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Page 1: 2015 01 26 d&cs n° 54

Droits et construction sociale

Bulletin n°54

26 janvier 2015

Guide de la copropriété participative

Chapitre 2 Droit et construction sociale de la

participation

1 La mise en cohérence juridique des valeurs

ISSN : 2117-5845

D&CS , n° 54, 26 janvier 2015 1

Guide de la copropriété participative

Chapitre 2 Droit et construction sociale de la participation

1 La mise en cohérence juridique des valeurs Précédemment, il a été vu que la participation ne peut être ni un assujettissement, ni un appel aux sacrifices sans contreparties. A présent, il convient d’expliquer comment s’organiser au plan juridique pour éviter ces dérives.

Sommaire Pages

1 La mise en cohérence juridique des valeurs……….…. 5 1.1 L’impasse des proclamations ambigües....………….….. 7 1.2 Le progrès limité constitué par l’Etat de droit…...…….. 10 1.3 Harmoniser principes et méthodes……………………... 13

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LGOC

智 仁

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Guide de la copropriété participative

Chapitre 2 Droit et construction sociale de la participation

Le début du premier chapitre a été consacré aux divers auteurs qui, depuis le XIXe siècle, veulent promouvoir des dynamiques économiques et sociales contrôlées directement par les citoyens. Le but est d’éviter l’exploitation de ces derniers par certaines élites. Ainsi est né l’idéal coopératif, qui repose sur la volonté de faire travailler ensemble des personnes (d’où l’emploi du préfixe co-) dans le but d’élaborer une œuvre commune (ce qui explique le recours au verbe opérer). Or, si des individus sont assujettis aux dirigeants au sein d’une démarche collective, on ne peut plus parler de coopération. Les efforts des uns sont détournés au profit de quelques autres qui les dominent. C’est une banale entreprise de captation. Coopérer implique donc de vaincre tous les processus d’assujettissement et de dépendance, ce qui constitue un magnifique objectif. Encore faut-il pouvoir l’atteindre et ne pas se contenter de proclamations un peu vaines voire mensongères. Le processus participatif vise justement à cheminer progressivement vers cet idéal coopératif.

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A la fin du premier chapitre, il a également été montré qu’une action n’est authentiquement participative que si elle garantit l’absence de harcèlement et de manipulation des individus. Les participants ne doivent pas être détournés de leurs devoirs civils et civiques par quelques intrigants qui invoquent faussement d’honorables principes pour abuser de la confiance des naïfs et se créer ainsi des privilèges. Un processus collectif de vérification est nécessaire afin de s’assurer du fait que chaque volontaire souhaitant s’engager n’est pas exploité au détriment de ses autres obligations. Tel est l’enseignement du constructionisme social. Cependant, certains pourraient penser qu’il s’agit là d’un vœu pieux relevant d’un verbiage psychologisant de type New Age. D’autres pourraient même adopter ce langage simplement à titre publicitaire pour se donner une coloration novatrice sans risquer d’avoir à rendre de comptes.

Pour en savoir plus :

GERGEN (Kenneth), « Social Construction and Practical Theology : The Dance Begins », pp. 3-21, et notamment p. 20 sur le lien entre pensée New Age et constructionisme social, in HERMANS (Chris A. M.), IMMINK (G.), DE JONG (A.) et VAN DER LANS (A.), (dir.), Social Constructionism and Theology, BRILL, Leyden (Pays-Bas), 2001, 325 p.

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Volonté de faire disparaître

l'assujettissement Processus participatif Idéal coopératif

Souci d'éviter la manipulation des individus

Dépassement du constructionisme

comme simple phraséologie New Age

Constructionsime comme moyen de bâtir des garanties

collectives concrètes

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Voilà pourquoi, dans ce second chapitre du Guide de la copropriété participative, il est essentiel de montrer la dimension concrète et juridique de la démarche participative et l’intérêt du constructionisme dans cette perspective. Pour supprimer pas à pas l’assujettissement et la manipulation des individus, il faut employer des moyens relevant du droit, même si cela implique d’avoir une conception différente de ce dernier (1). Une nouvelle approche quant à la place des juristes dans les échanges sociaux doit également émerger (2) et des mécanismes juridiques adaptés doivent être choisis pour progresser réellement vers l’idéal coopératif grâce à la participation (3).

1 La mise en cohérence juridique des valeurs

Les divers tenants du vaste courant New Age insistent souvent sur le lien entre tous les êtres humains. C’est un point commun avec la théorie de la construction sociale, dont la base est l’idée que l’homme est un « être relationnel » vivant et pensant en fonction des échanges

qu’il noue avec les autres. D’ailleurs, on ne peut qu’approuver la pratique thérapeutique que cela induit chez les psychologues. Quand un individu est replié sur ses pulsions, il finit par éprouver un mal-être. S’il est invité à prendre conscience des conséquences de ses actes pour le reste de la société, il retrouve le sens de sa vie et des limites qui s’imposent à lui. Toutefois, bien que cela soit utile, une telle évolution reste insuffisante pour bâtir un monde meilleur.

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En effet, les bonnes intentions sont un peu courtes quand il s’agit d’atteindre un objectif précis. Or, l’idéal coopératif n’est pas condamné à rester une fantaisie fumeuse. Depuis plus de trois siècles, de nombreux intervenants échangent à ce propos et ont pu repérer des voies plus performantes que d’autres pour cheminer vers la coopération. Le débat n’est évidemment pas clos, mais il serait douteux d’ignorer les pistes dégagées et de ne pas réfléchir sur leur pertinence. L’idéal coopératif, et le processus participatif qui doit y mener, reposent donc sur des principes qui peuvent être précisés, notamment dans leurs implications juridiques, pour que l’on sorte des appels flous et ambigus. Aussi, les valeurs participatives prônées ici doivent avoir un sens juridique déterminé et ne pas être limitées à des proclamations vaines (1.1). L’Etat de droit constitue un progrès nécessaire mais insuffisant pour donner une interprétation plus concrète des valeurs juridiques (1.2) car les magistrats, même indépendants, ne sont pas seuls au monde. Toute la société doit les aider à faire un travail de formulation des concepts sur une base solide. Le constructionisme offre une méthode pour cela (1.3).

Pour en savoir plus :

ELKAIM (Mony), « Constructivisme, constructionnisme,

aux limites de la systématique ? », Résonances, n° 9, 1995-1996, pp. 6 à 11

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Individus repliés sur leur

mal-être

Intérêt de la prise en compte des

conséquences sociales du repli sur soi

Insuffisance de la simple volonté

d'échapper au repli sur soi

Insuffisance des bonnes intentions

Nécessité de donner un sens concret aux

valeurs participatives

Utilité du travail de clarification des

concepts juridiques

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1.1 L’impasse des proclamations ambiguës

La conception dominante du droit avec laquelle il faut rompre consiste à croire que les règles juridiques sont un produit qui se consomme et non une organisation des relations sociales qui doit se construire. Ainsi, beaucoup refusent de subir eux-mêmes un harcèlement moral au plan professionnel. Dans le même temps, les conditions de travail de ceux dont ils profitent leur sont parfaitement indifférentes. Cela revient à proclamer des valeurs auxquelles on n’entend pas être fidèle, mais dont on espère seulement le respect par autrui. Une telle exigence implique souvent un moralisme bien-pensant et sentencieux sur fond d’absence de vérification concrète de ses propres pratiques. En effet, il n’est pas très glorieux de ne pas faire ce que l’on prône. Difficile de montrer l’exemple dans ces conditions. On est alors très loin de l’idéal de KANT qui conseillait : « Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté

puisse en même temps toujours valoir comme

principe d’une législation universelle » (Critique de la raison pratique, Folio Essais, Gallimard, Paris, 1985, p. 53).

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Dans la Bible, on trouve également : « Ce que vous

voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le

de même pour eux » (Matthieu [7, 12], version SEGOND). Les Entretiens attribués à CONFUCIUS énoncent une maxime proche, en précisant que l’homme de bien est « celui qui ne prêche pas ce qu’il faut faire tant

qu’il n’a pas fait ce qu’il prône » (II, 13). On y lit aussi :

« L’homme de bien exige tout de lui-même,

l’homme de peu attend tout des autres » (trad. Anne

CHENG, Seuil, Paris, 1981). Le but ici n’est pas de donner des leçons. Chacun voit midi à sa porte. Néanmoins, lorsque l’on se propose de promouvoir la participation à des actions collectives, il convient d’éviter les incohérences et les tromperies manifestes. Avoir des pratiques contraires à ce que l’on préconise ne serait pas acceptable, car, dans ce cas, la participation n’attirerait plus personne, à part quelques pigeons qui se feraient plumer. Dès lors, deux visions du monde s’affrontent. On peut croire à de grandes proclamations vagues et attendre du juge qu’il donne par enchantement des droits que l’on pourra consommer. On peut aussi s’interroger sur le sens de ces grandes déclarations afin de leur donner une dimension concrète, avant d’élaborer un programme d’action pour conquérir les résultats escomptés. Cette seconde solution permet d’éviter de prendre les magistrats pour des magiciens, au risque d’être souvent déçu…

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Volonté de consommer des

prestations

Indifférence au sort des

autres

Conception consumériste

du droit

Volonté de consommer le droit

Rêve de voir les juges résoudre les

problèmes par magie Déception

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Prenons l’exemple du dernier alinéa du préambule de la Charte de l’Environnement, intégrée à la Constitution française en 2004. Ce texte prévoit : « qu'afin d'assurer un

développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres

peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Quelle belle

formule ! Or, la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes. Pourtant, cette magnifique maxime est tout bonnement vide de conséquences juridiques. Comme l’a relevé le Conseil constitutionnel (décision 2014-394 QPC du 07 mai 2014), ce texte et tous les autres alinéas du préambule de la Charte de l’Environnement, ont valeur constitutionnelle mais « aucun d’eux n’institue un droit

ou une liberté que la Constitution garantit » (considérant 5). En bref, et même si le Conseil constitutionnel n’ose pas le dire franchement, c’est une simple pétition de principe qui n’engage que les gens assez étourdis pour y croire. L’Etat a donc fait une promesse avec ce texte, mais le juge constitutionnel refuse d’en être le gardien. Evidemment, si l’on souhaite aller vers l’idéal coopératif, il ne faut pas se contenter de ces beaux principes ayant une valeur juridique théorique élevée mais aucune implication concrète.

Pour en savoir plus :

GARAPON (Antoine), Le Gardien des promesses, Odile Jacob, Paris, 1996, 281 p.

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1.2 Le progrès limité constitué par l’Etat de droit Face à l’imperfection actuelle de notre droit constitutionnel, certains pourraient être tentés de critiquer les juridictions. D’autres, plus audacieux, pourraient même reprocher aux magistrats l’absence de concrétisation de nombreux droits proclamés par le législateur. S’il n’y a pas assez de logements décents, ce serait à cause des tribunaux. Si certains vivent dans des habitations indignes, ce serait à cause des juges. Si l’habitat se dégrade du fait de l’incurie des organes des copropriétés, les magistrats en seraient responsables. Bientôt, les époux trompés et les épouses délaissées mettront leur infortune sur le dos des juges aux affaires familiales… Tout ceci n’est pas sérieux. On ne peut demander aux tribunaux autre chose que ce à quoi ils servent. Si un corps professionnel de juges indépendants n’avait pas été établi, qui aurait à trancher des litiges concernant l’application de la loi ? Le pouvoir politique ? L’administration ? Rien ne serait plus dangereux. Comme l’ont énoncé les Entretiens attribués à CONFUCIUS, « l’homme de peu qui commet une faute

fera tout son possible pour la déguiser » (XIX 8, trad. Anne CHENG, Seuil, Paris, 1981). Un tiers impartial constitue toujours une garantie supérieure car cela évite que des puissances établies ne se jugent elles-mêmes avec beaucoup de complaisance.

D&CS , n° 54, 26 janvier 2015 10

Proclamation d'un droit

Aucune garantie instituée

Discours creux

Nécessité d'éviter que des potentats ne se jugent eux-mêmes

Importance de l'instauration de tiers

impartiaux pour apppliquer la loi

Utilité des magistrats

professionnels

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Parfois, des jurés issus du peuple interviennent dans la prise de décisions juridictionnelles importantes, notamment dans les Cours d’assises. Les citoyens sont particulièrement bien préparés à ce rôle par les journaux et la télévision qui leur apprennent ce qu’est l’intime conviction, l’intention criminelle ou la préméditation, par exemple. Répandre le recours au jury populaire à d’autres domaines peut être envisageable à condition de faire le même effort de préparation dans les champs concernés. Malheureusement, même un citoyen jugeant en son âme et conscience ne peut éviter les limites auxquelles se heurtent aussi les magistrats professionnels. Ces derniers ont reçu un apprentissage juridique et l’on peut penser qu’ils interprètent la loi afin d’assurer la continuité de l’Etat et du système qui les a établis. Un tel objectif implique un jeu d’équilibre qui peut ne pas suffire à calmer les mécontentements. Les juges doivent ainsi protéger le droit de propriété tout en veillant à assurer le droit au logement. Ce sont deux valeurs fondamentales et éminemment respectables. Toutefois, les mettre en balance est dangereux, car cela les relativise. Limiter le droit de propriété au nom du droit au logement et vice-versa donne l’impression que ces droits sont vidés de leur sens. Or, même un juré populaire ne peut échapper à ce piège quand il siège au sein d’un tribunal impartial. Confronter des valeurs, c’est laisser penser qu’elles sont rognées. Cela ne peut que susciter de vives insatisfactions.

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L’Etat de droit repose sur l’idée que même le pouvoir politique doit être soumis à un contrôle juridictionnel, qu’il soit opéré par des magistrats professionnels, des personnalités qualifiées ou des jurés tirés au sort. Une telle évolution représente un progrès mais cela ne prémunit pas le système institutionnel contre le désintérêt des investisseurs économiques, qui peuvent voter avec leurs pieds, ou contre la frustration des populations désespérées qui peuvent voter avec leur colère. En 1830, 1848, 1851, 1870, 1940 et 1958, l’ordre constitutionnel s’est effondré en France. Les magistrats n’ont rien pu y faire. Les équilibres choisis de bonne foi par les juges n’ont pas été suffisants. Des dynamiques indispensables pour protéger l’Etat n’ont pu être suscitées pour faire face aux défis du moment. Une telle leçon permet de deviner l’erreur que les tenants de l’idéal coopératif et du processus participatif ne doivent pas commettre.

Pour en savoir plus : CHEVALLIER (Jacques), L’Etat de droit, Clefs, Montchrestien, 2ème édition, 1994, 158 p. GARAPON (Antoine), GROS (Frédéric), PECH (Thierry), Et ce sera justice, Odile Jacob, Paris, 2001, 331 p.

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Confrontation des droits

Equilibre toujours décevant

Relativisation des droits

Capacité à limiter

l'arbitraire du pouvoir

politique ou administratif

Incapacité à susciter les

dynamiques nécessaires à

la préservation de l'Etat

Grandeur et limites des juridictions

indépendantes

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1.3 Harmoniser principes et méthodes

Lancer des proclamations vagues n’a donc aucun intérêt pour atteindre un objectif précis. Quant aux juridictions indépendantes, elles constituent un instrument utile afin de lutter contre l’arbitraire politique et administratif, mais pas un outil d’instauration de dynamiques fiables. Les acteurs sociaux sont intéressés par des résultats. Si ces derniers ne sont pas au rendez-vous, la mobilisation s’étiole et le système social périclite, ou même s’effondre. En aucun cas les tribunaux n’en sont les seuls responsables, d’ailleurs. Les juges ne font, le plus souvent, que respecter les habitudes et les équilibres qui leur semblent nécessaires pour la survie des institutions et de leur profession. Tout le problème est qu’ils apprécient souvent très mal les périls réels qui menacent l’Etat, mais on ne peut décemment leur reprocher de ne pas être omniscients. Ce qui vaut pour le Conseil constitutionnel, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation en France vaut aussi pour la Cour suprême et les juridictions fédérales aux Etats-Unis d’Amérique. Or, des juristes américains ont proposé une solution face à cette difficulté. Dans cette optique, ils se sont inspirés du constructionisme. Leur proposition est de centrer l’analyse sur des processus concrets au lieu de s’en tenir à des définitions floues et des affirmations vagues.

D&CS , n° 54, 26 janvier 2015 13

Les juristes constructionistes ont tenté de dégager un principe fondamental qui soit à la fois convaincant au plan des valeurs et performant au plan méthodologique. Cela évite de proclamer des libertés vides de sens ou de limiter des droits fondamentaux au nom d’autres droits fondamentaux, tout en donnant le sentiment que ces droits sont évanescents et perpétuellement susceptibles d’être remis en cause. Cela permet aussi de ne pas avoir des pratiques contraires aux buts que l’on affiche. Or, les constructionistes remarquent tous que les mots peuvent avoir un sens différent en fonction des habitudes du groupe au sein duquel ils sont employés. Aucune définition n’est donc parfaite et intangible. De la même manière, les humains sont souvent mis dans des catégories du fait de leur genre, de leur couleur de peau, de leur origine, de leurs croyances ou de leur profession. Des caractéristiques sont parfois associées à ces catégories, comme s’il s’agissait d’éléments naturels et incontestables. Les individus ainsi classifiés sont donc enfermés dans une identité et changés en choses insusceptibles d’évolution. C’est un processus de réification (du mot latin res, la chose). Cette dérive implique une deshumanisation qui peut être combattue au plan moral, mais, dans le même temps, refuser la réification donne aussi des obligations concrètes. Si l’on rejette la classification dogmatique des individus, on doit refuser d’être dogmatique soi-même.

D&CS , n° 54, 26 janvier 2015 14

Abandon des

définitions floues

Attention portée aux processus

concrets

Constructionisme juridique Rejet de la

réification

Lutte contre les dogmes emprisonnant les individus dans des

identités

Obligation d'éviter le dogmatisme soi-

même

Page 8: 2015 01 26 d&cs n° 54

C’est ainsi que des juristes constructionistes ont pu encourager la Cour Suprême des Etats-Unis à proscrire la réification en prenant en compte non seulement les effets directs des lois soumises au contrôle de cette juridiction, mais aussi les processus sociaux susceptibles d’être initiés par ces normes. En matière de lutte contre les discriminations sur le plan de la couleur de peau, cette approche semble avoir rencontré l’assentiment de la Cour Suprême. L’approche constructioniste du droit peut donc avoir une application pratique, même si cela exige que les magistrats gardent l’esprit ouvert. Toutefois, la Cour Suprême comprend 9 membres. A eux seuls, ils ne peuvent certainement pas opérer une surveillance de l’ensemble des processus sociaux à l’œuvre afin de prévoir comment les lois vont influer sur eux. Le Conseil constitutionnel, avec ses 9 membres désignés et son membre de droit qui y siège (l’ancien président Valéry GISCARD D’ESTAING), est dans la même situation.

Pour en savoir plus :

SILBER (Natasha), « Unscrambling the Egg, Social Construction and the Antireification Principle in

Constitutional Law », New York Law Review, vol. 88, 2013, pp. 1873-1907

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L’enjeu est donc clair. Les juridictions doivent interpréter des règles qui ont des conséquences sociales. Elles doivent aussi prendre en compte, sans aveuglement ni dogmatisme, lesdites conséquences sociales. Manifestement, il s’agit là d’un travail qu’elles ne peuvent accomplir qu’avec le concours d’autres acteurs sociaux dans le cadre d’une organisation précise qu’il convient de définir.

Thierry POULICHOT

Droits et construction sociale Publication éditée par l’association LGOC

(Lien des Garanties Objectives dans la Cité)

Bulletin n°54 Date de publication : 26 janvier 2015

Directeur de publication : Thierry POULICHOT Uniquement disponible en ligne

ISSN : 2117-5845

Adresse électronique [email protected]

Blog http://cooperationencopropriete.blogspot.fr

D&CS , n° 54, 26 janvier 2015 16

Refus du dogmatisme

Volonté de prendre en compte les

effets sociaux des règles juridiques

Nouveau rapport à

construire entre juristes et

société

LGOC

智 仁