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J’ai pas volé l’orange L e Collège interarmées de défense formant les grands chefs militaires vient de reprendre son nom d’École de guerre : mesure significative des orientations officielles, à quels desseins ? L’Algérie, le Vietnam, c’était le bon temps ! Décidément, l’Af- ghanistan ne suffit plus. Un mot terrifiant : la guerre. Mais n’est-elle pas, par une politique ultraréaction- naire, menée contre le peuple ? Guerre contre les conquêtes sociales, guerre contre les services publics, guerre contre l’Éducation nationale, guerre contre les Roms et les sans-papiers, guerre contre les libertés démocratiques. Pas un jour ne passe sans que l’on n’apprenne des licenciements, des mises en examen, des inculpations, des incarcérations de délégués syndicaux, des expulsions de réfugiés. Le dialogue social à la sauce élyséenne, c’est la ré- pression dans maintes entreprises privées ou d’État. Un tel acharnement, sans compter les tests ADN auxquels se refusent les militants incriminés, ne to- lère aucune expression de mécontentement. Les CRS ont violemment dispersé les manifestants lors de la visite de Sarkozy à Toulouse. Un important dispositif policier a été déployé devant un immeuble parisien de haut luxe occupé par des « galériens du logement ». Sur un ordre de réquisition, le préfet a cassé la grève des agents de sécurité de l’aéroport de Marseille. La France, terre d’accueil, est défigurée quand un journaliste chilien, venu chercher dans un commis- sariat son fils indûment arrêté, est molesté et mis en garde à vue un jour durant. Mgr Gaillot a bien raison de s’exclamer : « Police partout. Justice nulle part. » Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’Homme aussi, qui déclare : « Si les policiers ne sont plus les représentants du droit, on va les obliger à mener une guerre…Le gou- vernement fait peu à peu de l’État de droit une co- quille vide ». C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de Loi d’orientation et de programmation pour la perfor- mance (sic) de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) adopté par le Sénat. Voici l’énumération de ses dispo- sitions liberticides : - Expulsion en 48h, sans contrôle du juge, de tous ha- bitants d’habitats hors normes (tank, cabane, cara- vane, yourte, mobil home, bidonville, bus ou camion aménagé) sur terrain public ou privé et destruction de leurs habitats. - Contrôle accru sur les prestations sociales et obliga- tion pour les travailleurs sociaux de procéder à la dé- lation. - Couvre-feu pour les mineurs de treize ans. - Extension de contrat de responsabilité parentale. - Renforcement du contrôle administratif des mineurs délinquants et procédure de comparution immédiate devant le Tribunal pour enfants. - Reconduction des fichiers de police et de gendarme- rie actuels. Les personnes innocentées resteront ainsi fichées. - Les entreprises privées pourront installer des camé- ras aux abords de leurs établissements et les préfets le long des manifestations. - La police pourra avoir accès en direct aux images captées dans les halls et les parties communes d’im- meubles. - Les images de vidéosurveillance publique pourront être exploitées par des entreprises privées agréées par le préfet. - Des logiciels de reconnaissance faciale automatique pourront être utilisés aux fins d’identification des sujets. - Filtrage et censure de sites Internet. - Renforcement des pouvoirs de la police munici- pale. - Instauration d’un Conseil national des activités pri- vées de sécurité, entérinant la privatisation croissante de cette sécurité. - Comble de l’illégalité : création d’une milice sup- plétive, dite « réserve civile » de 200.000 gendarmes et policiers à la retraite et étudiants rémunérés. Une législation qui nous prépare une société de con- trôle fondée sur la tension et la stigmatisation. Le Crif n’a pas tardé à s’y engouffrer. A l’aide d’un slo- gan stupide : « Le palestinisme est source d’anti- sémitisme » et avec l’appui de la ministre de l’Enseignement supérieur, il a obtenu l’interdiction* d’une conférence-débat prévue dans les locaux de l’Ecole Normale Supérieure à laquelle Stéphane Hessel devait participer et qui portait sur la politique expansionniste d’Israël. Revenons à l’Enfance : le pouvoir avait déjà préconi- sé de détecter le symptôme de la délinquance dès l’âge de trois ans. Deux polissons qui avaient em- prunté et restitué des bicyclettes avaient été appré- hendés dans les locaux de leur école. Tout récemment, un petit garçon scolarisé depuis 4 ans avait été maintenu en rétention avec son père, ar- ménien. Il y en a qui s’en mettent impunément plein les poches par leurs malversations. Dans la chanson de Gilbert Bécaud, un gamin apeuré clame son innocence : « J’ai pas volé, pas volé, pas volé l’orange du marchand ». PNM n° 283 – Février 2011 – 29 e année Le N° 5,50 € Henri Levart "Espace Mémoire du 14" vous sollicite 6 Moyen-Orient De la Tunisie à l'Égypte... J.Dimet 3 Politique Marine Le Pen pdte. du FN J-Y.Camus 3 Société Plus le mensonge est gros... D.Vidal 3 Cycle "Être juif au XXIe siècle ?" Recette juive pour fabriquer... L.Sablic 4 Mémoire Andrésy et Sainte-Maxime 5 Voyage du souvenir AFMA 6 Itinéraire Rony Brauman, un humaniste sans frontières M.Muller 6 Le billet d'humeur Démographie, démagogie J.Franck 5 Culture Côté expos : F. Nussbaum F.Mathieu 7 La chronique Cinéma de L.Laufer 7 Proust ... l'affaire Dreyfus G-G. Lemaire 8 20/02/2011 : Journée mondiale de la justice sociale 21/02/1944 : 23 membres de la M.O.I. – dit groupe Manouchian – sont fusillés au Mont-Valérien 21/02/2011 : l'Affiche Rouge : projections et con- férences au Mémorial de la Shoah de 14h. à 17h. Février ISSN : 0757-2395 25 janvier 2011. Aboutissement de longues années de démarches de nombreuses organisations et de la ville de Bobigny. Catherine Peyge, son maire, et Guillaume Pepy, président de la SNCF , signent l'acte transférant, moyennant l'euro symbolique, l'ancienne gare de Bobigny à la Ville. Simone Veil, présente, a manifesté, au nom de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, sa confiance à la municipalité de Bobigny dans son projet d'aménager cette gare en lieu de Mémoire et d'Histoire, en partenariat avec les associations de déportés et de résistants. A (re)voir , l'émouvant film d'Henri Jouf Gare de la douleur et des photos de la cérémonie de transfert de propriété de la gare de Bobigny (www.garedeportation.bobigny.fr/index.php/ Accueil-galerie-photos) * Lire en p.5, Dominique Vidal "Plus le mensonge est gros..." - Bobigny - Gare de la Déportation À partir de l'été 1943, Bobigny se substitua à la gare du Bourget comme lieu de départ des convois de la déportation vers Auschwitz. MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E. Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

La Presse Nouvelle Magazine 283 février 2011

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Page 1: La Presse Nouvelle Magazine 283 février 2011

J’ai pas volé l’orangeLe Collège interarmées de défense formant lesgrands chefs militaires vient de reprendre sonnom d’École de guerre : mesure significative desorientations officielles, à quels desseins ? L’Algérie,le Vietnam, c’était le bon temps ! Décidément, l’Af­ghanistan ne suffit plus. Un mot terrifiant : la guerre.Mais n’est­elle pas, par une politique ultraréaction­naire, menée contre le peuple ?Guerre contre les conquêtes sociales, guerre contre lesservices publics, guerre contre l’Éducation nationale,guerre contre les Roms et les sans­papiers, guerrecontre les libertés démocratiques. Pas un jour ne passesans que l’on n’apprenne des licenciements, des misesen examen, des inculpations, des incarcérations dedélégués syndicaux, des expulsions de réfugiés.Le dialogue social à la sauce élyséenne, c’est la ré­pression dans maintes entreprises privées ou d’État.Un tel acharnement, sans compter les tests ADNauxquels se refusent les militants incriminés, ne to­lère aucune expression de mécontentement. LesCRS ont violemment dispersé les manifestants lorsde la visite de Sarkozy à Toulouse. Un importantdispositif policier a été déployé devant un immeubleparisien de haut luxe occupé par des « galériens dulogement ». Sur un ordre de réquisition, le préfet acassé la grève des agents de sécurité de l’aéroport deMarseille.La France, terre d’accueil, est défigurée quand unjournaliste chilien, venu chercher dans un commis­sariat son fils indûment arrêté, est molesté et mis engarde à vue un jour durant. Mgr Gaillot a bien raisonde s’exclamer : « Police partout. Justice nullepart. » Jean­Pierre Dubois, président de la Ligue desdroits de l’Homme aussi, qui déclare :

« Si les policiers ne sont plus les représentants dudroit, on va les obliger à mener une guerre…Le gou­vernement fait peu à peu de l’État de droit une co­quille vide ».C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de Loid’orientation et de programmation pour la perfor­mance (sic) de la sécurité intérieure (LOPPSI 2)adopté par le Sénat. Voici l’énumération de ses dispo­sitions liberticides :­ Expulsion en 48h, sans contrôle du juge, de tous ha­bitants d’habitats hors normes (tank, cabane, cara­vane, yourte, mobil home, bidonville, bus ou camionaménagé) sur terrain public ou privé et destruction deleurs habitats.­ Contrôle accru sur les prestations sociales et obliga­tion pour les travailleurs sociaux de procéder à la dé­lation.­ Couvre­feu pour les mineurs de treize ans.­ Extension de contrat de responsabilité parentale.­ Renforcement du contrôle administratif des mineursdélinquants et procédure de comparution immédiatedevant le Tribunal pour enfants.­ Reconduction des fichiers de police et de gendarme­rie actuels. Les personnes innocentées resteront ainsifichées.­ Les entreprises privées pourront installer des camé­ras aux abords de leurs établissements et les préfetsle long des manifestations.­ La police pourra avoir accès en direct aux imagescaptées dans les halls et les parties communes d’im­meubles.­ Les images de vidéosurveillance publique pourrontêtre exploitées par des entreprises privées agréées parle préfet.

­ Des logiciels de reconnaissance faciale automatiquepourront être utilisés aux fins d’identification des sujets.­ Filtrage et censure de sites Internet.­ Renforcement des pouvoirs de la police munici­pale.­ Instauration d’un Conseil national des activités pri­vées de sécurité, entérinant la privatisation croissantede cette sécurité.­ Comble de l’illégalité : création d’une milice sup­plétive, dite « réserve civile » de 200.000 gendarmeset policiers à la retraite et étudiants rémunérés.Une législation qui nous prépare une société de con­trôle fondée sur la tension et la stigmatisation. LeCrif n’a pas tardé à s’y engouffrer. A l’aide d’un slo­gan stupide : « Le palestinisme est source d’anti­sémitisme » et avec l’appui de la ministre del’Enseignement supérieur, il a obtenu l’interdiction*d’une conférence­débat prévue dans les locaux del’Ecole Normale Supérieure à laquelle StéphaneHessel devait participer et qui portait sur la politiqueexpansionniste d’Israël.Revenons à l’Enfance : le pouvoir avait déjà préconi­sé de détecter le symptôme de la délinquance dèsl’âge de trois ans. Deux polissons qui avaient em­prunté et restitué des bicyclettes avaient été appré­hendés dans les locaux de leur école. Toutrécemment, un petit garçon scolarisé depuis 4 ansavait été maintenu en rétention avec son père, ar­ménien.Il y en a qui s’en mettent impunément plein lespoches par leurs malversations. Dans la chanson deGilbert Bécaud, un gamin apeuré clame soninnocence : « J’ai pas volé, pas volé, pas volél’orange du marchand ».

PNM n° 283 – Février 2011 – 29e année Le N° 5,50 €

Henri Levart

"Espace Mémoire du 14"vous sollicite 6Moyen-OrientDe la Tunisie à l'Égypte... J.Dimet 3PolitiqueMarine Le Pen pdte. du FN J­Y.Camus 3SociétéPlus le mensonge est gros... D.Vidal 3Cycle "Être juif au XXIe siècle ?"Recette juivepour fabriquer... L.Sablic 4MémoireAndrésy et Sainte­Maxime 5Voyage du souvenir AFMA 6ItinéraireRony Brauman,un humaniste sans frontières M.Muller 6Le billet d'humeurDémographie, démagogie J.Franck 5CultureCôté expos : F. Nussbaum F.Mathieu 7La chronique Cinéma de L.Laufer 7Proust ... l'affaire Dreyfus G­G. Lemaire 8

20/02/2011 : Journée mondiale de la justice sociale21/02/1944 : 23 membres de la M.O.I. – dit groupeManouchian – sont fusillés au Mont­Valérien21/02/2011 : l'Affiche Rouge : projections et con­férences au Mémorial de la Shoah de 14h. à 17h.

Février

ISSN : 0757­2395

25 janvier 2011. Aboutissement de longues annéesde démarches de nombreuses organisations et de laville de Bobigny. Catherine Peyge, son maire, etGuillaume Pepy, président de la SNCF, signentl'acte transférant, moyennant l'euro symbolique,l'ancienne gare de Bobigny à la Ville.Simone Veil, présente, a manifesté, au nom de laFondation pour la mémoire de la Shoah, saconfiance à la municipalité de Bobigny dans sonprojet d'aménager cette gare en lieu de Mémoire etd'Histoire, en partenariat avec les associations dedéportés et de résistants.A (re)voir, l'émouvant film d'Henri Jouf Gare de la douleuret des photos de la cérémonie de transfert de propriété de lagare de Bobigny (www.garedeportation.bobigny.fr/index.php/Accueil­galerie­photos)

* Lire en p.5, Dominique Vidal "Plus le mensonge est gros..."

- Bobigny -Garede la DéportationÀ partir de l'été 1943, Bobigny se substitua à lagare du Bourget comme lieu de départ desconvois de la déportation versAuschwitz.

MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide

La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et deracisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

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Les 4 fusillésdu Kremlin-BicêtreFrance 3diffuse le

26 février à15h25 et le 28 fé­vrier à 00h35 cedocumentaire(2009) d'une qualité exceptionelle, réa­lisé par Caroline Bray, jeune diplôméede philosophie à partir de quelquesphotos, lettres et documents trouvéspar hasard dans une décharge, lesphotos ayant attiré son attention.Au sortir de ce film chacun est plusque convaincu de l'importance de pré­server tout document, qui peut parfoissembler ne présenter aucun intérêt.

Joseph Mincest mort le 8 janvier 2011Militant du parti communiste polonais dèsl’âge de seize ans, il arrive en France en1931 et rejoint durant la seconde guerremondiale les rangs de la M.O.I. Il fut, jus­qu’en juin 1946, secrétaire général de laCommission centrale de l’enfance (CCE)auprès de l’UJRE. Il participa ensuite à lacréation du MRAP, issu du MNCR, et devintsecrétaire général de l’UGEVRE (Union gé­nérale des engagés volontaires et resistantsd’origine étrangère). Pour l’évoquer, nousdonnons la parole à son fils, en publiantdes extraits de l’allocution prononcée le 12janvier au cimetière de Bagneux :« Vous verrez, dans les faire­part qui se­ront publiés qu’il est écrit Joseph Minc,ancien résistant M.O.I. C’était son souhaitet c’est le résumé du long chemin qui partde Brest­Litovsk en 1908 et s’achève au­jourd’hui dans ce cimetière parisien. Dansces mots “résistant M.O.I.”, que de conti­nents engloutis ! Le “shtetl” de son en­fance ; le judaïsme dont il s’était à la foiséloigné et qui demeurait néanmoins,comme pour notre mère, si proche ; lecommunisme qui l’a aidé à s’émanciper del’omniprésence rabbinique et dont il s’est,plus tard, écarté en amoureux déçu maistoujours attentif ; quant à la Résistance,c’est elle qui a fait de cet immigré, unFrançais à part entière, dont la premièretâche fut de s’occuper des orphelins de laShoah… »Rappelons que fidèle à son idéal, il figureparmi les parrains de l'association Mémoiredes Résistants Juifs de la M.O.I.

Les équipes de l’Ujre et de la Pnm

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Par l'édition de la Presse Nouvelle Magazi­ne, l'UJRE maintient l'expression d'une voixjuive, laïque et progressiste dans ses locauxhistoriques du "14". Ceux­ci, rénovés parla Ville de Paris, sont désormais gérés par laFédération "Espace Mémoire du 14" quiregroupe ses trois fondateurs : l'Union desJuifs pour la Résistance et l'Entraide(UJRE), la Mémoire des Résistants Juifs dela MOI (MRJ­MOI) et Les Amis de la CCE(AACCE). Si l'action de chaque associationest spécifique, ensemble, elles œuvrent àréaliser au "14" un Espace Mémoire dédié àl'engagement des résistants immigrés juifsde la M.O.I. (cf. p.5). Conscients des nom­breux appels faits à votre générosité, noussouhaitons préciser pourquoi l'UJREmaintient dans ces colonnes sa souscriptionpermanente – et où va l'argent ? S'ajoutantaux cotisations de nos adhérents et auxabonnements de la PNM, il contribue au fi­nancement de la Fédération pour sa gestiondes locaux et assure le développement desactivités de l'UJRE (rencontres, débats) etnotammment de son activité éditoriale.Connaissant votre attachement à notre jour­nal "pas comme les autres", nous vousremercions d'avance pour votre soutien.Jacques Lewkowicz, président de l’Ujre

Fin décembre 2010, Sophie Szejer nous adressaitl'avis de recherche de ses cousines, Rachel et Georgette Chimisz (voir Pnm n°282 de janvier 2011).Depuis, grâce à nos amis lecteurs, qu'ils en soient remerciés, nous retrouvons tracede Rachel Belhassen née Chimisz, par le très beau témoignage sur son père, KalmeChimisz, paru sur le site de l'association Convoi 73*.Georgette Chimisz aussi qui, enfant, était au foyer du Raincy Côteaux...Il ne nous manque plus que leurs coordonnées, merci si vous avez des éléments deréponse de les transmettre au journal.

PNM* http://www.convoi73.org/temoignages/026_kalme_chimisz/

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Carnet qués... Communiqués ... Communiqués ... Communiqués ...Ujre- La Presse Nouvelle -Souscription* n° 58

(janvier 2010)

Avis de recherche

AppelPour unenouvelle politique del’Union européenne auProche-Orient

(...)L’impunité, c’est l’assurance que se per­pétuera la même politique. (...) Les gou­vernements israéliens successifs s’obstinentà nier les droits fondamentaux du peuple pa­lestinien, à saccager le contenu de tous lesaccords de paix proposés depuis ceuxd’Oslo. (...) Sanctionner la politique is­raélienne apparaît aujourd’hui comme unenécessité si l'on veut faire avancer la caused’une paix juste au Proche­Orient (...).Des sanctions ? Mais lesquelles ? Laquestion nécessite une clarification. (...)La première exigence est la suspension del’accord préférentiel entre l’Union euro­péenne et l’Etat d’Israël. Ne pas le suspen­dre encourage une politique qui nie en per­manence les droits humains les plusélémentaires. L’Union européenne a (...)adopté des textes, relatifs à la traçabilité desproduits israéliens ou supposés tels, qu’ellen’applique que de façon partielle et insuf­fisante. Les investissements d’entreprises eu­ropéennes qui facilitent la colonisation ouen profitent doivent cesser.Suspendre l’accord préférentiel jusqu’à cequ’Israël s’engage réellement dans un pro­cessus de paix, appliquer les textes qui inter­disent aux produits des colonies d’êtreimportés en Europe sous label israélien,deux décisions qui constituent à nos yeuxdes objectifs politiques immédiats, crédi­bles, justes, efficaces, rassembleurs. Les pa­roles creuses de soutien aux droits palesti­niens, démenties par les encouragements defacto à la politique qui les nie, laissent lechamp libre aux dirigeants actuels d’Israël.(...)

Nous rejetons deux posi­tions antagonistes : D’uncôté celle qui prône le boy­cott total d’Israël, mesureproclamée radicale ; d’unautre côté, celle des forces qui n’ont jamaisagi pour que l’Union européenne exerceune pression réelle sur la politique israé­lienne et prennent prétexte de la prétendueradicalité du boycott total, qualifié de cam­pagne de haine, pour exiger d’inacceptablescensures ou poursuites judiciaires. Nousconsidérons qu’il faut être aux côtés desprogressistes israéliens, qui soutiennent leboycott des produits des colonies, commeaux côtés des progressistes palestiniens.Nous soutenons la demande de hauts res­ponsables palestiniens pour une action versl’Union européenne, en vue de sanctions ef­ficaces, et non du boycott total d’Israël.(...) Seule [ la ] clarté permettra de con­vaincre ; elle seule permettra l’union la pluslarge pour que cesse enfin un conflit meur­trier, absurde en tout point car les condi­tions du règlement pacifique juste etnégocié sont connues et elles s’imposeront.(...)Nous nous y engageons*, nous vous yengageons.* Notons, parmi les signataires auxquelsvous pouvez vous joindre en adressant unmèl à : [email protected]­psud.frRaymondAubrac, résistantMarie­George Buffet, députée PCFMaurice Cling, ancien déporté, professeur d'univer­sité honoraireMichel Dreyfus, historienJean­Pierre Dubois, pdt. LDHStéphane Hessel, Ambassadeur de FranceHenri Leclerc, pdt. d’honneur LDHPascal Lederer, physicien, co­animateur d’UAVJMaurice Rajsfus, pdt. de l’Observatoire des libertésBernard Thibault, secrétaire général de la CGTRoland Wlos, ancien conseiller municipal de Paris

Sauvons la liberté d'expression

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Magazine Progressiste Juiffondé en 1934Editions :1934­1993: quotidienne en yiddish, Naïe Presse(clandestine de 1940 à 1944)1965­1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNMéditées par l'U.J.R.E

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La direction de l’ École Normale Supérieure de Paris, mettant fin à unetradition de libre expression qui la caractérisait, a annulé, après l'avoir au­torisée, la conférence­débat du 18 janvier que devait donner Stéphane Hesselavec Leïla Shahid (ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union Euro­péenne), Jamal Zahalka (dirigeant de Balad, député au Parlement israélien),Michel Warchavski (fondateur du Centre d'information alternative israélien),Benoist Hurel (secrétaire général adjoint du Syndicat de la Magistrature)…Le Crif, prétendant agir au nom des juifs de France alors qu’il n’en représenteque 10% environ, se félicite d'avoir pu, en faisant intervenir différentes per­sonnalités, mettre fin à l'expression d'idées qui lui déplaisent.L’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) ne saurait tolérer laréduction des droits d’expression des citoyens et ne peut accepter une telle at­teinte à la liberté d’expression en France. Quels que soient ses désaccordsconcernant les appels au boycott, l’ UJRE s’élève contre les poursuites judi­ciaires visant leurs auteurs et contre cette censure, qui s'inscrivent dans lecadre des tentatives répétées pour faire taire tous ceux qui critiquent la poli­tique du gouvernement israélien et militent pour une paix juste, durable et né­gociée entre les deux États.Pour toutes ces raisons, l’ UJRE a appellé à participer au rassemblement deprotestation du mardi 18 janvier 2011, à 18h 30, place du Panthéon (Paris).

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conférence. Fier comme Artaban, il le narralui­même dans un éditorial sur le site duConseil 5: « Valérie Pécresse, ministre desUniversités, ainsi que le rectorat de l’Uni­versité de Paris que nous avons contactésen urgence ont réagi sans ambiguïté : jeleur rends hommage, ainsi qu’à ClaudeCohen­Tannoudji, Prix Nobel de Physique,Bernard­Henri Lévy et Alain Finkielkraut,tous anciens élèves de l'École normale su­périeure. Et une pensée particulière à MmeCanto­Sperber qui mène un combat inces­sant contre des dérives inquiétantes. » Etd’enfoncer le clou : « C’est bien le Crif quiest à la manœuvre derrière toutes les procé­dures contre le boycott. »Cette arrogance ne dura guère. Car la plu­part des « personnalités » citées démentirentavoir exigé une quelconque censure. Quantà la conférence, elle se déroula devant lePanthéon : comme un hommage de la pa­trie reconnaissante à ce grand jeunehomme, bien vivant, lui, de 93 ans...Tout est bien qui finit bien, dira­t­on. Saufque Prasquier, Pécresse, Canto­Sperber, Co­hen­Tannoudji, BHL, Finkielkraut et la qua­si­totalité des commentateurs ont rabâché lamême contre­vérité : la conférence aurait eupour but d'appeler au boycott d'Israël.Il était pourtant facile de consulter le site del'Appel pour en vérifier le verbatim : « Cer­tains d’entre nous appellent au boycott detous les produits israéliens ; d’autres“ciblent” les seuls produits des colonies is­raéliennes ; d’autres encore choisissent desformes d’action différentes. Mais noussommes tous unis pour refuser catégorique­ment que les militant­e­s de la campagneinternationale Boycott­Désinvestissement­Sanctions (BDS) soient accusés et jugéspour “provocation publique à la discrimi­nation” alors qu’au contraire ils com­battent contre toute forme de discri­mination, pour le droit de tous les peuples àl’autodétermination, pour l’application àtous les États du droit international et dessanctions prévues lorsqu’ils le bafouent. »L’invitation à la conférence, elle, ne com­portait même pas le mot « boycott ». Et les1 500 participants au meeting du Panthéon(cinq fois plus que la salle de l’ENS n’en au­rait accueillis) peuvent en témoigner : sicertains des orateurs ont évoqué ledit boy­cott, presque tous ont prôné celui des pro­duits des colonies israéliennes de Cis­jordanie – conformément aux décisions dela Cour de justice de l’Union européenne.Comment, cela dit, qualifier un pays où uneministre, le président d’un Conseil commu­nautaire, la directrice d’un des hauts lieuxde l’intelligence française, deux philo­sophes qui prétendent incarner celle­ci et laplupart des journalistes répètent, toute hontebue, une contre­vérité, dans le plus parfaitmépris de leurs concitoyens ? Un tel com­portement devrait être sanctionné, au moinssymboliquement. Car, comme le notait lepamphlétaire anglo­américain ThomasPayne, « c’est un affront que de traiter lemensonge avec complaisance ».

Dominique Vidal1. Voir site www.collectifpaixjustepalestine.org2. « Michèle Alliot­Marie : “Ma présence parmivous ce soir est l’occasion de réaffirmer la placede la communauté juive au sein de notre Na­tion”, www.crif.org3. Séance unique du 20/05/2009, Ass. nationale4. En toute connaissance de cause, comme leprouvent les mèls envoyés par le signataire deces lignes à son assistante.5. http://www.crif.org/index.php?page=articles_display/detail&aid=23242&returnto=searchadv/motor&artyd=70

A quoi ressemble l’appareil frontiste désor­mais ? Avec 32,35% des voix, les partisansde Bruno Gollnisch représentent un tiersdes militants. Au comité central du FN, ilsdisposent de 42 sièges sur 120 et au bureaupolitique, de 10 places sur 42. Dans le nou­vel organigramme, un homme fort : le ma­riniste Steeve Briois, élu local deHénin­Beaumont, nommé secrétaire géné­ral. Le bureau exécutif est entre les mainsde « marinistes » convaincus comme AlainJamet, Louis Aliot ou Marie­Christine Ar­nautu, qui est en charge des questions so­ciales. Pour gagner en crédibilité, MarineLe Pen a fait entrer directement au bureaupolitique deux intellectuels : Laurent Ozon,écologiste formé par la Nouvelle Droite etqui a travaillé avec Antoine Waechter, ainsique le géopolitologue David Mascré, ancienchargé de mission au ministère des Affairesétrangères, auteur d’un livre sur l’affaireIlan Halimi, « Des barbares dans la cité »,ce qui lui a permis d’être invité plusieursfois au salon du livre du Bnai Brith.Au sein de la tendance minoritaire, les radi­caux continueront à siéger. Yvan Benedetti,Alexandre Gabriac, issus de l’Œuvre fran­çaise, sont au comité central. Farid Smahi,qui joua un rôle dans l’organisation de la vi­site de Dieudonné à un meeting frontiste auBourget en 2006, élu brillamment au Comi­té Central, a par contre exprimé son désir dequitter le parti. Motif : il reproche à MarineLe Pen d’« être financée par les sionistescomme tous les autres mouvements d’ex­trême droite » et de se taire sur la « véri­table colonisation, (celle) des territoiresoccupés palestiniens. ». Aux poubelles del’Histoire…Le FN version Marine est donc un parti ra­jeuni, doté d’une dirigeante qui a envie dupouvoir et qui a voulu imprimer tout desuite sa marque. La question identitaire,l’évocation du rôle « d’éveilleur » joué parle parti, le thème du localisme et celui del’écologie, évoquent une influence in­déniable des idées néo­droitières et decadres naguère tentés par Bruno Mégret.Bruno Gollnisch lui, compte regarder d’unpeu loin se mettre en œuvre une stratégiequ’il juge vouée à l’échec. Quoi qu’il ensoit, le congrès du FN, n’en déplaise à Na­dine Morano, n’était pas un « non événe­ment ». Surtout pas pour l’UMP…

Jean-Yves Camus

Elle a été élue à Tours le 16 janvier avec67% des voix des militants.Est­ce un FN nouvelle formule qui estapparu le 15 janvier sous les traits d’uneMarine Le Pen très confortablement choisiepar les militants, face à Bruno Gollnisch ?Le contraste est déjà saisissant, dans laforme, entre Marine et son père, et mêmeentre Marine candidate et Marine installée.Le 15 janvier, pour son dernier discoursprésidentiel, Jean­Marie Le Pen était apparuégal à lui­même : dénonçant « le mythe dela Résistance », parlant de l’Indochine et del’Algérie comme de « guerres de décoloni­sation dans lesquelles les soldats français[étaient] venus protéger les populations ci­viles », rappelant la mémoire de l’historiennégationniste et antisémite François Duprat,cadre fondateur du FN naissant dans les an­nées 70.Le discours de Marine Le Pen, le lende­main, marque une inflexion sensible. Toutle monde a noté sa tonalité sociale, l’accentmis sur la défense des couches populairesface aux « super­riches », à « l’injustice gé­néralisée » et au « règne déchaîné de l’ar­gent », la volonté de réhabiliter la notiond’État interventionniste. Tout le monde aremarqué aussi que l’immigration devenaitun thème secondaire, la nouvelle présidentemettant l’accent sur les valeurs républi­caines, la laïcité et le refus de la visibilité del’Islam sur le sol français.Est­ce pour autant que le Front national adéfinitivement tourné le dos à l’extrêmedroite ? Il y a certes l’omniprésence des ré­férences à la République. Mais il reste l’at­taque mariniste contre la « repentancenévrotique » et plus encore celle contre« les associations prétendument “antira­cistes”, qui sont appelées à jouer les procu­reurs, prérogatives illégitimes qu’ellesutilisent abusivement pour imposer unecensure politique ou exercer un véritableracket sur les justiciables »... On note aussila dénonciation de la « fracture ethnique »opposant une France fondée sur les« principes chrétiens sécularisés » àl’Islam. Marine Le Pen s’attaque au multi­culturalisme en général, assurant que le FNveut « tout pour les citoyens, rien pour lescommunautés » et promet que son parti« fera inscrire dans la Constitution : “La Ré­publiquene reconnaît aucunecommunauté”».

Marine Le Pen devientprésidente du Front national

SociétéPolitique

Le ripolinage de Marine Le Pen n’aura duré que le tempsd’une campagne de communication voulant donner àpenser que la présidente et son parti étaient désormaisfréquentables…par certains à l’UMP.Parmi les constantes du FN, le mensonge, la haine de la dé­mocratie, des journalistes et des juifs sont toujours aussi pré­sents et « le ventre est toujours fécond ».Samedi soir [15/01], Michaël Szames journaliste à France 24arrive à Tours pour exercer son métier d’informateur.Vers 22h30 il entre, en tant que journaliste à un dîner de galadu FN afin de recueillir des informations sur le vote qui s’estdéroulé pendant plusieurs jours ; il se fait insulter, agresser,déposséder de sa carte de presse et jeter comme un chien parsept nervis du service d’ordre du FN qui lui tiennent lesmains derrière le dos.Les cervicales, le genou sont touchés, il souffre de multiplescontusions, sans compter le traumatisme subi : quinze joursd’arrêt maladie et accident du travail.

Mardi 18 décembre 2010 à 20 h.l'École nationale supérieure (ENS)de la rue d'Ulm devait accueillirune conférence organisée par les initia­teurs de l' « Appel de solidarité avec Sté­phane Hessel et toutes les victimes de larépression 1».Avant de déshonorer le Quai d’Orsay enproposant à Ben Ali le renfort du « savoir­faire français » afin de rétablir l’ordre (dic­tatorial), Michèle Alliot­Marie avait séviplace Vendôme. Ministre de l’Injustice, elleinventa de toutes pièces, à l’occasion d’undîner du Crif d’Aquitaine, le 18 février2010, un « boycott des produits casher 2»…dont elle niait encore l’existence neuf moisplus tôt à l’Assemblée nationale 3. Et pourcause : personne n'a jamais prôné une ac­tion aussi révoltante – on attend toujours lespreuves annoncées par MAM…Cette manipulation lui a néanmoins permisd’appliquer aux militants de la Paix l'alinéa8 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881,qui punit la « provocation publique à la dis­crimination » de peines allant jusqu’à 3 ansde prison ferme, 45 000 euros d'amende –plus, s'agissant de fonctionnaires, la radia­tion de la Fonction publique. L'incroyabledisproportion entre le « délit » reproché –un tract, une affiche, un autocollant – et lessanctions encourues a scandalisé tous ceuxqui s’inquiètent des atteintes répétées dupouvoir aux libertés publiques.D'où l'extraordinaire succès de l'Appel : plusde 15 000 signatures, parmi lesquelles denombreuses personnalités intellectuelles etpolitiques dont certaines n'avaient jamaisapposé leur nom au bas d’une critique de lapolitique israélienne. Parallèlement, Sté­phane Hessel est devenu millionnaire en...brochures au titre explicite : Indignez­vous !Voilà qui a fait perdre leurs nerfs aux plusinconditionnels des amis français de Be­nyamin Netanyahou. On se souvient qu'à lami­octobre dernier, un certain Taguieff, na­guère suspecté comme « rouge­brun » dansles colonnes du Monde, traita le vieux dé­fenseur de toutes les causes justes de « ser­pent venimeux dont on comprend qu'on aitenvie de lui écraser la tête », avant de qua­lifier le résistant, envoyé de Londres enFrance, arrêté et torturé par la Gestapo, puisdéporté à Buchenwald de… « garde­chiourme » des SS…Bref, lorsque la directrice de l'ENS, MmeCanto­Sperber, accorda une salle à Sté­phane Hessel et à ses invités 4, RichardPrasquier, le président du Crif, utilisa toutesses « relations » pour faire interdire la

Plus le mensonge est gros...

Le Front national reste le Front national !Le président sortant du FN n’a pas manqué de poursuivredans l’ignoble en affirmant dimanche lors d’un point depresse : « Le personnage en question a cru pouvoir dire quec'est parce qu'il était juif qu'il avait été expulsé... Cela ne sevoyait ni sur sa carte d'identité ni, si j'ose dire, sur son nez ».Quand à Marine Le Pen, elle a osé affirmer lundi sur RMCInfo­BFM TV : « Il aurait dû dire sur son front, ça au moinscela aurait évité la polémique ».Et en plus le FHaine porterait plainte pour dénonciation ca­lomnieuse !Michaël Szamez ayant porté plainte pour agression, le SNJ*­CGT se portera partie civile à ses côtés, s’il le souhaite, pouratteinte à la liberté de la presse.Il est temps que la profession démasque ce qu’est et reste vé­ritablement le FN : un parti anti­démocratique, dont le pro­gramme économique et social est à l’opposé de l’intérêt dessalariés et des couches populaires qu’il prétend sans hontedéfendre.* SNJ : Syndicat National des Journalistes

Paris le 17 janvier 2011[ Communiqué ]

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serter longuement sur les différencesentre Montagnards et Girondins. Bref,entre la maison, les vacances, le lycée,rien ne venait faire de l’ombre à cesentiment d’être au bon endroit, et aubon moment, en France dans les an­nées 60/70.J’ai aujourd’hui 53 ans, quatre en­fants, et LA question qui se pose à pré­sent pour moi, comme à d’autresj’imagine, c’est :Que reste­t­il de tout cela ?Q’avons­nous à transmettre ?A vrai dire, il reste peu d’éléments ob­jectifs de la culture juive que je puisseréellement envisager de confier en hé­ritage à Mathilde, Hugo, Josépha etGabrielle.La religion a été totalement absente demon éducation, et, pour être clair, jen’en conçois aucun regret. Le récit dePâques, fait par Mme Slovès au patro­nage, n’avait guère de chances denous permettre de renouer avec nos ra­cines : il prenait la dimension hé­roïque des luttes internationales despeuples du monde pour leur libérationet, dans ces années là, du Vietnam àCuba, on ne manquait pas d’exemplesplus récents que les tribulations de cesmalheureux Hébreux, il y a quelquesmilliers d’années. Aussi bien, Sacco etVanzetti rejoignaient les époux Rosen­berg dans notre Panthéon progressisteet j’ai plus fréquenté Lénine queMoïse au cours de nos veillées dechant, au Roc. Je me souviens même,lors des fameux spectacles qui consti­tuaient le moment le plus attendu denos colos, d'avoir joué un B52 bom­bardant le valeureux peuple vietna­mien au cours d’une représentation del'Homme aux sandales de caoutchouc,une pièce de Kateb Yacine ! Heureuse­ment, je pense qu’il n’existe pas detraces de cette soirée.Une éducation laïque, donc.Pas de synagogue, pas de shabbat, pasde fêtes juives.Bien entendu, il y avait la déportation,le génocide – on ne disait pas Shoah –,nos familles disparues et la commémo­ration annuelle, rue de Lancry, du sou­lèvement héroïque du ghetto deVarsovie, avec au final un récital de laChorale populaire juive dans laquellechantaient mes grands­parents. Maislà encore, ces récits, ces témoignagesétaient surtout l’occasion de mettre enavant les actes de résistance des nom­breux juifs communistes face à la bar­barie nazie plutôt qu’à souligner unespécificité de notre condition de juifs.Plus persécutés que les autres, certes,mais aussi, plus engagés, plus valeu­reux, plus admirables. Je n’ai compris

que plus tard, la dimension particu­lière de cette volonté méthodiqued’anéantissement des juifs. Mais, ceque j’ai sinon perdu, du moins mis dutemps à saisir, est compensé par ceque j’ai gagné : le sentiment que lesort des juifs, aussi singulier soit­il,n’est pas d’une nature si différente dessouffrances et des luttes des autres hu­mains de notre planète. Cela, j’ai es­sayé de le transmettre.Et puis, il y a d’autres valeurs quenous ont transmis nos familles et noséducateurs de la CCE : le droit des en­fants de s’exprimer et de prendre partaux décisions qui les concernent ; lastricte égalité entre garçons et filles ;le caractère sacré de la lecture ;l’amour de ce pays, la France, qui atant de choses à dire au monde… Sansdoute, il n’y a pas besoin d’être juifpour partager ces valeurs. Mais, le faitest que nous pensions que tout ça avaitun petit côté juif. En face, d’autres lepensaient et le pensent encore.Enfin, il y a l’humour, les blagues, leswitz** … Hélas ! Pour ma famille etpour mes amis, c’est sans doute la partla plus avérée de ma culture juive !Mais c’est un tel trésor et qui résumesi bien la distance nécessaire qui doitfaire de nous des hommes et non dessoldats.Pour conclure...Je dirai que l’éducation juive­com­muniste, reçue principalement à laCCE, a produit quelque chose d’ir­remplaçable pour notre génération :elle nous a permis de nous passer decette référence permanente à notre sin­gularité. En cela, elle est fidèle à sesprincipes. Au­delà de la nostalgie, desmoments chaleureux et amicaux quenous avons vécus, cette éducationnous a permis, parfois à son corps dé­fendant, de nous émanciper et d’entrerde plain­pied dans la société française.Grâce au Château du Roc, à nos moni­teurs, à nos chansons, à nos représenta­tions théâtrales, à nos copains, noussommes devenus des membres à partentière d’un pays extraordinaire, laFrance. La CCE nous a protégés,vaccinés, contre toute tentation de re­pli sur les origines, d’exaltation del’appartenance à un groupe, de com­munautarisme pour employer ce motqui ne veut pas dire grand­chose.J’éprouve une grande tendresse pourla CCE, je n’apprécie guère les procèsque l’on fait à ceux qui l’ont animéetoutes ces années, et en général –après en avoir fait partie –, je n’aimeguère les donneurs de leçons. Quellesque soient leurs erreurs, ils nous ontdonné beaucoup de leur temps, la plu­part d’entre eux nous ont aimés sincè­

rement, parfois avec maladresse,toujours avec enthousiasme et avec unprojet, des valeurs dignes de respect.Mais, c’est le passé. Un passé qui mé­rite certes d’être rappelé, étudié, maisni d’être exalté ni de remplacer la vie,celle que nous vivons ici et mainte­nant.Je dois donc reconnaître que tout ce­la, me concernant, c’est une histoirequi s’épuise, qui s’éloigne, qui vaprendre fin inéluctablement. Et mêmesi la nostalgie est là, cette disparitionn’est pas tragique, elle est aussi lacondition pour que nous vivions notreépoque de l’intérieur, comme acteursengagés et non comme une élitedistinguée par un quelconque méritetiré de ses origines.Au fond, c’est cela que je me sensen mesure de transmettre : la possi­bilité donnée à mes enfants de pouvoirêtre ce que le nazisme a refusé auxjuifs européens, de jeunes adultescomme les autres avec un avenir àconstruire, dotés d’une histoire fami­liale, de quelques récits, de valeursqu’ils réinventeront, et … d’un solidehumour juif ! Laurent Sablic* CCE : Commission Centrale del'Enfance. Créée par l'UJRE dès la Li­bération, elle prend la forme d'une as­sociation (loi 1901) en 1947.** Witz : Mot d'esprit, plaisanterie.

Jean-François Zygelentouré de

présente

en hommageà Shalom Zygel,

son arrière­grand­père,hazan

(cantor de synagogue)en Pologne

Représentation exceptionnelleDimanche 6 mars à 19h.

au Palace 8 rue du Fg. Montmartre Paris 9eau profit de la Maison de la culture yiddish

Réservation : 33 (0)1 47 00 14 00

Recette juive pour fabriquerde bons petits Français !

Vers l’âge de 8 ans, quand un demes camarades me demandaitpourquoi, contrairement à laquasi­totalité des écoliers de maclasse, je n’allais pas le jeudi au caté­chisme, je répondais que j’étais juif­communiste ! Il me semblait que cetteexplication devait suffire à éclairerleur lanterne. À Charenton­le­Pont,Val­de­Marne, ville où j’habitais alors,cette réponse me conférait une cer­taine notoriété, un parfum d’originali­té, mais elle ne m’aidait guère àrenforcer ma cote de popularité. Pour­tant, je n’en ai guère souffert. Les co­lonies de vacances de la CCE*, auchâteau du Roc et à Celles sur Plaine,me fournissaient un contingent suffi­sant de jeunes de mon âge fréquen­tables et normaux, c’est à dire tous…juifs­communistes.Après avoir déménagé vers un quartiernormal lui aussi, le XIe arrondisse­ment, tant au patronage, passageCharles Dallery, qu’au Lycée Voltaire,j’ai pu également vérifier qu’il étaitplus courant dans notre pays de se dé­nommer Eisenberg, Poznanski, Tenen­baum, Rosenblat, Wainberg ouSzwarcblik que Martin, Pion ou Dela­nois. J’ai aussi découvert, au fil dutemps et de mon engagement poli­tique, qu’au sein de cette catégorie im­mense des juifs­communistes ilexistait des variantes assez nom­breuses : des trotskistes – eux­mêmessubdivisés en pas mal de sous­catégo­ries ­, des maoïstes, des réformistes,des staliniens… Heureusement pourmon équilibre psychique, ils étaienttous juifs. Quand même !Ainsi, pendant une longue période,celle de mon enfance et de mon ado­lescence, je n’ai guère rencontré deproblèmes identitaires, comme on ditde nos jours. Chez mes grands­parentset dans les fêtes de famille, ça parlaityiddish, ça chantait yiddish, ça s’en­gueulait yiddish, et bien sûr, ça man­geait yiddish.Et la France ? Quoi, la France ?C’était notre pays, à nous les juifs­communistes. Contrairement auxautres, terme dont je n’ai compris quetardivement qu’il désignait les sio­nistes, ceux dont mon grand­père neparlait qu’avec un mépris appuyé etqui s’intéressaient à un pays lointainappelé Israël et qui de surcroît lisaientUnzer Vort et non le grand journal fa­milial, la Naïe Presse, je me sentaisplus français que les Français. Dureste, contrairement aux rares goységarés dans nos classes du lycéeVoltaire, j’avais lu Hugo et Zola, en­couragé par ma grand­mère qui les li­sait en yiddish ; grâce aux "14 juillet"de la CCE, je pouvais à onze ans dis­

C y c l e o p i n i o n s : ê t r e J u i f a u X X I e m e s i è c l e

Laurent Sablic

TalilaMartineBailly

PhilippeBerrod

Mishpokhe, ma famille juive

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Cela fut rappelé aussi lors de la victoiredu Hamas aux élections palestiniennes : le« mouvement de la résistance isla­mique », nom officiel du mouvement dontl’acronyme arabe est Hamas, avait été por­té sur les fonts baptismaux par Israël pour,dans un premier temps, contrer une OLPplus séculière et pluraliste. On sait ce qu’ilen advint. D’autant plus que tout embryond’un Etat palestinien fut systématique­ment détruit.En Egypte aussi, le pouvoir, bien que laconfrérie des Frères musulmans fût inter­dite depuis 1954, s’appuya à plusieurs re­prises sur les « Frères » pour démantelerla gauche nationaliste et les communistes.En Tunisie comme en Egypte, ré­gnèrent pendant des décennies la ré­pression, la torture, les exécutions etune dégradation sociale.Les révoltes ouvrières notamment à Gafsa(Tunisie) ou à Mahallah (Egypte) furentréprimées dans le sang, comme les ré­voltes ouvrières au Maroc. On entenditpeu, c’est le moins que l’on puisse dire,les voix qui portèrent leur solidarité auxmouvements sociaux durement réprimés.Comme on entend peu encore au­jourd’hui ceux qui s’élèvent contre les at­teintes aux libertés, à la démocratie et audroit des femmes en Arabie saoudite déjàcitée, mais aussi dans les monarchies duGolfe et dans d’autres régions du monde.Aujourd’hui, Alain Juppé, ministre de laDéfense, peut se donner bonneconscience en faisant une (relative) auto­critique (« Beaucoup des dirigeants deces pays ont dit que c’était eux ou lechaos islamiste. Il faut prendre au­jourd’hui le pari de l’émergence desforces démocratiques »), il n’en reste pasmoins que, pendant des décennies, lespuissances occidentales ont soutenu les ré­gimes autoritaires en écoutant et en s’ap­puyant sur leurs dirigeants.L’élément déclencheur de la révolutiontunisienne fut l’immolation de Moham­med Bouazizi, jeune diplômé contraintpar la crise économique à vendre desfruits sur un marché et en butte aux tracas­series policières.Le peuple tunisien – notamment à par­tir de sa jeunesse – a conduit un proces­sus révolutionnaire qui a précipité ledépart de BenAli.On affirme parfois que c’est sur ordre –ou conseil – de Washington, que l’armée,représentée par le chef d’État­major del’armée de terre, a forcé au départ de l’au­tocrate. La réalité est plus simple, c’est laforce du mouvement social et populaireen Tunisie qui a amené toutes les parties àtrouver une solution. Les Américainsn’ont pas besoin d’un nouveau foyer detension dans cette région du monde, ilssont donc pour une sortie de crise rapide.Les événements de Tunisie et d’Égyptemontrent que les régimes autoritaires nepeuvent plus tenir quand le degré d’exas­pération de larges couches de la popula­tion est à son comble. Aux revendicationssociales se sont ajoutées les revendica­tions directement politiques : la volonté

de vivre démocratiquement et donc d’enfinir avec des régimes où pouvoir, argentet famille se confondent. De la sociétéelle­même sont nées des formes d’auto­organisation, même si les prémices enavaient été jetées durant les luttes menésdepuis des décennies.Pour Rachad Antonius, sociologue égyp­tien, les “Frères musulmans” « ont acquisun poids du fait de la répression. Celle­cia beaucoup plus affecté les forces laïquesque les “Frères musulmans” qui avaientle réseau des mosquées pour s’organiser.Mais cette révolte a montré que les genssont capables de s’organiser en dehorsdes partis religieux. Le poids réel des“Frères musulmans” est bien moindrequ’on ne l’imaginait. Le régime les utilisecomme une sorte d’épouvantail. »Amr Ali, porte­parole du Mouvement du6 avril* ne dit pas autre chose : « Les“Frères musulmans” font partie inté­grante du régime parce qu’ils servent derepoussoir. Les jeunes en Égypte et leMouvement du 6 avril en particulier ontmontré qu’il existait une troisième voieentre le régime dictatorial de Moubaraket l’islamisme des “Frères musulmans”,c’est le peuple lui­même. »On peut dès lors s’interroger sur certainesprises de position qui justifient à l’avanceun coup d’Etat militaire ou qui regrettentle régime Moubarak (ou celui de Ben Ali)par peur de l’avenir**.Rien n’est évidemment écrit d’avance etc’est pourquoi les révolutions tunisienneet égyptienne ont besoin du soutien detous les démocrates.

Jacques Dimet* Le Mouvement du 6 avril a été crée par dejeunes égyptiens en 2008 en soutien auxgrèves ouvrières de Mahallah, réprimées dansle sang.** L’ancien président du Crif, Roger Cukierman,écrit dans la newsletter du Crif datée du 8 fé­vrier 2011 : « Ce qui se passe en Egypte n’estpas de bon augure ! Nous en sommes venus àsouhaiter le maintien au pouvoir de l’armée,non par amour de la dictature, mais par craintede l’arrivée des Frères musulmans (…) » Et lemême Roger Cukierman d’affirmer sans rirequ’aucune démocratie ne peut s’installer dansun pays arabe.convictions.

Il y a cent ans, à quelques semainesprès, une révolution populaire, princi­palement paysanne, renversait ungouvernement dictatorial. Le Mexiquevivait alors une des premières révolutionsdu XXe siècle (la révolution russe de 1905ayant connu le sort que l’on sait). John Reedque l’on retrouva en 1917 témoin engagéde la révolution d’Octobre fut aussi un té­moin de la révolution mexicaine, dont iltira un livre Insurgent Mexico.L’Histoire ne se répète pas, disait Marx,elle bégaie. Mais à un siècle d’intervalle,force est de se dire que le XXIe sièclepeut bien aussi être le siècle des révolu­tions démocratiques. Deux événementsconsidérables sont, en effet, en train dese dérouler, de l’autre côté de la Médi­terranée.Des régimes, soutenus jusqu’au bout parles démocraties occidentales et par lesEtats­Unis d’Amérique au prétexte qu’ilsauraient été un « rempart » contre les isla­mistes, sont mis à mal.La Tunisie d’abord où le régime dictato­rial de Ben Ali est en train de rendregorge après la fuite du dictateur en…Arabie saoudite, pays que personne nepeut décemment qualifier de démocrateou de non fondamentaliste.Ben Ali prit le pouvoir le 7 novembre1987, en éjectant un Bourguiba vieillis­sant qui avait transformé la Tunisie indé­pendante en pouvoir autoritaire etautocratique. Le danger islamiste, dumoins dans le monde sunnite, était alorsrelatif. La prise de conscience de ce dan­ger vint avec les progrès du FIS en Algé­rie, l’annulation par le pouvoir algériendes élections de 1991 et les années dequasi guerre civile que connut l’Algérie.On sait aussi que, durant des décennies,les Britanniques, puis les Américains,préférèrent s’appuyer et appuyer desmouvements religieux fondamentalistescontre les forces progressistes, et en parti­culier contre les communistes. Ce fut leurchoix de soutenir, par exemple, les mo­narchies arabes contre la volonté d’éman­cipation des peuples dans les annéescinquante et soixante.Ce fut le soutien aux troupes d’Arabiesaoudite qui menèrent la guerre au Yé­men dans les années 80, à la fois pourempêcher tout progrès démocratique auNord et pour tenter d’éliminer le Yémendu Sud, alors marxiste et laïque. Ce fut lecas, à une échelle encore plus grande, enIndonésie (le plus grand pays musulmandu monde) où les milices paramilitairesislamistes furent mises à contributiondans le massacre des communistes et desprogressistes après 1965 (de 500 000 àun million de morts, selon les estima­tions). Et on n’oubliera pas non plus quece furent essentiellement les Américainsqui armèrent et formèrent les premiersdjihadistes en Afghanistan (Ben Ladenfut financé, formé et armé par la CIA),avant de reporter leurs espoirs sur les tali­bans. Souvent les créatures échappent àleur maître, il n’est qu’à se souvenir duGolem.

D e l a Tu n i s i e àl ’ E g y p t e- le temps des révolutions - AndrésyDimanche 30 janvier.Une après­midi d'hivercomme les autres etpourtant différente.L'espace Julien Greenaccueille les “anciens des foyers”, leuramicale, leurs amis, des andrésiens, la mu­nicipalité d'Andrésy... pour la première dela création de Valises d'enfance, spectaclede marionnettes pédagogique, musical,dansé et imagé. L'aventure commencequand la compagnie PIPA SOL*, installée enrésidence par la municipalité d'Andrésy auChalet Denouval, découvre l'histoire dumanoir, utilisé dès 1945 par la CommissionCentrale de l'Enfance auprès de l'UJRE quiy ouvre sa première maison "d'enfants defusillés et déportés". Sollicitée en mars2009 par Agnès Gaulin Hardy, animatricede la compagnie, l'UJRE organise une ren­contre avec les anciens du foyer d'Andrésy.Le "travail" est lancé... qui aboutit à cespectacle, "expérience d’une intime er­rance dont le partage assurera la trans­mission de parcours de mémoires"**.Spectacle émouvant, à voir en famille (dès8 ans). Nous y reviendrons en mars.

Mercredi 30 mars à 15h30Scolaires à 10h et 15h30 les 29 et 31 marsau Centre d'animation Montgallet4 passage Stinville, Paris 12e

Réservation 01 43 41 47 87* LA CIE PIPA SOL (www.pipasol.fr), créée en1996, réalise des spectacles destinés avant tout àun jeune public mais dont la pertinence peutinterpeller un public plus large.** Lire Quand l'histoire sort des pantins in Lecourrier des Yvelines, 19/01/2011SainteMaximeLa Villa Massiliafut la première colonieouverte, dès la Libération, par l'UJRE. Puis,elle accueillit, de 1945 à 1948, “les enfantsde parents résistants (...) fusillés et dépor­tés. (...) Gérée par l'Union des juifs pour larésistance et l'entraide, elle a accueillitrente à quarante orphelins (...) scolarisésà l'école Siméon­Fabre, où ils ont eu pourcamarades de classe de nombreux petitsMaximois.”* “Un groupe d'amis**,soucieux d'informer la population d'au­jourd'hui” (...) a fait appel à la mémoire detous les Maximois “qui étaient sur lesbancs de l'école Siméon­Fabre entre oc­tobre 1945 et mars 1948, [en vue] de par­tager leurs souvenirs de jeunesse.”* Ainsivit le jour le Comité Massilia, soutenu parla municipalité de Sainte­Maxime qui a ac­cueilli en 2010 une exposition de la Fonda­tion pour la Mémoire de la Déportation.Grâce à leurs efforts, les "anciens" vontpouvoir témoigner dans les écoles et col­lèges de Sainte­maxime et une plaque êtreapposée au portail de l'école. Nous seronsnombreux à cette cérémonie qui se tiendraà Sainte­Maxime (Var), le :

Vendredi 18 mars 2011* Nice­matin, 14 avril 2010** Alain Prato, professeur d'histoire­géographie à laretraite, Daniel Libéron, ancien boulanger etprésident de la section locale de l'AMAC, YvetteBain et Germaine Dupin dont le père M. Bruno,était le gardien de la villa Massilia

© Luc Boutria

Mishpokhe, ma famille juive

Mémoire de la C.C.E.

Belle soirée, riche débat vendredi28 janvier à l'auditorium de l'Hôtelde Ville !Les Amis de la CCE y célébraientleurs 20 ans d'existence.Plaisir de revoir Nous continuons,film produit par l'UJRE en 1946,les enfants, notamment d'Andrésy,de Sainte­Maxime... (voir ci­contre)Nous y reviendrons dans la PNMde mars.

Moyen-OrientP.N.M. 283 ­ Février 2011 5

Page 6: La Presse Nouvelle Magazine 283 février 2011

L’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz (AFMA)organise un voyage du Souvenir et de la Mémoire.Du 3 au 6 avril 2011, l’AFMA codirigera les visiteshistoriques des camps d’Auschwitz­Birkenau, Tre­blinka et des sites de Cracovie et Varsovie (Po­logne), en présence de témoins rescapés.Durant quatre jours, les participants se rendront à Au­schwitz­Birkenau, Plaszow et Treblinka. Une visitede Cracovie (l’ancien quartier de Kazimiertz, la syna­gogue Remuth, le cimetière, le ghetto, Podgorze, le

musée de la pharmacie sous l’aigle, l’ancienne usineSchindler) et de Varsovie (vieille ville et ghetto) estaussi prévue.Comme chaque année, l’AFMA prend en charge l’or­ganisation matérielle du déplacement avec ses parte­naires : réservation de places d’avion aller­retour, delogements (en hôtel deux étoiles) pour les trois nuitsainsi que les déplacements sur place.AFMA ­ 17 rue Geoffroy l’Asnier 75004 Paris01 48 32 07 42 ­ [email protected] ­ www.afma.fr

AFMA : Fondée en 1987 au nom des rescapés des camps d’ex­termination nazis et de leurs familles pour pérenniser la mémoiredes millions d’hommes, femmes et enfants, victimes innocentesdes crimes les plus monstrueux et odieux de l’histoire de l’hu­manité, perpétrés par Hitler et ses sbires au cours de la deuxièmeguerre mondiale – Soutenue par les Fédérations nationales de dé­portés – FNDIRP et FNDIR, par des associations et amicales dedéportés rescapés du camp d’Auschwitz et de ses annexes (Kom­mandos), de combattants et de résistants. Elle compte aujourd’huiplus de 2 000 adhérents individuels, représentants de trois généra­tions... – Voyage du souvenir pour les adultes, accompagnementpédagogique de milliers d’enfants dans leur visite des camps, ex­position permanente ‘Les yeux de la Mémoire’dans ce que fut leCamp de Drancy, partenariat avec les communes de Bobigny etDrancy et d’autres associations pour rendre à l’histoire et à la mé­moire, l’ancienne gare de Bobigny, gare de la Déportation... au­tant d'éléments emblématiques de l'action de l'AFMA.

Démographie - DémagogieDans Judaïsme et Liberté, Monsieur Claude­Gérard Marcus, ancien brasdroit de Monsieur Chirac et fidèle du chanoine président Nicolas, serisque à rompre des lances pour la loi sur les retraites.Il invoque l'allongement considérable de la durée de vie ; même si l'autre voletde son exposé démographique met en évidence un accroissement de la natalité.Donc de la population active qui cotisera pour les retraites des futurs vieillards(sauf chômage massif)." Vous voulez vivre plus longtemps ? Eh bien bossez plus longtemps et ne privezpas le patronat de quelques années d'exploitation supplémentaire. N'alourdissezsurtout pas ses charges."En gros, c'est ça la vraie raison. Elle ne figure pas dans l'article.A la lecture de ce texte, une chose saute aux yeux : Monsieur Marcus manipuleles données de la démographie pour vendre la politique antisociale du présidentchanoine. Il est intelligent.Nous pas. Il en administre la preuve en invoquant l'ignorance crasse de beau­coup de nos concitoyens, y compris des hommes politiques.Au moins sept millions de travailleurs, de syndicalistes, d'étudiants, de lycéens,d'élus, de femmes et d'hommes de tous âges et de toutes régions ont manifestél'automne dernier pour le maintien d'un droit acquis, la retraite à 60 ans.Pour Monsieur Marcus et Judaïsme et Liberté, ce sont sept millions d'imbéciles.Je m'honore d'en être. Jacques Franck20 janvier 2010

OUI je veux participer à la création de l’Espace Mémoire dédiéaux résistants juifs de la M.O.I.Nom PrénomAdresseCP Ville PaysMail TélJe fais un don deà inscrire sur le mur de l'Espace Mémoire : OUI NONChèque à l’ordre de M.R.J.­M.O.I. à envoyer au 14 rue de Paradis 75010 Paris

"En souvenir du premier jour où nous avons ouvert la porte du 14, pourqu'elle ne se referme jamais"... Daniel DarèsIL NOUS RESTE À ÉDIFIERL'ESPACE MÉMOIRE DU "14"

Fondée par l’UJRE, l’AACCE, RPJ et l’UJJ, MRJ­MOIs’est donné pour objectif de créer au 14 rue de Paradis unEspace Mémoire destiné à faire connaître et à transmettrel’engagement des résistants juifs immigrés de la M.O.I.,partie intégrante de la Résistance française.Vous avez été des centaines à parrainer cette initiative au­près des pouvoirs publics en signant notre appel. Grâce à vous, grâce au sou­tien et à l’engagement de la Ville de Paris et de son Maire, notre projet prendcorps. Mais nous devons fournir 40 000 € pour financer les travaux d’aména­gement de l’Espace muséal que nous voulons créer dans ce lieu historique.MRJ­MOI sollicite les pouvoirs publics et a lancé une souscription auprèsdes particuliers. Vous avez déjà répondu avec votre générosité habituelle.Mais il nous manque encore 22 000 € et nous n'avons plus que quatre moispour les réunir. Le temps presse. Chaque don est important. Les noms desdonateurs qui le souhaitent seront inscrits sur un mur de l'Espace Mémoire.La PNM soutient cette souscription.Merci de votre soutien. Un reçu fiscal vous sera adressé.

Le billet d'humeur

Zaïre. On a ainsi, dit Brauman, « inventé unenouvelle version du crime parfait, celui­làmême où il n'y avait que des victimes ». Et,souligne­t­il, du « tous innocents » au « touscoupables », il « n'y a qu'un pas ».«Devoir d'ingérence », « communauté inter­nationale », deux expressions qui fleurissentces temps­ci autour du drame de la Côted'Ivoire avec tous leurs relents empoisonnésd'interventions armées, de « sanctions »,d'arrogance des vieilles puissances impé­riales et coloniales dont les peuples seuls sontles victimes. Et dans le même temps, c'est aunom d'une prétendue non­ingérence en Tuni­sie que la ministre française des Affairesétrangères et européennes, Mme Alliot­Ma­rie, en est arrivée à proposer les services denotre pays au totalitarisme d'un Ben Ali pourréprimer plus efficacement..., sans doute aunom « de la civilisation » dont le puissant sedit porteur face au faible.Né en Israël en 1950 – son père était uncombattant de la Haganah – Rony Braumanest, tout naturellement, conduit à s'interrogersur le devenir de ce pays. « Historiquement,le sionisme a été à la fois un mouvement delibération nationale et un mouvement deconquête coloniale », constate­t­il. « Réparerune horreur par une injustice, qui plus est,envers un peuple qui n'avait aucune res­ponsabilité dans l'horreur, ne pouvait êtreune issue viable », dit­il encore à propos dela création de l'État d'Israël, « une erreur po­litique majeure de l'après­guerre ». Mais,souligne­t­il avec une même force, « Israëlexiste et la question qui se pose désormaisest de savoir comment composer avec cetteréalité pour que soient reconnus et respectésles droits politiques des Palestiniens ».Dans son permanent souci de ne pas se lais­ser piéger dans le non­penser au nom de l'ur­gence, Rony Brauman dénonce la tentativede culpabilisation de toute critique de la poli­tique israélienne ou de recherche d'une solu­tion juste et durable « au nom de la mémoire» sacralisée de la Shoah. « Aucune mémoirene ménage de place pour les victimes desvictimes. Pas plus la mémoire juive que lamémoire japonaise, africaine ou palesti­nienne ».Et, pourrait­on conclure avec Rony Brau­man, il affirme que « si l'on veut s'appuyersur le passé pour tenter de conjurer les dan­gers du présent, seule l'Histoire, avec sescomplexités, peut nous aider ».« Finalement, si on vous demande : qu'est­cequ'être juif pour vous? Est­ce une questionqui peut avoir du sens ? ».A cette question existentielle de Cathe­rine Portevin, l'humaniste sans frontièresrépond : « C'est un fait. Quel est le sensd'un fait quand on n'est pas croyant ? ».Michel Muller* Rony Brauman, Penser dans l'urgence ­ Par­cours critique d'un humanitaire, Éd. du Seuil,Paris, 2006, 267 p., 21 €** NDLR DERG : Nom du groupe de soldatsdissidents qui renversa Haïlé Sélassié en 1974

Itinéraire

«Dans son livre sur Eichmann, Han­nah Arendt montre un homme à laconscience assoupie, un criminelqui n'était pas tant animé par la soif du malque par la volonté de bien faire son travail,c'est­à­dire, en l'occurrence, organiser la dé­portation des juifs d'Europe ainsi que desPolonais, des Slovènes et des Tsiganes versles camps. (…) Avant d'être un acteur de l'ex­termination, c'était un travailleur, un “experten émigration”, devenu chef logisticien de la“solution finale du problème juif.” (…) C'estde cette façon que des actes monstrueuxpeuvent être commis par des hommes qui nesont pas des monstres et dont la caracté­ristique n'est pas la stupidité, mais l'absencede pensée. (…) Je ne pouvais, à l'époque [oùj'ai lu Hannah Arendt] concevoir démocratieet totalitarisme qu'en confrontation au­des­sus d'un gouffre qui les séparait (…). Nonque démocratie et totalitarisme soient lamême chose, mais, avec le personnaged'Eichmann, apparaissent des liens qui fontqu'un sujet ordinaire, d'une société ordinaire,peut fonctionner dans le cadre d'un crimeextraordinaire avec la quasi­totalité de sonoutillage intellectuel (…). »L'auteur de ces réflexions est Rony Brau­man répondant aux questions de CatherinePortevin dans un ouvrage intitulé Penserdans l'urgence*. D'une certaine manière,c'est bien cette inquiétude permanente de fuirle piège de « l'absence de pensée » qui est aucœur de la vie de l'ancien président (1982 à1994) de Médecins sans frontières (MSF),acteur depuis la fin des années 1970 de l'hu­manitaire dont « une caractéristique fon­damentale » est « l’ambiguïté » et « uneincitation renouvelée à la penser ».« Né » à la politique dans le grand chambou­lement de mai 1967­68 et le combat contre laguerre américaine du Vietnam, fasciné untemps par le maoïsme dans son acceptionplaçant sur un même plateau le militant duPCF, de la CGT, « ces sociaux­traîtres » etles nervis de l'extrême droite, Rony Braumanse sentait, dans un même mouvement, enga­gé dans un combat vital et dans l'effroi devant« la rapidité avec laquelle une idée devientun cliché dès lors qu'elle est répétée ».« La rhétorique humanitaire, toujours tentéed'exprimer, comme le gauchisme, l'idée d'unBien universel, sombre vite dans le vide deslieux communs », si ce n'est le pire comme cefut le cas – explique Rony Brauman – enÉthiopie en 1984­85 où les ONG ont étéinstrumentalisées par la dictature « révolu­tionnaire » du DERG** lors d'un programmede déplacement massif et mortel (plus de500.000 victimes) de populations, sous cou­vert d'actions d'urgence contre la famine etde création de « l'homme nouveau ». Le pire,aussi, a été commis lors du génocide des Tut­si au Rwanda en 1994 – avec la France « auxcôtés d'un pouvoir raciste et sanglant » ­ etce qui en a suivi, qualifié de « crise humani­taire » par le Conseil de sécurité des NationsUnies, couvrant ainsi d'un même manteau legénocide et les massacres qui ont suivi au

Le doute créateur d'unhumaniste sans frontièresRonyBrauman

Voyage du Souvenir et de la Mémoire¥¥¥¥¥¥¥¥¥en Pologne, du 3 au 6 avril 2011

URGENT

6 P.N.M. 283 ­ Février 2011

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Au delàde ClintEastwoodEastwood aborde le domaine de lamort en trois récits fantastiquesqui se mêlent. Si le sujet touche, lefilm convainc moins que les derniersopus du cinéaste, même s’il est à voir.Le risque est de trouver Au delà plussimpliste que simple : Eastwood adéjà réalisé des films plus complexeset plus beaux.

Poursuivant son programme d’ex­positions consacrées à des artistespersécutés et assassinés pendant lejudéocide, Friedl Dicker­Brandeis, BrunoSchulz, Charlotte Salomon, ou rescapéset marqués à jamais, Isaak Celnikier,Serge Lask, le Musée d’art et d’histoiredu judaïsme de Paris* a présenté du 23septembre 2010 au 23 janvier 2011 unensemble unique de cinquante­neufœuvres d’un peintre allemand découverttardivement en Allemagne et encore in­connu en France, Felix Nussbaum (1904­1944), habituellement visibles pour unegrande partie d’entre elles dans un muséeconstruit par l’architecte américain d’ori­gine polonaise, Daniel Libeskind (qui aaussi conçu le Musée juif de Berlin), àOsnabrück, la ville natale du peintre.La « Felix Nussbaum Haus » qui, durantcette exposition parisienne, s’agrandis­sait, a montré continuellement plus decent soixante œuvres de Nussbaum, ac­complissant ainsi sa volonté : « Si jemeurs, ne laissez pas mes peintures mesuivre, mais montrez­les aux hommes. »Peintre sensible aux leçons de la « Nou­velle Objectivité », de la peinture méta­physique italienne et du surréalisme,Felix Nussbaum n’a jamais caché l’in­fluence de Van Gogh, Rousseau, Ensor,Chirico, Beckmann, Dix, Ludwig Meid­ner, son professeur et de Felka Platek, sonépouse. Puis, jeté sur les routes de l’émi­gration par la venue de Hitler au pouvoir,il a su faire siennes leurs manières, les dé­passer pour traduire son angoisse, son ef­froi, son désespoir de Juif livré à la foliegénocidaire des nazis.Dans les salles de l’hôtel Saint­Aignan,on pouvait, pour découvrir le chemin dela tragédie vécue par Nussbaum et tra­duite en peinture, faire quatre stations.La Place folle, 1931. La Pariserplatz. Aucentre la porte de Brandebourg. Au fond,à droite, la colonne tronquée de la Vic­toire, devant laquelle passe un peloton decroque­morts. À droite, jouxtant la cé­lèbre porte, l’immeuble en ruine où ha­bite Max Liebermann, le président del’Académie prussienne des arts. À gau­che, ladite académie vers laquelle se di­rige un long défilé ordonné de vieux aca­démiciens en frac. Des angelots le sur­volent, l’un brandissant le drapeau prus­sien, un deuxième soufflant dans la trom­pette de la renommée, deux autres répan­dant des fleurs sur les têtes et aux piedsdes vieillards. Occupant le centre de laplace, vingt­deux jeunes peintres enblouse blanche déchargent d’un camiondes tableaux ou en montrent d’autres. Fe­lix Nussbaum est l’un d’entre eux. Sespeintures sont reconnaissables. Sur la ter­rasse de son immeuble, Max Lieber­mann, le dos tourné à la place, peint l’unde ses nombreux autoportraits que sur­monte, horizontal, l’ange doré de la co­lonne de la Victoire. Les peintres quel’Académie a refusés préparent l’exposi­tion de la Sécession berlinoise.

Autoportrait dans le camp, 1940. L’ar­tiste à Saint­Cyprien près de Perpignan. Ila été arrêté par les autorités belges et, dé­claré « étranger ennemi », déporté dansce camp, comme cinq à huit mille autresJuifs allemands qui avaient fui le Reich.En buste de trois quarts à droite. La vestebrune déchirée, rapiécée, une calottenoire effrangée sur la tête. Le regard dur,impénétrable. La bouche ferme. Le cielest sombre. Une rangée de hauts barbelésenchevêtrés sépare l’espace du campd’un désert bosselé rouge­brun, le dehorssans espoir. De chaque côté du tableau,un baraquement. Devant l’un, le visagecaché dans ses mains, un homme assis àune table de planches récupérées. Devantl’autre, deux hommes. L’un, demi­nu, as­sis au bord d’un tonneau d’aisances dé­goulinant d’excréments ; l’autre, dé­charné, un bouchon de paille à la mainpour s’essuyer. Devant eux, le peintrenous jette son regard froid. Il accuse !Autoportrait au passeport juif, vers1943. Même manière. Felix Nussbaums’est évadé, est revenu à Bruxelles. Dé­noncés par un homme avec qui il s’étaitlié d’amitié, agent sournois de la Gestapo,le peintre et sa femme, Felka Platek, secachent. Devant de hauts murs infran­chissables, l’artiste en buste de troisquarts à droite, encore. Coiffé d’un feutre.Mal rasé, émacié, il relève de la maindroite le col de son manteau pourqu’apparaisse mieux son étoile jaune. Dela gauche, il tient sa carte d’identité, avec,mis en abyme, son portrait photogra­phique : mêmes traits, même feutre. Ins­crits au tampon rouge au centre du docu­ment : JUIF­JOOD. Derrière le mur, unarbre élagué ras, dressé comme une po­tence à six bras. Pourtant, les quelquesbranches d’un arbre en fleurs.Triomphe de la mort (Les squelettesjouent une danse), daté du 18 avril 1944.Le 20 juin, dénoncés, Felix et Felka sontarrêtés par la Wehrmacht. Le 31 juillet, ilsmontent dans le dernier train en partancede Belgique pour Auschwitz, où ils ar­rivent le 2 août. Scène d’apocalypse. Sa­rabande macabre immobile pour unpressentiment. Le Triomphe de la mort deBruegel, Les Désastres de la guerre deGoya, La Guerre d’Otto Dix, Guernicade Picasso. Devant, la terre jonchée desvestiges détruits des arts, des techniques,des sciences, des métiers. Au­dessus, labande centrale des squelettes ricanant quisonnent de leurs instruments de musiquesur un fond de ruines la cacophonie duJugement dernier. Dans le ciel aussi brunque le reste du tableau, des cerfs­volantsgrimaçants, menaçants, et une escadre dehuit minuscules navires aériens.ÀAuschwitz, le couple est assassiné.Nussbaum a légué à l’humanité quelques­unes des œuvres les plus émouvantes,uniques, interprétations des persécutionsdes Juifs par Hitler et les siens. Ses pein­tures ne l’ont pas suivi, elles sont mon­trées aux hommes. François Mathieu

Felix Nussbaumpeintre assassiné à Auschwitz

la chronique deLaura Laufer Memoryof the Campsde Sidney Bernstein

Grande­Bretagne, 1945couvrir un documentaire, rarement montré, qui bénéficia de ses conseils : Me­mory of camps qui fut tourné pour l’essentiel au camp de Bergen­Belsen, sous ladirection de Sidney Bernstein et dont nombre d’images, aujourd’hui embléma­tiques de la barbarie nazie dans les camps, ont été reprises par d’autres cinéastes,à commencer par Alain Resnais dans Nuit et Brouillard.Bernstein, qui fut membre du parti communiste anglais, avait travaillé jus­qu’en 1944 comme conseiller auprès du ministère britannique del’Information. A partir de 1944, il travaille, à l’Etat­major suprême desforces expéditionnaires alliées (SHAEF), enqualité de chef de la Section cinématogra­phique. Hitchcock, ami proche, le rejoint pourparler du projet qu’ils ont ensemble de créerune société de production indépendante laTransatlantic Pictures. C’est alors qu’Hitch­cock réalise deux films en français, conçus ensoutien à la Résistance française : Bon voyageet Aventure malgache. En 1945, décidant deproduire, à partir d'images tournées pas desphotographes alliés, un film destiné à être pro­jeté dans toute l’Allemagne pour montrer et garder trace des atrocités nazies, Bern­stein demande à Hitchcock de l'aider dans cette réalisation. Celui­ci préconise defilmer en plans longs, sans coupe et de s’interdire, autant que possible, le montage,car le montage est mensonge.Cette question du « montage interdit » invite à s'interroger sur l’écriture cinémato­graphique de l’Histoire. D'où le questionnement d'Hitchcock : comment faire pourque le spectateur puisse être convaincu de la vérité de l’image ? Comment identi­fier le lieu et le moment de la prise de vue ? Comment reconnaître acteurs et ac­tions ? Toute écriture historique se doit d’identifier le document source et d'endéterminer l'authenticité. Hitchcock recommande, entre autres, d’inscrire dans unmême plan panoramique charnier de victimes, bourreaux et témoins (Allemandsdu voisinage ou soldats libérateurs) afin de prouver le non­trucage des images decadavres.Il semble que la version de Memory of the camps montrée à la Cinémathèque soitun remontage du film, datant de 1985, où l'on a cru bon de couper l’ouverture etd'ajouter un commentaire ininterrompu qui aboutit à ce que les images soient as­sourdies sous la voix de Trevor Howard. Si mes souvenirs sont exacts, à l’ouver­ture du film d’origine, on entendait et voyait Hitler vociférer, acclamé par la foulequi venait de l’élire, puis, silence. La caméra entrait dans le camp de Bergen­Bel­sen et, sans bande sonore, témoignait par les seules images, le silence faisant chocaprès les hurlements d’Hitler. On y voyait aussi d’autres camps, la campagne tran­quille, aux alentours notamment d’un camp du Tyrol où les nazis déportaient leshandicapés mentaux pour s’y livrer à de monstrueuses expériences.C’est bien souvent de ce film que sont issues les images des collections morbidesdécouvertes dans les camps : montagnes de cheveux, de lunettes, de vêtements,objets fabriqués à partir des corps des déportés (bougies, abat­jour de lampes ...).Le film inachevé ne fut jamais montré. La réconciliation avec l’Allemagne étantà l’ordre du jour, il fut interdit de diffusion durant la guerre froide. Dans les années80, on le vit dans quelques projections, accompagné d’un documentaire surl’histoire de sa réalisation, La mémoire meurtrie.Aujourd’hui, les extraits du document d’origine ont été maintes fois recyclés, re­vus et noyés dans le flux des propagandes visuelles qui se déversent sur tous lesécrans du monde. Comment les sortir de leur banalisation ? Et à l’heure où les sur­vivants de cette histoire disparaissent, la question des formes de transmission deson récit se posent. Il reste que s’interrogeant sur la représentation de la vérité,Hitchcock a répondu par l’écriture cinématographique, une écriture où l’éthique etla pensée de l’image participaient de la construction de l’Histoire.

la chronique deLaura Laufer

CultureCôtéExpos

Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris a fait découvrir à plus de40 000 visiteurs Felix Nussbaum, peintre juif allemand assassiné à AuschwitzLa Cinémathèque française organise enjanvier et en février une intégrale de l’œuvred’Alfred Hitchcock. C’est l'occasion de dé­

(Art)(Spiegelman)

s'est vu décernerle Grand Prixdu 38e Festival internationalde la bande dessinéed'Angoulême.Rappelons qu'il est l'au­teur de Maus (1987), évo­quant sous forme debande dessinée, le géno­cide nazi, seule BD ayantreçu le prix Pulitzer en1992.*Avoir : une visite guidée de l'exposition et les tableaux décrits dans cet article sur le site de l'UJRE : http://ujre.pagesperso­orange.fr/pages/nussbaum.htm

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Page 8: La Presse Nouvelle Magazine 283 février 2011

À la Recherche du temps perduest une œuvre qui peut se lirede bien des façons. Elle peutêtre lue comme un pur traité d’esthé­tique où l’on retrouve des méta­phores sans nombre ayant trait à lapeinture ancienne ou à l’époque del’auteur. Elle peut bien sûr être vuecomme la mise en scène d’un mondetriomphant mais qui est en train desombrer et dont la Grande Guerreaura raison – une sorte d’anti­Zolapuisque Marcel Proust ne cherchepas à dresser un tableau exhaustifdes strates sociales, de ses mœurs, deses aspirations et des mécanismes dela société française. Comme danstous ses livres qui sont des monu­ments, aucune interprétation ne par­vient à l’expliquer et surtout àl’épuiser.Il y a un personnage dans ce roman­fleuve qui n’est comparable à aucunautre. Il ne donne lieu à aucune ex­ploration poussée de sa personnalité,ni à une description de sa circulationdans les cercles mondains. Il n’existeque pour dire ou faire certaineschoses bien précises. C’est un amide lycée du narrateur et il apparaîtassez tôt et de manière brusque dansDu côté de chez Swann. Il s’appelleBloch. Proust introduit ce dernierdans son cercle familial. Mais songrand­père exprime une sorte de ré­serve : « C’était toujours un juif, cequi ne lui eût pas déplu en principe –même son ami Swann était d’originejuive – s’il n’avait trouvé que cen’était pas d’habitude parmi lesmeilleurs que je le choisissais. » SiSwann a, aux yeux du narrateur, unedimension héroïque, Bloch a unefonction révélatrice dans le récit. Ilest vite détesté par le reste desproches du narrateur, surtout par samère qui juge son influence perni­cieuse. « Mais j’aimais Bloch »,avoue­t­il. Une profonde complicitéunit ces deux jeunes gens. MaisBloch disparaît longuement une foiscette situation exposée.Il réapparaît bien plus tard dansl’histoire, dans la première partied’À l’ombre des jeunes filles enfleurs (« Un amour de Swann ») :c’est Bloch qui lui permet d’avoiraccès chez les Swann pour rencon­trer Odette et c’est encore lui qui luifait découvrir de nouveaux hori­zons : « Ce fut vers cette époque queBloch bouleversa ma conception dumonde, ouvrit pour moi des possibi­lités de bonheur… » En réalité, il leconduit dans une maison de passe. Ilapprend que « le bonheur, la posses­sion de la beauté, ne sont pas chosesinaccessibles…» Et ces joies se pré­

sentent sous l’apparence de Rachel,qui se concluent par bien des souf­frances et de mornes souvenirs.Mais Bloch n’est pas seulement soncicerone, en poésie et en amour char­nel. C’est aussi son double en Juifidentifiable comme tel. Quand ildîne dans sa famille, il examine sonpère, qu’il regarde comme unhomme se donnant une « importanceillusoire ». Il les scrute avec atten­tion, sans complaisance. Il comprendqu’ils ne sont pas reçus dans les mi­lieux de la haute société. Il se rendcompte aussi qu’entre eux ils uti­lisent « un dialecte mi­allemand, mi­juif…». La description de la soiréemontre un microcosme un peu ridi­cule et plein de suffisance, sans par­ler de traits de caractères particuliè­rement risibles (« Enfin, dans cemilieu où les grandeurs factices del’aristocratie n’existent pas, on lesremplace par des distinctions plusfolles encore. »).Cette vision très caustique fait échoà l’incident survenu chez Mme deMarsantes quand Odette Swann ar­rive en même temps que Lady Is­raels (elle « était sur des épines. »).Somme toute, si Bloch est omnipré­sent, c’est parce qu’il révèle lemonde juif à lui­même, pouvant enrire sans pitié. A Balbec (Cabourg),le narrateur entend une voix gogue­narde: « On ne peut pas faire deuxpas sans en rencontrer […] Je nesuis pas par principe irréductible­ment hostile à la nationalité juive,mais ici il y a pléthore. On n‘entendque “Dis donc, Abraham, « chai fuChakop »”. On se croirait rued’Aboukir. »Cette voix, c’est celle de son cama­rade Bloch. Force lui est de recon­naître qu’il est accompagné de touteune colonie « plus pittoresquequ’agréable. […] Toujours en­semble, sans mélange d’aucun autreélément, quand les cousines et lesoncles de Bloch, ou leur coreligion­naires mâles ou femelles se ren­daient au Casino, les uns pour le« bal », les autres bifurquant vers lebaccara, ils formaient un cortègehomogène en soi et entièrement dis­semblable des gens qui les regar­daient passer […] Quant auxhommes, malgré l’éclat des smo­kings et de souliers vernis, l’exagé­ration de leur type faisait penser àces recherches dites « intelligentes »des peintres qui, ayant à illustrer lesÉvangiles ou les Mille et une Nuits,pensent au pays où la scène se passeet donnent à Saint Pierre ou à AliBaba précisément la figure qu’avaitle plus gros « ponte » de Balbec. »

Marcel Proust, lui­même entre deuxmondes, celui­là (par sa mère, néeVeil) et celui du « beau monde » (parson père), lâche le nom de CharlesMaurras et fait état de l’affaire Drey­fus, qui amena selon lui un nouveau« kaléidoscope » peu après qu’il aitconnu Mme Swann et Gilberte. Ilobserve : « Tout ce qui était juif pas­sa en bas, fût­ce la dame élégante, etdes nationalités obscures montèrentprendre sa place. » Mais il fait aussiremarquer les aspects positifs deJuifs qui, par exemple, ont su semontrer patriotes.C’est ainsi qu’il enregistre de loin enloin les variations sur le sismographede l’opinion de son temps au sujet decette communauté aveuglée par l’es­pérance de se fondre dans la culturefrançaise et de s’y imposer. Ce quifait penser qu’en filigrane, la Re­cherche est une analyse sans conces­sion d’un pays qui s’est converti àLa France juive d’Édouard Drumontet à sa ligue antisémite tout en étantune critique mi­figue mi­raisin etpleine d’ambiguïté des aspirationsdes Juifs enrichis et plus ou moinsintégrés qui tentent de forcer lesportes de la noblesse et de la hautebourgeoisie d’affaires issue du Se­cond Empire, dont il fait apparaîtrede la même façon les travers et lesfaux­semblants.Gérard-Georges Lemaire

LittératureProust à l'époque de l'affaire Dreyfus

Marcel Proust (1871­1922)

Le gros lot

Vous les avez adorés en juin, en no­vembre ... ou vous les avez ratés ? Enallant (re)voir jouer Dos groyse ge­vins (Le gros lot), pièce de SholemAleichem jouée en yiddish, sur­titréeen français, le dimanche 13 mars à16h. à l'Espace Rachi, non seule­ment vous saurez ce que Shimele etsa famille deviennent après avoir ga­gné le gros lot, mais vous aiderez àfinancer le voyage du “Troïm Tea­ter” de Charlotte Messer, troupe in­vitée à participer au FestivalInternational de Théâtre Yiddish deMontréal, du 13 au 23 juin 2011.Information ­ Maison de la culture yiddish ­01 47 00 14 00

À vos agendas !

Cet article paraît alors que France 2 vient de diffuser deux soirs d'affilée l'adaptation par Nina Companeez d'À la recherche du temps per­du. Dans le grand œuvre de Marcel Proust se tisse en filigrane une méditation sur le monde juif de son temps. Des personnages illustrent lasituation des Juifs en France : Swann d'abord (le Juif "intégré", qui se hisse dans les hautes sphères de la société) et Bloch, camarade declasse du narrateur (le Juif incarnant la judéité, mais aussi très critique à ce sujet). S'il n'a pas renié ses origines, Proust, qui a été un drey­fusard convaincu, reste un mystère car il a eu pour amis les plus acharnés antisémites d'alors...

L’IREMMO* organise mardi 1ermars à 18h30 une rencontre avecVictor Segré, auteur de :

L'EXIL ­ Mes années en IsraëlPrésentation de l'ouvrage sous formed’un dialogue entre l'auteur et AlainGresh du Monde diplomatique. Celivre est le récit d’un fragment de vied’un jeune communiste juif originaired’Égypte où il s’est engagé, avec tantd’autres, dans un combat politique enfaveur des pauvres et du rêve d’unmonde meilleur. Arrêté, il doit se ré­soudre à l’exil. Après un bref séjour enItalie, il choisit Israël où il arrive en1949. C’est de ce parcours dont VictorSegré viendra parler. Discussion suivied’une séance de signatures.* Iremmo : Institut de Recherche et d'Études

Méditerranée Moyen Orient ­ Information :01 43 29 05 65 / [email protected] ­5 rue Basse des Carmes 75005 Paris

L’UEVACJ­EA* organise mardi 1ermars à 17h30 à l'auditorium del'Hôtel de Ville de Paris**, une pro­jection­débat autour du film :- LES RÉGIMENTS FICELLES -Des héros dans la tourmente de 1940

Documentaire de R. Mugnerotsur une idée de J­P. Richardot,sur l'engagement massif desétrangers dans l'Armée françaiseen septembre 1939* Uevacjea ­ Réservation : 01 42 77 73 32 /

[email protected]** Hôtel de Ville de Paris ­Auditorium ­ 5

rue Lobau Paris 4e

Fin 2010, l'actualité sociale nenous a pas permis de publier lespropos confiés par Stéphane Hes­sel à Hélène Amblard.Qu'ils nous le pardonnent, noslecteurs trouveront dans le pro­chain numéro, une interview deStéphane Hessel. PNM

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