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V oici maintenant 6 ans que le cours de l'histoire a basculé, après qu'un vendeur ambulant, dans un geste de désespoir extrême, déclenchait sans le savoir la Révolution tunisienne. A lui et à tous les martyrs, nous sommes et resteront redevables et obligés. Les témoignages qui se succèdent lors des séances publiques de l'instance vérité et dignité, institution quoique entachée de soupçons de règlements de comptes politiques, ne font aucun doute, la Tunisie aura été pendant des décennies une dictature impitoyable, au service d'un seul homme et ses accolytes. S'il est incontestable que la liberté d'expression est (nous l'espérons) définitivement instaurée, il n'en n'est rien des revendications de justice sociale, on constate même que la situation a empiré. Depuis 2011, les gouvernements se sont succédés, mais la vision n'a pas évolué d'un pouce. Les pseudo plans Marshall sont annoncés à grand renfort de communication, mais, pour la petite part effectivement engagée, ils ne font que consacrer les inégalités territoriales. Par manque de courage politique, aucun gouvernement ne se sera engagé dans une réforme profonde de notre système fiscal, générateur d'inégalités et objet d'une fraude massive. Au lieu de ça, l'on préfère emprunter à l'extérieur, quitte à se soumettre à la tutelle du FMI, et renoncer de fait à une part de notre souveraineté. A cela s'ajoute un pan entier de nos institutions qui est reste figé, à savoir le secteur de la justice, entre principes constitutionnels non transposés en lois, ou lois moyenageuses héritées entre autres du célèbre mais dépassé Code du Statut Personnel, et un personnel de la justice anciennement aux ordres du RCD, aujourd'hui noyauté par Ennahdha et ses alliés. C'est l'objet de notre article principal. Bonne lecture ! R écemment, la justice a donné son feu vert au mariage d'une mineure, enceinte de son violeur. Même si la relation a pu être consentie, il s’agit bien d’un viol dans la mesure où ce rapport sexuel concerne une mineure de moins de 13 ans. Mais selon le même code pénal – ce qui n’est pas le moindre de ses paradoxes – le mariage de la victime avec son violeur (tel que défini par la loi) efface le crime si tant est qu’il est accepté par la famille ! Bien évidemment,de nombreuses organisations de la société civile et la plupart des partis politiques progressistes ont exprimé leur indignation face à la rémanence de tels « arrangements ». Qui en disent long sur la persistance d’archaïsmes qui font peu de cas de la protection de l’enfance et du droit des femmes à disposer de leurs corps dans une société où la notion « d’honneur familial» prime avec la complicité du législateur - sur toute autre considération. A cet égard, un projet de loi concernant les violences faites aux femmes, élaboré en 2014, attend toujours d'être examiné au Parlement. De même, il n’est pas vraiment question de revenir sur l’héritage inéquitable qui pénalise les femmes alors même que dans la Tunisie « moderne », elles sont supposées avoir les mêmes droits que leurs alter egos masculins !En revanche, la criminalisation de l’homosexualité (entre adultes consentants) reste, elle, d’actualité. Le président de la République lui-même - avec l’assentiment des conservateurs islamistes avec qui il a choisi de faire alliance - a opposé une fin de non- recevoir à toute révision de cette loi. Plus globalement, il existe un décalage de plus en plus grand entre les préconisations de la Constitution de 2014 et le code pénal qui date pour certaines de ses dispositions d’avant l’indépendance et pour d’autres de la dictature. C’est ainsi que l’on continue à criminaliser l’usage du cannabis avec pour corollaire un encombrement des prisons par nombre de jeunes dont le seul crime est d’avoir eu recours à la « zatla » pour leur consommation personnelle en dehors de tout trafic, dans la plupart des cas. N’était-ce pas là l’arme si souvent utilisée par le régime de Ben Ali pour mater une jeunesse considérée comme dangereuse ? Près de 6 ans après la chute de ce régime, cette pratique liberticide n’a pas cessé. A l’inverse, la lutte contre la corruption ou l’évasion fiscale patine au point que ces fléaux qui paupérisent le pays et continuent d’enrichir des criminels « à col blanc », ne se sont jamais aussi bien portés. C’est ainsi que la justice tunisienne donne le sentiment d’être dure avec les « faibles » et complaisante avec les « forts ». En définitive, il semble urgent de revoir l’ensemble de notre législation Justice : le grand écart En définitive, il semble urgent de revoir l’ensemble de notre législation pénale pour la mettre en conformité avec notre Loi Fondamentale Travail - Liberté - Justice sociale Le bulletin d'Al-Qotb France NUMÉRO 18 Décembre 2016 Editorial

Bulletin Al Qotb France - N°18- décembre 2016

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Voici maintenant 6 ans que le cours del'histoire a basculé, après qu'un

vendeur ambulant, dans un geste dedésespoir extrême, déclenchait sans lesavoir la Révolution tunisienne. A lui et àtous les martyrs, nous sommes et resterontredevables et obligés. Les témoignages quise succèdent lors des séances publiquesde l'instance vérité et dignité, institutionquoique entachée de soupçons derèglements de comptes politiques, ne fontaucun doute, la Tunisie aura été pendantdes décennies une dictature impitoyable,au service d'un seul homme et sesaccolytes.

S'il est incontestable que la libertéd'expression est (nous l'espérons)définitivement instaurée, il n'en n'est riendes revendications de justice sociale, onconstate même que la situation a empiré.

Depuis 2011, les gouvernements se sontsuccédés, mais la vision n'a pas évoluéd'un pouce.Les pseudo plans Marshall sont annoncésà grand renfort de communication, mais,pour la petite part effectivement engagée,ils ne font que consacrer les inégalitésterritoriales.Par manque de courage politique, aucungouvernement ne se sera engagé dansune réforme profonde de notre systèmefiscal, générateur d'inégalités et objetd'une fraude massive. Au lieu de ça, l'onpréfère emprunter à l'extérieur, quitte à sesoumettre à la tutelle du FMI, et renoncerde fait à une part de notre souveraineté.

A cela s'ajoute un pan entier de nosinstitutions qui est reste figé, à savoir lesecteur de la justice, entre principesconstitutionnels non transposés en lois, oulois moyenageuses héritées entre autresdu célèbre mais dépassé Code du StatutPersonnel, et un personnel de la justiceanciennement aux ordres du RCD,aujourd'hui noyauté par Ennahdha et sesalliés. C'est l'objet de notre article principal.Bonne lecture !

Récemment, la justice a donnéson feu vert au mariage

d'une mineure, enceinte de sonvioleur. Même si la relation a puêtre consentie, il s’agit bien d’unviol dans la mesure où ce rapportsexuel concerne une mineure demoins de 13 ans. Mais selon lemême code pénal – ce qui n’estpas le moindre de ses paradoxes– le mariage de la victime avecson violeur (tel que défini par laloi) efface le crime si tant est qu’ilest accepté par la famille ! Bienévidemment,de nombreusesorganisations de la société civileet la plupart des partis politiquesprogressistes ont exprimé leurindignation face à la rémanencede tels « arrangements ». Qui endisent long sur la persistanced’archaïsmes qui font peu de casde la protection de l’enfance etdu droit des femmes à disposerde leurs corps dans une sociétéoù la notion « d’honneur familial»prime – avec la complicité dulégislateur - sur toute autreconsidération.

A cet égard,un projet deloi concernantles violencesfaites auxfemmes,élaboré en2014, attendtoujoursd'êtreexaminé auParlement. Demême, il n’est pas vraiment questionde revenir sur l’héritage inéquitablequi pénalise les femmes alors mêmeque dans la Tunisie « moderne », ellessont supposées avoir les mêmes droitsque leurs alter egos masculins !Enrevanche, la criminalisation de

l’homosexualité (entre adultesconsentants) reste, elle, d’actualité. Leprésident de la République lui-même -avec l’assentiment des conservateursislamistes avec qui il a choisi de fairealliance - a opposé une fin de non-recevoir à toute révision de cette loi.

Plus globalement, il existe un décalagede plus en plus grand entre lespréconisations de la Constitution de2014 et le code pénal qui date pourcertaines de ses dispositions d’avantl’indépendance et pour d’autres de ladictature. C’est ainsi que l’on continueà criminaliser l’usage du cannabisavec pour corollaire unencombrement des prisons parnombre de jeunes dont le seul crimeest d’avoir eu recours à la « zatla »pour leur consommation personnelleen dehors de tout trafic, dans laplupart des cas. N’était-ce pas là l’armesi souvent utilisée par le régime deBen Ali pour mater une jeunesseconsidérée comme dangereuse ? Prèsde 6 ans après la chute de ce régime,cette pratique liberticide n’a pas cessé.A l’inverse, la lutte contre la

corruptionou l’évasionfiscale patineau point queces fléaux quipaupérisentle pays etcontinuentd’enrichir descriminels « àcol blanc »,ne se sontjamais aussi

bien portés. C’est ainsi que la justicetunisienne donne le sentiment d’êtredure avec les « faibles » etcomplaisante avec les « forts ».

En définitive, il semble urgent derevoir l’ensemble de notre législation

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Justice : le grand écart

En définitive, il semble urgent de revoir l’ensemblede notre législation pénale pour la mettre enconformité avec notre Loi Fondamentale

Travail - Liberté - Justice sociale

Le bulletin d'Al-Qotb FranceNUMÉRO 18

Décembre 2016

Editorial

Page 2: Bulletin Al Qotb France - N°18- décembre 2016

pénale pour la mettre en conformitéavec notre Loi Fondamentale, c’est-à-dire avec notre Constitution, saluéecomme progressiste lors de sapromulgation. Sauf que cetteévidence se heurte à une absencetout aussi évidente de volontépolitique.

Militer pour une révision complète deslois liberticides et pour une réformeglobale de la justice (très largementinfiltrée par des magistratsconservateurs) n’est effectivement pas

une entreprise facile dans le contextequi est le nôtre.Pour autant, Al-Qotbne lâche rien et a très souvent été enpointe sur ces questions avec nombred’acteurs de la société civile. Cecombat-là n’est nullementindissociable de celui en faveur de lajustice sociale. Mieux : il s’agit de lamême exigence pour notre pays : cellede la dignité ! N’était-ce pas l’un desmots d’ordre de la Révolution ? Il estplus que jamais d’actualité.

Désenchantement : perte d’une illusion,déception dans une attente, dit ledictionnaire. C’est l’impression qui dominedans la société tunisienne et en particulierchez sa jeunesse, près de 6 ans après la chutedu régime de Ben Ali. Il est vrai que lasituation du pays n’est pas réjouissante :corruption endémique (qui tend à s’accroitre),persistance d’un chômage très préoccupant,pauvreté et inégalités croissantes ; le tableauest sombre. Pour autant, seuls les amnésiques(ou les profiteurs de l’ancien système) ont «oublié » ce qu’était le pays avant la Révolution: une carte postale pour l’étranger et unbagne à ciel ouvert pour les Tunisiens,interdits de parole, exploités par des clansmafieux gravitant autour du pouvoir. Il faudrabeaucoup de temps pour réparer ces infamies.Mais cela n’exonère en rien la responsabilitédes « gouvernants » qui se sont succédédepuis janvier 2011. Ni même celle de leursopposants, dont nous faisons partie. Lesconservateurs de tout acabit tentent degarder la haute main sur le pays et fontpreuve d’incompétence et de duplicité (aumieux). Quant à l’opposition, elle s’épuisedans des combats internes d’un autre tempssur fond de règlements de comptespersonnels et de batailles d’égos, sans oublierqu’elle néglige trop souvent de s’appliquer lesrègles d’un fonctionnement démocratiquequ’elle préconise pourtant pour le pays. Bref,oui, de quoi être désenchanté ! Maisdésespéré, sûrement pas ! Les motifs d’y croireexistent : une liberté de parole retrouvée, unesociété civile bouillonnante et même despolitiques honnêtes et déterminés, pour peuqu’ils acceptent de se mettre au service ducollectif et qu’ils travaillent à une alternativecrédible. Pourquoi ? Pour une Tunisiemeilleure, plus juste et plus libre. Un vœupieu ? Non un combat de chaque instant !

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Alep : symbole d’une Syrie dévastée

Alep est donc « tombée ». Certains s’en réjouiront car c’était «ça » ou bien « les terroristes » puisque désormais chacun a lessiens…Ce qu’il faut dire d’abord, c’est que cette guerre esteffroyable, qu’elle a enfanté des monstres et qu’elle a dévastéun pays ! Comme toutes les guerres, diront les blasés del’humanité. De l’humanité, parlons-en : parlons de cesfemmes, de ces hommes, de ces enfants qui ont subi dessemaines de bombardement avec leurs cortèges dedestructions et de morts, qui ont subi l’exil et le rejet del’Occident barricadé, qui ont espéré se débarrasser d’undictateur et qui se sont retrouvés pris en étau entre un régimeimpitoyable et des opposants de plus en plus dominés par lescriminels de Daech. A cette humanité-là, nous devonscompassion et secours car que reste-t-il d’autre quand toutn’est plus que ruines et désolation ? C’est bien le moins, enattendant une longue, douloureuse mais si nécessairereconstruction. Un jour viendra…

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