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V oici donc que s'ouvre une période pleine d'interrogations avec l'élection de Donald Trump aux présidentielles américaines. Triomphe du populisme, de la xénophobie, de la stigmatisation des immigrés, des musulmans, des homosexuels... La victoire est bien là, même s'il faut nuancer son ampleur; en effet le système électoral américain, au suffrage indirect, permet à Trump de remporter l'élection tout en ayant recueilli moins de voix que sa rivale. Toutefois le voilà pour au moins 4 ans aux commandes d'un État qui veut faire la pluie et le beau temps partout dans le monde. Ce qui est marquant dans cette élection, et qui n'est pas une exclusivité, c'est l'impact du discours de rejet des hommes et femmes politiques auprès d'une grande partie de la population, notamment les plus fragiles, les déclassés, qui les accusent de favoriser à leur détriment ceux qui vivent dans des conditions encore plus difficiles. Discours au passage porté par un milliardaire qui a tout fait pour se détourner de ses obligations fiscales... En Tunisie, nous avons aussi -toutes proportions gardées- des self made men (ou qui se présentent comme tels), qui esquivent les impôts, et tentent leurs chances en politique en usant de ressorts populistes. Il faut noter également la grande déception des tunisiens envers leur classe politique, qui dans sa majorité est prête à faire fi de ses engagements et principes pour peu que l'intérêt personnel soit en jeu. Aujourd'hui le discours et l'action politique doivent changer. Outre la pédagogie, l'explication, l'interpellation de l'intelligence des gens, ce à quoi Al Qotb s'attache à promouvoir dans la limite de ses moyens, il y a une piste très intéressante qui s'est ouverte en Tunisie, avec l'explosion de la société civile. Celle-ci est extrêmement dynamique depuis la révolution, et un lien de confiance réciproque doit s'établir entre organisations politiques et associations. C'est l'objet de notre article principal. Bonne lecture ! L e développement de la société civile en Tunisie avant la chute du régime de Ben Ali avec un caractère « militant » mais surtout après avec un caractère « marqué pour le développement » est sans doute un trait marquant de la Tunisie d’aujourd’hui. En effet, le nombre d’associations a explosé sur les cinq dernières années. Il est passé de 9000 à environ 20000 associations entre 2010 et 2016. Paradoxalement, le nombre de militants et plus particulièrement de sympathisants dans les partis politiques est en baisse constante. S’agit-il d’un retrait par rapport au politique voire même d’une méfiance? Du fait de cette perte de confiance, les associations doivent-elles suppléer des partis politiques affaiblis ou n’ayant pas de présence réelle sur le terrain ? La réponse est non. Une vision partielle et partiale de certains partis politiques essentiellement de droite a tendance à considérer la société civile comme le bras droit de leurs ambitions et intérêts politiques. Il y a une conception utilitariste au pire (ou « charitable » au mieux) qui conçoit le travail de la société civile comme un ensemble d’actions envers des personnes vulnérables afin de rallier et faire adhérer à leurs causes, surtout en période électorale. Cette pratique largement utilisée notamment par des partis d’obédience religieuse s’apparente bien évidemment à du clientélisme. Une autre conception de la société civile qui tend à se développer actuellement et qui est encouragée par certaines ONG internationales et par des courants politiques néo libéraux tend à favoriser des actions spécifiques pour pallier aux failles de l’Etat-providence et, de fait, vise à réduire le rôle de celui-ci dans certains secteurs stratégiques comme la santé et l’éducation. Une vision en contradiction avec la perspective d’Antonio Gramsci, qui considère la société civile comme l’espace social situé entre et le marché et l’État mais en aucune manière un prétexte pour exonérer les pouvoirs publics de leurs obligations vis-à-vis des citoyens. Cette société civile-là se réunit chaque année à Davos, entre autres lieux huppés. Reste une troisième vision dite citoyenne qui envisage la société civile comme un lieu complexe de luttes sociales. Une société civile composée d’associations, groupements, organisations sociales, culturelles, politiques et syndicales qui agissent pour réduire les inégalités. Cette société civile se réunit à Porto Alegre et prend part aux actions du forum social mondial (FSM) et autres causes internationales liées au développement, à l’environnement et à une justice sociale globale. La société civile non inféodée au pouvoir politique se caractérise ainsi par plusieurs points communs : un retrait par rapport au politique, même si elle est en interaction avec lui (comme dans le cas de Jemna, par exemple), un rôle majeur auprès de certaines catégories de personnes (associations de femmes, associations de chômeurs dans certaines régions, défense des minorités…), une mobilisation autour d’un objectif ou d’une cause bien identifiés. Comment les partis politiques de gauche en Tunisie peuvent-ils créer une synergie et renforcer le rôle de la société civile sans chercher à l’instrumentaliser ? D’abord, en prenant conscience que Société civile et partis politiques : une relation complexe Construire des convergences afin d’édifier un nouveau rapport de force Travail - Liberté - Justice sociale Le bulletin d'Al-Qotb France NUMÉRO 17 Novembre 2016 Editorial

Bulletin du parti Al Qotb - numéro 17 - novembre 2016

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Voici donc que s'ouvre une périodepleine d'interrogations avec l'élection

de Donald Trump aux présidentiellesaméricaines. Triomphe du populisme, de laxénophobie, de la stigmatisation desimmigrés, des musulmans, deshomosexuels... La victoire est bien là,même s'il faut nuancer son ampleur; eneffet le système électoral américain, ausuffrage indirect, permet à Trump deremporter l'élection tout en ayant recueillimoins de voix que sa rivale. Toutefois levoilà pour au moins 4 ans aux commandesd'un État qui veut faire la pluie et le beautemps partout dans le monde.

Ce qui est marquant dans cette élection, etqui n'est pas une exclusivité, c'est l'impactdu discours de rejet des hommes etfemmes politiques auprès d'une grandepartie de la population, notamment lesplus fragiles, les déclassés, qui les accusentde favoriser à leur détriment ceux quivivent dans des conditions encore plusdifficiles. Discours au passage porté par unmilliardaire qui a tout fait pour sedétourner de ses obligations fiscales...En Tunisie, nous avons aussi -toutesproportions gardées- des self made men(ou qui se présentent comme tels), quiesquivent les impôts, et tentent leurschances en politique en usant de ressortspopulistes. Il faut noter également lagrande déception des tunisiens enversleur classe politique, qui dans sa majoritéest prête à faire fi de ses engagements etprincipes pour peu que l'intérêt personnelsoit en jeu.

Aujourd'hui le discours et l'action politiquedoivent changer. Outre la pédagogie,l'explication, l'interpellation del'intelligence des gens, ce à quoi Al Qotbs'attache à promouvoir dans la limite deses moyens, il y a une piste trèsintéressante qui s'est ouverte en Tunisie,avec l'explosion de la société civile. Celle-ciest extrêmement dynamique depuis larévolution, et un lien de confianceréciproque doit s'établir entreorganisations politiques et associations.C'est l'objet de notre article principal.Bonne lecture !

Le développement de la sociétécivile en Tunisie avant la

chute du régime de Ben Ali avecun caractère « militant » maissurtout après avec un caractère «marqué pour le développement »est sans doute un trait marquantde la Tunisie d’aujourd’hui. Eneffet, le nombre d’associations aexplosé sur les cinq dernièresannées. Il est passé de 9000 àenviron 20000 associations entre2010 et 2016.

Paradoxalement, le nombre demilitants et plus particulièrement desympathisants dans les partispolitiques est en baisse constante.S’agit-il d’un retrait par rapport aupolitique voire même d’une méfiance?Du fait de cette perte de confiance, lesassociations doivent-elles suppléer despartis politiques affaiblis ou n’ayantpas de présence réelle sur le terrain ?La réponse est non.Une vision partielle et partiale decertains partis politiquesessentiellement de droite a tendanceà considérer la société civile comme lebras droit de leurs ambitions etintérêtspolitiques. Il y alà uneconceptionutilitariste aupire (ou «charitable » aumieux) quiconçoit le travailde la sociétécivile comme unensembled’actions enversdes personnesvulnérables afinde rallier et faire adhérer à leurscauses, surtout en période électorale.Cette pratique – largement utiliséenotamment par des partisd’obédience religieuse s’apparentebien évidemment à du clientélisme.Une autre conception de la sociétécivile qui tend à se développeractuellement et qui est encouragéepar certaines ONG internationales etpar des courants politiques néolibéraux tend à favoriser des actions

spécifiques pour pallier aux failles del’Etat-providence et, de fait, vise àréduire le rôle de celui-ci dans certainssecteurs stratégiques comme la santéet l’éducation. Une vision encontradiction avec la perspectived’Antonio Gramsci, qui considère lasociété civile comme l’espace socialsitué entre et le marché et l’État maisen aucune manière un prétexte pourexonérer les pouvoirs publics de leursobligations vis-à-vis des citoyens. Cettesociété civile-là se réunit chaqueannée à Davos, entre autres lieuxhuppés.Reste une troisième vision ditecitoyenne qui envisage la société civilecomme un lieu complexe de luttessociales. Une société civile composéed’associations, groupements,organisations sociales, culturelles,politiques et syndicales qui agissentpour réduire les inégalités. Cettesociété civile se réunit à Porto Alegreet prend part aux actions du forumsocial mondial (FSM) et autres causesinternationales liées audéveloppement, à l’environnement età une justice sociale globale.La société civile non inféodée au

pouvoir politiquese caractériseainsi parplusieurs pointscommuns : unretrait parrapport aupolitique, mêmesi elle est eninteraction aveclui (comme dansle cas de Jemna,par exemple), unrôle majeurauprès de

certaines catégories de personnes(associations de femmes, associationsde chômeurs dans certaines régions,défense des minorités…), unemobilisation autour d’un objectif oud’une cause bien identifiés.Comment les partis politiques degauche en Tunisie peuvent-ils créerune synergie et renforcer le rôle de lasociété civile sans chercher àl’instrumentaliser ?D’abord, en prenant conscience que

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Société civile et partis politiques : une relation complexe

Construire des convergences afin d’édifierun nouveau rapport de force

Travail - Liberté - Justice sociale

Le bulletin d'Al-Qotb FranceNUMÉRO 17

Novembre 2016

Editorial

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la société civile est un instrument dedémocratisation et de renforcementde la citoyenneté qui incite à laparticipation et à l’engagement.Ensuite, en donnant envie des’engager en proposant desprogrammes politiques qui tiennentcompte de cette parole citoyenne sanscomplaisance ni volonté derécupération mais pour qu’elle puisseavoir un écho et une traductionpolitique concrète. Enfin, en faisant ensorte qu’au sein des partis politiques,les militants aient leur mot à dire : cequi suppose plus de démocratieinterne, plus de présence sur le terrainet une organisation plus ouverte avecdavantage de renouvellement etmoins de verrouillage des appareils.Al-Qotb a inscrit sa démarche danscette optique. En organisantrégulièrement des cercles débatsouverts à tous (voir notre Zoom), ens’impliquant dans des initiatives

internationales de rencontre avecd’autres mouvements de gauche(partis et associations), en soutenant –souvent à contre-courant de « lapensée » dominante –le changementde la loi sur l’usage du cannabis, ladépénalisation de l’homosexualité ouencore le partage équitable del’héritage entre les femmes et leshommes, entre autres combats menésde longue date par la société civile.C’est ainsi que l’on pourra construiredes convergences, afin d’édifier unnouveau rapport de force. Chacundans son rôle et en toute liberté, c’estdans cette synergie intelligente quesociété civile et gauche politiquepeuvent parvenir à réaliser leursobjectifs communs : plus de libertés,de justice sociale et de dignité. N’est-ce pas là précisément les exigences dela Révolution de décembre 2010 -janvier 2011 ?

Les cercles débats d’Al-Qotb reprennent, ce quiconstitue une excellente nouvelle. En effet, tropsouvent, les partis politiques envoient untel à latélévision ou à la radio pour réagir sur un sujetd’actualité donné ou commettent descommuniqués de presse plus ou moinspertinents (et plus ou moins lus) pour prendreposition quand ils ne se contentent pas deservir de tremplins à telle ou telle ambitionpersonnelle. Ni l’utilisation des médias pourfaire entendre sa voix ni même l’ambition(quand elle sert l’intérêt général, ce qui est loind’être toujours le cas malheureusement) nesont critiquables en tant que telles. Ce qui l’est,c’est de ne pas jouer pleinement son rôle departi en ne donnant pas la parole aux militants,en ne prenant pas la peine de les consulterdémocratiquement et c’est aussi en nesuscitant pas le débat pourtant nécessaire poursortir notre pays de l’impasse dans laquelle il setrouve. Loin de nous l’idée qu’Al-Qotb seraitexemplaire en tous points mais force est deconstater qu’il reste un des rares, si ce n’est leseul parti politique à organiser des débatsouverts à tous, à agiter des idées (parfois àcontre-courant de « la pensée » dominante), ensomme à éclairer les enjeux et à proposer dessolutions. En l’occurrence, le cercle qui a eu lieuce mois-ci à Tunis a traité de l’économie socialeet solidaire afin de définir sa place dans unmodèle de développement alternatif. C’esteffectivement une question essentielle quenous avons-nous-même abordé à plusieursoccasions dans ce bulletin. D’autres débatssuivront : nous nous en félicitons d’ores et déjàcar c’est ainsi que nous intéresserons lescitoyens à la politique qui n’est autre qu’unmoyen d’agir sur son quotidien et de prendreen mains sa destinée. De tout le reste, lesTunisiens sont lassés.

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NUMÉRO 10 - MARS 2015Le bulletin d'Al-JabhaFront Populaire de Tunisie - Coordination Ile de FranceLe bulletin d'Al-Qotb France NUMÉRO 17

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L’(in) justice dans tous ses états

Le verdict de non-lieu (en première instance) dans l’affaire dulynchage de Lotfi Nagdh a suscité la colère et la consternation.Colère en raison d’un flagrant déni de justice. Consternation car unenouvelle fois le peuple tunisien a eu le sentiment que bon nombrede magistrats agissaient « sur ordres » et que la justice de notre paysétait décidément gravement malade. Au même moment, l’instancevérité et dignité (IVD) commençait ses audiences publiques desvictimes de la répression (celle connue sous Bourguiba et Ben Ali etjusqu’en 2013). Au-delà des controverses concernant l’IVD, ladémarche est indispensable : sans elle, il n’y aura ni réparation, nidignité ni réconciliation. Il est de notoriété publique que le pouvoiren place a tout fait pour l’empêcher ou la freiner. Sans doute que le« recyclage » à grande échelle de corrompus, corrupteurs etcoupables de cette même répression explique-t-il cette attitude.Raison supplémentaire pour que l’IVD, malgré ses insuffisances, ailleau bout de sa démarche.

Fiche d’adhésion / Soutien à Al-Qotb FrancePour adhérer et/ou soutenir Al-Qotb, merci de nous adresser par mail à l'adresse suivante contact.france@al-

qotb.com ou par un message sur notre page facebook facebook.com/AlQotbFrance, les informations suivantes ;nous vous contacterons dès réception. Merci!

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