Alimentation au cours des mille premiers...

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Nutrition et Gastroentérologie Pédiatriques

Hôpital Trousseau, Paris

INSERM 872 Nutriomique, Université Paris 6

Institute of Cardiometabolism and Nutrition (ICAN)http://nutritiongastro-trousseau.aphp.fr

Alimentation au cours des mille premiers

jours

Est-elle vraiment déterminante pour la santé future ?

P. Tounian

2

Le concept des « 1000 premiers jours »

Alimentation

3

Des preuves chez l’animal

L’exemple des abeilles

4

Mais les données chez l’humain sont

principalement statistiques

5

Santé future

Hypothèses

solides

Hypothèses

discutables

6

Santé future

Hypothèses

solides

7

Rattrapage pondéral et risque

cardiovasculaire

8

Un rattrapage pondéral rapide augmente le risque

cardiovasculaire à l’âge adulte

La rapidité du rattrapage pondéral

postnatal des RCIU est un facteur de

risque cardiovasculaire plus important

que le RCIU per se

Kelishadi et al., Paediatr Int Child Health 2015

Revue de 39 études analysant les risques de maladie et de facteurs

de risque cardiovasculaires associés au petit poids de naissance et

au rattrapage pondérale postnatal

Association statistique significative : PPN : 58,5 % ; rattrapage

pondéral postnatal : 79,6 %

9

Mais un rattrapage pondéral insuffisant entraîne un

ralentissement de la croissance du périmètre crânien

qui altère le développement neuro-cognitif ultérieur

Comparaison de 2 groupes de 50

nouveau-nés : PN<10e perc. et

croissance insuffisante du PC vs

témoins.

Evaluation du développement

neuro-cognitif à 6 ans.

Klaric et al., J Child Neurol 2013

10

Alimentation des premiers mois et risque

cardiovasculaire

• Le rattrapage pondéral postanatal rapide augmente le

risque cardiovasculaire ultérieur.

• Les mécanismes à l’origine de cette programmation sont

imparfaitement connus.

11

Allergie

12

Nrs de 4 à 11 mois avec eczéma sévère et/ou allergie à l’œuf

Randomisés pour recevoir ou pas de l’arachide (14 Bamba ( Curly) ou 2 càc de

beurre de cacahuète, 3 fois par semaine)

jusqu’à 5 ans

L’analyse per-protocole exclut les nrs ayant réagi lors de l’introduction initiale de l’arachide après randomisation et conserve uniquement les nrs ayant consommé de l’arachide jusqu’à au moins 2 ans

Diagnostic d’allergie à l’arachide par TPO

La consommation précoce et régulière d’arachide prévient

la survenue d’une allergie à l’arachide

Du Toit et al., N Engl J Med 2015 et 2016

L’arrêt de la consommation d’arachide

entre 5 et 6 ans n’augmente pas

significativement l’incidence de

l’allergie à l’arachide

13

L’introduction précoce des aliments à fort potentiel allergisant

prévient la survenue d’une allergie chez l’enfant allaité

Nrs de 3 mois exclusivement allaités

Randomisés pour recevoir 6 aliments à fort

potentiel allergisant (lait, arachide, œuf cuit,

sésame, poisson, blé) entre 3 et 6 mois ou être

exclusivement allaités jusqu’à 6 mois.

L’analyse per-protocole exclut les nrs allaités

moins de 5 mois (dans les 2 groupes), les nrs

ayant consommé l’un des 6 aliments avant 5

mois ou plus de 300 ml/j de lait infantile avant

6 mois (groupe allaité exclusivement), et les

nrs ayant introduit moins de 5 aliments ou

n’en ayant pas consommé suffisamment entre

3 et 6 mois (groupe introduction précoce).

Diagnostic d’allergie à l’un des 6 aliments

testés par TPO à 1 et 3 ans.

Perkin et al., N Engl J Med 2016

Au moins 1

allergie

alimentaire

Allergie à

l’arachide

Allergie à

l’œuf

L’action préventive sur le risque allergique est d’autant plus

importante que la consommation de l’aliment est régulière

Perkin et al., N Engl J Med 201614

15

5385 nourrissons au sein

nécessitant un

complément transitoire

Lait standard

(n=1789)

2,4 %

d’allergie aux PLV

Lait de femme

pasteurisé

(n=1859)

1,7 %

d’allergie aux PLV

Hydrolysat poussé

(n=1737)

1,5 %

d’allergie aux PLV

------------------------------------Suivi pendant 18 à 34 mois-------------------------------------

« The dangerous bottle »

(p = 0,03)

Saarinen et al., J Allergy Clin Immunol 1999

16

Alimentation des premiers mois et prévention

de l’allergie

• L’introduction précoce et la consommation régulière

d’allergènes alimentaires majeurs ont un effet préventif sur la

survenue ultérieure d’une allergie à ces mêmes allergènes.

• L’acquisition de la tolérance alimentaire s’exerce au niveau

du système immunitaire intestinal.

17

Carences

18

La carence en fer dans la période périnatale

entraîne des troubles du développement neuro-

cognitif irréversibles

Radlowski et al., Front Hum Neurosci 2013

19

La carence en AGPI-LC au cours des premiers mois

diminue les performances intellectuelles à l’âge de 6 ans

Colombo et al., Am J Clin Nutr 2013

20

La carence en calcium au cours des premières années

augmente le risque ultérieur de fracture

0

20

40

60

80

100

0 20 40 60 80

age (ans)

% d

u p

ic d

e m

ass

e o

sseu

se Normal

Déficit

Risque de

fracture

Seeman et al., Lancet 2002

21

Carences nutritionnelles et risques pour la santé

ultérieure

• Les carences nutritionnelles au cours des premiers mois

entraînent des conséquences délétères pour le reste de la

vie, souvent irréversibles.

• Le fer, les AGPI-LC, le calcium et bien d’autres nutriments

sont concernés (iode, vitamines).

22

Santé future

Hypothèses

discutables

23

Obésité

24

L’effet protecteur de l’allaitement sur le risque

ultérieur d’obésité est une idée largement répandue

[0,78, IC: 0,71 – 0,85]

Arenz et al., Int J Obes 2004

25

Mais les études randomisées démentent le rôle

protecteur de l’allaitement maternel sur l’obésité (1)

130 prématurés randomisés à la

naissance

Lait de femme

(n=66)

Lait pour prématurés

(n=64)

IMC = 20.8 ± 3.9 IMC = 21.1 ± 3.9

------------------------------------Devenir à l’âge de 13 à 16 ans----------------------------------

NS

Singhal et al., Lancet 2004

26

Mais les études randomisées démentent le rôle

protecteur de l’allaitement maternel sur l’obésité (2)

Promotion allaitement

(n=7108)

Témoins

(n=6781)

Allaitement 3 mois 72,7 % 60,0 %

Allaitement exclusif 3 mois 43,3 % 6,4 %

Allaitement 6 mois 49,8 % 36,1 %

Allaitement exclusif 6 mois 7,9 % 0,6 %

IMC à 6,5 ans (kg/m²) 15,6 ± 1,7 15,6 ± 1,7

Pli tricipital à 6,5 ans (mm) 9,9 ± 4,1 10,0 ± 3,6

Comparaison de 2 populations de maternités randomisées avec promotion ou pas de

l’allaitement auprès des mères

Kramer et al., Am J Clin Nutr 2007

27

« L’analyse des études ayant cherché

à bien contrôler les biais

méthodologiques ne montre pas

d’effet protecteur de l’allaitement sur

le risque ultérieur d’obésité »

Casazza et al., N Engl J Med 2013

L’absence d’effet protecteur de l’allaitement sur le risque

ultérieur d’obésité est confirmée par un groupe d’expert

28

L’excès de protéines au cours des premiers mois

n’est pas associé à un risque d’obésité ultérieure

à 6 ans Protéines Protéines p

z-score IMC 0,55 ± 1,27 0,25 ± 1,12 0,009

Poids (kg) 22,47 ± 4,28 21,88 ± 3,46 NS

Taille (cm) 116,9 ± 4,75 117,3 ± 4,52 NS

La première étude qui

prétendait qu’un lien existe

entre excès de protéines et

obésité n’était pas crédible

car elle était criblée de biais

Weber et al., Am J Clin Nutr 2014

+ 590 g

- 4 mm

29

Une étude récente bien mieux conduite confirme l’absence de

lien entre ingesta protéiques et obésité ultérieure

Nnés randomisés pour recevoir une formule

pauvre (1,2 g/100ml, n=74) ou riche (1,7

g/100ml, n=80) en protéines pendant 4 mois.

Comparaison à un groupe de nnés allaités

(n=84).

Suivi P, T et PC pendant 60 mois.

Pas de différence significative pour le poids,

mais effet stimulant significatif des

protéines sur la taille et surtout le PC.

Putet et al., Br J Nutr 201629

Poids

Taille

PC

30

Le lien prétendu entre excès d’AGPI ω 6 et

obésité ne repose que sur des spéculations

• Augmentation parallèle de la consommation d’AGPI ω 6 et de leur

concentration dans le lait de mère d’une part, et de la prévalence de

l’obésité infantile d’autre part (Gesnet et al., Cah Nutr Diet 2013).

• Effet adipogénique in vitro et chez l’animal d’un excès d’AGPI ω 6

(Ailhaud et al., Prog Lipid Res 2006).

• Mais la majorité des études d’intervention randomisées chez le

nouveau-né n’ont montré aucun effet sur la corpulence (Helland et al.,

Pediatrics 2008 ; Hauner et al., Am J Clin Nutr 2012).

31

« l’évolution pondérale au cours de la

vie dépend principalement du

patrimoine génétique et non d’un

effet persistant de l’apprentissage

précoce d’une bonne hygiène de vie »

Casazza et al., N Engl J Med 2013

L’acquisition précoce de « mauvaises habitudes alimentaires »,

dont notamment le passage précoce à la même alimentation que

les parents, n’augmente en rien le risque ultérieur d’obésité

32

Il n’existe à ce jour aucune donnée fiable pour penser que

l’alimentation des premiers mois a un rôle dans le risque

d’obésité ultérieure

33

Maladie cœliaque

34

Il a été suggéré que l’âge d’introduction du gluten avait une

influence sur le risque de survenue d’une maladie cœliaque

Norris et al., JAMA 2005

Le risque de développer une authentique maladie cœliaque (AVT à la biopsie) est

augmenté chez les enfants à risque (HLA DR3) lorsque le blé a été introduit avant 3

mois (x 23) ou après 6 mois (x 4) vs entre 4 et 6 mois (n=1560)

35

Et que le risque de maladie cœliaque était diminué lorsque le

gluten était introduit lorsque l’enfant était encore allaité

Akobang et al., Arch Dis Child 2008

36 Vriezinga et al., N Engl J Med 2014

Mais l’influence de l’âge d’introduction du gluten sur le

risque de maladie cœliaque a été remis en cause (1)

944 Enfants HLA-DQ2 ou DQ8 et ayant au moins un parent du 1er degré atteint de MC

Randomisés pour recevoir du gluten ou un placebo entre 4 et 6 mois

Dépistage MC par IgA AT et confirmation par critères de l’ESPGHAN

37 Lionetti et al., N Engl J Med 2014

Mais l’influence de l’âge d’introduction du gluten sur le

risque de maladie cœliaque a été remis en cause (2)

153 Enfants HLA-DQ2 ou DQ8 et ayant au moins un parent du 1er degré atteint de MC

Randomisés pour introduction du gluten à 6 mois (groupe A) ou 12 mois (groupe B)

Dépistage MC par IgA AT et confirmation par critères de l’ESPGHAN

2 ans :

12% vs 5%, p=0.01

5 ans :

16% vs 16%

38

Ainsi que l’influence de l’allaitement sur le risque de

survenue d’une maladie cœliaque

Incidence MC

Pas d’AM 5,0 %

AM < 3 mois 9,1 %

AM 3-6 mois 5,3 %

AM > 6 mois 2,7 %

MC + MC -

Durée AM 6,0 ± 6,5 m 5,8 ± 5,8 m

AM lors de

l’introduction

du gluten

20,4 % 20,0 %

Vriezinga et al., N Engl J Med 2014 Lionetti et al., N Engl J Med 2014

39

L’alimentation des premiers mois n’influe pas sur

le risque de maladie cœliaque

• L’âge d’introduction du gluten peut retarder l’apparition

d’une maladie cœliaque mais il ne prévient pas sa

survenue.

• Ce revirement illustre bien la fragilité du concept de

prévention des maladies ultérieures génétiquement

déterminées par l’alimentation des premiers mois.

40

Excès

41

Le rôle délétère d’un excès de protéines au cours des premiers mois

de vie sur la fonction rénale à long terme est purement spéculatif

631 nourrissons séparés selon leur ration protéique

A 3 mois

Plus grande taille des reins des nourrissons ayant reçu une ration protéique plus importante

A 18 mois

Taille des reins identique dans les 2 groupes

Fonction rénale à long terme ??

Schmidt et al., Pediatr Nephrol 2004

42

Le rôle d’un excès de sodium au cours des premiers mois de vie

sur le risque ultérieur d’HTA n’a pas été démontré

He et al., Hypertension 2006

L’excès de sodium au cours de

l’enfance entraîne une augmentation

modérée de la TA, à court et à long

terme.

Mais aucune étude n’a démontré que

l’excès de sodium au cours de

l’enfance augmente le risque d’HTA,

à court et à long terme.

43

Le risque d’habituer un enfant au goût sucré en lui proposant trop

de produits sucrés dans les premiers mois de vie est un mythe, on

peut tout juste l’habituer à préférer le sucrage de certains aliments

Sucré

20 fois

Neutre

20 fois

Salé

20 fois

Sucré

Neutre

Salé

CHOIX

Sullivan et al., Dev Psychol 1990

44

Résumé

Santé future

Hypothèses solides

Rattrapage pondéral rapide et

risque cardiovasculaire

Age d’introduction des aliments

et allergie

Carences en fer, AGE et calcium

Hypothèses discutables

Prévention de l’obésité

Prévention de la maladie cœliaque

Risques liés aux excès de

protéines, sodium et sucre

45

Conclusions pratiques

• Diversification dès 4 mois, incluant les aliments à fort

potentiel allergénique (œuf, poisson, fruits à coque,

arachide).

• Assurer la consommation d’une quantité minimale de lait

infantile (lait 2e âge, lait de croissance) de la

diversification jusqu’au-delà de 3 ans pour prévenir les

carences, notamment en fer.

• Un enfant peut partager le repas de ses parents dès l’âge

d’un an, en conservant au moins 250 à 500 ml de lait de

croissance par jour.

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