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Si le sol fonctionnait comme un moteur de voiture… L’humus, « base essentielle de la fonction de la production des sols» se retrouve sous différentes formes dans le sol, selon l’état de décomposition de la matière organique : « on peut avoir dans un sol de la matière organique, d’origine animale ou végétale, très récente, comme des matières organiques âgées de plus de 7.000 ans ! », indique Olivier Cor, responsable agronomique chez ITHEC . Cette transformation (ou réorganisation) de la matière organique « fraîche » jusqu’à l’humus, de couleur bien noire, s’appelle « la chaîne d’humification ». « Sa dynamique dépend beaucoup de la façon de travailler les sols, de leur composition, du climat, de l’environnement – arbres, flore présents - ou encore de la couverture végétale, qui conditionne en grande partie la nature de la matière organique présente dans le sol », poursuit celui-ci. Ainsi par exemple, selon la composition initiale des végétaux en matière organique - « améliorante » (riche en azote) ou à décomposition difficile (acidifiante) - la vitesse d’humification sera plus ou moins rapide. D’un point de vue biochimique, « tout tourne autour du cycle du carbone, mobilisé par la plante, dégradé puis réintégré, raconte Olivier Cor. Dans un sol, le centre de vie, c’est le carbone…Tel un moteur, qui va bien tourner ou non selon les cas ! ». L’humification correspond en effet à une réorganisation des débris organiques sous l’action des micro-organismes : des champignons d’abord, qui cassent les solides chaînes carbonées, puis sous l’action des bactéries. L’obtention ‘in fine’ de l’humus, matière organique totalement dégradée, est pour sa part

Humus en agriculture

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Qu'est ce que l'humus, à quoi ça sert, comment fonctionne sa dégradation et quels bénéfices pour la vie du sol.

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Si le sol fonctionnait comme un moteur de voiture…

L’humus, « base essentielle de la fonction de la production des sols» se retrouve sous différentes formes dans le sol, selon l’état de décomposition de la matière organique : « on peut avoir dans un sol de la matière organique, d’origine animale ou végétale, très récente, comme des matières organiques âgées de plus de 7.000 ans ! », indique Olivier Cor, responsable agronomique chez ITHEC. Cette transformation (ou réorganisation) de la matière organique « fraîche » jusqu’à l’humus, de couleur bien noire, s’appelle « la chaîne d’humification ». « Sa dynamique dépend beaucoup de la façon de travailler les sols, de leur composition, du climat, de l’environnement – arbres, flore présents - ou en-core de la couverture végétale, qui conditionne en grande partie la nature de la matière organique présente dans le sol », poursuit celui-ci. Ainsi par exemple, selon la composi-tion initiale des végétaux en matière organique - « améliorante » (riche en azote) ou à décomposition difficile (acidifiante) - la vitesse d’humification sera plus ou moins rapide.

D’un point de vue biochimique, « tout tourne autour du cycle du carbone, mobilisé par la plante, dégradé puis réintégré, raconte Olivier Cor. Dans un sol, le centre de vie, c’est le carbone…Tel un moteur, qui va bien tourner ou non selon les cas ! ». L’humifica-tion correspond en effet à une réorganisation des débris organiques sous l’action des micro-organismes   : des champignons d’abord, qui cassent les solides chaînes car-bonées, puis sous l’action des bactéries. L’obtention ‘in fine’ de l’humus, matière or-ganique totalement dégradée, est pour sa part majoritairement composé d’acides hu-miques, noirs ou gris, et d’acides fulviques, molécules riches en carbone.

Ces nombreux micro-organismes vivants, impliqués dans ce processus, ont donc une importance majeure, impactant la dynamique et la vitesse de dégradation du carbone dans le sol. « Tous ces êtres vivants sont la vie du sol !, conclut l’agronome. Ils vont faire « tourner » plus ou moins vite ce ‘ moteur carbone’ ; la matière organique étant le réser-voir… ». Gérer la matière organique, c’est donc gérer la richesse et la vie de son sol. Si

vous ne leur donnez pas à manger en quantité suffisante et au moment où ils en ont besoin, le moteur calera ! 

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Mais au fait… L’humus, à quoi ça sert ?

Réponse d’un agronome

« L’humus sert d’abord de « garde-manger » pour les plantes », répond sans hésiter Olivier Cor, responsable agronomique chez ITHEC. Lors d’un apport d’engrais, la plante est alimentée directement, mais employés seuls, ces engrais sont loin d’être suffisants : « La matière organique, minéralisée au cours du processus d’humification est aussi une source importante d’azote pour la plante, qui lui permet de puiser quand elle en a besoin et pas uniquement au mo-

ment de l'apport d'engrais», poursuit l’agronome. Pour Olivier Cor, cette notion est même « essentielle » en agriculture, voire plus impor-tante que la fertilisation elle-même, car c’est ce qui permettra (ou non !) d’atteindre un bon rendement de la culture. « Et si l’on s’amusait à comparer les quantités d’azote apportées par l’humus et par les engrais, il faudrait amener l’équivalent de plusieurs semi-remorques d’am-monitrate ! », s’amuse celui-ci. Dans le détail, lors de la minéralisation de la matière organique, les micro-organismes mobilisent une grosse partie de l’azote apportée par les engrais…qui le recéderont ensuite à la plante. « Indirectement, la matière organique donne donc de l’effi-cacité aux engrais minéraux », complète l’agronome.

L’humus joue aussi un rôle vital dans la structuration du sol : la partie stable de l'humus, formée des composés humiques, se fixe aux particules d'argile, formant le « complexe argilo-humique » (CAH). Celui-ci garantit la pérennité structurale du sol grâce aux micro-porosités et lui assure une stabilité vis-à-vis des agressions extérieures : pluie, compaction entraînées par le passage d'engins agricoles... « Un sol bien équilibré à la base en matière organique par des apports réguliers va donc se restructurer de lui-même et plus rapidement, en cas par exemple de passage d’engins agricoles, explique Olivier Cor. Elle lui confère aussi plus de résistance naturelle aux tassements ». Le « CAH » permet de plus le stockage de l’eau et sa restitution à la plante, quand elle a en a besoin, ou encore la bonne pénétration du sol par l’air, les racines et leur approvisionnement en eau et minéraux. « Il est faux de dire que la matière organique est une pompe à eau, tient-il à préciser. Au contraire, elle permet son stockage ! ».

Le CAH, qui retient à sa surface les cations échangeables (Ca2+, Mg2+, K+, Na+…) protège également les sols des risques de pertes par lessivage, qui pourront être mis à disposition des végétaux. En ce sens, l’humus participe au réservoir de fertilité chimique du sol. En-fin, la matière organique sert à alimenter les micro-organismes du sol : sans matière organique, pas d’être vivants qui la dégradent, donc pas de cycle du carbone fonctionnel ! Les vers de terre, qui jouent un rôle fondamental dans la production, la structuration, l'entretien et la productivité des sols agricoles, ont également besoin de matière organique fraîche pour se nourrir, qui constitue aussi leur lieu de vie.

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Apport de matière organique – vous posez-vous les bonnes questions   ?

« L’humus reste encore aujourd’hui une notion méconnue des agriculteurs, qui implique de fausses interprétations et de mauvaises décisions techniques», constate Olivier Cor, ingénieur agronome chez ITHEC. L’interprétation du taux d’humus – et du rapport C/N- par une simple analyse de terre tous les 3-4 ans, à un instant « t », en est un exemple : « Il n’y a pas un bon ou un mauvais taux d’humus, justifie l’agronome. La question est beaucoup plus globale que cela ! On se fixe sur ce critère et on en oublie les actions essentielles !».

Parmi les questions importantes à se poser, celle par exemple de savoir si les micro-organismes présents dans le sol ont bien de quoi se nourrir, en d’autres termes, si on leur fournit suffisamment et

de manière régulière de la matière organique animale et végétale à décomposer. « Si ce n’est pas le cas, le moteur (lien article 1 ?) va caler ! », explique Olivier Cor. Trop d’agriculteurs pratiquent par exemple des apports massifs et en une seule fois de matière organique, seulement tous les 3 ou 4 ans. Autre pratique néfaste à changer : lors de l’établissement d’un plan de fumure, la dimension de stockage est calculée en fonction de la quantité de fumier produite, mais la fosse se retrouve pleine l’hiver, à un moment où le sol a peu de besoins. « Avec ce raisonnement, les apports ont lieu à un moment où le sol aura du mal à digérer le fumier   », déplore l’agronome.

Des apports annuels, ou sinon biennaux mais associés à des couverts végétaux l’hiver, sont donc à privilégier, de façon à éviter les sols nus et s’assurer que les parcelles aient « à manger » tous les ans. Un apport régulier de matière organique permettra également au sol de se restructurer plus facilement et de lui-même, en cas par exemple de tassement. De la même façon, il faudra aussi veiller à diversifier la nature de la matière organique apportée : « Ne jamais mettre toujours la même sur les mêmes parcelles, conseille Olivier Cor. Le régime alimentaire doit être équilibré de façon à éviter les carences et les excès, exactement comme pour nous ! ». Les apports doivent aussi être adaptés à la vitesse de fonctionnement du sol. Sur un sol hydromorphe par exemple, mieux vaut apporter une matière organique déjà com-postée.

De ceci découle naturellement la seconde question : mon sol a-t’il une bonne dynamique d’humification ? … Et ce, sans se contenter de la seule analyse de terre. Pour le savoir, il suffit de sentir la terre : « L’odeur de terre fraîche est bon signe, celle d’œuf pourri, de soufre, l’est beaucoup moins ! ». Il faut également vérifier la structure du sol, qu’il n’y ait pas de problème de battance ou de tassement. « Si c’est le cas, cela doit alerter sur la qualité de l’humus », poursuit celui-ci. Enfin, dernier point : effectuer un « tour de plaine » régulier pour vérifier la vitesse de dégradation des résidus de cultures. Après 3 ou 4 mois, une évolution doit pouvoir être visible, avec des résidus dégradés. « Si ce n’est pas le cas, c’est qu’il y a un problème, ajoute Olivier Cor. Pour s’aider, on peut prendre une simple photo grâce à son téléphone portable, avant et après, et comparer ».

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Ces conseils simples, à appliquer tous les ans, peuvent donc aider. Ensuite seulement, en complément, le recours à l’analyse de terre, tous les 4 ou 5 ans, permet de compléter le diagnostic. « Des analyses à effectuer uniquement sur les parcelles qui en valent la peine, con-clut l’agronome. Mieux vaut prendre du temps et surveiller de près les plus performantes pour bien les maîtriser, que de perdre du temps et de l’argent à essayer d’améliorer les quelques parcelles qui ont des problèmes ! »

Sur les analyses et le rapport C/N enfin, Olivier Cor recommande d’attacher plus d’importance à son évolution qu’à sa valeur : « S’il bouge (en augmentant par exemple), c’est que la dégradation du carbone ne se fait pas correctement. Signe de problèmes éventuels de tassement, d’alimentation organique ». Même conseil pour le pH : celui-ci influence la vitesse de transformation de la matière organique.. « Il faut veiller à ce qu’il ne descendre pas trop bas, pas en-dessous de 5,8 , afin d’orienter la dégradation du carbone sur un cycle plus rapide ;

Un pH acide entraine une transformation plus lente et incomplète des matières organiques fraiches (le C/N augmente et peu atteindre des valeurs de 11 à 12) le cycle du carbone ramentie, la mise a disposition d'éléments nutritifs par le sol diminue.

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