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LA FACE CACHÉE DU SOUFISME LA FACE CACHÉE DU SOUFISME 1 ére partie Voir : Kashf Zaïf e-Tasawwaf wa bayân Haqîqatihî wa Hâl Hamlatihî de Sheïkh Rabî’ ibn Hâdî el Madkhalî. 1 ére partie Que les Prières et les Salutations d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons ! Si quelqu’un adhère au Tasawwuf au début du jour, il ne faudra pas attendre le soir avant qu’il est perdu la tête. (L’Imam Shâfi’î).

La face cachée du soufisme

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Page 1: La face cachée du soufisme

LA FACE CACHÉE DU

SOUFISME

LA FACE CACHÉE DU SOUFISME

1 ére partie

Voir : Kashf Zaïf e-Tasawwaf wa bayân Haqîqatihî wa Hâl Hamlatihî de Sheïkh Rabî’ ibn Hâdî el Madkhalî. 1 ére partie

Que les Prières et les Salutations d’Allah soient sur notre Prophète Mohammed ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !

Si quelqu’un adhère au Tasawwuf au début du jour, il ne faudra pas attendre le soir avant qu’il est

perdu la tête. (L’Imam Shâfi’î).

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Le soufisme a vu le jour à l’époque d’el Hasan el Basrî et de Mohammed ibn Sîrîn qui s’opposèrent à ses premiers adeptes. Cependant, les premiers écrits soufis, furent composés, à ma connaissance, par el Hârith ibn Asad el Mahâsibî, l’adepte de Yazîd ibn Hârûn, l’un des Successeurs des Successeurs des Compagnons, de la dernière génération de « l’âge d’or » des musulmans. El Mahâsibî est le contemporain de l’Imam Ahmed et des grandes références « orthodoxes ». Il composa un ouvrage sur le soufisme que les traditionnalistes à l’image de l’Imam érudit Abû Zur’a condamnèrent.

Le Hâfizh e-Dhahabî souligne à ce sujet : « L’érudit Sa’îd ibn ‘Amr el Barda’î a dit : J’étais présent lorsqu’Abû Zu’ra fut interrogé au sujet d’el Hârith el Mahâsibî et de ses ouvrages. Ce dernier répondit : « Méfie-toi de ses livres ! Ce sont des livres innovateurs et égarés. Attache-toi plutôt aux annales qui te contenteront amplement. - Ces livres offrent certaines morales, lui fit-on remarquer !

- Les morales qui ne sont pas dans le Livre d’Allah, tu ne les trouveras pas dans ces livres. Vous a-t-on déjà rapporté que Sufiân, Mâlik et el Awzâ’î ont écrit sur les inspirations et les sensations de l’esprit (el Khatarât wa el Waswâs) ? Comment les gens se précipitent-ils aussi vite vers l’innovation ! »

El Hârith est mort en deux cents quarante trois de l’Hégire, mais que valent les générations suivantes par rapport à lui, que dirait Abû Zu’ra s’il avait lu el Qawt d’AbûTâlib ! Que valent les nouveaux écrits par rapport à el Qawt, que dirait-il s’il avait luBahjat el Asrârd’Abû Jahdham et Haqâiq e-Tafsîr d’e-Sulamî ! Il aurait certainement perdu la tête. Que dirait-il s’il avait lu Abû Hâmid e-Tûsî (el Ghazâlî) avec tous lesHadiths inventés que contient un livre comme el ihyâ ! Que dirait-il s’il avait lu el Ghunya du Sheïkh ‘Abd el Qâdir (el Jilânî) ! Que dirait-il s’il avait lu Fusûs el Hikamet el Futuhât e-Makkiya ! Comme el Hârith était le porte-parole de la secte à son époque, il avait pour contemporains mille Imam traditionnistes à l’instar d’Ahmed ibn Hanbal et d’ibn Râhawaïh. Cependant, quand plus tard les références traditionalistes furent ibn e-Dakhmîsî et ibn Shuhâna, les chefs de file des initiés (ou les pôles de la connaissance) s’incarnaient en les personnes d’ibn ‘Arabî et d’ibn Sib’în. Qu’Allah nous accorde Son Pardon et Sa Clémence ! »[1]

Ibn el Jawzî affirme quant à lui, à travers les paroles d’Abû Ya’qûb Ishâq ibnHayya, dont il rapporte la chaîne narrative : « J’ai entendu dire Ahmed ibn Hanbal qui fut interrogé au sujet des Khatarât et du Waswâs : « Les Compagnons n’en ont jamais parlé ni leurs Successeurs (Tâbi’ûn). Nous avons rapporté ce genre de chose au début de notre ouvrage, de la part de Dhû e-Nûn. » Nous avons rapporté également qu’Ahmed ibn Hanbal a déclaré à l’un de ses amis, après avoir entendu certaines paroles d’el Hârith el Mahâsibî : « Tu ne dois pas selon moi t’asseoir avec ces gens-là. » »

Ibn el Jawzî poursuit : « El Khallâl relate dans son recueil e-Sunna qu’Ahmed ibnHanbal a dit : « Mettez fermement en garde contre el Hârith. El Hârith est à la tête de tous les problèmes (liés à l’affaire de Jahm ibn Safwân). Il a réussi en effet à faire adhérer un tel et un tel au discours de Jahm. Il reste un refuge pour les adeptes du Kalâm. ElHârith est comme un lion à l’affut de sa victime. »[2]

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Dans un autre passage, ibn el Jawzî s’attaque à Abû Na’îm pour avoir osé compter les Compagnons au nombre des soufis. Il souligne en effet : « Ensuite, il y a eu Abû Na’îm el Asbahânî qui leur a consacré son livre el Huliya. Dans ses pages, il attribue aux soufis des choses complètement intolérables. Sans la moindre gêne, il compte dans leurs rangs, certains élites des Compagnons tels qu’Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, et ‘Alî. Il leur impute des annales invraisemblables. Il recense notamment dans leurs rangs, el Qâdhî Shuraïh, el Hasan el Basrî, Sufiân e-Thawrî, et Ahmed ibn Hanbal. Dans son encyclopédie Tabaqât e-Sufiya, e-Sulamî compte parmi eux el Fudhaïl ibn ‘Iyâdh, Ibrâhim ibn Adham, et Ma’rûf el Karkhî, sous prétexte qu’ils étaient des ascètes. Or, le soufisme est une tendance bien connue dont les pratiques vont au-delà de l’ascétisme. La preuve qu’il n’y a aucune comparaison à faire, c’est qu’aucun savant ne condamne l’ascétisme contrairement au soufisme comme nous allons le voir. »[3]

Après avoir donné sa propre définition du soufisme, ibn el Jawzî parcourt les siècles de son analyse pour nous faire la présentation suivante de ses ouvrages[4] : « La première génération soufie qui n’ont pas échappées aux ruses d’Iblis sur certains points, s’en tenaient à ces principes. Par la suite, sa ruse s’est abattue sur leurs héritiers et de siècle en siècle, il est devenu de plus en plus gourmant à tel point que les dernières générations sombrèrent complètement sous son emprise. Sa première ruse à leur encontre fut de les éloigner du savoir, en leur faisant miroiter que l’important, c’est de mettre en pratique. Quand la flamme du savoir s’est éteinte en eux à la deuxième génération, ils se sont égarés dans les ténèbres. Certains d’entre eux pensaient qu’il fallait entièrement renoncer à la vie mondaine. Ils se détournèrent alors de tout ce qui pouvait assurer leur quotidien et comparèrent même l’argent au scorpion. Ils oublièrent ainsi qu’il fut créé dans leur intérêt. Ils devinrent très exigeants envers eux-mêmes ; certains allèrent jusqu’à renoncer à s’allonger. Si leurs intentions étaient bonnes, ils n’en étaient pas moins éloignés du bon chemin. L’un d’entre eux accusait un tel manque de connaissance, qu’il mettait en pratique sans s’en rendre compte, tous les Hadiths inventés qui lui tombaient sous la main. Le discours de certaines tendances se concentra plus tard sur des thèmes comme la faim, la pauvreté, le Waswâs, et l’inspiration. Certains auteurs à l’image d’el Hârith el Mahâsibî, ont couché ces différentes expériences par écrit. Des auteurs ont par la suite fignolé (arranger) la tendance Soufie. Ils mirent en avant les caractéristiques dont ses adeptes devaient se distinguer ; il y avait le haillon (ou le froc ndt.), les chants, l’extase, la danse au rythme des claquements de mains. Ils devaient également se distinguer par la propreté et la purification. Avec le temps, leur égarement pris de l’ampleur. Leurs Sheïkh, instituaient les codes et faisaient part de leurs expériences. Ils s’accordaient tous à fuir les savants et ils se faisaient la même idée du savoir. Ils donnèrent le nom à leur expérience de « science ésotérique » (intérieure, occulte, cachée) et à la Loi divine celui de « science exotérique » (vulgaire, extérieure, apparente). La faim a provoqué chez certains d’entre eux des hallucinations. Ils prétendirent avoir connu l’amour passion avec le Créateur, dans le sens où ils se sont représentés un être de belle apparence qui exerçait sur eux une attirance physique. Leur discours varie ainsi entre l’hérésie (innovation) et l’apostasie (mécréance). Puis, le soufisme s’est divisé en plusieurs branches qui corrompirent pour chacune

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d’entre elles, la croyance de leurs adeptes. Les uns adhéraient au dogme de l’incarnation (Hulûl) et les autres à celui du panthéisme ou du monisme (Ittihâd). Iblis s’acharnait ainsi à les faire sombrer dans toutes sortes d’innovations qui entrèrent dans l’usage. Dès lors, Abû ‘Abd e-Rahmân e-Sulamî composa à leur attention son livree-Sunan et compila Haqâiq e-Tafsîr dans lequel il recense leurs exégèses du Coran les plus invraisemblables, à travers leurs expériences personnelles. Il omettait toutefois d’évoquer toute chaîne narrative, qui constitue pourtant l’un des fondements essentiels du savoir. Ils pouvaient ainsi donner au Coran les interprétations qui allaient dans leur sens. Force est de constater qu’ils sont très scrupuleux dans le choix de leur nourriture mais qu’ils le sont beaucoup moins quand il s’agit du Coran ! »

L’auteur démontre ensuite avec preuve à l’appui qu’Abû ‘Abd e-Rahmân e-Sulamî n’a aucune crédibilité aux yeux des savants. Puis, il poursuit son analyse en disant : « Abû Nasr e-Sarrâj composa par la suite un livre qu’il intitula Luma’ e-Sûfiya, et dans lequel il évoque certains dogmes et certains discours insoutenables… AbûTâlib e-Makkî écrivit Qawt el Qulûb dans lequel il recense des Hadith complètement faux et des annales qui ne se rapportent à aucun fondement, dans des sujets tels que certaines prières du jour ou de la nuit. Il fait souvent précédé ces textes de la formule : « un certain mystique a dit : ». Or, cette formule n’a aucun sens ! Il évoque entre autre dans cet ouvrage que le Très-Haut se dévoile sur terre à Ses élus. D’après el Khatîb, avec sa chaîne narrative, Abû Tâlib se rendit à Bassora après la mort d’Abû el Husaïn ibn Sâlim. Il adhéra à sa tendance et se rendit à Bagdad où une assemblée se rassembla autour de lui à l’occasion d’un sermon dans lequel il divagua en déclarant notamment : « Rien n’est plus nuisible à la création que le Créateur ! ». ‘Abd el Karîm ibn Hawâzin el Qushaïrî est l’auteur de Kitâb e-Risâla dans lequel il se lance dans des aberrations sur l’extinction soufie (el Fanâ wa el Baqâ), la résignation absolue (el Qabdh wa el Bast), le temps, l’état, l’extase, l’existence, le recueillement (el Jam’ wa e-Tafriqa), l’état d’éveil et d’enivrement, la gustation et l’assouvissement, l’effacement (el Mahw wa el Ithbât), le dévoilement, les différentes manifestations divines (el Muhâdhara wa el Mukâshafa/e-Lawâih wa e-Tawâli’), l’étincellement, la formation et l’affermissement des éléments (e-Takwîn wa e-Tamkîn), la loi du commun et la réalité soufie (e-Sharî’a wa el Haqîqa), etc. Sans compter que l’explication qu’il donne à ses aberrations est encore plus incroyable. Plus tard, Mohammed ibn Zhâhir el Maqdasi a écrit Safwat e-Tasawwuf dans lequel il évoque des choses qu’un homme sensé aurait honte d’évoquer…

Par la suite, Abû Hâmid el Ghazâlî composa el Ihiya à la manière des soufis. Ce livre est truffé de Hadithsinventés mais son auteur ignorait qu’il en était ainsi. Il traite notamment de la Mukâshafa sans respecter les principes du Figh traditionnel. Il assume entre autre que le soleil, la lune et les étoiles dont l’histoire Ibrahim (r) fait mention, représentent des lumières qui en fait sont le voile du Très-Haut ; il n’y est donc pas question, un peu à la manière Bâtinite (ésotérique), des astres auxquels on pense au premier abord. Dans son autre livre el Mufassih bi el Ahwâl, il avance que les Soufis sont capables à l’état d’éveil, de contempler les anges et les âmes des prophètes. Ils sont même capables d’entendre

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leurs voix et de prendre d’eux certains enseignements. À une étape supérieure, ils passent de la contemplation des formes extérieures à un autre univers que les simples paroles ne peuvent décrire. »

Plus loin, ibn el Jawzî en arrive à la conclusion suivante : « La raison ayant poussée tous ces auteurs à traiter de ces différentes choses, c’est qu’ils maitrisaient très mal les sciences de la religion, de la Tradition et des annales en général. Ils se sont alors orientés vers la voie soufie en se faisant une bonne opinion d’elle…

La plupart de ces ouvrages ne se rapportent à aucun fondement. Ils se fondent cependant sur des expériences personnelles qu’ils se transmettent les uns les autres, qu’ils compilent dans leurs écrits, et qu’ils désignent par les « sciences occultes ».[5]

D’après Abû ‘Abd e-Rahmân e-Sulamî, avec une chaîne narrative qui remonte à ibn el Jawzî, Dhû e-Nûn est le premier dans son pays a classifié les différents « états » soufis. ‘Abd Allah ibn ‘Abd el Hakam, alors gouverneur d’Égypte et adepte de la tendance de Mâlik condamna son discours. Les savants d’Égypte l’ont exclu. E-Sulamî a dit : Abû Sulaïmân e-Dârânî fut expulsé de Damas. Ses habitants dirent qu’il prétendait voir et parler aux anges. Un groupe de personnes témoigna qu’Ahmed ibn Abî el Hawârî préférait les walis (saints ou élus) aux prophètes. Il dut s’enfuir de Damas et se réfugier à la Mecque. Les habitants de Bustâm condamnèrent certaines paroles d’Abû Yazîd el Bustâmî. Parmi les énormités qui furent inscrites contre lui, il dévoila un jour à elHusaïn ibn ‘Îsâ : « J’ai vécu la même ascension que le Prophète (r) ». il fut alors expulsé de la ville…

Selon un homme, Sahl ibn ‘Abd Allah e-Tusturî affirmait que les anges, les démons et les djinns se présentaient à lui et qu’il leur parlait. Le commun des gens le condamna et de graves accusations lui furent imputées. Il s’enfuit à Bassora où il mourut. E-Sulamî a dit : Ahmed critiqua el Hârith el Mahâsibî à propos de certaines de ses paroles concernant notamment les Attributs divins. Ahmed ibn Hanbal l’a alors exclu et il dut se cacher jusqu’à sa mort. »[6]

LA FACE CACHÉE DU SOUFISME

2 éme partie « Les premiers soufis fuyaient les portes des sultans et des émirs, mais par la suite ils sont devenus

leurs amis. » Ibn el JAwzî

Voir : Kashf Zaïf e-Tasawwaf wa bayân Haqîqatihî wa Hâl Hamlatihî de Sheïkh Rabî’ ibn Hâdî el Madkhalî. Ibn el Jawzî a dit : « Les premiers soufis renonçaient à leur argent par ascétisme. Comme nous l’avons vu, ils étaient motivés par de bonnes attentions, bien qu’ils se trompaient dans leurs agissements. Ils s’opposaient ainsi tant à la religion qu’à la raison. Quant aux dernières générations soufies, celles-ci penchent plutôt vers ce bas-monde et se complaisent à amasser de l’argent de n’importe quelle façon ; s’ils sont les partisans du moindre effort, ils n’en cultivent pas moins le goût pour les plaisirs mondains. Certains d’entre eux sont bien capables de gagner leur vie mais ils préfèrent croupir au ribât (sorte de couvent ndt.) ou à la mosquée. Ils s’en

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remettent à l’aumône qu’on leur tend et ils préfèrent frapper à la porte des autres. Il est connu pourtant que le riche ou la personne capable de travailler ne doivent pas recevoir l’aumône. Peu importe d’où leur viennent les aides qu’ils reçoivent ; l’argent d’un tyran ou d’un percepteur leur est le bienvenu. Ils ont pour devise qu’Allah leur ouvre les portes, que leur part de ce bas-monde doit leur arriver d’une façon ou d’une autre, et qu’il n’est pas décent de refuser les dons venant d’Allah, bien qu’ils ne vouent leur reconnaissance à personne d’autre. Ils agissent dans leur ignorance de façon contraire à la Loi divine et s’opposent ainsi à la conduite des pieux prédécesseurs…

On m’a rapporté qu’un soufi se présenta chez un émir tyran. Il lui fit un sermon et reçu quelques gratifications en retour. Dès lors, l’émir s’exclama : « Nous sommes tous des chasseurs sauf que nos pièges sont différents ! »…

Les premiers soufis posaient un regard scrupuleux sur la provenance de leur argent et de leur nourriture. Quand Ahmed ibn Hanbal fut interrogé au sujet d’e-Surrî e-Saqtî, il répondit : « Ce Sheïkh est connu pour avoir une nourriture honnête. »[1] E-Surrî a dit : « J’ai accompagné un groupe de gens qui partait en guerre. Nous avons loué une maison dans laquelle j’ai installé un four. Cependant, ils n’ont pas voulu par scrupule toucher au pain qui avait été cuit dans ce four. »

Or, les soufis de notre époque se posent étonnement moins de question sur la chose. Un jour, je me suis renseigné au sujet du Sheïkh d’un ribâtdans lequel je venais d’entrer. On m’a répondu qu’il s’était rendu chez l’émir un tel pour le féliciter d’un don (apparemment il s’agissait d’un vêtement ndt.) qu’il avait reçu, sans se soucier que l’homme en question était un grand tyran. Je me suis alors exclamé : « Malheur à vous ! Il ne vous a pas suffit d’avoir ouvert boutique, il vous faut en plus présenter vos marchandises à vos gouverneurs ! L’un d’entre vous ne se donne pas la peine de chercher son pain alors qu’il en est capable, en comptant sur l’aumône et ses relations. Comme si cela ne lui suffit pas, il se tourne vers n’importe qui, mieux il se tourne vers les tyrans afin de profiter de leurs largesses. Il le félicite de revêtir un vêtement qui lui fut illicitement offert et d’avoir pris un pouvoir qu’il fait régner pourtant par la tyrannie. Par Allah ! Vous êtes plus nuisibles à l’Islam que tout au monde. »

Un groupe parmi leurs Sheïkhs a pris la vocation d’amasser l’argent dont l’origine est douteuse. Il existe plusieurs sortes de ce genre d’individu : certains d’entre eux se faisant passer pour des ascètes, amassent l’argent de la façon la plus avide. Dans la réalité, leur situation est bien loin de leurs prétentions ! D’autres affichent sur eux la pauvreté mais en cachette ils se font leur fortune. Malheureusement, la plupart d’entre eux encombrent les vrais pauvres en prenant illicitement une part de la Zakat. On rapporte que leSheïkhd’un ribât s’habillait en laine (sûf) indifféremment en été et en hiver. À sa mort, il laissa derrière lui quatre mille dinars. »[2]

Voici des passages du livre el Ghunya d’Abd el Qâdir el Jîlânî

• Il mentionne des Hadiths inventés sur les mérites de certains jours de la semaine :

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1- Selon Yazîd e-Raqâshî, selon Anas ibn Mâlik (t), le Messager d’Allah (r) a dit :

« Quiconque prit le mardi en milieu de journée (dans un autre Hadith après le lever du jour) dix Rak’a dans chacune desquelles il récite une fois la Fâtiha, une fois Âyat el Kursî, et trois fois Qul huwa Allah Ahad, il ne lui sera inscrit aucune faute contre lui ; s’il venait à mourir au cours de ces soixante dix jours, il comptera parmi les martyrs ; il lui sera pardonné soixante dix ans de péchés. »[3]

2- Selon Abû Huraïra (t), le Prophète (r) déclare : « Quiconque prit le dimanche quatre Rak’a dans chacune desquelles il récite une fois la Fâtihaet une fois Âmana e-Rasûl, il lui sera compté par Allah autant de bonnes actions qu’il y a de chrétiens et de chrétiennes ; il aura la récompense d’un prophète ; il lui sera inscrit un Hadj et une‘Umra ; il lui sera inscrit mille prière pour chaque Rak’a. puis, Allah lui offrira au Paradis pour chaque lettre récitée, une ville en musk Idhfar. »[4]

3- D’après Sa’îd, selon Abû Huraïra, le Messager d’Allah (r) affirme : « Quiconque prit le samedi quatre Rak’a dans chacune desquelles il récite une fois laFâtiha, trois fois Qul yâ ayyu el Kâfirûn, et Âyat el Kursî une fois avoir fini sa prière, il lui sera inscrit par Allah pour chaque lettre récitée, un Hadj et une ‘Umra ; il lui sera réservé pour chaque lettre récitée, la récompense d’une année de jeûne et de prières nocturnes ; il aura pour chaque lettre récitée, la récompense d’un martyr ; et il sera (le Jour de la résurrection) sous le Trône d’Allah en compagnie des prophètes et des martyrs. »[5]

4- Selon le Prophète (r) : « Quiconque prit la nuit du mercredi deux Rak’adans la première desquelles il récite une fois la Fâtiha et dix fois Qul A’ûdhu bi Rabbi el Faraqet dans la deuxième desquelles il récite une fois la Fâtiha et dix fois Qul A’ûdhu bi Rabbi e-Nâs, il lui sera descendu du ciel soixante dix milles anges pour lui inscrire la récompense jusqu’au Jour de la Résurrection. »[6]

• Il assume notamment : « Le Mutasawwafconcerne le novice et le Sûfî concerne l’initié… Le Mutasawwafsupporte et le Sûfî est supporté. Le Mutasawwaf doit supporter toute charge lourde ou légère en vue d’effacer sa personne, d’anéantir ses passions, et de faire disparaître sa volonté et sa responsabilité. Au bout du compte il devient Sâfî (pur) et mérite le nom de Sûfî. Dans un premier temps, il supporte les charges pour en fin de parcourt se faire supporter. Il devient… la source du savoir et de la sagesse, le foyer de la paix, la caverne des élus et des Abdâl, leur refuge, leur référence, leur respiration, leur repos et leur joie. Il est en effet l’œil du collier, la perle de la couronne et la vue du Seigneur. »

Il fait ensuite la liste les qualités que le disciple doit se doter ; elles sont si draconienne qu’aucun humain ne peut les supporter. Puis, il préconise : « Puis, il lutte contre lui-même et ses passions pour se soumettre à l’ordre divin et jusqu’à rejoindre l’autre v ie dans laquelle le Très-Haut lui réserve le Paradis. Motivé ainsi par l’amour du Seigneur, il sort du monde connu, se purifie de tout accident, et prend la forme d’une âme pour paraître devant le Seigneur de l’univers. Dès lors, il rompt avec les liens, les causes, la famille et les enfants. Toutes les directions se ferment à lui au moment où s’ouvre devant lui la « grande direction » et la « grande porte » qui correspond à l’agrément du destin que lui assigne le Seigneur des seigneurs…

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Après quoi, en direction de la « grande porte », une autre porte baptisée la porte de la dévotion, s’ouvre à lui. Elle lui permet de pénétrer dans la demeure de l’Unique qui lui dévoile Sa Grandeur et Sa Majesté. Une fois qu’il porte les yeux sur Sa Grandeur, il reste sans Lui et perd son identité. Plus rien n’émane de lui : Il n’a plus aucune force, aucune réaction, aucune ambition et motivation. Il perd le sens du monde d’ici-bas et de l’au-delà et devient tel un vase en cristal. »[7]

Plus loin, il assume qu’Allah prend soin des soufis avant de conclure : « Allah (I)s’occupe de les sortir des ténèbres vers la lumière. Il met à leur connaissance les pensées que renferment les cœurs des hommes. Mon Seigneur en a fait les espions de la pensée et les gardiens loyaux des secrets intérieurs. Il les défend contre tout ennemi dans les moments les plus intimes. Ni Satan ni les passions ne peuvent avoir aucune emprise sur eux. Le Tout-Puissant déclare : (Mes

serviteurs, tu n’a aucune emprise sur eux).[8] Ils ne se laissent pas prendre non plus par les mauvais penchants de l’âme et les envies perverses faisant sombrer dans les abimes et qui expulsent leurs auteurs du giron des traditionalistes. »[9]

La confrérie Tijâniya pour ne citer qu’un exemple de tarîqa soufiya

• les passages suivants démontrent que ses adeptes adhèrent au panthéisme ou

monisme (Wihdat el Wujûd) :

1- L’auteur de Jawâhir el Ma’ânîimpute à son Sheïkh e-Tîjânî, les paroles suivantes : « ... Saches que les sensations des initiés au sujet de la matière existante, c’est qu’ils

la voient comme un mirage à l’horizon. Allah est présent dans les corps existants à travers les noms et les formes dans lesquels Il se manifeste. Il n’y a rien d’autre seulement dans l’existence, que Ses Noms et Ses Attributs. L’existence en apparence, les formes et les noms qui remplissent l’existence sous des formes multiples et différentes, sont comme le voile qui empêche à la création apparente de contempler la Vérité (Allah). L’apparence absolue n’est rien d’autre que la seule présence de la Vérité dans toute chose. »[10]

2- Dans un autre passage, Sheïkh e-Tîjânî donne l’explication d’un Hadithcomplètement inventé en ces termes : « Pour mieux comprendre ce Hadith, il faut revenir aux notions que nous avons tout d’abord évoquées. Autrement dit que toute la création correspond à des degrés de la Vérité, au décret de laquelle il incombe de se soumettre. Il ne faut pas s’opposer à tout ce que Sa création exprime. Puis, derrière cela, il est possible d’utiliser la loi textuelle extérieure non intérieure car seuls les initiés au monisme sont capables d’en pénétrer les aspects intérieurs ; ils sont à même d’y déceler en effet l’ « union » et la « séparation » de l’existence. L’existence est faite d’une seule essence qui n’admet aucune divisibilité malgré toutes les natures et les formes différentes qui la composent. Son union ne remet nullement en cause les lois qui distinguent les différents corps. Les initiés expliquent ce phénomène en disant que la multitude correspond à l’unité et que l’unité correspond à la multitude. En observant la multitude de la matière existante on a à faire en fait à une seule existence malgré la multitude. Mais si on regarde les choses d’un point de vue de l’unité, on verra que celle-ci est plongée dans la multiplicité de la matière infinie. Cependant, seul l’initié est capable de remarquer ce phénomène indépendamment du commun des gens qui est handicapé par

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un « voile ». Ce privilège appartient donc aux initiés capables de constater l’unité à travers l’intuition (ou la gustation) non à travers les formes apparentes, mais ils sont incapables de l’exprimer par la parole. Tel est le sens de l’ « union » et de la « séparation » ; l’unité correspond à l’union et la multitude correspond à la séparation. »[11]

3- Dans ce passage du même livre, e-Tîjânî ne se contente pas d’établir le monisme, mais il fait un parallèle avec l’unité des religions (wihdat el adiân) : «Sache que la présence de la Vérité (I) est unifiée au niveau de Son Être, de Ses Attributs, de Ses Noms, et de Son Existence. Toute l’existence lui est soumise par l’humiliation, l’adoration, l’inertie sous le joug de Son Pouvoir, l’obéissance, l’amour, l’encensement et la divination. Certaines créations s’orientent vers l’image de la présence divine qui transparait clairement à travers l’altérité. D’autres s’orientent vers la haute présence qu’un voile épais sépare. Ce sont les adorateurs des idoles et ceux qui les imitent. En s’orientant vers le culte des idoles, ils ne s’orientent vers rien d’autre que la Vérité (I). Ils n’adorent rien d’autre que Lui (I). Il ne fait que se manifester à travers le voile de Sa Majesté et de Sa Grandeur. Il les attire ainsi en fonction de cette relation qui dépend du destin qu’ils ne peuvent en aucun cas contester. Cette orientation vers Allah est donc forcée comme le souligne le Verset suivant : (Tout être dans les cieux et la terre se

prosternent à Allah de gré ou de force, ainsi que son ombre, le matin et le

soir).[12] Ainsi, chaque membre de la création s’oriente vers la présence de la Vérité (I)de la façon que nous avons décrite. Quant aux mécréants, aux pervers, aux criminels et aux injustes, ils ne font dans cette aliénation à travers laquelle ils s’opposent en apparence aux lois textuelles et à l’Ordre divin, que se soumettre aux ordres du Très-Haut. Ils ne sortent nullement de Sa Loi et Sa Volonté si ce n’est qu’en apparence. Cependant, ils y sont profondément soumis en regard de l’aspect intérieur. »[13]

4- Il affirme également : « … Toute personne qui adore ou qui se prosterne devant un autre qu’Allah en apparence, il ne fait qu’adorer ou se prosterner devant Lui étant donné qu’Il se manifeste à travers cette forme. Toutes les divinités sans exception se prosternent devant le Très-Haut ; elles l’adorent et le glorifient, stimulées qu’elles sont par la peur qu’insuffle l’emprise de Sa Majesté. Si elles osaient afficher leur adoration en faveur d’une créature sans qu’Il ne s’y manifeste à l’intérieur, elles se briseraient plus vite qu’un clin d’œil en raison de Sa Jalousie qui ne tolère aucun rival. Allah (I) révèle à cet effet : (C’est Moi Allah ! Il n’y d’autre dieu en

dehors de Moi, alors adore Moi).[14] Etymologiquement le terme « Dieu » désigne la divinité digne d’être adorée. (Il n’y d’autre dieu en dehors de Moi) signifie donc qu’il n’y d’autre divinité en dehors de Moi ; quand les païens vouent leur culte aux idoles, ils ne font que M’adorer. ils ne s’orientent, s’humilient et se soumettent à personne d’autre qu’à Moi… »[15]

LA FACE CACHÉE DU SOUFISME

3 éme partie

Certaines annales nous rapportent –en supposant qu’elles soient authentiques – qu’Abû Yazîd el Bustâmî a dit notamment : « Gloire à moi ! Il n’y a rien d’autre sous mon manteau qu’Allah ! Qu’est-

ce que l’Enfer ? Il me suffira de m’appuyer dessus demain pour m’écrier : Sacrifie-moi en échange de ses occupants ou bien j’en viendrais à bout ! Qu’est-ce que le Paradis ? Un jouet pour enfant ! Offre-

moi les juifs, qui sont-ils pour que tu les châties ainsi ?» Voir : Mizân el I’tidâld’e-Dhahabî (2/346-

347).

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Voir : Kashf Zaïf e-Tasawwaf wa bayân Haqîqatihî wa Hâl Hamlatihî de Sheïkh Rabî’ ibn Hâdî el Madkhalî. Voici quelques passages du livre el Khulâsa el Wâfiya fî Sharh el Awrâd e-Lâzima wa el wazhîfa e-tijâniya e-shafîra de Mohammed Sa’d e-Rabâtânî e-Tijânî : 1- La confrérie tîjâniya fut inspirée à son Sheïkh et Imam Ahmed e-Tijânî par le maître de l’humanité (r).[1]

2- Mohammed Sa’d e-Rabâtânî présente le maître de la confrérie, Ahmed e-Tijânî, en ces termes : « Qu’Allah le Très-Haut soit satisfait de la réjouissance des meilleures, de la source des bénédictions et des mystères, du plus grand ghaws (pôle) et du plus grand qutb(chef mystique), du pôle caché, du trésor mutalsam, notre exemple, notre Sheïkh, notre imam, le sceau et le renfort des élus, le Sheïkh Ahmed ibn Mohammed e-Tîjânî de la lignée sharîf (prophétique) d’el Hasan, ainsi que de ses compagnons qui lui sont affiliés et de tous ceux qui l’aiment. »[2]

3- Il assume notamment que son maître est l’auteur de miracles aussi populaires qu’innombrables. Voici un exemple de ses allégations : « L’une de ses plus grandes Karâmat (t) (don du ciel ndt.), c’est qu’il peut voir le chef de l’existence, notre maître Mohammed le Messager d’Allah (r). Il le voit éveiller non en rêve et constamment de sorte qu’il n’échappe jamais à sa vision ne serait-ce que le moment d’un clin d’œil. Il l’interroge sur toute chose qui lui vient à l’esprit et il le consulte au sujet des questions les plus subtiles. »[3]

4- Il avance également au sujet du savoir dont se distingue son maître : « Il (t)disait : « Si quelqu’un m’interrogeait durant quatre années consécutives, je lui dicterais ses réponses sans qu’il n’est jamais à poser sa plume (autrement dit : sans répit). » Il n’y a rien d’étonnant à cela si l’on sait que le Prophète (r) lui a déclaré : « Tout ce que je peux dicter, tu en es l’interprète. » »

5- « Notre Sheïkh et maître s’est vu attribué le titre de Qutb grandissime enmuharram 1214 de l’hégire du maitre des messagers, alors qu’il vivait à Fâs. Cet événement est un miracle en lui-même. Le huitième jour du mois de safar el khaïrde la même année, il atteignit le degré de sceau et du « mystère » tous deux réservés à l’achèvement de l’élection mohammadienne exclusive. »

6- « Le Sheïkh a dit : « Tous les élus sans exception compte parmi nos rangs, se conforment à nos wird (formules d’évocation quotidienne), et se les transmettent de générations en générations jusqu’au jour de la fin du monde. L’imam el Mahdî el Muntazhar[4]lui-même n’échappera pas à cela quand il viendra à la fin des temps… Il les adoptera et se fera l’un des héritiers du Sheïkh (t), les dépositaires de leurs savoirs et de leurs secrets. Notre Sheïkh et maître (t) en a énormément vanté les vertus, inspiré en cela par personne d’autre que le Messager d’Allah (r). »[5]

7- E-Rabâtânî rapporte les paroles suivantes du chef de file de la confrérieTîjânite : « Notre voie abroge et annule toutes les autres voies. »

8- Ahmed e-Tijânî a dit également : « Quiconque délaisse un wird que les Sheïkhont institué, dans le but d’adhérer à notre voie mohammadienne et ibrahimite sera préservé par Allah sur cette terre et dans l’au-delà de sorte que rien ne pourra le nuire. Telle est la promesse que le

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Prophète (r) nous a faite. Par contre, quiconque quitte notre voie pour adhérer à une autre sera éloigné de la présence d’Allah et se verra confisquer par Lui notre amour dont Il lui fit faveur. Il mourra ainsi mécréant –qu’Allah nous préserve de Sa ruse – et ne connaitra jamais le

bonheur. »

9- Dans un autre passage, ce dernier affirme : « Notre voie représente la vertu à l’état pur que le Messager d’Allah (r) m’a verbalement transmise de sa part sans intermédiaire, à l’état d’éveil non en rêve. Le Messager d’Allah (r) m’a déclaré : « Tu ne dois ta faveur à personne parmi les Sheïkh des différentes voies soufies. » Son Sheïkh, c’était le Prophète élu (r) ; il était son éducateur, son orienteur et son exemple. »[6]

Voici quelques directives de la confrérie Tîjânite qui s’élèvent au nombre de vingt-neuf :

1- Le disciple doit se vider et se dépouiller de tout wird appartenant à n’importe

quel Sheïkh et il doit faire le serment à Allah de ne plus jamais y toucher.

2- Il ne doit faire la visite des walis qu’ils soient morts ou encore en vie, si ce n’est ceux pour lesquels il a reçu le consentement préalable de les visiter ; ce sont les prophètes, les compagnons et nos frères membres de la confrérie.

Ahmed e-Tijânî (t) préconise : « Quiconque adhère à notre wirdet à notre voie ne doit consacrer de visite à aucun wali qu’il soit mort ou vivant. » Il avertit notamment : « Le maître de l’existence (r) m’a dit : « Quand tes compagnons passent près de mes compagnons, ils doivent les visiter. Quant aux autres walis, ils ne doivent pas les visiter. » » Il ajoute ensuite : « La visite (consacrée à d’autres waliset) interdite chez les nôtres, est celle qui est faite dans l’intention de s’attacher et de demander secours à son occupant. Il est possible toutefois de les visiter pour Allah, pour entretenir les liens de sang, prendre une science ou entendre le sermon d’un savant. »[7] Autrement dit, il n’est pas interdit de visiter les Sheïkh Tijanites en vue de s’attacher à eux et de leur implorer secours non que l’association soit condamnée par les membres de la secte ! Salât el Fâtih et Jawharat el Kamâl

Mohammed Sa’d e-Rabâtânî consacre un chapitre entier dans lequel il vante les mérites de Salât el Fâtih mensongèrement imputée au Messager d’Allah (r). Il allègue entre autre : « Il suffit comme mérite de la prière el Fâtih les paroles suivantes du Sheïkhdisant que le maitre de l’existence (r) l’a informé que le fait de la réciter une seule fois, cela équivaut à toutes les glorifications contenues dans l’univers ; elle équivaut à toutes les évocations et à toutes les invocations petites ou grandes prononcées six milles fois. Il dit ensuite : « Surtout la prière el Fâtih qui relève du décret divin que la raison ne peut appréhender. Il ne faut donc pas faire attention à celui qui la dément ou qui la condamne. Allah détient en effet une faveur qui n’entre dans aucune de nos proportions. Il te suffit de lire pour t’en rendre compte les paroles du Très-Haut : (et Il crée ce dont vous n’avez aucune connaissance)[8] Aucun serviteur ne

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peut s’orienter vers Allah par une œuvre plus aimée de Lui quoi qu’il puisse faire. Aucune œuvre ne détient autant de faveur et ne peut atteindre ce degré qui est le degré de s’orienter vers Allah en prononçant uniquement Son Nom le plus Illustre. Salât el Fâtih l’équivaut ainsi en mérite bien que personne ne peut jouir de se privilège sans croire en ce qu’il vient d’entendre ni reconnaître la Faveur d’Allah (I) soumise à aucun de nos repères. »

Il a dit : « Sache que toutes les évocations en général, les prières faites sur le Prophète (r), et les invocations prononcées toutes ensembles pendant cent mille ans et chacune cent mille fois par jour, avec l’accumulation de toutes leurs récompenses, n’équivalent pasSalât el Fâtih prononcée une seule fois. Cependant, nul ne peut jouir de ses mérites sans remplir deux conditions : - Premièrement : il faut avoir l’autorisation spéciale du Sheïkh ou de ses lieutenants malgré la présence de tous les intermédiaires qui puisse y avoir jusqu’à la fin du temps. - Deuxièmement : il faut être convaincu qu’elle ne fut composée par personne mais qu’elle est provient du grand Qutb inspiré des « mystères de l’inconnu » ; celle-ci relève de l’inspiration des walis (y). Il faut être convaincu qu’elle provient des Paroles d’Allah au même titre que les Hadith Qudsî (divins) non d’inspiration humaine. j’ai déjà évoqué un certain nombre de ses mérites dans el Jawâhir el ‘Uliya bien que ces mérites sont bien trop hauts pour se voir dénombrer ou coucher sur papier. Les faveurs d’Allah sont bien plus vastes que cela tandis qu’Allah détient les faveurs immenses ! »

Dans Jawâhir el Ma’ânî, ‘Alî Harâzim relate les paroles suivantes de son SheïkhAhmed e-Tijânî : « Quand j’ai vu dans Dalâil el Khaïrât qu’une seule prière équivaut à soixante dix mille lecture entière du Coran, je l’ai adopté au dépend de Salât el Fâtih, tant elle est méritoire. Celle-ci mentionne : Ô Allah ! Prie sur notre maitre Mohammed et sur sa famille en lui consacrant une prière équivalente à toutes les prières prononcées par tes bien-aimés ! Et salue notre maitre Mohammed et sa famille en lui faisant un salut équivalent à tous leurs saluts. Cependant, le Prophète (r) m’a ordonné de revenir à Salât el Fâtih. Je lui demandai alors qu’elles étaient ses mérites. Il m’informa premièrement qu’en la prononçant une seule fois, elle équivalait six fois le Coran. Il m’apprit deuxièmement que la prononcer une seule fois équivalait à toutes les glorifications contenues dans l’univers et à toutes les évocations et à toutes les invocations petites ou grandes et le Coran prononcé six milles fois, étant donné qu’elle relève du Dhikr(évocation). »[9]

Ensuite, il poursuit : « Puis, le Sheïkh (t) poursuit : « Il (r) m’informa également qu’elle (autrement dit Salât el Fâtih) n’est pas le fruit de son inspiration mais qu’il s’orienta longuement vers Allah afin qu’Il lui fasse don d’une prière sur le Prophète (r) lui offrant la récompense et le secret de toutes les prières réunies. » Il insista sur cette demande pendant très longtemps jusqu’au moment où elle lui fut exaucée. Un ange lui vint alors pour lui offrir cette prière écrite dans un parchemin de lumière. Le Sheïkh dit ensuite : « En méditant bien sur cette prière, je me suis rendu compte qu’aucune adoration provenant des hommes, des djins et des anges ne pouvait lui être équivalente. »[10]

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‘Alî Harâzim affirme par ailleurs : « Leçon importante : Le Sheïkh (t) a dit : « La prière sur le Prophète équivaut à autant de langues qu’il peut y avoir d’oiseaux qu’Allah a créés ; elles équivaut à soixante dix milles ailes, etc. milles, milles, milles, milles, milles, milles, milles, milles, et huit cent milles, milles, milles, milles, milles, milles, milles degrés, et sept cents milles, milles, milles, milles, milles degrés. Tel est le nombre total de langues existantes en sachant que chaque langue glorifie le Très-Haut dans soixante dix milles langues en un instant, toute la récompense va au fidèle qui prie une seule fois sur le Prophète (r). Sans compter la perle rare : Salât el Fâtihet ce qu’elle représente. À chaque fois qu’on la récite, cela représente s ix milles oiseaux aux caractéristiques que nous avons décrites précédemment. Gloire à Celui qui fait grâce à qui Il veut parmi Ses serviteurs sans ne devoir rien à personne et sans être sujet à aucune déficience. » Fin de citation. »[11]

LA FACE CACHÉE DU SOUFISME

4 éme partie

Bon nombre de savants condamnèrent el Ghazâlî comme el Mâzirî, ibn el ‘Arabî, el Qâdhî ‘Iyâdh, e-

Tartûshî, et Qâdhî el Jamâ’a Mohammed el Qurtubî. ibn el ‘Arabî confie notamment : « Notre Sheïkh Abû Hâmid a dévoré la philosophie mais il n’a pas réussi à la vomir lorsqu’il a voulu le faire. »

Voir : Siar A’lam e-Nubala d’e-Dhahabî (19/327).

Voir : Kashf Zaïf e-Tasawwaf wa bayân Haqîqatihî wa Hâl Hamlatihî de Sheïkh Rabî’ ibn Hâdî el Madkhalî. El Ghazâlî

El Mâzirî rapporte selon l’un des amis proches d’el Ghazâlî, que ce dernier s’est penché sur les textes d’Ikhwân e-Safa composés par ibn Sîna et qui comptent cinquante petits ouvrages.[1] Dans le domaine du soufisme, il s’est inspiré d’AbûHayyân e-Tawhîdî. Ces deux apports ont laissé des traces à la fois sur la philosophie qu’il a dévorée et sur sa tendance soufie. E-Dhahabî souligne à ce sujet : « Abû el Faraj Ibn el Jawzî a dit : « Abû Hâmid el Ghazâlî composa el Ihya qui est truffé de Hadithsinventés mais son auteur ignorait qu’il en était ainsi. Il traite notamment de la Mukâshafa sans respecter les principes du Figh traditionnel. Il assume entre autre que le soleil, la lune et les étoiles dont l’histoire d’Ibrahim (r) fait mention, représentent des lumières qui en fait sont le voile du Très-Haut ; il n’y est donc pas question, un peu à la manière Bâtinite (ésotérique), des astres auxquels on pense au premier abord. » Ibn el Jawzî s’attaque à la pensée d’Abû Hâmid qu’il relate dans el Ihyaet il expose ses erreurs dans un livre épais de plusieurs volumes et auquel il donna le titre d’el Ahya. »[2]

Ibn Kathîr explique également : « Abû el Faraj ibn el Jawzî l’a sévèrement condamné, précédé qu’il fut d’ibn e-Salâh qui lui asséna également maintes critiques. El Mâzirî voulut même brûler son œuvre Ihya ‘Ulûm e-Dîn tout comme d’autres savants maghrébins qui se plaisaient à

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dire –comme je l’ai relaté au cours de sa biographie dans e-Tabaqât– : « Ce livre revivifie sa religion. Quant à notre religion, seuls le Coran et la Sunna sont à même de la revivifier. » Ibn Shukr a démoli certains passages d’Ihya ‘Ulûm e-Dîn à travers un ouvrage très intéressant. El Ghazâlî avouait lui-même : « Mon bagage est très léger dans les sciences du Hadith. » Il aurait à la fin de sa vie penché vers leHadith et donnait une attention toute particulière aux recueils e-Sahîhd’el Bukhârî et de Muslim. Ibn el Jawzî est l’auteur d’une réfutation contre el Ihya qu’il intitula ‘Ulûm el Ahya bi Aghâlît el Ihya, et dans lequel il déclare notamment : « Certains vizirs lui imposèrent de se rendre à Nîsâbûr où il enseigna à la Madrasa Nidhâmiya. Puis, il revint à Tûs sa ville natale, où il se fit construire un Ribât(pour ses retraites spirituelles ndt.) et une belle maison entourée d’un jardin magnifique. Il se consacra à la lecture du Coran et à l’apprentissage des Hadithsdes recueils e-Sahîh. Il mourut le lundi quatorze de Jumâdâ el Âkhira de la même année. Ses funérailles se déroulèrent à Tûs –qu’Allah lui fasse miséricorde –. Durant son agonie, l ’un de ses amis lui demanda : « Fais-moi une recommandation !

- Soit sincère lança-t-il à plusieurs reprises jusqu’au moment de mourir. »

Voici un passage d’Ihya ‘Ulûm e-Dîn dans lequel l’auteur établit la doctrine du monisme : « Si tu dis : Comment peut-on seulement contempler l’ « un » au moment où les yeux portent sur la terre, le ciel, et tous les corps sensibles pourtant si nombreux ? Comment la multitude peut-elle être à la fois un ? Saches alors que la réponse est le comble du dévoilement et des subtilités du savoir qu’il est interdit d’exprimer par écrit. Les « initiés » disent : « Divulguer les mystères du divin relève de la mécréance. » En outre, cette science n’a aucun lien avec celle des relations traditionnelles. Il est certes possible de rapprocher les sens à ton entendement. Vue sous un certain angle en effet, une matière peut être composée d’éléments multiples mais vue sous un autre angle, celle-ci est unique. Il en est ainsi pour l’être humain qui est composé d’éléments multiples, si l’on considère qu’il a une âme, un corps, des membres, des veines, des os, et des entrailles. Cependant, d’un autre point de vue, il est considéré en tant qu’être humain comme une seule personne. Combien y a-t-il d’individus auxquels il ne vient pas à l’esprit au voyant quelqu’un au premier abord, les détails de sa composition ? On est absorbé par le regard d’une entité compacte qui en formant un tout, ne permet plus de distinguer entre l’unité et la multitude. Dans l’existence également, en contemplant le Créateur et Sa création sous une certaine considération, on découvre des manifestations nombreuses et variées. D’un certain point de vue, ces manifestations composent une unité mais d’un autre point de vue, il existe une multitude de matières en dehors de cette unité ; certaines d’entre elles étant plus divisibles que d’autres. Si l’exemple de l’être humains que nous avons donné ne rend pas la chose dans sa totalité, il peut tout -au-moins rapproché grossièrement sa compréhension à l’entendement. Il nous explique par quel procédé le multiple devient un. Ainsi, à travers ce discours, il n’est pertinent de contredire une vérité à laquelle on n’a pas encore atteint le degré de dévoilement. Il faut à ton niveau tout simplement y croire pour espérer avoir une part de cette unicité, bien que tu ne puisses la matérialiser en toi. C’est comme le fait de croire à la prophétie, cela ne fais pas de toi un prophète, mais tu peux en avoir une part plus ou moins intense en fonction du degré de conviction que tu décèles en toi.

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Cette manifestation de l’Unique dans les éléments est rarement permanente mais dans la plupart des cas, elle est aussi fulgurante qu’un éclair. »[3]

Traduit par :

Karim ZENTICI