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1 COMPTE-RENDU DE L’ATELIER DE TRAVAIL DU 5 JUIN 2013 Présentation et débat autour d’hypothèses de politique de mobilité à Paris à l’horizon 2020 DIRECTION DE LA VOIRIE ET DES DEPLACEMENTS Agence de la mobilité ATELIER DE PROSPECTIVE [SCENARIOS DE MOBILITE : PARIS A L’HORIZON 2020]

Atelier mobilité 2020 paris

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Atelier d'échanges sur 7 hypothèses de futurs possibles des mobilités à Paris

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COMPTE-RENDU DE L’ATELIER DE TRAVAIL DU 5 JUIN 2013 Présentation et débat autour d’hypothèses de politique de mobilité à Paris à l’horizon 2020 DIRECTION DE LA VOIRIE ET DES DEPLACEMENTS Agence de la mobilité

ATELIER DE PROSPECTIVE [SCENARIOS DE MOBILITE : PARIS A L ’HORIZON 2020]

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PARTICIPANTS :

MAIRIE DE PARIS [AGENCE DE LA MOBILITE] :

‐ François Prochasson, Chef du pôle Mobilité durable

‐ Satya Proag, Doctorant Evaluation socio-économique des politiques publiques

‐ Antonia Ruffin, Stage de fin d’étude Scénarios de mobilité durable à Paris à l’horizon 2020

‐ Dominique Larouy-Estevens, Adjointe au chef de l’Agence

‐ Marion Maestracci, responsable Division Prospective de la mobilité

‐ Anne-Sophie Jamet, chargé de mission Partenariat international, veille et expérimentations

‐ Guillaume Adam, Stage de fin d’étude à la Division Prospective de la mobilité

INVITES :

‐ Marie Pouponneau, ADEME, Service Evaluation de la Qualité de l’Air

‐ Laurent Meunier, ADEME, Service Economie et Prospective

‐ Gabriel Plassat, ADEME, Service Transports et Mobilités

‐ Richard Le Goff, ENSTA ParisTech, Unité d’Economie Appliquée

‐ Jonathan Bainée, ENSTA ParisTech, Doctorant

‐ Marie Larnaudie, Plaine Commune (Etude de faisabilité ZAPA)

‐ Naïda Mohamed, Plaine Commune (Etude de faisabilité ZAPA)

‐ Yves Jouffe, LVMT

‐ Fabien Leurent, LVMT

‐ Bruno Marzloff, cabinet d’étude Chronos

‐ Vincent Kaufmann, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne

‐ Olivier Paul-Dubois-Taine, Centre d’Analyse Stratégique

‐ Jean-Luc Ygnace, IFSTTAR

REMERCIEMENTS :

‐ Antonia Ruffin, pour la conception de l’atelier, son pilotage et la rédaction des comptes-rendus

‐ Satya Proag, pour son expertise dans le déroulement du processus

‐ Marion Maestracci, Anne-Sophie Jamet, pour leur participation à l’animation

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INTRODUCTION :

> Contexte

Dans le cadre de la thèse de Satya Proag, conjointe ADEME - Ville de Paris, sur l’évaluation socio-économique des politiques publiques de réduction de la pollution atmosphérique, la ville de Paris s’est engagée dans une démarche prospective sur les mobilités. La construction d’un ou plusieurs scénarios d’action publique à l’horizon 2020 doit permettre l’identification des leviers sur lesquels il est possible de s’appuyer.

Pour ce faire, la Direction de la voirie et des déplacements a fait le choix d’associer à sa démarche un panel pluridisciplinaire de chercheurs et praticiens, spécialistes des questions de la mobilité et de qualité de l’air. Ceux-ci ont été consultés, dans un premier temps, par questionnaire afin de confirmer les intuitions, perfectionner les hypothèses élaborées en interne et préparer la poursuite de la collaboration.

Ces experts ont ensuite été réunis lors d’un atelier de travail le 5 juin 2013, l’occasion de présenter une version plus aboutie des hypothèses de politique de mobilité, intégrant les résultats du questionnaire précédemment cité. Cet atelier avait pour objectif de confronter les points de vue et tester la robustesse des hypothèses ainsi que d’analyser plus en profondeur leur efficacité potentielle, leurs interactions et la diversité de leurs effets.

L’essentiel des mesures envisagées dans ce cadre concernent le territoire parisien dans l’esprit d’une déclinaison spécifique du PDUIF sur Paris. Elles partent du postulat que de nouvelles pratiques de mobilité sont possibles en mettant l’accent sur les services de mobilité et à la mobilité. Les instruments envisagés sont aussi bien réglementaires qu’économiques, organisationnels, incitatifs ou collaboratifs. A noter que les enjeux liés à la logistique ne sont pas abordés, faisant l’objet de travaux de prospective par ailleurs.

> Fonctionnement de l’atelier :

Pour plus de dynamisme dans l’animation de l’atelier, le choix a été fait de répartir les rôles pour l’animation de l’évènement entre différents agents. Les hypothèses ont été introduites et discutées une à une (à partir de ce support). A chacune de leur présentation et explication succinctes a succédé un temps de réflexion durant lequel les participants étaient invités à écrire les effets1 identifiés. Le débat est ensuite lancé - afin de nourrir la réflexion sur l’hypothèse présentée - et conclu par une synthèse « à chaud » du contenu écrit, permettant une première restitution. En fin de séance, une conclusion est proposée, sous forme de synthèse inspirée des grands enjeux soulevés lors de l’atelier.

Le présent document se propose donc de rendre compte du contenu des échanges de cet après-midi et des contributions des participants collectées par écrit. Les éléments de cette synthèse reprennent l'avis des participants invités et ne reflètent, toutefois, pas l'avis de la Mairie de Paris. La richesse et la diversité du débat n’ont, par ailleurs, permis d’étudier effectivement que cinq des sept hypothèses proposées.

L’Agence de la Mobilité tient en introduction à remercier les participants pour leur implication dans cette démarche.

> Typologie d’effets

1 Ces effets étaient classés selon une typologie élaborée dans le cadre du travail de thèse de Satya Proag (voir ci-dessus)

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HYPOTHESE 1 : INCITATIONS A LA DESYNCHRONISATION DES HORAIRES DANS

LA PERSPECTIVE D’UN LISSAGE DES PICS DE CIRCULATION

« La ville de Paris encourage le développement des solutions permettant la désynchronisation partielle des horaires. Elle communique sur l’opportunité, pour les entreprises, l’administration et les grandes universités, de repenser l’organisation de leur activité de manière à favoriser, lorsque cela est adapté, la possibilité de travailler à distance ou selon des horaires décalés. Afin de contribuer plus activement à ce mécanisme vertueux, la ville expérimente un système d’incitations financières visant à valoriser les changements de pratiques et rétribuer de manière aléatoire les participants. Il s’adresse à un nombre restreint d’individus (les étudiants et le personnel d’une université, par exemple) et fonctionne sur la base du volontariat. »

Mieux gérer les pics signifie optimiser l’usage des infrastructures existantes, sans investir davantage. La désynchronisation des horaires de travail permet donc d’envisager le nivellement des hyperpointes, soit une baisse à la fois dans le nombre et l’intensité des pics de déplacement.

Les opérateurs de transport public y sont particulièrement favorables, car ils y voient une opportunité d’augmenter fortement la productivité de la desserte. Transilien, notamment, a développé toute une stratégie visant à encourager le décalage des horaires scolaires, administratifs, etc. à proximité de ses gares dans l’objectif d’optimiser le taux d’occupation des trains. Affecter entre 3 et 4 % de la population est, en effet, suffisant pour envisager un changement sensible dans l’intensité et la longueur des pointes de fréquentation du réseau routier et de transports en commun. Le réseau évite ainsi les coûts supplémentaires par un travail sur les usages plutôt que la réalisation d’investissements dispendieux. Dans le même temps, diverses études tendent à mettre en évidence le bénéfice, aussi bien pour le salarié que l’employeur, lié à la mise en place de ces dispositifs. Les gains de productivité à en tirer permettraient d’envisager sereinement une transformation à la marge des rythmes traditionnels. A l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, par exemple, la récente mise en place de cours à distance a impacté fortement les stratégies individuelles de déplacements des élèves comme des enseignants.

La solution échapperait, en somme, au secteur des transports et résiderait plutôt dans le droit du travail, comme en témoigne la dichotomie Europe du Sud/Europe du Nord. Dans ce dernier cas, les contraintes sur les horaires se font de moins en moins fortes tandis que la productivité des salariés est élevée. Une hausse dans la qualité de vie est, alors, à espérer en raison du changement induit dans l’équilibre travail/vie privée. La décongestion des transports en commun permettrait, pour les daily commuters, un gain en confort ainsi qu’en fiabilité et, ainsi, moins de stress. Cela peut également engendrer des gains en temps libre, et une territorialisation accrue du quotidien des télétravailleurs, c’est-à-dire un recentrage sur les activités de proximité.

Du fait de la réduction du niveau de congestion, une baisse de la consommation de carburants peut être attendue ce qui causerait, in fine, la diminution du niveau de pollution atmosphérique et d’émission de gaz à effet de serre ainsi que des nuisances sonores. Toutefois, ce mécanisme vertueux est encore incertain : l’équation désynchronisation = moins de véhicules, plus de transports en commun et moins d’émissions polluantes se vérifie-t-elle ? Rien n’indique, par exemple, que l’étalement des pointes ne pourrait constituer un signal positif pour les automobilistes afin de circuler, eux aussi, en horaires décalés de telle façon que soit maintenu (voire augmenté) l’usage de la voiture. La désynchronisation des horaires et les solutions de travail à distance pourraient alors être génératrices d’effets rebonds, notamment une croissance forte des mobilités, y compris automobiles, pour les loisirs ou pour des activités professionnelles en heures creuses. La mise en place du S-Bahn de Zurich - un train à forte fréquence équipé en wifi pour la 1ère classe - s’est traduite, pour certains travailleurs, par un abandon de l’usage de leur voiture personnelle. Cependant, celles-ci sont restées peu longtemps stationnées et ont rapidement été utilisées par d’autres membres de la famille, amenant à une hausse du kilométrage. De la même façon, sur le plateau de Saclay, la désynchronisation des horaires a permis de constater une utilisation accrue de la voiture, en horaires décalés. Il y a donc un risque de report des déplacements TC vers les déplacements voiture en heure creuse, du moins en proche banlieue (la rareté du stationnement disponible dans Paris intramuros limitant le potentiel de ce type de transfert). La capacité

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d’absorption des travailleurs en horaires décalés par le réseau de transport en commun est limitée par sa très forte saturation et le fort étalement dans le temps des pointes de circulation.

Les déséquilibres dans la valorisation des comportements vertueux, par les individus comme les entreprises, constituent un danger bien réel d’amplification des inégalités entre les salariés « flexibles », selon l’hypothèse de désynchronisation subie ou choisie. Une désynchronisation bienfaisante pour l’ensemble des parties prenantes implique un certain degré de liberté dans l’organisation des tâches quotidiennes. La difficulté réside alors, entre autres, dans la capacité des plus faibles à faire face aux pressions d’entreprises peu scrupuleuses qui conçoivent ces solutions moins comme une opportunité pour le salarié que comme des outils au service de la dérégulation, pour une malléabilité accrue de la main d’œuvre. Le risque est, également, d’une rupture partielle des liens sociaux internes à l’activité de l’entreprise, dans le cas où les dispositifs mis en place impliqueraient un décalage complet avec le cadre traditionnel. Les inquiétudes à cet égard semblent, cependant, moins fondées dans le cas de décalages légers des horaires et d’un télétravail ponctuel, au fond plus probable dans les circonstances actuelles.

En tout état de cause, le portage et l’accompagnement de ces mécanismes par la puissance publique semble indispensable de façon à garantir la pérennité des changements et la pénétration de ces pratiques dans l’organisation quotidienne du travail. La promotion de Plans de Déplacements d’Entreprise ambitieux et leur mise en cohérence avec les objectifs du PDU est essentielle, tout comme la création d’incitations financières et extra-financières. Seule la contrainte de confort et de tranquillité pèse, à l’heure actuelle, de façon à orienter, dans une certaine mesure, les comportements individuels. Une partie de la population met dès aujourd’hui à l’œuvre une stratégie d’adaptation aux heures de pointe. Il semble, cependant, nécessaire d’imaginer un système d’incitations financières dans le but de mieux gérer les pics de circulation et en réduire le coût, de manière très opérationnelle. La théorie des jeux permet alors de proposer un système de redistribution des gains par tirage au sort (à l’image des projets CAPRI, INSTANT et INSINC respectivement mis en œuvre à Stanford, Bangalore et Singapour), ce qui exclurait automatiquement une partie de la population. Tout l’enjeu est d’exploiter et stimuler à bon escient l’utilité sociale des individus à modifier leurs pratiques pour avoir un impact sur l’intérêt collectif. Mais se limiter à imaginer des incitations purement financières peut être réducteur. La rétribution symbolique peut ainsi être envisagée, notamment via la création d’« avantages » collectifs par le déploiement de services aux horaires étendus (comme des crèches très tôt le matin, des bibliothèques ouvertes 24h/24…) ou l’attribution de récompenses avec de la monnaie locale, pour accéder aux services municipaux. La baisse du Versement transport dû par les entreprises peut, également, être imaginée pour celles faisant preuve de bonne volonté à l’égard des solutions de transformation des rythmes de travail.

Les solutions et rythmes de travail à distance pourront avoir, en outre, un impact non négligeable sur la morphologie urbaine. Les stratégies résidentielles de relocalisation interrogent l’urbanisme, la dynamique de vie locale ainsi que l’attractivité des territoires, d’autant que le renforcement des logiques d’étalement urbain est difficile à prévoir.

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HYPOTHESES 2 : UTILISATION DU CROWDSOURCING POUR UNE ACTION

PUBLIQUE EFFICACE, AU PLUS PRES DES ATTENTES DES USAGERS

Une place plus grande est accordée aux initiatives collaboratives et libres de droit. L’open data s’impose comme un facteur essentiel de l’action publique. L’organisation de concours de conception d’applications permet d’encourager le traitement des données et leur transformation en un contenu accessible au plus grand nombre.

Les services de la ville s’appuient sur les données issues du crowdsourcing2 pour mieux cibler leur intervention sur l’espace public ainsi que favoriser l’engagement des parisiens dans l’amélioration de la qualité de leur cadre de vie. La mobilisation de ces données passe par un changement profond dans les méthodes de travail en interne et la formation du personnel technique peu habitué, à ce type de contacts avec les usagers. Un dispositif est mis en place afin de modérer les flux d’information et assurer une fiabilité maximale.

Une application Smartphone de signalement des problèmes rencontrés dans l’espace public – à l’image de « Dans-Ma-Rue », expérimentée au printemps 2013 – est pérennisée. Elle permet la remontée d’informations relatives aux anomalies constatées par les usagers, des problèmes de voirie en passant par la malpropreté jusqu’à la défaillance du mobilier urbain.

Le crowdsourcing est également mobilisé pour collecter et diffuser des données en temps réel relatives à l'offre de transport en général, à la congestion des réseaux et à la qualité de l’air. La finalité est alors de provoquer, par une sensibilisation accrue aux enjeux de la pollution atmosphérique, un changement sensible dans les comportements de mobilité.

Enfin, l’émergence de pratiques collaboratives dans le partage d’informations ou de solutions de mobilité change progressivement les pratiques de déplacement et le rapport à l’automobile Ces technologies peuvent accompagner les pratiques actuelles de mobilité pour plus d’efficience. Elles permettent l’échange d’information en temps réel sur les perturbations (via Tweeter, Waze ou d’autres outils de cette nature) ainsi que sur les meilleures solutions de mobilité. Elles facilitent également l’émergence de solutions de covoiturage dynamique et d’autopartage entre particuliers.

La puissance publique encourage et stimule ces nouvelles perspectives mais elle s'interroge sur les effets pervers, comme l’impact sur la gestion publique des situations perturbés et des incidents graves ou les discrédits portés par les usagers sur un type d’offre.

Dans cet esprit, Lisbonne a mis en place un système de budget participatif, qui s’appuie sur la remontée de projets par les citoyens pour une partie des investissements et bouleverse radicalement les modalités de gouvernance locale dans un contexte de raisonnement à budget restreint. Ce dispositif a permis, d’ailleurs, de révéler la prédominance des questions de mobilité dans les préoccupations des citoyens.

Le crowdsourcing s’inscrit dans le cadre du mouvement engagé vers la libération des données, soit un vivier considérable pour l’enrichissement de l’information disponible et de son exploitation en vue de l’optimisation du système de mobilité. Aux Etats-Unis, a été adoptée une politique de libération des données de l’administration publique par défaut, mis à part celles tenant à la sécurité publique, avec un délai de trois mois pour que les différents services s’y conforment. Les collectivités locales, services de l’Etat et établissements publics devraient, un jour ou l’autre, faire de même mais, pour l’heure, le secteur de la data en reste au stade de la structuration. Il s’agit, dès aujourd’hui, de repenser les modalités de construction comme de mise en œuvre de l’action publique et, en conséquence, de :

‐ constituer de nouveaux partenariats,

‐ s’appuyer sur de nouveaux outils, notamment ceux issus des réseaux sociaux. 2 Le cas le plus célèbre est probablement Wikipédia. Le crowdsourcing consiste en l’utilisation de l’intelligence collective pour réaliser certaines tâches habituellement confiée à une entité ou un individu. Le domaine de l'urbain est riche en exemples aussi bien libres de droit que commerciaux : openstreetmap.org, jaccede.com, brickstarter.org, Waze, beecitiz.com... Ils permettent d’obtenir une information enrichie et au plus proche des connaissances/besoins des usagers.

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L’intervention de la mairie de Paris dans ce domaine doit, par ailleurs, être pensée dans le contexte d’émergence d’une économie servicielle caractérisée par la montée en puissance :

‐ d’une offre de services collaboratifs de mobilité (comme Blablacar), qui contribuent à redéfinir le paysage multimodal

‐ d'opérateurs globaux du numérique (comme Google) qui se construisent comme de véritables plateformes intégrées de services.

‐ des réseaux sociaux, que le cluster DatAct a identifiés comme acteurs de premier plan de l’organisation de ces intelligences collectives en lien avec le rôle important de l’influence des pairs dans les logiques de crowdsourcing.

Il est, par exemple, permis d’imaginer une collaboration étroite entre les autorités publiques et Waze, un GPS collaboratif dont les données temps réel représentent un potentiel remarquable pour la régulation du trafic, la diffusion de l’information, etc. La RATP a déjà engagé le mouvement partenarial, après avoir longtemps résisté à plus de transparence sur ses données, avec la création d’un compte Twitter pour la majeure partie de ses lignes. A défaut de pouvoir fournir un système d’information multimodal temps réel (voire prédictif), cette appropriation des réseaux sociaux permet de mieux gérer la diffusion de l’information relative aux situations perturbées. Mais un gros travail sur l’élaboration de solides protocoles reste à réaliser car la maîtrise des données privées est encore faible.

Les tensions sont donc fortes, le chemin complexe et les risques nombreux. Mais ces derniers paraissent à la hauteur des bénéfices que l’on peut tirer de cette approche de l’action publique. Le danger que représentent les possibles usages pervers des réseaux sociaux en situation perturbée est réel, mais il est nécessaire, aujourd’hui, de vivre sereinement cette abondance d’information. Elle permet de constituer une mémoire artificielle en vue de mieux adapter les stratégies de mobilité, c’est-à-dire déterminer le meilleur mode de déplacement selon le jour, l’horaire, les performances passées…

L’open data constitue, quoiqu’il en soit, une forme de nouveau contrat social entre le citoyen et la puissance publique. Il permet, pour celle-ci, d’obtenir une remontée d’informations conséquente et rapide. En retour, les citoyens ont accès plus facilement à des informations de qualité. Tout réside alors dans la difficulté à :

‐ faire comprendre aux usagers l’intérêt qu’ils ont à laisser la puissance publique tracer leurs déplacements

‐ tenir compte de l’accroissement des exigences des usagers vis-à-vis de l’efficacité des politiques publiques.

Avec le crowdsourcing, et les contenus issus de l’open data, l’usager a à sa disposition de nombreuses données qui facilitent ses arbitrages de mobilité au quotidien. Ils constituent un support d’aide à la décision qui facilite l’ajustement des stratégies de mobilité, par l’empowerment. L’usager dispose alors des clés pour agir en connaissance du gain collectif, et donc nourrir l'intelligence des mobilités. Ils contribuent, en particulier, à lever une part de la charge cognitive que représente l’utilisation du réseau multimodal (meilleure fiabilité du réseau ou, du moins, meilleure information en situation perturbée). Cependant, ces outils font craindre un effet multiplicateur sur les mobilités, l’optimisation des déplacements pouvant entraîner un accroissement des distances parcourues.

Il faut, donc, se garder d’une vision angélique du crowdsourcing comme solution simple et rapide à la rupture du dialogue entre les usagers et les autorités publiques. Celles-ci doivent encore traiter la question de certification, c’est-à-dire l’homologation des données fournies par les usages, particulièrement floue pour les réseaux sociaux. Wikipédia, par exemple, représente une source d’information remarquable mais dont la fiabilité est toute relative. Les données diffusées par Waze sont, dans certaines circonstances, plus complètes que celles des grands opérateurs de transport ou que Google Maps. Mais elles comportent certaines lacunes, liées, par exemple, à la dangerosité ou l’isolement de certains quartiers, où les informations sont moins aisées à collecter. Il est, par conséquent, permis de s’interroger sur la pertinence des contributions de chacun vis-à-vis de l’intérêt général. Les usages malveillants ne sont pas à exclure de la réflexion, tout comme la surreprésentation de groupes hyperactifs sur les réseaux sociaux, à même d’exercer efficacement une forme de lobbying.

De plus, l’accès aux nouvelles technologies n’est pas complètement démocratisé. L’appui sur les outils numériques et le crowdsourcing est susceptible de participer à la reproduction de logiques discriminatoires préexistantes, envers les populations peu enclines à l’usage des outils numériques. Une solution partielle serait, alors, de démultiplier les moyens d’information des usagers, en plus des outils internet et smartphones. Il est,

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ainsi, possible d’imaginer l’implantation de bornes tactiles d’information sur les sites stratégiques ainsi que le déploiement d’un personnel humain dédié (en gare notamment) ou encore l’organisation d’évènements (comme les cartoparties du plateau de Saclay).

Tout ceci appelle donc à revoir les "règles du jeu" de la gestion de l’action publique alors même que le retard des collectivités locales est flagrant dans ce domaine. Quel rôle doit, alors, occuper la mairie de Paris ? Doit-elle se poser en tant que garant de la démocratisation de ces outils ? Est-elle légitime à réguler la production de contenu ? Est-ce à elle que devrait revenir la médiation dans la circulation des données ? Ne risque-t-elle pas de brider l’innovation ? Quel modèle économique doit-elle soutenir ? Autant de questions encore sans réponses.

En revanche, former les agents à ces pratiques – et à l’usage des outils qui y sont liés – est, sans conteste, indispensable afin de « domestiquer » l’univers de la data et, in fine, mieux l’intégrer dans les méthodes de travail. La conduite d’un changement de cette nature est vraisemblablement amenée à se heurter aux résistances culturelles, propres à l’ancrage de façons de faire propres à l’administration parisienne. Par ailleurs, la création d’une plateforme d’information multimodale semble être un passage obligé pour rendre crédible le système actuel, en particulier les solutions alternatives à l’autosolisme, à la voiture privée voire même aux transports en commun (comme les modes actifs). Une telle plateforme n’aurait de sens qu’à la condition d’agréger à la fois les données publiques, privées et fournies directement par les usagers. Les données publiques devraient alors être ouvertes et exploitables aussi bien par les usagers que par le secteur privé, notamment du numérique.

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HYPOTHESE 3 : MODULATION DE L’ACCES AU STATIONNEMENT AFIN

D’ORIENTER L’EVOLUTION DU PARC ET ACCOMPAGNER LE DEVELOPPEMENT

DES NOUVEAUX USAGES DES VEHICULES INDIVIDUELS.

En 2020, la dépénalisation du stationnement et sa décentralisation au profit des collectivités est entérinée depuis l'acte III de la décentralisation. Au moins, la surveillance renforcée du stationnement sur voirie fait de celui-ci un outil efficace des politiques de déplacements. La ville de Paris met en œuvre des mesures permettant de moduler l’accès au stationnement de surface et son coût selon le type de véhicule afin d’orienter l’évolution du parc automobile en circulation sur son territoire. Le dispositif s’accompagne d’une croissance des recettes globales que la ville en tire.

Une tarification sociale est appliquée afin de ne pas discriminer les ménages les plus modestes tandis que le stationnement en ouvrage est modulé, dans l’objectif d’offrir une alternative plus attractive au stationnement résidentiel sur voirie. En revanche, le montant forfaitaire des amendes est augmenté de manière à être fortement dissuasif. L'offre sur voirie est prioritairement affectée aux services de mobilité (automobiles en libre-service, autopartage, recharge des véhicules électriques, vélos en libre-service). Le reste se distribue entre automobiles et 2RM.

La tarification du stationnement est dégressive en fonction de l’occupation au sol et des émissions de particules fines et de dioxyde d’azote (NO2) dans le but d’avantager les petits véhicules peu émetteurs de particules fines.

Le stationnement résidentiel se rapproche également du tarif rotatif pour les véhicules polluants mais demeure équivalents au tarif actuel pour les véhicules considérés comme vertueux. Un système de vignette permet d’identifier dans quelle catégorie chaque véhicule se trouve, selon une nomenclature élaborée au niveau national.

Le stationnement est décisif pour orienter la mobilité de demain, notamment afin de mieux cibler les véhicules polluants ainsi que les usages plus ou moins vertueux. Il permet donc d’agir sur le volume du parc automobile en circulation ainsi que sur les modalités de son utilisation. Accentuer la contrainte sur l’automobile privée – avec par exemple un coût élevé de stationnement – peut encourager les ménages parisiens à la dépossession ou au renouvellement du parc, notamment le report vers de petits véhicules peu polluants.

Il s’agit, par conséquent, d’un levier majeur dans la conduite du changement qui n’est pas encore assumé politiquement par les élus. Sa tarification est si faible pour les résidents qu’il en devient presque gratuit. Le levier stationnement révèle donc toutes les contradictions de la puissance publique, qui cherche à préserver la filière industrielle automobile et ménager son électorat tout en limitant la présence de la voiture en ville. Il peut contribuer à mieux proportionner la capacité multimodale de l’espace public dans l’objectif de flexibiliser les usages et diffuser les modèles alternatifs à la voiture privée classique : l’élargissement – par exemple – du périmètre d’action de la voiture électrique en partage, le développement des modes actifs… L’atout d’Autolib’, à cet égard, est le maillage d’une partie conséquente de l’agglomération parisienne avec des espaces de stationnement réservé.

En tout état de cause, et d’un point de vue technique, une politique de stationnement ambitieuse serait probablement efficace puisqu’il semble plus pertinent de taxer la voiture lorsqu’elle est arrêtée que lorsqu’elle circule car elle se trouve dans la première situation la majeure partie du temps. Il s’agirait alors de penser un droit à stationner variable selon la chaîne modale dans laquelle s’intègre l’usager. Cependant, la complexité de la mise en œuvre est réelle, en lien avec la difficulté à penser des mesures qui répondent à des objectifs sinon contradictoires, du moins parfois aux implications opposées (qualité de l’air et émissions de gaz à effet de serre, par exemple). En outre, une politique ambitieuse de restriction de l’accès au stationnement est susceptible d’impacter en premier lieu les ménages les plus modestes et des PME-PMI, fortement dépendants de l’automobile. Il ne faut, par ailleurs, pas sous-estimer la capacité d’adaptation des usagers, dont la créativité peut, en certaines circonstances, favoriser le dépassement des contraintes publiques. Les villes qui mènent une stratégie de restriction de l’espace consacré au stationnement ont vu se produire un fort report vers les deux-roues-motorisés et le stationnement sauvage, lorsque les sanctions ne sont pas

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suffisamment élevées et systématiques. A Genève, notamment, le crowdsourcing a permis d’optimiser l’utilisation des places de stationnement, avec la mutualisation pair à pair. Le report modal induit par une politique de stationnement volontariste pourrait donc avoir un effet relativement nul sur le nombre de véhicules en circulation, ou bien accentuer la saturation des transports en commun, accroître de façon incontrôlée le nombre de deux-roues motorisés en circulation, voire même s’inscrire dans une logique de maintien des normes de forte mobilité liée à l'organisation spatio-temporelle des activités. Or, dans ce cadre, une tarification visant à limiter le caractère socialement discriminant des mesures est susceptible d’être relativement peu efficace. La tarification avantageuse de la recharge électrique est, en réalité, profondément antisociale en l’absence de véhicule sur le marché abordables (ou du moins faisant l’objet d’une aide suffisamment incitative pour les plus modestes). Tout le débat tourne donc autour de l’aide à accorder à ces publics. Les mesures restrictives pour un type de véhicule ou d’usage posent, plus généralement, la question des compensations ou services alternatifs offerts en échange. Une surveillance renforcée, en parallèle ou faute d’une augmentation des tarifs, aurait, au moins, l’avantage d’être perçue comme plus équitable. Elle ne mettrait cependant pas la puissance publique à l’abri de stratégies de report vers le stationnement en zones moins surveillées, et de la difficulté à maîtriser les deux roues motorisés.

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HYPOTHESE 4 : OPTIMISATION DE LA DEMANDE DE MOBILITE PAR UN MEILLEUR

ACCES A L'INFORMATION MULTIMODALE, AVEC DES INCITATIONS TARIFAIRES.

Cette hypothèse n’at pas été traitée en atelier. Elle est cependant présentée ici dans la mesure où elle synthétise une partie des échanges préparatoires à l’atelier.

La ville de Paris met en place un pass multimodal avec ou sans le STIF, afin de garantir plus de simplicité dans l’usage des différents modes de déplacement, sans obstacles tenant au support billettique. Cependant l’ouverture et le partage des données nécessaires pour ce faire demeurent incomplets. La Ville s’affirme alors comme intégratrice verticale des mobilités. Elle contribue activement à l’ancrage, dans les pratiques comme dans les mentalités, de la culture du choix modal optimal, grâce à l'initiative privée, à l’open data et au crowdsourcing. Elle collabore avec des sociétés comme Google, qui cherchent à repenser les modèles de diffusion de l’information en devenant des plateformes alternatives pour l’intégration de services, notamment en lien avec les mobilités. Ces partenariats permettent alors d’envisager une première forme d’agrégation de l’offre. Ils visent, en effet, à abattre les barrières cognitives à l’intermodalité tenant aux discontinuités de la chaîne de déplacements (modes, exploitants, supports billettiques…).

Afin de parfaire l’intégration du réseau, un système d’information multimodale alimenté en données temps réel sur le trafic est mis à la disposition des usagers. Ces données sont, pour certaines, relayées aux arrêts de bus et tramway ainsi que dans les stations de métro et train afin d’informer les usagers des alternatives qui leurs sont offertes à proximité.

L’outil - accessible sur internet et à partir d’une application Smartphone - permet de calculer des itinéraires reposant sur l’ensemble de l’offre multimodale, aussi bien les transports en commun que les modes actifs, les taxis ou encore les véhicules en autopartage. Il intègre des données liées à l’aisance dans l’usage des modes actifs (être plus ou moins bon cycliste, par exemple) et rend compte de la disponibilité des véhicules en libre-service. Cet outil indique le temps de parcours ainsi que le niveau d’émission de gaz à effet de serre et de pollution atmosphérique selon l’itinéraire choisi. Des modulations tarifaires encouragent ou dissuadent les usagers en situation de choix en vue de les orienter vers le mode le plus adapté au contexte.

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HYPOTHESE 5 : EFFORTS POUR LA VISIBILITE, LA LISIBILITE ET LE CONFORT DE

L’OFFRE DE VEHICULES EN PARTAGE

La ville de Paris cherche à lever, autant que possible, les freins réglementaires, institutionnels, économiques et cognitifs au développement du transport public individuel. L’objectif est d’aboutir à un changement dans les pratiques de mobilité par le basculement de la voiture possédée vers le service. Le marché de l’autopartage et de la location de véhicules se structure de manière à proposer une offre crédible, répartie de manière homogène sur le territoire parisien. L'offre de taxis se diversifie et devient plus accessible, notamment aux petits budgets.

Des avantages visibles sont accordés aux entreprises de ce secteur. Les places de stationnement sur voirie qui leur sont réservées voient leur nombre augmenter - sans se limiter à l’offre d’Autolib’ – dans le but de dynamiser leur activité et encourager les partenariats croisés. Toutefois, la tarification appliquée est conditionnée à l’impact environnemental des véhicules concernés. Des partenariats sont passés entre la ville, la SNCF et des acteurs de l’autopartage pour mettre à disposition des petits véhicules électriques en sortie de gare (quadricycles, scooter, vélo à assistance électrique…).

Des places réservées aux taxis collectifs sont créées à proximité des grandes gares et pôles multimodaux. Une signalétique spécifique est mise en place afin d’accroître leur visibilité par rapport aux taxis classiques, et encourager à privilégier leur utilisation.

L'autopartage peut être un facteur décisif dans le lancement d’autres services à la mobilité – en lien avec l’essor du pair à pair – et contribuer à la dépossession/démotorisation automobile, en particulier lorsqu’associé à la garantie de trouver une place de stationnement. Le véhicule en partage permet d’optimiser la chaîne intermodale tout en rendant possible des gains économiques par la mutualisation du stock de véhicule. Non moins important, il se fonde sur un modèle d’échange ancré dans l’économie de la confiance ; ce qui peut entraîner une intensification et une démultiplication des liens sociaux. Il est, de plus, susceptible de jouer positivement sur le développement du marché du véhicule électrique.

Il s’agirait également peut-être de libéraliser l'activité taxi/autopartage pour qu'elle devienne plus rentable, qu’il s’agisse du covoiturage dynamique de courte distance ou des taxis collectifs. La puissance publique n’assurerait alors qu’un encadrement institutionnel pour se prémunir des abus et garantir la sécurité du système. Pour ce qui est des taxis collectifs, plutôt que de créer des places de stationnement réservées, il serait probablement plus pertinent de créer de simples points de ralliement, dans la mesure où ces véhicules circulent beaucoup.

Le secteur du véhicule en partage et du covoiturage gagneraient, quoiqu’il en soit, à mieux intégrer les outils issus de l’économie de la confiance. A Athènes, TaxiBeat révolutionne les pratiques des Taxis en permettant de noter la prestation du chauffeur. Le développement d’un pass mobilité incluant ces nouveaux services à la mobilité serait également nécessaire, afin de faciliter l’accès au bouquet multimodal, par la levée des obstacles tenant à l’intégration du système.

Mais le risque est fort d’un report modal depuis les transports en commun vers ce nouveau modèle de voiture, certes plus vertueux, mais utilisé bien souvent en autosoliste et doté d’avantages par rapport aux véhicules privés traditionnels. La voiture servicielle présente le danger de se poser en accélérateur des mobilités ce qui amène à devoir penser plus clairement les objectifs qui sous-tendent sa promotion par la puissance publique. Toutes ces solutions de mobilité automobile dépossédée peuvent donc être à double tranchant, selon les modalités de leur organisation, le public visé, les concurrences induites à l’égard, par exemple, des taxis traditionnels.

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HYPOTHESE 6 : UTILISATION DES ITS POUR MIEUX REGULER LES MOBILITES

Les ITS (Intelligent Transport Systems) se développent largement au-delà des aides à la conduite automobile et sont utilisées par la ville comme leviers de la politique de déplacement en levant différents verrous. Elles contribuent à :

‐ l’offre de nouvelles perspectives de mobilité, comme les solutions de transport public individuel, les aides à la mobilité des personnes en situation de handicap…

‐ la sécurité des usagers

‐ la fluidification de la circulation pour les usagers que la Ville souhaite favoriser : transports publics et professionnels mobiles. Il ne s’agit pas rendre l’automobile plus attractive mais au contraire d’imaginer des solutions techniques pour passer d’une gestion de la circulation selon la file d’attente à une gestion différenciée selon le type d’activité associée au véhicule (priorité aux feux, systèmes pour dégager les carrefours à l’approche des bus et véhicules prioritaires...).

‐ la mise en œuvre d’un véritable service public du stationnement.

La ville de Paris mobilise les ITS dans l’objectif d’améliorer la gestion et le contrôle de l’offre de stationnement sur voirie. Elle met en place un système permettant l'attribution et la réservation de places sur voirie en priorité pour certaines catégories de véhicules (propres et petits) ainsi que pour des usages particuliers (notamment de certains professionnels dont l’activité est considérée comme prioritaire).

La ville s’appuie également sur ces technologies pour discriminer les véhicules, c’est-à-dire faciliter/décourager les circulations automobiles selon le type de véhicule et leur contribution à la vie économique, à la réduction des pollutions et à plus d’équité dans les déplacements.

Ces nouveaux outils ouvrent aussi de nouvelles perspectives pour des usages temporaires de l’espace public avec, par exemple, la gestion du stationnement et de la circulation différenciée dans le temps, permettant d’envisager l’organisation d’événements et d’animations locales ou encore une meilleure utilisation dans le temps de l’espace public, à l’instar des aires de livraisons utilisées la nuit en stationnement.

La technologie est suffisamment avancée pour permettre l’utilisation des ITS en vue de mieux réguler les mobilités. Elle rend possible l’agrégation de données pour une meilleure connaissance des usages par la puissance publique comme par les citoyens. Elle est cependant limitée par des obstacles culturels encore puissants qui rendent politiquement compliqué, par exemple, d’équiper tous les véhicules de boîtes noires en France, alors même que les Etats-Unis ont annoncé leur généralisation en 2014 (pour les véhicules neufs). A noter, toutefois, que le cas américain vise en premier lieu à traiter les questions de sécurité routière et que les données ne sont visibles que par la puissance publique, pas l’usager du véhicule. Or, s’il est bien un avantage à ces outils, c’est leur potentiel pédagogique en termes d’information et sensibilisation directe de l'usager. Ces technologies permettent de pointer du doigt les bonnes ou mauvaises pratiques du quotidien et donc d’enclencher la prise de conscience à l’égard des conséquences du comportement individuel : avertissement en cas de conduite polluante, mise en évidence de l’usage excessif de la voiture avec des mesures à la semaine, au mois… des pollutions générées, etc.

Le blocage réside alors principalement dans la capacité de la puissance publique à démontrer le bien-fondé d’une telle démarche auprès du grand public. Les gains liés à ces dispositifs sont incertains, notamment lorsque rapportés aux risques perçus de la surveillance des comportements individuels. L’arbitrage coûts/bénéfices reste donc encore à traiter par la puissance publique dans la mise en œuvre d’une stratégie de régulation des mobilités intégrant pleinement les ITS. L’acceptabilité sociale est encore très faible, mais le potentiel est considérable pour l’amélioration de la qualité de l’air. De ce fait, une des conditions de l’efficacité de ces outils est leur conception intégrée dans le cadre plus large d’une offre de transport en commun attractive. Seule cette complémentarité peut permettre d’envisager l’atteinte d’objectifs de réduction du parc automobile et de transformation profonde des usages et représentations. En outre, la responsabilité du déploiement d’un tel dispositif et les logiques de rentabilité financière sont à considérer dans un contexte de recomposition de l’équilibre des forces et de transformation des logiques de gouvernance, avec l’apparition de nouveaux acteurs (le secteur du numérique

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notamment) ainsi que des contraintes budgétaires qui pèsent sur l’action publique. L’état actuel des finances publiques et la répartition des compétences amènent, par conséquent, à considérer les ITS en fonction d’objectifs tenant compte du retour sur investissement.

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HYPOTHESE 7 : DEPLOIEMENT D’UNE POLITIQUE FAVORABLE AUX MODES

ACTIFS POUR ENCOURAGER DES ALTERNATIVES CREDIBLES A LA VOITURE

TRADITIONNELLE ET AUX TRANSPORTS EN COMMUN

Cette hypothèse n’at pas été traitée en atelier. Elle est cependant présentée ici dans la mesure où elle synthétise une partie des échanges préparatoires à l’atelier.

L’aménagement de stationnements vélo à proximité des gares et stations de métro se généralise et permet de lever les verrous du stationnement des vélos et de la disponibilité des VLS. La ville encourage les initiatives privées pour créer des services connexes au stationnement mais lance et encadre la création de ses premiers parkings à vélo sécurisés de grande ampleur, en collaboration étroite avec la SNCF et la RATP. Les services de réparation, nettoyage et surveillance donnent de la valeur-ajoutée à l’aménagement qui vient parfaire la boucle multimodale.

La signalisation – en particulier, le plan de ville – est ajustée de manière à indiquer des temps de parcours (et non plus des distances) piéton et vélo, qui s’inspire du projet Legible London. Ces dispositifs sont pensés de manière complémentaire à un aménagement favorable aux modes actifs, soit aussi bien le désencombrement de l’espace public que le marquage au sol et la clarification des règles de circulation pour les vélos dans les espaces spécifiques (couloirs de bus, contre-sens cyclables…) ou des piétons en zone de rencontre et zone 30.

Enfin, la ville accompagne le développement du scooter électrique et du vélo à assistance électrique, par une politique d’incitation globale. Des bornes de recharge sont installées sur un grand nombre d’emplacements 2RM tandis que des vélos à assistance électrique en libre-service sont proposés. Leur disponibilité est visible en ligne et il est possible de les réserver quelques minutes à l’avance.

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CONCLUSION DE LA SEANCE :

La pertinence de l’échelon parisien pour penser ces enjeux est à reconsidérer. Alors même que le projet de réforme de la décentralisation met en débat la formalisation d’un niveau de collectivité métropolitain, de nouveaux acteurs entrent en jeu - dans la production de services de/à la mobilité et l’intégration de l’offre - ce qui devrait profondément bouleverser la gouvernance locale et les modalités de construction de l’action publique de mobilité.

Plus généralement, la difficulté de la puissance publique à faire face aux innovations sociales et à la pénétration du numérique dans les pratiques est patente. Le contexte actuel appelle à identifier des solutions hors du champ d’intervention traditionnel des transports. Il ne s’agit plus seulement de concevoir de nouvelles infrastructures pour orienter les stratégies de mobilité, mais bien de réfléchir au développement d’innovations principalement soft qui permettrait de transformer les représentations et pratiques. Travailler, par exemple, sur la temporalité des modes de vie – et en particulier l’organisation du travail – amène à questionner le modèle traditionnel d’organisation de l’action publique et à envisager un changement profond des façons de concevoir les politiques publiques de mobilité.

Mais ces dispositifs ne peuvent être mis en œuvre sans tenir compte des dysfonctionnements et conséquences négatives probables, notamment les effets rebonds (tenant à la capacité d’adaptation de citoyens voyageurs et entreprises « agiles ») et les discriminations sociales dont certaines catégories de populations sont susceptibles d’être les victimes. Les incitations au basculement vers des véhicules propres comme les solutions de travail à distance risquent de laisser sur le carreau les franges les plus fragiles de la population.

Or, face à ces évolutions sociétales, il n’est pas certain que la puissance publique soit en mesure de faire preuve de réactivité suffisante. Si les référentiels liés à l’économie du partage semblent bien acquis par les jeunes générations, se pose encore la question de la collecte des données et leur libération. La légitimité de la mairie de Paris à se poser en garant et arbitre des flux de données est encore discutée. De plus, la culture administrative peine à intégrer les outils numériques et à dépasser des logiques purement descendantes propres aux modalités traditionnelles de conception de l’action publique.

La lenteur et la proximité paraissent, en parallèle, nécessaires à intégrer dans des stratégies ambitieuses de mobilité durable. Mais ces thématiques sont au cœur des antagonismes des politiques de transport en région parisienne, à commencer par les projets de gares du Grand Paris, qui ne laissent que peu de place aux piétons. Les limites de l’hypertechnicité se posent à la ville de Paris, et plus largement à la puissance publique, qui doit aujourd’hui, impérativement, clarifier ses objectifs afin de :

‐ construire son intervention en matière de mobilité dans l’objectif de repenser le partage de l’espace public, ‐ s’adapter aux attentes des usagers en conservant à l’esprit le caractère fortement discriminant de certaines

approches de la conduite du changement, ‐ adopter une position bienveillante à l’égard de l’open data, des outils numériques et du crowdsourcing, tout en

tenant compte des effets pervers du tout numérique et de l’échange des données.

Il s’agit alors, aujourd’hui, moins de penser le degré avec lequel les parisiens seront soumis à diverses contraintes mais plutôt comment ces contraintes seront supportées par chaque catégorie d’usager et quels leviers l’action publique doit mobiliser pour faciliter leur acceptation et en moduler les effets.