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Le marché de la musique : Qu'accepte-t'on encore de payer ?

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Le marché de la musique en France est en constante évolution ; au fil des années, nous avons vu se succéder de nombreux procédés d'enregistrement du son, passant du support physique - vinyle, cassette audio, compact disque, dvd…- au support numérique sous divers formats (fichiers): WAV, MP3, MP4...etc. Selon l’Observatoire de la musique , tous ces événements survenus entre 2003 et 2010 ont progressivement entraîné la dévalorisation du marché de la filière musicale et le développement des usages sur internet serait un des principaux facteurs de fragilisation de ce secteur : l'arrivée du haut débit en 2003 a augmenté les actions de piratage et a considérablement développé les échanges gratuits et illégaux. L’Internet à haut débit a donc permis l'apparition de nouvelles pratiques, de nouveaux modes d'écoute en favorisant l’émergence de ce que l’on appelle le “marché induit” de la musique ; c’est à dire tous les produits et services dérivés de la musique. Alors le numérique, considéré auparavant comme une menace pour le marché de la musique, offre aujourd’hui de nouvelles perspectives à travers le marché induit ; il contribue notamment à construire une identité forte de l’artiste, une proximité avec le consommateur. Nous allons ainsi essayer de démontrer comment les acteurs du marché musical sont obligés de s’appuyer sur la notoriété de l’artiste et la création de nouveaux services, pour créer de la valeur économique sur des marchés induits ? Il s’agira donc d’étudier en quoi la valeur d’usage de la musique a pris le pas sur sa valeur économique. Ensuite, nous distinguerons les services qui se sont développés autour de la notoriété de l’artiste pour relancer l’économie du marché.

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Le marché de la musique en France est en constante évolution ; au fil des années, nous avons vu se succéder de nombreux procédés d'enregistrement du son, passant du support physique - vinyle, cassette audio, compact disque, dvd…- au support numérique sous divers formats (fichiers): WAV, MP3, MP4...etc. Selon l’Observatoire de la musique1, tous ces événements survenus entre 2003 et 2010 ont progressivement entraîné la dévalorisation du marché de la filière musicale et le développement des usages sur internet serait un des principaux facteurs de fragilisation de ce secteur : l'arrivée du haut débit en 2003 a augmenté les actions de piratage et a considérablement développé les échanges gratuits et illégaux.L’Internet à haut débit a donc permis l'apparition de nouvelles pratiques, de nouveaux modes d'écoute en favorisant l’émergence de ce que l’on appelle le “marché induit” de la musique ; c’est à dire tous les produits et services dérivés de la musique.

Alors le numérique, considéré auparavant comme une menace pour le marché de la musique, offre aujourd’hui de nouvelles perspectives à travers le marché induit ; il contribue notamment à construire une identité forte de l’artiste, une proximité avec le consommateur. Nous allons ainsi essayer de démontrer comment les acteurs du marché musical sont obligés de s’appuyer sur la notoriété de l’artiste et la création de nouveaux services, pour créer de la valeur économique sur des marchés induits ?Il s’agira donc d’étudier en quoi la valeur d’usage de la musique a pris le pas sur sa valeur économique. Ensuite, nous distinguerons les services qui se sont développés autour de la notoriété de l’artiste pour relancer l’économie du marché.

I - La musique, entre valeur d’usage forte et valeur économique faible

Reconnue comme un des produits les plus appréciés au monde, la musique dispose ipso facto d’une valeur d’usage forte : les personnes adorent la musique et sont généralement ouvertes à plusieurs styles musicaux ; elle fait partie intégrante du quotidien et son succès ne diminue pas. Parallèlement, on constate que l’arrivée de la dématérialisation change radicalement le comportement du client dans deux directions : il devient réticent à payer la musique et paradoxalement, il souhaite disposer de celle-ci "anytime anywhere". La valeur économique de la musique est donc en déclin. Elle contraste avec la valeur d’usage forte attachée au même produit. Ainsi, on peut imaginer la frustration des producteurs de musique qui ont en leur possession un des produits les plus aimés au monde et pour lequel plus personne n’accepte de débourser.

Pour parer cette diminution de la valeur économique, il devient nécessaire de mettre en place des formes alternatives de consommation de la musique ; pour cela Il est primordial de considérer la nouvelle place du client dans la création de valeur. Henri Isaac2, spécifiait que “la révolution numérique dans l'industrie de la musique est une révolution comparable à celle qui se déroule dans bien d'autres secteurs : la révolution du client.” En effet, cette fragilisation économique résulte de deux besoins bien distincts : celui des producteurs désirant faire payer

1 Etude : «L'évolution des marchés de la musique en France »2 Docteur en Sciences de gestion, Maître de conférences à l'Université Paris-Dauphine et chercheur au sein de Dauphine Recherches en Management (UMR CNRS 7088)

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chaque usage et celui des clients souhaitant payer un droit d’accès pour tous les usages. Par exemple, en s’abonnant à la plateforme de Deezer, l’internaute paye pour accéder en illimité à une multitude de morceaux musicaux à écouter depuis n’importe quel endroit. Ainsi, la clé de la revalorisation du marché de la filière musicale serait de favoriser des usages autour du produit dans le but de générer une valeur économique nettement supérieure. L’idée est de “passer de l’œuvre unitaire à une chose qui peut être la musique comme relation”3 de proximité ce qui correspond à l’intégration de services (supplémentaires et complémentaires) au marché dorénavant centré sur le client.

Le marché de la musique n’est pas foncièrement en crise mais plutôt le support : le téléchargement illégal est désormais une pratique courante et la plupart des plateformes de téléchargement permettent d’écouter et de découvrir un artiste en un temps record. La valeur ajoutée est réelle ; si c’est œuvre physique contre œuvre numérique, c’est donc payant contre gratuit. Le fait qu’une grande partie des consommateurs de musique aient choisi la gratuité ne va en rien déstabiliser l’industrie de la musique. Ces personnes seront prêtes à débourser une certaine somme pour aller voir l’artiste en concert ou télécharger une sonnerie. Contrairement au CD, il est difficile de pirater un concert avec son ambiance et son expérience uniques. La concurrence se joue donc sur la valeur apportée au-delà du simple morceau.

Au final, il s’agit d’une mutation d’un modèle économique où l’obtention des bénéfices passe par un processus plus long accompagné d’une multitude de services. Le modèle économique traditionnel est donc complété par différents modèles économiques annexes dont le point de départ est la valeur d’usage (usages sociaux et personnels de la musique). Nous allons donc analyser les stratégies de ces modèles économiques annexes.

II - L’expérience avec l’artiste

La valeur d’usage de la musique se construit petit à petit. Aujourd'hui, lorsqu'un amateur de musique entend parler d'un artiste et qu'il décide de s'y intéresser, il peut rapidement trouver sa discographie sur internet et l'écouter. Au-delà de toutes les informations sur la biographie de l'artiste délivrées par certains sites, il lui est possible de suivre son actualité musicale et personnelle grâce aux profils créés sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter...). Petit à petit, il va s'identifier à l'artiste, se retrouver dans ses paroles, etc. Et c'est à ce moment là que s'instaure la valeur d'usage : si ce que fait l'artiste lui plaît réellement, il aura envie de le rencontrer, de partager un moment avec lui. Ainsi, l’acte d’achat va être enclenché et les places de concert seront au cœur de ce marché induit.

Le consommateur ici ne va pas forcément acheter le CD de l'artiste qu'il admire. Mais parallèlement, il n'aura aucun mal à investir dans une place de concert pour vivre un moment particulier avec lui. Par exemple, il serait prêt à débourser 120 euros pour aller voir Johnny Halliday en concert mais n'achètera pas forcement son CD au prix d’une vingtaine d’euros. Selon l’Observatoire de la Musique4, « L’expérience du live sur scène devient une composante

3 Citation de Daniel KAPLAN Délégué général, FING4 Etude : «L'évolution des marchés de la musique en France »

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de plus en plus importante de l’offre musicale. Dans un marché qui devient virtuel, l’internaute a besoin de proximité, laquelle s’exprime également dans le besoin régulier de rétablir un lien physique et réel, notamment via le concert. ». On note donc un abandon du marché direct (achat du CD) au profit d’un service (représentation publique de l’œuvre).Or, le consommateur ne s'arrête pas toujours à ce niveau du processus. Il faut considérer l’ambiance du concert comme un facteur très important. En effet, ce qui peut motiver l'achat d'un disque, d'un morceau de musique ou d'un produit dérivé dépend beaucoup de l'artiste (son identité) et de l'émotion qu'il procure. La relation de l'artiste avec son public est donc fondamentale ; l'artiste doit faire ses preuves. S'il réussit à créer un relationnel fort avec son public, il engendre des investissements supplémentaires qui symbolisent ce lien : c'est un cycle économique inversé.

La valeur d'usage est le point de départ d'un modèle économique annexe qui permet de dynamiser le marché global de la musique. Et pour l'artiste, les sommes perçues lors de ce genre de représentations sont assez conséquentes pour compenser une éventuelle faiblesse des ventes de CD. C’est un système qui fonctionne et les artistes le savent ; tout comme la plupart des acteurs de la musique (notamment le tourneur qui se charge de vendre le « spectacle » à des programmeurs). C'est pourquoi, tous ces acteurs du marché développent de nouvelles stratégies, utilisant des mises en scène de plus en plus élaborées (comme faire renaître de ses cendres un artiste décédé grâce à une projection holographique sur scène5, plus interactives (comme l'utilisation des réseaux sociaux en plein concert : au fur et à mesure que les « Like » s'accumulent sur la page du concert, de nouvelles performances d'artistes s'ajoutent à la représentation initiale6) ou encore plus spectaculaires (jeux de lumières, vidéos, images, lieu original ou inhabituel)...dans le but d’attirer toujours plus de public.Tout est mis en œuvre pour que le live procure une expérience inoubliable, non seulement pendant l’événement mais également après. Par exemple, un concert peut être diffusé en live sur un site internet puis enregistré comme podcast7 ; l’opportunité d’une offre vidéo supplémentaire pour les sites de téléchargement et une manière de contenter ceux qui n'ont pas pu assister à la représentation. Il est même possible de décliner cette offre sur plusieurs supports, notamment sur mobile (mode de communication par excellence dans ce rôle de proximité).Au-delà du concert, d'autres expériences avec le public peuvent être créées, comme la découverte des coulisses ou du studio d'enregistrement, l'achat de produits dérivés (t-shirts, affiches, mugs...). Il est également possible d'interagir avec l'artiste via des chats en direct : celui-ci entre dans la vie personnelle du fan. En effet, en l'invitant à ce rendez-vous, l’émotion partagée est vive, provoquée par l'exclusivité du moment. Cette création de valeurs est typiquement ce qui donnera la possibilité à un chanteur ou un groupe de se différencier et d’impliquer le public. En effet, une personne qui se sent concernée a forcément plus de chance d’être convertie en un client consommateur.

5 Tupac Shakur, rappeur américain décédé en 1996, a ainsi réalisé une performance en duo avec le rappeur Snoop Dog au festival Coachella (Californie) en 20126 Comme le concert « + de Share, + de Show » réalisé avec le groupe The Ting Tings en 2012 place du Palais Royal à Paris.)7 La Boiler Room par exemple est un site londonien fondé sur ce concept

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Finalement, les modes de consommation évoluent et les diffuseurs d’aujourd’hui s’éloignent de la propriété pour aller vers l’accessibilité. Il n’a jamais été aussi important de se rapprocher de son public. Au-delà des conversations sur les réseaux sociaux, pour écouter et comprendre ses fans, l’artiste peut désormais exploiter les données personnelles des internautes en ciblant des publics plus opérationnels.

III - Personnalisation et confort d’écoute

La démarche à suivre afin de redresser l’économie musicale consiste à créer une valeur ajoutée, un service complémentaire répondant directement aux besoins personnels de chaque client. Ainsi, comme le spécifie l’Observatoire des Usages Numériques Culturels, la tendance consiste à individualiser le rapport entre un consommateur final et un projet musical. C’est un travail de marketing important sachant que, d’un côté, l’offre est de plus en plus large et accessible à tout moment et que, de l’autre, la demande est de plus en plus segmentée, voire fragmentée. Pour obtenir cette individualisation, l’accès au contenu ne doit pas être restreint. En revanche, il faut proposer des opérations exclusives ainsi que des offres adaptées à chacun des usagers.

Ne pas restreindre l’offre signifie en proposer une plus importante et plus complémentaire autant sur une plateforme numérique que sur le marché physique. La diversité du contenu prime. En proposant la location d’un catalogue quasiment illimité, la plateforme Napster permet à l’utilisateur de découvrir un nombre important d’artistes. Ce modèle se rapproche de celui du piratage : il donne accès à tout un catalogue à bas prix et évite à l’utilisateur d’acquérir la musique par album et par titre. La diversité du catalogue est alors un atout. Proposer des exclusivités peut se faire de deux manières : en faisant du versionning ou en créant des exclusivités à la vente. Le versionning consiste à ajouter à l’album officiel un titre additionnel, une jaquette différente, un livret ou un morceau de clip différent en fonction du client. De cette façon, il y a une différenciation de produit. L’exclusivité à la vente correspond à la mise à disposition d’un produit sur une plateforme unique pendant une durée déterminée avant sa diffusion sur les autres supports.

Davantage encore, l’usager doit devenir acteur et disposer d’un confort d’écoute, c'est-à-dire d'une écoute sans limite de temps et dénuée de publicité. Les trois plateformes de “streaming audio” - Deezer, Spotify, et Grooveshark - proposent à l’utilisateur, tout comme YouTube, un packaging ainsi qu’une bibliothèque spécifique et personnelle. Ces plateformes transforment des biens en services : elles ne vendent plus les morceaux mais permettent de les écouter en streaming. De plus, l’utilisateur doit être en mesure de modifier, sélectionner, supprimer et ajouter des morceaux de ses playlists personnelles. Il doit être considéré comme l’acteur de son écoute et non comme un simple auditeur subissant les choix musicaux d’autorités extérieures. Les sonneries mobiles sont nées de ce même principe. Soucieux d’avoir un téléphone et une sonnerie à son image, le client est prêt à payer plus pour accéder à cette personnalisation. Cela explique la tarification plus élevée d'une sonnerie par rapport à un simple morceau. ITunes propose également la personnalisation des terminaux Apple en téléchargeant des morceaux de

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musique ; c’est d’ailleurs aujourd’hui le leader du téléchargement légal. De la même façon, les abonnements à des chaînes de radios personnalisées, comme Last.fm, offrent un service que les consommateurs seraient prêts à payer : la plateforme SoundCloud va plus loin dans cette distribution des droits et avantages puisque l’utilisateur peut lui-même soumettre ses chansons et les mettre à disposition des autres usagers. En alliant personnalisation et actions individuelles, l’artiste crée avec ses fans une communauté autour d’un univers musical particulier.

D’autres services peuvent enrichir cette individualisation ; le succès de Shazam en est une preuve probante. Cet outil dispose d’une valeur ajoutée : un service gratuit permettant de reconnaître et d’identifier un morceau inconnu de l’utilisateur. Mais une fois le service obtenu, l’usager est redirigé vers une plateforme de téléchargement légal où il a la possibilité d’acheter la chanson en question. Étant satisfait du service, l’utilisateur sera moins réticent à payer. De cette façon, Shazam permet ainsi de générer de l’argent et d’augmenter la notoriété d’un artiste.

Nous constatons donc que l’utilisateur doit bénéficier d’un service spécifique accompagnant son écoute comprenant confort, individualisation, personnalisation et distribution de droits pour qu'il accepte de rémunérer le travail des artistes et celui de l’industrie musicale.

IV - Accompagnement éditorial - Consumer Relationship Management et Recommandations sociales

La mise à disposition de la musique sur les canaux numériques doit s’accompagner d’une recommandation éditoriale. Si le consommateur est semi-indéterminé et qu’il ne sait pas ce qu’il recherche, il a besoin de prescriptions. La plateforme doit l’orienter vers des artistes susceptibles de l’intéresser. Le distributeur doit mettre à disposition des filtres permettant de personnaliser la recherche de l’usager. Il doit également lui offrir un ensemble de morceaux correspondant à ses attentes et à ses envies musicales : on s’aperçoit aujourd’hui que c’est une valeur ajoutée extrêmement importante. À titre d’exemple, les bundles ou les coffrets numériques comprenant une proposition artistique, économique et éditoriale, se vendent facilement. Ils répondent à un besoin spécifique de l’usager, celui de découvrir de nouveaux artistes et de renouveler ainsi leur répertoire musical. Le site VirginMéga-classique, plateforme de téléchargement légale de musique classique, est à proprement dit une recommandation éditoriale. Il regroupe une niche spécifique puisque le classique représente uniquement 5% à 6% du marché8. De ce fait, ce site enrichit l’offre et la segmente. Les playlists découvertes ont également une vocation de recommandation. Créées par les organisations (les festivals, par exemple), ce type de service permet de découvrir la programmation et de se familiariser avec les artistes.

En plus de ces outils de recommandations, il existe des technologies dites de « Consumer Relationship Management » (CRM) permettant de mettre en place des suggestions. Tout comme le nouvel algorithme de Google qui personnifie les résultats de recherche en fonction

8 Chiffres mentionnés par Laurent FISCAL dans “Les valeurs de la musique : Valeurs sociale, esthétique et économique" de l'Observatoire des Usages Numériques Culturels)

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des goûts et des habitudes de l’internaute, une interface de musique en ligne se doit de proposer certains artistes en fonction des préférences du client. Cela signifie qu’un consommateur de jazz doit être dirigé vers des artistes de ce genre musical plutôt que vers du rock ou de la salsa. Deezer, Spotify et Grooveshark ont intégré cette pratique et proposent à chaque usager une écoute personnalisée. C’est de cette manière que le dialogue s’instaure et que l’interface propose et informe l’utilisateur : il lui suggère des artistes susceptibles de lui plaire. De ce fait, le mode de consommation de ces trois plateformes explose : l’an dernier, les abonnements à des offres payantes ont généré en France, avec leurs milliers d’utilisateurs, 35 millions d’euros de revenus9.

Mais la recommandation n’est pas uniquement effectuée par ceux qui proposent les services. En effet, Spotify, Deezer et SoundCloud sont également des plateformes de partage où chaque internaute profite librement de sa passion et la véhicule à sa communauté par le biais d’interactions sociales. Myspace, Facebook et Twitter, de type communautaire, suivent la même logique. Ces plateformes vont également permettre une interaction et une interpénétration de multiples services permettant d’enrichir l’expérience utilisateur et l’expérience musicale des communautés d’utilisateurs. Un internaute pourra partager sur Facebook un clip qui lui plaît. Ses amis le découvriront alors et le partagerons à leur tour. Par ailleurs, les sites comme Amazon combinent différents algorithmes de filtrages collaboratifs (recommandations d'internautes) afin de vendre leurs produits, qu’ils soient musicaux ou non. D'autres systèmes sont également basés sur la logique communautaire, en valorisant le partage avec un réseau d'amis de musiques achetées et la création de bases de données musicales gigantesques, des playlists communautaires.

Ces notions de partage et de communauté sont à intégrer aux nouveaux business model émergeants puisqu’elles permettent une diffusion gratuite d’un produit à grande échelle (playlist, clip, titre ou photo d’artiste) et augmente donc la notoriété de l’artiste.L’idée est que l’internaute sera d’autant plus enclin à écouter un morceau qu’un proche lui aura conseillé. C’est le principe du marketing viral (« je te donne le virus de ce que j’ai aimé, je suis ambassadeur d’un produit ou d’un artiste sans m’en rendre compte »). Ces recommandations peuvent ainsi amener les internautes à payer un abonnement streaming ou d’autres contenus. De même, cela permet de capter et monétiser, sous couvert d’une « expérience » musicale personnalisée, le flux lié aux passages, aux traces, aux données laissées par les internautes.

V - Placement de produit : Valeur d’usage payée par un annonceur

Malgré le développement de tous ces services, certaines personnes se refusent encore à payer pour écouter de la musique. Étant donné que les producteurs ne peuvent financer directement la musique avec la vente de titres musicaux, ils vont chercher à le faire, en partie via le placement de produit : encore une manière de miser sur la notoriété de l'artiste.Au départ, le placement de produit était très utilisé au cinéma mais depuis 2009, le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) l’a également autorisé dans le secteur de la musique.

9 Chiffres de Stratégie n°1709

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Le placement de produit - ou autrement dit “l’endorsement”- s’opère principalement au niveau des clips. Il consiste à mettre en avant un produit, un service ou même une marque en échange d’une contrepartie financière de la part de l’annonceur (à condition que l’apparition n’incite pas directement à l’achat ou qu’elle ne fasse pas l’objet d’une offre promotionnelle). La musique dispose d’atouts pour enrichir une relation avec la marque et ses clients, en priorité les jeunes qui semblent plus réticents à payer.De manière générale, les marques privilégient les artistes qui rencontrent le succès afin de profiter de leur notoriété. Le bénéfice pour l’annonceur est donc double car, en s’associant à l’artiste, il touche son public mais aussi toutes les personnes qui regardent le clip à la télévision et sur internet. Ainsi, plus le clip est visionné, plus le produit de l’annonceur est vu, voire acheté. Le placement de produit est aussi très intéressant pour le producteur de musique puisque l’artiste et la production du clip seront financés en partie par l’annonceur. En fait, l’industrie musicale devient de plus en plus enthousiasmée par ces “mécènes” de nouveau genre.Nous pouvons ainsi dire que le placement de produit permet de transformer la valeur d’usage forte de l’artiste en valeur économique. En effet, lorsqu’un individu regarde un clip, il prend du plaisir, il est captivé par ce qu’il perçoit et un sentiment d’identification se met rapidement en place. De même, dans certains cas, la personnalité va clairement devenir une caution pour la marque auprès du public, alors qu’elle n’en est pas officiellement l’égérie. En effet, dans le clip « On se fout de nous », quand Shy’m s'asperge du parfum Lady Million de Paco Rabanne, le produit est mis en “action” et ne figure pas en arrière-plan du clip ; cela est donc plus signifiant pour le spectateur puisqu’il va indirectement associer le parfum à la chanteuse Shym. De plus, la personne s’identifiant à l’artiste va acquérir une perception positive du produit qui apparaît dans le clip. Il est donc essentiel que l'artiste et l'entreprise possèdent un univers et des valeurs en commun pour qu'il y ait une cohérence : on peut citer l’exemple des marques high tech qui se tournent généralement vers les Black Eyed Peas pour leur image moderne et innovante.

L'association entre les marques et les artistes n'est pas nouvelle et le placement de produit n'en n'est qu'une nouvelle forme. Comme le marché de la musique traverse une période difficile, ce complément de budget peut s’avérer très utile pour les maisons de disque. Les marques bénéficient d’une exposition médiatique intéressante et les artistes peuvent réaliser un clip de meilleure qualité grâce à l’argent rapporté avec l’apparition de marques.

En conclusionAinsi avons-nous démontré que le renouvellement d’innovations relance l’attrait et l’économie de l’industrie musicale. Le développement du streaming, l’association avec les marques et le rapprochement avec les consommateurs demandent à l’ensemble du secteur de se réinventer pour profiter au mieux des champs possibles offert par le digital pour recréer de la valeur économique.

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