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Colites infectieuses graves
Dr Philippe GOUINDépartement d’Anesthésie – Réanimation
Chirurgicale – SAMUCHU de Rouen
Aspects cliniques
Deux situations cliniques distinctes Formes graves de colites communautaires
Gravité « colique » Gravité due au retentissement général
Désordres hydroélectrolytiques majeurs Décompensation des pathologies sous-jacentes Apanage des sujets âgés
Acquisition d’une colite nosocomiale ou en réanimation Colites à Clostridium difficile Autres pathogènes
Aspects cliniques Eléments d’anamnèse :
Prise récente d'antibiotiques, Voyage hors de métropole, consommation d'eau non potable, Comorbidités, notamment intestinales, immunodépression Caractère collectif de la symptomatologie
Préciser les caractéristiques de la diarrhée Nombre de selles quotidiennes Aspect : aqueux, sanglant, glaireux, purulent.
Signes associés : Douleurs abdominales : coliques, ténesmes, épreintes Fièvre Signes de choc…
Deux grands syndromes
Le syndrome cholérique Diarrhée aqueuse avec selles liquides profuses,
douleurs abdominales et fièvre modérées. Mécanisme toxinique
Le syndrome dysentérique Selles fréquentes, afécales, (sang de glaires et/ou de
pus), généralement accompagnées de ténesmes voire d'épreintes, et d’une fièvre très élevée
Mécanisme entéroinvasif
Autres tableaux digestifs Colite pseudomembraneuse :
Due à C. difficile dans 95% des cas, diarrhée généralement non sanglante, associée à des douleurs
abdominales intenses, de la fièvre, une AEG Ascite due à l’hypoalbuminémie
Mégacolon toxique Dilatation de plus de 7 cm du calibre du colon transverse ET TROIS des signes suivants : pouls > 100-120/min,
température > 38°5, leucocytes > 10.000 G/L, hémoglobinémie < 8 g/dl,
ET UN des signes suivants : déshydratation, altération de la conscience, hypotension ou perturbation du bilan électrolytique
Autres aspects cliniques
Retentissement général : Désordres hydroélectrolytiques majeurs Insuffisance rénale Choc hypovolémique et défaillance multiviscérale Décompensation des pathologies sous-jacentes
Possibilité de survenue d’un syndrome hémolytique et urémique (SHU) Très orientant vers un E. coli entérohémorragique
type 0157:H7
4 grands contextes cliniques
Colite infectieuse communautaire
Colite infectieuse au retour d'outre-mer
Colite infectieuse du patient immunodéprimé
Colite infectieuse du patient hospitalisé dans un service de réanimation
Influence les examens complémentaires à réaliser
Quel bilan paraclinique ?
Microbiologie : Coproculture Recherche de toxines, de sérotypes bactériens
particuliers Examen parasitologique des selles Culture virales
Coloscopie Réalisation de biopsies
Anatomopathologie
Place des examens radiologiques
La coproculture : l’examen clef A réaliser devant toute suspicion de colite infectieuse
A partir d’un échantillon de selles fraîches
Examen direct de la flore fécale Recherche un déséquilibre de la flore
Recherche de pathogènes digestifs En fonction du contexte clinique mentionné sur le demande
Diarrhée communautaire : Salmonella non typhi, Staphylococcus aureus, Shigella, Campylobacter, E. coli, Yersinia…
Diarrhée en réanimation : C. difficile, Klebsiella, …
Réalisation de cultures spécifiques (C. difficile)
Recherches des toxine En routine : Toxine de C. difficile Recherche : Sérotypes (Ex : E. coli 0157:H7), vérotoxines…
Colonies de C. Difficile
Tests de détection des toxines A&B de C. difficile
C. difficile : aspect microscopique
L’examen parasitologique des selles
Recherche principalement une amoebose, en cas de contexte évocateur seulement
Indispensable en cas de diarrhée/colite survenant chez l’immunodéprimé Pathogènes recherchés : cryposporidies,
microsporidies, Isospora belli, Giardia duodenalis Recours fréquent à la PCR et à la microscopie
électronique
La coloscopie : L’autre examen clef A réaliser
Devant tout syndrome dysentérique Chez l’immunodéprimé
Coloscopie complète ou rectosigmoïdoscopie (si colon non préparé) Orientation étiologique en fonction de la répartition des lésions
Rectum, sigmoïde, colon droit voire iléon
Réalisation de biopsies étagées, en l’absence de troubles de l’hémostase, à visée microbiologique et anatomopathologique.
Diagnostics différentiels : notamment colite ischémique.
Risque principal : la perforation colique, rapport bénéfice/risque à discuter systématiquement. Possibilité de se limiter à une rectosigmoïdoscopie
Colites ulcéro-hémorragique
Colite ischémique
Colite pseudomembraneuse
À Clostridium difficile
À Salmonella enteritidis
Les examens radiologiques Généralement INUTILES
ASP Peu rentable, intérêt dans le mégacolon toxique
Echographie abdominale Epaississement pariétal colique Colite pseudomembraneuse Ascite
Scanner abdominal En cas d’abdomen chirurgical essentiellement
Pneumopéritoine, pneumatose pariétale,aéroportie, collection… Peut participer à l’évaluation de la gravité
Étude de l’extension des lésions A visée de diagnostic différentiel
Colite ischémique +++
Mégacolon toxique
Colite pseudomembraneuseAspect échographique
Colite PseudomembraneuseAspect tomodensitométrique
Colite PseudomembraneuseAspect tomodensitométrique
Colite ischémiqueAspect tomodensitométrique
Autres éléments du bilan
Visent à apprécier le retentissement généralHydro-électrolytique :
Ionogramme et fonction rénaleHémodynamique : choc asocié
Gazométrie et lactates artériels
Bilan inflammatoire et infectieuxCRP, PCTHémoculturesNFS
Stratégie diagnostique en fonction du contexte clinique
Prise en charge thérapeutique Traitement étiologique :
Anti-infectieux :
Doit permettre la guérison ad integrum dans l’immense majorité des cas
Traitement chirurgical : A réserver aux formes chirurgicales d’emblée
Traitement symptomatique Correction des troubles hydroélectrolytiques Prise en charges des défaillances
Hémodynamique, rénale…
Aspects étiologiques
À propos de quelques cas…
Cas clinique n°1 Madame H, 79 ans ATCD : Diabète de type II, sous metformine Consulte pour diarrhée hydrique sans fièvre
étiquetée « gastro-entérite » par son médecin traitant
À J3 : Apparition d’un syndrome fébrile avec confusion Rapidement associé à une détresse respiratoire et à
une hypotension artérielle A l’examen :
abdomen sensible, surtout dans le flanc droit, non chirurgical Persistance d’une diarrhée d’allure hydrique
Examens complémentaires CIVD
plaquettes=100 giga/l, TP=28%, TCA=2,28 Insuffisance rénale aiguë:
créatinine=103 µmol/l, urée=17,9 Acidose lactique:
pH=7,23 Lactates = 8,3 mmol/l Procalcitonine = 111nmol/l RP : pas de foyer Hémocultures et coproculture en attente
Scanner thoraco-abdominopelvien
Au bloc opératoire
Laparotomie exploratrice Grêle et colon bien colorés, Pas d’épanchement intrapéritonéal Réalisation de prélèvements bactériologiques
systématiques
LAPAROTOMIE BLANCHE
Instabilité hémodynamique en per-opératoire
Quelques commentaires Colite communautaire,
Sans contexte de retour d’Outre-Mer
Forme grave d’emblée Avec défaillance multiviscérale
Bilan effectué Coproculture Bilan général avec hémocultures TDM abdominal du fait de la gravité
Choc septique Faisant fortement suspecter une perforation digestive
Evolution
Défaillance multiviscérale CIVD Insuffisance rénale anuriqueHypotension réfractaire à l’ascension des
amines Menant au décès en 24h
Résultats bactériologiques
Hémocultures 3 positives à Salmonella typhimurium 1 positive à E. Coli
ECBU: absence de leucocyturie, E. coli à 105/ml
Coproculture: Salmonella typhimurium
Salmonelloses S. typhimurium, S. enteritidis, S. hadar
Contexte de toxi-infections alimentaires communautaires Diarrhée généralement résolutive en 3 à 5 jours
Formes graves : Colites pseudomembraneuses, mégacolon toxique Atteintes extra-coliques : neuroméningées, abcès
spléniques…
Antibiothérapie de référence : Fluoroquinolones ou C3G
Déclaration obligatoire (si TIAC)
Fièvre typhoïde Salmonella typhi et paratyphi Clinique
Fièvre intense avec pouls dissocié Tuphos Diarrhée « jus de melon » Au retour d’Outre-Mer
Symptomatologie colique au second plan Perforation colique et formes hémorragiques
possibles Diagnostic :
Hémocultures et sérologie de Widal Félix Coproculture : beaucoup de faux négatifs
Traitement antibiotique de référence C3G ou Fluoroquinolone
Colites à E. coli entéro-hémorragique ECEH : Principal sérotype 0157:H7
Colites avec syndrome dysentérique classique Evolution favorable, sans ou avec antibiothérapie Colite pseudomembraneuse rare
Contexte épidémique : TIAC ou contamination par l’eau douce Responsable d’épidémies aux USA et en France (Viandes Charal)
Diagnostic bactériologique délicat Non effectué en routine : typage sérotype, vérotoxine…
Apparition après guérison de la colite d’un SHU ECEH : 1ère cause de SHU
Cas clinique n°2 Mlle B, 21 ans Hospitalisée en réanimation pour état de mal
épileptique à 34SA ATCD
Epilepsie essentielle connue depuis l’enfance, difficilement équilibrée sous trétrathérapie et difficulté d’observance
Histoire de la maladie Grossesse malgré les recommandations des
neurologues Majoration des crises (habituellement : 1 à 2j),
aboutissant à un état de mal nécessitant l’administration de thiopental et IOT
Evolution Difficulté à obtenir un tracé de suppression
burst nécessitant la majoration des posologies de thiopental
Décision de césarienne à J2 devant l’évolution neurologique jusque-là défavorable
À J3, diagnostic de pneumopathie précoce attribué à une inhalation, traitée par amox / ac clav pendant 8 jours.
À J15, apparition d’un nouveau syndrome septique avec diarrhée fécale, abondante
CONDUITE A TENIR ?
Bilan Bilan infectieux exhaustif :
Hémocultures +/- avec délai de positivitéPBDP si argumentsECBUFlore fécaleRecherche de toxine de C. difficileRecherche d’une ISO
Bilan général
Toxine de C. difficile positive
Conduite à tenir ?
Clostridium difficile Bacille à Gram positif anaérobie sporulé Pouvoir pathogène dû à deux toxines
Toxine A : entérotoxine Toxine B : cytotoxine
Responsables d’entéropathies exsudatives, sans mécanisme invasif
Souches hypervirulentes : 027 Responsables d’épidémies dans le Nord le France en
2006/2007 Présent dans les selles de 2 à 4% de la
population générale
Infections à C. difficile Epidémiologie :
Première cause de diarrhée nosocomiale Première cause de diarrhée associée aux
antibiotiques : 15-25% Peut atteindre jusq’à 4% des patients hospitalisés en
réa Transmission manuportée :
Main souillées Formes sporulées
Facteurs de risque d’acquisition : Antibiothérapie
Principalement : pénicillines, céphalosporines, clindamycine Mais aussi : quinolones, et même vancomycine
Age >65 ans, laxatifs, antiacides, IPP, épidémie
Infections à C.difficile Formes simples :
plus de 90% des cas diarrhée fécale, sans signes généraux
Colites pseudomembraneuse 7 à 9% des cas Pancolite possible
Mégacolon toxique
Formes septicémiques
Diagnostic Bactériologique : indispensable
Recherche de toxine (A et B) de C. difficile dans les selles
Associé à un mise en culture spécifique Coloscopie : non indispensable
Seulement pour les colites pseudomembraneuses Dans l’attente des résultats bactériologiques En cas de forte suspicion nécessitant un traitement
urgent Ou à visée de diagnostic différentiel
Évaluation de la gravité Place de l’imagerie : TDM +++ Eviter la coloscopie en cas d’atteinte sévère
Aspects thérapeutiques Antibiothérapie :
Métronidazole 500 mg x 3j par voie entérale 7 à 10 jours Voie IV réservée aux syndromes occlusifs
Evolution : Favorable dans 95% des cas Recherche de la toxine en fin de traitement : INUTILE
Le problème : la récidive : jusqu’à 25% des cas Recherche de toxine : INUTILE Retraiter : métronidazole ou vancomycine (1 à 2g/j) Place de l’Ultralevure®, voire des greffes de selles…:
pas de consensus
Précautions d’hygiène et C. difficile Essentiel dans la transmission croisée Précautions « contact » renforcé
Chambre seule Hygiène des mains : LAVAGE SAVON puis SHA Désinfection de la chambre à l’eau de Javel diluée
A n’instaurer qu’en cas de diarrhée Et pas en cas de toxine positive non ou plus
symptomatique A poursuivre jusqu’à 24-48 heures après la fin
de la diarrhée
Colite à Klebsiella oxytoca Bacille à Gram négatif saprophyte de 10% des individus
Principal diagnostic étiologique différentiel en cas de diarrhée/colite associée à une antibiothérapie
Clinique : diarrhée sanglante non pseudomembraneuse, touchant préférentiellement le colon droit
Diagnostic : Coproculture +/- biopsies coliques
Evolution favorable en 48h après l’arrêt de l’antibiothérapie en cause
Traitement à réserver aux formes graves ou persistantes Fluoroquinolones pendant 5 à 7 jours
Entité discutée par certains experts
Colite à K. oxytocaAspect endoscopique
Cas clinique n°3 Monsieur J, 37 ans Patient aplasique
Chimiothérapie d’induction pour LAM3 découverte il y a 2 semaines
Apparition d’une fièvre, avec diarrhée sanglante et douleur abdominale
Evolution rapide vers un sepsis sévère Admission en réanimation
QUEL BILAN DEMANDEZ-VOUS ?
Colite du sujet immunodéprimé Coproculture Examen parasitologique des selles
En précisant « patient immunodéprimé » Coloscopie Discuter une imagerie du fait de la gravité Bilan général
Infectieux Retentissement
Diagnostic évoqué : Colite neutropénique ou typhlite Colite préférentiellement droite Gravité : due aux translocations bactériennes et aux perforations
Rectosigmoïdoscopie Plusieurs lésions ulcérées plus ou moins
hémorragique Réalisation de biopsies systématiques
Corpoculture : Négative Examen parasitologique des selles : Négative Hémocultures : négatives
Instauration d’un traitement probabiliste par CLAFORAN – NETROMYCINE Associé aux mesures de réanimation
Évolution défavorable Apparition à J4 d’une défaillance multiviscérale avec
persistance d’une diarrhée sanglante Malgré le traitement antibiotique probabiliste Biopsies coliques : colite ulcérée non spécifique
Réalisation d’un scanner abdominal : Pancolite diffuse sans argument pour une perforation
Elargissement de l’antibiothérapie
Majoration progressive de la rectorragie Décision de la laparotomie exploratrice Réalisation d’une colectomie totale d’hémostase Examen anatomopathologique systématique
Réponse de l’histologie
Colite à CMV Après relecture des biopsies : arguments pour une
colite à CMV présents dès ce stade
Instauration d’un traitement par ganciclovir
Évolution lentement favorable
Colites à Cytomegalovirus
Terrain et facteurs favorisants : Immunodépression : chimiothérapie, aplasie, HIV… MICI : Crohn, RCH… Hospitalisation en réanimation
Cliniquement : non spécifique Diarrhée aqueuse Rectorragie Tableau chirurgicaux d’emblée décrits Retentissement général important
Coloscopie : pour les biopsies Lésions non spécifiques : inflammation, lésions ulcèrée +/-
hémorragique, pseudomembranes…
Examens sanguins : antigènemie CMV(+++), charge virale CMV, sérologie CMV, sérologie HIV
Cultures virales des biopsies examen de référence, mais résultats tardifs
Histologie : EXAMEN CLEF Diagnostic parfois très difficile avec les MICI Mise en évidence de l’effet cytopathogène du CMV : inclusion
nucléaire en « œil de hibou » : pathognomonique Recours nécessaire à des techniques d’immuno-histologie pour
sensibiliser l’examen
Colites à Cytomegalovirus
Infections à CMVAspects histologiques
Inclusions nucléaires en « œil de hibou »
Colites à Cytomegalovirus Aspects thérapeutiques
Ganciclovir : 5mg/kg/12h IVL Pendant 21 jours Alternative : Foscarnet
Evolution : Favorable sous traitement Défavorable en cas de diagnostic étiologique méconnu : récidive
sur les segments digestifs restants.
Entité voisine : Colite à HSV Moins fréquente, caractéristiques clinico-biologiques
relativement identiques
Colite de l’immunodéprimé
Facteur de risque et de gravité de toute colite bactérienne, virale ou parasitaire
Particularité microbiologiques : CMV, HSV Mycobactéries atypiques Mucormycoses Cryptosporidium, Microsporidium, Cyclospora
Pneumocystis jiroveci…
Diagnostic différentiel MICI
Compliquée de surinfection à CMV ou HSV… Diagnostic parfois difficile
Colite ischémique : Principal diagnostic en réanimation Contexte de rectorragie survenant au cours d’une
instabilité hémodynamique majeure ou polongée Chez un patient volontiers vasculaire ou présentant
des facteurs de risque Autres :
Collagénoses et vascularites Médicamenteuses et toxiques Idiopathique
Conclusion Gravité des colites dépend
De l’atteinte colique Du retentissement général
Bilan étiologique dépend du contexte clinique et du terrain
En réanimation Rechercher systématiquement C. difficile Evoquer K. oxytoca et cytomegalovirus Sans oublier d’éliminer la colite ischémique
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