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Mémoire de recherche sur le concept d'authenticité appliqué aux marques réalisé par Sandrine Biard (chef de projet), Diane Cossart et Andrea Goulet. ISIT 2012, filière Management Interculturel en alternance
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ISIT Institut de Management et de Communication Interculturels
Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Master 2 en Management Interculturel
Présenté par
Mlle Sandrine BIARD
Mlle Andrea GOULET
Mlle Diane JOLIVET de COLOMBY
Le concept d’authenticité appliqué aux marques
Septembre 2012
Directeur de mémoire : Dr. Louis-Marie Clouet
REMERCIEMENTS
Nous souhaitons remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont contribué à
l’élaboration de ce mémoire de recherche.
Nos premiers remerciements vont ainsi à notre directeur de mémoire, Dr. Louis-Marie
Clouet, qui nous a accompagnées tout au long de notre travail. Son aide nous a été
particulièrement précieuse lorsqu’il s’est agi de définir notre sujet et notre problématique.
Nous souhaitons également remercier M. Bertrand Echaudemaison et Mme Sylvie
Cadoche dont l’expertise en communication et marketing s’est avérée fort utile pour la
conduite de nos recherches.
Nous remercions Mme Sophie Bouzat, community manager chez Fauchon, d’avoir eu la
gentillesse de bien vouloir répondre à nos questions.
Nous désirons également remercier notre responsable pédagogique, Mme Frédérique de
Graeve, pour sa disponibilité et son accompagnement tout au long de cette année
universitaire. Elle nous a notamment fourni les noms de personnes ressources et proposé
des pistes de réflexion pour l’élaboration de notre sujet.
Enfin, ces remerciements ne seraient pas complets sans une mention pour nos proches dont
le soutien sans faille a été indispensable à la bonne réalisation de ce mémoire de recherche.
TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
* : les mots soulignés et marqués d’un astérisque sont définis dans le glossaire
adj. : adjectif
AOC : Appellation d’origine contrôlée
ASA : Advertising Standards Authority (autorité britannique de contrôle de la publicité)
Didact. : didactique
DR. : droit
éd. : édition
EPEAT : Electronic Product Environmental Assessment Tool
ESAA Duperré : Ecole supérieure des arts appliqués Paris Duperré
Ibid. : remplace la référence complète de l'ouvrage qui vient d'en être faite
Lat. : latin
n° : numéro
n.f. : nom féminin
op.cit : référence à l’ouvrage du même auteur cité plus haut
p. : page
par oppos. : par opposition
pp. : pages
vol. : volume
GLOSSAIRE
ADN de marque : composantes fondamentales de l’identité de marque, dont elle est
indissociable.
Source : LENDREVIE Jacques, LEVY Julien, LINDON Denis, Mercator 9e édition,
Dunod, 2009, 1200 pages, p. 788.
Authenticité : n.f. Caractère de ce qui est authentique.
Source : Le Petit Larousse illustré, 2005, 100e édition.
Authentique : adj. (gr. authentikos, qui agit de sa propre autorité). 1. Dont l’exactitude,
l’origine, l’attribution est incontestable. Un manuscrit authentique. 2. D’une sincérité
totale. Une émotion authentique. 3. DR. Revêtu des formes légales. Un acte authentique.
Source : Le Petit Larousse illustré, 2005, 100e édition.
Greenwashing (ou écoblanchiment) : désigne les pratiques de "manipulations marketing"
qui consistent à utiliser abusivement un engagement écologique, qui est en fait peu
significatif, pour promouvoir l’image d’une marque ou d’un produit.
La distinction entre une utilisation marketing légitime d’un engagement écologique sous
ses différentes formes possibles et une pratique d’écoblanchiment est évidemment très
subjective et sujette à débats.
Source : http://www.definitions-marketing.com/
Image de la marque : représentations mentales (connaissances, croyances, évocations)
associées à une marque (ou à un produit) par un public déterminé.
Source : LENDREVIE Jacques, LEVY Julien, LINDON Denis, Mercator 9e édition,
Dunod, 2009, 1200 pages, p. 778.
Marketing : l'ensemble des actions ayant pour objectif de prévoir ou de constater, et le cas
échéant, de stimuler, susciter ou renouveler les besoins du consommateur, en telle
catégorie de produits et de services, et de réaliser l'adaptation continue de l'appareil
productif et de l'appareil commercial d'une entreprise aux besoins ainsi déterminés.
Source : Définition du Journal Officiel, 2 avril 1987.
Marketing expérientiel : création d’expériences qui permettent d’engager le
consommateur dans une relation positive, riche en sens et en sensations, avec une marque.
Le «marketing expérientiel », apparu à la fin des années 1980 et très marqué par les
théories post-modernes, se propose de trouver des ressources pour “ré-enchanter”
l’expérience désormais désenchantée du shopping et de la consommation.
Sources :
- LENDREVIE Jacques, LEVY Julien, LINDON Denis, Mercator 9e édition,
Dunod, 2009, 1200 pages, p. 305.
- Article de Mathilde Meyer, « Le marketing expérientiel: quand l’acte d’achat
devient émotionnel », octobre 2009, http://suite101.fr/article/le-marketing-
experientiel-a1975
Marque : la marque est un nom et un ensemble de signes qui certifient l’origine d’un
produit, le différencient des produits concurrents et influencent le comportement des
acheteurs en suscitant des représentations mentales et un lien émotionnel. Jean-Noël
Kapferer définit la marque comme un nom qui a du pouvoir sur le marché.
Source : LENDREVIE Jacques, LEVY Julien, LINDON Denis, Mercator 9e édition,
Dunod, 2009, 1200 pages, chapitre 14.
Néostalgie : théorie qui est une forme de nostalgie positive. Elle permet de s'appuyer sur le
passé en tenant compte du présent et en regardant vers l'avenir. La néostalgie réinvente le
passé, contrairement à la nostalgie qui cherche à l'imiter.
Source : Définition élaborée à partir de différentes sources.
Notoriété de la marque : la notoriété mesure pour une marque le fait d’être connue par les
consommateurs. Le gain de notoriété est un des objectifs principaux de la publicité.
Source : http://www.definitions-marketing.com/
Objectif, ive : adj. (lat. objectus, placé devant). 1. Qui existe indépendamment de la pensée
(par oppos. à subjectif). La réalité objective. 2. Qui ne fait pas intervenir d'éléments
affectifs ou personnels dans ses jugements ; impartial. 3. Dont on ne peut contester le
caractère scientifique.
Source : Le Petit Larousse illustré, 2005, 100e édition.
Ostalgie : n.f. (die Ostalgie en allemand, depuis les mots Ost (Est) et Nostalgie). Nostalgie
que les anciens Allemands de l'Est ont pour leur ancienne vie en RDA.
Source : Wikipedia.
Pyramide de Maslow : la pyramide de Maslow établie par le sociologue du même nom
hiérarchise dans l’ordre suivant cinq types de besoins :
- Les besoins physiologiques (alimentation, vêtement, habitat, etc.)
- Les besoins de sécurité
- Les besoins d’appartenance (à un groupe social)
- Le besoin d’estime
- Le besoin d’auto-expression ou d’auto-réalisation
Selon Maslow, ces besoins sont hiérarchisés, cela signifie qu’un besoin de niveau inférieur
doit normalement être comblé avant que celui du niveau supérieur prenne de l’importance.
L’analyse de Maslow a notamment été utilisée dans le domaine du marketing et du
management.
Source : http://www.definitions-marketing.com/
Storytelling : le storytelling est littéralement le fait de raconter une histoire à des fins de
communication. Dans un contexte marketing, le storytelling est le fait d’utiliser le récit
dans la communication publicitaire.
Le storytelling consiste donc à utiliser une histoire plutôt qu’à mettre classiquement en
avant des arguments marque ou produit. La technique du storytelling doit normalement
permettre de capter l’attention et de susciter l’émotion. Elle peut également être utilisée
pour élever la marque à un rang de mythe.
Le storytelling peut utiliser des histoires réelles (mythe du fondateur ou de la création
d’entreprise) ou créer des histoires imaginaires liées à la marque ou au produit.
Le storytelling est également utilisé en communication interne et en communication
politique.
Source : http://www.definitions-marketing.com/
Subjectif, ive : adj. (lat. subjectus, placé dessous). 1. Didact. Qui relève du sujet défini
comme être pensant (par oppos. à objectif). 2. Se dit de ce qui est individuel et susceptible
de varier en fonction de la personnalité de chacun. Une interprétation subjective d'un texte.
Source : Le Petit Larousse illustré, 2005, 100e édition.
Tourisme responsable : le tourisme responsable, ou tourisme éthique, est un type de
tourisme alternatif ayant pour objectif :
- le développement économique et l’épanouissement des populations locales (par
l'implication dans l'économie locale, une rémunération juste et stable des
partenaires, des conditions de travail décentes, des échanges de connaissances et de
bonnes pratiques...) ;
- la préservation à long terme des ressources naturelles, culturelles et sociales
(tourisme durable) ;
- une rencontre authentique entre les voyageurs et les populations locales.
Aujourd’hui, de nombreux voyageurs sont sensibles à l’impact de leur périple sur la région
qui les attire, et expérimentent de nouvelles formes de voyages. Ils cherchent à être
cohérents avec les principes citoyens qu’ils appliquent chez eux, mais aussi à améliorer la
qualité de leurs vacances, pour faire du voyage une expérience authentique.
Source : Wikipedia.
Tradition : n.f. (lat. traditio, de tradere, livrer). 1. Transmission de doctrines, de légendes,
de coutumes sur une longue période ; ensemble de ces doctrines, légendes, etc. 2. Manière
d'agir ou de penser transmise de génération en génération.
Source : Le Petit Larousse illustré, 2005, 100e édition.
SYNTHESE
Le présent mémoire de recherche a été réalisé sous la direction de Dr. Louis-Marie Clouet
par trois étudiantes en deuxième année de master « Management Interculturel » (filière
apprentissage) en vue de l’obtention du diplôme de l’Institut de Management et de
Communication Interculturels (ISIT). Il vise à apporter une réflexion sur un sujet de
communication et marketing très actuel qui est l’authenticité envisagée en marketing et,
plus particulièrement, le concept d’authenticité appliqué aux marques.
Le sujet choisi est en lien avec un autre travail universitaire réalisé parallèlement au cours
des dix derniers mois par le même groupe d’étudiantes : un projet de recherche appliquée
dont l’enjeu consistait à définir la stratégie de communication d’un hôtel de luxe sur le
point de se construire à Megève et, plus précisément, à définir comment attirer une
clientèle internationale avec un authentique produit du terroir mègevan. Le commanditaire
du projet, M. Echaudemaison, a toujours souligné qu’il voulait que l’authenticité soit une
valeur pilier de son futur hôtel et cela nous a naturellement amenées à nous interroger sur
le concept d’authenticité en marketing. Ce mémoire a ainsi un double objectif :
académique et professionnel.
La réalisation de ce mémoire de recherche a demandé une organisation rigoureuse,
d’autant plus qu’il s’agissait d’effectuer ce travail en équipe. Un chef de projet a donc été
désigné (le même que pour le projet de recherche appliquée) afin de jouer le rôle de
« pilote » et de « coordinateur », outre le fait de participer à la réalisation du mémoire de
recherche à proprement parler.
Une fois le sujet défini, nous avons associé nos premières recherches à des séances de
brainstorming afin de dégager de premières pistes de réflexion qui nous ont ensuite permis
d’aboutir à notre problématique. Nous avons ainsi choisi de nous interroger sur la relation
entre marketing et authenticité et de nous concentrer sur la question suivante : dans quelle
mesure l’authenticité des marques peut-elle être considérée comme un simple argument
marketing ?
Après avoir contacté quelques personnes ressources, effectué des recherches approfondies
et des réunions régulières, nous avons établi un plan détaillé qui a été validé par notre
directeur de mémoire. La rédaction a ensuite commencé et il était important d’y consacrer
le temps nécessaire pour harmoniser nos styles et rendre l’ensemble fluide et cohérent.
Pour répondre à notre problématique de départ, nous avons formulé des hypothèses que
nous avons ensuite cherché à confirmer ou au contraire à infirmer. Ces hypothèses sont les
suivantes :
- on peut supposer qu’il existe un décalage entre l’authenticité affichée par les
marques et la réalité ;
- il semblerait que ce soit le consommateur qui détermine l’authenticité d’une
marque, en percevant et en reconnaissant cette dernière comme authentique ;
- il semblerait que les consommateurs aient leur propre définition de l’authenticité,
relativement éloignée de la définition académique donnée par le dictionnaire : cette
dernière serait alors « déformée » par le prisme de l’individu ;
- si le concept d’authenticité change suivant les individus, on peut supposer que ce
concept diffère également selon les cultures et les pays ;
- le degré de sincérité du discours émis par les marques serait la clef d’une
authenticité avérée.
Il ressort de notre travail que le décalage entre l’authenticité affichée par les marques et la
réalité n’est pas toujours avéré. Il existe des marques réellement authentiques. La sincérité
de la communication des marques est bien un facteur clé de cette authenticité ; néanmoins,
le consommateur joue également un rôle central et il est impossible de ne pas prendre en
compte ce dernier dans la définition de la marque authentique.
Le fait de travailler en équipe s’est avéré très enrichissant et a permis de développer de
nombreuses idées et d’apporter trois regards différents sur le sujet traité : toute la difficulté
a été néanmoins de faire converger ces regards dans une même direction. Le sujet choisi, le
concept d’authenticité appliqué aux marques, est en effet un sujet très riche qui a demandé
beaucoup de recherche et de réflexion. Notre travail aurait pu être enrichi par davantage de
personnes ressources ; malheureusement la plupart des personnes avec qui nous voulions
échanger n’ont pas répondu à nos invitations, malgré nos relances.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS .......................................................................................................................................... 1
TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................................................ 2
GLOSSAIRE .................................................................................................................................................... 3
SYNTHESE...................................................................................................................................................... 7
SOMMAIRE ................................................................................................................................................... 9
INTRODUCTION........................................................................................................................................... 10
CHAPITRE I : QU’EST-CE QU’UNE MARQUE AUTHENTIQUE ? ...................................................................... 13
1. LES CRITERES OBJECTIFS DE DEFINITION DE LA MARQUE AUTHENTIQUE ............................................................. 13
2. LE ROLE DU CONSOMMATEUR : L’AUTHENTICITE PERÇUE ET RECONNUE DE LA MARQUE ....................................... 18
3. L’AUTHENTICITE COMME BESOIN DU CONSOMMATEUR : ANALYSE DES ATTENTES DU CONSOMMATEUR ................... 25
CHAPITRE II : LA RELATIVITE DU CONCEPT D’AUTHENTICITE APPLIQUE AUX MARQUES ............................ 35
1. L’AUTHENTICITE DES MARQUES, UN CONCEPT EXPORTABLE ? ........................................................................ 35
2. L’AUTHENTICITE, COMPATIBLE AVEC LA MODERNITE ? ................................................................................. 39
3. LES PRATIQUES DES GESTIONNAIRES DES MARQUES ..................................................................................... 43
a) Les valeurs ................................................................................................................................ 43
b) Le storytelling ........................................................................................................................... 46
CHAPITRE III : LES LIMITES DE L’AUTHENTICITE COMME SIMPLE ARGUMENT MARKETING ....................... 51
1. LES DERIVES D’UNE COMMUNICATION MAL MAITRISEE ................................................................................ 51
2. QUELLES CONSEQUENCES POUR LES MARQUES ? LA QUESTION DE LA DURABILITE .............................................. 58
a) Une fidélité aux valeurs d’origine exigée par les consommateurs .............................................. 58
b) Une authenticité factice désirée ? ............................................................................................. 61
CONCLUSION .............................................................................................................................................. 65
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................... 68
TABLE DES MATIERES .................................................................................................................................. 74
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
INTRODUCTION
Nombreuses sont les marques*1
qui communiquent aujourd’hui sur leur
authenticité *, comme en attestent ces exemples issus de la presse et des sites promoteurs
des marques : « L’Occitane, une histoire vraie », « Loïc Raison, l’authentique cidre
breton », « Ricard, attaqué, défend son authenticité »2. L’authenticité semble ainsi être
devenue un outil stratégique majeur pour les marques. Or, Le Petit Larousse illustré donne
la définition suivante du mot authenticité : « n.f. Caractère de ce qui est authentique. »3. Le
dictionnaire renvoie donc à la définition de l’adjectif authentique*, qu’il définit comme
suit :
« adj. (gr. authentikos, qui agit de sa propre autorité). 1. Dont
l’exactitude, l’origine, l’attribution est incontestable. Un manuscrit
authentique. 2. D’une sincérité totale. Une émotion authentique. 3.
DR. Revêtu des formes légales. Un acte authentique. »4.
Il semble donc paradoxal de vouloir concilier authenticité – qui fait référence au désintérêt
financier et stratégique, puisque l’une des acceptions du terme est « d’une sincérité
totale » – et marque ou produit, dont l’objectif est commercial. Pourtant, c’est bien ce que
s’attachent à faire les marques dites authentiques, et cela fonctionne dans la mesure où
l’authenticité mise en avant par les marques répond à un besoin exprimé par les
consommateurs. En effet, dans un monde de plus en plus standardisé et mis en scène, les
consommateurs sont en quête de particularisme et de « vrai ».
1 Pour rappel, les mots soulignés et accompagnés d’un astérisque sont définis dans le glossaire. Afin de ne
pas gêner le lecteur, chaque terme référencé n’est souligné qu’une seule fois sur la même page, même s’il
existe plusieurs occurrences du même terme sur la page en question. 2 DE BROQUA Aliette, « Ricard, attaqué, défend son authenticité », Le Figaro, 9 mars 2006.
3 Cf. Le Petit Larousse illustré, 2005, 100
e édition.
4 Ibid.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
Dès lors, il semble intéressant d’étudier le lien entre authenticité* et marketing
*, et plus
particulièrement de s’interroger sur ce qui définit l’authenticité d’une marque*, autrement
dit : dans quelle mesure l’authenticité des marques peut-elle être considérée comme un
simple argument marketing ?
En effet, on peut supposer qu’il existe un décalage entre l’authenticité affichée par les
marques et la réalité. La question est alors de savoir dans quelle mesure et pourquoi les
consommateurs acceptent cette authenticité recrée et fausse. Il semblerait ainsi que ce soit
le consommateur qui détermine l’authenticité d’une marque, en percevant et en
reconnaissant cette dernière comme authentique*. Par ailleurs, si l’on suppose que
l’authenticité des marques n’est qu’un simple argument marketing et qu’en ce sens elle ne
fait que s’adapter à la demande exprimée par les consommateurs, cela pose la question de
la pérennité de la marque authentique. En effet, les besoins des consommateurs évoluent et
ce qui est vrai à notre époque ne le sera peut-être plus dans quelques années, de même que
ce qui est vrai pour une génération ne l’est pas nécessairement pour une autre. Ceci nous
amène à nous poser une autre question, à savoir : dans quelle mesure une marque peut-elle
être authentique et moderne à la fois ? Comment une marque authentique peut-elle
s’inscrire dans l’air du temps et devenir intemporelle ? Car si l’authenticité n’est pas
l’immobilité ni la conservation d’un état originel, il semble néanmoins que pour apparaître
comme authentiques, les marques doivent rester sincères dans leur communication et leur
stratégie marketing et être en cohérence avec leur origine. C’est ce qu’implique la
définition de l’authenticité donnée par Le Petit Larousse illustré. Ceci nous amène à
réfléchir sur les limites de l’authenticité comme simple argument marketing. En effet,
quelles seraient les conséquences pour les marques si les consommateurs découvraient que
l’authenticité qu’elles revendiquent est en fait créée de toutes pièces, à supposer que ce soit
effectivement le cas ? Enfin, il semblerait que les consommateurs aient leur propre
définition de l’authenticité, relativement éloignée de la définition académique donnée par
le dictionnaire : cette dernière serait alors « déformée » par le prisme de l’individu. Cette
ultime hypothèse nous amène à nous poser la question de l’universalité de l’authenticité
des marques, autrement dit : une marque perçue comme authentique en France est-elle
perçue comme authentique partout dans le monde ? Dans quelle mesure une marque
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
authentique française (ou étrangère) est-elle ou non exportable ? En effet, si le prisme de
l’individu déforme le concept d’authenticité* , on peut supposer que ce dernier est
également déformé par le prisme des cultures et des pays.
Pour répondre à notre problématique de départ, il conviendra donc de confirmer ou
d’infirmer les hypothèses que nous venons de formuler et de répondre aux nombreuses
questions que nous venons de soulever et qui sont indissociables de notre problématique.
Dans un premier temps, nous nous attacherons à définir la marque authentique, selon des
critères objectifs* et des critères subjectifs
* induits par la perception du consommateur. Ces
critères subjectifs nous permettront de mieux comprendre les attentes du consommateur
vis-à-vis de la marque authentique. Puis, forts de cette première analyse, nous étudierons la
relativité du concept d’authenticité appliqué aux marques* en nous interrogeant sur son
universalité, son lien avec la modernité et en questionnant les pratiques des gestionnaires
des marques. Enfin, nous soulignerons les limites de l’authenticité comme simple
argument marketing pour mieux mettre en relief le rôle central du consommateur dans
l’authenticité des marques.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
Chapitre I : Qu’est-ce qu’une marque authentique ?
Si l’on en croit les nombreuses études sur le sujet5, il semblerait que la définition de la
marque authentique ne repose pas uniquement sur des critères objectifs* mais implique
également des critères subjectifs* induits par la perception du consommateur. C’est bien là
ce qui rend le concept de marque authentique si difficile à définir.
1. Les critères objectifs de définition de la marque
authentique
On entend ici par critères objectifs les critères qui ne sont pas susceptibles de varier
en fonction de la personnalité de chacun. Ce sont des critères indépendants de la pensée,
c’est-à-dire qui ne relèvent pas du sujet défini comme être pensant6. Ainsi, la définition de
la marque authentique selon des critères objectifs ne fait intervenir aucun élément affectif
ou personnel. Ce sont donc les mêmes critères que ceux définis par Le Petit Larousse
illustré et que nous avons soulignés en introduction, à savoir : l’origine, la sincérité et
l’autorité incontestable.
En effet, la racine grecque du mot authentique* signifie « qui agit de sa propre
autorité ». Au sens étymologique, le mot authentique désigne donc une qualité intrinsèque
telle qu'elle confère autorité aux personnes et aux objets qui la possèdent. En droit, un acte
authentique est un acte qui fait autorité. De même, on parle des pièces authentiques d'une
5 Voir en particulier les travaux réalisés par Sandra Camus, maître de conférences à l’IAE de Rouen.
6 Voir les définitions des termes objectif et subjectif dans le glossaire pp. 5-6.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
collection. Une œuvre d’art authentique est ainsi celle qui est d’origine et par conséquent
unique. Ce n’est pas une imitation ou une copie.
Outre l’autorité indubitable, l’origine est également un critère objectif* permettant
de définir l’authenticité* d’une marque
*. Ainsi, une marque authentique est une marque
dont l’origine est incontestable. Mais qu’entend-t-on par origine d’une marque
exactement ? Sandra Camus opère une distinction entre six catégories d’origine possibles
différentes pour les marques. C’est ce qu’elle appelle les « mondes authentiques de la
marque »7. Ils sont au nombre de six. L’origine d’une marque peut ainsi être représentée
par :
sa dimension temporelle. Poulain, l’une des plus anciennes marques de
chocolat en France, a ainsi effectué un retour à ses origines avec pour
objectif d’incarner la tradition* chocolatière française. La marque fut créée
en 1848 par Victor Auguste Poulain, chocolatier à Blois. Depuis les années
1990, pour insister sur ses origines, la marque met en avant sa date de
création sur toutes ses tablettes de chocolat :
Depuis 2011, après vingt ans d’absence, les mythiques images Poulain, qui
avaient été lancées en 1890, font leur grand retour dans les produits Poulain,
poudres et tablettes.
7 CAMUS Sandra, « La marque authentique approche cognitive expérientielle à partir de la littérature, des
pratiques commerciales et des discours des consommateurs », IEA de Rouen, CREGO, mars 2007, 20 pages.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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son auteur. De nombreuses marques* conservent ainsi le nom de leur
créateur, pour rendre hommage à sa vision. On peut citer à titre d’exemples
la maison de luxe Chanel et l’enseigne d’optique Alain Affelou.
un lieu. Parfois, l’authenticité* des marques est liée à leur origine
géographique. C’est le cas de L’Occitane en Provence, marque française et
internationale puisqu’elle est présente sur tous les continents, et dont
l’unique site de production dans le monde est situé à Manosque, petite ville
des Alpes-de-Haute-Provence. Nous reviendrons sur cette marque plus en
détail dans la deuxième partie de notre travail.
la culture. Sandra Camus note par exemple que la marque After Eight fait
souvent référence à la culture anglaise dans ses campagnes publicitaires.
After Eight est une marque commerciale de confiseries d'origine
britannique. Son slogan « Tellement anglais, mais tellement bon… »
souligne son origine britannique. Depuis 1973, date du premier spot
publicitaire en France, les publicités de la marque ont ainsi fait allusion au
Titanic8, au rocking-chair
9 et au film The Full Monty
10.
la technique/technologie. La marque de chaussures Geox s’impose comme
une marque innovante, qui a révolutionné l’industrie de la chaussure en
créant « la chaussure qui respire ». La chaussure Geox tient sa particularité
d’une membrane spéciale microporeuse qui absorbe et rejette la
transpiration sans laisser entrer l’eau.
la nature. Les produits dits « bio » revendiquent leur origine naturelle et le
respect de l’environnement. La marque de cosmétique L’Occitane en
Provence met également en avant l’origine naturelle de ses produits et le
8 Pour voir la publicité, consulter le site de l’Institut national de l’audiovisuel (ina) :
http://www.ina.fr/pub/alimentation-boisson/video/PUB3784100055/after-eight-chocolat-fourre-
menthe.fr.html 9 Ibid., http://www.ina.fr/pub/alimentation-boisson/video/PUB3784100055/after-eight-chocolat-fourre-
menthe.fr.html 10
Ibid., http://www.ina.fr/pub/alimentation-boisson/video/PUB2327404029/after-eight-diner-version-35-
secondes.fr.html
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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respect de l’environnement. Elle utilise en effet des produits issus soit de
cultures d’appellation contrôlée (AOC) soit de cultures certifiées
biologiques. De plus, les produits qui entrent dans la fabrication des
cosmétiques de la marque* sont issus de filières locales et de programmes
de développement durables et l’approvisionnement se fait directement
auprès des producteurs et des coopératives.
Ce dernier exemple de L’Occitane montre que les marques s’inscrivent souvent dans
plusieurs de ces mondes authentiques* pour asseoir leur origine, ce qui contribue à les
rendre uniques et leur permet de se différencier des autres marques. En effet, L’Occitane
revendique à la fois son origine géographique, la Provence, et l’origine naturelle de ses
produits.
Enfin, le dernier critère objectif qui permet de définir l’authenticité* de la marque a
trait à la sincérité et l’honnêteté. La marque authentique est celle dont la vérité ne peut être
contestée. Elle est vraie.
Il est intéressant de noter la définition que donne Le Petit Larousse illustré du terme
« vrai » :
« adj. (lat. verus). 1. Conforme à la vérité, à la réalité. Rien n’est vrai
dans ce qu’il dit. 2. Qui est réellement ce qu’il paraît être. Un vrai
diamant. 3. Conforme à ce qu’il doit être ; convenable. Voilà sa vraie
place. 4. (Après le nom.) Qui se comporte avec franchise et naturel ;
droit, authentique. Un homme vrai. »11
.
Selon cette définition, la marque authentique est donc celle dont le discours, la
communication, est en totale cohérence avec la réalité. Il n’y a pas de décalage entre les
deux. De même, il n’y pas de décalage entre l’image* que la marque renvoie aux
consommateurs et la réalité.
Les labels régionaux, tels que le label AOC (Appellation d’Origine Contrôlée), sont
des labels officiels de protection d’un produit lié à son origine géographique. Ils
11
Le Petit Larousse illustré, op. cit.
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garantissent l’origine de produits alimentaires traditionnels, issus d’un terroir et d’un
savoir-faire particulier. Ce ne sont pas des marques*
mais des certifications officielles de
provenance et de savoir-faire délivrées par un organisme dépendant d’un ministère. Le
label AOC identifie un produit, l’authenticité*
et la typicité de son origine géographique.
Ces labels certifient que le produit est d’origine indubitable, n’est pas une imitation et fait
autorité en raison des formes légales dont il est revêtu. Les critères de définition de la
marque authentique se retrouvent donc dans les pratiques commerciales.
La question qui se pose désormais est de savoir si l’authenticité envisagée en
marketing* peut se résumer aux critères objectifs
* que nous venons d’énoncer. N’y-a-t-il
pas d’autres variantes qui entreraient en compte et qui viendraient enrichir, tout en la
complexifiant, la définition du concept d’authenticité en marketing ?
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2. Le rôle du consommateur : l’authenticité perçue et
reconnue de la marque
Toute communication induit nécessairement un émetteur et un récepteur. La
communication des marques* n’y fait pas exception puisque tout l’enjeu qui s’offre à elles
consiste à attirer l’attention des consommateurs afin d’inciter l’acte d’achat. Dès lors, les
messages véhiculés par les marques sont décryptés par les consommateurs qui les
appréhendent selon leur propre réalité et au regard de leurs émotions. Ainsi, lorsqu’une
marque communique sur son authenticité*, elle émet des signaux à destination des
consommateurs qui vont analyser la crédibilité des arguments marketing mis en exergue.
L’authenticité d’une marque ne dépend donc pas seulement de la volonté de celle-ci à
s’afficher comme telle mais aussi du bon vouloir du consommateur à la reconnaître comme
authentique*. Or, l’authenticité est un concept aux multiples facettes dont la définition n’est
pas aisée. L’auteur américain John Taylor, spécialiste du marketing* dans le secteur
touristique, écrit même qu’il existe autant de définitions de l’authenticité que d’auteurs s’y
intéressant.12
Il semble donc qu’aucune définition de l’authenticité appliquée au marketing
ne fasse l’unanimité auprès des auteurs s’étant penchés sur la question. Cette diversité des
perceptions, nous la retrouvons à mesure que l’on se rapproche des consommateurs.
Pour illustrer cette grande variété des perceptions de l’authentique par le
consommateur, nous nous sommes inspirées de l’enquête menée par Sandra Camus en
2007 auprès de 53 consommateurs et du bilan qu’elle en fait.13
Lorsque l’on mène des
entretiens semi-directifs auprès de consommateurs pour comprendre leur manière
d’appréhender les marques authentiques, on se rend compte en effet que les avis sur la
question divergent énormément et que de nombreuses variantes existent. Non seulement
les consommateurs ne sont pas d’accord sur les marques qu’ils considèrent comme
authentiques, mais encore explicitent-ils leur perception en évoquant des arguments parfois
12
TAYLOR John, « Authenticity and sincerity in tourism », Annals of tourism research, n° 28, 2001, pp. 7-
26. 13
CAMUS Sandra, op. cit.
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contradictoires. A titre d’exemple, citons l’un des paradoxes soulevé au cours d’un
entretien : « le fait que la marque est accessible par tous nuit à son authenticité […].
Poulain et Kinder sont authentiques. » Par ailleurs, on note de nombreuses variables dont
se servent les consommateurs pour décrire les marques* qu’ils considèrent authentiques
*.
Parmi elles, citons : « les produits naturels, bio », « les produits d’autrefois », « les
marques de grands couturiers, de luxe », « une grande marque connue de tous »,
« nostalgie », « des marques ayant une valeur particulière à mes yeux », etc. Ceci prouve
bien qu’il existe une réelle difficulté à définir les critères de l’authenticité* chez les
consommateurs tout comme chez les spécialistes du marketing*. De ces entretiens menés
auprès d’un large échantillon de consommateurs, Sandra Camus retire six grandes
thématiques regroupant toutes les variantes mentionnées par les personnes interrogées.
La première concerne l’origine et la longévité de la marque dite authentique. Il ressort en
effet très clairement que dans l’esprit collectif, la marque authentique est intimement
associée à une origine connue et reconnue, comme c’est le cas des produits alimentaires
labellisés AOC par exemple. Rappelons que l’origine ne se limite pas à une zone
géographique ou une référence historique, mais qu’elle peut renvoyer à un créateur, une
culture, la nature ou encore une technique ou technologie particulière. Par ailleurs, et cela
peut apparaître paradoxal, la marque authentique doit avoir traversé le temps et suivi les
évolutions de la demande tout en préservant son image de marque*. En définitive, dans
l’esprit du consommateur, une marque authentique doit être capable de tisser délicatement
des liens entre tradition* et innovation, ancienneté et modernité.
La deuxième thématique englobe l’idée de singularité évoquée par les consommateurs.
Cette notion comporte cinq aspects à la fois distincts et complémentaires. Tout d’abord, la
marque authentique doit se différencier des concurrents grâce à des particularités
affirmées. Cette marque doit également être l’objet de copies qui ne l’égalent jamais et être
de surcroît pionnière ou spécialiste dans son secteur d’activité. Enfin, la marque
authentique doit être une référence pour le consommateur et être associée à des moments
joyeux de son existence. L’exemple du Nutella illustre parfaitement les quatre aspects que
nous venons de citer. Nutella reste en effet la référence dans le domaine des pâtes à tartiner
bien que de nombreuses imitations aient été développées par la concurrence et l’on associe
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volontiers ce produit à des moments agréables de la journée. A cela s’ajoute la notion de
prix qui est souvent vue comme un indicateur d’authenticité*. En effet, les critères que
nous venons de présenter ont un prix et cela expliquerait le fait que les marques
authentiques appliquent souvent des prix plus élevés que le marché.
La marque authentique est également perçue comme sincère, morale et éthique par les
consommateurs. Ces trois critères composent une troisième thématique. En lien avec ces
valeurs, les marques authentiques sont censées promouvoir des produits sains en
communicant en vérité sur leur origine tout en poursuivant un but qui dépasse la simple
recherche du chiffre d’affaires.
La quatrième catégorie décrit la nécessité de générer des images fortes qui rejoignent le
consommateur et revêtent du sens à ses yeux. Dans les faits, la création d’un univers
authentique*
palpable doit permettre au consommateur de s’identifier à la marque*. Notons
au passage qu’une marque inconnue du consommateur est directement exclue par celui-ci
du cercle des marques authentiques.
Le ressenti de chaque consommateur joue en outre un rôle central dans la reconnaissance
de l’authenticité d’une marque. L’expérience vécue représente donc une cinquième
thématique où les notions de plaisir, de lien affectif, de bien-être et de nostalgie sont
déterminantes. Au-delà de l’univers de sens que la marque authentique doit offrir au
consommateur, c’est toute une cascade d’émotions qu’elle doit déclencher et l’impact sera
d’autant plus grand que ces émotions feront appel au passé du consommateur.
Enfin, la notoriété* figure aussi parmi les critères élus pour déclarer une marque
authentique. Entre deux marques ayant une origine et un positionnement quasi identiques,
celle des deux qui sera considérée comme la plus authentique sera celle qui aura su asseoir
au mieux sa renommée. La communication et le marketing* sont donc ici considérés
comme des supports pour donner du poids à l’authenticité d’une marque. Néanmoins, une
médiatisation excessive pourrait avoir des effets pervers et se retourner contre une marque
voulant promouvoir son authenticité. C’est ce que nous nous attacherons à démontrer plus
tard.
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Les six thématiques que nous venons de décrire précédemment nous ont permis
d’appréhender l’authenticité du point de vue du consommateur tout en intégrant les
variables multiples et parfois contradictoires qui entrent en ligne de compte pour la définir.
A la lumière de l’ensemble de ces critères, on peut faire le constat qu’il n’existe pas de
définition universelle de la marque authentique. En réalité, la reconnaissance de
l’authenticité* d’une marque
* dépend de l’expérience de consommation de chaque
consommateur au regard de sa personnalité et de son mode de vie. Là encore, il existe
autant de définitions de la marque authentique qu’il existe de consommateurs. Par
conséquent, le concept d’authenticité peut englober une réalité très large qui peut laisser
place à de nombreuses interprétations.
Pour illustrer la diversité des interprétations possibles, prenons l’exemple des
marques Ladurée et La Laitière bien connues du grand public. Toutes deux se veulent être
des marques authentiques et c’est en ce sens que chacune communique sur une origine
ancienne inventée de toutes pièces. S’agissant spécifiquement des macarons Ladurée, la
marque communique sur une origine historique qui remonterait à la reine Marie-
Antoinette. Pourtant, Ladurée a été fondée en 1862, n’a créé le macaron qu’au début du
vingtième siècle et utilise aujourd’hui une recette industrielle pour réaliser ses gâteaux
fétiches.14
Quant à La Laitière, la communication de la marque est axée sur le tableau La
Laitière de Vermeer (~1658) où l’on peut observer une femme d’une autre époque qui
verse du lait dans un pichet faisant ainsi référence à des méthodes de production
traditionnelles. Pourtant, les méthodes de production de La Laitière sont elles aussi
industrielles et la marque est par ailleurs apparue en 1973 sur le marché français.
14
Cf. ROOS Colette, « Macaron Ladurée : la recette très industrielle d'un symbole du chic »,
blogs.rue89.com, octobre 2009.
Lien internet : http://blogs.rue89.com/dessous-assiette/2009/10/30/macarons-laduree-une-recette-industrielle-
et-un-luxe-dadditifs (site consulté le 20/06/2012).
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Bien que les deux marques aient toutes deux fondé leur communication sur une origine
historique fausse, on obtient deux résultats distincts les concernant. D’une part, et même si
les supports de communication de Ladurée affichent pour la plupart sa date de création
postérieure au règne de Marie-Antoinette (cf. visuel ci-dessus), on constate que les
consommateurs pensent déguster le même produit que celui qui était servi à la reine depuis
que Ladurée a fourni en macarons le film éponyme de Sofia Coppola. D’autre part, on
assiste à un refus des consommateurs de considérer La Laitière comme authentique* car,
selon eux, la marque*
veut « s’accaparer l’authenticité alors que c’est une marque
récente. ».15
Si l’on prend le temps d’analyser ce paradoxe, deux observations peuvent être faites. La
première consisterait à mettre en relief la perception du temps par le consommateur au
regard des origines historiques fictives auxquelles font référence les deux marques en
question. Tandis que la création de Ladurée remonte à 1862, celle de La Laitière est
beaucoup plus récente. Ainsi, on pourrait penser que le consommateur est davantage enclin
à croire un argument marketing artificiel émanant d’une marque dont la création remonte à
une période historique éloignée et dont il n’aurait pas été contemporain. Tandis qu’il
n’accepterait pas de décalage entre les pratiques réelles d’une marque et sa communication
15
CAMUS Sandra, op. cit.
Macarons Ladurée
La Laitière, Vermeer (~1658)
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si celle-ci a été créée récemment et qui plus est à une époque qu’il connaît puisqu’elle lui
est contemporaine. Le temps qui passe serait donc un facteur essentiel pour asseoir
l’authenticité* d’une marque
*, y compris lorsque celle-ci communiquerait sur des origines
romancées. Qui sait si d’ici un siècle, la marque La Laitière ne sera-t-elle pas elle-même
perçue comme authentique* tout en ayant conservé sa stratégie de communication axée sur
le tableau de Vermeer…
La deuxième observation concerne les techniques marketing mises en place par les
marques. A travers cet exemple comparatif, on présume en effet la force du marketing
expérientiel* et l’influence qu’il peut avoir sur les consommateurs. En effet, Ladurée a
trouvé divers moyens de mettre en scène ses produits afin de faire entrer le consommateur
dans son univers et de lui faire découvrir ses produits par le biais d’expériences riches en
émotions. Le fait que les macarons soient apparus au cinéma dans le film Marie-Antoinette
et que les consommateurs puissent les déguster dans des salons de thé dédiés sont autant
d’éléments qui créent et entretiennent une relation entre la marque et le consommateur.
Cette mise en scène pose bien entendu la question des moyens financiers dont disposent les
marques et pourrait laisser à penser que les marques de luxe sont plus aptes à faire accepter
leurs arguments marketing autour de l’authenticité que les marques grand public.
Enfin, on pourrait également se servir de l’exemple de La Laitière pour soulever un
autre paradoxe concernant l’ancienneté d’une marque. Comme nous l’avons souligné plus
tôt, La Laitière n’est pas perçue comme authentique en partie parce qu’elle est trop récente
aux yeux des consommateurs. Or, si l’on s’attarde sur la marque de produits alimentaires
Michel et Augustin, celle-ci est apparue beaucoup plus récemment que La Laitière puisque
son apparition sur le marché français remonte à 2005. Pourtant, l’authenticité de cette
marque est largement reconnue et son succès est croissant avec un chiffre d’affaires
atteignant 10 millions d’euros en 201116
. Cela illustre bien le fait que la perception de
l’authenticité des marques par le consommateur est le fruit d’une combinaison unique et
16
Cf. OKS Virginie, « Michel et Augustin : du goût et de la communication ! », Actualité en France n°7,
mars 2011.
Lien internet : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/france_829/economie_19084/dossiers_19335/michel-
augustin-du-gout-communication-mars-2011_91747.html (site consulté le 30 juin 2012).
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complexe de variantes. Ici, deux critères majeurs pourraient être soulignés : le premier
relève de l’expertise de Michel et Augustin dans son domaine et de sa forte différenciation
de la concurrence. En effet, les produits Michel et Augustin, à base d’ingrédients 100 %
naturels, sont réputés pour leurs qualités gustatives et leur packaging, emprunt d’humour,
sort complètement de l’ordinaire. Le second critère correspond à l’importance pour une
marque*
de développer une stratégie de communication cohérente et crédible qui soit en
lien avec les produits et services qu’elle commercialise. Ici, pour reconnaître l’authenticité*
de la marque, le consommateur fait abstraction de l’origine récente de Michel et Augustin
car il est captivé par l’histoire « vraie » de la marque et par les méthodes de marketing
expérientiel* mises en place.
Somme toute, le concept d’authenticité en marketing* est soumis à une grande
subjectivité de la part des consommateurs et sa définition relève d’une analyse au cas par
cas pour pouvoir en saisir toute la subtilité. L’authenticité en marketing ne serait-elle donc
qu’un prétexte sans réelle substance et malléable à souhait pour la mise en valeur d’une
marque ou bien répond-t-elle aussi à des besoins plus profonds ?
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3. L’authenticité comme besoin du consommateur :
analyse des attentes du consommateur
L’authenticité* est un thème qui a été traité de manière récurrente en philosophie.
Ainsi, le vingtième siècle a été empreint d’une réflexion menée autour de l’authenticité et
c’est ce qui transparaît dans les écrits de Heidegger, Husserl et Sartre notamment17
. Pour
ne retenir qu’un auteur, concentrons-nous de manière schématique sur un des aspects de
l’authenticité développés par Husserl. Dans son ouvrage Philosophie de l’arithmétique18
,
Husserl positionne l’authentique* par rapport à l’inauthentique. Le premier concept serait la
réalité palpable et concrète tandis que le second relèverait de la représentation symbolique
et abstraite, tous deux étant complémentaires. Néanmoins, et c’est ce qui semble important
à nos yeux, il affirme que l’inauthentique n’est qu’un dérivé de l’authentique. A fortiori, si
l’on approfondit cette idée, on pourrait affirmer que tout raisonnement aurait besoin d’un
socle concret et authentique pour se développer et que la réalité authentique serait donc la
base des relations entretenues entre les hommes, qu’elles soient de nature affective ou
commerciale. Enfin, en poussant ce raisonnement jusqu’au bout et en l’appliquant à notre
étude, cela reviendrait à dire que les marques dites authentiques répondent à un besoin des
hommes qui dépasserait la simple satisfaction de leurs envies de consommation.
Si l’on en croit le sociologue et économiste allemand Max Weber, notre époque
irait de pair avec un désenchantement du monde19
caractérisé par un recul des croyances
religieuses et magiques au profit de la science, le tout s’accompagnant d’une perte de sens
et de repères éthiques. Cette idée n’est apparemment ni isolée ni désuète puisqu’Hannah
Arendt20
et plus récemment, le philosophe contemporain Marcel Gauchet21
y font
17
BUCKLEY R. Philip, « La notion d’authenticité chez Husserl et Heidegger », Philosophiques, vol. 20, n°
2, 1993, p. 399-422. 18
HUSSERL Edmund, Philosophie de l’arithmétique : recherches psychologiques et logiques, PUF, 2ème
édition du 1er février 1992, 480 pages. 19
WEBER Max, L’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme, Edition Pocket 1er novembre 1989, 285
pages. 20
Emission de radio du 29 juin 2012, Chronique de Brice Couturier, France Culture.
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également référence. Hannah Arendt insiste sur le fait que la modernité serait celle d’un
monde où l’on ne se reconnaîtrait plus membre d’un univers dont le sens nous échapperait
puisque les moyens mis en œuvre par la science nous permettraient de tout expliquer. Cette
rationalisation systématique engendrerait selon elle un désenchantement du monde et une
perte de repères éthiques dans la société.
Dans ce contexte de perte des repères issus d’une tradition* religieuse porteuse de
sens, on peut alors se demander si les consommateurs ne cherchent pas à assouvir leur soif
de donner du sens à leur existence en recherchant des marques authentiques. C’est
d’ailleurs l’idée qu’ont défendue Linda Price et Bruce Walker lors de la conférence
annuelle de l’association américaine pour la recherche des besoins des consommateurs en
1991 à Chicago22
. Ils affirmaient en effet que la consommation de biens et services tendait
à faire l’objet d’une quête d’authenticité* afin de pallier la perte de repères, de sens et
d’identité dans notre société.
Or, comme nous l’avons dit précédemment, on observe aujourd’hui un réel
engouement pour les marques authentiques et de nombreux secteurs s’adaptent à cette
demande des consommateurs. Envisageons par exemple le secteur gastronomique avec des
marques telles que Michel et Augustin ou Ladurée que nous avons déjà évoquées, mais
aussi les alcools comme le montre la communication de Martini pour son Prosecco (cf.
image ci-après) ou encore le secteur touristique avec le développement du tourisme
responsable* pour privilégier les rencontres authentiques entre les voyageurs et les
populations locales. La même observation peut être faite pour les produits cosmétiques,
l’alimentaire, l’horlogerie et le textile notamment.
21
GAUCHET Marcel, Le désenchantement du monde, GALLIMARD, Edition du 24 novembre 2005, 457
pages. 22
PRICE Linda et WALKER Bruce, « This is really me! The consumer’s search for the authentic self »,
Actes de la conference annuelle de Association for Consumer Research, Chicago, 1991.
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Source : Gala Magazine Avril 2012
.
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Dans une société de consommation de masse, on pourrait présupposer que le
consommateur moyen ayant accès aux biens de première nécessité sans aucune difficulté,
il devienne dès lors plus exigeant et cible de plus en plus précisément les biens et services
qu’il consomme. Ce raisonnement fait directement appel à la pyramide des besoins
d’Abraham Maslow* (1908-1970)
23 qui hiérarchise les besoins de l’homme par catégories
interdépendantes. Ainsi, la satisfaction d’un besoin primaire, appelé besoin physiologique,
entraîne l’apparition de besoins secondaires, plus sophistiqués et liés au développement de
la personnalité de l’homme. Chaque catégorie de besoins assouvie déclenche l’envie de
satisfaire les besoins de la catégorie suivante. Le schéma ci-dessous illustre la pyramide
établie par Maslow :
On peut donc appliquer cette théorie à notre cas en ce sens que les consommateurs,
dont les besoins primaires sont satisfaits, recherchent des produits et services authentiques*
pour assouvir des besoins plus profonds tels que l’estime de soi, l’identification du Moi ou
la quête de sens. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons donc nous attacher à
23
McBREWSTER John, MILLER Frederic P. et VANDOME Agnes F., Pyramide des besoins de Maslow,
Alphascript Publishing, édition du 30 septembre 2010, 80 pages.
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analyser les principaux besoins de l’homme qui sont à l’origine de la recherche
d’authenticité* dans les biens et services de consommation.
Besoin 1 : Besoin de vérité et d’honnêteté
Tout d’abord et comme nous l’avons souligné précédemment dans notre étude, l’un
des trois critères objectifs* servant à définir l’authenticité est la sincérité
24, aussi comprise
dans la notion d’honnêteté. En effet, pour se construire et développer sa personnalité en
harmonie, tout homme doit pouvoir s’appuyer sur des relations vraies et profondes. Dans le
langage courant, on parle d’ailleurs souvent de relations « authentiques » pour décrire des
relations vraies, simples, respectueuses et ouvertes à l’autre. Dans les faits, nombreux sont
les sites, blogs et ouvrages qui déploient des listes de conseils pour développer et entretenir
des relations authentiques avec autrui, comme c’est le cas du livre Etre pleinement soi-
même : Vivre une relation authentique avec soi et les autres de Jean-Jacques Crèvecœur
(Jouvence, 2000). Les valeurs de vérité et d’honnêteté contribuent à l’établissement de
liens authentiques* entre les hommes, elles en sont même un élément essentiel. Or, et
puisque les consommateurs projettent cette quête d’authenticité dans leurs choix de
consommation, les marques* ont tout intérêt à promouvoir ces deux valeurs dans leur
communication.
Dans la lignée de ces valeurs et afin d’aller encore plus loin, soulignons le fait que
le grand défi actuel des marques dites authentiques est de reléguer au second plan leur
vocation commerciale. En effet, si elles veulent instaurer une relation de confiance avec le
consommateur et être perçues par ce dernier comme authentiques, encore faut-il qu’elles
véhiculent des valeurs humaines très fortes qui répondent à cette soif d’authenticité dans
les rapports humains. C’est en ce sens que Sandra Camus écrit que « l’expérience de
marque pourra être facilitée par du personnel en contact ou des supports interactifs qui
servent de guides à travers un discours authentique, désintéressé et axé sur les émotions
plutôt que sur l’échange purement marchand »25
.
24
Cf. I.1, p.16. 25
CAMUS Sandra, op.cit.
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Nombreux sont les exemples de produits et services commercialisés aujourd’hui qui
vont en ce sens. Le succès de ces dernières années de la télé-réalité peut certainement
s’expliquer en partie par la recherche accrue d’authenticité* de la part des consommateurs.
L’émission L’amour est dans le pré en est une bonne illustration. En effet, elle donne à
voir une réalité sociale française sans artifices et selon François Jost, sociologue des
médias et directeur de la revue Télévision (CNRS Éditions), « on y retrouve de
l’authenticité […] avec de vraies gens qui continuent leur travail le temps de l’émission, de
vraies maisons, des régions de France diverses »26
. Le tourisme responsable* va également
en ce sens avec le développement de voyages organisés où les touristes peuvent entretenir
un contact privilégié avec les populations locales et participer à certaines activités de leur
quotidien.
Besoin 2 : Besoin de croire
Un autre besoin découlant de la soif de vérité de tout être humain est celui de
croire. Croire donne un socle à notre pensée et à nos actions et nous permet d’aller de
l’avant. Si l’humanité a pu avancer jusqu’à l’ère moderne, c’est en partie grâce aux travaux
réalisés par nos ancêtres dans lesquels nous avons cru, sans pouvoir toujours tout
démontrer. Sans croire, on ne peut construire de jugement. Même Socrate croit lorsqu’il
affirme : « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ». En disant cela, il affirme ne
connaître qu’une infime fraction de l’immensité qui l’entoure et assoit donc son jugement
sur une croyance : celle de l’existence d’une connaissance bien plus grande que la sienne.
Si les marques* non authentiques cherchent moins à cacher leur but commercial, les
marques qui se revendiquent authentiques* quant à elles imaginent de nombreuses
techniques de communication pour envelopper leur langage commercial d’un bel écrin
naturel et reléguer au second plan, du moins en apparence, les enjeux purement financiers.
L’une des techniques majeures employée à cet effet est le storytelling* qui vient raconter
26
DE LA CHESNAIS Eric, « L’authenticité de la téléréalité rurale de M6 », Le Figaro.fr, janvier 2012,
disponible sur internet : http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/tele-realite/67134/l-authenticite-de-la-
telerealite-rurale-de-m6.html (site consulté le 5/07/2012).
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l’histoire de la marque* et l’ancrer dans un contexte afin de lui conférer une légitimité aux
yeux des consommateurs. Dans les exemples qui suivent, nous allons voir en quoi le besoin
de croire et le storytelling* peuvent se rencontrer.
Dans le cas de la maison de thé Kusmi Tea, l’origine historique ancienne de plus de
140 ans sur laquelle communique la marque est partiellement fictive27
. Cette technique du
storytelling où l’on romance l’histoire de la marque est un moyen de se valoriser vis-à-vis
de la concurrence et de faire entrer les consommateurs dans un univers à part et magique.
Dans les faits, la marque Kusmi Tea connaît un vif succès en France et ses produits font
rêver une clientèle importante. Les clients de Kusmi Tea veulent en effet croire en
l’authenticité* de la marque puisqu’ils aiment l’univers qu’elle leur offre et apprécient
grandement ses produits. Ainsi, l’origine historique fictive de la marque ne dérange
apparemment pas les consommateurs qui ne semblent même pas s’en soucier.
La sortie de l’iPhone 4S (prononcé « Four S ») au moment du décès de Steve Job
est un exemple très intéressant qui nous permet d’illustrer au mieux le besoin de croire des
consommateurs. Ces derniers s’attendaient à la sortie de l’iPhone 5, or c’est l’iPhone 4S
qui a été annoncé. Bien que la marque n’ait fait aucune communication à ce sujet, les
clients de Apple ont rapidement fait un lien entre le nouvel iPhone 4S et la mort de Steve
Job. Nombreux sont ceux en effet qui ont trouvé que la création d’un iPhone four S > for S
> for Steve était un hommage émouvant. Un autre exemple, issu des travaux de
l’anthropologiste américain Edward Bruner28
, va également en ce sens. Ce dernier a en
effet observé que les consommateurs pouvaient considérer un tableau comme authentique*
bien que celui-ci ne soit qu’une copie d’un original. D’après son analyse, une vulgaire
copie d’un tableau de maître peut paraître authentique aux yeux du consommateur dans la
mesure où le tableau ressemble à l’œuvre d’origine, est « crédible et convaincante ». Dans
les deux derniers exemples que nous venons de citer, le consommateur effectue lui-même
un travail pour se convaincre de l’authenticité d’un objet. Cela montre bien le besoin du
27
BOIRY A.-S., GERBER S., GIRY G., KOESTEL L., QUESNEL J., Kusmi Tea : Analyse comparée des
marchés français et américains, Projet de recherche appliquée de 4ème
année, ISIT, 2011-2012, 60 pages hors
annexes. 28
BRUNER Edward M., « Abraham Lincoln as authentic reproduction: a critic of postmodernism »,
American Anthropologist, Volume 96, Issue 2, juin 1994, pages 397-415.
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consommateur de croire en l’authenticité*
d’une marque* ou d’un produit qu’il apprécie et
cela à tel point qu’il est prêt à inventer lui-même une explication légitime pour pallier le
manquement d’une marque (iPhone 4S) ou rendre authentique* ce qui n’est l’est pas
objectivement (copie d’un tableau de maître).
Besoin 3 : besoin d’affirmation de soi et d’identification du Moi
Les auteurs Véronique et Bernard Cova affirment que « la quête d’authentique
s’inscrit dans le droit fil de la crise identitaire de l’individu »29
. Avec la perte de repères
éthiques et moraux dont nous parlions plus tôt dans cette étude, les individus se cherchent
et trouvent un certain réconfort dans la consommation de biens et services. Celle-ci occupe
une place d’autant plus importante que les consommateurs veillent davantage à consommer
des biens et services qui leur ressemblent ou contribuent à bâtir une image d’eux-mêmes
qu’ils apprécient et veulent renvoyer à leur entourage. La consommation authentique dans
l’air du temps est ainsi un bon moyen pour se forger une image propre et branchée aux
yeux des autres et avoir bonne conscience. Consommer authentique revient en quelque
sorte à avoir une identité affirmée et une conscience propre. Ce sentiment de construction
d’une identité est par ailleurs renforcé par l’apparition du marketing expérientiel* grâce
auquel les individus prennent part à une expérience de consommation qui engage tout leur
être psychique et physique et leur permet de s’identifier à une communauté de membres
réunis autour d’une marque. Prenons le cas des motos Harley Davidson dont les clients
fidèles se retrouvent régulièrement pour effectuer des sorties ensemble et partager ainsi
leur passion des deux roues.
On voit donc bien ici que le consommateur ne se contente plus seulement de l’achat
d’un produit ou d’un service. Plus encore, il cherche à vivre une expérience émotionnelle à
travers son achat. Aujourd’hui, l’acte de consommer dépasse la simple obtention d’un bien
ou d’un service puisque le consommateur est désormais en recherche d’une expérience
sensationnelle. Par conséquent, les gestionnaires de marque doivent s’attacher à créer un
29
COVA Véronique, COVA Bernard, Alternatives Marketing, Dunod, 2001, 208 pages.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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univers autour de leur marque* pour répondre à cette nouvelle tendance et les marques se
présentant comme authentiques* vont pleinement en ce sens.
Besoin 4 : besoin d’un ancrage dans le passé
Pour finir la liste significative mais non exhaustive des besoins du consommateur
en quête d’authenticité*, nous souhaitons souligner le besoin de l’homme de s’ancrer dans
le passé pour donner du sens à sa vie présente. Le passé est souvent invoqué dans le temps
présent pour lui donner corps et signification. Avoir un passé, une histoire ancrée sur une
réalité encore palpable donne du sens à l’existence d’aujourd’hui. L’homme a besoin de
savoir d’où il vient, d’avoir des racines, des repères dans l’environnement dans lequel il
évolue afin de pouvoir s’y référer à tout moment. Or, comme nous l’avons vu
précédemment avec des marques comme Kusmi Tea ou encore Ladurée, les marques
authentiques jouent souvent avec cette référence au passé notamment par le biais d’un
storytelling* communiquant sur une origine historique éloignée et des modes de production
ancestraux. C’est d’ailleurs peut-être la raison qui expliquerait pourquoi, dans l’esprit du
consommateur, une marque ancienne et traditionnelle est une marque authentique. Enfin,
l’origine historique communiquée par une marque dite authentique est également un
moyen pour celle-ci de se faire considérer comme un héritage du passé par les
consommateurs et éveiller en eux des sentiments nostalgiques.
A travers les nombreux exemples que nous venons de présenter, nous pouvons
affirmer que l’authenticité fait écho à des besoins profonds de l’homme tels que sa soif de
relations vraies, sa volonté d’affirmer sa personnalité et son désir de comprendre le monde
qui l’entoure pour mieux s’y intégrer. La marque authentique cherche ainsi à capter des
désirs profondément ancrés chez les consommateurs pour créer un lien intime et exclusif
avec eux. En effet, pour être considérée comme authentique aux yeux des consommateurs,
une marque doit avant tout faire oublier la relation commerciale au profit d’une relation de
confiance. C’est pourquoi une marque ne peut négliger les valeurs liées à l’authenticité
telles que la véracité, le relationnel et la qualité sans dégrader son image* authentique.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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L’argument commercial axé sur l’authenticité* devrait donc, dans l’absolu, être intimement
lié à une communication sincère et vraie. Néanmoins, l’authentique* est aussi un concept
qui s’inscrit pleinement dans l’air du temps et qui est dès lors soumis aux aléas des envies
des consommateurs. L’authenticité, c’est donc ce paradoxe criant entre une quête de sens
d’une part et la recherche d’une expérience heureuse et éphémère d’autre part. C’est dans
ce second sens que les auteurs Véronique et Bernard Cova écrivent que « la quête
d’authenticité postmoderne se traduit au jour le jour par une recherche d’expériences »30
.
Finalement, cette double dynamique faisant appel à la fois à des besoins
fondamentaux et des besoins superficiels des consommateurs ne rend-t-elle pas le concept
d’authenticité très relatif ?
30
COVA Véronique et COVA Bernard, « Les particules expérientielles de la quête d’authenticité du
consommateur », Décisions Marketing, Octobre - Décembre 2002, n°28, pp.33 à 42.
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Chapitre II : La relativité du concept d’authenticité
appliqué aux marques
1. L’authenticité des marques, un concept
exportable ?
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, le concept d’authenticité
appliqué aux marques* varie en fonction des individus. Autrement dit, les consommateurs
n’ont pas tous la même définition de la marque authentique. De plus, la définition que
donnent les consommateurs de la marque authentique est bien souvent éloignée de celle
donnée par le dictionnaire, puisque la subjectivité des individus intervient dans le
processus de définition. C’est pourquoi il est très difficile de définir la marque authentique.
Or, si le concept d’authenticité* est déformé par le prisme de l’individu, on peut tout à fait
supposer que ce même concept varie également en fonction des cultures et des pays. Ainsi,
on peut se demander si une marque considérée comme authentique dans un pays donné est
forcément perçue de la même manière dans un autre pays. Par exemple, une marque
considérée comme authentique en France l’est-elle nécessairement dans un autre pays ? Et,
à l’inverse, une marque perçue comme authentique à l’étranger, dans un ou plusieurs pays
spécifiques, est-elle perçue de la même manière en France ?
Cela pose la question de l’universalité du concept d’authenticité appliqué aux marques.
Nous avons choisi de mettre en exergue une fois de plus le rôle du consommateur dans
l’authenticité des marques en abordant plusieurs cas concrets de marques authentiques
d’envergure internationale.
Prenons l’exemple de L’Occitane en Provence. La marque de cosmétiques communique
beaucoup sur son authenticité : d’une part, avec son slogan, « L’Occitane, une histoire
vraie », qui renvoie à la sincérité totale, l’un des trois critères objectifs* (avec l’origine
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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incontestable et l’autorité indubitable) que nous avons définis au début de notre premier
chapitre ; et d’autre part, en insistant sur son origine géographique, la Provence, et
l’origine naturelle de ses produits. Parmi les six catégories d’origine possibles que nous
avons présentées dans notre premier chapitre31
, l’origine de la marque authentique peut en
effet être représentée par un lieu et/ou la nature. Ainsi, l’unique site de production des
produits L’Occitane est basé dans une petite ville des Alpes-de-Haute-Provence,
Manosque, et la marque* se positionne sur le segment des cosmétiques haut de gamme
naturels et biologiques. En effet, les cosmétiques sont élaborés avec des produits naturels
de qualités, issus soit de cultures d’appellation d’origine contrôlée (AOC) soit de cultures
certifiées biologiques.
Le respect de l’environnement est ainsi une valeur forte de L’Occitane en Provence, qui lui
permet d’asseoir son authenticité*. La marque fabrique depuis fin 2005 des produits
certifiés « bio » par Ecocert, exempts de molécules chimiques dangereuses. Aucun produit
d’origine animale n’est utilisé dans l’élaboration des cosmétiques, à l’exception des
produits de la ruche. Certains produits ont même été référencés en 2007 sur la liste verte de
Greenpeace (Guide COSMETOX32
), c’est-à-dire sur la liste des produits ne contenant ni
produits chimiques, ni substances toxiques nocives pour le corps humain. Les emballages
des produits sont issus de forêts gérées durablement. La marque contribue également à la
mise en place de programmes de développement durable, en réunissant par exemple des
coopératives de femmes autour du beurre de karité au Burkina Faso.
Il est intéressant de noter que L’Occitane en Provence réalise 80%33
de son chiffre
d’affaires hors de France. La marque est en effet présente dans plus de 70 pays et compte
plus de 1000 boutiques réparties sur tous les continents, dont seulement un peu plus de 100
en France. En effet, dans son pays d’origine, L’Occitane en Provence est en mal de
notoriété* alors qu’elle jouit d’un vif succès à l’étranger. En Chine notamment, l'enseigne a
dû se battre contre « Camenae en Grasse » et « Occitown », deux chaînes qui ont repris
l'ensemble du concept, des boutiques au site Internet; avec des produits vendus à moitié
31
Cf. I.1, p. 14. 32
Cf. http://www.penntybio.com/cosm/guide-cosmetox.pdf 33
LIEGE Camille, SENAY Isabelle, WANG Fang-Fang, étude de cas : L’Occitane en Provence, Université
Paris Ouest, 2009, 18 pages.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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prix. Dès lors, une question se pose : pourquoi une marque avec un fort ancrage régional
telle que L’Occitane en Provence est-elle plus implantée à l’international que sur le marché
national ?
En effet, L’Occitane en Provence, marque d’origine française, est davantage perçue
comme authentique* par le consommateur étranger que par le consommateur français. Ceci
s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, la marque véhicule des traditions*
provençales et un savoir faire « Made in France » dont la réputation auprès des étrangers
n’est plus à faire. Cette étiquette « Made in France » est synonyme de prestige et de luxe
pour le consommateur étranger. En France, néanmoins, l’image de la marque* souffre d’un
décalage par rapport à son positionnement : elle est en effet perçue comme une enseigne
proposant des produits de base alors qu’elle est en réalité axée sur le soin. Le « Made in
France », synonyme de luxe pour les étrangers, ne fonctionne pas aussi bien en France.
D’autre part, la marque* est relativement récente (1976) et évolue dans un environnement
fortement concurrentiel (celui des cosmétiques naturels haut de gamme), The Body Shop
(1976) étant son principal concurrent sur le marché français. Or, Sandra Camus34
souligne
que si, pour le consommateur français, la marque doit être ancrée dans une origine pour
être considérée comme authentique, elle doit également faire preuve de singularité et de
longévité. Le temps renforce la perception d’authenticité*. Ainsi, Nivea est une marque de
cosmétiques allemande crée en 1911. Elle existe donc depuis plus de cent ans et s’impose
aujourd’hui comme une référence universelle.
Un autre exemple qui souligne de façon encore plus nette la corrélation qui existe entre le
pays, sa culture, et l’authenticité de la marque perçue par les consommateurs est celui de la
vodka Grey Goose35
. Il s’agit d’une marque de vodka américaine produite en France dont
la particularité repose sur le fait qu’elle est créée selon les rites de fabrication du vin,
spécialité de l’Hexagone. Distillée à Cognac à partir de blé de la Beauce et d’eau du Massif
Central, la vodka reçoit toute l’expertise du plus grand maître de chai et affiche fièrement
sur la bouteille le drapeau tricolore français. Tout comme pour L’Occitane en Provence
34
CAMUS Sandra, op. cit. 35
Cf. COIRIER Mélanie, HAYOTTE Marie, PERRE Lauriane, VACANTE Alexandre, Stratégie et défis de
l’implantation de Grey Goose sur son marché d’origine et à l’étranger : analyse des marchés étasunien et
français, Projet de recherche appliquée, ISIT, 2012, 70 pages.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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donc, le symbole du luxe et du savoir-faire (ici, en matière de vin) français confère une
image de qualité au produit auprès des Américains. Grey Goose a d’ailleurs adopté un
positionnement luxe sur le marché étasunien. La marque* est reconnue comme
authentique* aux Etats-Unis et jouit d’une popularité sans faille, notamment grâce au
sponsoring de nombreux évènements très médiatisés.
Il est intéressant de souligner que le positionnement de la marque n’a pas été changé pour
son introduction sur le marché français. Cette stratégie marketing globale ne s’est pas
avérée pertinente pour Grey Goose. En effet, pour les Français, le pays d’origine de la
vodka est la Russie. Par conséquent, en France, Grey Goose n’est pas perçue comme une
marque authentique. De plus, la caractérisation quasi viticole du produit ne fonctionne pas
en France où le vin est une tradition* ancestrale et où la vodka peine à se forger une
réputation de produit noble. Bien souvent en France, les bars et les palaces
commercialisent le produit car il est demandé par des touristes américains : le produit n’est
donc pas spécifiquement destiné à un public français. En France, la vodka Grey Goose
reste donc très élitiste et présente dans les clubs privés, les restaurants gastronomiques et
les bars à cocktail à la mode, souvent fréquentés... par de riches touristes américains.
Ces deux exemples de L’Occitane en Provence et de Grey Goose montrent bien que
l’authenticité* appliquée aux marques n’est pas un concept universel ou « directement
exportable ». L’authenticité de la marque dépend ainsi de nombreux facteurs,
principalement induits par la perception du consommateur.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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2. L’authenticité, compatible avec la modernité ?
Dans l’esprit du consommateur, et c’est ce que nous avons vu dans le premier
chapitre de notre réflexion36
, la marque authentique doit être capable de concilier tradition*
et innovation, ancienneté et modernité. C’est pourquoi certaines marques ont réussi à créer
de l’authenticité* autour de produits récents, quand d’autres ont réussi à perpétuer l’idée
d’authenticité malgré des changements opérés dans leurs procédés de fabrication, et
d’autres encore sont parvenues à recréer une image qui donne l’impression que leur
tradition est plus établie qu’elle ne l’est en réalité.
Néanmoins, cela pose la question de la sincérité de la marque* se présentant comme
authentique*, la sincérité étant l’un des trois critères objectifs
* de l’authenticité
37. En effet,
si l’authenticité n’est pas l’immobilité ni ne correspond à un état figé dans le temps et
admet donc des évolutions, le discours de la marque authentique doit rester sincère,
cohérent et transparent pour que cette dernière puisse réellement être considérée comme
authentique au sens de la définition objective que nous avons donnée de l’authenticité.
De plus, avec l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la
communication, deux des clefs de la pérennité des marques sont désormais la sincérité du
message transmis ainsi que la force de persuasion. En effet, avec la possibilité de vérifier
l’information dès son émission en quelques clics, les marques ont tout intérêt à raconter
une histoire avérée. Le succès du groupe McCann, qui était en 1992 la plus grande agence
de communication au monde avant de devenir le groupe McCann Worldwide en 1997, est
révélateur de cet engouement du public pour l'authenticité. En effet, la nécessité d'une
communication sincère étant une prise de conscience récente de la part des annonceurs,
certains groupes de communication ont su en profiter et se développer en bâtissant la
stratégie de communication de leurs clients sur la vérité et la sincérité. Pour le groupe
McCann, dont la devise est « Truth Well Told », la quête de vérité va au-delà de la
36
Cf. I.2, p. 19. 37
Cf. I.1, p. 16.
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nécessité de communiquer en s’appuyant sur l’histoire de la marque* et requiert des actions
concrètes et des faits palpables à présenter au consommateur. Cette théorie s’appuie d’une
part sur le besoin de vérité inhérent à l’être humain38
; d’autre part sur la rapidité de
propagation de l’information qui permet plus facilement de vérifier la véracité et la
sincérité d’une publicité, ce qui en fait une tendance réellement liée à la société de ces
vingt dernières années.
Ricard est un exemple de marque authentique ayant su concilier authenticité et
modernité pour s’inscrire de façon pérenne dans le paysage commercial. Ainsi, face à la
concurrence des marques de distributeurs, Ricard a lancé une campagne de communication
en 2006 pour défendre son authenticité avec le slogan: « Un Ricard. Un vrai ! »39
. En
préservant la même recette depuis sa création, Ricard défend son savoir-faire et la qualité
de son produit. Si le produit reste identique, la marque, quant à elle, a évolué avec son
temps tout en gardant ses principes fondateurs. Pour fêter ses 80 ans, Ricard a lancé cette
année (2012) une campagne originale (cf. image ci-après) qui montre que le produit est
devenu authentique* et moderne à la fois. Cette campagne retrace l'histoire de la recette
unique, qui est toujours restée fidèle à celle de son créateur, Paul Ricard.
38
Cf. I.3, p. 29. 39
Cf. DE BROQUA Aliette, « Ricard, attaqué, défend son authenticité », Le Figaro, 9 mars 2006.
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D’autre part, certaines marques* ont réussi à conserver leur authenticité
*, et ce
malgré des changements opérés dans leurs procédés de fabrication. Ainsi, comme le révèle
Jean-Claude Ellena dans Journal d’un parfumeur40
, les produits utilisés dans l’industrie du
parfum ont dû changer au fil des années et des restrictions législatives. Hermès, qui est la
seule maison à commercialiser tous les parfums qui ont été créés depuis son premier
parfum, Eau d’Hermès (1951), a dû revoir les formules de nombre de ses parfums à cause
de l’interdiction de certains ingrédients, comme par exemple les graisses animales.
Néanmoins, la modification des procédés de fabrication est passée sous silence par la
maison de parfumerie au profit de l’image* du produit. De même, certaines maisons,
comme Guerlain, ont commercialisé des gammes entières (extrait, eau de parfum, eau de
toilette, etc.) autour de parfums emblématiques tels que Shalimar, créé en 1926. Ces
déclinaisons du premier jus sont autant de preuves que le nom Shalimar est gage de qualité
40
ELLENA Jean-Claude, Journal d'un parfumeur, Sabine Wespieser Editions, mai 2011, 159 pages.
Campagne Ricard, 2012. Source : site internet
de la marque, http://www.ricard.com/
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et que c’est l’univers Shalimar, axé sur la symbolique forte du jardin du Taj Mahal
construit par l’empereur Shah Jahan pour sa femme favorite, qui séduit les consommateurs.
Plus surprenant : Guerlain a lancé en 2011 le jus Shalimar Parfum Initial, qui est une
déclinaison de Shalimar et, pourtant, est nommé comme devrait l’être le tout premier
Shalimar. On remarque donc que l’authenticité*
joue ici un rôle-clef dans le renouveau
d’un parfum souvent perçu comme celui d’une génération qui vieillit progressivement.
Ainsi, les marques* évoluent avec le temps et savent s’adapter aux différentes
générations. Par conséquent, l’authenticité est tout à fait compatible avec la modernité, et
des changements apportés à la dénomination ou aux procédés de fabrication des marques
n’entachent pas nécessairement l’authenticité de celles-ci. Comme l’affirme Sandra
Camus41
: « Pour être authentique, une marque doit donc être ancrée dans une origine et
avoir passé les années en conservant son fond de marque tout en ayant évolué avec la
société. ». Autrement dit, la marque authentique doit rester fidèle à ses origines tout en se
modernisant pour répondre aux attentes nouvelles des consommateurs.
En Allemagne, par exemple, l’Ostalgie* (contraction de « Ost » (Est) et de
« nostalgie ») est apparue quelques années après la réunification, suite à la désillusion
qu’ont connue les ex-Allemands de l’Est vis-à-vis des promesses de miracle économique
qui leur avaient été faites. Les produits et marques disparus avec la réunification ont connu
un renouveau grâce au besoin de « se souvenir du bon vieux temps ». Des produits dérivés
(vêtements, porte-clefs, etc.) ont également été édités et sont très appréciés des Allemands
qui ont réellement vécu l’Allemagne divisée. En effet, les plus grands amateurs de ces
produits sont les quadragénaires et les trentenaires pour qui cette vague a un goût de
madeleine de Proust. Ces consommateurs les voient comme authentiques*, puisqu’ils ont
été élevés avec ces produits, alors que ces produits sont issus de la production industrielle
en masse de la seconde moitié du XXe
siècle. L’authenticité* peut donc être liée tant à la
place d’un produit dans l’inconscient collectif qu’à ses méthodes de fabrication, et un
produit qui a tous les attributs des temps modernes peut être considéré comme authentique.
41
CAMUS Sandra, op. cit., p. 12.
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3. Les pratiques des gestionnaires des marques
Pour mettre en avant l’authenticité* qu’ils revendiquent, les gestionnaires des
marques* communiquent beaucoup sur l’ADN
* de ces dernières, en insistant notamment
sur leurs valeurs. Ils utilisent également un moyen de communication qui apparaît
incontournable : le storytelling*. Néanmoins, et c’est ce que nous verrons un peu plus tard,
le discours des marques n’est pas toujours complètement sincère et vrai.
a) Les valeurs
Les marques se présentant comme authentiques* communiquent ainsi sur des
valeurs qui leur permettent d’asseoir leur authenticité et qui fondent leur ADN. En effet,
comme le souligne Thierry Wellhoff, Président de l'agence de communication Wellcom,
dans l’article « Marque, fidélité et valeurs »42
, le consommateur ne peut être fidèle à une
marque que si elle est fidèle à elle-même, et cette fidélité aux valeurs est un des signes
d’authenticité aux yeux du consommateur.
Ainsi, les valeurs qui fondent l’ADN d’une marque se divisent principalement de la façon
suivante :
la qualité, généralement revendiquée par toutes les marques ;
l’innovation et l’anticonformisme, particulièrement présents dans la stratégie de
communication d’Apple ;
la responsabilité sociale, qui consiste, aux Etats-Unis par exemple, à financer des
campagnes de prévention des risques liés à l’alcool par des marques de bières ;
42
WELLHOFF Thierry, « Marque, fidélité et valeurs », Revues des marques 71, juillet 2012, disponible sur
internet : http://www.prodimarques.com/documents/gratuit/71/marque-fidelite-valeurs.php (site consulté le
03/07/2012).
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le succès, qui est une valeur mise en avant par des labels, telles que les médailles
pour les vins ou des certifications comme "élu produit de l'année" ;
le savoir-faire, très présent dans la communication des marques* de luxe, comme le
montre le chausseur Corthay qui met en avant ses artisans dans sa communication ;
le respect de l’environnement, revendiqué par les marques d’électroménager sur
certains produits « verts ». Ainsi, parmi les idées et courants de communication
nouveaux, est apparu à la fin des années 1980 le greenwashing* (ou
écoblanchiment) pour répondre à la conscience environnementale du monde actuel.
Le greenwashing consiste à communiquer autour du respect de l’environnement et
de l’aspect écologique des produits promus. Cette tendance a pris de l’ampleur avec
l’émergence du développement durable dans la stratégie des entreprises au début
des années 199043
et est le plus souvent utilisée dans des industries qui pourraient
être pointées du doigt pour leur non-respect de l’environnement, comme
l’électroménager, la production
automobile ou encore les produits jetables
ou réputés polluants. De plus,
l’alimentaire et les produits de beauté
surfent également sur cette tendance
puisque le consommateur se soucie de
plus en plus des conséquences
technologiques sur sa santé. L’argument
vert s’affiche pour ces produits, aussi bien
sur l’emballage (voir ci-contre
l’emballage des couches Huggies) que
dans la publicité, afin de rassurer le client
concernant l’impact de son achat sur l’environnement et/ou sur son propre corps
par des mentions comme "écologique", "bio", ou encore l'utilisation de la couleur
verte. L'apparition du label Agriculture Biologique (AB) est une conséquence
43
Cf. Intervention d'Elisabeth Laville à la conférence TEDxParis 2011, http://www.tedxparis.com/elizabeth-
laville-linnovation-nouvelle-frontiere-du-developpement-durable (site consulté le 30/06/2012).
Emballage Huggies commercialisé par
Kimberley Clark sur le marché
américain au premier semestre 2009.
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directe de la préoccupation environnementale de la société et de son utilisation
comme un argument marketing.
Au-delà des valeurs universelles, d’autres composants de l’ADN des marques* sont
également utilisés dans la communication des entreprises. Citons à titre d’exemple :
la tradition*, qui est l’argument de vente principal de marques
* comme Reflets de
France. Reflets de France se présente ainsi comme la marque garante du patrimoine
gastronomique français. C’est l’une des 30 marques les plus vendues en France,
dans les magasins de grandes et moyennes surfaces, avec un chiffre d’affaires qui a
été multiplié par dix en dix ans. Tous les produits sont préparés dans leur terroir,
avec des ingrédients du pays, et selon les recettes et le savoir-faire traditionnels de
producteurs locaux rigoureusement sélectionnés. Ces derniers s'engagent à
respecter un cahier des charges précis, notamment sur deux critères : la qualité et
l'authenticité*. Le savoir-faire, issu d’une tradition parfois ancestrale, répond aux
normes actuelles d’hygiène et de sécurité alimentaire. Pour garantir l’authenticité
et le goût des produits sélectionnés, Reflets de France a fait appel aux plus grands
noms de la cuisine française. Joël Robuchon intervient ainsi comme conseiller lors
de séances de dégustations régulières.
l’exclusivité et le luxe, qui est au cœur de la communication de Nespresso ;
l’origine, mise en avant par des marques telles L’Occitane qui communique
beaucoup sur son ancrage en Provence.
Ainsi, selon Thierry Wellhoff, l'authenticité d'une marque se traduit en sincérité et en
cohérence et dépendrait de sa capacité à rester fidèle à ses propres valeurs, quelles qu'elles
soient. La fidélité aux valeurs est également un élément-clef d’une diversification réussie
pour une marque. Ainsi, Fragonard, maison de parfumerie créée à Grasse en 1926, a su
depuis toujours jouer la carte de l’origine en rachetant à la famille Fragonard le nom du
peintre grassois Jean-Honoré Fragonard. Lorsque la famille Costa-Webster, propriétaire de
la marque, a voulu diversifier ses activités dans les années 2000, en misant notamment sur
les domaines des arts de la table, de la décoration et de l’habillement, la question s’est
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posée de définir l’ADN de la marque*. Celui-ci reposant autant sur l’origine de la maison
que sur son cœur de métier, il a été facile de diversifier la marque* en ancrant ses nouveaux
produits dans l’histoire du sud de la France. Ainsi, lors du lancement de la collection de
vêtement, un musée du vêtement provençal a été ouvert à côté de l’usine de parfums (elle-
même ouverte au public) et les vêtements comportent tous des détails rappelant la
Provence. Cet ancrage régional et la transparence conférée par l’ouverture des lieux de
production, qui correspondent respectivement à un recentrage sur l’ADN de la marque et à
du storytelling*, ont permis à la marque de réussir à sortir de son corps de métier en restant
authentique* aux yeux des consommateurs.
b) Le storytelling
Le storytelling, théorisé formellement par Steve Denning, consultant australien en
management et innovation, au début des années 1990, est une technique consistant à
raconter une histoire afin de rapprocher un individu d’un personnage public ou d’une
marque, en lui donnant l’impression qu’il a une fenêtre privilégiée sur son histoire. Le
storytelling utilise donc des procédés narratifs pour renforcer l'adhésion du public au
discours (à la communication) des marques.
Il s’agit d’une pratique largement utilisée dans la communication des marques dites
authentiques car cela leur permet d’asseoir leur authenticité* en revendiquant leur origine à
travers la narration, et parfois la mise en scène, de leur histoire. L’Occitane en Provence ne
fait pas exception à cette règle. Chaque gamme de produits contient ainsi un composant
naturel, un principe particulier, qui raconte toujours une histoire. En outre, plusieurs pages
du site internet de L’Occitane sont consacrées à l’histoire de la marque, depuis sa création
en 1976 jusqu’à nos jours. L’enseigne met également en avant son fondateur, Olivier
Baussan.
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Dans Les Stars, écrit en 1957, Edgar Morin44
met en évidence la transformation des
acteurs en objets de la culture de masse par la mise en scène de leur vie privée. En effet, on
observe dans les années 1950 l’apparition de la starification de certains acteurs en les
faisant descendre du piédestal inaccessible sur lequel ils étaient placés pour montrer en
quoi ils peuvent ressembler au public et en quoi le public peut se reconnaître en eux, tout
en conservant une part de glamour et de rêve. Cette mise en scène de la vie privée des
acteurs a permis de faire émerger de grands noms du
cinéma et notamment de ne plus seulement miser sur la
qualité d’un film au cinéma, mais aussi sur la
renommée de ses interprètes. On peut considérer que
cette starification par la mise en scène de la vie privée
et la mise en évidence des points communs entre les
comédiens, considérés comme hors norme, et le public,
est une forme première de storytelling*.
La technique a ensuite été utilisée par les
hommes politiques américains. Ainsi, le président John
F. Kennedy (1917-1963) a mis en scène sa famille afin
de montrer, d’une part, qu’il n’avait rien à cacher ; et
d’autre part, que sa vie ressemblait à celle de ses
électeurs et qu’il pouvait donc comprendre leurs
préoccupations. Il n'a pas hésité à mettre en avant sa
famille tout au long de sa campagne pour l'élection
présidentielle américaine, comme le montre la
photographie ci-contre représentant Jacqueline
Kennedy en train de nouer le chapeau de sa fille
44
MORIN Edgar, Les Stars, éd. Seuil, coll. Point Essais, 1957, 188 pages.
Photographie prise par Alfred
Eisenstaedt pour Life en septembre
1960. Légende complète : Jackie
Kennedy aidant sa fille Caroline à
mettre son chapeau et son
imperméable avant d'aller jouer,
dans leur maison d'Hyannis Port.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
Caroline. La photographie, parue dans Life45
en septembre 1960, soit quelques semaines
avant l'élection présidentielle que JFK a remportée, montre l'intimité de la famille Kennedy
dans ce qu'elle a de plus proche du peuple américain.
Cette technique a peu à peu dépassé le cadre de la politique et de la culture de masse pour
être appliquée au marketing*. Les gestionnaires des marques
* utilisent ainsi le storytelling
*
pour créer un lien avec le consommateur et inscrire la marque dans le paysage commercial
de manière durable. Le storytelling a ainsi permis aux marques de revendiquer leur
authenticité*, en communiquant sur leur origine incontestable, la sincérité et la cohérence
de leur discours.
Les histoires racontées s’appuient à la fois sur l’histoire et l’ADN des marques* et
sur l’inconscient universel de l’humanité, créant des messages fédérateurs, comme le met
en évidence Thomas Jamet dans son ouvrage Ren@issance mythologique46
. En effet, pour
que l’histoire d’une marque soit évocatrice, elle doit faire référence à un mythe plus large,
sans même le citer. Ainsi, le succès d'Apple s'explique en grande partie par le statut d'icône
de son fondateur Steve Jobs. Selon Marine Guillain47
, les six caractéristiques suivantes ont
fait de Steve Jobs un messie technologique : avoir eu une enfance difficile (Steve Jobs a été
adopté) ; se révéler un personnage incompris, sombre, intrépide et anticonformiste
(innovation, envie de révolution de la part Steve Jobs) ; affronter des échecs (Steve Jobs a
abandonné l'université au bout de six mois) ; prendre des risques (les composants des 50
premiers ordinateurs que Jobs a vendus n'étaient pas encore achetés lors de la signature du
contrat) ; traverser des périodes de joies et de peines (cancer du pancréas de Steve Jobs) ;
être charismatique. Le mythe universel de l'humanité qui partage ces caractéristiques est
évidemment celui de Jésus, et tout comme le Messie est arrivé sur terre pour libérer les
hommes de leurs péchés, Steve Jobs a voulu les libérer des ordinateurs difficiles à utiliser.
La communication de Ricard est un exemple de storytelling réussi. En effet, Ricard,
qui fête actuellement ses 80 ans avec une exposition au musée de la Publicité aux Arts
45
Magazine hebdomadaire américain. 46
JAMET Thomas, Ren@issance mythologique, Bourin Editeur, septembre 2011, 210 pages. 47
GUILLAIN Marine, "Comment l'homme se mue en mythe", 20 minutes, 14/04/2011, disponible sur
internet : http://www.20min.ch/ro/life/lifestyle/story/26132494 (site consulté le 03/07/2012).
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
décoratifs48
, a commencé dès ses débuts, en 1932, à communiquer autour de la personne de
Paul Ricard, qui allait à la rencontre de ses clients, était présent dans les publicités et
dessinait lui-même les emballages et publicités print puisqu’il avait étudié aux Beaux-Arts.
En outre, l’origine de la marque* est signalée d’une part par l’ancrage marseillais des
apéritifs anisés, d’autre part par les couleurs du logo, dans lequel le bleu symbolise la mer
et le jaune, le soleil. La marque a également su se pérenniser en demandant à des artistes
d’intervenir sur sa bouteille, en jouant avec les codes visuels de la marque, ou encore en
faisant appel au photographe Martin Parr pour sa campagne de publicité presse en 2008, ce
qui fait écho au passé artistique de Paul Ricard.
De plus, les théoriciens du storytelling* ont fait apparaître ces dernières années
l’idée de néostalgie*, qui résume bien le
principe sur lequel est fondé le
storytelling : s’appuyer sur le passé de la
marque pour l’ancrer dans le présent et
lui assurer un avenir. Ainsi, l'agence
BETC a créé pour Ricard, qui a
commercialisé en 2011 une nouvelle
bouteille, destinée à durer dans le temps,
des visuels (cf. image ci-contre) qui
mettaient en valeur les éléments qui
n'avaient pas changé sur la bouteille et
rappelaient l'histoire de la marque par la
déconstruction dans un jeu de taquin.
Néanmoins, certaines marques ont réussi à apparaître comme authentiques* et à
rester crédibles aux yeux des consommateurs en communiquant autour d’histoires
inventées de toutes pièces. C’est le cas de Ladurée. La marque, qui donne à ses pâtisseries
et ses thés des noms de personnages historiques du XVIIIe siècle et reprend les codes
visuels de l’époque sur ses emballages, laisse croire aux consommateurs que ses macarons
48
Exposition « RicardSA
, depuis 1932 », Musée de la Publicité, Musée des Arts décoratifs, du 29 mars au 26
août 2012.
Campagne print réalisée par l'agence BETC
pour la sortie de la nouvelle bouteille Ricard
en 2011.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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étaient déjà la pâtisserie préférée de la reine Marie-Antoinette. Cette illusion a été
renforcée en 2006 par l’utilisation par Sofia Coppola des emblématiques pâtisseries dans
son film Marie-Antoinette, consacré à l’histoire de la souveraine. Ainsi, le public pense
réellement goûter aux mêmes friandises que la reine, bien que la maison Ladurée ait été
créée en 1862 et le macaron au début du XXe siècle. De plus, comme l’a mis en avant en
2009 Colette Roos, journaliste chez Rue89,49
les macarons Ladurée sont composés en
grande partie d’ingrédients qui n’existaient pas à la création de la recette (conservateurs,
par exemple), ce qui contredit l’image traditionnelle de la pâtisserie. La force de la
communication de Ladurée repose sur le fait que toute son histoire est sous-entendue, et
qu’elle a autant été créée par les stratèges en communication qui ont laissé « des blancs »
dans l’histoire de la marque* que par le consommateur, qui remplit ces « blancs ». Cette
communication est donc à la fois inattaquable et difficilement effaçable aux yeux du
consommateur, puisqu’il en a lui-même créé une partie.
Cependant, lorsque le discours de la marque n’est pas mensonger et que les valeurs
qu’elle revendique sont fondées sur du réel en interne comme en externe, le storytelling*
est de l’histoire vraie et incarnée. Sur des bases authentiques*, il n’est pas interdit
d’enjoliver le récit, mais les marques doivent prendre garde aux conséquences d’un double
discours, et c’est ce que nous allons maintenant voir dans la troisième et dernière partie de
notre réflexion.
49
ROOS Colette, « Macaron Ladurée : la recette très industrielle d'un symbole du chic », blogs.rue89.com,
octobre 2009. Lien internet : http://blogs.rue89.com/dessous-assiette/2009/10/30/macarons-laduree-une-
recette-industrielle-et-un-luxe-dadditifs (site consulté le 25/06/2012).
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Chapitre III : Les limites de l’authenticité comme
simple argument marketing
1. Les dérives d’une communication mal maîtrisée
Comme nous venons de le voir, certaines marques* travaillent leur discours et leur
authenticité* sur une histoire qui n’est pas nécessairement fondée, mais à laquelle le
consommateur a envie de croire car elle correspond à l’image* qu’il a de la marque. Ainsi,
il semblerait que l’authenticité puisse être soulignée aux yeux des consommateurs
simplement par une stratégie de communication cohérente, avec un message clair qui
perdure au fil du temps. Pourtant, à trop vouloir communiquer sur un axe unique, les
consommateurs peuvent reprocher à certaines marques de ne pas se préoccuper des
conséquences négatives de leurs activités industrielles.
Evidemment, les marques choisissent de communiquer sur les points qui sont chez elles les
plus positifs, et retiennent ces points positifs dans leur définition de l’authenticité. Ces
points positifs sont les valeurs que les marques veulent ancrer dans l’esprit des
consommateurs comme représentatives de la marque, et donc caractéristiques de son
image. Néanmoins, au-delà du rôle clair et direct de communication positive, cette mise en
valeur de l’authenticité des marques peut également avoir pour but de faire oublier
d’éventuels aspects négatifs qui pourraient nuire à l’image et à la réputation de la marque.
Ainsi, certaines marques* développent une stratégie de communication basée sur des
valeurs positives malgré des critiques existantes concernant les modes de production ou de
gestion de l’entreprise.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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A titre d’exemple, la marque*
KitKat de la firme multinationale Nestlé a choisi d’axer sa
communication sur l’idée de la « pause KitKat » au cœur de la journée50
. Le slogan « Have
a break, have a KitKat », utilisé depuis 1958, repose sur la dichotomie entre les contraintes
professionnelles qui demandent discipline et parfois automatisation d’une part, et la
simplicité et l’authenticité* du plaisir d’une gourmandise que l’on peut savourer en se
détendant d’autre part. Ainsi, les campagnes de publicités mettent en scène sur tous les
supports des gens qui, dans une
journée harassante, voient le
KitKat comme le signe d’un
moment de détente mérité, comme
si le consommateur pouvait
redevenir lui-même le temps
d’une barre chocolatée. Cette idée
est présente aussi bien sur le print,
le mobilier urbain créé par KitKat
que sur le site internet de la
marque.
Comme nous le disions plus tôt,
les marques choisissent d’intégrer
leurs aspects positifs et de
travailler leur communication
autour de l’authenticité et de la
sincérité de ceux-ci. Néanmoins,
certaines marques ont été accusées
par des lobbys ou des associations de consommateurs de pratiquer une forme de
« mensonge par omission » et ainsi de cacher sous une image lisse et valorisante des
agissements et pratiques critiquables puisqu’ils portent atteinte à d’autres valeurs
importantes aux yeux de la société.
50
Site de KitKat, http://www.kitkat.fr/ (site consulté le 27/06/2012).
Visuel KitKat diffusé à Dubaï le 26 décembre 2007
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Ainsi, Nestlé, et notamment sa marque KitKat en mars 2010, a été pointée du doigt par
Greenpeace, organisation non gouvernementale de
protection de l'environnement présente dans plus de
quarante pays à travers le monde, pour ses atteintes à
l’écologie51
. Une vaste campagne internet, sur les réseaux
sociaux notamment, visait à dénoncer l’utilisation par Nestlé
d’huile de palme issue de la destruction des forêts tropicales
et des tourbières indonésiennes dans la fabrication de son
chocolat. Ce « bad buzz » détournait l’identité visuelle et le
slogan de KitKat pour mieux montrer l’opposition entre la
communication positive et l’idée de plaisir véhiculée par la
marque* et l’effet négatif sur l’écosystème de la planète.
Autre exemple : Nike52
a choisi de communiquer sur la
spontanéité par son slogan « Just Do It » et la libération du
sport vis-à-vis des contraintes institutionnelles et un retour à
des pratiques plus authentiques* car moins encadrées. Ainsi,
ses valeurs sont la liberté, la spontanéité, le dépassement de
soi, et de ses limites, la volonté de s’extraire des règles et du
côté formel du sport qui bride les individus. Toutes ces
valeurs sont extrêmement positives dans nos sociétés occidentales et Nike leur doit d’être
devenue une marque extrêmement prisée dans le domaine sportif. De plus, son
authenticité* s’articule également autour de l’idée que les produits vendus aux
consommateurs sont les mêmes que ceux utilisés par les plus grands sportifs lorsqu’ils
gagnent des matchs ou atteignent des résultats exceptionnels. Cette idée est confortée par la
création de logos à l’image des sportifs, notamment Michael Jordan, joueur de basket
américain réputé pour la hauteur de ses sauts qui lui valurent le surnom de « Air Jordan »,
51
« Greenpeace dénonce Nestlé, qui contribue à la déforestation en Indonésie », Greenpeace.fr, 17 mars 2010
http://blog.greenpeace.fr/news/greenpeace-denonce-nestle-qui-contribue-a-la-deforestation-en-indonesie (site
consulté le 8/07/2012) 52
DUVERNAY Edouard, ICHER Jonathan, NOAILLON Hélène, Etude Marketing Analyse de Nike, ESAA
Duperré, Novembre 2008, disponible sur internet :
http://analysemarketingnike.blogspot.fr/2008_11_01_archive.html (site consulté le 11/07/2012).
Bannière internet de la
campagne Greenpeace contre
Nestlé, mars 2010.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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repris pour nommer une ligne de baskets Nike. La vision de l’authenticité* ici retenue par
Nike est basée sur la conservation des processus de fabrication et la haute qualité des
produits.
Néanmoins, Nike a également été au cœur de controverses mettant en cause ses processus
de fabrication, notamment à cause d’une photo diffusée en 1997 montrant un enfant
cousant un ballon de football Nike. La marque* est alors très vite devenue un emblème des
marques faisant appel à des sous-traitants sans se soucier des conditions de travail dans
leurs usines. La décision de ne pas évoquer cette dérive éthique est aussi bien visible par
l’absence de communication autour de la question du travail des enfants que par la réaction
du président de Nike, Phil Knight, de ne pas profiter du billet d’avion que lui offre Micheal
Moore en 1998 dans son film The Big One pour aller visiter les usines de ses sous-traitants
afin de voir les conditions de travail qui y ont cours.
Suite à ces polémiques, Nike a été en 2005 la première marque à publier, par souci de
sincérité et de transparence, un rapport sur les conditions de travail dans les usines de ses
sous-traitants53
. Pourtant, la sincérité de sa communication n’a pas suffit pour que la
marque se défasse de son image de violations éthiques. En effet, il ne suffit pas de dire la
vérité, il faut également que les actions entreprises par une marque soient en concordance
avec le discours véhiculé.
Ainsi, Nike a décidé, au début du mois de janvier 2011, de créer le site institutionnel
nikebetterworld.com, avec une série de bonnes résolutions prises pour l’avenir de la
planète et de la société. Le but de l’entreprise a été de montrer la compatibilité entre
l’écologie, la responsabilité sociale et l’engagement pour la santé avec des produits
assurant une performance sportive de qualité. Parmi ces bonnes résolutions, on trouve
notamment la création de vêtements de sports en matériaux recyclés ou moins polluants
que ceux utilisés auparavant, mais aussi le rôle du sport contre la guerre, dans le quotidien
53
« Nike joue la carte de la transparence sociale », La dépêche du midi, 15 avril 2005
http://www.ladepeche.fr/article/2005/04/15/315086-nike-joue-la-carte-de-la-transparence-sociale.html (site
consulté le 2/07/2012).
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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des jeunes défavorisés, et pour la santé. Parmi les projets et changements promus sur le site
figure la construction d’un centre d’entraînement et d’éducation à Soweto, une façon pour
la marque de montrer qu’elle ne considère pas le tiers-monde comme une partie du monde
à exploiter. Là où une communication excessive sans réels projets pour l’appuyer aurait
fini par nuire à l’image de Nike, la marque* a décidé de montrer avec transparence et
sincérité son action pour améliorer le monde dans lequel elle évolue afin de contrer les
controverses dont elle a pu être victime et sans lesquelles elle n’aurait peut-être pas abordé
les sujets de l’écologie, de la responsabilité sociale et du développement du tiers-monde.
La législation pose également des limites au discours des marques sur
l’authenticité. En effet, comme nous l’avons vu avec l’exemple de Ladurée54
, certaines
marques axent leur communication sur une authenticité factice, mais ne tombent pas
encore sous le coup de la législation concernant la publicité mensongère grâce à un travail
sur le sous-entendu et non sur de la communication explicite.
Néanmoins, des marques qui ont voulu communiquer sur leur authenticité se sont fait
épingler pour publicité mensongère. C’est le cas de Louis Vuitton, qui, en mai 2010, a vu
ses publicités interdites au Royaume-Uni car jugée trompeuses par l’autorité de contrôle de
la publicité (ASA)55
. Ces visuels, parus dans la presse nationale britannique, montraient
des femmes cousant une poignée sur un sac à main, et créant les plis d'un portefeuille, et
étaient accompagnés de légendes comme « La couturière au fil de lin et à la cire d'abeille »
et de textes explicatifs sur le caractère artisanal de la fabrication des produits Louis
Vuitton, dont une partie a été délocalisée dans des usines chinoises. L'ASA a reconnu que
les procédés de fabrication de Louis Vuitton incluaient de nombreuses tâches exécutées à
la main, mais a reproché au fabricant de ne pas être en mesure de préciser quelle
proportion de la fabrication était effectivement artisanale, et a donc jugé ces publicités
« trompeuses ». Toute nouvelle diffusion des publicités incriminées a été interdite.
54
Chap II. 3. b, p. 50. 55
« Des pubs Vuitton interdites au Royaume-Uni », LeParisien.fr, 26 mai 2010, disponible sur internet :
http://www.leparisien.fr/laparisienne/mode/des-pubs-vuitton-interdites-au-royaume-uni-26-05-2010-
937673.php (site consulté le 27/06/2012).
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
Pourtant, Louis Vuitton, marque de luxe pour laquelle les procédés de fabrication sont
essentiels, assure que ces méthodes
traditionnelles sont bien utilisées dans leurs
usines d’Asnières pour les commandes
exceptionnelles56
. L’authenticité* conservée
sur quelques produits ne peut donc servir à
communiquer autour de l’authenticité de la
totalité d’une gamme.
Enfin, les marques* ne communiquent pas
uniquement sur leur authenticité propre, mais
également sur une authenticité qui pourrait être
certifiée par des labels, comme le label
Appellation d’origine contrôlée ou le label
Agriculture biologique par exemple.
Certains de ces labels sont victimes de leur
succès. Le label biologique, par exemple, a été
de plus en plus prisé par les entreprises ces
dernières années. S’il ne concernait qu’une
petite partie de producteurs à son apparition, on voit aujourd’hui le logo composé des
lettres « AB » sur fond vert sur de plus en plus d’emballages issus de géants de l’industrie
agro-alimentaire. Cette évolution a aussi bien induit des changements d’échelle de
production qu’un assouplissement des critères du bio. C’est le cas aux Etats-Unis
notamment57
, où les firmes multinationales qui veulent profiter du label en adaptant au
minimum leurs méthodes de production et qui ont plus de poids dans le débat politique que
les petits producteurs ont obtenus que les critères d’obtention du label biologique soient
moins stricts. Les consommateurs pensent ainsi acheter des produits entièrement naturels,
56
Louis Vuitton, les ateliers d’Asnières, site des Journées particulières LVMH, 15 et 16 octobre 2011, lien
internet : http://www.lesjourneesparticulieres.fr/ateliers-d-asnieres-louis-vuitton-asnieres.php (site consulté
le 27/06/2012). 57
STROM Stephanie, « Has ‘Organic’ Been Oversized? », New York Times, 7 juillet 2012
http://www.nytimes.com/2012/07/08/business/organic-food-purists-worry-about-big-companies-
influence.html (site consulté le 12/07/2012).
Publicité Louis Vuitton diffusée au Royaume-
Uni et interdite en mai 2010.
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ou du moins aussi authentiques* que les produits portant le même label quelques années
auparavant, mais obtiennent en réalité des produits dont l’authenticité* repose sur une
image* révolue. En effet, si les critères utilisés pour mesurer la valeur biologique ont
évolué, l’appellation reste la même.
On est en droit de se demander si cette évolution ne nuira pas à long terme à l’image des
produits biologiques auprès des consommateurs, et ainsi, de façon plus générale, si les
changements apportés aux critères définissant l’authenticité d’un produit ou d’une marque
n’empêchent pas la pérennisation de la stratégie de communication des entreprises.
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2. Quelles conséquences pour les marques ? La
question de la durabilité
a) Une fidélité aux valeurs d’origine exigée
par les consommateurs
Comme nous le soulignions précédemment58
, la fidélité dans la durée des
consommateurs à une marque* découle de la capacité de celle-ci à rester fidèle à son ADN
*
et à ses valeurs d’origine. Il est effectivement essentiel qu’une marque communique sur
des valeurs qui soient en cohérence avec les produits et services qu’elle commercialise. Il
en va de la relation de confiance instaurée avec le consommateur. A titre d’exemple, citons
l’affaire retentissante de Toyota ayant fait l’objet d’un scandale en 2009. Certains modèles
de la marque auraient eu des pédales d’accélération défectueuses causant ainsi plusieurs
accidents mortels aux Etats-Unis. En conséquence, Toyota a rappelé des millions de
véhicules à travers le monde. Cette action n’a pas suffit à rassurer les consommateurs selon
lesquels la marque aurait dissimulé sa connaissance des défauts techniques. C’est d’ailleurs
ce que les consommateurs ont essayé de faire valoir en intentant des actions collectives en
justice pour dissimulation d’information, brisant ainsi la confiance instaurée59
. Dans ce cas
précis, Toyota, dont l’un des slogans les plus connus a été « the best built car in the
world », semble s’être écartée de son image de marque* consistant à communiquer sur la
qualité et la sécurité de ses véhicules. Ce n’est pas tant le problème technique que les
consommateurs ont eu du mal à pardonner, mais plutôt le manque de communication sur
les difficultés rencontrées par la marque et son manque de transparence en cas de crise60
.
58
Cf. II. 3. a, p. 43. 59
« Toyota rappelle 400 000 voitures hybrides, le cauchemar continue », Le Point.fr, 9 février 2010,
Rubrique Economie. 60
GAZZANE Hayat, « Problème de pédale : Toyota savait dès 2007 », Le Figaro.fr, 9 février 2010,
Rubrique Actualités Economiques.
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Une communication cohérente, transparente et en vérité est en effet un excellent moyen
pour fédérer les consommateurs autour d’une marque* y compris en temps de crise et c’est
d’ailleurs ce que s’attachent à faire transparaître les marques voulant être perçues comme
authentiques*.
Au regard de notre analyse sur la définition de l’authenticité* par les
consommateurs61
, on peut affirmer que les consommateurs accordent une attention toute
particulière aux valeurs communiquées par les marques dites authentiques. Ces dernières
doivent donc redoubler de vigilance et faire en sorte que le discours qu’elles tiennent soit
en harmonie avec les produits et services qu’elles vendent. On peut supposer que si une
marque perçue comme authentique devenait l’objet d’un scandale, cela aurait un impact
particulièrement néfaste sur la confiance instaurée avec les consommateurs. Ceux-ci
pourraient ressentir le scandale comme une trahison du fait de l’intimité à laquelle fait
appel une marque authentique.
Prenons à ce titre le cas d’Apple et de son lancement récent du dernier MacBook
Pro. Début juillet 2012, Apple a fait l’objet d’une polémique et a risqué d’entacher
sérieusement son image de marque*. Depuis ses débuts, la marque communique beaucoup
sur son empreinte écologique et le respect de l’environnement fait partie de ses valeurs
phare et représente une part importante de son ADN*. C’est dans cette optique qu’Apple
faisait classer ses produits avec ceux de la concurrence sur une liste diffusée par EPEAT,
un groupement d’intérêts qui attribue des certifications écologiques à des matériels
informatiques. Or, peu avant le lancement de son dernier MacBook Pro, Apple avait décidé
de se retirer du classement et annoncé que ses produits ne seraient dorénavant plus certifiés
EPEAT, sans d’autre explication que celle décrivant les standards d’EPEAT comme trop
souples pour assurer aux consommateurs un véritable gage de respect de l’environnement.
En apparence anodine, cette décision a généré de vives réactions chez les consommateurs
et une chute des ventes avait déjà pu être enregistrée dans les jours qui ont suivi l’annonce.
D’après un article publié sur le site de la National Public Radio américaine62
, le
mécontentement des consommateurs était tel qu’Apple est revenu sur sa décision et a refait
61
Cf. I.2, p. 18. 62
KAUFMAN Wendy, « Apple’s Change of Heart On Green Certification », www.wbur.org, 13 juillet 2012.
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paraître ses produits dans le classement d’EPEAT. Cet incident de parcours d’Apple
illustre à merveille le rôle que jouent les consommateurs dans l’image * que renvoie une
marque. Ici, les consommateurs ont estimé qu’Apple ne remplissait pas son contrat de
marque et ils ont fait fléchir le mastodonte de l’informatique. Si Apple n’était pas revenue
sur sa décision stratégique, elle aurait certainement perdu de nombreux consommateurs qui
auraient été en désaccord avec la posture nouvellement adoptée par la marque.
On observe donc qu’en pratique, les consommateurs peuvent adopter une attitude
draconienne lorsqu’ils estiment qu’une marque qu’ils perçoivent comme authentique* agit
à l’encontre de son ADN*. Non seulement expriment-ils leur désaccord avec ardeur mais
encore sont-ils prêts à délaisser une marque qu’ils apprécient si cette dernière adopte une
attitude qui leur semble s’écarter de son identité première. On voit donc qu’une marque
perçue comme authentique par les consommateurs n’a pas que des droits. Au contraire, si
elle veut perdurer dans le temps, la marque authentique doit faire preuve d’une fidélité sans
faille à ses valeurs d’origine tout en sachant évoluer avec son temps.
Paradoxalement et afin d’illustrer la complexité du concept d’authenticité* en
marketing*, on observe qu’en parallèle les consommateurs acceptent les arguments
marketing basés sur l’authenticité de certaines marques qui ne rempliraient pourtant pas
ces critères objectivement. En effet, si d’un côté le consommateur sanctionne sévèrement
une marque qu’il considère authentique lorsque celle-ci n’agit pas selon son ADN, il
semblerait que de l’autre, il fasse preuve de beaucoup plus d’indulgence vis-à-vis de
certaines marques qui de prime abord pourraient paraître éloignées de ce concept
d’authenticité.
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b) Une authenticité factice désirée ?
Bien que l’authenticité marketing fasse écho à des besoins profonds de l’être
humain tel que nous l’avons vu plus en amont dans cette étude63
, on peut toutefois se
demander si, par moments, le consommateur ne se contente pas d’une authenticité* fausse
et créée de toutes pièces. Cela signifie-t-il qu’il n’aurait pas connaissance des décalages
existants entre les arguments marketing prônant l’authenticité et la réalité des choses ? Et
s’il devait en avoir conscience, quelles sont les raisons qui pousseraient le consommateur à
accepter de tels décalages ? Cet assentiment serait –il conscient ou inconscient ?
Arrêtons-nous tout d’abord quelques instants sur le cas de McDonald’s. Comment
peut-t-on en effet expliquer que le leader du fast-food à l’américaine radicalement opposé à
l’art de vivre à la française puisse communiquer en toute liberté sur son authenticité et
connaître un tel succès en France ? L’enseigne a même été jusqu’à changer son logo de
couleur pour s’inscrire dans la tendance écologique actuelle :
63
Cf. I.3, p.28 et suivantes.
Ancien logo McDonald’s Nouveau logo McDonald’s
Source : Google Images
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McDonald’s fait aujourd’hui partie du paysage français. Pesant près d’un sixième
des ventes du géant américain, la France représente le marché le plus important de la
chaîne après les Etats-Unis64
. C’est à croire que la chaîne parviendrait à duper
complètement le consommateur avec une authenticité* marketing toute fabriquée. Pourtant,
l’exemple d’Apple ci-dessus nous montre à quel point le consommateur ne se laisse pas
tromper facilement et avec quelle exactitude il détecte les incohérences marketing*. Ainsi,
on en vient à penser qu’il doit exister d’autres raisons le poussant à accepter et reconnaître
l’authenticité de McDonald’s. Si l’on se penche sur la stratégie de communication de la
chaîne, on observe en effet qu’elle ne prétend pas vendre des produits alimentaires
diététiques mais plutôt une expérience savoureuse et source de plaisir. Le logo vert lui-
même s’inscrit dans une démarche réelle puisqu’il est le résultat des démarches entreprises
par la chaîne pour réduire son empreinte carbone. Ainsi, l’authenticité de McDonald’s
serait en réalité le reflet d’une quête des consommateurs pour des expériences agréables et
exclusives plutôt que la reconnaissance de la qualité des produits alimentaires
commercialisés par la chaîne. L’authentique* chez McDonald’s n’est donc autre qu’un
concept de marketing expérientiel* sincère puisqu’il correspond à une réalité palpable par
les consommateurs. Cela est d’autant plus marqué que l’expérience de consommation
proposée par le fast-food se différencie très nettement de la concurrence et reste la
référence dans son domaine. De sorte qu’en définitive, le consommateur ne prête guère
attention au fait que les produits n’aient pas une origine naturelle ou historique particulière
puisque c’est avant tout une émotion qu’ils viennent chercher dans le fast-food65
.
Cette analyse nous mène directement au second exemple, à savoir celui du tourisme
responsable* très en vogue actuellement. Cette nouvelle façon de voyager s’inscrit dans la
quête identitaire du consommateur qui, pour se réaliser, cherche de plus en plus à vivre des
64
« McDonald’s réalise une sixième de ses ventes en France », L’Expansion sur lexpress.fr, 4 février 2011,
Rubrique Entreprise. 65
« McDonald’s - I’m greenin’it : Vers une stratégie de branding fondée sur l’émotion du ‘naturellement
authentique’ », Site du Master de Communication des Organisations, 6 avril 2011.
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Diane Jolivet de Colomby
expériences émotionnelles fortes à travers ses actes de consommation66
. Or, c’est ce à quoi
les acteurs du tourisme s’attachent à répondre en développant des séjours plus
authentiques* où les voyageurs ont l’occasion d’être en contact direct avec les populations
locales des pays qu’ils visitent. La touche authentique est un argument de vente de poids et
les consommateurs en sont friands. Néanmoins, tout l’enjeu au regard de notre analyse est
de déterminer de quelle authenticité* nous parlons. S’agit-il d’un simple argument
marketing artificiel par nature ou bien est-ce une authenticité basée sur du réel répondant à
une soif intérieure des consommateurs ? La question est loin d’être simple à trancher. En
effet, si l’on observe l’offre touristique de plus près, on constate rapidement que sous
couvert d’authenticité, les agences de voyages proposent des séjours confortables et sur
mesure. L’authenticité touristique est donc enjolivée puisqu’elle ne prend pas en compte
les aspects plus rudes du quotidien des populations locales. Le voyageur va pouvoir danser,
chanter, chasser ou encore cuisiner avec des autochtones, mais il n’en partagera pas la
rudesse du quotidien même si celle-ci correspond à la réalité des choses. Pour autant, les
consommateurs acceptent cette authenticité toute relative et même, ils en redemandent.
Consciemment donc, ils acceptent qu’on leur vende de l’authentique artificiel puisque cela
leur permet de rester dans leur zone de confort tout en sortant de leur quotidien et en
expérimentant des sensations nouvelles qui contribuent au développement de leur identité
propre. Dans cet exemple, le consommateur se fait le complice d’une authenticité factice et
en ce sens, il accepte qu’une marque ne réponde pas nécessairement aux critères objectifs*
de définition de l’authenticité. Ce comportement fait écho à l’analyse qu’Hannah Arendt
fait de la société moderne et de son rapport à la culture. Dans son ouvrage La Crise de la
culture67
, l’auteur développe l'idée selon laquelle on assiste à un appauvrissement de la
culture sous couvert de l'image authentique vendue par les distributeurs et qui correspond à
ce que recherchent les consommateurs. Pour illustrer son propos, elle donne l’exemple de
la vente de sous-produits culturels tels que les adaptations cinématographiques d'œuvres
littéraires ou encore leurs résumés en faisant croire au public qu'il a accès à un contenu en
tout point équivalent à l'œuvre originale.
66
DURAND Aurélie et JULLIEN Maude, Le marché des cosmétiques : une consommation de plus en plus
sacralisée, mémoire de recherche, ESCD 3A LYON et IDRAC LYON, 2011, 15 pages hors annexes. 67
ARENDT Hannah, La Crise de la culture, Gallimard, 31 décembre 1998, 380 pages.
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Finalement, le concept d’authenticité* est d’une réelle complexité et son côté factice
n’est pas le seul fruit de la volonté des marques*.
En réalité, les consommateurs eux-
mêmes peuvent être en recherche d’une authenticité artificielle dès lors que celle-ci est en
mesure de leur faire vivre des expériences riches en émotions agréables. La seule condition
pour que cela fonctionne est que le consommateur ne se sente pas trahi par une
communication mensongère ou des actions qui iraient à l’encontre de l’ADN de la
marque* comme cela a été le cas dans l’exemple d’Apple cité en première partie de ce
chapitre.
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
Diane Jolivet de Colomby
CONCLUSION
En début de ce mémoire, la question que nous nous posions était de savoir dans
quelle mesure l’authenticité* des marques
* peut être considérée comme un simple
argument marketing*. La réponse est d’envergure puisque l’authenticité marketing est un
concept complexe aux diverses facettes parfois contradictoires. Les définitions de ce terme
existent en grand nombre selon les différents auteurs ayant réfléchi sur le sujet. Une chose
est certaine en tout cas, c’est que la notion d’authenticité appliquée aux marques fait appel
à la fois à des critères objectifs* que sont l’autorité incontestable, l’origine indubitable et la
sincérité, et à des critères subjectifs* définis par le consommateur. Ainsi, n’est pas
authentique* qui veut et les marques communiquant sur leur authenticité ne sont pas
assurées d’être perçues et reconnues comme telles par les consommateurs. Le
consommateur occupe donc une place cruciale dans la définition de l’authenticité des
marques.
Or, chaque individu perçoit l’authenticité à travers le prisme de son passé et de ses
émotions, multipliant ainsi à l’infini les interprétations et variables entrant en ligne de
compte pour définir l’authenticité. Cela est d’autant plus vrai si l’on se place sur la scène
internationale et c’est ce qui explique le fait que le concept d’authenticité marketing ne soit
pas automatiquement exportable. Ce qui est perçu comme authentique dans un pays ne le
sera pas nécessairement dans un autre et cela souligne la relativité de ce concept volatil.
Néanmoins, à travers notre analyse, nous avons pu dégager des constantes
indissociables de la reconnaissance d’une marque authentique que nous adoptions un point
de vue objectif ou subjectif (celui du consommateur). Premièrement, le degré de sincérité
du discours émis par les marques est l’une des clefs d’une authenticité avérée.
Deuxièmement, pour s’assurer la fidélité des consommateurs, une marque authentique doit
elle-même veiller attentivement à rester fidèle à son ADN*, à ses valeurs d’origine. Enfin,
la marque authentique doit offrir aux consommateurs une expérience de consommation
agréable et unique en son genre. Ces trois piliers d’une authenticité marketing réussie
dénotent bien que ce concept n’est pas qu’un simple argument de vente mais qu’au
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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contraire, le consommateur contribue activement à son élaboration. Bien sûr, les marques
surfent sur la quête d’authenticité des consommateurs dans la mesure où elles répondent à
une réelle demande de la part de ces derniers. Pour répondre au besoin d’authenticité des
consommateurs, les marques ont recours à diverses pratiques, parmi lesquelles le
storytelling et la communication autour des valeurs qui fondent l’ADN de la marque
apparaissent comme incontournables. Mais cette authenticité revendiquée par les marques
ne serait pas perçue ni acceptée comme telle par le consommateur s’il n’y avait pas une
part de vrai. A ce sujet, on gardera pour maxime les mots de Pascal dans les Pensées: « Il
faut de l’agréable et du réel ; mais il faut que cet agréable soit lui-même pris du vrai (667-
25). L’éloquence est une peinture de la pensée ; et ainsi, ceux qui, après avoir peint,
ajoutent encore, font un tableau au lieu d’un portrait (578-26) ».
Pour rebondir sur cette citation, notons que le consommateur a une conscience
aiguë de la supercherie et une marque* ne saurait le tromper sans qu’il ne s’en rende
compte rapidement. Ce que le consommateur rejette par-dessus tout, c’est qu’il y ait un
décalage entre les valeurs affichées et la réalité. En revanche, il est prêt à reconnaître
l’authenticité* d’une marque ne répondant pas complètement aux critères objectifs
* de
l’authenticité lorsque celle-ci est en mesure de lui faire vivre une expérience de
consommation qui enrichisse sa personnalité et contribue à l’identification de son Moi
profond.
Si l’on pousse notre analyse encore plus loin, on observe même que les
consommateurs se font parfois les complices d’une authenticité artificielle. Si l’on prend le
cas du tourisme responsable notamment, le consommateur trouve confortable qu’on lui
vende une authenticité toute relative qui le préserve de pratiques locales pouvant le
choquer et troubler sa tranquillité. En ce sens, la quête d’authenticité est devenue un désir
narcissique du consommateur auquel les marques répondent sous formes diverses et
variées.
D’ailleurs, les outils de communication tout comme les moyens de production des
marques se voulant authentiques ne se doivent pas d’être immobiles dans le temps pour
conserver leur part d’authenticité. L’authentique* n’est pas une paralysie spatio-temporelle
et l’amalgame fait dans l’esprit des consommateurs entre tradition et authenticité est trop
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ISIT – Le concept d’authenticité appliqué aux marques – Sandrine Biard, Andrea Goulet,
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restrictif puisque même des marques récentes comme McDonald’s peuvent être perçues
comme authentiques. L’authenticité marketing, c’est avant tout un savant mélange entre
tradition et innovation d’une part et ancienneté et modernité d’autre part.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les marques font de plus en plus appel à des
experts pour définir et mettre en œuvre leurs stratégies marketing* et de communication.
Notre ère n’est en effet plus à la vente pure et simple de produits mais à l’expérience de
consommation dans ce qu’elle comporte d’émotionnel et de symbolique.
68/75
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- Journées particulières LVMH, 15 et 16 octobre 2011 :
http://www.lesjourneesparticulieres.fr/ateliers-d-asnieres-louis-vuitton-asnieres.php
- KitKat : http://www.kitkat.fr/
- TEDx Paris : Intervention d'Elisabeth Laville à la conférence TEDxParis 2011,
http://www.tedxparis.com/elizabeth-laville-linnovation-nouvelle-frontiere-du-
developpement-durable
- Telerama.fr : http://television.telerama.fr/television/l-amour-est-dans-le-pre-une-
authenticite-tres-fabriquee,83768.php
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TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS .......................................................................................................................................... 1
TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS ............................................................................................................ 2
GLOSSAIRE .................................................................................................................................................... 3
SYNTHESE...................................................................................................................................................... 7
SOMMAIRE ................................................................................................................................................... 9
INTRODUCTION........................................................................................................................................... 10
CHAPITRE I : QU’EST-CE QU’UNE MARQUE AUTHENTIQUE ? ...................................................................... 13
1. LES CRITERES OBJECTIFS DE DEFINITION DE LA MARQUE AUTHENTIQUE ............................................................. 13
2. LE ROLE DU CONSOMMATEUR : L’AUTHENTICITE PERÇUE ET RECONNUE DE LA MARQUE ....................................... 18
3. L’AUTHENTICITE COMME BESOIN DU CONSOMMATEUR : ANALYSE DES ATTENTES DU CONSOMMATEUR ................... 25
Besoin 1 : Besoin de vérité et d’honnêteté .............................................................................................................29
Besoin 2 : Besoin de croire.......................................................................................................................................30
Besoin 3 : besoin d’affirmation de soi et d’identification du Moi ..........................................................................32
Besoin 4 : besoin d’un ancrage dans le passé .........................................................................................................33
CHAPITRE II : LA RELATIVITE DU CONCEPT D’AUTHENTICITE APPLIQUE AUX MARQUES ............................ 35
1. L’AUTHENTICITE DES MARQUES, UN CONCEPT EXPORTABLE ? ........................................................................ 35
2. L’AUTHENTICITE, COMPATIBLE AVEC LA MODERNITE ? ................................................................................. 39
3. LES PRATIQUES DES GESTIONNAIRES DES MARQUES ..................................................................................... 43
a) Les valeurs ................................................................................................................................ 43
b) Le storytelling ........................................................................................................................... 46
CHAPITRE III : LES LIMITES DE L’AUTHENTICITE COMME SIMPLE ARGUMENT MARKETING ....................... 51
1. LES DERIVES D’UNE COMMUNICATION MAL MAITRISEE ................................................................................ 51
2. QUELLES CONSEQUENCES POUR LES MARQUES ? LA QUESTION DE LA DURABILITE .............................................. 58
a) Une fidélité aux valeurs d’origine exigée par les consommateurs .............................................. 58
b) Une authenticité factice désirée ? ............................................................................................. 61
CONCLUSION .............................................................................................................................................. 65
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................... 68
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Articles ...........................................................................................................................................................68
Dictionnaire ...................................................................................................................................................70
Emission de radio ..........................................................................................................................................71
Magazine .......................................................................................................................................................71
Mémoire de recherche .................................................................................................................................71
Ouvrages ........................................................................................................................................................71
Projets de recherche appliquée et études de cas ........................................................................................72
Sites Internet .................................................................................................................................................72
TABLE DES MATIERES .................................................................................................................................. 74
Sandrine BIARD
Andrea GOULET
Diane JOLIVET de COLOMBY
Le concept d’authenticité appliqué aux marques
RESUME : L’authenticité apparaît aujourd’hui comme un outil stratégique majeur pour
les marques. C’est pourquoi ce mémoire de recherche apporte une réflexion approfondie
sur le concept d’authenticité appliqué aux marques et vise à définir dans quelle mesure
l’authenticité mise en avant par les marques peut être considéré comme un simple
argument marketing. Il définit dans un premier temps la marque authentique et souligne
l’importance du rôle joué par le consommateur dans l’authenticité des marques. Il précise
ensuite la relativité du concept d’authenticité appliqué aux marques en s’interrogeant sur
son universalité, son lien avec la modernité et en questionnant les pratiques des
gestionnaires des marques. Enfin, il montre l’importance d’une communication maîtrisée
afin de mieux mettre en relief l’importance du degré de sincérité dans le discours des
marques se revendiquant comme authentiques et le rôle joué par le consommateur dans
l’affirmation de la marque authentique.
Mots clés : ADN de marque, authenticité, communication, consommateur, image de
marque, marketing, marketing expérientiel, marque, marque authentique, objectif,
sincérité, storytelling, subjectif, valeurs.
Key words: Authentic brand, authenticity, brand, brand DNA, brand image,
communication, consumer, experiential marketing, marketing, objective, sincerity,
storytelling, subjective, values.