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Benjamin Bakouch L3 Science Politique 11295645 Méthodologie

Jeunes et rapports au politique

Entretien avec Mathilde, 22 ans, étudiante en 4ème année de chirurgie dentaire à Paris Bonjour, Mathilde ! Merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions. Pourrais-tu te présenter en quelques mots ? Ce n’est pas facile, car je suis très timide… Bon, je m’appelle Mathilde ; j’ai 22 ans ; je viens d’un milieu plutôt favorisé, mais sans plus : mes parents sont salariés et ont simplement su gérer normalement leur budget, comme la plupart des gens ; je suis fille unique ; j’habite à Paris et je suis étudiante en 4ème année de chirurgie dentaire. Les études sont très importantes pour moi. Peux-tu alors me parler de ta scolarité ? Je l’ai suivie en grande banlieue, à Marly-le-Roi, une petite ville située entre Versailles et Saint-Germain-en-Laye, dans les Yvelines. J’ai obtenu un Bac S en 2008. Après, je me suis inscrite en première année de médecine à Paris V – Descartes. Je l’ai ratée une première fois. La seconde fois, j’ai eu le choix entre médecine et dentaire. J’ai opté pour dentaire parce que j’ai pensé que, tout en pratiquant un métier médical, les chirurgiens-dentistes avaient une meilleure qualité de vie que les médecins ! Tu as dit que tu habites à Paris. Tu as ton appartement ? J’habite toute seule, même si je rentre de temps en temps le week-end voir mes parents, parce que c’est à une heure de Paris ; ça me permet de décompresser un peu. A Paris, j’habite le 6ème arrondissement. Donc un super quartier, surtout pour les jeunes, les étudiants ! Mais je n’ai pas mon appartement : je suis dans un foyer ; j’ai une chambre d’environ 15 m2. Donc je n’ai pas une indépendance totale. L’année prochaine, je voudrai avoir mon propre appartement sur Paris ; je cherche déjà un logement ; ça me fait peur, car c’est pas facile à trouver et c’est hyper cher ! En tant que jeune, se loger, c’est un peu la galère. Quand on fait des études longues, on est encore dépendant de nos parents… Aujourd’hui, tu es en 4ème année de chirurgie dentaire. Tu as 22 ans. Quand tu regardes en arrière, dirais-tu que, tout compte fait, ta jeunesse a été heureuse ? Alors, ma jeunesse, c’est une période que je n’ai pas trop, trop aimée… Je n’ai pas aimé mon enfance. Je me suis ennuyée. Je n’ai pas trop aimé ma jeunesse non plus. J’ai l’impression d’avoir passé mon temps à travailler… En fait, je crois que si je n’ai pas aimé cette période, c’est parce qu’on ne prend pas trop sa vie en main. Moi, j’étais assez solitaire, indépendante, un peu atypique finalement. A 18 ans, j ai quitté la petite ville où j’habitais ; il ne se passait pas grand-chose…

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J’ai choisi médecine, puis dentaire, parce que je n’avais pas envie d’être assise toute la journée dans un bureau. Dans la voie que j’ai choisie, il y a beaucoup de contacts humains. Quand je suis venue sur Paris, j ai beaucoup bossé, travaillé pendant les deux années de médecine. Depuis que je suis arrivé en dentaire, ça va mieux. Je peux m’adonner aux activités communes à tous les jeunes : aller au ciné, sortir, de temps en temps un resto… J’ai découvert de nouvelles personnes ; ça a été un peu la révélation parce que les gens n’avaient pas de mauvais a priori ; ils avaient un regard neutre… Tu dis que, pendant ton adolescence et même après, tu avais l’impression d’avoir passé ton temps à travailler… Oui, je suis une grosse bosseuse ; c’est plutôt ça qui a fait que j’ai plutôt pas mal réussi dans les études. Je suis une grosse « cravacheuse » ! Même pour le bac, j ai beaucoup travaillé… Mais, revers de la médaille : je suis trop perfectionniste. Ça va un peu mieux maintenant ; j’ai pris du recul et du détachement. Je me rends compte aujourd’hui que je passais trop de temps sur des choses inutiles ; et que je travaillais trop au collège et au lycée ! Comment vois-tu l’avenir ? Quelles sont tes perspectives d’emploi ? J’ai choisi une voie où il n’y aura pas de problème à trouver du travail. On est en manque de dentiste, donc normalement j aurai pas trop de souci niveau travail. Après, je ne sais pas. Je fais de la chirurgie dentaire ; mais, pourquoi ne pas faire un peu d’enseignement, pour varier les activités ? De manière générale, quelle devrait être la place du travail dans notre société ? Pour moi, le travail, c’est ce qui nous permet d’acquérir un statut social. S’il est assez intéressant, on nous respecte dans la société. Quand on dit « je suis dentiste », normalement, ça nous permet d’acquérir un certain respect auprès des concitoyens. On acquiert le respect par le travail dans cette société. La place sociale du travail ? C’est un petit peu compliqué Pour moi à définir. Disons, l’autonomie ; oui, le travail nous permet d’acquérir une autonomie. Quelles sont, selon toi, les qualités d’un bon travail ? Un bon travail, c’est ce qui nous permet de nous épanouir, tous les jours. Un bon travail, c’est celui qu’on a choisi aussi, donc d’être maitre de son destin… Et quel travail serait idéal ? Ah ! Et ce sera le mien ! C’est à dire un compromis entre qualité de vie et travail. Moi, honnêtement, plus tard, j’aimerais bien travailler deux ou trois jours par semaine et le reste du temps le consacrer à ma famille, a faire ce dont j ai envie ! Qui peut nous aider dans la quête d’un tel travail ? Les enseignants d’abord, mes ainés aussi. Et les efforts que j’ai fournis ! Beaucoup de jeunes craignent aujourd’hui de ne pas avoir de quoi vivre ? Et toi ? Moi, je fais des études pour gagner de l’argent ! J’estime que quand on a fait 10 ans d’études hyper dures, avoir des prétentions financières, c’est normal. Moi je le vois comme ça et je ne m’en suis jamais caché : je fais des études pour me permettre un confort de vie et pas m’embêter plus tard…

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Je m’embête maintenant en sacrifiant une partie de ma jeunesse. Mais, plus tard, je récupérerais ça par un confort, des voyages, que d’autres qui n’ont pas fait d’études ne pourront peut être pas acquérir… Tu es donc plutôt confiante sur ton propre avenir ? Je pense que les études que je fais me permettront d’avoir un job assez sympathique, qui me permettra d avoir une vie assez confortable. Donc, oui, je ne regrette pas grand chose de ma vie… Tu ne m’as rien dit sur tes amis. Tu as des contacts faciles avec les gens de l’extérieur ? Quand je suis à l’aise, oui ; c’est-à-dire quand je suis dans un milieu que je connais, avec des gens que je connais oui. Après c’est plus les gens qui vont venir vers moi. Finalement, on ne peut pas dire que je sois quelqu'un d’hyper sociable… Tu as eu des déceptions ? On peut être souvent déçu par les gens. Des fois, c’est « perdu de vue, perdu tout court ». Donc, il y a des gens qu’on pense être des bons amis, mais au final, on est très déçu et inversement. En fait, on vit dans un monde où tout est virtuel, et je sais que, moi qui n’ai pas un contact très facile, voilà, faut que les gens viennent vers moi ; j’ai pas un abord facile, j’ai pas la tchatche ; je sais que tout se passe sur internet, ça me pénalise un petit peu. C’est bien le progrès mais, disons, je ne suis pas trop en phase avec l’évolution de la société… On a aussi une jeunesse un petit peu irrespectueuse ; ça, moi, j aime pas trop ! Finalement, personnellement, tu aspires à quoi ? Plus tard ? Réussir ma vie sous tous ses rapports, c’est-à-dire professionnellement, sentimentalement, avoir un confort de vie qui me permette de voyager… Voila ! Comment vois-tu le milieu dans lequel tu évolues ? On vit dans un milieu très « matérialiste ». Tout passe par l’informatique ; donc, du coup, on perd ce contact humain, ce qui est dommage, pour des gens comme moi, qui ne sommes pas très branchés informatique. Voilà, donc on perd le contact humain et c’est franchement dommage. Pour toi, être jeune aujourd’hui, c’est facile ? Moins que pour nos ainés. Mais, euh…, ça dépend. Je viens d un milieu plutôt aisé, donc je n’ai pas eu de soucis. Dès que je voulais un truc, je l’avais… On est en France, donc ce n’est pas plus dur qu’ailleurs… Qu’attends-tu de la génération de tes parents ? Déjà, qu’ils nous transmettent leurs expériences, parce que c’est fondamental. Ils sont un peu nos guides spirituels. Il faut toujours respecter nos ainés, ce qu’ils ont fait et essayer de s’inspirer de ce qui était bien dans cette génération où il y avait plus de contact. Il faut essayer de reproduire ça à notre échelle, parce que, c est vrai, à leur époque, il n’y avait pas de portable, pas d’informatique. Ils avaient donc des rapports humains plus normaux, moins biaisés, et je trouve que ce serait important de s’en inspirer, même si je doute que ce soit possible. On est trop pris dans ce système, dans cette mondialisation.

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En quoi ta génération est-elle différente ? Elle est différente de celle de nos ainés, déjà, parce que le monde a changé à une vitesse phénoménale. Aujourd’hui, tout passe par Facebook, les réseaux sociaux, on a l’information très vite avec internet, c est ce que nos parents n’avaient pas. Avant, nos parents avaient envie de voir un copain ou une copine, ils l’appelaient sur le fixe, ils tombaient sur les parents, voilà, nous, maintenant, on appelle nos amis directement. C’est en ça que c’est diffèrent. Moi je trouve que ça a beaucoup changé au niveau rapport humain ; du coup, c est vrai que, peut être, la génération d’avant était plus bosseuse, plus « cravacheuse », parce que on était à la fin de la guerre, les temps étaient plus durs pour nos grands-parents et nos parents. Pour toi, qu’est-ce qui caractérise notre génération ? Je suis assez pessimiste pour le coup. Je la trouve un petit peu sans-gêne, trop matérialiste, pas assez humaine. Surtout, notre génération m’apparaît très individualiste. C’est un peu chacun pour soi ; il y a plus l’entraide qu’il y avait jadis. Pourrais-tu donner des exemples concrets ? Par exemple les personnes âgées. Avant, les enfants prenaient leurs parents chez eux ; maintenant on les met dans des maisons de retraite. Aujourd’hui aussi, on a une vie accélérée par rapport à celle de nos ainés donc on a moins le temps de prendre le temps pour les autres. Malgré tout, es-tu optimiste sur la possibilité de notre génération de s’en sortir ? Oui je pense qu’avec le travail, quoi qu’on en dise aujourd’hui, avec des études, on arrive quand même à s’en sortir, à trouver un job et, donc, oui je pense, je suis assez optimiste. Il ne faut pas tomber dans le pessimisme qui ne nous apporte rien au final ! Et puis, je crois à la force des engagements. Des engagements ? Que serais-tu prête à accepter ? Engagement, oui. Par exemple, faire un petit peu d’associatif, que ce soit au niveau des syndicats en dentaire, en politique peut être. Plus affirmer mes idées Un engagement qui me permette d’avoir une ouverture sur les autres et sur le monde. Comme je suis un peu réservée, ce serait un bon moyen de m’en sortir. Je trouve que les gens qui s’engagent, c est assez respectable. Ils prennent de leur temps personnel, familial, pour leurs idéaux. Oui, moi, j’admire ces gens, ceux qui s’engagent. Généralement, ils vivent à 100.000 à l’heure ; ils font plein de trucs, ont 36 métiers. Je trouve cela très respectable. Je les admire. Tu parles de politique. Ce mot, il t’évoque quoi ? Il faut dire que les hommes politiques ont fait que ce mot est maintenant un petit peu péjoratif et mal perçu dans la population. Beaucoup d’hommes politiques, d’élus, ont tout fait pour se faire élire et n ont rien fait donc au final… C’est très péjoratif et c’est mal perçu. C’est à qui ment le plus en politique. Donc, moi, j’ai une assez mauvaise image de la politique.

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Qu’est-ce qui pourrait modifier cette mauvaise image ? Cela changera le jour où on aura des gens qui seront désintéressés. Le problème de la politique, c’est que les personnes qui l’exercent le font pour avoir une reconnaissance sociale, plus que pour l’envie de changer le pays, l’améliorer ; ce ne sont que des ambitions personnelles. Quand on voit, même chez les jeunes, comment ils commencent, ils sont prêts à tout pour un malheureux poste sans responsabilité, juste pour le titre. Moi, cela me fait un petit peu peur et c’est dangereux… Mais, au fond, la politique, cela t’intéresse ? Tu participes un peu à la vie politique ? Oui, j’ai même été un petit peu militante en politique, mais juste comme ça… Mon père est passionné de politique ; mais, pour lui, de là à adhérer à un parti politique, jamais ! Donc, c’est vraiment un désir personnel qui m’a fait militer. Cela n’a pas été simple, parce que je suis plutôt timide : dans le petit laps de temps de mon engagement, j ai vu que ça m’aidé a vaincre la timidité ; Beaucoup font de la politique comme un une sorte challenge sur eux-mêmes. Au début, je n’osai pas du tout prendre la parole aux réunions, j’étais toujours au fond de la salle ; et puis j’ai commencé a oser poser des questions ; du coup, ça m’a permis de me forger une personnalité. Ce contact avec la politique, ça m’a également permis de rencontrer du monde. J’arrivais à Paris, je ne connaissais personne et ça m’a permis de connaître des gens et après des amis d’amis. Je dois beaucoup à la politique de ce point de vue. Ceci dit, je pensais que cette forme d’engagement allait être bien ; mais j’ai été assez surprise parce que, même chez les jeunes, en fait, c’est comme chez leurs ainés : ils se tirent dans les pattes. Il n’y a pas plus de sincérité chez les jeunes qu’à la génération d’avant… A quelles conditions pourrais-tu t’engager à nouveau en politique ? Le jour où il y aura un homme politique qui pourra me faire rêver, m’entrainer. Ce qui n est pas le cas aujourd’hui. Enfin, moi, je ne l’ai pas encore trouvé… De manière générale (pas uniquement en politique), je n’aime pas les gens fades ; j’apprécie les gens qui s’expriment bien, ceux qui ont une aura, une aisance à l’oral… Quelles sont les initiatives collectives qui attirent ton attention ? Peut être les manifestations. Parce qu’on se dit : s’il y a beaucoup de manifestants dans la rue, c’est qu’il y a une bonne raison, une bonne cause à défendre. Donc, oui : les initiatives qui génèrent une forte mobilisation plus généralement. Penses-tu que les médecins, les dentistes ont un rôle particulier à jouer en politique ? Il y en a déjà beaucoup qui font d la politique ! Qu’on leur demande leur avis sur certaines lois, d’accord ; mais qu’on les nomme ministres, ça non ! Dans le passé, il y en a eu ; mais cela n’a pas donné quelque chose de très glorieux… La politique, c’est un vrai métier ; donc qu’on fasse plus de place aux médecins et dentistes, qu’on les écoute davantage. Comme, par exemple, les lois qui visent à obliger les jeunes médecins a s’installer quelque part : on devrait plus donner la parole aux médecins ; on ne les respecte pas assez ! Mais il faut qu’ils restent dans leurs domaines… Selon toi, les jeunes en médecine ou en dentaire sont-ils politisés ? Oui. Un peu plus en médecine : les internes ont manifesté contre leurs conditions de vie. Ils sont un peu au cœur de la politique. On manque de médecins ; c’est un peu un maillon central de la société.

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Que penses-tu des jeunes qui ne sont pas politisés ? Chacun est libre. Mais, celui qui ne vote pas, qu’il ne vienne pas se plaindre ! Quels sont tes idéaux pour refaire le monde ? Ah ! Que les gens soient désintéressés et cherchent à améliorer le monde plutôt que leur petit confort personnel. Ceci dit, moi, je n ai pas cette vocation à changer le monde et j en ai pas envie. Non. Dessine-moi le monde parfait ? Un monde où les gens sont heureux, parce qu’en ce moment, on peut pas dire que tous les gens soient heureux. D’ailleurs, on le voit bien quand on se balade : tout le monde fait un petit peu la tronche ! Ce n’est pas très agréable… Oui, je pense à un monde où il y aurait de l’échange, du partage, ce qu’on a complètement perdu ; où les gens seraient sincères et heureux ; où il y aurait un respect entre les générations ; et où le pays irait bien : quand l’économie va, tout va bien ; c est aussi le contexte économique actuel qui pèse sur les gens. Quand on aura un jour une embellie économique, cela changera peut être les rapports humains et le monde…

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Commentaire de l’entretien J’ai fait connaissance de Mathilde grâce à un ami en commun. Mathilde, âgée aujourd’hui de 22 ans, est étudiante en 4ème année de chirurgie-dentaire à l’Université de Paris V Descartes. Notre entretien s’est déroulé chez notre ami en commun, car elle loge dans un foyer du 6ème arrondissement où les garçons ne sont pas admis. Il m’est paru intéressant d’interroger Mathilde sur ses rapports avec la politique. On n’a guère, en effet, l’habitude d’interroger sur ce point des étudiants en médecine ou dentaire, ces étudiants ayant la réputation de ne pas s’intéresser à la politique et de ne penser qu’à leurs intérêts personnels. Mathilde a certainement un parcours atypique par rapport aux autres jeunes, car elle a été militante d’un parti politique sur une courte période, même si elle ne l’est plus aujourd’hui. Son engagement était sans doute motivé par de fortes convictions (de centre droit, manifestement), mais surtout par son souhait de sortir de son isolement.

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En arrivant de la grande banlieue, Mathilde s’est retrouvée seule à Paris, ne connaissant personne. Grande « bosseuse » comme elle se caractérise elle-même, elle a vécu deux années monacales pendant lesquelles elle a préparé sa première année de médecine. Ce n’était certainement pas une période propice aux rencontres, eu égard à l’ambiance de compétition régnant entre les étudiants, le concours de la première année de médecine étant un des plus difficiles. Ce n’est que lorsqu’elle a obtenu le concours de dentaire, que Mathilde a enfin voulu s’épanouir socialement. Mais l’ambiance ne lui a pas beaucoup plu : le comportement décomplexé et les soirées étudiantes alcoolisées lui font certainement peur, car elle a un caractère timide. Curieusement, Mathilde a trouvé refuge dans l’engagement politique. En fait, elle a vécu comme un challenge sa découverte du monde politique : il lui a fallu du courage pour commencer à assister à quelques réunions de jeunes de son parti dans un café, puis pour prendre la parole. Là, elle s’y est fait des amis, essentiellement des filles, avec qui elle a pu organiser des sorties. Mais, depuis quelques mois, Mathilde a pris ses distances et n’assiste plus aux réunions. Elle explique ce retrait par le fait que les jeunes ont la même attitude que leurs ainés au regard de la politique : lutte de pouvoirs pour des fonctions sans importance, absence de convictions et de sincérité, etc. Mais, au fond d’elle-même, elle est encore très idéaliste. Son rêve, c’est un monde où les gens seraient heureux. Vaste programme ! Mathilde est surtout très volontaire. Pour elle, la valeur travail paraît essentielle : le travail assurerait, selon elle, l’autonomie, un statut social et le respect des autres. Paradoxalement, elle se verrait bien ne travailler que deux ou trois jours par semaine… Mais sans doute dans le cadre d’une vie bourgeoise traditionnelle… Pour Mathilde, il n’y a pas que la valeur travail, il y a également la valeur argent. Et c’est ce qui explique qu’elle se soit tournée vers des études médicales. Cela peut paraître choquant dans la mesure où l’on s’engage plutôt dans cette voie pour rendre service. Mais là encore, elle explique que si elle fait médecine, c’est pour essayer d’avoir des contacts avec l’extérieur et que, d’ailleurs, sa réussite dans ses études lui ont donné une plus grande confiance en elle-même, ce qui lui permet d’aller plus facilement au contact des autres. Ce qui une fois de plus est paradoxal, car Mathilde paraît craindre beaucoup l’extérieur. Même lorsque cet extérieur se fait par écran interposé. Internet l’effraie. Elle craint, en effet, que cet instrument soit pour elle un frein à avoir de véritables contacts. Elle sait pourtant que beaucoup de choses se passent sur Facebook, les réseaux sociaux. Mais elle se refuse à s’en servir.

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Au fond, Mathilde regrette l’époque (idéalisée) que ses parents et grands-parents ont vécue. Elle insiste sur le fait qu’il faut toujours respecter nos ainés, ce qu’ils ont fait et essayer de s’inspirer de ce qui était bien dans cette génération. Elle revient toujours à l’idée qu’à l’époque, il y avait plus de contact et qu’il faudrait essayer de reproduire ce mode de vie : plus de portable, plus d’ordinateur,… Elle aspire à « des rapports humains plus normaux, moins biaisés ». Ses contemporains la laissent perplexe : elle trouve la jeunesse « sans-gêne », ne travaillant pas suffisamment. En conclusion, on peut dire que Mathilde est surtout une fille solitaire, idéalisant la jeunesse de ses parents et grands-parents, quelque peu tournée vers le passé et réactionnaire. Son contact avec la politique ne lui a pas permis de s’épanouir complètement. Si elle porte un regard désenchanté sur le monde extérieur, elle conserve un optimisme chevillé au corps pour son avenir personnel. Ce faisant, est-elle vraiment représentative de la jeunesse d’aujourd’hui ?