent sur des fonctionnements très individuels et pour

certaines concurrentiels.

Le conseil d’administration de l’ATMP74 au vu de l’échec des coopérations au sein de

l’UDAPEI esquisse une volonté d’implication plus forte au sein de l’UTRA dont l’objet

Page 30: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 22 -

est entièrement tourné vers le regroupement régional d’associations mettant en œuvre

les mesures de protection juridique.

D’autres regroupements régionaux ont des incidences sur le partenariat de l’ATMP74.

Une charte des bonnes pratiques est en cours d’élaboration entre la chambre

interdépartementale des notaires de Savoie et les deux ATMP de Savoie et de Haute

Savoie. Il n’a pas été possible pour le moment d’étendre la concertation à l’ensemble

des services mandataires des deux départements en raison de leur difficulté à travailler

ensemble.

C) Le double contrôle de l’autorité administrative et de l’autorité judiciaire

L’entrée des services mandataires dans le champ de l’action sociale depuis 2009

a profondément troublé la visibilité de leurs missions par les professionnels. Le

contrôle de la justice reste inhérent à la mesure judiciaire. Il se traduit à la fois par la

surveillance annuelle des comptes de gestion remis au greffe du tribunal pour chaque

majeur protégé, et par le contrôle du juge sur les demandes d’autorisation pour agir et

les actes effectués. Ce contrôle s’exerce aussi à l’occasion des révisions des mesures,

ou suite à la demande d’un majeur protégé. Il se double d’un contrôle administratif et

financier exercé par la DDCS. Organe de contrôle de la conformité des services avec

le droit des usagers et le système de l’évaluation, décideur en matière budgétaire et

régulateur de l’activité par le biais des schémas régionaux, l’autorité administrative est

devenue omniprésente dans le paysage des services mandataires judiciaires. Au

niveau régional, certaines DRJSCS investissent la réflexion sur les usagers des

services mandataires. La DRJSCS du Nord Pas de calais35 s’est intéressée à la

participation des majeurs protégés. La DRJSCS des Pays de Loire a publié en mars

2014, à l’intention des professionnels, un guide d’accompagnement des majeurs

protégés atteints de troubles psychiques36dont l’objet est de coordonner les

interventions du mandataire judiciaire et des professionnels de santé autour du majeur

protégé, avant, pendant et après son hospitalisation.

A l’occasion de l’élaboration de son projet de service, les professionnels de l’ATMP74

se sont interrogés sur leur vision commune des missions du service mandataire. S’agit-

il d’un service administratif, d’un service social, d’un service d’auxiliaire de justice ?

Chacune des propositions a recueilli environ un tiers des réponses confirmant la

35 Les cahiers de la DRJSCS juin 2012 : pratiques et conceptions relatives à la participation des

majeurs protégés en Nord-Pas-de-Calais : une étude qualitative. 36

Le guide d’accompagnement des majeurs protégés atteints de troubles psychiques consulté le 13 avril 2014 sur le site http://www.pays-de-la-loire.drjscs.gouv.fr/Guide-d-accompagnement-des-majeurs.html

Page 31: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 23 -

difficulté d’une vision partagée sur la nature des missions et au-delà de

l’accompagnement des personnes. C’est à cette croisée du judiciaire et du social que

se tient l’ATMP74 cherchant à redéfinir les orientations d’un accompagnement tutélaire

conforme au mandat judiciaire et garant du droit des usagers.

1.3.3 Une organisation nouvellement intégrée dans le champ de l’action sociale

A) Description du service mandataire de l’ATMP7437

Métiers et effectifs :

Au fil des années, l’organisation du service s’est structuré autour de deux métiers

principaux : celui de mandataire judiciaire à la protection des majeurs et de secrétaire.

L’expansion du service a nécessité l’adaptation de sa structure d’encadrement. Chaque

antenne est sous la responsabilité d’un chef de service qui cumule aussi la fonction de

mandataire judiciaire au prorata de la taille de l’antenne. Les effectifs actuels de l’ATMP74

se présentent de la manière suivante :

CATEGORIES PROFESSIONNELLES NOMBRE D’ETP AU 31 DECEMBRE 2013

Mandataires judiciaires 43.8 ETP

Secrétaires 26.92 ETP

Cadres 10.74 ETP

Au 31 décembre 2013, l’ATMP74 emploie 89 salariés : 30 secrétaires, 48 mandataires, 11

cadres. La féminisation des métiers est prédominante. Sur 89 salariés, 8 sont des

hommes dont la moitié est en poste de cadres. 3 antennes sur 6 sont constituées

uniquement de femmes toutes catégories professionnelles confondues.

Les mandataires judiciaires ont tous un diplôme initial de juriste (niveau master) ou de

travailleur social (conseillère en économie sociale et familiale, assistante sociale,

éducateur spécialisé). Les recrutements les plus récents se portent essentiellement sur

les CESF qui sont le plus souvent candidates au poste de mandataire. Tous, sauf les très

nouvellement embauchés, ont obtenu le certificat national de compétence rendu

obligatoire avec la loi du 5 mars 2007.

Les secrétaires ont d’abord eu une fonction comptable consistant en l’enregistrement des

opérations de gestion pour le compte des personnes protégées. Peu à peu, leur mission a

intégré une fonction plus administrative : rédaction de courrier, classement, remplissage

des dossiers administratifs. Leur niveau de recrutement s’est élevé ces dernières années

37 Annexe 2 : organigramme de l’ATMP74

Page 32: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 24 -

avec de plus en plus souvent un diplôme de niveau III (BTS). L’arrivée de secrétaires

ayant un parcours dans le secteur privé du tertiaire ou de l’industrie a impulsé de manière

empirique une augmentation du champ de compétences dans l’utilisation de l’outil

informatique et une évolution de la fonction de la secrétaire /comptable vers l’assistance

du mandataire judiciaire.

Les responsables de service sont tous issus des mandataires judiciaires. Le niveau de

formation de l’encadrement (CAFERUIS, CAFDES) est une préoccupation du conseil

d’administration. Il favorise ces formations pour tous les cadres ayant une fonction

sociale : sur les 8 cadres ayant une fonction sociale 3 en sont diplômés et 3 en cours de

formation.

Situation budgétaire et financière :

Après avoir connu de nombreuses années de restrictions budgétaires, l’ATMP74 a

obtenu en 2011 les moyens de développer les fonctions supports et administratives pour

apporter aux mandataires judiciaires le soutien nécessaire à leur mission. Elle atteint le

niveau des indicateurs nationaux mis en place dans le cadre de la convergence tarifaire.

C’est en 2011 qu’elle a pu créer les postes de direction adjointe, de juriste, d’assistante

de direction et d’informaticien, 2 postes de responsables et 6 postes de secrétaires. Cette

restructuration a permis de transférer une partie des tâches administratives effectuées par

les mandataires aux secrétaires, de professionnaliser l’intervention des mandataires sur le

plan juridique et patrimonial avec le soutien de la juriste, d’assurer la mise en place des

outils relatifs au droit des usagers et d’engager une rénovation de la communication

institutionnelle (projet associatif, changement de logo, diffusion de nouvelles plaquettes

d’information, développement des interventions publiques sur les mesures de protection).

Compte tenu de l’importance de la gestion dans l’activité tutélaire, le service a pu se doter

des moyens informatiques indispensables à la sécurisation de ses données.

Avec un budget annuel de 4,2 millions d’euros, l’équilibre semble atteint en 2012, alors

que la situation financière reste toujours fragile, l’ATMP74 ne disposant pas de patrimoine

et de très peu de fonds propres. En 2013, la diminution sévère des recettes provenant de

la participation des usagers (-130 000 euros) et la perspective d’une diminution de la

dotation globale en 2014 fragilise encore un peu plus la situation financière de

l’association qui devra trouver des marges de manœuvres pour diminuer ses charges

alors qu’elle doit faire face à un accroissement sensible de l’activité sur les deux premiers

trimestres 2014.

Les flux d’activité :

La volonté politique qui a présidé à la création de l’ATMP74 était de développer un

service indépendant des associations de parents prenant en charge des services

Page 33: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 25 -

d’hébergement des personnes handicapées. De cette volonté, encore présente

aujourd’hui, est né un service ayant vocation à gérer une seule activité, la protection

juridique. De ce fait, l’association est tributaire des flux d’activité dont elle n’a pas la

maitrise.

Après l’expansion des premières années, la progression s’arrête en 2009 et le nombre de

mesures stagne jusqu’en 2011 pour chuter d’une centaine de mesures à la fin de l’année

2013. Le début de l’année 2014 permet d’envisager un rebond significatif de l’activité avec

100 nouvelles mesures en trois mois, ce qui correspond à la moitié des nouvelles

mesures enregistrées en 2013. Les juges, conscients de la difficulté du service à absorber

autant de nouvelles mesures dans de si brefs délais, constatent la défection de certains

mandataires privés et une hausse importante des demandes de mesure de protection qui

ne peuvent être confiées qu’à l’ATMP74.

Avec une charge de travail fixée à 51 mesures pour un poste à temps plein de mandataire

et à 100 pour un poste à temps plein de secrétaire, le flux de l’activité, imprévisible,

variable selon les tribunaux, engendre très rapidement des répercussions sur

l’organisation interne et la charge de travail des antennes. Il suppose des ajustements

rapides en matière de recrutement et de mobilité professionnelle malgré l’absence de

perspective sur les ressources financières à court terme et une convention collective peu

attractive dans un département ou le transport et le logement constituent des charges

financières importantes pour les salariés.

B) La population accompagnée

Caractéristiques 38:

Curatelle : 66%

De 50 à 70 ans : 60,27%

Hommes : 53 %

Personnes âgées : 24%

Personnes handicapées : 60% dont 28% relèvent du handicap psychique.

Hébergement

Logement autonome

(locataire et propriétaire)

: 53,7%

Etablissement : 32,7%

Famille naturelle : 5,3%

Ces quelques statistiques mettent en évidence la prédominance des mesures de curatelle

puisqu’elles concernent deux tiers de la population accompagnée et la proportion

38 Annexe 3 : Graphiques des données de l’ATMP74 au 1

er mars 2014.

Page 34: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 26 -

importante de personnes handicapées bénéficiant d’une mesure de protection. La

majorité de cette population a plus de 50 ans et a déjà un parcours de vie significatif. La

part de la population hébergée dans un établissement ne constitue que le tiers des

personnes accompagnées. Si plus de la moitié vit dans un logement autonome de

manière habituelle, on constate qu’environ 10% de cette population n’est répertorié dans

aucun type d’habitat traditionnel.

Le mouvement de désinstitutionalisation, l’augmentation des soins ambulatoires en

psychiatrie, et le développement des services à la personne favorisent le maintien à

domicile de personnes qui relevaient jusqu’alors de l’hospitalisation. Aujourd’hui, 0,6% de

la population accompagnée vit de manière habituelle en établissement psychiatrique.

Besoins et attentes de la population

Les personnes protégées vivant en logement autonome bénéficient souvent de

plusieurs accompagnements qui favorisent le maintien de leur autonomie : SAVS,

SAMSAH, services à la personne, ESAT. Les prises en charge multiplient les intervenants

autour de la personne. Leur coordination et la place laissée à l’usager au milieu d’un

ensemble de dispositifs devient un enjeu significatif de la cohérence des

accompagnements.

La mesure de protection juridique concerne aussi des personnes très isolées et

désocialisées pour lesquelles elle est considérée comme le dernier recours, là ou toute

autre forme d’intervention a échoué. Des conditions de vie précaires (expulsion en cours,

logement insalubre, sans domicile fixe), le déni de la maladie, le rejet de tout soin ou de

toute forme d’aide, la perte des droits aux ressources et à la protection sociale

l’endettement qui en découle, sont à l’origine de la protection juridique. Confiée à un

service mandataire, elle est l’aveu de la nécessité d’une protection qui ne peut être le fait

d’aucun autre dispositif contractuel, social ou familial.

Cependant, la plupart des personnes protégées sont insérées dans un système familial

(fratries, enfants, petits-enfants, parents). A ce titre, elles restent parties prenantes des

enjeux historiques, affectifs, économiques qui contribuent à fonder leur identité familiale.

La population qui bénéficie d’une mesure de protection n’y est pas forcément favorable et

n’a pas initié cette démarche. Elle connait généralement les contraintes qui y sont

attachées, vécues comme une perte majeure d’accessibilité à son argent, aux

informations qui la concernent, à l’exercice de ses droits, ce qui conditionne de manière

fondamentale ses choix de vie, son autonomie et son estime de soi. L’enquête de

satisfaction réalisée auprès de 436 majeurs protégés en fin d’année 2012 a obtenu 221

réponses qui nous révèlent que 21% de ces personnes ne sont pas satisfaites de l’aide

Page 35: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 27 -

apportée par l’ATMP74 pour « favoriser leur autonomie et valoriser leurs potentiels et

leurs capacités39 ». En ce qui concerne l’argent, 35% d’entre elles disent ne pas connaitre

leur budget et pour une sur trois, ce budget n’a pas été établi de manière concertée40. Six

personnes sur dix ne disposent pas de leurs relevés de compte bancaire et 49% disent ne

pas connaitre leur situation financière41.

CONCLUSION INTERMEDIAIRE :

Les nouveaux attendus législatifs et réglementaires confirment l’intérêt de la

société mondiale pour l’égalité des droits et des capacités dans la construction d’une

politique communautaire à la recherche de cohésion sociale. Le droit international

préconise l’intégrité de la capacité juridique des personnes qui ne peut pas être limitée

par des pratiques substitutives de représentation. Le droit français s’en est inspiré en

retenant le principe de nécessité et de proportionnalité sans toutefois mettre fin au régime

de représentation.

L’accent mis sur le développement de la protection de la personne, sa nécessaire

participation aux choix qui la concernent, son pouvoir d’agir et à défaut le soutien de son

autonomie, interroge les pratiques professionnelles individuelles et collectives des

services mandataires.

Le principe de précaution et la recherche du « risque zéro » tendent à la normalisation

des procédures, à la recherche de processus qui déclinent des étapes incontournables et

des outils-solution au détriment du respect de la liberté individuelle et de l’incertitude qui

jalonne les trajectoires de vie. Cependant, de nombreuses voix s’élèvent dans les

domaines économique, philosophique et social pour promouvoir la prise en compte du

choix des individus à vivre comme ils le souhaitent. Les professionnels de la protection

juridique ne peuvent pas y rester indifférents compte tenu de l’importance des pouvoirs

qui leur sont conférés.

39ATMP74 Enquête de satisfaction p 101

40 Ibid. p 59

41 Ibid. p 63 et 65

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 28 -

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 29 -

2 L’accompagnement tutélaire à l’épreuve des droits

fondamentaux

2.1 La dimension politique de la personne protégée

2.1.1 La citoyenneté de la personne protégée

A) Les sources plurielles de la citoyenneté

A travers l’histoire, la citoyenneté s’affirme comme une qualité, un état ou un concept

qui évolue en fonction de la maturité des peuples à penser leur organisation sociale et

politique.

Ainsi les cités grecques attribuaient la qualité de citoyen de manière très restrictive à des

hommes libres et selon des critères variables de naissance, de richesse, de propriété

foncière. Si son statut pouvait sembler enviable, le citoyen grec devait remplir de

nombreuses obligations. Il participait à l’exercice des pouvoirs législatif et exécutif, il

rendait la justice et devait défendre sa cité. La cité d’Athènes, en donnant le pouvoir à la

communauté des citoyens, « le démos », sans tenir compte de critère de richesses, a jeté

les bases de la démocratie entendue comme une forme de gouvernement où « la

démocratie n'est pas le pouvoir de tous mais la souveraineté de ceux qui constituent le

demos, le peuple citoyen ».42

Du contrat social, constitué par l’acte volontaire des individus à se rassembler en

renonçant à leur liberté absolue au profit des règles énoncées dans l’intérêt général,

émerge l’acte fondateur de la société voulu par le sujet citoyen. Il pose le problème de la

représentation rendue nécessaire par l’extension de la cité et du droit de vote.

En 1789, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen exprime l’affirmation de la

liberté et de l’égalité des hommes en droits : présomption d’innocence, liberté d’opinion,

liberté d’expression, droit de propriété. La puissance publique garantit les droits et libertés

du citoyen qui ne peuvent être limités que par la loi.

Ainsi la citoyenneté moderne ouvre au citoyen, au-delà du droit de participer à la vie

politique, un droit à de réelles libertés civiles et politiques.

Dans le préambule de la constitution de 1946, les obligations de l’Etat vis-à-vis du citoyen

sont affirmées. Dans ce texte, c’est la nation qui assure à chaque citoyen, hommes et

femmes, un certain nombre de droits dits « droits créances », droit à la protection de la

santé, à la sécurité matérielle, droit à des moyens convenables d’existence. Dès 1789, le

42 CNDP Centre national de documentation pédagogique consulté le 16 mai 2014 sur

http://www.cndp.fr/archive-musagora/citoyennete/citoyennetefr/quiestcitoyen.htm

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 30 -

principe de la souveraineté se concentrait dans la nation : « Nul corps, nul individu ne

peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».43 La citoyenneté française reste

attachée à ce critère de la nationalité, qui relève de l’appartenance à un ensemble

identitaire plus vaste que la communauté, le particularisme régional, ethnique ou culturel.

Etroitement liée à la démocratie, à l’exercice des droits et des libertés dans le respect de

la loi et attachée à une appartenance identitaire, la citoyenneté dépasse le cadre du droit

de vote et de l’éligibilité.

B) Eligibilité et droit de vote des personnes protégées

Jusqu’au 1er janvier 2009, les personnes protégées en tutelle étaient automatiquement

privées du droit de vote qu’elles pouvaient retrouver en saisissant le juge qui statuait sur

leur demande. Depuis cette date et la modification de la loi, l’article 5 du code électoral

stipule : « Lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le

maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée ». Ainsi,

l’automatisme ne fait plus loi et hormis les personnes en tutelle dont le juge a supprimé le

droit de vote, la plupart des personnes protégées peuvent voter aux élections relevant du

suffrage universel.

Cependant les conditions d’inéligibilité dans les instances législatives et exécutives que

sont l’Assemblée nationale, le Conseil Général et la Municipalité s’étend aux personnes

en tutelle et en curatelle. Elles ne peuvent pas faire acte de candidature, ni être élues.

Ainsi, dans le régime politique de la démocratie française, la majorité des personnes

protégées sont interdites de représentation de leurs concitoyens par un mandat politique.

Cet empêchement s’étend aux fonctions inhérentes à la justice. Pour être électeur et

éligible aux fonctions prud’homales, il ne faut être l’objet d’aucune interdiction,

déchéance, incapacité relative aux droits civiques44. Ces conditions sont renforcées dans

le code de procédure pénale pour la fonction de juré de Cour d’Assises. La liste des

personnes incapables d’être jurés s’étend aux majeurs sous sauvegarde de justice, aux

majeurs en tutelle et aux majeurs en curatelle45.

C) L’accès au statut associatif

« L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en

commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre

que de partager des bénéfices. » nous dit l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 relative au

contrat d’association. Pour en être membre, il suffit d’adhérer. Si cette démarche est

considérée comme constitutive d’un acte à caractère strictement personnel qui ne

43 Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, article 3

44 Code du travail, article L1441-16

45 Code de procédure pénale, article 256

Page 39: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 31 -

supporte aucune représentation ni assistance, la seule volonté de la personne emporte

validité de l’adhésion.

Le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine

des personnes placées en curatelle ou en tutelle prévoit que la candidature aux fonctions

de gérant et d’administrateur d’un groupement doté de la personnalité morale est classée

comme un acte de disposition46. Il emporte donc la co-signature du curateur. Mais les

fonctions au sein d’une association et de son Conseil d’administration peuvent être

assurées par la personne protégée seule dès lors qu’elles n’ont aucune dimension à

caractère de gestion patrimoniale.

2.1.2 La participation de la personne protégée

A) La participation dans la mise en œuvre de la mesure de protection juridique

Le processus démocratique moderne favorise de plus en plus l’implication directe des

citoyens dans la préparation des décisions publiques qui les concernent. Il a également

pris corps dans le secteur social et médico-social avec la loi du 2 janvier 2002. Celle-ci

prévoit la participation directe de la personne prise en charge par des établissements et

services sociaux et médicaux-sociaux « à la conception et à la mise en œuvre du projet

d’accueil et d’accompagnement qui la concerne »47. Cette participation est envisagée

comme une des dispositions garantissant à l’usager l’exercice de ses droits et libertés

individuels.

L’ANESM dans sa recommandation de bonnes pratiques professionnelles d’avril 201248

aborde trois aspects de cette participation : la participation des personnes à leur propre

mesure de protection, la participation des personnes au fonctionnement du service et son

soutien organisé par le service et ses professionnels. Elle invite les professionnels à

identifier les objectifs et le sens de cette participation : personnalisation de

l’accompagnement, valorisation de l’autonomie, amélioration de la qualité de la prestation,

reconnaissance des personnes en tant que citoyen à l’échelle du service. Elle insiste sur

l’importance de la co-décision et de la co-construction.

La participation de la personne à l’exercice de sa mesure de protection se développe

dans une expression libre, facilitée et prise en compte par les professionnels à travers des

outils adaptés. Elle invite à poser un regard nouveau sur la personne protégée et à

questionner son pouvoir d’agir quand bien même il existe une mesure de protection. Elle

vient combattre la présomption d’incapacité identifiée dans la protection juridique par la

46 Décret n°2008 du 22 décembre 2008, annexe I, relatif aux actes de gestion du patrimoine des

personnes placées en curatelle ou en tutelle. 47

CASF, article L311-3 48

ANESM, juillet 2012 Participation des personnes protégées dans la mise en œuvre des mesures de protection juridiques

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 32 -

perte de l’exercice de droits, la minoration du droit à agir de la personne protégée ayant

pour automatisme l’attribution de ce droit à un autre. Son droit à l’information, à

l’expression de ses besoins et de ses attentes, le recueil de ses choix et de son

consentement constituent les bases d’un rapport social où la confusion n’est plus

possible entre la minoration de l’exercice des droits et la perte de ces droits.

La participation des personnes protégées au fonctionnement du service permet leur

association à la définition de l’intérêt général à l’échelle du service. Elle implique que le

fonctionnement et la qualité du service les concernent directement dans une vision

démocratisée de la relation d’aide dans laquelle la philosophie du « rien pour nous sans

nous » de la Coordination handicap autonomie fait écho. Le débat sur l’impossible

représentation des personnes protégées par les personnes protégées elles-mêmes est

caduque. Les initiatives en faveur de formes de participation autres que l’enquête de

satisfaction émergent, notamment avec les groupes de parole dont la timidité cependant

exprime bien la difficulté à s’approprier de part et d’autre l’exercice citoyen.

Le développement de la participation des personnes à la mise en œuvre de leur mesure

de protection instaure une autre dimension de l’accompagnement évoquée par Roland

Janvier et Yves MATHO49 dans la création par les professionnels des conditions qui

permettent aux personnes en difficulté de reprendre leur destin en main. Il ne s’agit pas

seulement de trouver des solutions mais de permettre un processus de recherche de

qualité et de pertinence des décisions basé sur l’échange et la reconnaissance des

capacités des personnes à exprimer et à mettre en œuvre ce qui est le mieux pour elles.

B) Participation aux échanges : don, dette et lien social

La protection juridique accorde autant d’importance à la protection de la personne qu’à

celle de ses intérêts patrimoniaux. L’argent est une considération essentielle dans la mise

en œuvre de la mesure de protection et son caractère multi dimensionnel mérite un

développement particulier.

Par son objectivation de la valeur, l’argent universalise la possibilité d’échange en

donnant un prix à chaque chose. Il permet à chacun de réaliser la satisfaction d’un besoin

ou d’un désir en rendant l’échange possible. Il permet de se libérer de toute sorte de

dettes et d’obligations mises à la charge des individus rassemblés en société autour de

normes partagées (paiement de l’impôt, du loyer, de la pension alimentaire …). L’argent

rend puissant « parce qu’il est puissance d’action » nous dit Jean BEAUJOUAN50 : « Par

49

JANVIER R et MATHO Y, 2011, Comprendre la participation des usagers dans les organisations sociales et médico-sociales. 4

ème édition DUNOD.

50 BEAUJOUAN J L’argent et le lien social, conférence du 9 mars 2006, consultée le 29 mai 2014

sur http://www.jean-beaujouan.fr/IMG/pdf/L_argent_et_le_lien_social.pdf

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 33 -

convention entre les hommes, c’est un concentré de valeur, de désir et de pouvoir, et à ce

titre un instrument d’échanges entre eux et un moteur de l’action ».

C’est pourquoi, gérer l’argent d’autrui pour autrui pèse sur cette puissance dont le

transfert légal modifie fondamentalement le rapport aux autres. Dans « Essai sur le

don », Marcel Mauss s’intéresse aux formes et raisons de l’échange dans les sociétés

primitives. L’échange s’y pratique sous la forme du don et de l’obligation de le rendre sans

laquelle le donataire perd définitivement la face et devient esclave de sa dette. La

puissance et le prestige se construise dans le « potlatch », rivalité totale dans le don et le

contre don jusqu’à la perte de toute richesse. Si dans ces sociétés, l’obligation de rendre

provient du pouvoir de la chose donnée partie constituante de l’âme de son propriétaire, il

n’en demeure pas moins que la notion de valeur y est pleinement attachée et qu’elle

forme le creuset de nos formes d’économie. Marcel MAUSS l’évoque ainsi : « De même

les cadeaux au chef sont des tributs ; les distributions de nourriture (sagali) sont des

indemnités pour travaux, pour rites accomplis, par exemple en cas de veillée funéraire. Au

fond, de même que ces dons ne sont pas libres, ils ne sont pas réellement

désintéressés »51.

L’accessibilité à l’argent pour les personnes protégées en tant qu’instrument de l’échange,

tant dans sa dimension économique que sociale, est un enjeu essentiel de

l’accompagnement par les professionnels. Richard GAILLARD, maitre de conférence en

sociologie à l’Université d’Angers, évoque la privation pour un individu de la manipulation

de l’argent : « Diminuer les possibilités d’échanger, c’est aussi réduire les capacités de

l’individu à être reconnu, et à participer à un réseau social. Que cette privation se légitime

par la protection de la personne, l’importance des processus sur lesquels elle porte peut

entrainer les effets inverses d’une protection, à savoir, sa négation en tant que sujet

social »52.

Ce paradoxe ne tient pas seulement à l’argent dans la relation tutélaire, mais également

au lien d’accompagnement. Paul Fustier, dans son ouvrage « Le lien

d’accompagnement » fait un retour vers Marcel MAUSS et repère dans le travail social

deux formes d’échanges : l’échange contractualisé qui correspond aux attendus du

contrat de travail, et l’échange par le don, interprété par la personne accompagnée dans

l’ambiguïté autour de la relation d’accompagnement et la question qu’elle se pose sur le

professionnel : « Pourquoi fait-il cela ? Qui est-il ? Qui suis-je pour lui ? ». Ce que Fustier

nomme « l’énigme d’autrui ».

51

MAUSS M Essai sur le don, extrait de l’année sociologique, seconde série, 1923-1924, tome I consulté le 31/05/2014 sur http://anthropomada.com/bibliotheque/Marcel-MAUSS-Essai-sur-le-don.pdf 52

GAILLARD .R, 2004, Janus ou l’argent dans les pratiques tutélaires, Recherches familiales UNAF consulté sur http://www.cairn.info/revue-recherches-familiales-2004-1-page-95.htm le 31 mai 2014.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 34 -

Pour les services mandataires, tout soupçon sur la gestion de l’argent doit être levé. De

ce fait l’interdit de recevoir quelque chose de la part des personnes protégées fait partie

inhérente des postures professionnelles. Richard GAILLARD y voit pour les personnes

protégées l’impossibilité de s’inscrire dans des rapports d’échange et leur maintien dans

la position de celui qui reçoit : « Par ce statut de bénéficiaire, et ce seul statut, elles

peuvent être dans la position paradoxale d’être endettées, car dans l’impossibilité de

rendre en échange de ce bénéfice et de cette protection 53».

Cette situation met les professionnels mal à l’aise devant cette relation d’échange

déséquilibrée qui les place dans une position de pouvoir à l’égard des personnes

protégées. La suggestion de Paul FUSTIER sur le métissage de ces deux formes

d’échange (échange du fait du contrat et échange par le don) pour faire lien

d’accompagnement apporte un éclairage indispensable sur ce qui se joue dans

l’accompagnement tutélaire et constitue une réelle invitation à créer un lien

d’accompagnement qui favorise le changement de place laissée à la personne protégée

pour envisager son passage de donataire à donateur dans sa participation aux échanges

créateurs de lien social et d’identité.

2.2 L’approche des « capabilités »

Rester ou redevenir acteur de sa vie et maitre de son destin est une aspiration

essentielle à laquelle se heurtent les populations accompagnées dans le cadre d’une

mesure de protection juridique. L’approche des « capabilités » d’Amartya SEN54 en

s’attachant à « l’ensemble de capacités » qui permet à l’individu d’orienter sa vie en

valorisant ce qu’il veut faire et être, interroge l’opportunité que peut constituer la mesure

de protection dans le soutien aux capabilités. Au cœur de cette approche, les libertés

jouent un rôle fondamental tant pour ce qui relève du pouvoir d’agir que du pouvoir de

choisir. La participation y garantit le processus d’élaboration de choix fondés et informés

par les individus, acteurs à part entière de leur vie. Le rôle politique des capabilités dans

la promotion de la justice sociale est affirmé par Martha NUSSBAUM55. Cette approche

inspire à B.EYRAUD dans son concept d’autonomie partagée une vision de la

collaboration possible entre la personne protégée et le mandataire judiciaire.

53 Ibid.

54 Professeur au Trinity College de Cambridge. Prix Nobel de l’économie en 1998

55 Philosophe américaine

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 35 -

2.2.1 Le primat des libertés

Pour Amartya SEN, prix Nobel d’économie en 1998, c’est au regard de cet

ensemble de capacités, qui relève à la fois du domaine individuel et du domaine politique,

qu’il faut évaluer le niveau de développement d’une société.

Son étude donne à la liberté une place centrale dans le processus du développement,

estimant trop réducteur de n’évaluer le développement qu’à l’aune de la croissance du

niveau de revenus. Pour lui, la liberté « prend en compte aussi bien les processus qui

permettent l’exercice d’un libre choix dans l’action que les possibilités réelles qui s’offrent

aux individus, compte tenu des conditions de vie dans lesquelles ils évoluent ». Ainsi, il

distingue les libertés substantielles et les libertés instrumentales.

Les libertés substantielles, ou fondamentales, ont un rôle constitutif dans le

développement. Elles prennent en compte « les capacités élémentaires » (faculté de

survie) ainsi que « les libertés qui découlent de l’alphabétisation, de la participation

politique ouverte, de la libre expression ». Essentielle dans le processus de

développement, la participation désigne la liberté d’expression et la possibilité d’influencer

les décisions.

2.2.2 Les opportunités réelles de participation

Les libertés instrumentales permettent aux individus de vivre selon leurs

aspirations. SEN en distingue cinq : Les libertés politiques (ce qui permet de choisir un

gouvernement et de le contrôler), les facilités économiques (ce qui donne accès à

l’utilisation des ressources économiques pour consommer, produire, échanger), les

opportunités sociales (ce qui valorise la santé et l’éducation), les garanties de

transparence (ce qui introduit une dimension de confiance dans les relations sociales), la

sécurité protectrice (ce qui institue la protection sociale des plus vulnérables aux aléas de

la conjoncture).

Les libertés instrumentales orientent la configuration économique, sociale et politique

d’une société. En ouvrant de multiples opportunités, elles renforcent les capacités des

personnes. Pour Sen, l’estimation des capacités concernent d’une part les

fonctionnements, c’est-à-dire ce que la personne est en mesure d’accomplir concrètement

pour réaliser ses aspirations et d’autre part les opportunités réelles dont elle dispose,

fonctionnements potentiels, qu’elle est libre de choisir ou pas, l’important étant l’existence

du choix. En situation de choisir, même si aucun choix n’est opéré, les personnes sont

considérées comme acteurs à part entière. Elles peuvent tirer parti des opportunités pour

accéder à la maitrise de leur destin.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 36 -

La CNSA56 cite l’approche des capabilités développée par Amartya SEN dans son

rapport 2013 « Affirmer la citoyenneté de tous ». Dans la deuxième partie du rapport,

« construire ensemble les politiques qui nous concernent », elle exprime son attachement

à ce que « le droit de s’exprimer (la liberté d’expression) se transforme en opportunités

réelles de se forger un avis éclairé, de faire valoir son point de vue, de faire des choix et

de se faire entendre »57.

En janvier 2013, le CRTS58 de Bretagne, à l’occasion de sa saisine pour mieux

définir la participation des usagers, a rendu un rapport qui s’intitule « Le pari de la

participation. Promouvoir la culture participative comme vecteur de transformation

sociale ». Il y observe que « la participation engendre également des opportunités de

renforcement des capacités en mettant l’accent sur la confiance en soi et sur les

relations, en développant les compétences et les réseaux, et en permettant d’acquérir un

sentiment de responsabilité »59. Le nouveau modèle économique prôné par Amartya SEN

trouve une résonnance concrète dans une action sociale nourrie par la participation des

personnes accompagnées et garante des droits permettant aux personnes d’accéder à

telle ou telle liberté. « Ainsi, le langage des droits peut compléter celui des libertés »60 .

2.2.3 Soutenir les capabilités pour réduire les vulnérabilités

A) Capabilités et droits, le ressort de la justice sociale

Martha NUSSBAUM a élaboré avec Amartya SEN la théorie des capabilités. Elle utilise

l’idée de capabilités comme « le cœur d’une description de la justice sociale minimale »61

qui doit s’inscrire dans la constitution afin de porter une « attention constante au

traitement égal des minorités »62 dont les droits doivent être particulièrement protégés.

Elle exprime ainsi sa définition de la justice sociale : « le respect pour la dignité humaine

exige que les citoyens soient placés au-dessus d’un certain seuil de capabilités dans

chacun de ces dix domaines ».63Dans cette intention, elle désigne dix capabilités

centrales dont l’absence met la vie humaine en danger : La vie - la santé du corps -

l’intégrité du corps - les sens, l’imagination et la pensée – les émotions - la raison

56 Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

57CNSA Affirmer la citoyenneté de tous Rapport 2013 p 27, consulté le 8 juin 2014 sur

http://www.cnsa.fr/IMG/pdf/Rapport_de_la_CNSA_2013_vote_le_15_avril_2014.pdf 58

Comité Régional du Travail Social 59

Comité régional du travail social de Bretagne « Le pari de la participation » janvier 2013 consulté le 8 juin 2014 sur : http://www.crts-bretagne.fr/doc/Rapport%20Participation%20CRTS%20de%20Bretagne.pdf 60

Ibid. p 304 61

M.NUSSBAUM Capabilités comment créer un monde plus juste p101 62

Ibid. p 235 63

Ibid. p 59

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 37 -

pratique- l’affiliation - les autres espèces (animaux, plantes, nature) – le jeu - le contrôle

sur son environnement.

Si le développement des capabilités appartient aux individus, il est de la responsabilité de

la société, principalement par le biais des politiques publiques, d’en offrir l’opportunité à

chaque citoyen. Ainsi la théorie des capabilités joue un rôle politique lorsque la société se

donne pour objectif de les soutenir dans une démarche de justice sociale ou l’égalité ne

se décrète pas dans la proclamation des droits mais se pense dans la possibilité d’un

plein accomplissement de ces droits.

B) La vulnérabilité, le ressort de l’autonomie

Martha NUSSBAUM confronte son approche aux problèmes contemporains. Elle

évoque la justice à rendre aux personnes en situation de handicap et de vieillissement, et

comment leur inclusion et le soutien de leurs capabilités pour les rendre moins

vulnérables exige de repenser la coopération sociale, non pas seulement en terme

d’avantages mutuels, mais centrée sur la bienveillance et l’altruisme.

Sur le site du ministère de la justice le portail des majeurs protégés dédie de nombreuses

pages à « comment protéger une personne vulnérable ? ». La vulnérabilité des personnes

protégées renvoient ici aux motifs qui fondent leur protection : altération des facultés

mentales, altération des facultés corporelles si elles empêchent l’expression de la volonté.

En droit, cette notion est particulièrement utilisée dans le code pénal. Elle constitue

l’élément d’infraction ou la circonstance aggravante de l’infraction lorsqu’elle est commise

« sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une

infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est

apparente ou connue de leur auteur. »

Le Larousse définit la vulnérabilité comme ce qui peut être exposé à recevoir des coups,

des blessures, des attaques.

Cette conception de la vulnérabilité basée sur des états individuels (âge, infirmité,

maladie, déficiences, maternité..) génère une réponse sociale automatique de protection

spécifique, vis-à-vis de ces états qui prédisposent à des risques accrus.

Pour Martha NUSSBAUM, c’est l’être humain qui est fondamentalement vulnérable à la

foi dans sa dépendance et dans son interdépendance. La dépendance fait partie de la

condition humaine à un moment ou à un autre de l’existence et la justice consiste à

prendre soin des autres quand ces instants surgissent, en suscitant leur capacité d’agir.

La vulnérabilité est aussi le fruit de l’interdépendance entre les êtres humains ainsi

qu’entre les êtres humains et leur environnement. La confrontation avec autrui, les

émotions qu’elle suscite et l’aperçu de sa propre incomplétude devant ce qui échappe à la

maitrise crée de la vulnérabilité.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 38 -

S’ouvrir au monde et aux autres dans une vulnérabilité assumée contribue au

développement de l’autonomie dans un processus complexe d’éducation et de

développement. La protection des droits, attention permanente de la justice sociale et

l’autonomie, vecteur de coopération sociale, peuvent-elles ainsi balayer le paradoxe qu’on

leur prête pour s’unir dans le soutien aux capabilités des personnes protégées ?

2.2.4 L’autonomie partagée en réponse à la demi-capabilité de la personne

protégée

A) Les différentes significations de l’autonomie

La loi du 5 mars 2007 a fait de l’autonomie un enjeu de la protection juridique : « Elle a

pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible,

l'autonomie de celle-ci »64. En référence à son sens étymologique, l’autonomie « désigne

la capacité, la liberté et le droit d’établir ses propres lois et la capacité de se gouverner

soi-même65 ». Fondée sur une altération des capacités et assortie d’une limitation de la

liberté, l’injonction de la loi apparaît paradoxale dans le cadre de la protection juridique.

Quand se marier, acheter son logement, résilier son bail, établir son budget, choisir ses

placements financiers, donner ses biens nécessitent l’accompagnement ou l’autorisation

d’un tiers, quel sens peut prendre l’autonomie ? La dimension opérationnelle de

l’autonomie est difficile à atteindre quand sa dimension conceptuelle s’attache à de

nombreuses significations et que la représentation que s’en font les travailleurs sociaux

influence leurs pratiques. J’entends toujours cette affirmation de certains mandataires

judiciaires : « l’autonomie n’est pas le sujet de la protection juridique ».

Le CREDOC66 a publié en septembre 2003 une recherche sur « la notion d’autonomie

dans le travail social, l’exemple du RMI ». Il en énumère des sens différents selon la

notion qu’on y attache. L’autonomie peut être lue comme une valeur qui consacre la

dimension de l’adulte. Elle peut être entendue comme une compétence liée à la faculté de

s’impliquer et de mobiliser ses ressources. Elle peut renvoyer à la notion de système dont

la complexité alimente l’autonomie en multipliant les dépendances. L’autonomie peut être

considérée comme un processus continu dans lequel la dimension relationnelle est

prédominante et permet l’appropriation des normes et des règles ou l’attribution de

pouvoir.

64 Code civil, article 415 du code civil

65 Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale p 90

66 Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 39 -

B) L’autonomie en partage

Benoît EYRAUD67, dans son ouvrage « protéger et rendre capable », postule la

« demi capabilité » de la personne protégée. Cette expression met en valeur les capacités

de la personne en tenant compte de ses limites. Elle signifie « une incomplétude, qui

peut-être celle des compétences propres des personnes autant que celles affirmées par

le droit » ainsi que « le partage en deux de la capacité de la personne entre ce qui lui

reste et ce qui est attribué comme pouvoir au mandataire »68. Grâce aux récits des

acteurs de la protection juridique, personnes protégées, mandataires, juges, juristes,

médecins, B.EYRAUD conclut que l’autonomie de la personne protégée est partagée

conduisant à des formes de collaboration différentes avec le mandataire. Et il dégage trois

modalités du partage de l’autonomie :

La première consiste à préserver l’autonomie d’initiative. Par une reconnaissance de son

besoin d’aide, et une acceptation de la protection, la personne permet un

accompagnement vers la réalisation de ses aspirations dans lequel elle garde la maitrise

de l’initiative et donc de la responsabilité des actes faits dans le cadre de la protection.

La seconde modalité de partage de l’autonomie concerne l’accompagnement de « la folle

autonomie »69, celle qui répond aux dépenses inconsidérées, aux insoumissions aux

obligations, à tous les actes déraisonnables. Ici, pas d’adhésion à la mesure de

protection, mais une ambivalence constante qui rend la protection à la fois vitale et

insupportable. Pour B.EYRAUD, le partage de l’autonomie repose alors sur la

présomption que la capacité de distinguer le bien du mal est toujours présente.

« Assumer la responsabilité de l’acte avec la personne passe par l’impératif d’en faire

cesser, par autorité et parfois par la force, les conséquences ». C’est ainsi que peut se

constituer « un « nous » qui seul peut assumer une folle autonomie dans la vie civile et

sociale »70.

Enfin, la troisième modalité de partage de l’autonomie consiste à « rendre possible une

autonomie enfouie»71. Elle concerne les personnes qui se dérobent à toute relation

sociale. Marginales, elles n’expriment aucune aspiration ordinaire. La collaboration avec

le mandataire n’est pas directe. Dans le « rendre possible une autonomie

enfouie » B.EYRAUD évoque deux formes d’intervention possibles pour le mandataire.

« Porter la demande de la personne » en se référant non pas à ce qu’elle ferait, mais à ce

qui est socialement important et qui consiste le plus souvent à éviter un danger.

67 Maître de conférences en sociologie à l’université Lyon 2

68 B.EYRAUD, 2013, « Protéger et rendre capable » Editions ERES p 51

69 Ibid. p 385

70 Ibid. p 388

71 Ibid. p 388

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 40 -

Pour illustrer cette forme d’intervention, je pense à la situation d’une personne atteinte du

syndrome de Diogène. Propriétaire sur le même palier de deux appartements, elle en

occupe un dans des conditions sanitaires devenues dangereuses pour sa santé et

nécessitant une opération de nettoyage et des travaux. Pendant une hospitalisation de

courte durée, la mandataire a réussi à obtenir son accord pour libérer cet appartement en

transférant ses affaires dans celui d’en face, afin d’entamer les travaux nécessaires au

nettoyage et à la mise en sécurité des lieux. Plusieurs entreprises sont intervenues avec

les précautions nécessaires au contexte particulier de ce déménagement et de sa

réinstallation. Cette intervention a été programmée en lien avec les soignants de l’hôpital.

Dans cette forme d’intervention, le mandataire a pu contribuer à la reconnaissance d’une

place sociale pour la personne.

« Rendre possible l’autonomie enfouie », c’est aussi veiller à ce que la participation des

personnes demeurent possibles en les représentant devant les tiers, et en leur

garantissant un accès à leurs droits.

L’approche de l’autonomie que livre B.EYRAUD donne du sens à la formule légale

« favoriser l’autonomie ». Elle est étroitement attachée à la diversité des populations

rencontrées et à l’intervention du mandataire pensée en soutien d’une collaboration-

représentation qui rend visible la personne dans la vie sociale.

Ces idées viennent largement enrichir les nouveaux enjeux de la protection juridique dans

une acception de l’autonomie qui dépasse le cadre de la capacité ou non d’agir. Elles

invitent les activités de protection juridique à penser la protection autrement que par une

gestion de réduction des risques liés à la vulnérabilité et à développer des formes de

soutien aux capabilités, appuyées sur les libertés et l’accomplissement des droits.

2.3 L’institution juste

2.3.1 Promouvoir l’éthique dans la relation à l’usager

A) La visée éthique de Paul RICOEUR

Pour Paul RICOEUR72, l’éthique est « la visée de la vie bonne avec et pour autrui

dans des institutions justes »73. Elle se distingue de la morale qui renvoie à un ensemble

de normes à caractère obligatoire et s’articule avec elle sans la laisser s’imposer en

dernier ressort.

72 Philosophe Français

73 P.RICOEUR 1990 Soi-même comme un autre, Editions du SEUIL, p202

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 41 -

La définition du philosophe comprend trois composantes :

La vie bonne :

C’est la perception que l’on a d’une vie accomplie. Cette visée de la vie bonne varie d’un

individu à l’autre. Elle est « la nébuleuse d’idéaux et de rêves d’accomplissement »74 de

chacun, ce vers quoi toutes nos actions tendent.

Avec et pour autrui :

Le recours à autrui est indispensable. P.RICOEUR évoque autrui comme un manque, un

besoin, le médiateur nécessaire pour passer de la capacité à agir à l’effectuation, ce qui

rend réelle l’action. Cet autre à qui je parle, qui m’interpelle, avec qui j’agis, qui fait partie

de mon histoire et devant lequel je suis responsable.

En élaborant le concept de sollicitude « basé fondamentalement sur l’échange entre

donner et recevoir »75et porteur de responsabilités réciproques, P. RICOEUR définit

l’éthique de réciprocité. La sollicitude peut prendre deux visages. Celui de l’amitié qui

ajoute « l’idée de mutualité dans l’échange entre les humains qui s’estiment chacun eux-

mêmes »76et celui de la compassion qui vient compenser l’inégalité de puissance dans

l’authentique réciprocité de l’échange.

Dans des institutions justes :

Le vivre bien dépasse le face à face interpersonnel et s’étend aux institutions construites

en manifestation du vouloir vivre ensemble dans la durée, de manière concertée, avec

des règles communes. La justice comprend l’exigence d’égalité selon laquelle chacun est

destinataire de ce à quoi il a droit. L’enjeu de l’Institution réside dans « la répartition des

rôles, des tâches, d’avantages, de désavantages entre les membres de la société »77.

Chacun, dans l’Institution, est attributaire d’un partage juste tant dans la participation à

l’Institution que dans la distribution de la part à laquelle il peut prétendre. En cela, « la

justice ajoute à la sollicitude, dans la mesure où le champ d’application de l’égalité est

l’humanité entière »78.

B) L’éthique dans la relation à l’usager

L’inscription de la protection juridique dans l’action sociale suscite l’interrogation du sens

du travail social dans la protection juridique : Quelle place pour l’accompagnement

personnalisé, le soutien à l’autonomie, dans un contexte qui tend à la mise en conformité,

à l’automatisation de certaines démarches, à l’informatisation des données, à la logique

judiciaire ?

74

Ibid p 210 75

Ibid p 220 76

Ibid p 220 77

Ibid. p 233. 78

Ibid. p 236

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 42 -

Pour Brigitte BOUQUET79, l’éthique c’est quand l’intériorisation de valeurs de référence

par les travailleurs sociaux rend possible leur mise en œuvre et les transforme en valeurs

d’usage. Ces valeurs humanistes, démocratiques, fondées sur le droit constituent le socle

qui structure l’action sociale : « L’ensemble des valeurs du service social est

essentiellement le reflet d’une éthique démocratique qui reconnaît l’importance de

l’accomplissement de la personne et du groupe, le respect des personnes et de leurs

dissemblances, tout en reconnaissant la nécessité de l’entraide et du soutien de la société

pour que chacun puisse se réaliser dans son intégralité »80.

L’éthique s’invoque dans l’action quand il y des conflits de valeurs, des distorsions entre

les discours et les pratiques. Elle interroge l’action, le sens de l’action, au nom de qui ou

de quoi on mène l’action. Le processus éthique induit ce questionnement pour construire

une décision juste, la meilleure ou la moins mauvaise possible, toujours ouverte à

l’évolution.

Pour illustrer ce propos, je pense à la situation d’un homme d’une trentaine d’années :

état de santé dégradé, consommateur de stupéfiants, titulaire de l’AAH, bénéficiaire de la

succession de son père pour un montant important. Il vient régulièrement au service voir

sa mandataire qui lui a imposé un cadre financier relativement strict, estimant que sa

santé est préoccupante et que tout l’argent qu’il demande en plus de ce qui a été défini

dans le cadre de son budget, servira à alimenter sa consommation de stupéfiant, ce qui

est sans fin. Les consignes sont claires : pas de suppléments. Il n’y a aucun partenaire

dans cette situation, la personne ayant refusé toute prise en charge sanitaire ou sociale.

Sa mère peut jouer un rôle d’alerte mais elle est aussi régulièrement victime des

violences de son fils dont elle a peur. En l’absence prolongée de la mandataire, sa

remplaçante et le service se trouvent confrontés au harcèlement quotidien de cet homme

pour obtenir de l’argent. Il argumente : besoin d’acheter de quoi se nourrir, besoin

d’acheter des cigarettes. Si on lui refuse, il ira se prostituer, il va se faire « tabasser » car

il doit de l’argent. « Vous me mettez en danger » dit-il à la mandataire ajoutant des

menaces à son propos. Par trois fois consécutives, le refus toujours opposé ne peut se

valider que par l’appel à la police qui lui fait évacuer les locaux.

Comment trancher entre ces valeurs qui s’affrontent : liberté, protection ? Une délibération

informelle entre les collègues et la responsable permet de tenir tant bien que mal la ligne

fixée par la mandataire titulaire. A quel prix, dans quel objectif, au nom de quoi, de qui ?

La mandataire remplaçante a besoin à son tour de se poser ces questions. Si elle a pu

envisager un positionnement vis-à-vis de l’usager en maintenant son refus d’accorder un

supplément sous la menace, il m’est apparu très concrètement que le questionnement

79 Personne qualifiée du Conseil Supérieur du Travail Social

80B.BOUQUET Ethique et travail social, une recherche de sens p43.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 43 -

éthique n’était pas porté par le service et que les décisions arrêtées relevaient d’une

approche individuelle. Formalisées dans des consignes succinctes, elles peuvent prendre

un caractère arbitraire et illégitime. Ce contexte rend impossible à l’Institution et encore

moins à la professionnelle d’assumer une responsabilité éthique dans la réponse faite à

la personne protégée. Et l’impossibilité d’assumer cette responsabilité pèse lourdement

sur les épaules de la mandataire qui s’efforce en outre de maintenir la relation avec la

personne protégée.

La recommandation de l’ANESM sur « le questionnement éthique dans les

établissements et services sociaux et médico-sociaux » fait de la réflexion éthique le cœur

de l’action : Elle lui donne du sens en aidant les professionnels à la lecture de la

complexité des situations, en facilitant la prise de décision la plus juste possible. Elle

contribue à la dynamique de l’organisation en interrogeant les valeurs et les règles qui la

fondent.

La situation concrète évoquée plus haut interroge la place de la réflexion éthique

dans le service mandataire. Encore méconnue et peu valorisée par le management, elle

est pourtant un enjeu central de l’engagement du directeur aux côtés des équipes.

Soutenues institutionnellement dans le processus de décision et d’actions, les

professionnels peuvent mieux en assumer les conséquences et rester ouverts au

questionnement permanent de leurs pratiques.

2.3.2 L’éthique de direction pour le développement d’une culture soutenante

Les managers et les consultants se sont appropriés le concept de management.

Décliné en méthodes, en points clés, en guide, en système de pilotage, de nombreux

ouvrages permettent d’envisager la difficulté de la fonction du directeur traversée par des

logiques diverses qu’il convient de ramasser dans une vision et une posture cohérente au

service d’un projet.

A) Responsabilité et engagement au service du projet

Roland JANVIER dans son ouvrage « Ethique de direction en Institution sociale et

médico-sociale » définit trois registres de responsabilité pour le directeur. La

responsabilité des salariés, la responsabilité des usagers et la responsabilité d’actions

sociales portées par les ambitions et le projet du politique pour la société contemporaine.

Ce projet irradie toutes les strates de l’intervention sociale. Il insuffle aux acteurs locaux la

volonté de porter une partie de ce projet dans une démarche volontariste, en référence à

des valeurs propres qui ont jeté les bases de leur engagement au service d’une partie de

la population. Le projet institutionnel ou associatif traduit cet engagement.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 44 -

L’article L 311-8 du CASF définit le projet d’établissement ou de service comme celui qui

« définit ses objectifs, notamment en matière de coordination, de coopération et

d'évaluation des activités et de la qualité des prestations, ainsi que ses modalités

d'organisation et de fonctionnement ». Le directeur est responsable de son élaboration et

de sa mise en œuvre.

Pour B.ROCHE et F.MARFOGLIA81 le projet réside dans la volonté et non dans le désir. Il

est engagement. Porté par la direction, il impulse le mouvement. Partagé, il est le moteur

du changement en appelant à la désolidarisation du système et à sa recomposition

autour d’unité nouvelle. « L’innovation que produit le projet est donc bien, par le couple

désolidariser-recomposer, le changement qui assure la continuité, le changement dans

l’identité ».82

Roland JANVIER écrit que « le projet est lien »83. C’est un flux qui relie les individus les

uns aux autres et donne réalité à la dimension du « nous » résultant de la rencontre des

projections des uns et des autres. En répondant à la question pourquoi, comment et pour

aller où, il est facteur de mobilité, agit sur l’incertitude et fait acte de confiance en l’avenir

sur lequel il tente d’influer.

Pour l’ANESM aussi une des finalités du projet de service est d’abord d’être « une

dynamique tant par le processus de production qui associe les parties prenantes que par

sa mise en œuvre qui stimule les équipes »84.

Le projet de service suscite la dynamique de l’accompagnement personnalisé. Si le

service mandataire n’a pas à élaborer des projets personnalisés d’accueil ou

d’accompagnement pour les personnes protégées, il doit élaborer avec elles, dans la

mesure du possible, le document individuel de protection des majeurs.

L’article L311-4 du code de l’action sociale et des familles le définit ainsi : « Ce contrat ou

document définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement

dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de

bonnes pratiques professionnelles et du projet d'établissement ou de service ».

Instrument d’échanges entre le professionnel et la personne, il fait le lien entre les

objectifs et les attentes de la personne et le projet porté par le service. C’est à partir de

cet échange que le professionnel peut co-construire avec la personne des indications

pertinentes d’action. Sa mise à jour annuelle par voie d’avenant décline le processus

vivant d’un accompagnement fondé sur le soutien des capabilités et des choix

d’accomplissement des personnes.

81

ROCHE B et MARFOGLIA F, 2006, L’art de manager, éléments pour comprendre, clés pour agir. 82

Ibid. p 106 83

R.JANVIER, 2011, Ethique de direction en institution sociale et médico-sociale p 38. 84

ANESM, mai 2010, Recommandations de bonnes pratiques professionnelles. Elaboration, rédaction et animation du projet d’établissement ou de service p 11.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 45 -

La prévalence du projet sur l’organisation engage le directeur dans une posture de

solidarité vis-à-vis des professionnels et des usagers destinataires de l’organisation. Il est

à côté des équipes qu’il soutient en apportant l’étayage nécessaire dont ils ont besoin

pour agir.

B) L’approche de la complexité

A l’heure de la démarche qualité, de l’efficacité économique, de l’évaluation des

résultats, il peut être tentant de vouloir entrer dans une démarche de simplification et de

clarification à travers l’élaboration d’outils et de méthodes dont le but est d’atteindre au

conformisme et à l’uniformité. Selon Roland JANVIER, cette simplification empêche la

perception des situations collectives et des problématiques individuelles car elle ne prend

pas en compte la complexité de la réalité dans le champ du travail social où tout est

interactions85.

Marc GENELOT, inspiré par plusieurs rencontres dont celle avec Edgard MORIN, donne

plusieurs définitions de la complexité : « La complexité se manifeste à nous d’abord sous

les traits de cette masse de situations, d’évènements, de phénomènes que nous

n’arrivons ni à comprendre ni à maîtriser »86. C’est aussi nous dit-il « un enchevêtrement

de causalités circulaires », « une conjonction d’ordre et de désordre » où « coexistent des

logiques différentes ou antagonistes ». Il en résulte incertitude et indécidabilité qui

nécessitent d’apprendre à penser la complexité pour comprendre la réalité complexe et à

la piloter.

Pour R.JANVIER, « la pensée complexe favorise une analyse des rapports d’usage qui

s’instaurent dans et autour de la relation d’aide »87. Les rapports d’usage désignent les

rapports qui s’instaurent autour de l’utilisation d’un dispositif public d’intervention entre

usagers et professionnels.

La grande réforme de la loi du 2 janvier 2002 a été d’introduire une modification de ces

rapports d’usage en donnant à l’usager des clés d’accès pour agir davantage sur le

fonctionnement des organisations dans lesquelles les usagers et les professionnels

peuvent partager du savoir et du pouvoir d’agir collectivement. Ce nouveau rapport

d’usage jette les bases de la dimension éthique du service qui peut alors soutenir un

projet démocratique basé sur le respect de chacun. En cela, « le rapport d’usage

restaure chacun dans sa citoyenneté »88.

85

JANVIER R., op cité, p 62 86

GENELOT M., 2011, Manager dans la complexité p22. 87

Ibid. p 64 88

JANVIER R. Droits et devoirs des usagers, consulté sur internet le 5 juillet 2014 : http://www.rolandjanvier.org/droit-usagers/643-droits-devoirs-des-usagers-23-04-2014/

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 46 -

L’approche de la complexité permet au directeur de relier toutes les dimensions d’un

environnement technique et humain en tension, sans en annuler ni en réduire aucune. Il

tient ensemble les éléments du système, il fait lien.

CONCLUSION INTERMEDIAIRE

La citoyenneté de la personne protégée prend à ce moment de mon étude tout

son sens. Sa liberté et l’accomplissement de ses droits nécessitent une protection dont le

nouveau visage se dessine. Elle se distingue par la place que prend la personne protégée

au côté des professionnels. Sa participation reconnue et favorisée fonde un nouveau

rapport social avec le mandataire judiciaire et lui permet par le contre don de ne pas

rester en dette. La relation entretenue par les professionnels avec les personnes

protégées devient un élément essentiel et fondateur d’un lien social basé sur la réciprocité

des échanges. Cette connaissance/reconnaissance de la personne est l’enjeu d’une

relation qui transforme le rapport de pouvoir induit par la représentation commune de la

protection juridique et l’autorité du mandat judiciaire : c’est la relation qui devient porteuse

de solutions et qui ouvre vers la liberté de choisir et d’agir pour atteindre à « la vie

bonne », perçue comme accomplissement par la personne protégée.

Cette transformation de la vision de la relation d’accompagnement dans la protection

juridique m’engage en tant que directrice du service mandataire à développer des actions

qui permettent aux professionnels et aux personnes protégées de s’approprier de

nouvelles places dans de nouveaux rapports d’usage.

Ce projet passe nécessairement par l’élaboration d’un autre « vivre ensemble » qui

s’appuie sur le droit des usagers et sur le management d’une organisation au service

d’une Institution juste.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 47 -

3 Construire une Institution juste

3.1 Elaborer un nouveau « vivre ensemble »

3.1.1 Favoriser la participation des personnes protégées

La personnalisation de l’accompagnement dans le cadre de la protection juridique

nécessite l’adaptation du service mandataire. De nouvelles représentations doivent se

substituer aux anciennes. Stratégiquement, je veux inscrire cette action de transformation

dans la continuité de l’engagement de l’ATMP74 au côté des personnes vulnérables

comme elle l’a réaffirmé dans son projet associatif89 puis dans son projet de service :

« Personnaliser l’accompagnement de la personne, c’est promouvoir une qualité d’écoute,

de compréhension et d’accompagnement qui prend en compte son histoire de vie, ses

fragilités, ses atouts personnels, ses ressources sociales et familiales ».

Un important travail de relation est déjà mis en œuvre par les professionnels. Pour de

nombreuses personnes protégées, très isolées, le mandataire judiciaire est le seul à faire

lien. Cependant, je veux éviter l’écueil de la confrontation possible entre la

reconnaissance du travail des professionnels et l’émergence de la personne protégée qui

participe à sa mesure de protection et au fonctionnement du service. Je vais donc partir

du droit des usagers et des outils existants qui en sont le support pour faire émerger cette

nouvelle orientation rendue plus lisible depuis l’écriture du projet associatif.

A) Personnaliser la mesure de protection avec le document individuel de protection

des majeurs

L’incompréhension du DIPM90

Le DIPM formalise l’orientation de l’exercice de la mesure de protection en fonction de

la prise en compte par le professionnel des besoins et des attentes des personnes

protégées. C’est le cadre individualisé de la mesure de protection juridique. Les

représentants des grands réseaux de la protection juridique UNAF, UNAPEI ont élaboré

à cette fin des modèles type de documents.

L’un d’eux est actuellement utilisé par le service. Il développe une partie évaluation de la

situation de la personne en balayant les différents domaines administratifs, financiers,

relationnels et une partie objectifs et actions. Présenté comme un outil qui formalise ce

que le professionnel faisait déjà de manière non explicite, il n’a suscité ni intérêt, ni

approche nouvelle de la relation.

89 Annexe 4 : Résultats de l’enquête de satisfaction

90 Document individuel de protection des majeurs

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 48 -

Un premier bilan de son utilisation par les mandataires cible la difficulté de faire

s’exprimer les personnes sur les enjeux de la mesure de protection pour elles. Selon les

mandataires, elles n’ont pas d’attente, sauf en ce qui concerne leur argent et pas ou peu

de projet. Le DIPM est donc une nouvelle fiche de renseignement sur la situation des

personnes. Les objectifs poursuivis pour personnaliser la mesure s’apparentent à des

actions type dans la fonction du mandataire comme la planification de la mise à

disposition d’argent.

L’observation des compétences sociales

Je pense que le DIPM est un outil d’aide à l’établissement de la relation avec la

personne protégée. Au début de la mesure de protection, il est le guide de la rencontre

avec la personne protégée axée sur le recueil de son expression. Il sera le fruit de ce que

la personne aura accepté d’exprimer sur ce qu’elle attend de la mesure de protection et

sur la place qu’elle veut ou peut y prendre. Il est l’occasion de définir les domaines de

responsabilités propres ou partagées entre le mandataire et la personne pour traduire

cette distinction dans la répartition entre eux des actions à engager. Au fur et à mesure

des avenants, il doit devenir le fil rouge de l’accompagnement de la personne, du

processus mis en œuvre pour redonner ou maintenir sa capacité, son autonomie et sa

liberté.

Le professionnel doit être en mesure de favoriser cette expression et l’émergence des

souhaits de la personne. Le référentiel d’observation des compétences sociales présenté

par Jacques DANANCIER91 me semble adapté au partage avec la personne protégée de

la compréhension de sa situation et de son parcours en s’attachant à toutes les

indications de ses capacités, de son autonomie, de ses ressources et appuis personnels

qu’elle trouve dans son environnement.

La porte d’entrée des premiers échanges est basée sur les dimensions du quotidien de la

personne protégée, plutôt que sur les nécessités induites par le fonctionnement du

service. La personne peut facilement en parler et elle peut projeter dans ces dimensions

des objectifs personnels d’amélioration, de changement, de demande d’aide. Des critères

seront à définir pour mesurer son niveau d’autonomie en vue de la co-construction de

réelles opportunités d’accomplissement pour la personne protégée.

L’enjeu de cette démarche nécessite la mise à distance de la nécessité du

fonctionnement de la mesure, du point de vue du service.

91

DANANCIER J., 2011, Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 49 -

La protection concertée

Le centre de l’attention doit se déplacer du professionnel et de ses obligations vers la

personne protégée. La recherche du consentement de la personne sur le DIPM, ses

objectifs, les actions à engager, les délais de réalisation permettront d’asseoir une relation

plus égalitaire favorisant la reconnaissance de toute la place que la personne protégée

peut prendre dans un dispositif dont elle n’est plus seulement bénéficiaire mais dont elle

est aussi partie prenante, actrice impliquée.

Le refus de consentement ou l’impossible consentement rappelle les limites de la co-

construction avec certaines personnes lorsqu’elles refusent la mesure ou sont dans

l’impossibilité d’exprimer leur accord. Il ne supprime pas le DIPM qui devient alors un outil

non partagé mais qui doit faire sens dans les valeurs et références de la personne

concernée, et, à défaut, dont le sens doit être questionné en référence aux droits et à

l’éthique.

L’intervention d’un tiers qui garantit ce cadre professionnel est indispensable. Le

responsable de service doit intervenir pour ajuster les places de chacun,

professionnel/personne protégée, personne protégée/service mandataire dans la

construction d’une protection concertée dans laquelle le juge des tutelles reste toujours le

recours possible à des arbitrages, des rappels à la loi, des autorisations, des

aménagements de mesure.

La transformation que je souhaite dans l’accompagnement implique l’appropriation par les

équipes de la démarche et d’un outil à modéliser. J’ai dans un premier temps présenté la

démarche aux responsables de services. Nous avons ensemble jeté les bases d’un outil92

qu’il faut affiner avec les professionnels, principaux utilisateurs et les usagers. J’ai eu un

temps d’échange avec chaque équipe pour affirmer l’engagement de l’ATMP74 à

travailler la personnalisation de l’accompagnement au travers du DIPM et je leur ai

présenté la démarche du référentiel d’observation des compétences sociales. Des

résistances se sont exprimées devant l’évaluation des compétences sociales : « Je

n’aime pas mettre des gens dans des cases ». Pour d’autres professionnels, au

contraire, cette démarche leur permet de clarifier leur intervention et d’asseoir leur

pratique sur un outil qui vient faire du lien avec la personne, facilitant les premières

rencontres et clarifiant le lien d’accompagnement proposé par l’ATMP74.

L’objectif est désormais d’associer à l’élaboration de l’outil des mandataires déjà investis

dans la démarche du DIPM. Ce groupe de travail aura en charge la finalisation de l’outil,

la validation par les personnes protégées auprès desquelles il sera présenté et évalué en

termes de qualité de l’échange, de mesure de l’autonomie, d’émergence des objectifs

personnalisés et des actions adaptées pour les atteindre.

92 Annexe 5 : Le DIPM basé sur l’évaluation des compétences sociales

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 50 -

Les liens entre le groupe de travail et les équipes doivent être recherchés dans la

communication de l’avancée des travaux et des retours des usagers. Il doit aussi s’établir

dans un travail propre à chaque équipe sur le DIPM en vue d’échanges inter sites. Les

responsables de service seront les référents de la démarche et de son accueil par les

personnes protégées.

La coordination des projets

Les personnes protégées sont souvent également accompagnées par d’autres

services SAVS, ESAT, établissements d’accueil. Elles y développent des projets

personnalisés. Aujourd’hui, certaines personnes protégées ont trois ou quatre projets

personnalisés dont la coordination reste oubliée. C’est un enjeu fort dans le processus

d’autonomie qui peut s’engager pour certaines d’entre elles ou dans le cadre d’un

parcours spécifique. Je pense, par exemple, aux travailleurs en ESAT qui peuvent quitter

l’hébergement collectif pour accéder à un logement autonome.

Je vais proposer cette coordination aux partenaires, formalisée dans une convention de

partenariat spécifique au projet personnalisé et au parcours de l’usager. Le service

mandataire est rarement à l’initiative des échanges avec les partenaires comme ils

peuvent l’être eux pour des synthèses. Je souhaite pour le service cette initiative de

coordination des projets lorsqu’elle est au service d’un parcours spécifique qui la rend

nécessaire, avec l’accord de la personne protégée et en sa présence. Chaque antenne

ciblera le partenariat avec lequel cette coordination est essentielle. Les conventions

seront établies par les professionnels, au plus près des besoins des usagers et validées

par leurs Institutions respectives.

B) Recueillir l’expression des personnes protégées

L’enquête de satisfaction

L’ATMP74 a diligenté en 2012 une enquête de satisfaction à destination des

personnes protégées. Des questionnaires ont été diffusés à 430 personnes protégées,

235 réponses ont été obtenues.

C’est le premier enseignement de cette enquête : les personnes protégées souhaitent

s’exprimer sur leur mesure de protection, sur leur relation avec le mandataire, sur l’accueil

par le service. Le questionnaire d’enquête élaboré par une commission des

administrateurs a souhaité s’attacher à l’information de la personne protégée, la

protection de ses droits et la valorisation de son autonomie, l’accueil, la relation avec le

mandataire. Les taux de satisfaction sont bons.

Les professionnels, d’abord surpris, y ont vu la reconnaissance de leur investissement au

côté des personnes protégées. Je relève dans les résultats de cette enquête que 48%

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 51 -

des majeurs indiquent leur complète satisfaction de l’aide apportée par l’ATMP pour

favoriser leur autonomie, valoriser leurs potentiels et leurs capacités. 21% ne sont pas

satisfaits de cette aide. Les pourcentages ne donnent pas d’indications sur les causes du

mécontentement ou de la satisfaction, sur les moyens mis en œuvre ou pas.

Les groupes d’expression

Le projet que je soutiens invite à considérer la personne protégée comme

sujet /citoyen et à ouvrir des instances de débats, d’échanges, d’informations qui

participent à la volonté d’un vivre ensemble qui dépasse le rapport individuel personne

protégée/mandataire et s’engage dans un rapport collectif soutenu par le service

mandataire où l’on peut s’interroger sur : que faisons-nous ensemble et comment le

faisons-nous ?

La loi du 5 mars 2007 a aménagé les supports à l’expression des usagers pour les

services mandataires. L’article D 471-12 du CASF prévoit que la participation des

personnes au fonctionnement du service peut s’exercer dans le cadre de groupe

d’expression. Les professionnels ont déjà repéré sur les antennes des personnes

protégées qui souhaitent participer à la relecture des documents élaborés en « facile à lire

et à comprendre » et qui souhaitent être à nouveau interrogées sur le fonctionnement du

service.

Cette modalité de participation est un enjeu essentiel de démocratie dans l’Institution :

exercice de citoyenneté dans l’affirmation de la prise en compte d’une parole singulière,

modification du rapport d’usage, déplacement de l’exercice du pouvoir. L’élaboration du

vivre ensemble ne peut pas faire l’impasse sur ces enjeux au risque de la conformité et de

l’absence de sens. Il me faut donc être particulièrement vigilante dans la mise en place de

cette forme de participation qui provoque et attend un tel changement.

La mobilisation de l’ensemble des professionnels est la condition de la réussite de ce

projet. Convaincus de l’intérêt de l’expression des personnes protégées, ce sont eux qui

pourront relayer auprès d’elles la démarche entreprise par l’Institution.

Je mettrai en place un comité de pilotage dont la mission sera de déterminer le cadre à

poser pour l’expression des personnes protégées dans un espace démocratique : De quoi

parle-t-on ? Comment ? Qui prépare, qui anime ? Que devient la parole exprimée ?

Nécessité d’un tiers modérateur ? La participation de personnes protégées dans ce

comité de pilotage est essentielle. Il aura également tout intérêt à prendre connaissance

de l’expérience des associations fédérées au sein de l’UDAPEI et concernées depuis de

nombreuses années par les modalités de participation des usagers.

Je veux que ce travail soit accompagné d’un « sage » garant du cadre démocratique à

mettre en place. Il est impératif que l’Institution, à son insu peut-être, ne manipule pas le

dispositif en réponse à des résistances non élucidées.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 52 -

Dans le même temps, il m’apparaît indispensable de susciter l’intérêt des professionnels

pour des formations à la mise en place des outils de participation adaptés aux personnes

protégées.

Cela constituera un pan entier du plan de formation dans les années à venir. La création

de groupes d’expression est une forme de participation des usagers. Il y a d’autres

supports possibles à cette participation. Sa vitalité dépend de la capacité du service à la

soutenir. Il est donc particulièrement important d’en faire un axe de formation

incontournable. Je souhaite d’ailleurs sensibiliser notre OPCA93 à l’identification de ce

besoin de formation qui émerge dans notre secteur d’activité.

3.1.2 Créer du sens commun

Si « le vivre ensemble » concerne les professionnels et les personnes protégées, il

concerne également la communauté des professionnels de l’ATMP74. Son organisation

en sites éclatés est une particularité dont je dois tenir compte dans son impact sur la

culture et l’identité commune. Pour être au plus près des usagers, six antennes ont été

ouvertes dans les bassins urbains du territoire départemental : Annecy, Annemasse,

Thonon, La Roche sur Foron, Cluses.

Annecy, où se situe le siège et deux antennes, est à 1h30 de Thonon. Le choix de la

proximité des usagers et des partenaires a divisé la communauté des professionnels qui

travaillent à une œuvre commune. C’est ainsi que j’entends souvent parler de l’ATMP de

Thonon, l’ATMP de Cluses à la place de l’ATMP74.

Le personnel ne se connaît plus ou peu. Les équipes restreintes (10 à 15 personnes)

éprouvent souvent un sentiment de solitude. La communication par mail se veut fluide et

rapide, mais elle reste désincarnée et propice à des malentendus : sécheresse de l’écrit

rapide, absence de prise en compte des contraintes des autres, voire de leurs absences.

Sous des influences diverses (partenaires, juges, personnalités locales), les antennes

génèrent des prises de position, à rebours des positions institutionnelles non repérées

comme cadre à leurs interventions.

Pour prendre en compte cette réalité, il faut penser à de multiples passerelles entre les

sites et entre les professions pour assurer l’ancrage des antennes au sein de l’ATMP74

en construisant des repères partagés qui refusent le repli sur soi au nom d’un but

commun.

93 Organisme Paritaire Collecteur Agréé.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 53 -

A) Entretenir les savoirs et les pratiques partagées

Les actions de formation

S’il est difficile de réunir tous les professionnels de l’ATMP74, chaque action peut être

pensée en interaction entre les sites : formation professionnelle, information, colloques,

réunions thématiques.

Les actions de formation trouvent ici une place privilégiée. La formation obligatoire pour le

CNC a permis les rencontres des mandataires autour des mêmes savoirs articulés à des

expériences différentes. L’UTRA propose à nos services mandataires des formations qui

me permettent d’en faire bénéficier des professionnels de différents sites. La banque de

France de Cluses propose une information au surendettement : c’est l’occasion de

proposer l’intervention à deux ou trois sites et de faire se rencontrer les professionnels

pour travailler ensemble autour d’un même sujet.

Si la formation constitue un axe important de développement professionnel individuel, je

veux aussi la penser comme accès à un savoir partagé et développer dans le plan de

formation des actions collectives aujourd’hui absentes, qui participent à la construction

d’une équipe dont les frontières dépassent celle de l’antenne.

L’analyse des pratiques

Les professionnels mandataires et secrétaires participent à l’analyse des pratiques

professionnelles organisée par site. Les responsables de service ont une analyse des

pratiques spécifique à leur catégorie professionnelle.

Des groupes travaillent depuis de nombreuses années avec le même intervenant et ne

veulent surtout pas en changer. D’autres, au contraire, ont du mal à s’engager dans la

durée avec le même intervenant. Les secrétaires, qui font aussi l’accueil des personnes

protégées, souhaitent bénéficier de l’analyse de la pratique professionnelle avec les

mandataires trouvant les situations évoquées plus riches que si elles restaient entre elles.

Les mandataires évoquent des difficultés à parler en confiance devant les secrétaires.

Je pense que l’analyse des pratiques fait partie des leviers pour que les professionnels

dessinent le vivre ensemble, celui de l’ATMP74 avec les personnes protégées. Le partage

des expériences, la compréhension des enjeux de la relation avec la personne protégée

et des situations de travail difficiles constituent une réflexion commune qui participe au

développement d’une identité professionnelle.

A ce titre, l’analyse des pratiques professionnelles peut davantage contribuer à la création

de sens commun en s’organisant aussi entre sites par mixage des équipes de

mandataires et regroupement des secrétaires de plusieurs antennes. Je vais faire cette

proposition aux responsables de service et aux intervenants actuels que je souhaite

associer au bien-fondé de la démarche en créant avec eux les opportunités nécessaires à

sa réalisation.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 54 -

B) Favoriser la transversalité

L’ATMP74 est une structure à forte connotation pyramidale. De ce fait, elle génère des

liaisons descendantes peu fédératrices qui sont une des explications probables de la

perte de repères partagés. Des commissions ad hoc ont toujours existé et réuni des

professionnels de différents sites sans que leurs travaux réussissent à intéresser ceux qui

n’y participent pas. C’est comme si la commission, extériorisée de sa base, ne faisait pas

partie du tout que représente l’ATMP74 dans laquelle elle ne peut pas réintroduire le

travail commun réalisé.

Je veux trouver des points de connexions entre les antennes et entre les antennes et le

siège. Pour cela je vais m’attacher à ce qui constitue des priorités pour elles et des points

d’achoppement réguliers.

Si au plan de l’informatique nous avons réussi notre connexion en réseau, je souhaite

également mobiliser des ressources internes dans un réseau transversal qui appartient et

profite à tous. Mobile, adaptable, identifié comme une ressource partagée, il constituera

les liens horizontaux indispensables pour relier les équipes entre elles et développer le

sentiment d’appartenance qui nous fait défaut.

Je retiens quatre points de connexion qui dans la conjoncture actuelle de l’ATMP74

répondent à des besoins du service.

« Le mandataire volant »

C’est celui qui peut remplacer rapidement un mandataire absent parce qu’il en a la

compétence, qu’il connaît les modalités de fonctionnement de l’ATMP74 et ses

partenaires. Il peut travailler sur plusieurs antennes et en cela témoigner des pratiques et

expériences diverses. Le coût d’un remplacement non effectué génère toujours des coûts

cachés : incompréhension et multiplication des sollicitations de la personne protégée, des

familles, incompréhension de l’extérieur, fatigue des collègues, erreurs. Le recrutement

d’un remplaçant peut être difficile dans certaines zones géographiques et sa formation

prend du temps.

Cette expérience a été menée par l’ATMP74 pour le remplacement des mandataires en

formation. « Un mandataire volant » remplaçait plusieurs mandataires sur des sessions

de courte durée. Elle a donné généralement satisfaction. Je veux en faire une fonction à

part entière, en définir les attendus, et l’intégrer dans les fiches de poste.

L’intégration des nouveaux salariés

En deux ans, le service a accueilli une quinzaine de nouveaux salariés. J’ai

instauré la journée des nouveaux arrivants qui réunit une fois tous les deux ans au siège

les nouveaux salariés et nous avons élaboré un livret d’accueil qui leur est destiné. La

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 55 -

formation du nouveau mandataire ou de la nouvelle secrétaire relève du responsable de

service qui l’organise et en assume la plus grande charge.

Je pense que l’intégration d’un nouveau salarié se construit autrement que par une prise

de fonction immédiate. Centrée sur le poste de travail, elle ne permet pas au nouveau

salarié de se sentir partie prenante d’un tout, d’en comprendre les buts et les articulations.

Je veux organiser un parcours d‘intégration qui prendra la forme d’un stage dans

l’entreprise, au début de la prise de fonction, auprès d’un collègue, maître de stage, qui

présentera les différentes facettes du métier, organisera des prises de contact en interne

avec des fonctions clés, partagera des situations de travail qui relèvent de sa propre

responsabilité et non de celle du nouveau professionnel.

Un management transversal pour le soutien juridique et patrimonial :

La plupart des mandataires ont une formation initiale de travailleur social.

Confrontés à des procédures judiciaires ou à des patrimoines de grande complexité, ils

n’ont pas la compétence nécessaire pour en apprécier les conséquences pour les

personnes protégées, leur en délivrer une information maitrisée et les aider à prendre

position.

Le poste de juriste a été créé pour que cette compétence existe en interne. Confrontée à

des problématiques similaires sur des antennes différentes, la juriste participe à

l’instauration de positions institutionnelles garantes des droits et des intérêts des

personnes protégées. A ce titre, elle fait du lien entre les équipes et les objectifs du

service et tisse à l’extérieur un réseau d’intervenants (avocats, notaires) familiarisés avec

nos exigences et nos contraintes.

Compte tenu du nombre de mesures et du nombre de sites déployés par l’ATMP74, je

veux affirmer ce poste dans une fonction de management transversal, lui donnant la

légitimité nécessaire pour orienter les actions et contribuer à l’élaboration et à la diffusion

de bonnes pratiques dans ces deux domaines, ainsi qu’à leur évolution et leur évaluation.

La création d’un deuxième poste s’avère nécessaire et ne pourra s’effectuer que par

redéploiement des moyens.

La création d’une instance d’aide à la décision éthique

Les professionnels ont pris l’habitude d’évoquer au sein des équipes ce qu’ils

appellent « les situations difficiles ». Ce sont souvent les mêmes situations qui reviennent

à l’étude, en recherche de l’appui de la délibération collective. Conflits de valeur,

décisions difficiles, dilemmes, incertitudes, l’exercice de la protection juridique offre un

cadre très vaste aux interrogations et à l’analyse des prises de risques que peuvent

générer la gestion de l’argent, la santé, la fin de vie, l’autonomie, les actes à caractère

personnel comme le mariage, le divorce.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 56 -

Les jeunes professionnels sont facilement porteurs de ces interrogations dans la

recherche d’une solution rapide alors que les plus anciens se sont habitués à les porter

de manière plus solitaire, partagées éventuellement avec un collègue ou un professionnel

d’une institution partenaire qui assure lui-même un accompagnement de la personne

protégée. L’éthique n’est pas une référence nommée à l’ATMP74.

Dans le souci de la construction d’une Institution juste, il est indispensable que le vivre

ensemble se manifeste dans le dépassement de la relation interpersonnelle qui laisse le

professionnel, voire l’équipe locale, seul face à l’usager ou seul face au partenaire.

L’Institution a à jouer tout son rôle de justice et d’ouverture à l’altérité en favorisant

l’élaboration collective d’une pensée éthique.

Cette pensée permettra de conjuguer la garantie de la liberté et de l’autonomie des

personnes protégées, dans le cadre de l’exercice de la mesure de protection, avec

l’autonomie des professionnels qui pourront assumer un positionnement éthique.

La valorisation de l’autonomie de l’un accompagne l’autonomie de l’autre dans une

réciprocité qui permet un lien social équilibré substituant au rapport de pouvoir, celui de

l’échange et de la coopération pour la co-construction d’une protection juridique ouverte à

l’altérité, à l’entraide, à l’analyse de la prise de risque, à l’alternative issue des

expériences des collègues.

La responsabilité éthique peut ainsi éloigner l’arbitraire de la conviction personnelle ou du

simple point de vue.

La création d’espaces internes et institutionnels de dialogue éthique est nécessaire. Je la

proposerai dans un premier temps au Conseil d’Administration dans une optique de

transprofessionnalité, d’interaction entre les sites et d’ouverture aux partenaires. Informels

pour être réactifs et non normatifs, ces espaces pourront être précurseurs de la création

d’un comité d’éthique dans des instances fédératives type UDAPEI ou UTRA.

J’accompagnerai cette création de proposition de formation à l’éthique pour les

professionnels car elle est particulièrement absente dans les formations initiales et

innommée dans les pratiques où elle n’est ni reconnue et ni assumée.

3.2 Développer une compétence collective

Si le vivre ensemble peut se constituer dans des espaces de rencontres et

d’interventions partagées, il suppose également une organisation dont la structure

soutient la construction de la compétence collective envisagée comme la collaboration

des professionnels autour d’un sens commun. C’est elle qui peut parvenir à construire

l’Institution juste, celle qui agit avec et pour autrui.

Le projet que je porte affirme la place donnée au lien d’accompagnement dans la

protection juridique. Malgré les moyens nouveaux obtenus en 2011 pour permettre à

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 57 -

l’ATMP74 de s’aligner sur les moyennes des indicateurs nationaux d’activité, les

modifications induites par l’intégration de notre secteur d’activité dans le champ de l’action

sociale via la loi du 2 janvier 2002 se heurtent à l’imparable manque de temps

systématiquement mis en avant par les professionnels.

Ils évoquent une souffrance au travail qui relève à la fois d’un sentiment de débordement

mais aussi d’une culpabilité plus ou moins enfouie devant l’impossibilité de mieux

répondre aux attentes des personnes protégées.

Les professionnels s’inquiètent des personnes protégées qui ne font aucune demande et

qui sont laissées dans l’invisibilité. L’ATMP74 n’a pas réussi malgré l’augmentation des

postes de travail à diminuer cette tension.

L’augmentation des moyens financiers n’étant pas d’actualité et n’ayant pas apporté en

son temps d’amélioration à la charge de travail ressentie, je pense qu’il faut déconstruire

les modes de pensée concernant l’amélioration du fonctionnement du service par la

contrepartie de l’augmentation des moyens.

A partir des besoins des personnes protégées, je veux valoriser et coordonner les

compétences individuelles pour susciter une compétence collective mise en synergie au

service du collectif.

Ceci implique la reconnaissance des diverses identités professionnelles et leur

nécessaire articulation au service des personnes protégées et de la mission confiée au

service mandataire. L’implication essentielle des responsables de service dans leur

participation à la compétence collective et son orchestration modifie fondamentalement

leur positionnement dans l’organisation. Ce projet que je présenterai au Conseil

d’Administration pour emporter son approbation modifie en profondeur l’organisation

actuelle du travail et les modes de management.

3.2.1 Organiser la coordination des compétences

Les personnes protégées vivent une grande diversité de situations selon leur âge, leur

mode de vie, leur environnement familial et social, leur état de santé, leur lieu de vie.

Si j’ai affirmé l’importance du lien d’accompagnement dans le soutien aux capabilités, il

me faut aussi considérer l’importance du travail administratif et technique dans la

recherche de l’instauration des droits des personnes protégées, de leur maintien et du

contrôle de leur effectivité. L’articulation et le développement des compétences doit

s’imaginer à partir des besoins de la personne protégée.

A) Recentrer les mandataires judiciaires sur le lien d’accompagnement

Pour que la protection juridique devienne le levier grâce auquel la personne

protégée peut maintenir ou retrouver de la capacité et de l’autonomie, les mandataires

doivent mobiliser à cette fin leurs compétences. J’observe au contraire que leur temps de

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 58 -

travail se mobilise plus généralement sur la technicité requise devant la complexité des

dossiers administratifs.

Parce qu’il est le plus souvent seul devant toutes les tâches, il est devenu un expert

technique des impôts, des retraites, des allocations familiales, des dossiers d’aide sociale

ou de compensation du handicap, des états des lieux, des déménagements, des remises

en état des habitations…

Faire face à l’ensemble de ces tâches est une obligation qui découle du mandat judiciaire.

Le collectif de travail que nous avons construit jusqu’alors est fondé sur cette obligation.

Nous y avons perdu une partie de l’expertise sociale de professionnels qualifiés et nous

n’avons pas suffisamment mobilisé leur capacité à imaginer et développer des modes de

collaboration et d’échanges, soutenant les personnes protégées dans l’atteinte de ce

qu’elles pourraient nommer « leur vie bonne ». Ceux qui s’y emploient se trouvent au

cœur d’un conflit de loyauté fondamental dont la sortie ne peut se traduire que par une

rupture.

Pour recentrer le mandataire sur la protection juridique comme opportunité de soutien aux

capabilités des personnes protégées, je dois envisager les formes d’appuis nécessaires

pour les autres tâches.

B) Développer des appuis administratifs et un support technique

Cela concerne en premier lieu les secrétaires qui peuvent et souhaitent pour la

plupart voir évoluer leur fonction vers l’assistance tutélaire consistant dans une prise

d’initiative élargie dans le domaine administratif et relationnel.

Elles peuvent devenir l’interface entre les mandataires et les personnes protégées, les

mandataires et les partenaires améliorant ainsi l’accessibilité du service tant décriée.

Interlocutrices averties des droits des personnes, elles peuvent en assurer l’établissement

administratif et leur suivi. Certaines d’entre elles le font déjà dans le cadre d’une

dynamique engagée avec le mandataire.

Cette évolution nécessitera de modifier la fiche de fonction actuelle de la secrétaire en

faisant de la comptabilité une fonction distincte et de l’assortir d’une formation

d’adaptation à cette évolution. J’ai pu constater que certaines d’entre elles sont déjà des

personnes ressources dans cette perspective. Leur implication dans l’évolution de la

fonction sera à mobiliser.

La technicité requise dans certains domaines est telle qu’elle relève d’une forme

d’expertise ou de spécialité. Il en va ainsi de la fiscalité, de la gestion du patrimoine, de

l’établissement des bulletins de salaire du personnel employé par la personne, des

procédures de licenciement, du suivi des travaux, des déménagements, autant de

démarches qui trouveront dans la technicité interne et dans la gestion des actes matériels

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 59 -

de la mesure de protection les conditions de leur meilleure réalisation. C’est une autre

forme d’appui que je souhaite développer.

Distinguer les fonctions et les relier entre elles permet de prendre en compte la

complexité d’un métier qui nécessite un champ de savoir et de compétences très

diversifié. L’introduction de nouveaux métiers contribuera aussi à favoriser la mobilité

interne des professionnels dont l’ancienneté est généralement importante.

A moyen égal, cette organisation s’envisagera inéluctablement avec une augmentation du

nombre de mesures de protection par mandataire judiciaire. Je serai particulièrement

vigilante à ce que celle-ci ne soit pas l’obstacle à l’objectif essentiel : favoriser un lien

d’accompagnement soutenant les vulnérabilités des personnes en favorisant leurs

capabilités.

3.2.2 Repositionner l’encadrement intermédiaire sur le management

Je ne peux porter seule, même avec l’aval du Conseil d’Administration, ce projet

de direction. J’en ai défini la philosophie et les axes stratégiques. J’ai besoin de constituer

une équipe de direction qui en assure le pilotage global, qui en imprime le sens et le fait

émerger dans l’action. Dominique GENELOT explicite ainsi le rôle intermédiaire de

l’encadrement : « Il doit à la fois être plein du projet général de l’entreprise, le décliner au

plan collectif, et faciliter l’émergence d’un sens individuel pour les collaborateurs qu’il a en

charge »94.

A) Les pièges de la fonction

La problématique de légitimité

Les postes de responsables de service ont été créés pour assurer à chaque antenne

un encadrement présent sur le site. De ce fait, chaque responsable encadre une équipe

de six à douze mandataires et de trois à cinq secrétaires. Il y a donc six responsables de

service à l’ATMP74. Deux d’entre eux sont titulaires du CAFERUIS, deux autres sont en

cours de formation pour son obtention.

Le Conseil d’Administration a toujours eu la volonté que le responsable de service ait

également une activité de mandataire pour garder le contact avec le terrain. Celle-ci varie,

selon la taille des antennes, entre 6 et 25 mesures de protection.

A la fois collègue et manager, d’emblée les deux postures professionnelles des

responsables de service sont difficiles à tenir : Comment assurer la ligne managériale

avec ses collègues ? Comment être « un bon mandataire » quand de leur aveu, leurs

dossiers sont les moins bien suivis de l’antenne ? Comment garder la distance nécessaire

94 GENELOT D. Manager dans la complexité p 206.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 60 -

pour faire tiers entre les mandataires et les personnes protégées, accompagner les

processus de régulation nécessaires entre l’individuel et le collectif ?

La prestation de serment des mandataires

L’exercice de la profession de l’ex délégué à la tutelle a souvent été vécu de manière

solitaire et parfois libérale, l’assistante sociale se prévalant du secret professionnel, le

travailleur social privilégiant le terrain, le juriste favorisant le travail sur ses dossiers. La

réforme de 2007 qui crée la profession de mandataire judiciaire et lui fait prêter serment

devant le tribunal a accrédité la thèse d’une responsabilité supplémentaire et individuelle

du mandataire judiciaire pourtant salarié d’un service.

Le retour au texte qui institue la prestation de serment95indique que cette prestation pour

un mandataire salarié ne peut s’effectuer que s’il a reçu délégation du service pour

l’exercice des mesures de protection. Elle constitue un engagement de loyauté dans

l’exercice du mandat confié par les juges et une obligation de confidentialité. Il n’y est pas

question de responsabilité supplémentaire, mais plutôt d’engagement de moralité.

La responsabilité du mandataire relève de l’exécution de son contrat de travail. La

responsabilité de l’exercice des mesures de protection incombe au service mandataire.

C’est à ce niveau de responsabilité que je dois inscrire la fonction de responsable de

service incarnant une dimension symbolique faite de distance et de proximité avec le

terrain, essentielle pour garantir la protection juridique qui fait lien, s’ouvre à l’altérité,

redonne du pouvoir et de l’autonomie.

B) Les responsables de service dans la relation du service mandataire avec les

personnes protégées.

Distinguer la fonction pour mieux la relier aux autres

Compte tenu des enjeux décrits, il est indispensable d’inscrire les responsables des

services dans une distanciation de l’antenne. Cela se fera en distinguant la fonction de

responsable de service de celle de mandataire pour lever le risque de la confusion des

rôles. Cette confusion est vécue par l’ensemble des acteurs de la protection juridique : les

personnes protégées qui n’identifient pas le responsable et s’inscrivent dans la

dépendance de la seule relation possible avec le service, les mandataires qui peuvent en

instrumentaliser la fonction à leur profit, les responsables eux-mêmes qui peuvent

minorer leur responsabilité au profit de celle de mandataire.

La distinction des fonctions est essentielle même si la réalité économique m’obligera à

envisager la réduction du nombre de postes de responsable de service. J’en profiterai

95 Code de l’action sociale et des familles, article R 471-2.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 61 -

pour développer d’autres fonctions managériales transversales (2ème poste de juriste,

responsable qualité...)

Conduire le projet en équipe de direction

Je veux construire une équipe de direction qui intègre tous les cadres du service

mandataire. Je suis une directrice qui assume le management des cadres et travaille avec

eux. Ceci n’est pas réducteur de l’autonomie dont ils ont besoin, mais « le vivre

ensemble » doit aussi s’identifier à ce niveau de l’organisation, tant sur le plan de son

organigramme que sur la culture d’encadrement qui peut s’y développer.

Le partage des valeurs, la compréhension de l’environnement, des enjeux, la recherche

des coopérations, la mobilisation des ressources, le partage des savoirs et des

expériences créent du sens commun. Leur mise en synergie doit alimenter la compétence

collective du service dans la cohérence du projet. Il m’appartient de développer une

véritable animation qui structure le travail de l’équipe des cadres autour de la recherche

de sens dans la mise en cohérence, la coordination du projet, et l’accompagnement de sa

mise en œuvre sur les antennes.

Une nouvelle légitimité du responsable de service, venant de la direction, doit en

émerger : celle de sa capacité à porter des projets, à organiser sur son antenne la

synergie des compétences individuelles autour du projet de service, à développer les

coopérations et partenariats nécessaires aux besoins des personnes protégées

Faire place au responsable de service dans la relation mandataire/personne

protégée

Le face à face mandataire/ personne protégée est une relation qui peut confiner à

l’enfermement et devenir un rapport de pouvoir qui s’oppose d’une part à la sécurité du

professionnel et d’autre part aux objectifs d’une protection concertée soutenant les

capabilités des personnes protégées.

C’est dans cet enjeu de pouvoir et de sécurité que la place du responsable de service

trouve sa pleine légitimité auprès de son équipe et des personnes protégées.

Elle rend possible le recours au responsable de service par la personne protégée en cas

de désaccord avec le mandataire. Elle rend possible l’interpellation du responsable de

service par le mandataire, ou sa propre initiative auprès du mandataire, quand les prises

de position, l’absence de réponse ou la difficulté de la situation nécessitent une relation à

un tiers qui, au nom de la mission et du service, vient mettre à distance les antagonismes,

rétablir du lien, construire du sens.

Pour cela, le rôle du responsable de service devient déterminant dans l’accompagnement

de son équipe à la mise en œuvre de nouveaux rapports d’usage basés sur l’altérité, la

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 62 -

possibilité du contre don et la participation des personnes protégées à leur mesure de

protection et au fonctionnement du service.

Mettre en œuvre les modalités de la participation des personnes protégées

Le responsable de service se tient à l’articulation entre le projet collectif et la

personnalisation de l’accompagnement au travers des DIPM. En mettant en place les

outils de la participation des personnes ,en favorisant la créativité de son équipe autour

d’autres modalités de participation adaptées au besoin des usagers, à l’actualité des

partenaires, aux locaux, en s’attachant à améliorer les compétences individuelles, en

organisant la compétence collective, il insufflera de nouveaux rapports entre les

personnes protégées et les professionnels de l’antenne, entre les personne protégées et

le service mandataire.

Le projet que je soutiens est une dynamique qui fait lien en traversant toutes les strates

de l’Institution de manière verticale et horizontale. C’est ce flux qui permettra aux

professionnels de se l’approprier, d’y donner collectivement du sens et le développer dans

l’action individuelle.

3.3 Devenir un acteur des solidarités locales

La mission de protection juridique est une mission d’intérêt général confiée par l’Etat

à l’ATPM74. Je ne peux imaginer construire une Institution juste sans que ce projet soit

visible et lisible par tous ceux qui ont légitimité à conduire la protection juridique au regard

de la justice et de la cohésion sociale. Si les niveaux de responsabilité diffèrent, les

interventions articulées des juges, de la cohésion sociale et du service mandataire

dresseront le cadre d’une protection juridique centrée sur les besoins des personnes

protégées, l’évolution de leurs problématiques et les garanties à apporter à cet exercice.

3.3.1 Promouvoir la relation de l’Institution avec les juges

L’ATMP74 travaille sur le département avec six juges des tutelles. Si les juges ont

rapproché les pratiques de leur cabinet au sein d’un même tribunal, le service mandataire

est souvent confronté à des décisions diverses qui empêchent l’élaboration de repères

partagés par les professionnels du service et par les professionnels des associations

partenaires.

Selon le ressort du tribunal, les attendus des juges ne seront pas les mêmes. J’en prends

un exemple. Celui de l’intervention du juge pour donner au tuteur l’autorisation de

consentir à une opération médicale lorsqu’elle présente un caractère d’atteinte grave à

l’intégrité de la personne. Cette atteinte grave est appréciée très différemment selon les

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 63 -

juges, ce qui ne permet pas au service d’élaborer une position institutionnelle nécessaire

aux professionnels.

Les juges sont proches des mandataires qui n’hésitent pas à les solliciter sur leurs

difficultés dans des situations où leur recours est nécessaire. Cependant, la dimension

institutionnelle est trop faible dans les relations que nous avons pu développer avec eux.

Le mandataire judiciaire qu’ils désignent pour exercer les mesures de protection reste

l’ATMP74, même lorsque l’exercice est délégué à un professionnel. Je vais développer

des actions d’informations auprès des juges sur la réalité du service, son projet et ses

évolutions. Je veux améliorer leur perception du travail institutionnel pour qu’ils

l’envisagent à travers les actions individuelles menées par les professionnels.

A cet effet, je veillerai à ce que les écrits à destination des tribunaux s’harmonisent dans

la forme et dans la construction de l’écrit, car c’est ce qui constitue le principal de nos

échanges. Ils nous permettent de justifier et de rendre compte de nos actions: reddition

de compte, rapport de diligences, saisine des juges pour obtenir leur autorisation pour

effectuer des actes déterminés.

Je leur proposerai également différentes opportunités de travail commun sur des

thématiques spécifiques, sur des questions éthiques. De nombreux organismes sont

demandeurs d’information sur les mesures de protection en général ou sur des aspects

très spécifiques tels que la santé, la gestion de l’argent. Je veux promouvoir autour de ces

demandes des interventions partagées entre l’ATMP74 et les juges.

C’est cette dimension relationnelle que je veux instaurer avec eux pour que la politique

institutionnelle soit l’écho de la protection juridique qu’elle met en œuvre.

3.3.2 Quels échanges avec la direction de la cohésion sociale pour les

personnes protégées ?

Au niveau départemental, seule la procédure contradictoire à l’occasion de l’élaboration

du budget est l’occasion d’un échange dans le cadre d’un dialogue de gestion normalisé.

La défense de nos budgets respectifs, mais interdépendants, sur des logiques qui restent

étrangères, l’une financière, l’autre fonctionnelle, ne permet pas de démontrer une volonté

politique assumée dans le cadre des moyens alloués. La clarté des documents transmis à

l’occasion des comptes administratifs et du budget et l’information régulière sur une mise

en place adaptée du droit des usagers sont les deux leviers d’échanges et de

coopérations éventuelles. L’observation de l’évolution de notre population peut constituer

également le socle d’un travail préparatoire à la contribution départementale au schéma

régional de la protection juridique, mais aussi des schémas concernant les personnes en

situation de handicap. Je proposerai au Conseil d’Administration de déposer à cet effet

auprès de la DDCS et du Conseil général une contribution pour ces deux schémas.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 64 -

Il me faut aussi trouver des voies d’accès à l’échelon régional dont la mission est de

piloter et d’animer les politiques publiques.

L’exemple de la DRJSCS du Nord Pas de Calais est éloquent dans le domaine de la

protection juridique. Elle soutient de nombreuses initiatives de recherches et d’enquêtes,

fruit de la collaboration entre les acteurs de terrain, les chercheurs (CREAI, Université…)

et les personnes protégées. Elle profite de l’élaboration des schémas régionaux pour

soutenir des projets comme celui de la mise en place de la création d’un groupe éthique

régional préconisé par les mandataires judiciaires. Elle établit des passerelles avec le

Ministère de la justice et l’ARS.

C’est au sein de notre regroupement régional, l’UTRA, que je proposerai d’impulser des

initiatives en faveur de cette coopération. Si nous voulons impulser à la protection

juridique l’élan de la loi du 5 mars 2007, lever les incertitudes sur ses silences et ses

confusions, participer aux recommandations de bonnes pratiques, aux schémas

régionaux, c’est à cette échelle que nous devons nous situer.

3.4 Elaborer un référentiel d’évaluation construit sur la participation

des personnes protégées

Selon Paul RICOEUR, l’Institution juste est celle qui développe le vivre ensemble

dans une exigence d’égalité. Elle favorise la participation de tous les acteurs à l’Institution

et s’évertue à rendre chacun attributaire de sa juste part en rôles, en tâches, en

avantages et en désavantages.

La participation des personnes protégées est essentielle à l’établissement de nouveaux

rapports d’usage que je veux instaurer entre les personnes protégées et le service

mandataire. C’est elle qui favorisera un nouveau construit social plus juste dans lequel la

protection juridique valorise les capabilités des personnes protégées dans une exigence

démocratique, respectueuse de leur choix d’accomplissement.

J’ai proposé un ensemble d’actions pour asseoir cette orientation à l’ATMP74.

Je veux maintenant mesurer si l’intention de ce projet est cohérente avec les actions

envisagées. J’ai dégagé quatre critères essentiels pour atteindre l’objectif fixé :

La construction d’un lien social permettant le contre don.

La participation des personnes à la mesure de protection et la personnalisation de

l’accompagnement.

La valorisation de l’autonomie.

La participation des personnes au fonctionnement du service.

Pour apprécier les pratiques et actions attendues dans le cadre de ces exigences

prioritaires, je concentrerai mon observation sur plusieurs d’entre elles à partir de

questionnements soutenant ma réflexion évaluative et je dégagerai les indicateurs à

mettre en place pour en mesurer l’impact sur la participation des personne protégées. La

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 65 -

mise en forme de cette évaluation pourra à terme se construire sur le modèle de grille

proposée par l’UTRA96.

3.4.1 La construction du lien social permettant le contre don

M.MAUSS et P.FUSTIER expliquent que le lien social se crée dans l’échange et la

possibilité du contre don, une réciprocité qui envisage autrui comme un autre soi-même,

mais aussi dans sa singularité qui reste une énigme et qui interpelle. L’atteinte de cette

dimension dans l’accompagnement des personnes protégées a pour objectif d’établir un

nouveau rapport d’usage entre les personnes protégées et les professionnels. Il est

favorisé par des rapports d’échanges avec le service et l’environnement extérieur qui

contribuent à la reconnaissance des personnes protégées en tant qu’individu à part

entière et à leur participation à un réseau social.

A) L’accueil

Le lieu d’accueil est-il un espace de convivialité ? La personne protégée peut-elle y

faire autre chose qu’attendre ? Les personnes qui viennent sans rendez-vous sont-elles

reçues par quelqu’un du service ? Un accueil spécifique pour les nouvelles personnes

protégées est-il prévu ? Des réunions collectives d’information sur les mesures de

protection pour les nouveaux usagers sont-elles organisées par le service ? Les

personnes protégées habituées du service sont-elles associées à l’accueil des nouvelles

personnes ? Comment sont traités les incidents vécus à l’accueil ?

Indicateurs :

Pourcentage de personnes protégées reçues en rendez-vous dans les bureaux

d’accueil,

Organisation de permanences pour favoriser l’accueil des personnes en l’absence

du mandataire,

Procédure de premier accueil,

Procédure de traitement des situations difficiles à l’accueil,

Nombre d’incidents,

Nombre de manifestations prévues à l’accueil dans l’année (Noël, Infos,

aménagement spécifique…),

Nombre de personnes protégées participant à l’accueil de nouveaux usagers.

96 Annexe 6 : grille d’évaluation proposée par l’UTRA

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 66 -

B) Les entretiens

Existe-t-il, dans son dossier, une trace des entretiens visée par la personne protégée ?

La présence du responsable de service est-elle prévue pour des entretiens spécifiques ?

La présence de la juriste est-elle prévue dans le cadre d’entretiens spécifiques ?

Peut-on repérer l’absence d’échanges entre la personne protégée et le mandataire ?

Quels moyens sont mis en œuvre pour faire lien dans ce cas ? Le juge des tutelles est-il

informé de la difficulté d’établir un lien avec la personne protégée ? La technique

d’entretien est-elle une demande fréquente de formation de la part de toutes les

catégories professionnelles ?

Indicateurs :

Nombre d’entretiens effectués par les mandataires,

Nombre de visites à domicile,

Pourcentage de personnes protégées vues moins de deux fois par an,

Nombre de réclamations des personnes protégées,

Pourcentage du plan de formation accordé à la technique d’entretien.

C) La coordination avec les partenaires

Existe-t-il des réunions ou des temps d’échange entre l’ATMP74, les partenaires et les

personnes protégées ?

Comment se manifeste la coordination des projets avec les partenaires ? La personne y

participe-t-elle ? Comment est formalisée cette coordination ?

Les conventions de partenariat sont-elles régulièrement évaluées ? Les personnes

protégées participent-elles à cette évaluation ?

Indicateurs :

Nombre de réunions ou de temps d’échange avec les partenaires,

Pourcentage de participation des personnes protégées,

Formalisation de compte rendus et mode de diffusion,

Nombre de conventions.

D) La gestion de l’argent

Existe-t-il des repères individuels et collectifs sur la gestion de l’argent fondés sur les

apports psychologiques et philosophiques ?

Un travail sur l’accompagnement budgétaire est-il réalisé ? Comment se manifeste la

participation de la personne à l’élaboration de son budget ? Quelles sont les modalités

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 67 -

d’accès à l’argent ? Y a-t-il des procédures de dépannage ? L’excédent budgétaire est-il

remis à la personne protégée ?

Le cadre de la gestion diligente, prudente et avisée est-il précisé par le service ? Les

personnes protégées sont-elles questionnées à ce sujet ?

Comment se recueille le consentement de la personne sur les actes relatifs à la gestion

de son argent et de son patrimoine ?

Le traitement des plaintes fait-il l’objet de procédures spécifiques ?

Indicateurs :

L’existence de différents outils d’accompagnement budgétaire,

Nombre de situations pour lesquelles ils sont utilisés,

Formalisation du recueil de la participation de la personne protégée sur le budget,

sur les actes relatifs au patrimoine,

Les modalités d’accès à l’argent prévues par le service,

Nombre de réclamations reçues par le service,

L’exercice d’un recours identifié pour la personne protégée en cas de désaccord

avec le mandataire. Nombre de recours.

3.4.2 La participation de la personne à la mesure de protection et la

personnalisation de l’accompagnement.

Cette participation est étroitement liée à l’approche des capabilités développées par

SEN et NUSSBAUM. Elle est fondée sur la liberté d’expression et la possibilité de faire

des choix pour accéder à la maitrise de son destin. C’est en la favorisant que les

professionnels soutiendront ces capabilités permettant aux personnes protégées d’être

actrices de leur destin.

A) La délivrance des informations nécessaires aux choix de la personne protégée

Quelles sont les informations systématiquement communiquées à toutes les personnes

protégées ? Les modalités de communication des informations sont-elles appropriées à

l’état de santé des personnes protégées ? La communication des informations est-elle

faite directement par le mandataire ? Quels sont les domaines où les informations ne sont

pas communiquées à la personne protégée ? Sur quelle évaluation ? Des sujets sont-ils

évités par le mandataire judiciaire ? Le devoir de conseil des professionnels spécialisés

(notaire, banquier, médecin …) est-il favorisé par le mandataire ?

Indicateurs :

Recensement des informations systématiques,

Récépissé de communication des outils relatifs au droit des usagers,

Procédure spécifique pour ce qui relève du droit des malades,

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 68 -

Recensement des sujets évités ou difficiles.

B) Le Document individuel de protection des majeurs

Le DIPM est-il co-construit avec la personne protégée ? Son consentement est-il

recherché ? Comment est-il formalisé ? Les modalités de son expression et de sa

participation au DIPM sont-elles formalisées ? Sert-il de fil rouge à l’accompagnement

personnalisé ? Est-il élaboré à partir de l’évaluation des compétences sociales des

personnes protégées ? L’avenant est-il systématisé en cas d’évolution de la situation de

la personne protégée ? Le DIPM est-il soumis au regard du responsable de service ? Le

DIPM est-il élaboré quand la personne protégée n’est pas en capacité d’y participer ? Le

DIPM est-il communiqué à des tiers (partenaires, juges) avec l’accord de la personne ?

Existe-t-il un processus d’observation générale des DIPM permettant d’identifier les

besoins des personnes protégées, les difficultés nouvelles ?

Indicateurs :

Documents utilisés par le service,

Nombre de DIPM effectués,

Nombre d’avenants au DIPM,

Formalisation du recueil de la participation des personnes protégées sur le DIPM,

Pourcentage de personnes protégées ayant signé le DIPM,

Formalisation du visa du responsable de service sur le DIPM,

Modalités de participation d’une autre personne quand celle de la personne

protégée n’est pas possible,

Synthèse des DIPM au sein du service.

3.4.3 La valorisation de l’autonomie

Pour M. NUSSBAUM, la vulnérabilité est inhérente à la condition humaine. Elle crée

une fragilité dans l’impossibilité de tout maitriser. Assumée, elle est le ressort du

processus de développement de l’autonomie. B.EYRAUD voit l’autonomie de la personne

protégée scindée entre le mandataire et la personne selon la ligne de partage de ses

capacités effectuée par le juge qui appelle à des formes de collaborations différentes

entre le mandataire et la personne protégée.

A) La prise en compte de l’environnement des personnes protégées :

Quand l’environnement constitue un appui et une ressource pour la personne

protégée, un contact est-il établi avec la famille, les personnes proches, les intervenants

autour de la personne protégée ?

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 69 -

Indicateur :

Identification des personnes référentes ou importantes pour la personne protégée.

B) Le partage des actions entre le mandataire et la personne protégée

La personne protégée est-elle impliquée dans les actions prévues dans le DIPM ? Des

domaines de responsabilité propre sont-ils déterminés entre le mandataire et la personne

protégée ? Les pratiques de promotion de l’autonomie sont-elles identifiées et

partagées par les professionnels ? Les essais sont-ils encouragés ? Les modalités

d’exercice de la mesure sont-elles modifiées suite à l’évolution des personnes

protégées ? Qui fait tiers dans le face à face personne protégée/ mandataire ? Comment

le mandataire rend compte des actions engagées, de leur réussite, de leur échec ? A

qui ? Son action est-elle soutenue par une instance éthique quand cela est nécessaire ?

Indicateurs :

Synthèse des objectifs et actions du DIPM,

Formalisation des pratiques de promotion de l’autonomie,

Modalités de contrôle de l’accomplissement des droits des personnes protégées,

Nombre de rencontre mandataire/ responsable pour évoquer les situations,

Nombre de rencontres responsable/personne protégée,

Nombre de réclamation des personnes protégées,

Procédure de traitement des réclamations,

Nombre de sollicitations de l’instance éthique.

C) L’évolution de la mesure de protection

Le juge est-il systématiquement saisi quand la mesure de protection doit être

adaptée ? L’accompagnement vers la mainlevée de la mesure fait-il l’objet d’un processus

d’intervention spécifique ? Des intervenants tiers y sont-ils associés ?

Indicateurs :

Nombre de requêtes adressées au juge pour modifier la mesure,

Pour la lever,

Formalisation de l’accompagnement vers la mainlevée,

Nombre de mainlevées.

3.4.4 La participation des personnes au fonctionnement du service

R.JANVIER et Y.MATHO situe la participation des personnes au fonctionnement

du service dans l’instauration de la vie démocratique à l’échelle du service. Celle qui

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 70 -

valorise la citoyenneté des personnes protégées dans la participation à la gouvernance

du service et la possibilité, par leur expression sur ce qui est le mieux pour elles,

d’influencer son fonctionnement et son organisation.

A) L’expression des personnes protégées

Quelles sont les modalités choisies par le service pour recueillir l’expression des

personnes ? Sur quels sujets ? Qui porte la démarche ? Quelles suites sont données à

ces différentes formes d’expression ? Qui rédige les comptes rendus, dépouille les

résultats ? Qui s’occupe de leur analyse et des suites à donner ? A qui sont diffusés les

comptes rendus ou résultats ?

Indicateurs :

Rythme de recueil de l’expression des personnes protégées,

Nombre de personnes protégées participantes,

Identification d’un référent qualité par les professionnels et les personnes

protégées,

Accessibilité aux compte rendus et résultats.

B) Modalités de participation

Les personnes protégées sont-elles associées à l’élaboration des outils relatifs au droit

des usagers ? Le service favorise-t-il la participation des personnes protégées à des

réunions spécifiques concernant l’organisation du service ou son fonctionnement ? Le

service favorise-t-il des actions collectives pour des personnes protégées en fonction de

leurs demandes ou de besoins identifiées ?

Indicateurs :

Nombre de personnes protégées participantes,

Nombre d’actions collectives engagées par le service,

Recensement des sujets évoqués.

3.5 Evaluation des autres actions envisagées

Pour être complète, je veux également m’assurer de la pertinence des autres actions

envisagées pour la dynamique collective du service. J’en retiens quatre axes prioritaires :

La création de sens commun

Les compétences collectives

Le positionnement des cadres

Les différentes coopérations

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 71 -

3.5.1 La création de sens commun

Le partage des savoirs et des pratiques et les décisions de l’Instance éthique doivent

contribuer à un « vivre ensemble » dans lequel les professionnels partagent des repères

communs.

Quelle place pour les actions collectives dans le plan de formation ? Quelle participation à

des colloques, réunions thématiques, journée d’échanges ? Les professionnels sont-ils

formés à l’éthique ? Des instances éthiques sont-elles mises en place ? Rendent-elles

des décisions qui sont connues de l’ensemble des professionnels ? Comment les

fonctions transversales participent aux repères communs ? Quelles modalités de

capitalisation de leurs interventions ?

Indicateurs :

Pourcentage du plan de formation dédié aux actions collectives,

Nombres de journées proposées à l’intérêt des professionnels,

Nombre de professionnels participants,

Nombre de sollicitations de l’instance éthique,

Nombre de compte rendus diffusés,

Fiche de poste des fonctions transversales,

Nombre de situations dans lesquelles interviennent les fonctions transversales,

Recueil de fiches techniques et de procédures.

3.5.2 Les compétences collectives

L’articulation des compétences collectives autour des besoins de la personne protégée

doit permettre de retrouver la prédominance du lien d’accompagnement malgré toutes les

autres tâches induites par le mandat judiciaire.

Les secrétaires sont-elles formées à l’assistance tutélaire ? Quelle place ont pris les

fonctions d’appui technique ? Un temps suffisant est-il dégagé pour recentrer le

mandataire sur le lien d’accompagnement ?

Indicateurs :

Nombre de secrétaires formées,

Nombre de postes d’appui créés par redéploiement,

Nombre de tâches transférées,

Evolution du nombre des mesures exercées par un mandataire,

Nombre de visites et de rendez-vous effectués par le mandataire,

Existence des fiches de poste adaptées à ces évolutions.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 72 -

3.5.3 Le positionnement des responsables de service

Les responsables de service conduisent sur les antennes le projet de service. Leur

fonction doit être identifiée sur l’antenne comme distincte de celle du mandataire et reliée

à un collectif de cadres constitué en équipe de direction.

Quelles sont leur niveau de responsabilité vis-à-vis des usagers et des professionnels ?

Quelle place prennent-ils dans la participation des personnes protégées à ‘exercice de

leur mesure et au fonctionnement du service ? Comment se manifeste la vie d’équipe

pour les cadres de l’ATMP74 ?

Indicateurs :

Document unique de délégation,

Fiche de poste adaptée à l’évolution de la fonction,

Nombre de DIPM avec formalisation de l’intervention du responsable de service,

Nombre de réunions du groupe d’expression sur son antenne,

Nombre de personnes protégées répondant favorablement aux propositions de

participation,

Analyse de la pratique pour les cadres,

Recueil de repères communs en matière de réponses à apporter aux demandes

du personnel,

Nombre d’évènements conviviaux.

3.5.4 Les différentes coopérations

Instrument de la justice et opérateur de la cohésion sociale, le service mandataire a à

devenir un acteur des solidarités locales en établissant des coopérations avec ses deux

autorités de contrôle, les juges et la DDCS.

Quelle participation à une meilleure connaissance de la protection juridique auprès des

partenaires et des familles ? Quels consensus avec les juges sur les silences de la loi ?

Quelle participation aux politiques publiques ? Quelles modalités de gestion des flux

d’activité ?

Indicateurs :

Nombre d’intervention commune avec les juges pour délivrer de l’information sur la

protection juridique,

Nombre de positions consensuelles diffusées et connues,

Modalités d’anticipation des flux d’activité concertées avec les juges,

Contributions départementales aux schémas départementaux,

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 73 -

Participation au schéma régional des mandataires judiciaires,

Participation aux travaux d’élaboration des bonnes pratiques.

L’établissement de ce référentiel me permet d’envisager la mise en place de mon plan

d’action en y intégrant les indicateurs nécessaires à son évaluation et d’anticiper la

démarche d’évaluation interne que le service mandataire devra entamer au cours de

l’année 2015.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 74 -

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Conclusion

Valoriser la citoyenneté participative des personnes protégées ne se fera pas dans

la révolution. C’est un travail lent et continu dont les préalables résident dans l’acceptation

de l’incertitude qui refuse les réponses toute faites, les injonctions arbitraires de la toute-

puissance et récusent la prééminence de la logique de fonctionnement.

Au quotidien, un questionnement permanent sur le sens de nos actions permettra

l’intériorisation par l’Institution des réponses qui font valeur de références. Sur ces

références pourront émerger des pratiques renouvelées. En valorisant l’estime de soi, la

prise d’initiatives et la responsabilité des personnes protégées, en favorisant leur

expression, le service mandataire intervient au soutien des vulnérabilités. Il ouvre ainsi

des possibilités, des espaces de liberté pour qu’elles assurent mieux et elle-même leur

propre protection. C’est ainsi que se résoudra le paradoxe de la protection et de

l’autonomie dans une complémentarité assumée.

C’est un travail au jour le jour qui s’élabore avec les professionnels dans de nouveaux

rapports d’usage fondés sur la rencontre et l’échange avec les personnes, la création

d’espaces démocratiques de débats, de concertation, de co-construction qui s’ouvrent

aux personnes protégées. Un autre « vivre ensemble » dans lequel le projet d’action

sociale n’est plus celui du service, mais devient celui de toutes ses parties prenantes.

Le management et l’organisation du service que je veux déployer découle directement de

cette vision. Il a pour objectif de substituer à une chaine d’interventions une dynamique

collective porteuse de sens dans l’action auprès des personnes protégées.

La réalité viendra bien sûr heurter cette architecture laborieuse, dans des

dimensions relationnelles, financières, dans des contingences matérielles, dans les

multiples formes de l’imprévisibilité. Mais plus l’ATMP74 sera agile, informée, apprenante,

ouverte et accueillante plus elle saura trouver les ressources nécessaires pour garantir

aux personnes protégées le maintien de leur citoyenneté dans la protection : celle qui se

vit dans la liberté des choix et de l’expression, dans la prise en considération de droits

inaliénables et dans le sentiment d’appartenance à un groupe social.

Le service mandataire sera alors prêt à franchir une nouvelle étape en orientant

ses activités vers les autres types de mesures de protection qui, administratives, font

toute la place à la contractualisation avec la personne. A plus long terme, il pourra

envisager avec confiance l’évolution législative future qui abolira le système de

représentation comme l’ont déjà fait certains pays européens, au profit de solutions

d’accompagnement à la prise de décision.

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Marie-Hélène BONEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 77 -

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troubles-mentaux-et-des-personnes

TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES :

MINISTERES DE LA SANTE ET DES SOLIDARITES, DE LA JUSTICE, MINISTERE

DELEGUE A LA SECURITE SOCIALE, AUX PERSONNES AGEES, AUX PERSONNES

HANDICAPEES ET A LA FAMILLE, loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la

protection juridique des majeurs, 36 p.

MINISTERES DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, DE LA JUSTICE, DE L’INTERIEUR,

MINISTERES DELEGUES A LA FAMILLE, A L’ENFANCE ET AUX PERSONNES

HANDICAPEES, A LA SANTE, SECRETARIAT D’ETAT AUX PERSONNES AGEES, loi n°

2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale 33 p.

NATIONS UNIES, Convention relative aux droits des personnes handicapées et protocole

facultatif, consulté le 25 janvier 2014 sur

http://www.un.org/disabilities/documents/convention/convoptprot-f.pdf

CONSEIL DE L’EUROPE Conseil des Ministres, 1999, Principes concernant la protection

juridique des majeurs incapables, Recommandation R (99) 4, consulté sur

https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=407189&Site=CM

CONSEIL DE L’EUROPE Assemblée parlementaire, 2009, Accès aux droits des personnes

handicapées, et pleine et active participation de celle-ci dans la société, Résolution 1642,

consulté le 25 janvier 2014 sur

http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta09/FRES1642.htm

Page 88: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

Marie-Hélène BONEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 - 80 -

COUR DE CASSATION Chambre civile 1, 1989, Arrêt du 18 avril 1989, publié au bulletin

1989 I n° 156 P 103, consulté le 1er février 2014 sur

http://www.easydroit.fr/jurisprudence/Cour-de-Cassation-Chambre-civile-1-du-18-avril-1989-

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ARTICLES :

BASANGUKA A., 2005, Ethique et imagination chez Paul Ricoeur, in revue d’éthique et de

théologie morale 2005/1 n°233, p 113-134, consulté le 13 avril sur http://www.cairn.info/revue-

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BEAUJOUAN J., 2006, L’argent et le lien social, conférence du 9 mars 2006, Paris, consulté

le 29 mai 2014 sur http://www.jean-beaujouan.fr/IMG/pdf/L_argent_et_le_lien_social.pdf

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consulté le 31 mai 2014 sur http://anthropomada.com/bibliotheque/Marcel-MAUSS-Essai-sur-

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SITES INTERNET :

http://www.cndp.fr/archive-musagora/citoyennete/citoyennetefr/quiestcitoyen.htm consulté le

16 mai 2014

DICTIONNAIRE

BARREYRE JY., BOUQUET B., 2006, Nouveau dictionnaire critique de l’action sociale, Paris,

Bayard

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 I

Liste des annexes

ANNEXE 1

Extrait du procès- verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74 du 21 avril 1975

ANNEXE 2

Organigramme de l’ATMP74

ANNEXE 3

Typologie de la population des majeurs protégés suivis par l’ATMP74

ANNEXE 4

Résultats de l’enquête de satisfaction effectuée par l’ATMP74 auprès des personnes

protégées en 2012

ANNEXE 5

Document Individuel de protection des majeurs de l’ATMP74 basé sur l’évaluation des

compétences sociales.

ANNEXE 6

Grille d’évaluation sur la personnalisation de l’accompagnement des personnes protégées

proposées par l’UTRA.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 II

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 III

ANNEXE 1

Extrait du procès- verbal de l’assemblée constitutive de l’ATMP74 du 21 avril 1975

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 IV

ANNEXE 2

Organigramme de l’ATMP74

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 V

ANNEXE 3

Typologie de la population des majeurs protégés suivis par l’ATMP74

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 VI

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 VII

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 VIII

ANNEXE 4 : Extraits des résultats de l’enquête de satisfaction.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 IX

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 X

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XI

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XII

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XIII

ANNEXE 5

Document individuel de protection des majeurs de l’ATMP74

basé sur l’évaluation des compétences sociales.

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XIV

Page 103: Valoriser la citoyenneté participative de la personne protégée, un enjeu d'adaptation pour le service mandataire

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XVI

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XIX

ANNEXE 6

Grille d’évaluation sur la personnalisation de l’accompagnement

des personnes protégées proposée par l’UTRA.

9-

Q9-

Q9-

Q9-

Q9-

Q9-

Quelle place pour les autres acteurs autour de la personne ?

Comment les résultats de l’action au cours de la période écoulée sont-ils évalués ou appréciés dans les

différents domaines ? Avec qui sont-ils partagés ?

Etabli avec la personne ? Ses attentes sont-elles explicitement prises en compte ?

S’appuie-t-il sur une réévaluation de la situation de la personne ?

Actions à mener Commentaires et observations

Constats et données de référence Points forts

Indicateurs en place et résultats observés :

Dispositifs de contrôle et d'audit interne : résultats observés :

Voies d'amélioration

Autres constats (préciser l'approche choisie) :

Quelles dispositions pour que ce document reste une véritable référence pour l’accompagnement tout au

long de l’année ?

Le DIPM fait-il l’objet d’un avenant annuel ?

Le cas échéant, le Juge des Tutelles est-il informé des difficultés, de l’impossibilité d’exercer la mesure ?

Sous quel délai ?

Quelles difficultés dans l’établissement d’un lien avec la personne protégée,

et quelle approche du Service pour y faire face ?

Quelle est la place des partenaires et tiers dans cette élaboration ?

Par qui est-il signé, et pourquoi (quel est le sens donné à ces signatures) ?

Les actions à mener et les responsabilités associées y sont-elles définies ?

Les objectifs de travail y sont-ils définis ? Cohérents avec l’évaluation de la situation de la personne ?

Prend-il en compte explicitement les attentes de la personne ?

S’appuie sur une évaluation complète de la situation de la personne et de ses besoins ?

Est-il élaboré avec la personne ?

Un DIPM est-il établi ? Dans les 3 mois ?

Pratiques

anecdotiques hétérogènes systématiquesvues et améliorées existante(s) conformes

La mise en œuvre des mesures de protection - La protection des personnes (« l’accompagnement tutélaire »)Retour à la liste des questions

Quelle personnalisation de l’accompagnement ? Quelle participation de la personne protégée ?

Quelques questions pour soutenir la réflexion…Les pratiques et le fonctionnement observés

Inexistantes, ou Individuelles Collectives Régulièrement re- Procédure(s)

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Marie-Hélène BONNEAU - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2014 XX

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BONNEAU Marie-Hélène Novembre 2014

Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale

ETABLISSEMENT DE FORMATION : ARAFDES

VALORISER LA CITOYENNETE PARTICIPATIVE DE LA PERSONNE PROTEGEE : UN ENJEU D’ADAPTATION POUR LE SERVICE MANDATAIRE

Résumé :

L’émergence de la protection de la personne et l’inscription du service mandataire

dans le champ de l’action sociale conduit le service mandataire à la protection des

majeurs à envisager un nouvel accompagnement des personnes protégées. Si

l’exercice des mesures de protection juridique doit générer de la sécurité, il consiste

également à mettre en œuvre un accompagnement qui laisse à la personne le choix et

la maitrise de son destin. C’est là son aspiration essentielle.

J’ai cherché auprès des auteurs et des professionnels des approches qui s’attachent à

l’établissement du lien d’accompagnement structurant une relation plus égalitaire entre

professionnels et personnes protégées. Et je me suis largement inspirée de celles qui

s’appuient sur les capacités des personnes vulnérables pour valoriser leur citoyenneté

et leur autonomie.

L’approche des capabilités, l’éthique, l’adaptation des outils du droit des usagers au

service mandataire, le changement des rapports d’usage constituent le socle sur lequel

j’envisage de construire avec les professionnels des pratiques renouvelées permettant

l’adaptation du service à son nouvel enjeu.

Mots clés :

ACCOMPAGNEMENT, ACTION SOCIALE, AUTONOMIE, CAPABILITES, CAPACITES, CITOYENNETE, ETHIQUE, CURATELLE, DROIT DES USAGERS, PARTICITATION, PROTECTION DE LA PERSONNE, PROTECTION JURIDIQUE, SECURITE, SERVICE MANDATAIRE, MANDATAIRE JUDICIAIRE, TUTELLE.

L'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions

émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.