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Réflexions libérales sur la prostitution liégeoise

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Page 1: Réflexions libérales sur la prostitution liégeoise

Réflexions libérales sur la prostitution

Elisabeth Fraipont

Conseillère communale

(0477/33.58.83)

Catherine Robert

Conseillère CPAS

(0497/51.14.40)

16 février 2011

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Préalable

Pour rappel, la Belgique a ratifié la Convention de New-York du 2 décembre 1949 pour la

répression de l’exploitation de la prostitution d’autrui. La règlementation communale s’est

d’ailleurs basée sur l’article 17 de cette convention à savoir la lutte contre la traite des

êtres humains. En effet, la règlementation communale adoptée en 2003 a interdit la

prostitution sur le territoire de la Ville sauf à certains endroits et selon certaines

conditions.

La problématique de la prostitution revient d’actualité avec le projet d’Eros Center qui sera

présenté, d’après le Bourgmestre DEMEYER, s’il parvient à avoir le soutien de la majorité,

endéans le premier semestre 2011.

Jusqu’à présent, le projet s’est dévoilé par bribes, via quelques réunions préparatoires

voire par voie de presse ;

Néanmoins, le Mouvement Réformateur, vu le sujet sensible abordé, souhaite précéder le

débat qui se nouera vraisemblablement dans les prochaines semaines et livrer quelques

réflexions sur le projet de création d’un Eros Center à Liège ainsi que sur la prostitution en

général.

A l’égard de la problématique prostitutionnelle, nous devons différencier la lutte contre

la prostitution de la « gestion » (communale) de la prostitution.

La prostitution prend différentes formes et appelle une « gestion » différenciée pour

chacune de ces formes de prostitution.

Nous pensons, de plus, que l’on devrait, systématiquement, préciser le type de

prostitution puisqu’elle revêt quatre formes : les salons, les bars à serveuses et clubs

d’hôtesses, la prostitution privée et le racolage.

Pour rappel, en Belgique, le seul moyen d’exercer son activité de façon légale pour une

personne prostituée consiste en la pratique de la prostitution de salon, les autres pratiques

susdites impliquant nécessairement une infraction au Code Pénal parce que renvoyant aux

notions de proxénétisme (cf. la prostitution en privé avec patron), de racolage (cf. la

prostitution de rue) ou de diffusion de publicité sur les offres à caractère sexuel (cf. la

prostitution en privé sans patron et la prostitution par Internet).

L’idée est donc de ne pas marginaliser plus les personnes prostituées, mais de leur

permettre d’exercer leurs activités dans des conditions de sécurité et d’hygiène conformes

à la dignité humaine sans intention de rencontrer la notion de profit anormal.

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Analyse du projet ISATIS (Initiative Sociale d’Accompagnement des

Travailleurs Indépendants Sexuels)

Le projet consiste en la mise en location par une ASBL de locaux aménagés permettant

l’exercice de la prostitution dans des conditions de sécurité et de salubrité conformes à la

dignité humaine et ce, à prix raisonnable sans intention de réaliser un profit anormal.

Les buts recherchés, notamment, par le projet ISATIS :

• La lutte contre l’exclusion sociale via l’amélioration des conditions de travail des

personnes prostituées en matière de sécurité et de salubrité par le biais notamment

de l’introduction de critères techniques auxquels doivent satisfaire l’établissement et

des accords de partenariat passés avec le secteur socio-sanitaire.

• La lutte contre la Traite des êtres humains via l’obligation faite aux locataires des

salons d’effectuer une déclaration auprès de la Section Mœurs de la Police afin de

permettre un contrôle efficace, et par voie de conséquence, de fermer la porte à

toute situation illégale (réseaux mafieux, exploitation sexuelle de mineurs d’âge,…).

• L’accès aux informations quant à l’aspect clandestin de la prostitution.

• Une meilleure sécurité des personnes prostituées et de leurs clients.

• Une gestion plus adéquate des nuisances liées à la prostitution vu sa concentration

en un endroit.

• L’accès aux services de prévention et de soins garanti pour une réduction des

risques en matière de santé publique.

• La réduction du « travail » au noir.

• La prévention à la banalisation du travail du sexe.

MAIS les objectifs avancés seront-ils rencontrés par l’ouverture d’un Eros Center ?

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1. Le projet ISATIS ne concerne que la prostitution de salons et pas la prostitution de rue, les bars à serveuses, les salons de massage, les petites annonces,… Il ne va

donc pas résoudre tous les problèmes de nuisances liés à la prostitution, n’éliminera

pas l’exploitation sexuelle et la traite des êtres humains vécus dans ces activités, ne

contribuera pas à diminuer les réseaux clandestins ni à augmenter la sécurité de

celles/ceux qui sont le plus vulnérables en raison du profil des clients (prostitution

de rue,…) et ce, à cause du cloisonnement du secteur.

2. L’obligation de prendre un statut (celui d’indépendant) pourrait institutionnaliser cette activité et par ailleurs encourager la personne prostituée à poursuivre une

activité qu’elle n’aurait souhaitée que temporaire et occasionnelle. En outre, les

nombreuses personnes qui ne souhaitent pas prendre ce statut risquent de rester

dans la clandestinité (comme le soutient Espace P).

3. Le coût du projet est élevé vu l’investissement envisagé de 5 millions d’Euro. Au-

delà d’une question d’éthique quant à la garantie apportée par la Ville de Liège à

l’emprunt concerné, il s’agit d’un vrai risque financier vu l’inconnue quant à la

viabilité du Centre : quid des personnes prostituées désireuses de s’inscrire dans

une telle infrastructure ? quid du montant des loyers perçus? Même si il est

question de destiner des bénéfices éventuels à des actions et campagnes de

sensibilisation et de prévention de l’exploitation sexuelle, les sommes investies

n’auraient-elles pas été plus utiles si elles avaient été consenties dans le cadre de la

lutte contre toutes les formes de prostitution plutôt que dans le soutien d’un seul de

ces types (la prostitution en « salon ») ?

4. le projet est présenté trop tardivement par rapport à la fermeture des salons de la

rue de l’Agneau et de la rue du Champion en avril 2009. Le MR aurait alors

souhaité, pour rappel, un moratoire afin de trouver une solution aux personnes

prostituées concernées, solution autre que la mise en place de la cellule sociale

partenariale du 1er octobre 2008. Or, force est de constater que les personnes

prostituées se sont déplacées vers Saint-Trond, Awans et Seraing. Pourquoi n’a-t-

on pas envisagé à l’époque la mise à disposition d’un bâtiment existant pour

rencontrer le problème de relogement des personnes expulsées et ce d’autant que

la raison officielle à la fermeture des salons était notamment le plan de

requalification urbaine du quartier de « Cathédrale-Nord » (cf. règlement communal

du 8 septembre 2008) ? La question peut, également, se poser de la pertinence

d’un « rapatriement » des personnes prostituées vers Liège. De plus, ces personnes

seront-elles demanderesses de « revenir » sur Liège ?

5. le questionnement reste pendant quant à l’identité du coordinateur de projet et des

éventuels salariés de l’association et ce, afin d’éviter l’écueil des réseaux de traite

des êtres humains.

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6. aucun plan de reconversion du bâtiment n’est prévu en cas de problème quel qu’il

soit.

7. Le projet ISATIS risque, aux yeux de la population, de ne pas contribuer à lutter

contre la banalisation de la prostitution voire même de la cautionner. Il sera

important pour les autorités politiques de bien communiquer sur le projet, ses

tenants et aboutissants, afin que l’image de la Ville de Liège ne soit pas ternie par

cette initiative et que le but poursuivi soit bien appréhendé par la population.

8. Le volet social n’est pas explicité dans le projet ; aucun plan concret de réinsertion pour les prostituées n’est présent … l’image donnée est celle d’un accord de

principe du phénomène sans tenir compte du fait que la prostitution en général et

la prostitution de salon en particulier est et reste de l’ordre de la traite des êtres

humains et qu’en tant que tel, des possibilité d’aide à la sortie du milieu doivent

être présentes et visibles pour les prostituées comme pour les citoyens.

9. Des missions d’information, aide, prévention,… sont présentes, mais elles sont déjà

assurées par des associations d’aide aux prostituées.

10. L’approche de la réduction des risques liés à la prostitution s’attaque aux conséquences et non aux causes de la prostitution. Si une telle approche s’avère

efficace pour les problèmes de dépendance à une substance, elle n’est pas adaptée

et clairement insuffisante concernant la prostitution. En effet, ce ne sont plus les

personnes qui consomment qui sont visées mais les personnes prostituées qui sont

« le produit » consommé par un client. De plus, cette approche n’envisage pas la

sortie de la prostitution.

11. Le rôle de la Ville de Liège devrait être clairement défini même s’il est

compréhensible que cette question soit sensible étant une question de sécurité

juridique de l’intervention publique. La Ville de Liège apparaît plus qu’en filigrane

puisque quatre conseillers communaux sont présents dans l’ASBL ISATIS (même

s’ils le sont à titre privé), le terrain sur lequel sera édifié le bâtiment appartient à la

Ville de Liège (donc vraisemblablement un lien existera sous la forme d’un bail

emphytéotique), la Ville sera garante de l’emprunt évalué à 5 million d’euros,…

Avis nuancé du Mouvement Réformateur

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Les différentes pratiques de prostitution (c’est-à-dire prostitution en appartement privé, en

vitrine, en salon de massage, en bar à serveuses, en rue, via petites annonces, etc…)

constituent des sous-secteurs hermétiques. Les profils des personnes prostituées dans

chacun de ces sous-secteurs sont très différents. Les associations de terrain que nous

avons rencontrées observent qu’il y a peu de passage d’un sous-secteur à un autre.

Si nous avons constaté la mise en place d’une collaboration efficace entre les différents

intervenants (autorités judiciaires, politiques et académiques, la Police et le secteur

associatif), nous considérons néanmoins que dans l’immédiat l’élaboration d’une approche

globale de la prostitution à Liège doit encore voir le jour. Aux yeux du MR, il ne peut être

question d’affirmer, comme ce fut le cas avec l’expérience TADAM, que l’Eros Center soit

LA solution à la problématique de la prostitution à Liège.

La création d’un Eros Center ne vise à gérer qu’une seule facette de la prostitution, celle

de la prostitution de salon.

Pour le Mouvement Réformateur, la création d’un Eros Center à Liège n’aura de

sens QUE s’il est inclus dans un plan d’ensemble de propositions visant à gérer,

à encadrer et à lutter contre toutes les facettes de la prostitution à Liège.

Afin de gérer et cadrer efficacement la problématique de la prostitution à Liège, le

Mouvement Réformateur désire voir des propositions concrètes et claires pour tous les

types de prostitution et ce, de façon simultanée.

Pour la prostitution de salon, la création d’un Eros Center serait soutenue par le

Mouvement Réformateur pour autant que:

o la dénomination du Centre soit changée et plus respectueuse de la dignité de

la personne humaine. Pour rappel, le Conseil Communal de la Ville de Liège,

en signant la Charte « Egalité Femmes-Hommes » le 17 décembre 2011,

s’est engagé à intégrer la dimension de l’égalité entre femmes et hommes

dans toutes les politiques, à éliminer toute forme de discrimination entre

femmes et hommes et à sensibiliser l’opinion publique en diffusant une

image des femmes et des hommes qui sort des stéréotypes discriminatoires;

o des garanties d’éthique soient données par les intervenants ;

o des garanties respectueuses de la santé et salubrité publiques soient

rencontrées pour les personnes prostituées, clients et les personnes

avoisinantes au Centre ;

o un statut clair soit reconnu aux personnes prostituées : pourquoi ne pas leur

proposer une période dite d’essai durant laquelle elles pourraient réfléchir au

statut qu’elles souhaiteraient adopter : aucun défini si l’activité se termine à

la fin de la période d’essai puisque la prostitution n’aurait été alors que

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temporaire et un statut d’indépendant favorisant une couverture sociale dans

l’hypothèse où elles souhaiteraient exercer l’activité de manière prolongée ?

o soit recherché un gestionnaire et un personnel garants d’une probité

irréprochable ;

o les loyers envisagés soient appréciés afin d’éviter toute dérive productiviste ;

o le Centre s’inscrive dans une vaste plan de sensibilisation et de prévention de

l’exploitation sexuelle ;

o la destination d’éventuels bénéfices soit exclusivement réservée à des

actions et campagnes de sensibilisation et de prévention de l’exploitation

sexuelle.

MAIS, cet accord de principe doit être assorti d’un vaste programme de sensibilisation, de

prévention de l’exploitation sexuelle et de lutte contre la prostitution au sens large et plus

particulièrement, la prostitution de rue en :

• soutenant les associations de terrain via notamment l’octroi de subsides, mise à

disposition de locaux,…

• en luttant, plus efficacement, contre les problèmes annexes comme la toxicomanie,

principal but à l’activité prostitutionnelle de rue. Sans revenir sur le projet TADAM, il

convient de lutter contre les toxicomanes profonds, l’une des priorités affirmée par

le MR. Lutter contre la toxicomanie, c’est lutter contre la prostitution de rue vu

l’interdépendance des deux problématiques.

• en prévoyant des relais sanitaires et l’accès aux services de santé et social:

pourquoi, à l’instar de l’Association française « Les Amis du bus des femmes », ne

pas créer un relais entre le trottoir et les services médicaux, sociaux et

administratifs sous forme d’un bus qui assurerait des permanences mobiles diurnes

et nocturnes avec à son bord du personnel médical et des éducateurs ? Cela

permettrait de donner aux personnes prostituées non seulement une politique de

prévention mais également, les aider dans leurs démarches administratives et

sociales et éventuellement dans leurs démarches de recherche d’emploi et de

logement pour celles qui décident d’arrêter la prostitution.

• en répondant aux besoins de personnes prostituées migrantes en développant,

comme c’est le cas en Suisse, un programme d’intervention avec des médiateurs

culturels ;

• en développant un réseau de travail de façon local, national voire international sur

la thématique prostitution via le prisme de l’accès et la promotion à la santé, du

sida et maladies sexuellement transmissibles, de la migration,…

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Afin de lutter contre la prostitution, le Mouvement Réformateur désire également

qu’un plan d’actions soit mis en place sur les thématiques suivantes :

� l’élaboration d’un plan concret, et financièrement doté, de réinsertion et

d’accompagnement pour les personnes prostituées qui veulent en sortir ;

� l’organisation de campagnes de sensibilisation sur la prostitution et les problèmes

annexes comme l’industrie du sexe, la toxicomanie, la violence, l’itinérance et les

maladies transmissibles sexuellement, via les médias et l’éducation nationale,

auprès de la population avec des publics cibles : les jeunes, les clients (au lieu de

les punir pénalement comme en Suède, privilégier la reconnaissance du phénomène

de la prostitution et ses moyens de l’éradiquer )…

Le MR s’est, par ailleurs, étonné, dans le cadre du Budget 2011, de l’absence de trace du

projet de l’Eros Center alors qu’il doit être annoncé dans les prochaines semaines tout

comme le MR s’étonne de l’absence d’une appréhension globale de l’activité

prostitutionnelle.

Le MR attend une prise de position claire, et non dissonante, de la majorité et entend que

ses réflexions puissent être associées au débat qui s’en suivra.