564, pp. 273-278

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Points clés :: Gisement de fer oolithique interstratifié dans l’Or-dovicien inférieur-moyen épizonal de l’anticlinorium des Zaërs.

Highlights :: Oolithic iron ore body interbedded in the Lower-Middle Ordovician, low grade metamorphic series of the Zaeranticlinorium.

Localisation :: Le gisement de fer oolithique d’Aït Ammarest situé à 25 km au nord de Oued Zem (fig. 6.6.1) sur lafeuille topographique d’Ezzhiliga (X : 382,5 ; Y : 274,9).Il est au point triple entre les territoires de trois grandestribus, les Smaala, Beni Smir et Beni Khayrane (ou BeniKhirane ; ce nom est parfois donné à la mine). GPS : N33°03’50’’, W 6°39’02’’, alt. 870 m.

Substance exploitable :: Fer oolithique.

Etat et historique :: Mine fermée depuis 1963. Le gise-ment fut reconnu par L. Gentil en 1919, puis par H. Ter-mier en 1927 (références in Termier, 1936). L’exploitation

du minerai de fer oolithique a débuté en 1937, ses débutsétant placés sous l’égide de la Société Marocaine desMines et Produits Chimiques (SMMPC), qui évalua parforages les réserves potentielles. En 1952, après l’inter-ruption due à la guerre, le gisement d’Aït Ammarreprésente le tiers de production nationale. La cadence desexpéditions est de 4 trains par jour, de 500 tonnes chacun,en direction du port de Casablanca pour l’exportation. Lesétudes géologiques et métallogéniques ont été effectuéespar Destombes (1951, 1959). Au démarrage, le gisementétait exploité à ciel ouvert. Vers 1957 on a commencé àtravailler en souterrain par chambres et piliers.En 1962, le BRPM effectue de nouvelles études de surfaceet plusieurs sondages, qui permettent à Snoep (1962) d’éta-blir une carte au 1/50 000. Ce document a été utilisé pourévaluer les réserves souterraines à 15 millions de tonnesde fer, alors que l’étude géophysique établie par Richard(1974), a permis d’augmenter la quantité estimée de cesréserves à 86 millions de tonnes de fer. Cependant, les pro-blèmes de gestion (faible mécanisation, personnel ouvriernombreux…), la chute des cours de minerai de fer et laconcurrence d’autres gisements à minerai moins siliceux,avec une teneur en fer plus élevée et à accès plus facile(Beni Bou Ifrour) ont contribué à la fermeture de la mineen 1963. Entre 1937 et 1963 le gisement d’Aït Ammar auraproduit 6 millions de tonnes de minerai à 45% de fer (Des-tombes, 1976), soit l’équivalent de 618 800 t/an.

Cadre géologique :: Le gisement d’Aït Ammar se situe àla bordure SW du Massif central (voir plus haut, Sect. 6,fig. 6.01), peu en-dessous de la cuesta crétacée du Plateaudes Phosphates (fig. 6.6.2). Il apparaît au cœur d’un largepli anticlinal d’axe SW-NE, plongeant faiblement au NE etfaisant partie de l’anticlinorium de Khouribga-Oulmès. Cepli fait affleurer la formation dite des « Schistes en dalles »,d’âge ordovicien inférieur-Llandeilo inférieur (Termier,1936 ; Cailleux, 1994 ; El Boursoumi, 2005), au-dessousd’une épaisse série paléozoïque plissée et affectée par deschevauchements pendant la phase hercynienne majeure, àla fin du Carbonifère inférieur (320-300 Ma ; Michard etal., 2011, avec références). Les Schistes en dalles, à la basede la pile tectonique, sont recristallisés dans le faciès desschistes verts supérieurs, avec développement d’une schis-tosité plus ou moins nette, à pendage NW (fig. 6.6.3 A).

Description du gisement :: La mine (fig. 6.6.4) a été ou-verte dans une crête de couleur rouge (Lahmar en arabe),allongée en forme de mur (el Hait), raison pour laquelle

273LES MINES DU PLATEAU CENTRAL ET DU MASSIF CENTRAL

6.6- Le fer oolithique métamorphique d’Aït Ammar (Massif Central) /The Ait Ammar Metamorphic Oolithic Iron (Central massif)

A. BOUSHABA1 & A. MICHARD2

FFIIGG 66..66..11 :: Localisation du gisement d’Aït Ammar sur un extrait de la carteroutière du Maroc au millionième (Michelin).

FFIIGG 66..66..11 :: Location of the Aït Ammar mine on the Michelin road map,scale 1/1000000.

1Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Faculté des Sciences Dhar El Mahraz,BP 1796, Fès-Atlas, Email :abdellah.boushaba@gmail.com

2 10, rue des Jeûneurs, Paris. E-mail : Email :andremichard@orange.fr

274 NOUVEAUX GUIDES GÉOLOGIQUES ET MINIERS DU MAROC - VOLUME 9

FFIIGG.. 66..66..33 :: Quelques affleurements typiques du secteur de la mine. AA :: Schistes en dalles montrant la stratification So faiblement inclinée et la schistositéoblique S1 ; BB :: Bancs d’oolithe ferrugineuse montrant un découpage lenticulaire par des plans de cisaillement ; CC :: Lits de quartzite appartenant à la barre au-dessus de l’oolithe, montrant des structures d’expulsion d’eau.

FFIIGG.. 66..66..33 :: Some typical outcrops of the Ait Ammar area. AA :: “Schistes en dalles” layer showing shallow dipping stratification So and oblique cleavage S1 ; BB ::Oolithic iron beds showing conspicuous shearing and lenticular structure ; CC :: Quartzite beds from the bar above the iron oolith, deformed by dewatering structures.

FFIIGG.. 66..66..22 :: Cadre géologique de la mine de fer d’Aït Ammar. En haut : cartegéologique, d’après Snoep (1993). En bas : coupe d’après Agard et al. (1952).FFIIGG.. 66..66..22 :: Geological framework of the Ait Ammar iron mine. Above : Geo-logical map after Snoep (1993). Below : cross-section after Agard et al. (1952).

les autochtones l’appelaient « El Hait Lahmar », nom dé-formé par les Français en Aït Ammar. L’exploitation s’estfaite d’abord en carrière, puis en galeries (fig. 6.6.5). Lacouche ferrugineuse forme une lentille ENE-WSW de 3 kmde longueur et 26 m d’épaisseur, interstratifiée dans lesSchistes en dalles chloriteux (fig. 6.6.2). A l’intérieur decette couche, la déformation régionale se traduit par de nom-breux cisaillements (fig. 6.6.3B). Au-dessous du corps mi-néralisé (fig. 6.6.6), on trouve des quartzites noirs peu épaiset des pélites gréseuses micacées. Cette formation se ter-mine dans sa partie supérieure par des silts noirs à débit ar-doisier, d’une dizaine de mètres de puissance, au-dessus

desquels apparaissent les premiers lits d’oolithes, intercalésdans des pélites, et montrant des fentes tapissées de goethite(fig. 6.6.7). Au-dessus du mince toit silto-chloriteux de lalentille oolithique viennent les Schistes en dalles ordinaires,pélito-gréseux et chloriteux. Cependant, une barre de quart-zites à figures d’expulsion d’eau (fig. 6.6.3 C) y constitueun niveau-repère remarquable (cf. coupe fig. 6.6.2).

Minéralogie : 40 % du minerai de fer se présente sousforme de magnétite en grains supérieurs à 10 microns ; 17 %se trouve sous forme de martite (pseudomorphose de ma-gnétite en hématite), limonite et sidérite, 1% sous forme depyrite ; enfin, 42 % du total correspond à la chlorite conte-nant de fines inclusions de minerai de fer (Anonyme, 1996).Les analyses des silicates aux rayons X et à la microsonde(Zahidi, 1994) révèlent la présence de chlorite ferrifère detype thuringite (SiO2 : 19,89-20,97% ; Al2O3 : 16,10-18,44 ;FeOt : 37,67-42,27% ; MgO : 1,11-1,55%) et d’une amphi-bole de type ferro-actinote (SiO2 : 41,49-50,49% ; Al2O3 :10,17-11,65 ; FeO : 16,37-19,25% ; MgO : 0,514-1,29%).Interprétation génétique :: L’hématite est le minéral sta-ble dans des conditions modérément à fortement oxy-dantes, et donc pour un milieu pauvre en matièreorganique. Pour la magnétite, minéral comprenant du ferferreux Fe2+, stable dans des conditions réductrices, lechamp de stabilité est fortement dépendant de la pressionpartielle du CO2 (PCO2) et du soufre (pS2-). La magnétite aprécipité à partir des fluides interstitiels pendant la diage-nèse précoce en conditions réductrices, plutôt que dans lesconditions de métamorphisme comme l’a suggéré Zahidi(1994). La sidérite, comme la magnétite, précipite dans lesenvironnements anoxiques très réducteurs où tout le sou-fre est consommé. A potentiel d’oxydo-réduction constant(Eh varie entre -0,4 et -0,2 volts) et à PCO2 variable entre -1 (faible fugacité d’oxygène) et -4 (importante fugacitéd’oxygène), la sidérite peut donner la magnétite selon laréaction suivante :

3 FeCO3 + 1/2 (O2) = Fe3O4 + 3 CO2

275LES MINES DU PLATEAU CENTRAL ET DU MASSIF CENTRAL

FFIIGG.. 66..66..44 :: Vue panoramique du gisement de fer oolithique d’Aït Ammar.FFIIGG.. 66..66..44 :: Panoramic view of the Aït Ammar oolithic iron deposit.

FFIIGG.. 66..66..55 :: Entrée d’une galerie creusée dans les Schistes en dalles à niveaud’oolithes chloriteuses.

FFIIGG.. 66..66..55 :: Gallery excavated in the Schistes en dalles with level of chloritic ooliths.

276 NOUVEAUX GUIDES GÉOLOGIQUES ET MINIERS DU MAROC - VOLUME 9

FFIIGG.. 66..66..66 :: Colonne lithostratigraphique et pétrofaciès du secteur minier d’Aït Ammar (modifié d’après Zahidi, 1994).FFIIGG.. 66..66..66 :: Stratigraphic column and petrographic facies of the Ait Ammar deposit (modified after Zahidi, 1994).

FFIIGG.. 66..66..77 :: Recristallisation de goethite dans une fente d’ouverture du minerai oolithique. FFIIGG.. 66..66..77 :: Goethite recrystallization in a void opened in the oolithic ore body.

L’hypothèse la plus valable serait une origine liée à l’alté-ration continentale mobilisant le stock ferrifère très abon-dant dans le socle précambrien (lessivage et altération decendres et laves volcaniques). Il est intéressant de rappe-ler que les teneurs en Al et en Ti, V, Zr, Th, Nb et Sc, indi-quent une altération continentale (Zahidi, 1994).

Le fer oolithique d’Aït Ammar correspond à une disconti-nuité sédimentaire qui s’est exprimée à la fois par ((ii) unarrêt des apports terrigènes ; (iiii) une rupture bathymétriqueet (iiiiii) un changement des conditions physico-chimiquesen mer et sur le continent (Cailleux, 1994 ; Zahidi, 1994).Ce sont ces conditions particulières à Aït Ammar, qui ontassuré le développement intra-sédimentaire des oolithes àcortex silicaté, par concrétionnement au sein d’une matriceriche en fer. La genèse de la formation oolithique d’AïtAmmar a pu être définie comme un « accident » de la sé-dimentation, dans la partie externe de la plateforme conti-nentale (Cailleux, 1994). On doit souligner que de telsdépôts ferrugineux oolithiques s’intercalent dans la sédi-mentation de vastes régions du Maroc, que ce soit en Me-seta occidentale ou dans l’Anti-Atlas, pendant la mêmepériode du Llanvirn-Llandeilo inférieur (Destombes,1976 ; Michard, 1976, figs. 30, 50 ; voir les volumes 3 et6 des Nouveaux Guides, Circuits C5 et C10, et dans le pré-sent volume, les fiches 1.3 et 3.1).

Remerciements :: La relecture de notre manuscrit a été ai-mablement prise en charge par le Pr. C. Hoepffner.

Références

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277LES MINES DU PLATEAU CENTRAL ET DU MASSIF CENTRAL

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