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Chaire d'histoire antique Prof. M. Piérart Proséminaire L'histoire par les textes Marathon : La victoire d'une idée Mottiez Paul-Emile Rte Cantonale 45D 1964 Conthey Semestre de Printemps 2011

Marathon - La victoire d'une idée

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Chaire d'histoire antiqueProf. M. Piérart

ProséminaireL'histoire par les textes

Marathon :La victoire d'une idée

Mottiez Paul-EmileRte Cantonale 45D

1964 Conthey

Semestre de Printemps 2011

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L'histoire par les textes Mottiez Paul-EmileMarathon

1. La bataille de Marathon p.3

Prélude à la première guerre médique p.3

La confrontation p.6

2. Une victoire et un symbole p.11

Le sens de la lutte p.11

La postérité p.13

3. Conclusion p.15

4. Bibliographie p.16

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L'histoire par les textes Mottiez Paul-EmileMarathon

1. La bataille de Marathon

La bataille de Marathon, qui eut sans doute lieu entre août et septembre 4901 avant notre ère, se

termina par la victoire d'Athènes contre le grand Empire Perse et sonna la fin de ce que les

historiens modernes appelle "la première guerre médique".

Cependant, à des fins de compréhension et comme Hérodote l'a fait, il serait tout à fait malvenu

d'aborder cette bataille sans en établir le contexte historique qui devait déboucher sur cette

confrontation.

Afin de comprendre au mieux ce qui poussa le Grand Roi Darius Ier à vouloir envahir les cités

grecques de l'ouest de la mer Egée, il faut bien entendu avoir un regard le plus grand possible sur

l'ensemble de la documentation de l'époque. Se contenter d'Hérodote, bien qu'il soit aujourd'hui

considéré comme l'auteur le plus fidèle aux événements qui se sont déroulés, ou d'autres auteurs

grecs, comme Eschyle, serait mal venu. Il faut considérer que ces auteurs aient volontairement peint

un tableau plus ou moins faussé de leur ennemi que les grecs avaient si brillamment vaincu.

Heureusement pour nous autres modernes, nous ne disposons pas uniquement de la vision grecque.

Les recherches sur l'empire perse, dont les sources sont tout aussi teintées de mépris envers les

grecs que ces derniers en avaient pour eux2, ont permis une meilleure compréhension des

aspirations du monde oriental.

Prélude à la première guerre médique

Dans ces Histoires, Hérodote nous décrit la Perse, la Grèce et leurs événements historiques, dans

l'esprit du chercheur le plus ouvert et sérieux.3 Selon ses dires, la confrontation de la Perse avec le

monde grec fut la conséquence directe de l'aide qu'avait fournie Athènes à Aristagoras de Milet lors

de la révolte des cités grecques de Ionie au printemps 4984. Les Athéniens ont fini par brûler Sardes

1 La date exacte étant sujette à caution parmi les spécialistes, je ne m'avancerais pas à en donner une. Selon PeterGreen, l'affrontement aurait eu lieu le 12 août (Green, 2008, 76.). Alors que Patrice Brun la place le 17 septembre dela même année (Brun, 2009, 23.)

2 Green, 2008, 42.3 Green, 2008, 42-43.4 Hérodote V, 99-105.

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et, comme les événements commençaient à mal tourner, ils ne se privèrent pas de rentrer chez eux,

laissant les Ioniens seuls devant l'armée de Darius. Hérodote dit qu'on lui a rapporté que, alors qu'on

lui apprenait la prise de Sardes par Aristagoras et les Ioniens, le Grand Roi n'en fit pas cas mais que

ses pensées étaient tournées vers les Athéniens :

« Mais la première chose qu'il fit fut de demander qui étaient ces Athéniens. Ayant été informé, il se fit

apporter son arc, le prit en mains, posa une flèche sur la corde et la décocha vers le ciel en criant :

"Accorde, ô Dieu, que je puisse punir les Athéniens !" Puis il ordonna à l'un de ses serviteurs de lui

répéter désormais trois fois avant chaque repas : "Maître, souvenez-vous des Athéniens !"5 »

Il n'est pas difficile de comprendre la colère que le souverain pouvait avoir. Sardes était une cité

gouvernante de la satrapie de Lydie.6 L'affront était grand et Darius se devait de le laver.

Cependant, il serait naïf de considérer cet élément comme l'unique raison d'une invasion. C'est

pourquoi les motifs qui débouchèrent sur cette confrontation se doivent d'être mis en lumière.

Bien entendu, les Athéniens7 se sont sentis, par la suite, les premiers à être visés par les assauts que

les Perses entreprirent ultérieurement. Sans doute que l'esprit de revanche à la limite de l'obsession

du Grand Roi qu'Hérodote nous présente, devait animer encore plus ce sentiment dans le coeur

populaire d'Athènes. Mais faire passer la préoccupation de Darius envers Athènes, avant même que

ce dernier n'ait pris des mesures pour reprendre les terres qu'il avait perdues, comme véridique

serait, de nos jours, une profonde erreur. La priorité était d'étouffer la révolte ionienne. Et il semble

bien plus vraisemblable que Darius fut, par la suite, motivé par un objectif de conquête bien plus

vaste qui englobait l'ensemble du bassin égéen, plutôt que par l'esprit de vengeance.8

D'ailleurs cet esprit de vouloir prendre le contrôle de toute la Grèce est bien plus réaliste. L'Ionie

était déjà en mains perses, tout comme le Bosphore et les Dardanelles. En 513, Darius fit passer une

armée de l'autre côté du Bosphore. Celle-ci marcha jusqu'au Danube qui fut traversé pour envahir la

Scythie, montrant bien les vues que l'Empire avait sur l'Europe.9 En plus de quoi, en 491, juste

5 Hérodote V, 105.6 Une satrapie correspond à une province. Le terme de satrapie est un mot moderne dérivé du terme grec satrapès, qui

désigne la fonction des gouverneurs régionaux perses. La satrapie de Lydie, incluait toute l'Ionie. (Green, 2008, 40.)7 Il est très souvent fait mention des Athéniens, mais il ne faudrait pas oublier que la cité d'Erétrie avait elle aussi

participé à l'aide de la révolte ionienne à hauteur de cinq trières.8 Brun, 2009, 26-27.9 Green, 2008, 46.

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avant les hostilités qui débouchèrent sur la bataille de Marathon, Athènes et Spartes10 ne furent pas

les seules cités qui reçurent des émissaires du Grand Roi leur demandant d'offrir "la terre et l'eau"

en signe de vassalité. La seule différence est que, au contraire de ce que firent de nombreuses cités,

Athènes et Spartes, tout comme Erétrie, refusèrent catégoriquement.11 La confrontation devenait

donc inévitable.

Mais d'autres éléments se doivent d'être portées à notre attention. Depuis la prise des détroits au

nord-ouest de l'Asie-Mineure, la Perse pouvait, pour la première fois de l'histoire, contrôler le trafic

maritime venant de la Mer Noire. En plus de cela, Darius avait reconquis l'Egypte. Cette nouvelle

configuration géographique mit en très mauvaise posture les cités grecques encore libres qui ne

pouvaient dès lors plus s'approvisionner en blé ni depuis le sud de la Russie, ni depuis les contrées

fertiles de l'Egypte. Dès la fin du VIe siècle, la consommation d'Athènes dépassait la production que

la cité pouvait obtenir de ses terres. Darius pouvait aisément payer des prix élevés dont la hausse

était due à la forte concurrence. Tandis que la forte augmentation démographique de la cité grecque

dès 594 n'arrangeait en rien la situation. Avec ce contexte géo-économique, l'ombre menaçante du

Grand Roi avait tendance à s'étendre au delà de ses frontières.

On ne peut écarter ce danger bien réel. Les Athéniens auraient dû trouver une solution pour

s'approvisionner. En plus de cela, la politique de Darius ne semblait pas peindre un avenir très

positif. Comme nous venons de le voir plus haut, le Grand Roi avait bien des vues sur l'Europe.

Hérodote évoque même des missions de reconnaissance que ce dernier lança en Grèce continentale

et en Italie du Sud.12

Finalement, l'aide des grecs d'occident lors de la révolte de l'Ionie prend les airs d'un prétexte qui

précipita certainement la Perse à déclarer la guerre. Toutefois, je doute que l'autorité d'un souverain

tel que Darius ne se soit préoccupée d'en trouver un. C'était une question de temps, mais la

confrontation aurait eu lieu tôt ou tard.

Bien qu'il fut indispensable d'entrevoir la situation du côté perse, il ne faudrait pas oublier de parler

10 Par ailleurs, cette volonté de vengeance ne colle pas avec l'envoi d'un émissaire à Sparte car celle-ci, dans satraditionnelle politique isolationniste, n'avait daigné aider les Ioniens.

11 Tout du moins à Athènes, ce refus se doit d'être nuancé par un désaccord interne que nous verrons par la suite.12 Green, 2008, 46-47.

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du contexte historique des grecs. Patrice Brun en fait un bon résumé.13 Les grecs qui se sont

installés en Asie-Mineure avaient déjà été confrontés à de grandes puissances extérieures.

Premièrement soumises aux Lydiens, les cités finissaient par tolérer un pouvoir extérieur tant que ce

pouvoir reconnaissait leur identité.14 Après la chute de Crésus et l'apparition des Perses sur leur

terres, la situation n'était guère nouvelle car les cités demeurèrent simplement sous l'égide d'un autre

pouvoir étranger. Peut-être que ce nouvel arrivant soutenait une politique de tributs plus pesante que

les anciens dirigeants. Mais finalement, il semble que ce fut bien plus la situation politique des

régimes qui posèrent problème vers la fin du VIe.15 Lorsque la Perse instaure une politique de

vassalité par l'établissement de tyrannies16 dans les villes grecques sous leur contrôle. Ce type de

régime disparaît en Grèce Continentale. En 510, le tyran Hippias, fils de Pisistrate, fut chassé

d'Athènes et il devient assez facile de comprendre le mouvement de mécontentement qui pouvait se

dégager des cités ioniennes lorsqu'un pouvoir, étranger en plus de cela, tentait de placer des

hommes à leurs têtes.

Tous ces éléments réunis composaient une véritable poudrière qui permettait à un conflit d'éclater à

tout moment. Que la révolte de l'Ionie fut un déclencheur importe peu. D'une manière ou d'une

autre, que ce fut au début du Ve siècle ou plus tard, la confrontation entre La Perse et les grecs était

inévitable.

La confrontation

Malgré le manque évident de description qu'Hérodote17 nous fournit sur la bataille en elle-même, ce

dernier est toutefois considéré comme l'auteur le plus fidèle des événements réels qui se sont

déroulés.

13 Brun, 2009, 24-26.14 Crésus, le dernier roi lydien, fit d'ailleurs des cadeaux somptueux au sanctuaire de Delphes.15 Brun, 2009, 24.16 La signification du terme de tyrannie ou de tyran n'a pas le sens péjoratif qu'il possède aujourd'hui. Les tyrans, au

contraire d'être des individus cruels et sanguinaires, demeuraient des gens acceptables. Pisistrate qui fut tyrand'Athènes de 561 à 524, avait laissé derrière lui un bon règne qui se classa par la suite comme un âge d'or de la cité(Brun, 2009, 24-25). Nous pouvons dans ce cas comprendre pourquoi certaines personnes n'étaient pas défavorablesau retour de ce système, en lieux et place de se faire massacrer par l'armée perse.

17 Hérodote VI, 111-115.

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Juste avant de parler du déroulement de la bataille, une clarification de la situation plus centrée sur

Athènes doit être faite. La personnalité la plus importante qui contribua à la victoire des Athéniens à

Marathon est sans nul doute celle de Miltiade. En 493, celui-ci arrivait à Athènes avec la ferme

intention de combattre les perses. C'était un ancien aristocrate Athénien, dont l'oncle avait été

étroitement lié à Pisistrate. Miltiade connaissait personnellement Darius et Hippias. Il était devenu

un chef de guerre expérimenté, ayant vécu pendant vingt ans en Chersonèse ou dans les environs, ce

qui manquait véritablement aux Athéniens. Les anciennes charges retenues contre lui ont été du

coup effacées18 et il fut élu stratège de sa tribu.

L'autre précision importante à souligner est le caractère politique de la cité. Celle-ci n'était pas du

tout unie. Comme nous l'avons vu, Athènes s'était affranchie de la tyrannie en 510 avec l'aide de

Sparte, pour passer à un système politique donnant le pouvoir à de riches familles aristocrates.19

Mais le souvenir de cette tyrannie n'était pas si lointain que cela. Athènes se divisait donc en deux.

D'un côté, un groupe de citoyens20 étaient tout à fait disposés à traiter avec le Grand Roi de Perse.

Animés d'un esprit de réalisme sur le long terme, ils estimaient que s'opposer aux forces de l'Empire

n'était qu'une pure folie. Si l'armée de Darius avait la réputation d'être invincible, ce n'était pas pour

rien. Sans doute que ces Athéniens-là espéraient, par l'acceptation d'Hippias à la tête de la cité,

éviter une occupation Perse trop écrasante. Contre eux, se tenaient des hommes simples, honnêtes et

sans doute trop stupides à leurs yeux. Il s'agissait d'artisans, fermiers et marins qui ne comprenaient

pas que l'issue du combat ne faisait aucun mystère. Leur honneur, aussi grand fut-il, ne les sauverait

pas. Mieux valait établir un accord calculé.

Telle était donc la situation d'Athènes avant que les Perses ne posent le pied en Attique. Et nous

verrons que cette situation ne se résorbera qu'une fois les hoplites athéniens revenus victorieux de

Marathon.

Dès que l'intention de soumettre par la force les cités qui avaient refusé d'offrir "la terre et l'eau" fut

18 Peut-être par Thémistocle qui, comme lui, voulait combattre et non se soumettre comme certain pro-perse de la cité(Green, 2008, 65.).

19 Pouvait-on déjà parler de démocratie ? Certes, les réformes misent en place, petit à petit, après avoir écarterIsagoras, personnage représentant le nouveau régime que les Spartiates avait placé après avoir chassé Hippias, unsystème permettant à tous les citoyens d'avoir le même pouvoir politique que les grandes familles aristocratiques. Ladémocratie est une question de définition dont le degré d'appréciation est très personnel. Mais cependant, leshistoriens modernes s'accordent à dire que la démocratie d'Athènes n'arrive pas avant la seconde moitié du V e siècle,sans pour autant penser que les réformes de la fin du VIe ne soient étrangères à la marche qui donna naissance à ladémocratie athénienne (Brun, 2009, 76.)

20 Dont est inclus des opportunistes comme la famille des Alcméonides. (Green, 2008, 64.)

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prise, Darius désigna son neveux Artaphernès et Datis, un noble Mède, comme chefs de

l'expédition. Selon Hérodote, leur mission était de réduire Athènes et Erétrie en esclavage. Hippias,

fit partie du voyage. Il voyait en cela un moyen de reprendre le contrôle de son ancienne cité et de

l'administrer sous les ordres de Darius.

Les Perses attendent que la faction pro-perse des habitants d'Athènes trouve l'opportunité d'ouvrir

les portes de la ville. Dans ce but, et à la suggestion d'Hippias, ils établissent alors un campement

sur la plaine de Marathon.

Les Athéniens, quant à eux, sont très rapidement avertis du débarquement perse. Ils envoient un

hémérodrome21 du nom de Philippidès à Sparte pour leur demander soutient. Mais ces derniers

répondent qu'ils ne peuvent envoyer de renforts avant la fin de la pleine lune. S'ils le faisaient cela

reviendrait à enfreindre un tabou religieux.22

Dès qu'Erétrie tombe23, de violents débats remuent Athènes. L'assemblée est partagée entre se

préparer à tenir un siège alors que d'autres, comme Miltiade, insistent pour que l'armée se porte à la

rencontre de l'ennemi pour les combattre. Cela dit, les Athéniens n'hésitèrent pas longtemps avant

d'envoyer des troupes à la rencontre de l'armée perse. Cette décision se base sur plusieurs éléments.

Le premier est que, traditionnellement, les grecs n'étaient pas enclins à attendre que l'ennemi

marche sur leur terre, détruisant infrastructures et récoltes tout en leur faisant l'affront de poser le

pied sur la terre de leurs ancêtres.24 Deuxièmement, un siège d'Athènes couperait la cité des renforts

Spartiates qui devaient arriver. De plus, le "Long Mur" proposé par Thémistocle afin de protéger la

cité tout en la reliant au port du Pirée n'était pas encore construit. Et finalement, comme ce fut le cas

pour Erétrie, un siège augmenterait le risque de trahison interne venant de la faction de citoyens qui,

comme nous l'avons vu, pensait que livrer la cité aux Perses était l'action la plus raisonnable.

21 Un hémérodrome était capable de courir durant toute une journée. Philippidès aurait parcouru deux cent quarantekilomètres en l'espace d'environ trente-six heures. Certains historiens modernes ont mis en doute la véracité de cetélément. Cependant, il semble tout à fait acceptable de prendre cet épisode pour véridique (Brun, 2009, 37-39.).

22 Probablement une fête liée à Apollon Kameios. Il n'y a pas lieu de croire que les Spartiates eurent joué sur leur piété,qui était bien réelle, pour pratiquer envers Athènes une hypocrisie religieuse qui pouvait arranger leur desseinpolitique (Green, 2008, 70-71.). De plus, il ne faut pas oublier qu'à cette époque Sparte et Athènes n'étaient pas lesennemies qu'elles deviendraient par la suite. Les deux cités étaient alliées et les Spartiates avaient largement soutenules Athéniens pour permettre à ces derniers de chasser la tyrannie de leur ville en 510 (Brun, 2009, 36.).

23 Au contraire du sort d'Athènes, pour laquelle la présence d'Hippias aux côtés des perses montrait que ces dernierscherchaient à replacer le tyran dans la cité, une fois Erétrie aux mains des Perses, les habitants furent déportés enOrient pour y servir l'Empire.

24 Brun, 2009, 35.

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Lorsque le débarquement perse fut confirmé, la mesure soutenue par Miltiade fut approuvée.

L'infanterie lourde constituée d'environ dix mille25 hoplites se met alors en route sous les ordres de

l'archonte-polémarque Callimaque, du dème d'Aphidna. Miltiade, quant à lui, se trouvait parmi neuf

autres stratèges de cette armée.

Arrivés sur place, les Athéniens établirent leur camp renforcé par un rempart de fortune, de bois,

tourné vers l'ennemi, à l'entrée sud de la plaine, proche d'un petit sanctuaire d'Héraklès, bloquant ici

toute manœuvre perse vers Athènes. Ils furent aussi rejoints par des Platéens.26

Pendant quelques jours, rien ne se passa. Les Athéniens ne voulaient pas passer à l'action car ils

étaient dépourvus d'archers et de cavaliers. Avancer ainsi à découvert aurait conduit au massacre.

De plus, ils attendaient les renforts spartiates qui devaient arriver prochainement pour mettre toutes

les chances de leur côté. Les Perses, quant à eux, n'avait aucunement envie de lancer leur infanterie

contre les guerriers lourds hoplites qui occupaient une solide position. De plus, par l'intermédiaire

d'Hippias, ils étaient en contact avec un groupe d'Athéniens qui avait promis de leur livrer la ville.

Ils attendaient donc un signal.

On ne peut savoir si Datis fut au courant que les Spartiates devaient venir renforcer les rangs des

Athéniens. Toutefois ce dernier décida d'agir. Utilisant la nuit et employant une partie des navires, il

prit avec lui, pour se rendre à Phalère, le gros de la cavalerie, laissant une petite partie sur place

pour couvrir les troupes d'Artaphernès. On estime à environ quinze mille le nombre de soldats

laissés à Marathon.27 Quand les Grecs apprirent le départ de Datis,28 Miltiade comprit qu'il s'agissait

là d'une magnifique occasion d'arracher une victoire.

Le matin qui suivit, les troupes grecques se sont mis en ordre de bataille. La connaissance de

Miltiade des habitudes militaires perses se révéla efficace. Il savait que l'ennemi placerait ses

meilleures troupes au centre et que les jeunes recrues et troupes inexpérimentées seraient placées

dans les extrémités. Si Callimaque et les Platéens pouvaient battre rapidement les ailes

d'Artaphernès et venir par la suite au secours des troupes centrales, la bataille était quasiment

25 Le nombre exact d'Athéniens, tout comme celui des hommes de l'armée perse, reste une sujet débattu (Brun, 2009,41-48.).

26 Selon Green, mille six cents Platéens seraient arrivés à l'improviste pour aider les Athéniens (Green, 2008, 72).Toutefois, Brun affirme que de l'aide avait également été demandée à Platée, et que comme Athènes les avaitsoutenu contre les ambitions de Thèbes, les Platéens leur avaient envoyé six cent hoplites (Brun, 2009, 40-41.).

27 Brun, 2009, 52-57.28 Sans doute par des espions ioniens au service d'Artaphernès (Green, 2008, 75).

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gagnée. C'est ce qui se passa. Au lieu de poursuivre les fuyards, les troupes grecques se

concentrèrent sur le centre qui était beaucoup plus malmené.

La victoire fut complète. Les Grecs n'eurent que cent nonante-deux morts contre environ six mille

quatre cents du côté adverse. La plupart des morts perses sont des fuyards qui se sont enfoncés dans

les marais et se sont noyés. Callimaque fit partie du nombre des pertes, ainsi que l'un des dix

stratèges, dont le nom n'est pas donné.

Une fois la bataille terminée, les Athéniens repartirent aussi vite qu'ils le purent en direction

d'Athènes, laissant toutefois un petit contingent garder les prisonniers perses. Artaphernès, quand à

lui, réussit à s'enfuir en navire avec quelques rescapés et se mit en route pour rejoindre Datis. Mais

les Athéniens furent plus rapides. Ils arrivèrent à Phalère avant Datis lui-même et se mirent en

position défensive. Avant le retour des hoplites, les pro-perses avaient finalement envoyé le signal

que Datis attendait. Cependant, voyant les Athéniens de retour, victorieux, la plupart des membres

de cette faction qui tenait manifestement à offrir la cité aux Perses dut sans doute changer de camp à

la dernière minute. Datis, de son côté, resta à bort de son navire. Et lorsqu'Artaphernès le rejoignit,

tous deux mirent ensemble les voiles pour retourner en Asie.

La première guerre médique prenait fin.

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2. Une victoire et un symbole

Le sens de la lutte

Nous ne pouvons pas reprocher à Hérodote le fait d'avoir stigmatiser quelque peu la lutte entre

Perses et Grecs. Finalement, ce dernier nous a retranscrit de manière très fidèle et convaincante

l'état d'esprit des vainqueurs. De ce fait, il devient plus facile pour nous de comprendre le sens

caché derrière ce triomphe.

La bataille de Marathon n'eut de loin pas la même importance que d'autres batailles antiques telle

que celle d'Actium qui marqua le début de l'Empire Romain. La hisser au même rang ne serait pas

convenable. Et pourtant, pour le large public, Marathon est sans nul doute la plus célèbre des

batailles de l'histoire grecque.29

Bien entendu les Athéniens ont su faire fructifier le talent militaire et la force hoplitique qu'ils

avaient alors acquis en combattant et en vainquant, tout du moins pour le moment, un adversaire

jugé invincible aux yeux de tous. Mais cette mémoire d'une bataille, somme toute banale30, n'aurait

certainement jamais atteint la dimension presque mythique qu'elle a obtenue, si derrière elle ne

s'étaient pas glissés des enjeux politiques. En effet, il existe un bon moyen d'ancrer un régime

politique dans l'histoire et cela en tout temps : Par une guerre victorieuse.31

Certes, nous savons aujourd'hui qu'historiquement la bataille de Marathon et sa victoire ne furent

pas celles qui mirent le point final à l'affrontement que se livrèrent les Grecs et les Perses, mais une

simple parenthèse, un moment de répit avant le retour en force de l'Empire orientale. Mais au

moment de cette victoire, le cœur des hommes était au réjouissance. Hérodote ainsi qu'Eschyle

avaient très bien vu que ce combat était un conflit d'ordre idéologique.32 Elle démontra que la

puissance d'une armée de citoyens fiers de leur indépendance pouvait rivaliser contre toutes

29 Cette célébrité est encore d'actualité, tout du moins en Grèce où, à la mi-septembre 2010, ce 2500ème anniversairede la bataille s'est vu célébré par une reconstitution historique ainsi que par la frappe de pièces commémoratives dedeux euros.

30 Bien que cette victoire ait mis un terme à la première guerre médique, cette conception historique reste moderne etcette victoire n'empêcha pas l'Empire Perse, sous l'autorité de Xerxès Ier de revenir à la charge en 480.

31 Brun, 2009, 77.32 Green, 2008, 33.

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puissances écrasantes incarnées par de grands hommes autoritaires. Et c'était bien en cela que la

victoire méritait que le peuple la chante pour les siècles à venir. Les Athéniens virent les choses de

la manière suivante : Le nouveau système politique avait réussi, par sa victoire, à liquider une fois

pour toutes les idées de l'ancien régime.

Bien sûr cette victoire, que les Athéniens n'oublièrent pas de mettre en valeur, montrait que la jeune

"démocratie" avait pu triomphé. Mais en dehors de cela, si cette victoire donnait une image

politique vue de l'extérieur, de l'intérieur, cette dernière était celle d'une classe sociale.

Bien qu'Athènes toute entière en bénéficia, la victoire était avant tout celle de ses soldats : Les

hoplites. Il ne s'agissait là que d'une minorité sociale, une classe comptant de petits propriétaires

terriens dont le revenu de leur terre leur suffisait pour vivre33 et pour acheter le lourd, et sans doute

relativement cher, matériel34 qui composait l'équipement du soldat d'infanterie.35

On admet que ces propriétaires fonciers sont ceux que l'on désigne dans la classe des zeugites36.

Cependant, au vu du nombre de citoyens qu'on leur alloue, certains spécialistes préfèrent voir dans

l'étymologie de ce mot, que l'on lie aux bœufs, une origine plutôt militaire. Effectivement, plusieurs

textes antiques utilisent ce mot pour désigner les hoplites, alignés les uns aux autres comme des

bœufs à l'attelage.37

Cette victoire plaça donc les hoplites en grande estime.38 Ceux-ci étaient alors respectés à titre de

héros. Et loin d'être peu enclins à une forme d'égalitarisme39, ils ne contrèrent politiquement pas le

33 Si nous voulions la comparer, nous pourrions parler d'une certaine équivalence avec la classe moyenne actuelle.34 Ce matériel que le citoyen devait se procurer lui-même, montrant ainsi une condition sociale plutôt aisée, était

traditionnellement composé d'un casque à cimier, d'une armure de bronze, d'un baudrier de cuir recouvert de plaquesde bronze, de cnémides en bronze, d'un bouclier rond en bois et d'un diamètre d'environ un mètre, d'une pique dedeux mètres terminée aux deux extrémités par des pointes de bronze et d'une épée courte (Brun, 2009, 44-45.).

35 L'aristocratie, quant à elle, était bien plus représentée par la cavalerie. Etonnamment, Athènes n'affectionnait passpécifiquement ce type de troupe dans son armée.

36 Les citoyens de cette classe, qui pouvaient vivre de leur récolte, avaient tendance à voir leur nombre se réduire deplus en plus au fil du temps, par le partage des terres entre les différents héritiers. Car des terres trop petites ne leurpermettaient plus de vivre de leur revenu.Ce morcellement de leurs terres qui avait comme conséquence de creuser l'écart social entre les riches et les pauvres,augmentant leur nombre des deux côtés, rendait critique le statut des zeugites qu'Hésiode (Hésiode, Les travaux etles jours, 405, 376.) représentait comme ne possédant qu'"une maison, une femme et un boeuf de labour", et qui sedevaient de faire attention de n'avoir qu'un seul fils. S'ils en avaient plusieurs, ceux-ci ne pourraient alorsqu'augmenter le nombre des thètes, citoyens de la classe la plus basse, qui devaient louer leur bras pour subvenir àleurs besoins (Glotz, 1938, 406.).

37 Les grecs aimaient ce genre de métaphore qu'ils utilisaient volontiers dans leur langue (Brun, 2009, 82.).38 Cette estime fut si grande que, après la bataille de Marathon, selon les dires, Thémistocle dut faire des pieds et des

mains et manœuvrer intelligemment pour contrer l'opinion publique qui croyait en la force de la phalange hoplitiqueet ne voyait pas l'intérêt de bâtir une puissante flotte de guerre.

39 Brun, 2009, 84.

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progrès et les réformes qui menèrent à la démocratie. Nous pouvons aisément dire que l'armée de

hoplites était devenue l'armée de la démocratie et que, lorsque cette dernière fut abattue de temps à

autre, les coups venaient bel et bien d'une aristocratie jalouse du pouvoir attribué au dèmos.

Loin d'être la victoire contre les Perses, la bataille de Marathon fut la victoire de la démocratie.

La postérité

Revenons sur cette victoire. En était-elle vraiment une ? Après tout ce que nous venons d'aborder, la

réponse ne peut que pencher vers l'affirmatif. Toutefois, cette éclatante victoire se trouve entachée

d'éléments que nous devons également prendre en compte.

Si l'armée perse s'en ait retournée après la défaite contre Athènes, le bilan de l'expédition n'était pas

si désastreux. Nous pourrions même aller jusqu'à dire qu'elle avait gagné cette première guerre

médique.40 La Perse avait maintenant la main mise sur presque toutes les îles de la mer Egée, sans

oublier les cités qui leur donnèrent "la terre et l'eau". Qui plus est, beaucoup à l'époque ne le voyait

pas ainsi, mais la confrontation ne faisait que commencer.

Par cette victoire, Athènes passait à la postérité. Que cela soit pour sa politique ou pour ses

tactiques de combat, elle devenait un exemple pour toutes les cités du monde hellénique. Bien des

gens de l'époque considéraient que la bataille Marathon marquait la fin de la guerre contre l'Empire

perse.

Mais d'autres, comme Thémistocle, ne l'entendaient pas ainsi. Ils considéraient ce grand élan

d'enthousiasme comme étant très dangereux. Pour eux, la guerre était loin d'être terminée, et tout

ceci n'était qu'un prélude à une lutte bien plus terrible encore. Pour le grand malheur des Athéniens,

l'histoire donna raison à ces derniers. Il faudra attendre 479 pour que la victoire de la bataille de

Platée, pourtant bien moins connue que celle de Marathon ou encore que la défaite des

Thermopyles, impose la victoire totale et définitive des cités grecques contre l'Empire Perse.

Cela dit, malgré ces éléments négatifs, au vu de ce qui vient d'être soulevé, nous comprenons bien

mieux pourquoi la bataille de Marathon fut l'une de celles qui resta gravée dans les mémoires.

40 Brun, 2009, 65.

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L'histoire par les textes Mottiez Paul-EmileMarathon

Après des luttes politiques incessantes au sein de la cité d'Athènes, l'horizon allait se dégager et

laisser la place à un certaine stabilité du nouveau régime politique qui, grâce à cette victoire, trouva

sa place dans l'histoire.

Mais c'est surtout l'héritage que laissa Marathon qui fut retenu dans les esprits.

Miltiade conduisit les Athéniens à la victoire et ce dernier fut alors considéré comme un héros.

Cette bataille montrait la supériorité de la Phalange hoplitique et nourrit alors la grandeur de l'armée

de terre au détriment de la marine.41

Partout, on célébra l'événement. Les Spartiates arrivant le jour même de la bataille, après la fuite

des Perses, félicitèrent les Athéniens. On dédicaça aux dieux des armes et des armures prises à

l'ennemi, ou même ses propres armes, comme c'est le cas du casque de Miltiade, retrouvé aux

temples de Zeus à Olympie42 et bien d'autres, retrouvés à Delphes.

Au milieu du Ve, la bataille a aussi été représentée par Panaenus sur la Stoa Poikilè située sur le côté

nord de l'Agora d'Athènes.

Les légendes font aussi partie de cet héritage. Les gens se mettent à raconter que pour annoncer la

victoire de Marathon à Athènes, le soldat Phidippidès partit à la course et que, en arrivant, il

s'effondra raide mort en criant victoire.43 Alors que Phidippidès ne fut que l'estafette qui alla

chercher un soutien à la cité auprès de la cité de Sparte, bien avant la bataille elle-même.

41 Faisant partie de la classe des thètes, les martins avaient toujours été considérés socialement presque comme de lavermine.

42 Aujourd'hui au musée d'Olympie.43 Cette fausse histoire fut à l'origine de la création de la course du Marathon pour les jeux d'Athènes de 1896 et donc

la bataille elle-même donna son nom.

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L'histoire par les textes Mottiez Paul-EmileMarathon

3. Conclusion

Comprendre l'importance de la victoire de Marathon, c'est avant tout comprendre le sens qu'elle

inspirait au peuple athénien. Le combat était certes peu banal. Mais il paraît difficile de reprocher à

la masse populaire de l'époque d'avoir gonfler le mythe, car la réputation de l'Empire Perse,

considéré comme invincible, semblait bien donner au départ raison à tout ceux qui voyaient toute

résistance comme une pure folie.

Ce bref aperçu, dédié à la fin du premier affrontement entre Perses et Grecs, mériterait une étude

plus approfondie qui malheureusement ne peut avoir lieu ici. Car, bien qu'il le fut relevé de manière

succincte, l'importance, le sens et l'impact qu'eurent cette confrontation et cette victoire ne peuvent

trouver leur place en demeurant isolés du reste de l'histoire d'Athènes. La cité avait lutté pour se

défaire de la tyrannie et instaurer un nouvel ordre. Ce nouveau vent de liberté ne devait pas plier le

genoux, même face à une puissance comme la Perse. Pire encore, entendre dire que la soumission à

l'Empire Achéménide signifiait un retour au pouvoir d'Hippias, le tyran que l'on avait chassé

auparavant, était une chose inacceptable. Ou dans tous les cas, inacceptable pour une majorité des

Athéniens.

Malgré les légendes post eventum qui entourèrent la bataille, l'image que la jeune démocratie se

devait de véhiculer était celle de David contre Goliath. La petite armée athénienne, les hoplites de la

démocratie, avait vaincu le géant perse, asseyant ainsi le message, bien que teinté d'un cliché

athénocentrisme, qu'il fallait crier avec fierté : La force et le courage d'une poignée d'hommes libres

avait combattu et défait l'immense armée sujette d'un souverain autoritaire.

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L'histoire par les textes Mottiez Paul-EmileMarathon

4. Bibliographie

Hérodote, Histoires V, texte établi et traduit par Ph.-E. Legrand, Les Belles Lettres, 1946

Hérodote, Histoires VI, texte établi et traduit par Ph.-E. Legrand, Les Belles Lettres, 1948

P. Brun, La bataille de Marathon, Larousse, 2009

G. Glotz, Histoire grecque : Des origines aux guerres médiques, Presse Universitaire de France,1938

P. Green, Les guerres médiques, Tallandier, 2008

P. Roussel, La Grèce et l'Orient : des guerres médiques à la conquête romaine, Paris, 1928

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