1
Questionner le don alimentaire en France, en situation de précarité Sophie-Anne Sauvegrain & Virginie Masdoua, chercheurs associées UMR 6578 CNRS –EFS –Université de la Méditerranée -Marseille Selon Marcel Mauss, référence de l’anthropologie du don, « Les dons circulent avec la certitude qu’ils seront rendus. Il y a une vertu qui force les dons à circuler, à être donnés et à être rendus » (Essai sur le don, 1924). Ce poster pose la mise en place d’une recherche sur l’alimentation et la précarité en France. Notre questionnement initial repose sur le caractère unilatéral du don alimentaire, sur la cohésion sociale qu’il génère. Nous tenterons de mieux comprendre qui sont les donneurs, qui sont les receveurs et nous proposerons enfin quelques réflexions émergeantes. Espaces du don L’Alimentation est éminemment structurante dans la construction du corps et du quotidien et relève avant tout de l’espace domestique. •L’aide alimentaire ou la distribution des repas, relevant de la sphère publique, s’inscrivent dans une culture particulière du dehors voire de la rue. Le bricolage alimentaire est prépondérant, les stratégies individuelles et collectives tendent à diversifier les sources d’approvisionnement. La fragmentation des prises alimentaires reflète celle du mode de vie. En conclusion Qu’est devenue la « place du pauvre » dans notre société contemporaine ? Le don institutionnel s’est substitué aux initiatives plus personnelles, relevant de la sphère domestique. Quelle marge d’autonomie laisse-t- Polymorphisme du don Il peut se faire sous forme financière , sous forme de matière alimentaire (par exemple les colis) ou encore de matière transformée (distribution de repas type soupe populaire ou repas chauds (Secours Populaire, Croix Rouge, Restos du Cœur). Le don de son temps est inhérent à la logique des bénévoles. Du fait du nombre élevé de bénéficiaires, la durée des échanges peut être très brève et leur contenu superficiel. La prise en compte de la nécessité de soutien social multiplie les initiatives de distribution avec accompagnement individuel basé sur l’empathie et soulignant l’importance de la convivialité. Le temps d’échanges prévu autour du repas entremêle silences, paroles, partage et isolement. Qui sont les donneurs? Reposant sur les principes de gratuité, de lutte contre le gaspillage et la pauvreté, de partage et de bénévolat, les banques alimentaires existent depuis les années 1980. Leur approvisionnement dépend des agriculteurs (excès de production), des industries agro- alimentaires et des grandes surfaces (liquidant leur surplus sous le déguisement du mécénat), enfin des particuliers mobilisés à l’occasion de collectes. Le tissu associatif français se développe et voit naître des initiatives novatrices. Les épiceries sociales, en plein essor, permettent de faire ses courses à prix réduits. Qui sont les receveurs? Les situations de précarité, ainsi que les trajectoires d’existence relèvent du pluralisme (Poulain et Tibère, 2008). Sont concernées plus particulièrement: les familles

Société d'Anthropologie de Paris, Museum d'histoire naturelle, 2010

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Questionner le don alimentaire en situation de précarité en France ? La Marginalité alimentaire L'autonomie alimentaire

Citation preview

Page 1: Société d'Anthropologie de Paris, Museum d'histoire naturelle, 2010

Questionner le don alimentaire en France, en situation de précarité

Sophie-Anne Sauvegrain & Virginie Masdoua, chercheurs associées UMR 6578 CNRS –EFS –Université de la Méditerranée -Marseille

Selon Marcel Mauss, référence de l’anthropologie du don, « Les dons circulent avec la certitude qu’ils seront rendus. Il y a une vertu qui force les dons à circuler, à être donnés et à être rendus » (Essai sur le don, 1924). Ce poster pose la mise en place d’une recherche sur l’alimentation et la précarité en France. Notre questionnement initial repose sur le caractère unilatéral du don alimentaire, sur la cohésion sociale qu’il génère. Nous tenterons de mieux comprendre qui sont les donneurs, qui sont les receveurs et nous proposerons enfin quelques réflexions émergeantes.

Espaces du donL’Alimentation est éminemment structurante dans la construction du corps et du quotidien et relève avant tout de l’espace domestique. •L’aide alimentaire ou la distribution des repas, relevant de la sphère publique, s’inscrivent dans une culture particulière du dehors voire de la rue. Le bricolage alimentaire est prépondérant, les stratégies individuelles et collectives tendent à diversifier les sources d’approvisionnement. La fragmentation des prises alimentaires reflète celle du mode de vie.

En conclusionQu’est devenue la « place du pauvre » dans notre société contemporaine ? Le don institutionnel s’est substitué aux initiatives plus personnelles, relevant de la sphère domestique. Quelle marge d’autonomie laisse-t-il, ou quelle assistance génère-t-il à la marginalité?

Polymorphisme du donIl peut se faire sous forme financière , sous forme de matière alimentaire (par exemple les colis) ou encore de matière transformée (distribution de repas type soupe populaire ou repas chauds (Secours Populaire, Croix Rouge, Restos du Cœur).Le don de son temps est inhérent à la logique des bénévoles. Du fait du nombre élevé de bénéficiaires, la durée des échanges peut être très brève et leur contenu superficiel. La prise en compte de la nécessité de soutien social multiplie les initiatives de distribution avec accompagnement individuel basé sur l’empathie et soulignant l’importance de la convivialité. Le temps d’échanges prévu autour du repas entremêle silences, paroles, partage et isolement.

Qui sont les donneurs?Reposant sur les principes de gratuité, de lutte contre le gaspillage et la pauvreté, de partage et de bénévolat, les banques alimentaires existent depuis les années 1980. Leur approvisionnement dépend des agriculteurs (excès de production), des industries agro-alimentaires et des grandes surfaces (liquidant leur surplus sous le déguisement du mécénat), enfin des particuliers mobilisés à l’occasion de collectes. Le tissu associatif français se développe et voit naître des initiatives novatrices. Les épiceries sociales, en plein essor, permettent de faire ses courses à prix réduits.

Qui sont les receveurs? Les situations de précarité, ainsi que les trajectoires d’existence relèvent du pluralisme (Poulain et Tibère, 2008). Sont concernées plus particulièrement: les familles monoparentales, les personnes isolées, les travailleurs pauvres.Certains socio-anthropologues mettent en garde face à la tendance d’une aide qui classe en bons et mauvais pauvres les receveurs (César, Paugam, 2009).