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mi Peru Emily Foucart

Mi Peru

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Emily Foucart

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Lutter contre l’oubli.

Dans le bus, voyageant d’un village à l’autre des abords du Lac Titicaca,je me sens débordée. Débordée d’émotion, d’images, de sons, d’impres-sions, d’émerveillement. Je n’arrive même plus à prendre des photos, ilfaudrait que j’en prenne à chaque seconde. Toutes ces scènes que jedécouvre de la fenêtre, à chaque tournant, sont impossibles à retranscrire,en photo, en dessin, par écrit.C’est trop. Je n’ai pas assez de mes yeux pour tout voir.J’ai envie de pleurer de tant d’émotion.

Mais j’essaierai. Pour lutter contre l’oubli inévitable que nous impose leretour à la vie occidentale.

Je me souviens des paroles de Don Juan dans les livres de CarlosCastaneda : « Vous autres occidentaux devez oublier vos carnets et vos sty-los, et refaire travailler votre esprit ». L’esprit est le meilleur siège de nos souvenirs. Le plus fidèle et aussi le plus secret.

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Lima - deux vendeusesde rue à côté de latête de Manco Capac

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Encore un peu hagarde, malgré le cafecito de Quique, me voilà en la gran-de Lima ce matin, en compagnie de Doris, Marjory et Mayra, en route pourle marché. Chouette, parfait comme entrée en matière !

J'ai atteri tard hier soir, j'ai aperçu la ville de nuit, Lima la loca, qu'il nousa fallu traverser entièrement pour atteindre, une heure et demie plus tard,cette banlieue : Surquillo.

Il ne reste que quelques vestiges d'asphalte dans les rues. J'avance dansun nuage de poussière gris-jaune clair, pollution, lumière, rêve, je ne réali-se pas bien où je suis. C'est ma première confrontation à la vraie pauvre-té, à l'échelle de tout un peuple, de toute une nation. Ça me saute à lafigure. Des fils électriques pendent partout, les piliers de béton sont rongés, toutest délabré. On dirait que ça a été bombardé, ici. Des grappes de gens, çà et là, femmes, enfants. Pas des zombies gris quise croisent droit sur des rails bien huilés, sans jamais s'accoster, commechez nous, non. Ici, c'est encore la vie de communauté. Groupes de fem-mes, abuelas, tijas, niños. On va ensemble, on se visite les uns les autres.A mesure que le marché s'approche, l'agitation monte, je voudrais m'arrê-ter à chaque coin, prendre une photo, mais je suis docilement mes guidespour ne pas m'égarer dans ce chaos grandissant. « Rrrrradio Marrrrrrr, Ayque riiiiiiico ! », ça, c'est la b.o. de Lima toute entière, la station de radioqui crache une cumbia saturée à longueur de journée.

Surquillo

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Après l'ouïe, c'est l'odorat qui s'emballe, mais quelle est ce parfum ? Huelebien, huele bonito, j'en veux, tout de suite, je suis accro et je suis ce fumetà la trace comme le chat de Tex Avery, la truffe à l'affût. On est aux cevi-ches. Entremets national, se mange sur le pouce au coin de la rue : du pois-son cru, mariné au citron vert, accompagné, suivant les recettes, par un litd'oignons rouges et coriandre fraîche finement ciselés.

Ay, que riiiico !

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Moi, je suis venue voir les Andes, mais ma petite famille de Lima est toutefière de me montrer leur carte postale à eux : La Punta. Avancée dans lamer où tout est fait pour la promenade du dimanche : une plage, un petitmarché au poissons, l'océan.J'ai déjà quitté mes sandales pour marcher dans le sable et me retrouvemaintenant les pieds dans les écailles et l'odeur forte des poissons. Dorisfait de gros yeux inquiets. A mon grand étonnement, ce ne sont pas des mouettes qui tournoientautour de cette poissonerie mais… des pélicans ! Drôle à voir que cesgrands oiseaux un peu gauches qui se massent près des hommes, tels nospigeons à nous.A la sortie de la petite halle aux poissons s’avance une jetée en bois poncépar les eaux, doux sous mes pieds. La couleur turquoise vif de l'eau appa-raît entre les planches. Toute une vie sur cette avancée dans la mer. Lesyeux absorbés dans ces choses simples, mon regard tombe sur un chi-quitito, une gamin qui vend deux poissons dans son seau en plastique.Toute petite chose déjà pauvre, peut-être cinq, six ans, une casquette, unt-shirt troué, un fil nylon et un hameçon en guise de canne à pêche.

Un peu secouée, je rejoins plus tard Mayra, les pieds dans l'eau. Et là, je réalise que... je me baigne dans le pacifique ! Ça y est, je suis à l'autre bout du monde !

La Punta

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La nuit est bleue, ça fait déjà quelques heures qu'on a quitté Lima. Commeune gosse, j'ai le nez presque collé à la fenêtre du bus tant j'ai hâte de voirenfin ce pays. Je sais qu'on passe à côté de Nazca, le site de ces fameu-ses figures qu'on ne peut voir que du ciel.

Tandis que mon œil s'habitue à scruter ce paysage de cailloux et de pous-sière à la lumière de la lune, Yaki me raconte le Pérou criolla. On vientde passer Chincha Alta, le fief de ce peuple de métis d'esclaves noirs etd'indiens. Aujourd'hui ils témoignent d'une culture à part entière, avec leurmusique unique et très populaire ici. Les rythmes syncopés et les mélo-dies des andes, les percussions africaines, le cajón, caisson d’un bois légermuni d'une corde de guitare qui lui donne ce grain unique, les chapeletsd'ongles de chèvre en guise de maracas, et leurs chanteuses divines, EvaAyllon, Susana Baca, pour ne citer qu'elles.

C’est ça, le Peru negro, le Peru criolla. Merci Yaki, de m’avoir fait décou-vrir cette musique ennivrante-ay corazon, qui donne envie de revenir auPérou, inévitablement.

Chincha alta

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