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Une année en or massif au box-office, des débuts au théâtre, un film à l’affiche, La Rafle, un album en route, et une nouvelle maison à Paris : Mélanie Laurent méritait d’ouvrir ce numéro spécial Césars consacré aux comédiennes. Une déclaration d’amour aux belles et drôles de dames du cinéma français. 28 18/2/2010 R R e n c o n t r e Inutile de vous demander à vous si le cinéma français est généreux envers ses actrices. Quelle année ! Oui. Ces deux dernières années, en fait, ont été très riches. D’une manière générale, je trouve que le cinéma français nous traite plutôt bien. Moi, en tout cas, je suis très gâtée. Deux millions d’entrées pour une petite production comme Le Concert, c’est énorme. Le succès du film vous a-t-il surprise ? J’étais aux Etats-Unis au moment de la sortie, mais mon père m’envoyait des photos des affiches apposées sur les kiosques avec le nombre de spectateurs. En fait, je l’avais pressenti… J’aime bien défendre les films en province et j’avais vu le public se lever pour applaudir, parfois en larmes. Depuis Je vais bien, ne t’en fais pas [de Philippe Lioret], je n’avais pas vécu ça. C’était un bon présage. Quelle est, pour vous, l’image la plus forte des deux années qui viennent de s’écouler ? Le moment le plus intense, c’est peut-être la fin du tournage du Concert : le dernier jour, au théâtre du Châtelet, je m’évanouissais, au milieu des violons. La veille, je rencontrais Quentin Tarantino pour Inglourious Basterds. Quatre jours après, j’apprenais que j’étais prise pour le film, et deux jours plus tard je m’envolais pour Los Angeles. C’était fou ! Il y a eu aussi Cannes, le tour- nage formidable de La Rafle, la préparation de mon al- bum, la tournée mondiale du Tarantino, le tournage de Beginners à Los Angeles avec Ewan McGregor, l’écriture de mon long-métrage… J’ai pris cinq jours de vacances en deux ans, je quitte un appartement où j’ai dû passer au maximum deux mois. Mais bon, je ne me plains pas. Je mène exactement la vie dont j’ai envie. Diane Kruger, votre partenaire dans Inglorious Basterds, confiait récemment avoir un peu souffert sur le plan personnel durant cette année très riche pour elle aussi. Cela n’a pas été votre cas ? Bizarrement, non. Je dirais même que, dans ce tour- billon, j’ai réussi à me trouver. Le vrai déclic a eu lieu ●●● Mélanie Laurent « Je suis très gâtée » P. SCHMIDT POUR L’EXPRESS STYLES / RÉALISATION : B. LOISON Premiers pas sur les planches Mélanie Laurent et Jérôme Kircher, à l’affiche de la nouvelle pièce de Nicolas Bedos. DR - STÉPHANE RUET PROD / STORYBOX

Melanie Laurent

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Page 1: Melanie Laurent

Une année en or massif au

box-office, des débuts au théâtre,

un film à l’affiche, La Rafle, un

album en route, et une nouvelle

maison à Paris : Mélanie Laurent

méritait d’ouvrir ce numéro

spécial Césars consacré aux

comédiennes. Une déclaration

d’amour aux belles et drôles

de dames du cinéma français.

28 � 18/2/2010

RR e n c o n t r e

Inutile de vous demander à vous si le cinéma français est généreux envers ses actrices. Quelle année !! Oui. Ces deux dernières années, en fait, ont été trèsriches. D’une manière générale, je trouve que le cinémafrançais nous traite plutôt bien. Moi, en tout cas, je suistrès gâtée.Deux millions d’entrées pour une petite production comme Le Concert, c’est énorme. Le succès du film vous a-t-il surprise ?! J’étais aux Etats-Unis au moment de la sortie, mais monpère m’envoyait des photos des affiches apposées sur leskiosques avec le nombre de spectateurs. En fait, je l’avaispressenti… J’aime bien défendre les films en province etj’avais vu le public se lever pour applaudir, parfois enlarmes. Depuis Je vais bien, ne t’en fais pas [de PhilippeLioret], je n’avais pas vécu ça. C’était un bon présage.Quelle est, pour vous, l’image la plus forte des deux années qui viennent de s’écouler ?! Le moment le plus intense, c’est peut-être la fin dutournage du Concert : le dernier jour, au théâtre du Châtelet, je m’évanouissais, au milieu des violons. Laveille, je rencontrais Quentin Tarantino pour InglouriousBasterds. Quatre jours après, j’apprenais que j’étais prisepour le film, et deux jours plus tard je m’envolais pourLos Angeles. C’était fou ! Il y a eu aussi Cannes, le tour-nage formi dable de La Rafle, la préparation de mon al-bum, la tournée mondiale du Tarantino, le tournage deBeginners à Los Angeles avec Ewan McGregor, l’écriturede mon long-métrage… J’ai pris cinq jours de vacancesen deux ans, je quitte un appartement où j’ai dû passerau maximum deux mois. Mais bon, je ne me plains pas.Je mène exactement la vie dont j’ai envie.Diane Kruger, votre partenaire dans Inglorious Basterds, confiaitrécemment avoir un peu souffert sur le plan personnel durantcette année très riche pour elle aussi. Cela n’a pas été votre cas ?! Bizarrement, non. Je dirais même que, dans ce tour -billon, j’ai réussi à me trouver. Le vrai déclic a eu lieu ���

Mélanie Laurent« Je suis très gâtée»

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Premiers pas sur les planchesMélanie Laurent et Jérôme Kircher, à l’affiche de la nouvelle pièce de Nicolas Bedos.

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Robe en soie rayée,

Chloé.

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au moment de la rencontre avec Damien [NDLR : lemusicien Damien Rice, qui collabore à l’album de lacomédienne]. Damien est le musicien que je respecte leplus au monde. Avant, je papillonnais de soirée en soirée.Et puis j’ai rencontré un homme qui m’a accueillie chezlui, en Irlande, m’a préparé du jus de concombre le matin,m’a emmenée en promenade en forêt ou face à la mer.Ça m’a posée d’un coup ! C’est si rare de croiser quelqu’unqui vous veut du bien. Damien m’aide à savoir ce quesignifie être artiste, car je fais beaucoup de choses à côtéde mon travail d’actrice.Il y a beaucoup de gens qui vous veulent du mal ?! Non, pas dans le métier. Je parlais dans ma vie per-sonnelle. Je n’ai pas toujours croisé des personnes saines,simples et généreuses. Aujourd’hui, autour de moi, il n’ya que des gens qui me veulent du bien.Alors, cela signifie quoi, être artiste ?! Se poser des questions, aller au bout de ses envies,refuser le confort, se confronter à l’inconnu… Damienm’a fait comprendre que, si je veux faire de la musique,c’est parce que j’ai envie de faire de la scène, et qu’ilfaut donc que je me remette au piano et que je compose.De cette rencontre sont nées une très belle amitié et beaucoup de sérénité.A quoi ressemble la nouvelle Mélanie ?! Elle est consciente de l’immense chance qu’elle a defaire ce métier. Elle ne râle plus toutes les deux minutes,rit beaucoup plus qu’avant, se couche tôt, continue derêver intensément, mais sans faire de cauchemars. Mêmesi en ce moment je dors très mal à cause du théâtre.Le théâtre, où vous faites vos débuts dans la pièce de NicolasBedos, Promenade de santé. Vous angoissez ?! A mort. Autant je n’ai jamais flippé dans ce métier– je n’ai même pas peur de mettre en scène mon premierfilm – autant là, j’ai un trac fou. Le soir, je visualise tout,je me couche avec des cahiers, des stylos… Je me réveillebrusquement pour noter des idées.C’est la confrontation avec le public que vous craignez ? Le regard de la critique ?! Pas la rencontre avec le public. Au contraire, je pensequ’elle va me libérer. C’est davantage l’appropriation durôle pendant les répétitions qui me fout la trouille. Entout cas, pas les critiques. Depuis le César [NDLR : en2007, pour Je vais bien, ne t’en fais pas], qui m’a donné

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La Rafle,de Rose Bosch

(sortie le 10 mars).L’actrice y incarne

aux côtés de Gad Elmaleh et de Jean Reno

une infirmièreaux prises

avec l’Histoire.

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Le Concert,du cinéaste roumain Radu

Mihaileanu. Le triomphesurprise de l’automne dernier.

InglouriousBasterds,

de QuentinTarantino.

Mélanie et sonréalisateur au Festival

de Cannes 2009.

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une certaine légitimité dans ce métier, je ne les lis plus.Je ne sais pas ce que l’on dit de moi. C’est ma manière deme protéger.En général, elles disent plutôt du bien.! Pas sur le Tarantino. Je l’ai ressenti immédiatement.J’ai reçu beaucoup de messages pour Le Concert, prati-quement aucun pour le Tarantino. Mais ce n’est pas grave.Je trouve juste un peu dommage que l’on n’ait pas com-pris ce que j’ai voulu faire dans ce film, que mon proprepays ne m’ait pas soutenue alors que je vis et travaille ici.Tarantino voulait une héroïne très soft, très froide. J’aiessayé de respecter son désir.Vous avez été tentée de partir pour de bonpour les Etats-Unis ?! Non. Le théâtre, mon film, c’était unemanière de rester à Paris. Je viens dem’acheter une maison ici. Une maisonde poupée que j’adore, avec une cham-bre d’amis et un jardin. Je vais pouvoirfaire mon compost, c’est génial. [Rires.]J’ai envie d’une déco écolo, de grands dîners avec des amis venus du mondeentier. Ce sera mon cocon.Que pouvez-vous nous dire sur votre film ?! Très peu… A part que je le tourne enoctobre et qu’il s’agit d’une réflexion autour de l’adoption. Les deux rôles fé-minins principaux sont tenus par MarieDenarnaud, une actrice que j’adore etqui a joué dans Les Corps impatients, deXavier Giannoli, et moi-même. Pour lepremier rôle masculin, rien n’est encoresûr, mais je croise les doigts. J’ai quelqu’unen tête qui serait formidable. Pour jouerle rôle de ma mère aussi.A qui pensez-vous ?! A Isabelle Adjani. Je l’adore ! Je rêve de la rencontrer.On se parle par messagerie, mais je suis sûre que l’on vafinir par faire connaissance.Où en sont vos relations avec Daniel Auteuil, dont le premierlong-métrage, La Fille du puisatier, va finalement se tournersans vous ?! Me désengager de La Fille du puisatier a été très douloureux et très frustrant. J’avais dit oui à la pièce deNicolas [Bedos] avant et, comme celle-ci a été décalée,je ne pouvais plus partir dans le Sud. Et pourtant, j’adoreDaniel, j’étais très honorée de participer à son film. Je nepouvais tout simplement pas faire les deux. J’espère qu’ila bien eu le message que je lui ai laissé.De tous les messages que vous avez reçus pour Le Concert, quelest celui qui vous a le plus émue ?! Le plus incongru, c’est celui de Gérard Depardieu, dontje n’avais pas entendu la voix depuis douze ans. J’étais àLos Angeles, je décroche le téléphone et, tout d’un coup,j’entends [elle prend une grosse voix] : « Allô, mon petitchat, comment ça va ? C’est Gérard. C’est pas parce qu’onne se voit plus que je ne suis pas ta carrière. Je suis fierde toi ! » [Rires.] � Propos recueillis par Géraldine Catalano

Mon idole« Isabelle Adjani,

je l’adore. J’aimerais

tellement qu’elle

accepte de jouer

dans mon premier

long-métrage. »

Mon amie la plusproche

L’actrice MarionCotillard.

« Nos carrièresnous éloignent,

mais à chaque foisque nous nous

retrouvons, c’estcomme si nous ne nous étions

jamais quittées. »

Partenaires Avec Justin Bartha dans Jusqu’à toi, de Jennifer Devoldère (2009),et Fabrice Luchini dans Paris, de Cédric Klapisch (2008).

Le sacreEn 2007, l’actrice reçoit le césar du meilleur espoir féminin pourJe vais bien, ne t’en fais pas, de Philippe Lioret. A ses côtés, Kad Merad, son partenaire dans le film.

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