View
0
Download
0
Category
Preview:
Citation preview
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
ANNIE POOTOOGOOK ET TIM PITSIULAK : DOCUMENTER CAP DORSET Noémie Despland-Lichtert Annie Pootoogook (1969-) et Timootie Pitsuilak (1967-) ont tous deux habité Cap Dorset. Pour
ces deux artistes, ce village inuit situé sur l’île Dorset au Nunavut est une source d’inspiration
dont ils se servent pour réaliser au crayon de couleur des œuvres grand format.1 Pootoogook est
née à Cap Dorset, mais elle a par la suite quitté sa ville natale pour s’établir à Ottawa.2 Pitsiulak
est né dans un plus petit village, Kimmirut, et c’est en quittant celui-ci pour s’établir à Cap Dorset
qu’il a lui aussi quitté son village natal pour une plus grande communauté.3 Les deux artistes
possèdent de nombreuses similarités, biographiques et de style. Tous deux viennent de familles
d’artistes qui leur ont transmis leurs savoir-faire. Les œuvres de Pootoogook et Pitsuilak offrent
un dialogue intéressant à plusieurs égares. Au premier regard, elles se ressemblent dans la mesure
ou elles sont de très grand format, réalisées avec des couleurs vives tel que le bleu, le jaune, le
rose et souvent beaucoup de blanc; elles sont réalisées avec beaucoup de minutie dans
l’utilisation de crayons de couleurs créant différentes textures. Par la suite, elles peuvent sembler
très différentes de par le sujet de leur représentation : de la machinerie lourde pour Pitsiulak et
l’intimité d’un intérieur familial pour Pootoogook. Traditionnellement les hommes inuit se
consacrent plus souvent à la sculpture qu’au dessin qui est une discipline relativement
féminisme.4 Bien que Pitsiulak soit un homme il se consacre au dessin mais le sujet de ses œuvre
est exceptionnelle : camions, avions et autres moyens de transports. Au contraire Pootoogook se
consacre à l’espace domestique et à l’intimité et la plupart des personnages représentés dans ses
œuvres sont des femmes; elle est une des rares artistes de Cape Dorset dont le travail et
principalement autobiographique.5 En ce qui attrait au style, Pootoogook encercle les différent
objets et aplat de couleurs par des trais noir inspirée par la culture visuel contemporaine alors que
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
Pitsiulak est plus naturaliste dans ses dessin ou les séparation graphique entres les différents
éléments du tableau n’apparaissent pas.6 Cette exposition tentera de montrer au spectateur qu’au-
delà de cette apparente différence, les artistes partagent une démarche artistique comparable.
Tous deux s’affairent minutieusement à documenter la vie des habitants de Cap Dorset. Malgré
leur précision et leur exactitude dans la représentation de multiples détails, les dessins de ces
artistes ne fonctionnent pas comme des documentations scientifiques du village, mais, bien au
contraire comme un documentaire plus personnel et émotif : non pas de la réalité, mais de leur
ressenti, en tant qu’habitants souvent témoins des problématiques contemporaines des habitants
du Grand Nord. L’information est documentée au travers du filtre de leurs émotions en tant
qu’habitants et en tant qu’artistes.7 C’est un voyage au cœur du quotidien du village que ces
dessins nous proposent.
Timootie Pitsiulak
Loadmaster
2007
Crayons de couleurs sur papier
Conseil des Arts du Canada
http://www.artbank.ca/en/40th.aspx
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
Loadmaster représente un événement extraordinaire et important pour la communauté des
habitants de Cap Dorset : l’arrivée d’un nouveau camion-poubelle sur l’île.8 Cette œuvre de très
grande taille est à l’échelle de l’objet qu’elle représente, mais aussi de l’importance de
l’événement aux yeux de l’artiste.9 La gestion des ordures est un problème important puisque peu
de routes desservent les villages. Les sites d’enfouissement sont souvent très près des habitations
et parfois complément absents.10 Cette situation explique l’importance du nouveau camion
poubelle aux yeux de la population de Cap Dorset. Si Pitsuilak réalise souvent de grands formats,
c’est aussi que ceux-ci sont particulièrement adaptés au sujet de ces dessins : la machinerie
lourde, des baleines, des objets toujours de grande taille.11
C’est avec un grand soin et une grande précision que l’artiste représente les moindres détails du
camion : les parties du moteur, l’emblème de la ville, etc. Sans connaître le contexte de l’œuvre,
il est immédiatement possible de savoir à quelle communauté appartient le camion puisque
l’emblème de Cap Dorset en anglais et en Inuktitut est représenté. Ce détail témoigne d’un désir
de documenter avec exactitude cette scène et d’offrir au sein du tableau le contexte de l’œuvre. Si
la texture du crayon de couleur est encore bien visible, les coups de crayon ne le sont pas. La
technique du crayon de couleur est ici complètement maitrisée et permet à l’artiste de créer
différentes textures en utilisant la même couleur, ici le bleu. Cet effet est particulièrement visible
dans les différentes pièces de moteur sous le camion. Le camion est présenté sans le moindre
contexte, il ne s’intègre pas à un paysage, il n’y a aucun arrière-plan. Le camion n’a pas non plus
de chauffeur. Bien qu’il semble être marche, car de la fumée s’en échappe, personne ne semble
être à bord. Le camion est le seul élément de l’œuvre. Rien d’autre n’est représenté afin qu’il
demeure le centre de l’attention.
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
Timootie Pitsiulak
Untitled (Cockpit)
2008
Musée des Beaux-Arts du Canada
Crayons de couleurs sur papier
http://blogs.ottawacitizen.com/2010/11/06/review-video-it-is-what-it-is-brings-new-contemporary-canadian-art-to-the-national-gallery-for-better-or-worse/
Cette œuvre est à nouveau un très grand format réalisé aux crayons de couleurs. Elle représente
l’intérieur du cockpit d’un avion qui s’approche de Cap Dorset.12 Cap Dorset n’est accessible
que par avion plusieurs mois par année, lorsque la mer est gelée et que les bateaux ne peuvent
plus passer. L’avion devient alors le seul moyen d’arriver ou de quitter l’île de Dorset.13 C’est
donc un moyen de transport relativement commun pour les habitants de l’île; en cas de maladie
ce n’est que par avion qu’ils pourront être transportés à l’hôpital par exemple. Ici, l’artiste
documente le quotidien des habitants de Cap Dorset.
L’angle d’approche donne un effet dramatique à l’œuvre. Cet effet combiné avec la grande taille
du dessin plonge complètement le spectateur dans l’œuvre et lui donne véritablement
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
l’impression d’être lui-même dans l’avion et d’atterrir à Cap Dorset. Pour rajouter au réalisme de
l’œuvre, les instruments du tableau de bord indiquent les mesures justes qui correspondent à
l’assiette : l’espace visible entre le capot et l’horizon. Cette représentation réaliste et minutieuse
des détails témoigne du désir de l’artiste de documenter avec exactitude une expérience.
Annie Pootoogook
Dr. Phil
2006
Crayons de couleurs sur papier
http://m.theglobeandmail.com/arts/art-and-architecture/annie-pootoogook-on-paper/article4482668/?service=mobile
Au contraire des œuvres de Pitsuilak, Pootoogook ici ne représente pas correctement la
perspective de la scène. L’angle du tapis et celui des carreaux du plancher ne se correspondent
pas. Les proportions ne sont pas non plus toutes réalistes, et la fenêtre semble très petite contre le
mur. Plusieurs exemples de matériel moderne sont représentés dans le tableau. On voit une télé,
une radio, une lampe et un téléphone sans fil. La scène est sans aucun doute une scène
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
contemporaine. Les vêtements du seul personnage représenté donnent l’impression qu’il s’agit
d’un intérieur bien chauffé. Cet intérieur moderne n’a rien à voir avec celui d’un igloo dans
lequel les habitants du Nunavut vivaient encore quelques générations auparavant. Mais la fenêtre
de cette maison donne sur une autre maison et un paysage enneigé. Cette ouverture sur l’espace
extérieur permet de situer la scène dans le contexte de Cap Dorset. Une horloge et le lecteur de
VHS nous donnent l’heure. La scène est située dans le temps et l’espace, ce qui ajoute à son
caractère documentaire.
Dans le téléviseur, on reconnaît le visage du célèbre animateur de l’émission Dr. Phil, un talk
show américain mettant en scène des familles dysfonctionnelles recevant les conseils du
psychologue. Il semble s’agir d’un détail très important; c’est aussi celui-ci qui donne son titre à
l’œuvre. Cette émission est un exemple de mondialisation culturelle. Si Cap Dorset reste très
difficilement accessible puisqu’aucune route ne le dessert, le village n’en n’est pas pour autant
coupé du monde. La télévision le relie au reste du monde à travers des mésaventures des invités
du talkshow du Dr. Phil. Plus particulièrement, ces mésaventures sont toujours des conflits
familiaux. Pootoogook représente parfois beaucoup plus clairement la présence de violence
conjugale ou d’abus au sein du foyer inuit, mais dans cette œuvre, les difficultés familiales sont
évoquées au travers des téléviseurs plutôt que dessinées.
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
Annie Pootoogook
Family Returning from the Grocery Store
2004-2005
Crayons de couleurs sur papier
Art Gallery of Ontario. Inuit Modern: The Samuel and Esther Sarick Collection. Toronto; Vancouver; Berkeley: Art Gallery of Ontario; Douglas & McIntyre, 2011, 185.
Dans ce tableau, nous sommes à nouveau transportés dans l’intimité d’un foyer de Cap Dorset.
Les quatre personnages semblent tous être des enfants et le titre nous indique qu’ils reviennent du
supermarché. À nouveau, il s’agit bien d’une scène contemporaine et les signes de mondialisation
sont visibles au travers des sacs plastiques remplis de produits commerciaux. Ceux-ci sont
représentés et identifiés avec beaucoup de détails; il est écrit sur chacun d’entre eux de quoi il
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
s’agit. À nouveau, ce rendu minutieux témoigne d’un désir de documenter avec exactitude cette
scène du quotidien. Les personnages ne semblent pas poser, ni participer à aucun type d’activité
extraordinaire. Il s’agit simplement d’un cliché d’une scène quotidienne.
On retrouve de nouveau de nombreux, mais très petits, objets accrochés sur de grands murs vides.
La perspective est à nouveau inexacte et les proportions ne sont pas réalistes. L’extincteur sur le
mur semble tout petit. L’extincteur et le signe d’interdiction de fumer du tableau precédant nous
rappellent à quel point les incendies sont une menace courante pour les Inuits qui habitent ces
nouvelles maisons préfabriquées. Le thermostat sur le mur indique que l’espace est chauffé, mais
à nouveau une fenêtre ouvre sur l’espace extérieur et situe la scène. Le tableau nous montre aussi,
qu’étonnamment ces maisons préfabriquées n’ont aucun sas d’entrée et que la porte extérieure
donne directement sur la pièce principale, ce qui est particulièrement inadapté au climat de la
région. Le dessin documente l’absence de réel design architectural dans la conception de ces
maisons, le type d’alimentation et le quotidien des habitants du village.
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
NOTES 1 Jessica Newton, “Drawing Large in Cape Dorset,” Inuit Art Quarterly 26 (Fall 2011): 14–20. 2 Inuit Modern: The Samuel and Esther Sarick Collection (Toronto; Vancouver; Berkeley: Art Gallery of Ontario; Douglas & McIntyre, 2011) 183. 3 Inuit Modern: The Samuel and Esther Sarick Collection, 192. 4 Odette Leroux, et al. Inuit Women Artists: Voices from Cape Dorset (Vancouver; Hull; Seattle: Douglas & McIntyre; Canadian Museum of Civilization; University of Washington Press, 1994). 5 Patricia Feheley, “The Art of Annie Pootoogook,” Inuit Art Quarterly 19 (Summer 2004): 13. 6 “Annie Pootoogook’s Drawings of Contemporary Inuit Life,” Boing Boing, June 8, 2009, accessed December 30, 2012 http://boingboing.net/2009/06/08/annie-pootoogooks-dr.html. 7 Feheley, 13. 8 “Canada Council Art Bank’s 40th Anniversary,” Canada Council for the Arts, accessed November 11, 2012 http://artbank.ca/en/40th.aspx. 9 “Canada Council Art Bank’s 40th Anniversary.” 10 “Ratcheting Garbage to a Federal Affair?” Aboriginal Multi-media Society, accessed November 11, 2012 http://www.ammsa.com. 11 Spirit Wrelser Gallery, accessed November 11, 2012 http://www.spiritwrestler.com/. 12 National Gallery of Canada, It Is What It Is: Recent Acquisitions of New Canadian Art (Ottawa: National Gallery of Canada, 2010). 13 Massachusetts Museum of Contemporary Art, Oh, Canada: Contemporary Art from North North America (Cambridge, MA; London, England: MIT Press, 2012) 117.
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
BIBLIOGRAPHY “Ratcheting Garbage to a Federal Affair?” Aboriginal Multi-media Society. Accessed November
11, 2012. http://www.ammsa.com. “Annie Pootoogook’s Drawings of Contemporary Inuit Life.” Boing Boing. June 8, 2009.
Accessed December 30, 2012. http://boingboing.net/2009/06/08/annie-pootoogooks-dr.html.
Campbell, Nancy, and Illingworth Kerr Gallery. Annie Pootoogook. Calgary, Alberta:
[Charlottetown, P.E.I.]: Illingworth Kerr Gallery; Confederation Centre Art Gallery, 2007. Edell, Anna. “A New Inuit Childhoo Home: The Drawings of Annie Pootoogook.” 2010.
Picturing Children. Accessed November 11, 2012. http://picturingchildren.concordia.ca/2010/essays/PC_ESSAY_Anna_Adel.pdf.
Feheley, Patricia. “The Art of Annie Pootoogook.” Inuit Art Quarterly 19 (Summer 2004): 10–
15. “Canada Council Art Bank’s 40th Anniversary.” Canada Council for the Arts. Accessed
November 11, 2012. http://artbank.ca/en/40th.aspx. Inuit Modern: The Samuel and Esther Sarick Collection. Toronto; Vancouver; Berkeley: Art
Gallery of Ontario; Douglas & McIntyre, 2011. Karlinsky, Amy. “Land of the Midnight Sons and Daughters: Contemporary Inuit Drawings.”
Border Crossing 27.1 (2008): 66–83. Leroux, Odette et al. Inuit Women Artists: Voices from Cape Dorset. Vancouver; Hull; Seattle:
Douglas & McIntyre; Canadian Museum of Civilization; University of Washington Press, 1994.
Lewin, Michelle. “Breaking Ground: Oil Stick Drawungs from Cape Dorset.” Inuit Art Quarterly 24.1 (2009): 24–32.
---. “Jamasie Pitseolak: Ciming from Today.” Inuit Art Quarterly 23.1 (2008): 10–16. Massachusetts Museum of Contemporary Art. Oh, Canada: Contemporary Art from North North
America. Cambridge, MA; London, England: MIT Press, 2012. Milroy, Sarah. “Inuit Art Loses the Ookpik.” The Globe and Mail. July 5, 2006. Accessed
December 30, 2012. http://www.theglobeandmail.com/arts/inuit-art-loses-the-ookpik/article730588/.
Mitchell, Marybelle. From Talking Chiefs to a Native Corporate Elite: The Birth of Class and
Nationalism Among Canadian Inuit. McGill-Queen’s Press - MQUP, 1996.
ARTH 648B-2 Envisioning Digital and Virtual Forms of Exhibitions: The Curatorial Translation of Theory into Practice, 2012
National Gallery of Canada. It Is What It Is: Recent Acquisitions of New Canadian Art. Ottawa:
National Gallery of Canada, 2010. Newton, Jessica. “Drawing Large in Cape Dorset.” Inuit Art Quarterly 26 (Fall 2011): 14–20. ---. “Timootie Pitsiulak: Detailed Ans Dynamic Realism.” Inuit Art Quarterly 21 (Winter 2006):
38. “Review & Video: It Is What It Is Brings New Contemporary Canadian Art to the National
Gallery, for Better or Worse.” Ottawa Citizen: Arts. November 6, 2010. Accessed November 11, 2012. http://blogs.ottawacitizen.com/2010/11/06/review-video-it-is-what-it-is-brings-new-contemporary-canadian-art-to-the-national-gallery-for-better-or-worse/.
Spirit Wrelser Gallery. Accessed November 11, 2012. http://www.spiritwrestler.com/. Webb, Marshall. “Annie Pootoogook, At the Power Plant Art Gallery.” Inuit Art Quarterly 21
(Winter 2006): 30–33.
Recommended