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*** L’association communautaire comme processus d’intégration ? Une étude comparative entre la France et l’Allemagne *** 15/07/2008

L’association communautaire comme processus d’intégration ? - Une étude comparative entre la France et l'Allemagne (2008)

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L’association communautaire comme processus d’intégration ?

Une étude comparative entre la France et l’Allemagne

***

15/07/2008

SOMMAIRE

Introduction …………………………………………………………………………………p. 5

1. L’intégration

1.1 Définitions………………………………………………………………………………p. 7

1.2 Sociologie de l’intégration……………………………………………………………...p. 9

1.3. La France et Allemagne: deux systèmes d’intégration différents……………………..p. 11

1.4. La France et l’Allemagne face à ses immigrés: exemple des Arabes et des Maghrébins. p.

2. Les Associations

2.1. Définitions.…………………………………………………………………………….p. 14

2.2. Modèles théoriques……………………………………………………………………p. 16

2.3. Conclusion…………………………………………………………………………….p. 17

3. Hypothèse et cadre général de l’étude

3.1. Hypothèse……………………………………………………………………………...p. 17

3.2. Structure du questionnaire…………………………………………………………….p. 17

3.3. Critères de l’étude……………………………………………………………………..p. 19

3.3.1 Population étudiée

3.3.2. Lieu de l’étude

3.4 Démarche de l’étude…………………………………………………………………...p. 20

4. Analyse descriptive des résultats

4.1. Données générales……………………………………………………………………..p. 21

Sexe………………………………………………………………………………..p.21

Âge………………………………………………………………………………....p. 21

Acquisition de la nationalité……………………………………………………….p. 22

Raisons de l’immigration…………………………………………………………..p. 22

4.2. L’individu face à l’association………………………………………………………...p. 24

Motivations à fréquenter l’association……………………………………………..p. 24

Rôle dans l’association……………………………………………………………..p. 26

-2-

13

Fréquentation de l’association…………………………………………………..…p. 27

Fréquentation des autres membres à l’extérieur du cadre associatif……………..p. 28

Synthèse générale………………………………………………………………….p. 29

4.3. L’individu face à la société : éléments d’intégration………………………………..p. 29

4.3.1 Dimension linguistique……………………………………………………………..p. 29

Langue du pays de résidence……………………………………………………....p. 29

Niveau en en français ou allemand……………………………………………….p. 29

La télévision dans la langue du pays d’accueil…………………………………...p. 30

Langue de préférence……………………………………………………………...p. 31

4.3.2. Dimension sociale……………………………………………………………….....p. 32

Contact avec les autochtones………………………………………………………p. 32

4.3.3 Dimension culturelle………………………………………………………………..p. 33

Style de vie et habitudes culturelles………………………………………………p. 34

Politique…………………………………………………………………………..p. 35

Culture du pays d’accueil………………………………………………………….p. 36

Synthèse générale………………………………………………………………….p. 37

4.4. L’association dans le processus d’intégration………………………………………...p. 37

La vie quotidienne…………………………………………………………………p. 37

Compréhension du pays d’accueil et des autochtones…………………………….p. 38

L’avenir de l’association…………………………………………………………..p. 40

Synthèse générale…………………………………………………………………..p. 41

Conclusion…………………………………………………………………………………p. 42

-3-

-4-

Introduction   :

L’objectif de cette étude est avant tout de laisser la voix aux populations immigrées. Centrée

sur le thème de l’intégration au niveau des associations communautaires, l’intérêt de cette

étude est d’apporter des éléments nouveaux à un thème souvent exploité dans le passé.

La perspective des associations communautaires a été choisie suite à la réflexion de la

« société parallèle » et du préjugé selon laquelle les personnes appartenant à une communauté

se séparent volontairement du reste de la société. Cette idée, largement répandue parmi les

personnes locales, semblait trop simplificatrice et ne semblait révéler qu’une partie de la

vérité. Dans la même lignée, l’appartenance à une association communautaire soulève les

mêmes stéréotypes. Par le biais de cet exemple concret, l’étude cherche à connaître les

motivations des personnes immigrées à fréquenter l’association communautaire ainsi que les

conséquences que cela peut avoir dans le processus d’intégration, dans le but de réfuter ce

préjugé.

Ainsi, pourquoi les personnes fréquentent l’association ? Qu’est-ce que cela leur apporte ?

Est-ce qu’ils se sentent protégés, réassurés grâce à l’appartenance à l’association ou est-ce

juste un lieu où ils peuvent pratiquer ouvertement leur religion et culture d’origine ? Est-ce

que l’association les sépare du reste de la société, est-ce qu’il les marginalise ou est-ce qu’il

les intègre à l’intérieur de la société ?

Au lieu de donner la parole aux institutions ou représentants de l’Etat, comme il en est

souvent le cas quant à la façon d’intégrer les immigrés, il a été décidé de recueillir les points

de vue des immigrées eux-mêmes, afin de connaître leur position actuelle à l’intérieur du pays

d’accueil.

Le choix de la population s’est limité aux Turcs en Allemagne et aux Maghrébins en France.

La volonté d’analyser ces populations s’explique par le fait que les Turcs et les Arabes sont

les étrangers les plus nombreux dans les deux pays donc les plus visibles et ceux considérés

« à problème ». Le choix d’étudier les Portugais en France et les Italiens en Allemagne aurait

pu être possible mais l’impact de l’étude n’aurait pas été le même.

-5-

Ce mémoire est divisé en deux parties. D’un côté, nous étudierons les théories sur le

processus d’acculturation des populations étrangères, les difficultés rencontrés lors du clash

des cultures, le contexte historique des populations maghrébines et turques ainsi que le

système d’intégration des deux pays d’accueil. De l’autre, nous nous baserons sur les résultats

du questionnaire mis en place dans les associations communautaires afin de connaître le point

de vue des personnes immigrées. Peu de littérature a été trouvée au niveau de la fréquentation

des associations par les immigrés et encore moins au niveau de la fréquentation d’associations

communautaires. Ainsi le questionnaire servira dans la deuxième partie comme point de

référence.

-6-

1. L’intégration

1.1 Définitions

Le terme intégration englobe différents éléments qui selon les sciences étudiées peuvent

varier considérablement. Altay Manço en fait la distinction1. En psychologie par exemple, les

recherches sont centrées sur l’esprit et la pensée de l’individu en interaction avec lui-même.

« L’intégration psychologique » correspond donc à la construction d’un équilibre interne

variant entre des motivations d’individualisme et de conformité avec les normes collectives.

En sociologie ce sont les échanges entre les individus au sein de la société qui nourrissent

l’étude. « L’intégration sociale » est donc une forme de négociation entre la diversité et

l’unité des groupes qui composent la société.

L’étude réciproque de l’individu psychologique agissant dans le milieu social renvoie à

« l’intégration psychosociale » (Manço, 1999).

Dans le cadre interculturel l’individu est confronté à un environnement nouveau parfois très

différent de son environnement d’origine. Ce dernier est amené à faire des ajustements

socioculturels qui peuvent être volontaires ou qui peuvent être sujettes à des résistances. Ceci

correspond à l’acculturation.

John W. Berry, l’un des fondateurs anglo-saxons de la psychologie sociale interculturelle,

pose le problème de l’intégration des migrants dans la société d’accueil.2

Il fait remarquer que la majorité des ajustements s’effectuent au sein du groupe non-dominant

(qu’il appelle culture A) sous l’influence du groupe dominant (culture B). Il est important de

préciser, comme le souligne Berry, que le terme « dominant » est attribué au groupe qui

possède les pouvoirs politiques, économiques, idéologiques, etc. Le qualitatif de dominant

n’est pas toujours en accord avec les rapports numériques des groupes en présence. Ainsi, une

minorité peut très bien être le groupe dominant dans un contexte culturel comme il en est le

cas lors de colonisations.

1 Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégie et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De

Boeck université, p. 28.

2 Berry J.W., Poortinga Y.H., Segall M.H., Dasen P.R. (1992). Cross-Cultural Psychology – Research and

Applications. Cambridge: Cambridge University Press.

-7-

Berry distingue quatre situations d’acculturation3 : 

Assimilation : Les caractéristiques de la propre culture ne sont pas

préservées et un contact quotidien avec la société d’accueil est mis

en place. Cette attitude reviendrait, à terme, à l’élimination du

groupe d’origine.

Ségrégation : Les caractéristiques de la propre culture sont préservées

et le contact avec la culture dominante est évité.

Intégration : Les caractéristiques de la propre culture sont maintenues

tout en ayant des contacts quotidiens avec la société d’accueil. La

communauté immigrée participe à l’articulation et à l’équilibration

entre ces deux entités.

Marginalisation : Peu ou pas de relations sont entretenues avec la

société d’accueil (souvent pour des raisons d’exclusion ou de

discrimination) et la culture propre n’est pas maintenue.

J.W Berry ajoute que ces quatre modes d’acculturation ne sont pas nécessairement exclusifs

l’un de l’autre et qu’il se peut qu’un individu souhaite une assimilation économique (dans le

cadre professionnel par exemple), une intégration linguistique et une séparation maritale.

3 Manço A. 1999. Intégration et identité: Stratégies et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De

Boeck université, p. 80.

Image ci-joint tirée de Wikipedia: http://de.wikipedia.org/wiki/Bild:Stufen_schulischer_Integration.png -8-

Assimilation

Ségrégation

Intégration

Marginalisation

Les quatre types d’acculturation (Tiré de Cross cultural psychologie – Research and

Applications, J.W Berry, 1992 p. 278)

Le modèle de J.W Berry décrit des phénomènes d’acculturation du point de vue des individus

du « groupe acculturant » (culture B). Selon Berry le groupe non-dominant produit des

changements acculturatifs sous l’influence du groupe dominant. L’implantation de structures

d’accueil, de politiques de cohabitation et de solidarisation influencent l’issue des relations

entre les immigrées et la population du pays récepteur4. Toutefois, nous nous intéresserons

dans ce mémoire au point de vue des immigrés dans le processus d’intégration et non aux

politiques d’intégration mises en place par les pays d’accueils en vue d’intégrer ces

populations.

1.2. Sociologie de l’intégration

L’intégration sociale passe d’abord par la socialisation. En effet, c’est par la confrontation

avec autrui, la société que l’individu se construit.

Lorsqu’une personne s’installe dans un pays dont elle ne connaît pas la culture, il lui faut un

temps pour intérioriser les règles, modèles, valeurs. Souvent ce processus intervient lorsque la

4 Woyke W., Breit, G. (2007). Integration und Einwanderung. Schwalbach/Ts. : Wochenschauverlag. -9-

ISSUE 2

Est-il considéré comme important de conserver les caractéristiques culturelles et l’identité culturelle ?

« OUI » « NON »

ISSUE 1

INTEGRATION ASSIMILATION

SEPARATION MARGINALISATION

Est-il considéré comme important « OUI »de maintenir des relations avec les autres groupes ? « NON »

personne s’identifie avec ces valeurs. Mais il peut également y avoir rejet des valeurs. Dans ce

cas l’individu s’approprie des caractéristiques diverses à la culture du pays d’accueil soit en

conservant ses valeurs d’origines soit en gardant une distance par rapport aux normes du pays

d’accueil. On parle ici de différentiation. Ce cheminement obligatoire entre identification et

différentiation donne lieu à l’activation du processus d’acculturation.5

Mais le processus d’acculturation se limite rarement au choix de l’une ou l’autre catégorie.

C’est davantage vers une articulation des valeurs d’origine et des valeurs du pays d’accueil

que se dirige l’individu.

Ce travail est mis en œuvre lors de la prise de conscience des différences. En effet, lorsque

l’individu change d’environnement son identité est remise en question. Ce dernier est amené à

réfléchir à ses priorités et à ce qui est requis par le pays d’accueil. Grâce à la confrontation

moi-autrui, l’individu apprend à connaître la société dans laquelle il baigne tout en prenant

conscience de sa propre identité. Cette rencontre lui permet de trouver un équilibre entre les

éléments qui lui ont été transmis par la famille et les exigences de la vie dans la société. 6

L’acculturation est donc l’ensemble des processus d’acceptation, de refus ou de combinaison

nés de la rencontre des cultures.

Une relative autonomie est laissée à l’individu. Toutefois, il existe dans chaque nation des

valeurs considérées comme essentielles qui ne peuvent être violées et qui sont le minimum à

respecter lorsqu’une personne étrangère réside dans un pays7. La séparation public-privée ou

la laïcité en sont des exemples. Les « valeurs secondaires » quant à elles, sont souvent remises

en question par les populations immigrées qui revendiquent le droit à la différence. C’est alors

à l’Etat de savoir où se trouve la limite entre éléments inchangeables, fondements de la

société, et éléments altérables, sujets à la socialisation et à l’interaction des populations

anciennes et nouvelles.

Historiquement le concept d’intégration correspond à l’ajustement des normes sociales et des

règles particulières. Toutefois, comme l’indique Manço dans son livre sur les théories

d’intégration et d’identité, on peut parler d’une intégration réussie lorsque chaque citoyen a la

possibilité de préserver sa propre culture, qu’il soit du groupe dominant ou du groupe non-5 Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégie et position des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles: De

Boeck université. 6 Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France. 7 Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France, p. 35.

-10-

dominant. Mais chaque groupe doit également respecter la culture de l’autre, c'est-à-dire en

participant à la vie de la société sans y violer ses règles essentielles et en cohabitant avec les

populations nouvelles sans leur imposer ses traits culturels dans la sphère privée. Selon Emile

Durkheim, l’un des fondateurs de la sociologie moderne et cité par Manço, ce travail

présuppose « une solidarisation ou une coopération des groupes particuliers en vue d’une

complémentarité »8. Ainsi, par ces échanges, les différents acteurs sont amenés, non plus

seulement à construire des phénomènes d’évolution, mais à établir des synthèses nouvelles,

communément désignées par le terme « troisième culture ».

1.3. La France et Allemagne: deux systèmes d’intégration différents

La conception française de l’intégration des étrangers tend vers une politique d’assimilation.

Ce modèle normatif est alimenté par une vision universaliste qui a été héritée de la Révolution

française. Toute personne née sur le sol français ou détenant la nationalité française possède

les mêmes droits que tout autre Français. L’intégration n’est pas perçue comme l’annulation

de différences, néanmoins les principes fondateurs de l’Etat français – « Liberté, Egalité,

Fraternité et Laïcité » – ne peuvent être négociés. Le droit à la différence est d’ailleurs

maintenu par l’existence de la double nationalité9.

Le modèle français se dirige de plus en plus vers une diversification. Le Haut Conseil à

l’Intégration a exprimé pour la première fois en 1995 la possibilité que l’attachement à la

culture et à la communauté d’origine puisse avoir des effets positifs sur l’intégration des

étrangers et que cela puisse mieux garantir les droits de chacun (Manço, 1999). La

discrimination positive encouragée par Monsieur Sarkozy se dirige par exemple dans ce sens.

La question que l’on peut se poser est si l’Etat français, traditionnellement marquée par les

philosophies normatives, va s’ouvrir à des politiques constructivistes à l’avenir où l’apport

culturel des immigrés est considéré comme une richesse.

Le système allemand quand à lui est basé sur l’appartenance à une même langue, à une même

culture et à de mêmes ancêtres. Cette conception inspirée du romantisme allemand et né au

8 Manço A. (1999). Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issus de l’immigration. Bruxelles:

Edition de Boeck et Larcier, p. 34-35.

9 Boucher M. (2000). Les théories de l’intégration: entre universalisme et différencialisme. Paris; Montréal

(Québec): L'Harmattan, p.204-205.-11-

début du XIXème siècle (Fichte, Herder) a nourri le rêve allemand d’unité nationale.10 La

nationalité allemande est exclusivement réservée aux Allemands (principe du droit du sang)

ou aux personnes ayant partagées une partie de l’histoire allemande: par exemple, les réfugiés

des pays de l’Europe de l’Est avant et après 1989. Pour ces personnes la double nationalité est

acceptée alors que la loi sur la double nationalité pour tous les étrangers est encore limitée.

La conception allemande de l’intégration tend vers une politique de la différentiation11. Ce

système est basé sur le traitement inégal des étrangers et une forte hiérarchisation de la

société. L’Allemagne entretient un rapport complexe entre assimilation et ségrégation. D’un

côté elle encourage la pratique du multiculturalisme en acceptant les différences culturelles

des immigrés mais de l’autre elle refuse de les intégrer complètement dans la société

allemande.

A l’heure actuelle, l’on observe la formation de groupes communautaires que l’on désigne de

plus en plus fréquemment par le terme « société parallèle ». L’Allemagne reconnaît

aujourd’hui que sont système d’intégration a échoué12. La question que l’on peut se poser est

alors, vers quels changements se dirigera l’Allemagne à l’avenir et sur quel modèle

d’intégration va-t-elle s’inspirer. Le débat sur la double nationalité pour tous les étrangers est

déjà un indice de l’ouverture de l’Allemagne vers un pays plus diversifié.

La différence des systèmes d’intégration français et allemands a pris ses racines dans une

conception différente du territoire et de la nation. Ces conceptions sont certes nourries par une

histoire différente mais elles sont également influencées par un rapport différent vis-à-vis des

étrangers.

1.4. La France et l’Allemagne face à ses immigrés: exemple des Arabes et des Maghrébins.

10 Kastoryano Riva (2001) « La citoyenneté au-delà du sang et du sol » dans: Leveau R., Mohsen-Finan K. et

Wihtol de Wenden C. L’islam en France et en Allemagne: Identités et citoyennetés. Paris: Les études de la

documentation françaises, p. 20. 11 Boucher M. (2000). Les théories de l’intégration: entre universalisme et différencialisme. Paris, Montréal

(Québec): L'Harmattan, p.204-205.12 Rommelspachert B. (2002). Annerkennung und Ausgrenzung : Deutschland als multikulturelle Gesellschaft.

Frankfurt am Main : Campus-Verlag, p. 168. -12-

Les Maghrébins et les Turcs représentent respectivement la population étrangère la plus

importante en France et en Allemagne. En 2004, la France comptais un peu plus d’un million

deux cents quatre-vingt-dix-huit mille immigrés d’origine nord-africaine, l’Algérie venant en

tête et suivie du Maroc et de la Tunisie. A elles seules, ces trois pays constituent 30 % de la

population étrangère totale.13 L’Allemagne comptait quant à elle, plus d’un million sept cent

trente-huit mille immigrés en 2006, représentant 25,7 % de la population étrangère.14

Due à son passé colonial, la France est rentrée très tôt en contact avec ses colonies nord-

africaines. Les Algériens, Marocains et Tunisiens ont d’abord émigré de force, lors des

périodes de guerres ou de reconstructions françaises, puis y sont venus de plein gré après la

seconde guerre mondiale pour y trouver du travail. Depuis la suspension de l’immigration

libre en 1974, des familles entières ont émigré en France afin de rejoindre un mari, un père ou

un parent. C’est à partir de ce moment que la véritable implication des immigrés dans la

société française a pris son cours. Ces familles, pour qui le retour au pays d’origine est devenu

un mythe, n’avait qu’une envie: celle de s’intégrer15.

Les liens forts entre la France et ses pays colonisés surtout avec l’Algérie sont le résultat de la

politique inclusive française. Citons comme exemple que tous les Algériens nés avant 1962

(date de l’indépendance) sont automatiquement français.

De son côté, l’Allemagne n’a pas connu la même histoire avec ses immigrés turcs. En effet,

elle n’a jamais eu de relation préalable avec la population turque avant qu’ils n’émigrent en

Allemagne.

Pendant longtemps les immigrés étaient désignés comme Gastarbeiter, c'est-à-dire comme

« travailleur invité » (traduction littérale), ce qui supposait que ces derniers retourneraient

après quelques années dans leur pays d’origine. Dans les années 70 cette utopie disparaît mais

l’Etat continue à prôner l’idée qu’elle n’est pas un pays d’immigration.16 De la même façon

13 INSEE : Immigrés selon le pays d’origine, Recensements de la population 1962-1999 et mis à jour au 06/2004.

(date de consultation : 24/04/08) http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATCCI02124&reg_id=014 Statistisches Bundesamt Deutschland : Population étrangère selon la nationalité et selon d’autres critères

définis, 31.12.2006 (date de consultation : 11/06/08) http://www.destatis.de/jetspeed/portal/cms/

15 Khellil M. (sous la dir. de) (2004). Maghrébins de France: de 1960 à nos jours : la naissance d’une

communauté. Toulouse : Privat, p. 55. 16 Birgit Rommelspacher, Anerkennung und Ausgrenzung : Deutschland als multikulturelle Gesellschaft,

Campus Verlag GmbH, Francfurt am Main, 2002. -13-

qu’en France, l’Allemagne durcit sa législation en matière d’immigration en 1973 afin de

freiner les mouvements des populations à la frontière de ses terres. Son taux augmente

toutefois avec l’admission consécutive du regroupement familial et avec la naissance

d’enfants sur le territoire allemand.

Le problème de l’intégration n’apparaît qu’au début des années 90 en même temps que les

débats sur le multiculturalisme.17 Les sociologues et politologues allemands remettent en

question l’inégalité sociale vers laquelle tend la société multiculturelle allemande ainsi que les

risques d’une immigration continuelle et incontrôlable. Toutefois, l’Etat continue à se diriger

vers une conception ségrégationniste de la société allemande reconnaissant uniquement au

début de cette décennie être un pays d’immigration. Cette position va de pair avec sa politique

exclusiviste vis-à-vis de l’acquisition de la nationalité allemande et de l’intégration des

étrangers.

2. Les Associations

2.1. Définitions

La structure associative est tout d’abord un lieu de regroupement où plusieurs personnes

partagent un intérêt commun. Elle peut toutefois prendre différentes formes selon ce qu’y

recherchent ses membres.

L’association peut être un lieu de revendication économique, politique ou sociale. Les

associations de commerçants et travailleurs par exemple cherche à défendre les droits de leurs

membres et à les représenter face aux pouvoirs publics et collectivités locales. Au niveau

social, l’adhésion à une association religieuse peut être une façon pour ses membres de faire

reconnaître leur confession dans un pays laïque ou dans un pays comme l’Allemagne où

toutes les religions ne sont reconnues de la même façon (par exemple l’Islam). L’association

peut ainsi permettre à ses adhérents étrangers de jouir de droits « citoyens » et d’avoir un

impact sur la société tout en participant à sa transformation18.

17 Egtved P. (2002). Multikultur oder liberal ? Die Politik und die Zuwanderung im deutsch-britischen

Vergleich. Opladen: Leske + Budrich, p. 27 et suiv.

18 Kastoryano R. (2001) « La citoyenneté au-delà du sang et du sol » dans: Leveau R., Mohsen-Finan K. et

Wihtol de Wenden C. L’islam en France et en Allemagne: Identités et citoyennetés. Paris: Les études de la

documentation françaises, p. 24-25. -14-

L’adhésion à une association peut également permettre à ses membres de retrouver des

personnes de sa propre identité et groupe culturel. Ceci est le cas des associations culturelles

et communautaires. L’association est alors une façon pour l’individu de pratiquer sa culture

d’origine et redécouvrir ses racines tout en continuant à participer à la vie sociale du pays où

il réside. Toutefois, il se peut que l’individu utilise l’association comme rempart à la société

d’accueil et se repli sur celle-ci pour faire face aux sentiments d’isolement et de perte de

repères qu’il éprouve. Dans ce cas l’individu s’exclu volontairement du reste de la société et

se réfugie dans la communauté19.

L’appartenance à une communauté est un état de fait naturel. C’est la conscience d’appartenir

à un « nous » identitaire et de partager assez d’idées et de valeurs afin de s’identifier à cette

unité.20 Savoir d’où l’on vient, qu’est ce qui nous différentie des autres, apprendre que nous ne

sommes pas seuls confrontés à cette situation aide l’individu à affronter le pays d’accueil. La

communauté permet en quelque sorte la survie de l’individu dans la société d’accueil.

Toutefois, il n’est pas nécessaire de partager toutes les idées de la communauté pour en faire

partie. La communauté joue davantage le rôle de tremplin entre culture d’accueil et culture du

pays d’origine. Grâce aux mécanistes d’entraide, de proximité et de solidarité, le soutien

apporté par la communauté (famille, amis, etc.) aide les personnes à combattre leurs craintes

vis-à-vis de la société d’accueil et à s’intégrer progressivement dans celle-ci. La communauté

peut également être dans certains cas un lieu d’isolement, de refuge pour les personnes qui

recherchent avant tout à être protégées, réassurées vis-à-vis de la société du pays de résidence.

L’association communautaire est en quelque sorte le reflet de la communauté21.

2.2. Modèles théoriques

L’Ecole de Chicago met pour la première fois en lumière les effets de la vie communautaire à

travers l’étude empirique de Thomas et Znaniecki sur les immigrés polonais avant et après

19 Michel M. (2002). Les communautés: une question posée à la France. Lausanne, Suisse : L’Âge d’Homme, p.

176-177. 20 Khellil M. (1997). Que sais-je ? Sociologie de l’Intégration. Paris: Presses universitaires de France, p. 36.

21 Michel M. (2002). Les communautés: une question posée à la France. Lausanne, Suisse : L’Âge d’Homme, p. 51.

-15-

leur arrivé aux Etats-Unis.22 Ceux-ci voient la participation à la communauté comme un

processus d’isolement sans réelle prise sur la société d’accueil mais découvrent que ce

mécanisme permet aux migrants de conserver un certain « équilibre psychique ».

De la même façon Park (1928) décrit le cadre associatif comme étant une « ébauche

d’organisation » où peuvent naître des revendications à caractère politique.23 Pourtant il voit

cette participation uniquement comme une phase de transition, de séparation, avant

l’annulation des différences et l’adaptation à la culture des autochtones (Manço, 1999).

Certaines enquêtes (Tribata, 1996 et cité par Manço) ont montré que plus la sociabilité

communautaire est élevée plus les individus ont des difficultés avec la langue du pays

d'arrivée et moins ils ont de contact avec les autochtones. Mais d’autres approches laissent

penser que l’existence de réseaux communautaires peut jouer un rôle positif dans l’intégration

économique et sociale des immigrés dans le pays d’accueil. Lebon, Koot, Furter, Rath et

Liebkind prônaient déjà ces idées dans les années 80. Selon Furter (1983) la mobilisation pour

la sauvegarde d’un patrimoine peut constituer la première étape d’un travail identitaire. Celle-

ci n’est pertinente que si elle lie les éléments du passé avec ceux du futur. L’individu doit

pouvoir se projeter dans l’avenir pour pouvoir déboucher sur un processus d’intégration. La

revalorisation d’un patrimoine culturel aide ainsi l’individu à retrouver ses repères et à se

diriger vers un équilibre entre identité propre et identité collective à l’intérieur du pays

d’accueil.24

2.3 Conclusion

L’adhésion à une association communautaire ne conduit pas nécessairement le groupe non-

dominant à la séparation du reste de la société. Cette participation associative peut également

22 Thomas W.I, Znaniecki F. (1920). The polish peasant in Europe and in America. Cette référence est cité par

Manço A. (1999) dans son livre Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issues de

l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.38-39. 23 R.E Park (1928). Human migration and the marginal man et cité par Manço A. (1999). Intégration et identité:

Stratégies et positions des jeunes issues de l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.42.

24 Furter P. cité par Manço (1999). Intégration et identité: Stratégies et positions des jeunes issues de

l’immigration. Bruxelles : De Beck et Larcier, p.184-185.-16-

être une façon de se retrouver sous un « Nous » identitaire qui aide à la construction d’une

identité personnelle mieux adaptée à affronter la vie du pays d’accueil.

3. Hypothèse et cadre général de l’étude

3.1. Hypothèse

En prenant comme point de départ la thèse de Pierre Furter, l’étude empirique qui suit cherche

à démontrer que l’adhésion à une association communautaire ne marginale ou ne sépare pas

nécessairement ses membres du reste de la société mais cherche à les intégrer dans celle-ci.

L’hypothèse générale de l’étude est donc: l’adhésion à une association communautaire

favorise l’intégration des immigrés dans le pays d’accueil.

3.2. Structure du questionnaire

Pour répondre à cette hypothèse, l’étude est basée sur un questionnaire qualitatif en trois

parties. La première partie est centrée sur des questions relatives à l’association. Ces questions

cherchent à connaître les motivations de l’individu à fréquenter l’association, le rythme

d’activité de l’individu à l’intérieur de l’association (cf. rôle et fréquentation) et l’importance

de l’association dans la vie personnelle de l’individu (cf. relation avec les autres membres).

La deuxième partie a pour objectif d’évaluer le degré d’intégration des personnes

questionnées. Ces questions peuvent être classées sous cette forme (référence au questionnaire

français):

DIMENSION SOUS-CATEGORIE QUESTIONS

Compétence linguistique générale « Comment estimez-vous votre

niveau de français ? »

Dimension linguistique affective

« Aimez-vous parler français ? »

« Dans quelle langue préférez-vous

-17-

Dimension linguistique vous exprimer ? »

Dimension linguistique spécifique

« Regardez-vous quand vous êtes

chez vous des chaînes télévisées

françaises ? »

« Dans quelles situations parlez-

vous votre langue maternelle ? »

Dimension sociale

Dimension sociale générale « avez-vous des contacts avec des

français ? »

Dimension sociale spécifique « de quel type sont ces relations ? »

Dimension culturelle

Dimension culturelle générale « avez-vous des habitudes

typiquement françaises ? »

« d’après vous, vous vivez plutôt à

la française ou à l’arabe ? »

Dimension culturelle spécifique « Intéressez-vous à la politique

française ? »

Dimension culturelle affective « Aimez-vous la culture

française ? »

La troisième et dernière partie cherche à combiner la variable « association » à la variable

« intégration ». L’intérêt des questions suivantes est non plus de savoir uniquement si

l’individu est intégré à la société du pays de résidence mais si l’adhésion à l’association

favorise l’intégration de celle-ci. Il est donc demandé à l’individu si l’adhésion à l’association

l’aide dans sa vie au quotidien et si par ce biais il arrive à mieux comprendre le pays d’accueil

et les autochtones. Enfin, il est demandé à l’individu d’énumérer les éléments qui lui semblent

importants pour qu’une association soit efficace. Par l’intermédiaire de ces questions l’on

-18-

cherche à savoir la place que prend l’association pour l’individu et si l’intégration rentre en

ligne de compte.

3.3. Critères de l’étude

3.3.1 Population étudiée

Cette étude cible les immigrés arabes plus particulièrement maghrébines – Maroc, Algérie,

Tunisie – en France et les immigrés turques en Allemagne pour la simple raison que ce sont

les populations les plus nombreuses dans les deux pays. Un immigré est une personne née à

l’étranger puis venue dans le pays d’accueil ainsi, les personnes d’origine turque ou arabe

nées sur le territoire français ou allemand ont été exclues de l’étude. Les personnes qui sont

nées à l’étranger et qui ont grandi dans l’un des deux pays ont également été exclues de

l’étude.

3.3.2 Lieu de l’étude

L’étude a été menée dans deux associations communautaires à Ratisbonne et à Toulouse. A

Ratisbonne ces associations sont die Islamische Religionsgemeinschaft e.V25 et die Türkisch-

Islamnische Gemeinschaft e.V26 et à Toulouse ce sont l’Association Musulmane de

Toulouse27 et l’Association Culturelle Islamique28.

Die Islamische Religionsgemeinschaft (communauté religieuse islamique) est une petite

structure, principalement centrée sur la mosquée. Elle propose toutefois des cours d’arabe

pour les enfants ainsi que des rencontres et fêtes (religieuses et culturelles) plusieurs fois par

an. Die Türkisch-Islamnische Gemeinschaft (communauté islamique turque) est une structure

plus grande, financée en partie par le gouvernement turque. Elle est certes une mosquée mais

elle est également un lieu de rencontre via sa salle à manger avec chaises, tables, télévision et

cantine.

Le local de l’Association Musulmane de Toulouse se situe à côté de la mosquée Al-Salam

qu’elle finance en grande partie. Elle propose de nombreuses activités dont des cours 25 Islamische Religionsgemeinschaft e.V Adolf-Schmetzer-Strasse 37 93055 Regensburg Tel: 0941 - 7957136

26 Türkisch-Islamische Gemeinschaft e.V. (Türk-Islam Cemiyeti) Lindnergasse 5 93047 Regensburg Tel.: 0941 -

57522.27 Association Musulmane de Toulouse (AMT) Impasse de Londres 31100 Toulouse Tel: 05 61 44 55 65

28 Association Culturelle Islamique provisoirement située Place Edouard Bouillières 31100 Toulouse-19-

d’arabes, des activités sportives, des fêtes religieuses et culturelles, des rencontres amicales

entre musulmans et catholiques, une bibliothèque etc. L’Association Culturelle Islamique,

quant à elle, est presque entièrement centrée sur la mosquée. Quelques rencontres sont

toutefois organisées surtout aux moments clefs de la vie du musulman comme la fête du

ramadan ou la fête du mouton. Une bibliothèque en langue arabe est également gérée par les

membres de l’association et des cours de langue arabe sont également proposés.

3.4 Démarche de l’étude

L’étude a été effectuée par l’intermédiaire d’un questionnaire écrit effectué sur papier. Le

questionnaire a été tout d’abord distribué dans les différentes associations puis récupéré

quelques jours plus tard pour que les personnes aient le temps d’y répondre. Cependant, l’on

s’est rendu compte avec le temps que beaucoup ne le remplissait pas sérieusement ou ne

savait pas bien lire ou écrire la langue du pays d’accueil. Ainsi une nouvelle méthode a été

employée, celle de l’interview. Les interviews ont relevé certaines difficultés: Pour les

personnes ayant un niveau moyen en langue il n’a été retenu que l’essentiel de leur propos car

ceux-ci n’était pas toujours en mesure de détailler leurs idées et lorsque l’on demandait plus

de précisions l’on influençait souvent leur propos car on leur donnait des indices. Néanmoins,

un certain nombre de résultats intéressants ont pu être révélés.

-20-

4. Analyse descriptive des résultats

4.1. Données générales

25 réponses ont été recueillies du côté allemand, 26 réponses du côté français. Le faible

nombre de réponses sont liées aux difficultés rencontrées lors de la recherche sur le terrain.

Face à ces résultats, il n’est donc possible de faire qu’une analyse tendancielle de

l’importance des associations communautaires pour les Turcs vivant en Allemagne et les

Arabes vivant en France.

Sexe

Parmi les 26 Arabes interrogés, quatre personnes sont

des femmes, parmi les 25 Turcs, deux personnes sont

des femmes.

Des deux côtés du Rhin la minorité des femmes interrogées est écrasante. Ceci s’explique par

une fréquentation moins importante des femmes à l’intérieur des associations. En effet, celles-

ci doivent tout d’abord s’occuper des ménages et de leurs enfants et ne peuvent venir à

l’association tous les jours comme il en est le cas pour certains hommes interrogés. Parmi les

femmes interrogées, une seule femme déclare venir à l’association plus d’une fois par

semaine alors que les autres viennent une fois par semaine.

Âge

En France comme en Allemagne, les personnes

interrogées ont à peu près le même âge. La

grosse majorité a entre 30 et 60 ans: 14

personnes parmi les Turcs et 17 personnes

parmi les Arabes. Les personnes de plus de 60

ans suivent avec 8 personnes interrogées parmi

les Turcs et 5 personnes parmi les Arabes. Pour

terminer 3 personnes turques ont moins de 30

ans contre 4 personnes arabes.

-21-

Les personnes de plus de 60 ans correspondent à la première génération de personnes turques

ou arabes immigrées en Allemagne ou en France. Retraitées pour la plupart, ceux-ci sont

nombreux à fréquenter les associations communautaires où le sondage a été mené mais peu

d’entre eux ont pu répondre au questionnaire car leur niveau de compréhension et de

communication du pays d’accueil est souvent mauvais voire inexistant. Les personnes entre

30 et 60 ans sont les personnes qui ont immigré en masse entre la période 1945 et 1975 et qui

ont participé aux « Trente Glorieuses » en France et au « miracle économique »

(Wirtschaftswunder) en Allemagne. Depuis 1975 une nouvelle vague d’immigration a

commencé: elle correspond à la suspension officielle des mains d’œuvres et l’admission

progressive du regroupement familial. Les personnes de moins de 30 ans font parties de cette

vague.

Acquisition de la nationalité

Parmi les Arabes interrogés, 8 personnes sur 26 ont

déclarées avoir acquis la nationalité française, parmi

les Turcs, 6 personnes sur 25 ont obtenu la

nationalité allemande.

En France l’acquisition de la nationalité semblerait plus fréquente, car contrairement à la loi

allemande, celle-ci ne demande pas à ses candidats de choisir la nationalité française au profit

de sa nationalité d’origine. Toutefois, le sondage montre qu’une personne sur trois à fait ce

choix en France contre une personne sur quatre en Allemagne. La différence n’est pas

flagrante entre les deux pays contrairement à ce qui était attendu. Néanmoins, il n’a pas été

explicitement demandé dans le sondage de mentionner si les personnes avaient ou non la

nationalité du pays de résidence ainsi certaines personnes ont pu oublier de le noter ou on pu

le passer volontairement sous silence.29

Raisons de l’immigration

15 Turcs et 13 Arabes ont dit être

respectivement venu en Allemagne et en

France pour des raisons économiques. 14

personnes sont venues en Allemagne pour des

29 Cf. voir questionnaire p 43 question 3 « Quel(s) est/ sont votre/vos nationalité(s) ? »-22-

raisons familiales contre 4 personnes en France et une personne turque est initialement venue

comme étudiant contre 3 personnes arabes. 5 personnes n’ont pas répondu à la question du

côté des arabes.

Les raisons pour lesquelles les Turcs et les Arabes sont respectivement immigrés en France et

en Allemagne et qui ont été mentionnées dans le questionnaire ont pu être divisées en trois

catégories: raisons économiques, raisons familiales et études universitaires. Les personnes

interrogées ont mentionné pour la plupart le travail comme étant le moteur de leur émigration.

Certains ont donné davantage de précisions en disant que l’installation en France ou en

Allemagne leur permettait « de mieux vivre », « d’avoir une meilleure situation de vie » ou

tout simplement de « faire [leur] vie ». Une personne algérienne a évoqué la guerre civile en

Algérie comme étant la raison principale pour laquelle elle ait quitté son pays d’origine. Trois

personnes turques ont dit être venues initialement en Allemagne en tant que travailleurs

étrangers (Gastarbeiter).

En plus du travail, un certain nombre de personnes ont évoqué être venues en France ou en

Allemagne pour des raisons familiales. Cinq personnes turques ont mentionné le

regroupement familial et une personne a évoqué sa volonté « d’aider sa famille

financièrement » tandis que deux autres personnes turques ont dit être venues en Allemagne

car « [leur] parents et grands-parents travaillaient déjà en Allemagne ». Du côté des Arabes,

deux personnes ont avoué être venues en France « pour rejoindre [leur] conjoint » ou « se

marier » et une autre a « suivi [son] mari algérien qui était militaire ».

Plus de la moitié des Turcs sont venus en France pour des raisons familiales tandis qu’une

personne sur six a immigré pour les mêmes raisons parmi les Arabes. Il est difficile de tirer

des conclusions substantielles à partir de ces réponses car cinq Arabes n’ont pas répondu à la

question. Cependant, la question que l’on peu se poser est est-ce que ces résultats sont

l’expression chez les Turcs d’un fort lien familial et communautaire et est-ce que les résultats

du côté Arabe ne sont pas l’indice d’une population plus individualiste et autonome ? La

poursuite de l’analyse tentera de donner une réponse à ce questionnement.

-23-

4.2. L’individu face à l’association

Motivations à fréquenter l’association

Lorsqu’il est demandé aux Turcs et

Arabes pour quelles raisons ils

fréquentent l’association30, plus de la

moitié répond que c’est pour des

raisons religieuses: 15 personnes sur

les 25 interrogées du côté des Turcs

contre 14 personnes sur 26 du côté des

Arabes. Parmi les Turcs qui ont

déclaré venir à l’association pour

pratiquer leur culte, la moitié a associé la religion avec le besoin de préserver leur culture

d’origine et de garder un contact avec cette culture. Ainsi, 13 personnes turques expriment le

besoin de fréquenter l’association afin de vivre leur culture tandis que deux personnes

uniquement ont évoqué ce besoin parmi les Arabes. L’association est également une façon

d’entrer en contact ou de retrouver des personnes de sa propre origine. Quatre personnes

turques disent venir à l’association pour des motivations relationnelles contre une personne

arabe. En ce qui concerne les motivations personnelles, un Turc a avoué fréquenter

l’association car  il « s’y sent psychologiquement apaisé » tandis qu’un autre y vient pour

aviver ses « sensations internes ». Les témoignages du côté arabe s’alignent sur le même ordre

d’idée: « bien être spirituel », « c’est du bon temps », « bien être d’ordre religieux », etc. Les

personnes interrogées ont également évoqué l’éducation comme étant une motivation pour la

fréquentation des associations. Deux personnes arabes fréquentent l’association afin

« d’apprendre à lire et à écrire et pouvoir remplir [leurs] papiers [eux-mêmes]» et une

personne turque afin de « mieux comprendre [sa] religion ». Enfin, deux personnes turques

expriment leur volonté de fréquenter l’association afin de pouvoir « mieux transmettre [leur]

culture au prochain » et une personne arabe dit vouloir participer à la vie de l’association afin

« d’aider les jeunes et transmettre le bien ».

Les Turcs comme les Arabes semblent fortement attachés aux associations communautaires

dont ils font partis. Les raisons qui poussent les Turcs à fréquenter l’association où ils sont

30 Cf. questionnaire p 43 question 7 « pourquoi êtes-vous membre de cette association ? Qu’est ce que cela vous apporte ? »

-24-

membres sont d’abord religieuses, puis culturelles, relationnelles, d’ordre commun, d’ordre

personnel et éducatives. Pour les Arabes les raisons pour cette fréquentation sont tout d’abord

d’ordre religieux, puis personnelles, éducatives et d’ordre commun, et enfin relationnelles.

Dans les deux groupes la religion occupe la première place. Ceci n’est pas surprenant car dans

toutes les associations où le sondage a été mené, la mosquée est une partie intégrante de

l’association. De plus, la religion est le noyau central de la vie des musulmans. Ainsi, il est

tout naturel que ceux-ci viennent d’abord à l’association pour prier.

Il est important de rappeler que la France et l’Allemagne sont des pays à tradition chrétienne

où la reconnaissance d’une autre religion telle que l’Islam est difficilement acceptée. Ajoutons

à cela la tradition laïque de l’Etat français. Pour faire face à cette situation, de nombreuses

associations ont été créées dans le but de construire une mosquée. Certaines d’entre elles

n’existent que sur papier c'est-à-dire qu’elles ont pour objectif de financer la mosquée mais ne

proposent pas d’activités à l’extérieur du cadre religieux.31 C’est le cas de l’Association

Solidarité socioculturelle Musulmane située à Toulouse et qui abrite la Mosquée Al-Rahma.32

Dans le cadre de ce sondage, les associations qui ont été retenues pour l’étude offrent toutes

une vie associative à l’extérieur de la mosquée.

La volonté des personnes de préserver leur culture d’origine en fréquentant l’association

renforce le lien communautaire de l’association. Ceux-ci y découvrent un deuxième « chez

eux » ou y viennent « pour retrouver l’esprit du bled » comme l’assure un Algérien lors de

son entretient. Il n’est pas surprenant de voir autant de personnes exprimer ce besoin du côté

des Turcs étant donné que ces derniers sont réputés pour vivre de façon regroupés et dans le

souci de conserver leurs origines. Toutefois, est-ce que cette conception de la vie des Turcs

est un fait ou n’est qu’un cliché qui ne fait que simplifier la réalité ? C’est au cours de cette

analyse qu’une meilleure synthèse pourra être tirée de la position des Turcs dans le pays

d’accueil. D’autre part, il est intéressant de voir que la motivation culturelle soit aussi peu

évoquée du côté des Arabes. Une explication pourrait être que contrairement aux associations

islamiques en Allemagne où la grande majorité des membres sont turcs, les associations

islamiques en France ne sont pas fréquentées uniquement par une seule et même nationalité

31 Textes rassemblés par Michel Michel, Les Communautés: une question posée à la France, Edition L’Âge

d’Homme (Lausanne, Suisse), 2002, p. 54. 32 Association Solidarité socioculturelle Musulmane - Mosquée Al-Rahma - 59 rue de la Fourette - 31100

Toulouse - Tel : 0561417233-25-

arabe mais majoritairement par des personnes des trois anciennes colonies françaises du

continent nord-africain. Marocains, Tunisiens et Algériens ne partagent pas les mêmes

coutumes, les mêmes traditions, les mêmes délices culinaires et ils n’ont pas les mêmes

mentalités. Ainsi l’on pourrait comprendre pourquoi la culture rentre pour peu d’entre eux en

ligne de compte. Toutefois, dans le cadre d’une étude plus approfondie de la question, il serait

intéressant de développer ce point davantage.

Rôle dans l’association

La majorité des personnes interrogées chez les

Turcs comme chez les Arabes sont des

« visiteurs » qui appartiennent de fait33 à

l’association mais qui n’ont pas le statut

d’adhérent.34 7 personnes turques et 5

personnes arabes ont la qualité d’adhérent et

parmi celles-ci, 3 personnes de chaque groupe

remplient une fonction de responsable. Parmi les personnes appartenant de fait à l’association,

un peu moins de la moitié participe à l’organisation d’activités ou de manifestations. Ils sont

toutefois 7 du côté turc et 8 du côté arabe.

Les personnes semblent être impliquées de la même manière dans les associations en France

et en Allemagne. Plus d’un tiers des personnes questionnées de chaque côté du Rhin ont

déclaré jouer un rôle dans l’association sans pour autant faire parties du directoire: « J’aide là

où je peux » déclare spontanément un homme turc, « j’aide volontiers à l’organisation des

manifestations et des activités » avoue une femme de la même association. Un Marocain de

l’association des Musulmans de France précise: « je m’occupe des petits tous les week-

ends »; une franco-algérienne de l’Association Culturelle Islamique ajoute : « je participe à

l’enseignement du Coran pour les enfants ». Le fort engagement qui transperce chez la moitié

des personnes questionnées en France et en Allemagne montre l’importance de l’association

33 Dans les associations communautaires, l’appartenance de fait semble primer sur la qualité d’adhérent.

L’organisation de ces structures associatives est basée sur le modèle de la communauté. (cf. 2.1 Les

Associations/ Définition) 34 Les adhérents participent au financement de l’association en payant une cotisation tous les ans ainsi que durant

l’année en cas de besoin et si elles le veulent.

-26-

dont… dont…

pour eux. Regardons maintenant si cette attitude va de pair avec la fréquentation des

personnes l’intérieur de l’association.

Fréquentation de l’association

Parmi les Turcs vivant en Allemagne, la grande

majorité des personnes fréquentent l’association

plus d’une fois par semaine. 5 personnes viennent

une fois par semaine et une personne déclare venir

de façon irrégulière. Les personnes fréquentant

l’association plus d’une fois par semaine sont

également majoritaire parmi les Arabes vivant en France, toutefois moins nombreux qu’en

Allemagne. Neuf personnes disent aller à l’association une fois par semaine tandis que quatre

autres viennent de façon irrégulière.

La fréquentation accrue des personnes interrogées en France et en Allemagne prouve que

l’association joue un rôle important voire très important dans la vie de ses membres. La

plupart des personnes qui fréquentent l’association plus d’une fois par semaine disent venir

trois à cinq fois par semaine jusqu’à une fois par jour. La raison de ces nombreuses visites est

facile à expliquer: les membres des associations se retrouvent le plus possible pour pouvoir

prier ensemble. Il est important de souligner ici que la prière constitue l’un des cinq piliers de

la religion musulmane et que pour être Musulman il faut obligatoirement prier cinq fois par

jour. Les personnes qui n’ont pas le temps ou qui ne peuvent se rendre à la mosquée peuvent

prier dans n’importe quel autre endroit du moment que c’est sur une surface propre. Le sajada

ou tapis de prière en français remplit cette fonction.35 Ainsi de nombreuses personnes, surtout

les femmes, prient à la maison au lieu de se rendre à la mosquée. Le seul jour de la semaine

où les Musulmans sont obligés de se rendre à la mosquée est lors de la prière du vendredi.

Cette prière équivaut à la messe du dimanche pour les Chrétiens. D’ailleurs, comme dans les

pays chrétiens où le dimanche est considéré comme un jour de repos, le vendredi est un jour

de repos dans les pays arabes.

D’après les résultats constatés, l’on peut en déduire que les personnes fréquentant

l’association une fois par semaine viennent certainement le vendredi tandis que les autres

essayent de venir le plus possible quand le temps le le leur permet. Malheureusement une

35 Sous la direction de Coogan M. D. (1999). Les Grandes Religions. Paris : Larousse. -27-

question qui aurait pu être intéressante et qui a été négligée est de demander s’il arrive aux

personnes de se rendre d’abord à l’association pour d’autres raisons que la prière. Ceci a été

indirectement répondu lorsque les personnes ont déclaré venir pour les fêtes, repas et

manifestations organisés par l’association. Toutefois, cette question aurait permis de savoir si

certaines personnes viennent d’abord à l’association dans le but de retrouver leurs

compatriotes par exemple, sans pour autant venir pour la prière.

Fréquentation des autres membres à l’extérieur du cadre associatif

Lorsque l’on demande aux Turcs et Arabes s’ils

fréquentent les autres membres de l’association à

l’extérieur du cadre associatif, 22 personnes sur 25

répondent « oui » chez les Turcs contre 16 chez les

Arabes.

La majorité des personnes questionnées ont des

liens forts avec les autres membres de l’association surtout parmi les Turcs. Ceux-ci disent se

retrouver lors « d’occasions privées », « autour d’un café », « avec les amis » ou « pour

bavarder dans les lieux publics ». Parmi les Arabes les occasions de se retrouver sont plus ou

moins les mêmes. Sont nommés les repas, le travail et les lieux publics. Un certain nombre a

rencontré des personnes qui sont devenues leurs amis et avec qui ils partagent des moments

importants. Une personne arabe donne l’exemple de mariages, fêtes et baptêmes.

De chaque côté du Rhin les associations semblent regrouper les personnes entre elles et

resserrer les liens entre compatriotes. Toutefois, les personnes questionnées du côté arabe

montre moins d’attachement pour les autres membres de l’association. Est-ce que ces résultats

sont l’indice qu’un fort communautarisme est moins présent entre Arabes ou que le système

assimilatif français porte inconsciemment les personnes à rechercher moins de contacts entre

arabes ? Nous tenterons de répondre à cette question au cours de l’analyse.

Synthèse générale

Il a pu être constaté que les associations communautaires jouent un rôle très important chez

les Turcs comme chez Arabes en Allemagne et en France. Grâce aux motivations de ces

derniers, leur rôle et leur fréquentation dans l’association, une forte appartenance à -28-

l’association a pu être dégagée, celle-ci étant liée à la religion, à la culture et au contact avec

les autres membres de l’association. Cependant les Turcs sont ceux qui se sont montrés

davantage attachés à l’association par rapport aux Arabes.

4.3. L’individu face à la société   : éléments d’intégration

4.3.1 Dimension linguistique

Dans un premier temps l’on cherche à connaître l’attachement des personnes par rapport à la

langue du pays de résidence. Ceci a pour but de montrer si les immigrés sont intégrés

linguistiquement parlant c'est-à-dire s’ils sont en mesure de communiquer, s’ils apprécient la

langue des autochtones, s’ils cherchent à s’approprier cette langue (par exemple en regardant

des chaînes télévisées dans la langue du pays d’accueil) et est contrebalancé avec des

questions relatives à l’attachement à la langue d’origine.

Langue du pays de résidence

Lorsqu’il est demandé aux Turcs et Arabes s’ils

aiment parler l’allemand ou le français la majorité est

d’accord. Deux personnes turques sont toutefois en

désaccord et six Arabes et cinq Turcs ne sont pas tout

à fait d’accord.

Ces résultats cherchent à montrer le degré d’intérêt des immigrés pour la langue du pays

d’accueil. Cet élément est très important car l’attachement à la langue est le premier indice

qui pousse les personnes étrangères à vouloir apprendre la langue du pays d’accueil.

Niveau en en français ou allemand

Lorsque l’on demande aux membres de l’association

comment ils estiment leur niveau de français ou

d’allemand la moitié des Turcs et Arabes déclarent

qu’il est « bon ». Toutefois 10 Arabes se disent

« moyen » en français contre cinq Turcs et une

personne s’affirme « très bonne » contre six

personnes turques. Une personne estime avoir un niveau « mauvais » en français et une en

allemand.

-29-

Contrairement à ce qui aurait pu être attendu, davantage de personnes disent maîtriser « très

bien » ou « bien » la langue du pays de résidence du côté des Turcs que du côté des Arabes.

Ces attentes étaient basées sur le fait que le français est la première langue étrangère dans les

pays arabes ainsi que la langue de la bureaucratie et de l’administration arabe tandis que

l’allemand n’est pas une langue fréquemment pratiquée par les Turcs dans leur pays d’origine.

En effet, de nombreux Turcs apprennent l’Allemand « sur le tas » tandis que de nombreux

Arabes connaissent les bases de la langue française avant d’arriver en France. Toutefois, ces

résultats semblent démentir le fait que les Turcs ne métrisent pas ou mal la langue du pays

d’accueil ce qui est un résultat intéressant. Dans l’optique d’une recherche plus avancée il

serait intéressant de vérifier si pour une population plus nombreuse de Turcs et Arabes les

résultats soient semblables.

La télévision dans la langue du pays d’accueil

Sur 26 Arabes, 13 personnes déclarent toujours

regarder la télévision en français, 10 personnes

disent regarder autant de chaînes télévisées

françaises qu’arabes et trois personnes

affirment regarder de temps en temps des

chaînes françaises. Sur les 25 Turcs 8

personnes regardent toujours la télévision en

allemand, 12 personnes regardent autant la

télévision en allemand qu’en turc, une personne regarde parfois des chaînes allemandes et

quatre personnes ne regardent presque pas voire jamais la télévision en allemand.

L’intérêt d’écouter la langue du pays de résidence dans le cercle privée (la question était

demandée dans le cadre familial c'est-à-dire « à la maison »36) est plus élevé parmi les

personnes arabes que parmi les personnes turques. 13 personnes arabes regardent toujours la

télévision en français chez eux contre huit personnes turques. Ceci peut s’expliquer par le fait

que les arabes comprennent plus facilement le Français étant donné que c’est une langue

parlée dans leur pays d’origine. Même un Arabe qui ne parle pas bien le français peut le

comprendre plus facilement qu’un Turc qui n’a jamais entendu parler l’allemand avant

d’immigrer en Allemagne. D’autre part la moitié des personnes turques affirment regarder

50% de chaînes télévisées turques et 50% de chaînes allemandes. Ceci montre l’importance 36 Cf. questionnaire p 44 question 15.

-30-

des personnes à rester en contact avec la langue et la culture de leur pays d’origine tout en

absorbant la langue et la culture du pays de résidence. De part ce choix, les personnes

affirment leur différence tout gardant un lien avec le pays où elles résident. Quant à ceux qui

ne regardent jamais ou presque jamais des chaînes télévisées allemandes, ces derniers sont la

preuve qu’il existe des personnes qui cherchent volontairement à se couper du reste de la

société parce qu’elles ne s’intéressent pas à celle-ci ou parce qu’elles ne la comprennent pas.

Même si cette question n’exprime pas à elle seule le degré d’intégration des personnes

immigrées, elle apporte tout de même quelques éléments de réponse.

Langue de préférence

En réponse à la question « dans quelle langue

préférez-vous vous exprimez ? »37, la moitié des

Turcs disent préférer parler le turc à l’allemand.

Une petite minorité déclare préférer parler

l’allemand au turc tandis qu’un tiers des

personnes interrogées affirment ne pas avoir de

préférence qu’en à la langue d’élocution. Du

côté des Arabes, les personnes qui préfèrent parler l’arabe au français sont à égalité avec les

personnes qui préfèrent parler le français à l’arabe. Le groupe de personnes qui ne fait pas de

différences entre les deux langues parlées est toutefois plus nombreux.

Au-delà de l’obligation de parler la langue du pays d’accueil, cette question a pour but de

montrer le degré d’affectivité des Turcs et Arabes pour l’une ou l’autre langue. Cette question

cherche à contrebalancer l’intérêt de la langue du pays de résidence avec l’intérêt pour la

langue du pays d’origine. Ainsi, même si une personne déclare aimer la langue du pays

d’accueil celle-ci n’a pas forcément perdu son degré d’affectivité pour sa langue maternelle.

Par l’intermédiaire de cette question l’on a cherché à savoir si la volonté de préserver sa

singularité en continuant à parler sa langue d’origine est autant présente en France qu’en

Allemagne. L’on constate justement qu’en France un tiers des personnes arabes préfèrent

s’exprimer en français tandis qu’en Allemagne une nette majorité préfère parler sa langue

native. Une explication pour ce résultat serait que le système assimilatif français pousse les

Arabes à se conformer à la langue et aux valeurs françaises tandis qu’en Allemagne on

encourage davantage les personnes à exprimer leur différence. Est-ce qu’à plus grande échelle 37 Cf. questionnaire p. 44 question 14.

-31-

ce résultat serait le même ? Une fois encore le résultat trouvé ne peut donner qu’un avis

tendanciel sur la question.

Pour compléter cette question il a été demandé aux personnes dans quelles situations elles

parlaient leur langue d’origine. Les réponses ont été nombreuses et diverses : « A la maison »,

« avec des amis ou connaissances », « en famille » , « à la mosquée ou à l’association »,

« avec des personnes de mon pays d’origine », « avec des personnes qui ne parlent pas le

français », « tout le temps », « tout le temps sauf avec des Allemands », « avec mes enfants »,

« lorsque je vais au Maroc pendant les vacances ». Toutefois, différentes caractéristiques ont

pu être distinguées. Les personnes qui parlent leur langue d’origine dans la sphère privée,

entre proches ou camarades; les personnes qui ne parlent presque jamais leur langue d’origine

sauf lorsqu’elles sont en présence de personnes qui ne parlent pas la langue du pays d’accueil;

et les personnes qui ne parlent presque jamais la langue du pays où elles vivent sauf si elles

sont confrontées à une personne qui ne parle pas leur langue maternelle. En France comme en

Allemagne les réactions sont à peu près les mêmes.

4.3.2. Dimension sociale

Contact avec les autochtones

Cette partie vise à connaître l’intensité du contact des personnes immigrées avec les

autochtones et les relations qu’elles entretiennent avec eux afin de déterminer le type

d’interaction qu’il y a entre les personnes interrogées et le reste de la société. La question

avait été posée de façon assez large afin de permettre aux personnes de détailler le type

d’expériences qu’elles avaient vécu mais nombreuses sont restées assez courtes dans leurs

réponses. Voici ce qui a pu être découvert:

Dans l’ensemble les Turcs comme les Arabes ont de bonnes voire de très bonnes relations

avec les personnes locales: « On se comprend » déclare une personne turque, « j’ai de bonnes

relations dans l’ensemble » affirme une autre personne de la même nationalité, « j’essaye

d’avoir de bonnes relations » avoue une autre, « oui bien sûr » s’exclame un Arabe, « je vis ici

et j’ai le sentiment d’être français » ajoute quelqu’un d’autre. Les bonnes relations de

voisinage sont souvent mentionnées ainsi que les bons contacts avec collègues de travail. De

nombreux Turcs et Arabes déclarent avoir des amis français même s’ils ne sont pas en

majorité. Différentes raisons peuvent se cacher derrière ce phénomène: le manque de temps,

l’incompréhension de l’autre; une personne turque fait une remarque intéressante à ce sujet -32-

soulignant le fait que la conception de l’amitié est très différente en Turquie en en Allemagne.

Il donne comme exemple le fait que les Turcs se retrouvent chez l’un et chez l’autre presque

aussitôt après qu’ils se soient rencontrés pour la première fois tandis que ce les Allemands ne

sont pas aussi spontanés en la matière. Il avertit que sous cet angle certains Turcs peuvent

penser que les Allemands ne veulent pas les connaître en profondeur et qu’ils sont toujours

obligés de faire le premier pas.

De façon générale la diversité et l’intensité des liens entre étrangers et natifs jouent un rôle

prépondérant dans l’intégration des immigrés. Ces derniers ne semblent pas avancer dans une

bulle communautaire mais semblent, au contraire, ouverts aux personnes n’appartenant pas à

leur environnement d’origine. Ceci est l’indice que les immigrés s’intéressent au pays où ils

résident, apprécient les personnes qui y vivent et selon l’intensité des rapports sont curieux de

connaître le mode de vie, les coutumes, les traditions ou tout simplement les normes de cette

population.

Deux personnes arabes et deux personnes turques avouent avoir eu de mauvais contacts ou

avoir peu de contacts avec les autochtones. Un Arabe évoque le racisme qu’il a ressenti en

France tandis que deux Turcs et une autre personne arabe disent parler uniquement avec les

Allemands ou les Français dans le milieu du travail. Le manque d’interaction avec les

autochtones est encore un indice de l’isolement volontaire ou subi par les personnes

immigrées, par exemple lorsque ceux-ci n’arrivent pas à communiquer avec les personnes du

lieu de résidence.

4.3.3 Dimension culturelle

La dernière partie cherche à savoir si les personnes interrogées sont intégrées au niveau

culturel c'est-à-dire si, en plus de la langue et du contact avec les autochtones, celles-ci ont

une affinité plus ou moins grande avec la culture (style de vie, politique) du pays où elles

résident.

Style de vie et habitudes culturelles

En réponse à la question « vivez-vous plutôt à

la française/ à l’allemande ou plutôt selon le

-33-

mode de vie de votre pays d’origine ? »38, l’écrasante majorité des Turcs ont répondu « à la

turque ». Deux personnes uniquement disent vivre « à l’allemande » ou vivre autant « à la

turque » qu’à « l’allemande ». En France, les Arabes sont plus nombreux à affirmer vivre

autant « à la française » qu’à « l’arabe »: dix personnes contre neuf personnes qui disent vivre

uniquement « à l’arabe ». Les Arabes qui affirment vivre « à la française » c'est-à-dire de la

façon du pays de résidence sont également plus que les Turcs.

Ces résultats semblent en accord avec ce qui était attendu. En effet, les Maghrébins qui ont été

marqué par le passé colonial français dans leur pays d’origine ont pu s’approprier plus

facilement les valeurs ou habitudes françaises. Plusieurs personnes maghrébines ont d’ailleurs

fait la remarque qu’à l’exception de la religion, le style de vie des Marocains, Algériens et

Tunisiens étaient à quatre-vingt-dix pourcent le même que celui des Français. La culture

turque quant à elle, très différente de la culture allemande, a pu conduire à des résistances de

la part des populations immigrées vivant en Allemagne. Un deuxième élément important qui

pourrait expliquer ces résultats est le système d’intégration français et allemand. En effet, le

système assimilatif français a pu influencer les Maghrébins à imiter le style de vie des

autochtones tandis que le système différenciatif allemand a pu encourager les Turcs à

préserver leur culture et mode de vie. Toutefois, une intégration réussie est une intégration où

la culture d’origine et la culture du pays d’accueil sont articulées ensemble pour former un

équilibre. Les Arabes sont nombreux à avoir fait cette démarche tandis qu’une infime partie

des personnes turques interrogées affirment s’être approprié les valeurs ou mode de vie

allemand.

Pour renforcer cette question, il a été demandé

aux personnes si elles avaient des habitudes

typiquement françaises ou allemandes. Les

Arabes ont répondu de façon diverse et varié:

« façon d’éduquer mes enfants », « je vote »,

« sorties, repas de famille », « je me rase et je

porte des habits classiques », « boissons,

alcools », « je vais au restaurant ». Un homme évoque sa situation de père au foyer, valeur

typique et courante en Europe. Neuf personnes ont affirmé ne pas avoir d’habitudes

typiquement françaises. Du côté des Turcs, quatre personnes ont évoqué la ponctualité et

38 Cf. questionnaire p. 45 question 19-34-

l’ordre comme étant des exemples d’habitudes culturelles allemandes qu’elles pratiquent.

Travailler dur, être écolo et la boisson allemande ont été également mentionnés. 15 personnes

ont toutefois affirmé ne pas avoir d’habitudes typiquement allemandes.

Politique

La majorité des personnes questionnées sont intéressées par la politique. Quatre personnes

Turcs et trois personnes Arabes disent ne pas avoir d’intérêt pour la politique tandis que cinq

Turcs et huit Arabes disent s’intéresser parfois à la politique.

Lorsqu’on leur demande pourquoi elles s’intéressent à la politique, la première réaction des

Turcs et Arabes est de dire que cela les concerne car ils vivent dans le pays. Un Algérien

évoque l’importance de suivre la politique afin de comparer avec la politique de son pays natif

tandis qu’un autre Algérien dit que la politique est facile à suivre car elle est la même que

dans son pays natal. D’autres personnes mentionnent leur citoyenneté comme moteur de cet

intérêt: « j’ai la nationalité », « je me sens citoyen », « je suis membre actif de ce pays », « je

suis engagé politiquement ». Un Turc évoque l’importance « de faire une différence car

beaucoup de Turcs vivent en Allemagne. » Deux personnes turques font toutefois référence à

leur manque de pouvoir car ils n’ont pas la nationalité allemande. Parmi les personnes qui ont

répondu ne pas s’intéresser à la politique, un Turc affirme que cela ne change rien de

s’intéresser ou non à la politique car tous les politiciens sont les mêmes: « menteurs,

hypocrites, etc. ». Un Arabe avoue que la politique lui est égal tandis qu’un autre dit ne pas

avoir le temps de suivre la politique.

De façon générale, les Arabes comme les Turcs sont majoritairement intéressés par la

politique. Ces résultats étaient intéressants à connaître car la volonté de suivre la politique est

le premier pas vers le rôle de citoyen. Et être citoyen est le premier pas vers l’appartenance

intégrale à la société.  

Culture du pays d’accueil

Lorsqu’il est demandé aux personnes si elles

aiment la culture française ou allemande, 22

Arabes répondent « oui » contre 13 Turcs. Dix

-35-

personnes ont trouvé des éléments de mécontentement au niveau de la culture allemande

contre six personnes du côté arabe.

Les éléments sont énumérés dans le tableau ci-dessous39 :

TURCS ARABES

OUI NON OUI NON

Personnes correcte,

gastronomie, la façon

dont les personnes

fêtent ensemble,

écologie, justice,

respect des règles,

ponctualité, travail,

ordre

Superficialité,

matérialisme,

bureaucratie,

arrogance, certaines

lois sont injustes,

culture trop

différente de la

culture turque

Valeurs françaises

(liberté, égalité,

fraternité), respect,

égalité

homme/femme,

personnes ouvertes,

tranquilles,

sympathiques,

sérénité, ponctualité,

solidarité

Matérialisme,

hypocrisie des

politiciens

Les personnes arabes semblent davantage en accord avec la culture française tandis que les

Turcs trouvent plus à redire de la culture allemande. Ici encore la diversité des points de vue

entre les deux populations immigrées semble prendre son origine dans le fait que les

différences sont plus grandes entre Turcs et Allemands qu’entre Arabes et Français.

Synthèse générale

Les résultats suivants ont pu démontrer que les personnes interrogées turques et arabes qui

fréquentent les associations communautaires sont majoritairement intégrées dans la société.

Malgré les différences qui résident dans les sociétés d’accueil et de provenance, Turcs et

Arabes partagent un certain nombre de similitudes concernant la société, les autochtones et

leur rapport à la langue du pays de résidence. D’autres résultats ont pu démontrer que la

39 Référence à la question 16 p. 44 du questionnaire: « qu’est ce que vous aimez, qu’est ce que vous n’aimez pas [de la culture du pays de résidence] ? »

-36-

diversité des systèmes d’intégration français et allemand ou le passé culturel des pays arabes

et turcs jouent un rôle dans la position actuelle des personnes. Toutefois, ces résultats ne

justifient pas quelle place remplit les associations communautaires dans le processus

d’intégration. En effet, les personnes immigrées ont pu s’intégrer indépendamment de la

fréquentation dans l’association communautaire. La troisième partie du questionnaire se

confronte à cette interrogation.

4.4. L’association dans le processus d’intégration

La vie quotidienne

A la question « est-ce que la fréquentation de l’association vous aide dans votre vie au

quotidien », la majorité des Turcs et Arabes ont répondu que l’association joue un rôle positif

au niveau de leur vie de tous les jours. Les Arabes ont tout d’abord décrit l’association comme

un lieu d’enseignement: « l’association m’a aidé au niveau relationnel, elle m’a donné de bons

conseils vis-à-vis du contact avec mes voisins, mes collègues de travail », « elle m’a transmise

des valeurs morales qui m’ont aidé à respecter les autres ». L’association permet également

aux personnes de trouver un confort spirituel de part la fréquentation de la mosquée: « ça me

repose, ça me donne une paix intérieure », « je trouve le cadre spirituel qui me manque dans

la vie de tous les jours ». Enfin deux personnes arabes évoquent l’association comme une

façon de trouver un équilibre entre le pays d’origine et le pays de résidence: « c’est un lieu où

je peux retrouver des personnes de ma propre culture et me sentir moins seul ». Une seule

personne a dit que l’association ne jouait aucun rôle dans sa vie au quotidien.

Les Turcs sont nombreux à avoir considéré l’association comme une façon pour eux de rester

en contact avec leurs compatriotes. Une personne affirme que grâce à l’association ses enfants

nés en Allemagne ont pu apprendre à connaître d’autres enfants turcs et de cette façon faire

davantage parti de cette culture. Une autre personne évoque la solidarité qui, de part

l’association, existe entre ses membres: « l’association nous fait savoir les informations

importantes qui touchent nos membres, si une personne est malade, si une famille a un enfant,

etc. » L’association a également permis à certaines personnes de ne pas oublier leur religion

ni leur culture: « ainsi je comprends mieux la mosquée », « les fêtes culinaires, la musique

traditionnelle et les fêtes religieuses me rappellent d’où je viens et me force à remplir mon

devoir de musulman. » Une personne évoque le rôle de l’association dans l’articulation entre

culture d’origine et culture du pays d’accueil: « l’association nous réunit et nous porte entre la

-37-

culture turque et la culture allemande. Elle nous aide à entrer en contact avec des personnes

d’autres cultures. » Une autre personne encore explique comment l’association peut les aider

en cas de difficulté avec la société d’accueil: « elle nous traduit les documents administratifs

lorsqu’on a des difficultés avec la langue ou nous aide en cas de problème avec la

bureaucratie allemande. » Trois personnes avouent toutefois que l’association ne les aide pas

dans leur vie au quotidien. Une personne ajoute même qu’elle « n’a pas besoin de

l’association pour s’adapter dans la société d’accueil. »

Les différents témoignages montrent l’importance que jouent les associations dans la vie

quotidienne des personnes immigrés. Pour beaucoup, l’association semble être un point de

repère à partir duquel les personnes évoluent. L’association est là pour ses membres lorsque

ceux-ci ont des difficultés matérielles (au niveau de l’administration ou de la langue du pays

d’accueil) ou un besoin spirituel. L’association permet également de rapprocher ses membres

entre eux et leur permettre de trouver un équilibre entre société d’accueil et société du pays

d’origine. Toutefois, pour comprendre si cette articulation existe vraiment de part

l’association, une deuxième question a été posée afin de connaître le point de vue de toutes les

personnes.

Compréhension du pays d’accueil et des autochtones

La deuxième question cherche davantage à savoir si la fréquentation de l’association est liée à

une meilleure compréhension du pays d’accueil et avec les autochtones. Dix personnes

uniquement ont répondu à cette question parmi les Arabes et 16 personnes parmi les Turcs,

ainsi il est difficile de donner une réponse substantielle. Néanmoins, il est intéressant

d’analyser les témoignages des personnes qui ont répondu à la question.

Parmi les témoignages recueillis, plus de la moitié des Arabes semblent ne pas trouver de lien

entre la fréquentation de l’association et l’intégration dans le pays d’accueil. Un Algérien

déclare que « c’est uniquement par un travail individuel qu’une personne apprend à connaître

son environnement » et non par l’intermédiaire de l’association. Une personne évoque

toutefois que les rencontres entre musulmans et catholiques organisées par l’association lui a

permis de mieux comprendre les chrétiens français.

-38-

Les Turcs sont plus nombreux a avoir dit que l’association l’ai a aidé dans la compréhension

du pays de résidence et des autochtones. Parmi les seize personnes qui ont répondu à la

question, la majorité des Turcs ont dit qu’ils ont réussi à mieux comprendre l’Allemagne et

les Allemands grâce aux différentes manifestations organisées par l’association: une personne

fait référence aux voyages qui ont été organisés avec d’autres associations turco-islamiques

dans différentes villes allemandes et qui lui ont permit de découvrir des régions allemandes et

des styles de vie allemands qu’elle n’avait jamais pris en considération auparavant. Elle prend

l’exemple de l’expression « Gruβ Gott » qui n’est employé qu’en Bavière et dont elle n’a prit

conscience qu’en faisant un voyage à Dortmund, en Rhénanie-du-Nord Westphalie. Elle s’est

alors questionnée sur la portée du terme « Gruβ Gott » et s’est demandé si le rapport à la

religion était plus fort en Bavière qu’en Rhénanie-du-Nord Westphalie. Une autre personne

rappelle que l’association est une façon d’entrer en contact avec les personnes du pays de

résidence. Elle donne comme exemple les activités organisées en coopération avec d’autres

associations turco-allemandes ou les rencontres entre chrétiens et musulmans organisées plus

d’une fois par an. Une personne turque avoue mieux comprendre les autres religions et les

autres associations, une autre dit apprendre à respecter les autres religions. Les personnes qui

ont répondu négativement à la question ont affirmé que sans une fréquentation quotidienne

des Allemands à l’intérieur de l’association, ceux-ci ne pourraient véritablement apprendre à

les connaître. Toutefois, ils expriment le désir de les accueillir.

Les associations turques semblent plus ouvertes à la société du pays d’accueil. Ces résultats

étaient inattendus car il aurait été imaginé qu’entre les deux populations les associations

communautaires turques aient le moins d’impact sur ses membres. Ces attentes étaient basées

sur le fait que dans une société différencialiste comme l’Allemagne, les populations

immigrées n’aient pas le même intérêt pour les personnes du pays de résidence comme il

pourrait en être le cas dans une société assimilative comme la France. Au contraire, cette

façon de penser semble s’inverser car les témoignages montrent que les associations arabes

ont davantage tendance à vouloir regrouper les Arabes entre eux tandis que les associations

turques sont davantage ouvertes au monde extérieur. Les systèmes d’intégration français et

allemands semblent jouer ici le rôle de repoussoir. En effet, dans une société assimilative

comme la France, les associations communautaires ont tendance à vouloir s’isoler alors que

dans une société différencialiste comme l’Allemagne, les associations du même genre ont

-39-

tendance à vouloir s’ouvrir. Dans les deux cas de figures les associations semblent remplir les

« vides » là où la société n’a pas su le faire.

Les différents témoignages ont montré que les associations communautaires aident certains de

ses membres à mieux comprendre les personnes « de souche » et le pays d’accueil. Ces

résultats réfutent l’idée selon laquelle le regroupement communautaire a pour but unilatéral de

séparer ses membres du reste de la société.

L’avenir de l’association

La dernière question a pour but de savoir qu’est ce que les membres espèrent de l’association

à l’avenir et qu’est-ce qui doit être fait pour qu’elle soit plus efficace. De nombreuses

réponses ont été recueillies. Les Arabes ont dit que « l’association doit encourager l’égalité

homme/femme », « inciter les personnes à jouer leur rôle de bon citoyen », « écouter ses

membres pour pouvoir organiser davantage d’activités qui leur correspondent », « transmettre

des valeurs morales et éducatives », « donner un bon exemple », « montrer le vrai visage des

Arabes et des Musulmans ». Parmi ces résultats, une personne a fait référence à l’association

comme lieu d’expression de la citoyenneté et une personne a évoqué une valeur européenne

(égalité homme/femme) pour améliorer l’association communautaire. Une personne a dit qu’il

n’y a rien à changer dans l’association mais que c’est à l’individu de s’adapter à celle-ci.

Les Turcs quant à eux ont été nombreux à évoquer leur désir d’intensifier le contact entre les

personnes. Ils ont dit que « l’association doit être plus ouverte », « qu’elle doit renforcer les

liens avec les Allemands », « inciter les jeunes à venir à l’association et proposer plus

d’activité à l’extérieur du cadre de la prière », « faire en sorte que les différentes cultures

entrent en contact ». Deux personnes ont déclaré que l’association doit aider les personnes à

s’intégrer dans la société tandis qu’une autre a fait référence au côté moral de l’association:

« respecter le point de vue des personnes sans qu’il y ait de préjugés ». D’autres personnes ont

évoqué que l’association « doit être en harmonie avec les personnes », qu’elle doit « renforcer

le sentiment communautaire et proposer davantage d’activités » et « représenter les droits de

chacun ».

Les Turcs comme les Arabes ont beaucoup de projets pour l’association qu’ils fréquentent.

Les Turcs expriment majoritairement le désir d’inclure davantage les Allemands et d’autres -40-

étrangers dans leur association tandis que les Arabes évoquent des projets qui concernent

davantage leurs membres. Ces résultats viennent renforcer les réponses de la question

précédente.

Synthèse générale

La finalité de ces questions était de savoir si l’association aide les personnes à s’intégrer dans

la société d’accueil. Le mot « intégration » n’a cependant jamais été employé dans le

questionnaire afin de ne pas influencer les personnes dans leurs réponses. Pour certaines

personnes, l’association semble favoriser l’intégration grâce aux activités proposées à

l’extérieur des murs de l’association. D’autres expriment le manque de l’association à

favoriser le contact avec les allemands mais évoquent leur volonté de l’ouvrir à des personnes

d’autres cultures. Ceci montre que l’association était certainement davantage refermée sur

elle-même dans le passé mais qu’elle est en train de subir des mutations aujourd’hui. Les

associations communautaires arabes semblent moins favoriser le contact avec les Français et

moins aider ses membres à entrer en phase avec le pays d’accueil. L’intégration joue un rôle

mineur dans ces associations.

-41-

Conclusion générale   :

Cette étude a permis d’apporter des résultats intéressants. L’association communautaire joue

en effet un rôle très important pour ses membres. Turcs comme Arabes sont fortement

impliqués dans l’association, qu’ils fréquentent plus la plupart quotidiennement. L’étude a

également démontré que la majorité des personnes interrogées sont intégrées dans la société

d’accueil. Ceux-ci participent au processus d’acculturation, s’appropriant certaines valeurs et

habitudes françaises ou allemandes et entrant en contact avec les autochtones. Leur culture et

leur langue maternelle continue néanmoins à être pratiquée, surtout parmi les Turcs qui

expriment davantage le besoin de conserver leurs pratiques d’origine. L’étude a également

apporté des réponses quant au rôle de l’association dans le processus d’intégration. L’idée

selon laquelle les associations communautaires cherchent à isoler ses membres a pu être

réfutée du côté des associations turques. Les Turcs ont d’ailleurs exprimé leur désir d’ouvrir

davantage leur association aux autres cultures à l’avenir. Les Arabes, quant à eux, ont exprimé

davantage de réserves vis-à-vis de l’ouverture de leur association. Ceux-ci semblent

davantage renfermés sur eux-mêmes et ne voient pas de lien entre la fréquentation de

l’association et l’intégration dans la société du pays d’accueil.

Cette étude a donc apporté des réponses quant au questionnement de départ mais a également

révélé des différences intéressantes entre Turcs et Arabes dans leur relation vis-à-vis de

l’association où ils sont membres. Contrairement aux Turcs, les Arabes semblent être moins

unis et moins solidaires entre eux malgré leur fréquentation quotidienne à l’intérieur du cadre

associatif. Les origines de ces différences restent encore à être prouvées mais semblent être

liées à la diversité des mentalités des populations étudiées et la diversité de l’approche des

étrangers de la part des pays d’accueil. Dans une étude future il serait intéressant de comparer

la même population (Turc ou Arabe) en France et en Allemagne afin de découvrir si les

différences liées aux associations communautaires sont dues aux pays de résidence ou si la

conception des personnes questionnées est la même dans les deux pays.

-42-

ANNEXE

Annexe 1   : Questionnaire

Allgemeine Daten/ Données générales

1.Sie sind : ein Mann eine Frau / Vous êtes: un homme une femme

2. Ihr Alter / Votre âge

3. Was ist (sind) Ihre Angehörigkeit(en) ? / Quel est(sont) votre(vos) nationalité(s)?

4. In welchem Land sind Sie geboren? / Dans quel pays êtes vous né(e)?

5. Seit wann wohnen Sie in Deutschland ? / Depuis combien de temps vivez-vous en France?

6. Wieso sind Sie in Deutschland gekommen? (für welche Gründe)/ Pourquoi êtes-vous

venu(e) en France? (pour quelles raisons)

Der Verein / L’association

7. Warum sind Sie Mitglieder dieses Vereins geworden? Was bringt es Ihnen? (bitte die

Antwort entwickeln)/ Pourquoi êtes-vous membre de cette association? Qu’est ce que cela

vous apporte? (développer votre réponse s’il-vous-plaît)

8. Wie oft besuchen Sie den Verein?/ Combien de fois fréquentez-vous l’association (par

semaine, mois, etc)?

9. Welche Rolle spielen Sie in dem Verein? Sind Sie einfaches Mitglied, haben Sie eine

Vertretungsrolle, helfen Sie bei der Organisation von Aktivitäten, usw. (Bitte präzisieren Sie)/

Quelle fonction avez-vous à l’intérieur de l’association? Êtes-vous simple adhérent, avez-

vous une fonction de responsable, aidez-vous à l’organisation d’activités, etc. (Précisez s’il-

vous-plaît)

10. Treffen Sie sich mit den anderen Mitgliedern des Vereins ausserhalb des Vereins? Für

welche Angelegenheiten? / Fréquentez-vous les autres membres de l’association à l’extérieur

du cadre associatif? Pour quelles occasions ?

-43-

Ihre Beziehung zu der deutsche Sprache/ Votre attachement à la langue française

11. Mögen Sie Deutsch reden? / Aimez-vous parler le français?

- Ja/ Oui

- Nein/ Non

- Teilweise einverstanden/ Accord partiel

12. Wie schätzen Sie Ihr Niveau ins Deutsch ein? / Comment estimez-vous votre niveau de

français?

- Sehr gut / Très bon

- Gut / Bon

- Mittelmäβig / moyen

- Schlecht / mauvais

13. Wann sprechen Sie Ihre Muttersprache? In welchen Situationen? / Quand parlez-vous

votre langue maternelle? Dans quelles situations?

14. In welcher Sprache drücken Sie sich lieber aus? / Dans quelle langue préférez-vous vous

exprimer?

- Ins Deutsch / en français

- Ins Türkisch / en arabe

15. Gucken Sie zu Hause deutsche Fernsehsendungen? / Regardez-vous lorsque vous êtes

chez vous des programmes télévisés français?

- Immer / toujours

- Halb-halb / moitié-moitié

- Manchmal / parfois

- Fast nie / presque jamais

- Nie / jamais

Die deutsche Kultur und die Deutschen/ La culture française et les Français

16. Mögen Sie die deutsche Kultur? Was mögen Sie, was mögen Sie nicht?/ Aimez-vous la

culture française? Qu’est-ce que vous aimez, qu’est-ce que vous n’aimez pas ?

-44-

17. Interessieren Sie sich für die deutsche Politik ? Warum? / Vous vous intéressez à la

politique française? Pourquoi ?

18. Haben Sie typische deutsche Gewohnheiten? Geben Sie bitte Beispiele. / Avez-vous des

habitudes typiquement françaises? Donnez des exemples.

19. Ihrer Meinung nach wohnen Sie eher : / D’après vous, vous vivez plutôt :

- Auf deutscher Art/ à la française

- Auf der türkische Art / à l‘arabe

20. Was sind Ihre Beziehungen mit den Deutschen? Haben Sie gute Erfahrungen mit denen

gehabt? Haben Sie Kontakt zu denen? / Quelles relations entretenez-vous avec les Français?

Avez-vous eu de bonnes expériences avec eux? Entrez-vous en contact avec eux?

21. Haben Sie den Absicht Ihr ganzes Leben in Deutschland zu verbringen oder möchten Sie

eines Tages wieder nach der Türkei zurückzukehren? Warum? / Avez-vous l’intention de

rester toute votre vie en France ou aimeriez-vous retourner un jour dans votre pays

d’origine? Pourquoi ?

Die Rolle des Vereins für Ihnen/ Le rôle de l’association pour vous

22. Hilft es Ihnen in ihrem Alltagsleben Mitglied dieses Verein zu sein? Sagen Sie durch

welche Art und Weise./ Est-ce que la fréquentation de l’association vous aide dans votre vie

au quotidien? De quelle façon?

23. Hat der Verein Ihnen geholfen, Deutschland und die Deutsche besser zu verstehen ? Bitte

präzisieren Sie. / Est-ce que l’association vous a aidé à mieux comprendre la France et les

Français? Précisez s’il-vous-plaît.

24. Ihrer Meinung nach was muss einen Verein machen, um einen guten Verein zu sein ?

Geben Sie bitte Beispiele. / Qu’est-ce que doit faire l’association pour être efficace ? Donnez

des exemples s’il-vous-plaît.

-45-

BIBLIOGRAPHIE

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-47-