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Savoir vivre en couple Episode IX : Quelle place laissez-vous au dialogue ?
ELLE : il a fallu d’abord apprendre à laisser une place au dialogue, et souvent à la lui donner !
IL : au temps de nos fiançailles et même au début du mariage, nous avions pris l’habitude de nous parler.
Nos divergences de vue étaient mises sur « le tapis » et nous trouvions toujours un accord et le partage d’une
nouvelle manière d’envisager les choses.
ELLE : mais il a fallu du temps pour apprendre à partager et à accepter que l’autre ait une conception différente
de la manière de gérer les choses et de participer aux tâches du foyer.
IL : j’ai quand même fait des efforts pour apporter ma contribution dans la maison malgré mes charges
professionnelles.
ELLE : mais quelquefois, je ne demandais pas cette aide-là et ton intervention me compliquait la vie et
ajoutait à mon travail.
IL : bien sûr, parce qu’à ce moment-là je faisais selon mon point de vue, le mieux possible, et que pour toi,
ce n’était pas bien, parce que pas réalisé exactement comme toi tu aurais fait !
ELLE : il y a d’autres fois où tu faisais semblant de ne pas comprendre, malgré mes soupirs, mon irritation ou
mes gestes brusques !
IL : c’est parce que je ne savais pas quoi faire ou que j’avais le sentiment que quoi que je fasse cela ne te
conviendrait pas !
ELLE : alors, chacun s’enfermait dans son mutisme, convaincu de son bon droit et persuadé que décidément
l’autre n’y comprendrait jamais rien !
IL : quelquefois, ça explosait et jamais là où nous l’attendions ! J’étais alors complètement désarçonné et
incapable de réagir et d’autres fois, cela me mettait dans une grande colère qui s’exprimait par des mots
blessants ou s’intériorisait par des culpabilisations.
ELLE : je n’avais plus confiance en lui. Je me demandais comment j’avais pu m’engager pour la vie avec un tel
individu, un étranger, un inconnu. Mais j’attendais un geste, un signe, la moindre marque d’affection pour
restaurer la relation.
IL : quand chacun attendait que l’autre fasse le premier pas, ça durait ! Mais au fond de nous-mêmes nous
savions que l’amour était là, prêt à « passer l’éponge ».
ELLE : les moments de réconciliation et de pardon mutuel étaient toujours extraordinaires à vivre parce
que le fruit d’une victoire sur nous-mêmes, sur notre orgueil et notre égocentrisme, pour nous ouvrir
toujours plus et mieux à autrui et vivre l’amour selon l’Evangile.
IL : il nous a fallu apprendre à communiquer, mais pas simplement émettre des paroles et recevoir celles
de l’autre ! nous avons dû apprendre à être d’abord récepteur puis émetteur, au moment où l’autre était
émetteur et récepteur !
ELLE : en fait, la communication doit être directe, entre deux personnes en présence l’une de l’autre et bien
présentes l’une à l’autre !
IL : si l’un parle et que l’autre au lieu d’écouter pense à ce qu’il va répondre, il perd tout le profit de
savoir quelque chose sur autrui qui aurait pu l’aider à mieux vivre avec lui ou à comprendre quelque chose de
sa personne, de ses besoins, de ses désirs ou de ses attentes.
ELLE : ce n’est pas évident de dialoguer ! De savoir s’écouter mutuellement, s’intéresser à ce qui est dit
pourmieux comprendre, partager. Le dialogue est un dévoilement, il permet de se révéler à autrui et de le
connaître en retour. Il n’utilise pas seulement la parole et l’ouïe, mais le regard et l’attitude du corps pour
exprimer quelque chose de soi.
IL : se parler ce n’est pas simplement donner un avis, émettre une critique ou formuler un souhait, c’est aussi
prêter attention pour mieux se comprendre, afin de s’adapter l’un à l’autre et d’accorder ses différences
pour qu’elles se complètent.
ELLE : il y a un paradoxe dans le dialogue, ou un risque, parce que nous avons souvent peur de parler de nous-
mêmes et de révéler dans ce que nous disons quelque chose de trop intime, alors qu’en même temps, nous
désirons parler et surtout être écouté !
IL : il est très important d’avoir une grande confiance l’un dans l’autre pour pouvoir dialoguer. Le dialogue
implique d’être vrai, sincère dans ce qu’on dit, et confiant dans l’amour que nous nous portons et qui est fait
d’acceptation de l’autre tel qu’il est.
ELLE : dans les périodes de conflits, là où le dialogue serait bienvenu, il y a les silences et tout le cinéma qui va
avec : chacun est convaincu que l’autre pense que…
IL : un silence peut être bien plus parlant que des mots. Le comportement peut aussi envoyer un message très
expressif !
ELLE : je suis toujours surprise de constater combien un différend, ou même un simple désaccord entre nous,
avec une cause futile souvent, peuvent déclencher une dispute et instaurer une distance entre nous.
IL : quand il y a des crises et qu’au lieu d’attendre un moment plus favorable pour se parler, il y a des
cris à la place d’un silence qui respecte chacun, la peur s’installe et avec elle le manque de confiance, donc de
sécurité.
ELLE : au moment où nous aurions besoin de manifestations de tendresse et d’affection, nous sommes
confrontés à l’agressivité, ou même la violence.
IL : c’est comme si se réveillaient de mauvais souvenirs, des situations d’autrefois qui ressemblent en partie, du
moins sur le plan affectif, à ce qui se vit aujourd’hui.
ELLE : nous nous retrouvons alors « petit garçon » ou « petite fille » face à des événements qui nous
dépassent et pour lesquels nous nous sentons provisoirement impuissants à élaborer des solutions
satisfaisantes. Dans ces moments-là, nous prenons conscience que notre passé n’est jamais loin, que nous
fonctionnons encore selon les schémas d’autrefois, sur le même mode qu’avec nos parents, nos frères et
sœurs.
IL : c’est comme s’il y avait un automatisme, un réflexe conditionné qui resurgit en période de conflit conjugal
et détermine un comportement qui est alors forcément inadapté à la situation présente.
ELLE : nous nous sentons prisonniers de nos peurs et de nos réflexes et impuissants à donner les réponses
adéquates. Le dialogue tel que je l’apprécie est celui où je me sens écoutée, où je peux parler de ce que
j’éprouve et où IL exprime enfin ce qu’il a dans le ventre.
IL : quand chacun se place en vis-à-vis de l’autre et peut dire ce qu’il ressent en sachant qu’il est écouté
et compris sans critique ou humiliation. Quel soulagement, quelle libération : tout devient lumineux et
possible.
NOUS : Sous le règne actuel de l’Internet, nous constatons aussi que subtilement les relations humaines
se « virtualisent ». Pour qu’elles restent « humaines » les relations ne peuvent pas faire l’économie de la
présence de deux personnes au moins dans un même temps et un même espace. L’être humain a été créé à
l’image de Dieu avec le don de la parole, la faculté de communiquer, de partager ce qu’il est, ce qu’il a, ce
qu’il sait. La communication authentique implique de donner quelque chose de soi à autrui, de s’ouvrir à lui
pour recevoir à son tour et découvrir autre chose. La communication vraie bannit la crainte de l’autre, chasse
les mauvais soupçons qui finissent toujours par faire passer autrui pour un ennemi. Elle se passe sur un plan
d’égalité, au même niveau, en vis-à-vis.
Écouter comporte la notion d’obéissance, de soumission à autrui,
dans le sens de servir, d’être attentif à la demande et de mettre
en œuvre ses capacités pour y répondre le mieux possible.
Écouter s’oppose à l’orgueil avec l’idée d’une supériorité par
rapport à autrui ou de n’avoir besoin de personne, avec l’égoïsme
qui va avec. Chacun a une perception ou une compréhension
différentes de la vie de couple, qu’il va confronter et adapter à ce
qu’il expérimente et d’après lesquelles il devra négocier et
dialoguer avec son partenaire pour découvrir ce qui s’adapte le
mieux à la vie commune. Le dialogue permet de fonctionner en
miroir l’un vis-à-vis de l’autre, de refléter et de réfléchir ce qui est
exprimé afin de le rendre concret donc réaliste et utilisable
pratiquement.
Le dialogue est aussi le moyen de renvoyer comme un écho les différences de chacun et de les recevoir
non comme quelque chose qui divise, qui sépare, qui inquiète ou qui rejette, mais comme le moyen de
s’enrichir, de se comprendre, de s’accepter, d’adhérer l’un à l’autre pour progresser ensemble. Nous vivons
une proximité que nous construisons émotionnellement, sentimentalement et fantasmatiquement : ces trois
plans nous permettent de nous sentir proches l’un de l’autre et donnent l’impression de pouvoir ne plus faire
qu’un seul corps. Lorsqu’un différend éclate, cette impression d’unité s’effrite et nous tombons dans un
autre niveau de réalité émotionnelle. On était un et soudain l’on est deux, chacun dans son monde,
étranger l’un à l’autre avec toute la distance que cela suppose. Chacun se retire alors dans sa bulle privée,
et rompt un temps le lien sa personnalité qui ont été malmenés par le conflit. Il y a alors un repli sur soi qui
entraîne malentendus et mésententes.
Pour une bonne communication, il faut la transparence et la clairvoyance. La transparence c’est se révéler à
l’autre, dire ses attentes, ses désirs, ses besoins, se montrer tel qu’on est, et pour cela il faut s’accepter
comme on est. La clairvoyance, c’est comprendre l’autre, découvrir la nature de ses attentes et le sens de sa
manière d’être et d’agir, et pour cela il faut l’accepter comme il est. Le dialogue n’est jamais une
négociation, un marchandage, un troc, quelque chose du domaine de l’avoir, donc du pouvoir. C’est un don
réciproque de soi-même et la rencontre dans un lieu commun qui est celui du couple. Le dialogue est un
entretien : c’est l’écoute qu’il faut entretenir. Quelle place laissez-vous au dialogue ?Pour qu’il y ait dialogue, il
est très important d’accepter la possibilité d’un désaccord, d’un conflit qui accentue la différence mais qui, une
fois admis et perçu comme ne faisant pas obstacle à la relation, pousse au respect de l’autre pour ce qu’il est et
non pour ce qu’il fait. C’est pourquoi le dialogue peut être un leurre, lorsqu’il satisfait un désir de
communiquer, sans satisfaire le besoin d’une présence. Accepter les différences, prendre appui sur les
ressemblances, sur les points communs, découvrir les terrains d’entente et consolider les mises en
accord mutuelles contribue à l’édification de la vie commune.
Le processus de paix engagé pour modifier le passé et résoudre le problème présent est comme un
cadeau fait réciproquement. Il implique une humilité, la reconnaissance de ses propres limites et
défaillances, mais sans culpabilité, et le souci de ne pas rendre le conjoint responsable de tout ce qui va de
travers, tout en assumant sa part dans le conflit. Rechercher la paix, demander pardon, donner son pardon,
manifeste qu’on se sent vulnérable, faible, fragile, faillible et l’on se place alors sur un même plan
d’égalité avec autrui.