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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
a n a l y s e
Rapport CCE/CNT sur l’emploi et le coût salarial
On trouvera ci-après le texte intégral du Rapport
sur l’évolution de l’emploi et du coût salarial en Belgique et dans les Etats membres de référence(1)
émis par le Conseil central de l’économie et le Conseil national du travail lors de leur séance
plénière commune du 5 mars 1998. Seuls les intertitres sont de la rédaction de la Lettre mensuelle
socio-économique.
*
La loi du 26 juillet 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la
compétitivité prescrit, en son article quatre, que «Deux fois par an, le Conseil central de
l’économie et le Conseil national du travail émettent, pour le 31 janvier et le 31 juillet, un
rapport commun sur l’évolution de l’emploi et du coût salarial en Belgique et dans les Etats
membres de référence. Ce rapport comporte également une analyse de la politique en matière
de salaires et d’emploi des Etats membres de référence, ainsi que des facteurs de nature à
expliquer une évolution divergente par rapport à la Belgique. Il est également fait rapport sur
les aspects structurels de la compétitivité et de l’emploi, notamment quant à la structure
sectorielle des investissements nationaux et étrangers, aux dépenses en recherche et
développement, aux parts de marché, à l’orientation géographique des exportations, à la
structure de l’économie, aux processus d’innovation, aux structures de financement de l’économie,
aux déterminants de la productivité, aux structures de formation et d’éducation, aux modifications
dans l’organisation et le développement des entreprises. Le cas échéant, des suggestions sont
formulées en vue d’apporter des améliorations». Le présent document constitue le premier
rapport de 1998.
Un processus continu et évolutif
Comme rappelé dans la dernière version, la démarche des partenaires sociaux engagée depuis
août 1996 s’inscrit dans un processus continu et évolutif, dans lequel ils s’efforcent, au fil des
rapports, d’aborder les multiples déterminants des évolutions dans les domaines des salaires et
de l’emploi ainsi que des mesures prises en la matière dans les Etats membres de référence.
Ainsi, diverses études ont été menées tendant à affiner la perception des tenants et des
aboutissants des évolutions en cours et des traits marquants caractérisant les dynamiques
respectives des quatre pays sous revue.
Le document est divisé en deux grandes parties et annexes.
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(1) Ce document porte le numéro de référence CCE 1998/200. Il peut être obtenu au Centre de documentation du Conseil.
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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
En première partie, les Conseils, s’étant accordés sur la nécessité de relever le taux d’activité
afin de combattre le chômage, explorent - tout en se gardant de tout mimétisme - diverses pistes
dans cette optique. Outre la nécessité de prendre des mesures afin de tirer un avantage maximum
de la dynamique de croissance internationale et de renforcer la demande intérieure par
l’activation de ses divers déterminants afin de générer une croissance économique durablement
plus vigoureuse, l’importance de l’assise économique, de la productivité, de la formation et de
la redistribution du travail individuelle et collective est soulignée, la croissance seule étant
insuffisante pour générer une création nette d’emplois remédiant à la sous-utilisation chronique
de l’offre de travail.
Pour améliorer la réaction de l’emploi et du chômage aux politiques macroéconomiques et à la
conjoncture, il importe en effet de consolider - notamment par la promotion des investissements
étrangers, la mise en place d’un cadre réglementaire approprié et une élévation du niveau de
formation - les pôles d’emploi de manière à y déclencher une dynamique autonome de l’emploi.
De manière complémentaire à ce renforcement des effets de seuil, les Conseils s’attachent aussi
à montrer qu’une évolution des coûts salariaux favorable à l’emploi peut être favorisée par une
négociation responsable des salaires, un abaissement des charges patronales et une meilleure
distribution de la pression fiscale entre les facteurs de production. Certains dispositifs incitant
à la redistribution du travail peuvent, dans certaines conditions, constituer des modalités
complémentaires de politique de l’emploi parmi les moins coûteuses. Par le biais d’une
approche concomitante au niveau offre et demande, une politique ciblée de promotion des
services de proximité peut également transformer la croissance en davantage d’emplois pour
les non-qualifiés.
Enfin, diverses simulations d’enrichissement du contenu en emplois de la croissance soulevant
la question du financement du coût des dispositifs testés, les Conseils rappellent que diverses
manières de compenser la baisse des recettes de la Sécurité sociale sont envisageables.
Cette première partie comporte ensuite quatre études sur l’expérience des Pays-Bas, la fiscalité
des entreprises, le marché belge du travail, la réduction du temps de travail et les réductions de
cotisations sociales. Ces analyses, réalisées sous la responsabilité du secrétariat du Conseil
central de l’économie, ont pour but d’éclairer les déterminants des évolutions dans les domaines
des salaires et de l’emploi ainsi que les mesures prises en la matière dans les pays voisins.
Considérations sur l’emploi
La seconde partie comprend d’une part des considérations quant à l’évolution de l’emploi en
Belgique entre 1993 et 1996 et au cours du premier semestre 1997.
Les partenaires sociaux se sont appuyés à cet effet sur les estimations chiffrées qui ont été
établies en collaboration étroite avec l’Office national de la sécurité sociale, l’Office national
de l’emploi et la Banque-carrefour de la sécurité sociale et qu’ils recommandent à titre de
référence la plus fiable aux instances acteurs ou observateurs de la politique de l’emploi.
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D’autre part, dans cette partie, les Conseils abordent trois thèmes d’actualité pour lesquels ils
mettent en parallèle la situation en Belgique avec celle du ou des pays régulièrement cités en
exemples des politiques mises en œuvre c’est-à-dire la formation en alternance en Allemagne,
le travail à temps partiel aux Pays-Bas et la réduction du temps de travail en termes de
redistribution du travail disponible en France et en Allemagne.
Chacun des thèmes est replacé dans les contextes spécifiques des pays de référence et leur
perspective historique. Ils estiment en effet qu’il y a lieu, outre les conditions de la conjoncture
économique, de tenir aussi compte des stratégies développées par les gouvernements, de
l’apport éventuel des partenaires sociaux et des dispositions juridiques qui sont prises pour en
assurer la concrétisation.
Cet exercice a permis aux Conseils de constater que les mesures adoptées dans les trois pays de
référence ne peuvent être simplement transposées en Belgique. C’est le cas pour la formation
en alternance en Allemagne où la structure de l’enseignement et son articulation entre autres par
rapport au paysage institutionnel de tradition plus ancienne de même que la contexture de son
marché du travail sont différentes de ce que connaît la Belgique. En revanche, il est clair que
des efforts doivent être fournis ici pour faire face aux faiblesses qui caractérisent la demande
par rapport à l’offre en emplois de qualification technique. Sous cet angle, l’Allemagne peut être
un exemple pour notre pays et pour tous les acteurs concernés quant à la place qu’occupent les
formations organisées à cet égard, leur valorisation dans l’aménagement de passerelles dans le
cursus scolaire et l’accompagnement des jeunes qui choisissent ces filières.
Pour le travail à temps partiel et dès lors que cette forme d’emploi est promue comme mesure
de redistribution du travail disponible, c’est la cohérence des politiques menées aux Pays-Bas
qui peut être mise en exergue pour guider les décideurs politiques belges.
La continuité des politiques mises en place doit également être évoquée à propos de la réduction
de la durée du temps de travail, les dispositifs existants en Belgique étant disparates et la
législation n’y étant pas nécessairement adaptée.
Dans les annexes, on trouvera les détails des études effectuées par le Conseil national du travail,
dont les partenaires sociaux souhaitent prolonger la réflexion au sein de cette enceinte tant en
ce qui concerne la promotion de l’insertion professionnelle des jeunes, le travail à temps partiel
que la réduction de la durée du temps de travail.
Dans le cadre de la déclaration commune des partenaires sociaux fédéraux
La présente démarche s’inscrit dans le cadre de la Déclaration commune des partenaires sociaux
fédéraux en date du 30 septembre 1997, laquelle stipule que :
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“1. Pour les partenaires sociaux, la promotion de l’emploi doit être l’objectif central de la
politique et de la concertation sociale. Pour des raisons tant sociales qu’économiques, il
s’agit là d’un impératif. L’emploi est l’arme la plus efficace contre l’exclusion sociale. Plus
d’emploi est la meilleure garantie pour la défense de la sécurité sociale. Une plus grande
offre de travail sur le plan tant quantitatif que qualitatif est un atout pour notre pays au sein
de l’Union économique et monétaire européenne. Les partenaires sociaux considèrent
qu’une croissance de l’emploi plus forte est un enjeu prioritaire, et ils entendent y contribuer.
“2. La promotion de l’emploi exige d’unir toutes les forces. C’est pourquoi il est important que
les niveaux européen, fédéral et régional cherchent à atteindre le même objectif dans un
cadre de complémentarité. Les partenaires sociaux fédéraux apprécient l’apport précieux de
la concertation à l’échelle régionale. Pour ce qui est de l’Europe, ils insistent sur le rôle
moteur de la Belgique au Sommet sur l’emploi de Luxembourg avec une attention
particulière pour des options politiques visant à soutenir une croissance économique durable
et une harmonisation fiscale favorisant l’activité économique et l’emploi. Ce sommet
devrait pouvoir aboutir à la fixation d’objectifs quantifiables.
“3. La grande concertation socio-économique envisagée par le gouvernement fédéral et dont
l’objectif central sera l’emploi, doit viser :
- une approche totale et un programme global, visant le renforcement aussi bien de l’assise
économique que de l’intensité en emploi de l’activité économique;
- des mesures importantes, particulièrement dans le domaine de l’abaissement des coûts
salariaux et de la redistribution du travail comme développé au point 1.
Cette concertation doit déboucher sur la fixation d’objectifs quantifiables dans le prolongement
du Sommet européen et ce en coordination avec la concertation régionale. Pour que la
concertation réussisse, il faut que les partenaires sociaux y soient associés dès le départ.
“4. Les partenaires sociaux sont conscients que cette concertation ne pourra aboutir que si une
réponse consensuelle peut être trouvée à deux questions incontournables.
- un important abaissement des charges dans le cadre d’un programme pluriannuel afin de
réaliser l’alignement annoncé des cotisations sur la moyenne des pays voisins, soulève
la question de la compensation de la baisse des recettes de sécurité sociale, par une
augmentation de l’emploi et un financement alternatif. De même, un renforcement de
l’efficacité de la sécurité sociale et l’affectation d’une partie des marges budgétaires
libérées dans le cadre du plan de convergence sont d’autres moyens de compensation;
- un important abaissement des charges soulève la question d’une forte impulsion de la
redistribution du travail individuelle et collective.
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“5. Une politique d’emploi performante doit, dans ses aspects qui concernent les conditions de
travail, être soutenue et prolongée par des conventions collectives de travail au niveau du
secteur ou de l’entreprise. Les partenaires sociaux soulignent à ce propos l’apport précieux
de nombreuses CCT 1997-98, lesquelles s’appuient dans certains secteurs sur une contribution
majeure de la part des fonds de sécurité d’existence. Pour les partenaires sociaux, le respect
de ces CCT est essentiel. Ils insistent pour que le gouvernement souscrive à cette approche.
“6. Certains dossiers en suspens touchent des thèmes de concertation interprofessionnelle ou
sectorielle, comme le statut du travailleur à temps partiel, la réduction de cotisations pour
la redistribution du travail, l’activation des allocations de chômage et plus généralement le
problème des services de proximité, la réglementation des heures supplémentaires, le travail
saisonnier et occasionnel, la simplification administrative. Il s’agit de thèmes qui doivent
faire l’objet de concertations à court terme.
“7. Les partenaires sociaux rappellent par ailleurs leur avis unanime en matière de développement
de la gestion globale de la sécurité sociale et leur point de vue unanime relatif aux mesures
structurelles en matière de soins de santé. Les partenaires sociaux rappellent également leur
demande commune en ce qui concerne le mise en œuvre du volet 1998 de l’engagement
gouvernemental en matière de financement du pécule de vacances des ouvriers. ”
Dynamique d’emploi et dynamique économique
En préparation au rapport de janvier du Conseil central de l’économie et du Conseil national du
travail sur l’évolution de l’emploi et du coût salarial en Belgique et dans les Etats membres de
référence, le secrétariat du Conseil central de l’économie a effectué, sous sa propre responsabilité,
diverses études susceptibles de mettre en lumière les déterminants des évolutions dans les
domaines des salaires et de l’emploi ainsi que les mesures prises en la matière dans les pays
voisins.
Ci-dessous figure un aperçu des principaux éléments mis en exergue dans les études du
secrétariat.
Une création nette d’emplois et un taux d’activité insuffisants
On peut déduire de l’analyse de l’évolution du marché du travail belge depuis 1953 que le
chômage est et restera à terme un problème préoccupant. Etant donné les évolutions
démographiques escomptées pour les années à venir, il est nécessaire de relever le taux
d’activité.
Le marché du travail belge se caractérise par un taux d’activité féminine croissant et par un taux
d’activité structurellement en baisse chez les hommes. La baisse du taux d’activité des hommes
a été plus que compensée par l’accroissement de l’activité féminine de sorte que le taux
d’activité total a constamment progressé (pour se chiffrer à 65 % environ). Toutefois, sous un
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angle international, ce taux d’activité demeure bas : par comparaison aux trois pays de référence,
le taux de participation est inférieur d’environ 5 points de pour-cent.
Ceci s’explique essentiellement par l’arrivée tardive et le départ hâtif des travailleurs sur le
marché du travail : la vie active se concentre en Belgique entre 25 et 54 ans. Les groupes de
population plus jeunes connaissent un taux d’activité en baisse en raison des caractéristiques du
système d’enseignement. Par ailleurs, un recul marqué du taux d’activité se manifeste dans les
classes d’âge de 55 ans et plus, en particulier au niveau des hommes, et ce en grande partie en
raison des systèmes de désengagement dans les entreprises en difficulté ou en restructuration.
On peut signaler que des tendances comparables se dessinent en matière de taux d’emploi,
même si l’évolution au fil des décennies montre que l’emploi connaît cependant une hausse
structurelle à long terme.
De ceci il ressort que, dans notre pays, le travail a fait l’objet d’une redistribution entre les
différentes catégories d’âge.
De l’importance de la croissance économique dans la lutte contre le chômage
La sous-utilisation chronique de l’offre de travail ne peut être résolue que par la création nette
d’emplois, laquelle ne peut se réaliser à son tour que par le biais d’une croissance durablement
plus vigoureuse.
L’effet de la croissance sur l’emploi est, par ailleurs, en relation directe avec la vigueur de ladite
croissance : plus celle-ci est importante, plus elle crée de l’emploi. De surcroît, la réduction du
chômage de longue durée s’accélère dans un contexte de haute conjoncture, bien qu’elle doive
être complétée par des mesures structurelles.
On peut déduire d’études du Bureau fédéral du Plan que le seuil de croissance neutre en matière
d’emploi - la croissance minimale nécessaire pour stabiliser l’emploi - présente, depuis le début
des années ‘70, une tendance baissière. Mais, la croissance économique ayant simultanément
fléchi, l’accroissement marqué de l’intensité de travail de la croissance n’a néanmoins pas
permis une création d’emplois suffisante.
La question se pose dès lors de savoir comment renforcer la croissance économique.
Tirer avantage de la dynamique économique étrangère
Partant de la constatation que, grâce à l’importance des exportations dans notre PNB, la
croissance de nos partenaires commerciaux a un effet multiplicateur substantiel sur notre propre
expansion économique, il convient en premier lieu de dès lors tout mettre en œuvre afin de tirer
un avantage maximum de la dynamique de croissance internationale.
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Renforcer la demande intérieure
On relève également que, pour avoir un effet optimal, la dynamique de croissance externe doit
cependant être renforcée par le relèvement de la demande intérieure. Sur ce plan, plusieurs
leviers doivent être activés : la consommation privée, l’investissement des particuliers,
l’investissement des entreprises et l’investissement public.
L’évolution de la consommation privée, dans laquelle la part des revenus du travail demeure
prépondérante, est clairement liée à celles du revenu disponible et du taux d’épargne.
En ce qui concerne le taux d’épargne, il est frappant de constater que celui-ci s’établit à un
niveau supérieur durant les périodes de recul économique, ce qui peut avoir bien entendu pour
effet d’intensifier, de manière cumulative, le ralentissement initial de la croissance. Une forte
propension à l’épargne peut, autrement dit, avoir pour effet de freiner à court terme la croissance
économique. Parallèlement, on a aussi constaté que la contraction du déficit public a entraîné
une baisse du taux d’épargne.
En ce qui concerne par ailleurs le revenu disponible, on sait que celui-ci apporte une
contribution déterminante à la demande intérieure et à la dynamique économique. Ce n’est
toutefois que lorsqu’elle est suscitée par une augmentation de l’emploi qu’une hausse du revenu
disponible sort son plein effet. En effet, lorsque l’emploi s’améliore et que le déséquilibre du
marché du travail s’estompe, le regain de confiance qui s’installe induit une baisse du taux
d’épargne qui s’ajoute à l’effet “mécanique” de l’élargissement du revenu disponible.
Une profitabilité suffisante des entreprises est une autre condition d’une dynamique plus vive
de la demande intérieure. A cet égard, plus le surplus d’exploitation est élevé, plus la marge
disponible pour l’investissement est importante. La concrétisation de ces investissements est
cependant, à son tour, largement déterminée par les perspectives de la demande externe et
interne et, donc, également par l’évolution du revenu disponible. En conclusion, il est permis
de dire que pour atteindre une croissance optimale, la politique économique doit développer
l’investissement des entreprises, améliorer le pouvoir d’achat, renforcer la capacité concurrentielle
et raffermir la rentabilité des entreprises.
Enfin, des marges budgétaires significatives obtenues grâce à un déficit budgétaire inférieur aux
objectifs du Plan de convergence rendent par ailleurs possible le libre jeu des stabilisateurs
économiques lequel, comme l’a montré l’expérience des Pays-Bas lors de la dernière récession,
peut cependant contribuer substantiellement, lui aussi, à de meilleurs résultats économiques.
La croissance seule n’est toutefois pas suffisante pour générer une création nette d’emplois à
même de porter remède à la sous-utilisation chronique de l’offre de travail. Une assise
économique insuffisante, une allocation des gains de productivité, une formation et une
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redistribution du travail individuelle et collective inadéquates amoindrissent en effet la réaction
de l’emploi et du chômage aux politiques macroéconomiques et à la conjoncture.
De l’assise économique
Le comportement des “pôles d’emploi” dans la dynamique de l’emploi tel qu’il ressort de
l’analyse des données statistiques est à cet égard révélateur.
Les pôles d’emploi en développement sont caractérisés par une création nette d’emplois
structurellement positive qui doit être mise en relation avec la dynamique de création
d’entreprises. Dans ces pôles, les taux de chômage convergent au fil des reprises économiques
vers les niveaux atteints au début des années ‘70. Une variation conjoncturelle des pertes brutes
d’emploi explique les fluctuations du chômage.
En revanche, les pôles d’emploi en régression connaissent un chômage persistant car les flux
bruts de création d’emplois comme la dynamique de création d’entreprises y sont trop faibles
pour compenser les destructions d’emplois liées à la conjoncture. On y assiste donc
structurellement à une destruction nette d’emplois et à un repli sur les secteurs en déclin qui
irriguaient auparavant le pôle d’emploi, ce qui conduit à des taux de chômage de plus en plus
élevés à chaque repli conjoncturel.
La dévaluation de 1982 et la reprise conjoncturelle à partir de 1986 ont ainsi conduit à une
accélération importante de la création nette d’emplois autour des pôles dynamiques; en
revanche, les pôles d’emploi en régression n’ont réagi que tardivement et de manière moins
ample à la conjoncture.
Tout ceci met en évidence la nécessité d’un renforcement de la durabilité de la croissance,
soulignant à son tour le besoin impérieux, évoqué dans la Déclaration commune des partenaires
sociaux fédéraux de septembre 1997, d’une coordination des politiques à tous les niveaux de
manière à atteindre, selon des modalités spécifiques, un objectif commun dans un cadre de
complémentarité.
Les effets de seuils
Dans le modèle économique actuel se réalise un flux constant d’innovations d’une importance
toujours plus décisive pour le développement économique et l’emploi. Dans le modèle
d’innovation “interactif”, les groupements de coopération occupent une position centrale entre
les entreprises de petite taille ou décentralisées et les “clusters”.
Ce n’est que lorsque le seuil minimal en termes de nombres d’entreprises et de diversité
d’entreprises formant un réseau cohérent - autour d’une gamme de produits, d’une ressource
naturelle, de la disponibilité d’une infrastructure intellectuelle ou physique permettant des
contacts nombreux entre les chercheurs, les producteurs, les utilisateurs, les distributeurs, les
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acheteurs - est atteint que cette dynamique autonome du pôle d’emploi peut se produire. A cet
égard, il importe d’accorder une attention particulière aux petites entreprises qui sont organisées
en réseaux horizontaux. Dans ce contexte, il importe notamment de veiller à une diffusion aussi
rapide et efficace que possible des innovations vers les PME.
A cet égard, nous pouvons constater que les entreprises industrielles et les entreprises de
services se développent de plus en plus en symbiose : les nouveaux types d’entreprises de
services se déploient surtout dans les régions où il est également question d’une importante
activité industrielle.
Nécessité de renforcer les effets de seuil
Un canal important permettant de disposer rapidement de nouvelles connaissances consiste à
attirer des investissements étrangers. Ces investissements apportent la connaissance des
nouvelles technologies, des formes d’organisation, etc.
Le renforcement des effets de seuil passe également par un effort soutenu pour accroître le
niveau d’éducation. Il ressort en effet des données statistiques que les sous-secteurs dans
lesquels la part des travailleurs hautement qualifiés est supérieure à 15 % apportent une
contribution positive à la croissance de l’emploi et que le taux d’emploi augmente avec le niveau
de formation. Les travailleurs hautement qualifiés peuvent également dégager un effet
d’entraînement au profit des personnes moins formées.
Le taux total d’emploi n’est que de 19% dans le cas des travailleurs peu qualifiés contre 75%
du côté de tous les travailleurs plus qualifiés. Par ailleurs, on constate que le nombre de
demandeurs d’emploi indemnisés comprend plus de 60 % de personnes dont le niveau de
formation est peu élevé et dont les perspectives d’insertion (ou de réinsertion) sur le marché du
travail sont faibles.
A cet égard, on peut mentionner “l’effet d’éviction ” : la redistribution du travail disponible au
détriment des travailleurs peu qualifiés. On est en effet de plus en plus confronté sur le marché
du travail au phénomène de l’occupation par des travailleurs qualifiés d’emplois destinés
intrinsèquement aux travailleurs peu qualifiés. Le fait que le chômage des travailleurs hautement
qualifiés n’est pas plus élevé, même dans les arrondissements touchés par un chômage élevé en
moyenne, constitue un indicateur à cet égard. Il convient en outre de remarquer que les dépenses
totales en formation dans les entreprises belges sont relativement faibles et en deçà du niveau
moyen dans les pays voisins.
L’existence - y compris au niveau du marché du travail - d’un cadre réglementaire approprié,
clair, simple et fiable constitue une condition nécessaire pour la stimulation de l’esprit
d’entreprise et le renforcement de la capacité des entreprises - quelle que soit leur taille - à
s’adapter. Les conditions doivent être créées, par une négociation au niveau approprié, en vue
d’aboutir à une organisation du travail efficiente, un équilibre entre flexibilité et emploi et une
plus grande création d’emplois, et ce, sans surcoût administratif et organisationnel.
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De la productivité macroéconomique
Transformer la croissance en emplois dépend non seulement de l’assise économique, mais
également de la productivité.
La notion de “ croissance de la productivité ” peut avoir une connotation différente en fonction
de la situation sur le marché du travail.
Durant une période de boom comme celle de l’après-guerre - caractérisée par un contexte de
forte croissance concomitant au plein-emploi - une forte hausse de la productivité du travail
peut, sans ambiguïté, être considérée comme positive, puisqu’elle implique un accroissement
spectaculaire de la prospérité par habitant sans conséquence négative pour le marché du travail.
La croissance de la productivité devient par contre problématique lorsqu’il y a déséquilibre sur
le marché du travail : il faut, dans ce cas, procéder à un arbitrage délicat.
On note toutefois que, depuis le milieu des années ‘70, l’augmentation de la productivité ralentit
en Belgique. Il convient de s’interroger sur les raisons de cette évolution.
Une des explications du ralentissement de la croissance de la productivité macroéconomique
à partir de la seconde moitié des années ‘70 réside dans les glissements massifs de l’emploi des
secteurs industriels vers les secteurs des services où la productivité du travail est structurellement
moins élevée, notamment en raison de la pression concurrentielle plus faible et de l’informatisation
tardive.
La tertiairisation de l’économie découle de la prospérité croissante du pays. Plus l’économie est
riche et plus la demande de services augmente. Le développement de la sous-traitance et le
travail intérimaire constituent une autre source d’explication.
Ceci amène la réflexion au cœur de la problématique emploi et évolution des salaires par rapport
au coût des autres facteurs de production.
Il faut rappeler à cet égard que les équilibres macroéconomiques conditionnent la formation des
coûts salariaux. Dans ce cadre, une évolution des coûts salariaux favorable à l’emploi et freinant
la substitution du capital au travail peut être favorisée par une négociation responsable des
salaires, un abaissement des charges patronales et une meilleure distribution de la pression
fiscale entre les facteurs de production travail et capital. Les marges disponibles pour mener une
telle politique pourraient être élargies si des avancées étaient réalisées en matière d’harmonisation
fiscale au niveau européen. Ceci permettrait de développer simultanément l’emploi, la
compétitivité, la rentabilité des entreprises et le revenu des ménages.
Dans le même d’ordre d’idées, toute politique de redistribution du travail dont l’effet serait un
accroissement du coût des entreprises (coût salarial et surcoûts administratifs éventuels) les
conduisant à rechercher des gains de productivité apparente supplémentaires en vue de
préserver leur compétitivité, réduirait les effets bénéfiques sur l’emploi de cette politique.
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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
En vue de concrétiser l’effet sur l’emploi d’une redistribution du travail, la question a été posée
de la mise en place d’un cadre de négociation élargi éventuellement par une aide financière des
pouvoirs publics et une organisation plus souple de l’appareil de production qui accroîtrait la
rentabilité des entreprises.
A cet égard, la question a également été posée de l’impact sur l’emploi de la norme définie en
vertu de la loi de sauvegarde préventive de la compétitivité.
On relève à cet égard que les Pays-Bas ont mis en œuvre une politique prolongée de maîtrise
des salaires visant à freiner la substitution du capital au travail. Si un nombre significatif
d’emplois non-qualifiés ont été préservés dans ce contexte, il importe de noter que cette
politique a été accompagnée, d’une part, d’une série de mesures destinées à en amortir l’impact
sur le pouvoir d’achat et l’activité économique et, d’autre part, d’une politique de développement
du travail à temps partiel. Il convient également de ne pas perdre de vue que leur politique
prolongée de maîtrise des salaires a été initialisée isolément par les Pays-Bas.
De la redistribution du travail
L’analyse des séries temporelles tend à montrer que, dans la période 1960-1974, la croissance
de la productivité a permis une création nette d’emplois en réduisant le temps de travail effectif.
Durant cette période de forte croissance économique et de gains de productivité, le partage des
fruits de la croissance de la productivité s’est fait en partie via une réduction du temps de travail
et via une hausse des coûts salariaux.
A partir de 1974, alors que le rythme de la croissance économique et de la productivité
s’affaiblit, la réduction du temps de travail se réduit et le développement du temps partiel
s’amorce. Au cours des années ‘80 où le rythme de croissance de la productivité se stabilise à
un niveau relativement faible, la réduction du temps de travail s’interrompt et surtout le
développement du temps partiel contribue encore à la redistribution du volume de travail.
Autrement dit, l’intensité de la croissance en emploi dépend de l’interaction qui s’établit entre
le niveau de la croissance, l’évolution des gains de productivité et la manière dont se distribue
le travail. Toute politique de lutte contre le chômage et de promotion de l’emploi via une
redistribution du travail doit dès lors tenir compte des divers paramètres de ce rapport.
La semaine de quatre jours, une réduction du temps de travail et/ou le développement du travail
à temps partiel visant la compression du chômage ne peuvent s’appuyer que sur un volume de
travail homogène pouvant aisément faire l’objet d’une redistribution. De même, ces politiques
doivent veiller - notamment grâce à des formations adéquates et/ou à une réorganisation
qualitative des tâches - à ce que les embauches compensatoires à opérer ne rencontrent, à aucun
des divers niveaux de qualification concernés, une pénurie de main-d’œuvre significative : toute
tension salariale qui en découlerait pèserait ici aussi sur les effets positifs sur l’emploi des
politiques concernées.
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Des expériences menées à l’étranger en matière de réduction du temps de travail, il semble
permis de conclure que la formule la plus efficace est d’intégrer celle-ci dans un dispositif,
sectoriel ou interprofessionnel, d’encadrement incitatif adéquat sans que cette politique ne
doive consister en une mesure généralisée et obligatoire.
A cet égard, on constate qu’en France, diverses mesures ont été prises en vue de favoriser un
processus négocié de réduction du temps de travail dans un cadre législatif contraignant. Des
analyses économétriques réalisées en Belgique et en France tendent à mettre en évidence que
ces dispositifs constituent des modalités de politique de l’emploi parmi les moins coûteuses.
Certaines études réalisées sur l’Allemagne et les Pays-Bas tendent à montrer que d’autres
mesures peuvent également aussi efficacement stimuler l’emploi.
Il n’en reste pas moins que toute politique incitant à la réduction du temps de travail par le biais
d’un abaissement des charges patronales représente un coût pour les finances publiques.
Il importe aussi de signaler ici que les diverses simulations en matière de réduction du temps
de travail font l’impasse sur le désir des travailleurs d’opérer un choix entre revenu et temps
libéré favorable à ce dernier, ainsi que sur l’usage qu’en feraient les travailleurs bénéficiant
d’une réduction significative de leur temps de travail. Or on a tout lieu de croire que la réponse
à cette seconde question est importante pour évaluer l’impact d’une réduction du temps de
travail et interpréter les résultats de son bouclage macroéconomique. Selon l’usage que les
travailleurs bénéficiant d’une réduction de la durée du travail font de leur temps libéré, il paraît
assez évident que l’effet sur l’emploi d’une même réduction du temps de travail sera sensiblement
différent.
La promotion des services de proximité
Une autre piste pour transformer la croissance économique en davantage d’emplois est de
développer systématiquement les secteurs des services de proximité. Les activités de ces
secteurs répondent à un certain nombre de besoins sociaux qui, actuellement, ne sont pas ou
insuffisamment rencontrés. Ils sont très intensifs en travail et constituent, à condition que soit
fourni un effort de formation adéquat, une perspective d’insertion pour les personnes peu
qualifiées.
Pour amener ces secteurs à un développement dynamique, une approche concomitante au
niveau de l’offre et de la demande est nécessaire. Du côté de la demande, il importe que les
pouvoirs publics réduisent les prix du marché en prenant, sous l’une ou l’autre forme, une partie
du coût total à leur charge. De son côté, l’offre devrait être restructurée de manière à orienter
les réserves de main-d’œuvre existantes vers des entreprises et des initiatives qui jouent sur des
prestations de services locales et personnelles.
L’importance du coût d’une telle opération pour les finances publiques dépend de la mesure
dans laquelle les initiatives réussissent à déboucher effectivement sur de nouvelles formes de
services. En vue d’éviter des distorsions de concurrence préjudiciables à l’emploi existant, il
32
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
importe d’ailleurs de veiller - comme cela a été fait aux Pays-Bas et en France avec la “ loi
relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes ” - à ce que le secteur des
services de proximité ne se développe pas dans des créneaux d’activités occupés par les secteurs
privé et public. Dans cette optique, les commissions paritaires concernées doivent pouvoir jouer
leur rôle en matière de délimitation des activités autorisées, d’élaboration du statut des
travailleurs concernés et de développements ultérieurs desdites activités.
La question du financement
Des politiques efficaces d’enrichissement du contenu en emplois de la croissance permettent à
l’Etat de bénéficier à terme de rentrées fiscales supplémentaires, ce qui appelle des transferts
de recettes du budget de l’Etat vers celui de la Sécurité sociale. Les diverses simulations
réalisées en la matière mettent cependant en évidence un coût ex ante plus ou moins important
selon les dispositifs testés, lequel soulève complémentairement la question des modes de
financement alternatifs de la Sécurité sociale. Ces modes de financement ayant tous un coût en
termes d’emploi, il importe donc de minimiser celui-ci. Le Bureau fédéral du Plan a, à la
demande du Conseil central de l’économie, réalisé un certain nombre de variantes de modalités
de financement alternatif. Celles-ci sont reprises par le Conseil national dans son rapport n° 51
sur le niveau des cotisations sociales du 29 janvier 1998.
Par ailleurs, comme les partenaires sociaux fédéraux l’ont mentionné dans leur déclaration
commune de septembre 1997, d’autres manières de compenser la baisse des recettes de Sécurité
sociale sont l’affectation d’une partie des marges budgétaires libérées dans le cadre du plan de
convergence et un renforcement de l’efficacité de la Sécurité sociale elle-même, lesquelles
peuvent être combinées avec un financement alternatif.
Dynamique d’emploi et politique de l’emploi
Sur ce point, les Conseils ont émis des considérations quant à l’évolution de l’emploi en
Belgique entre 1993 et 1996 et au cours du premier semestre de 1997. Au cours des travaux
menés dans le cadre de l’élaboration du présent rapport, les Conseils ont rassemblé des données
statistiques en vue de se faire une idée de l’évolution de l’emploi entre 1993 et 1996.
Ces données concernent, d’une part, le nombre total de travailleurs assujettis à l’Office national
de sécurité sociale (ONSS), répartis selon les régions du pays (tableau 1 ci-après) et d’autre part,
le nombre de personnes occupées à temps plein et à temps partiel, réparties selon le sexe et les
grands secteurs d’activité (tableau 2 ci-après).
Par ailleurs, les Conseils ont pu prendre connaissance - et ce pour la quatrième fois - des
estimations chiffrées relatives à l’emploi, établies par l’ONSS en collaboration avec la Banque-
carrefour de la sécurité sociale et l’Office national de l’Emploi, sous la direction des
Administrateurs généraux de ces institutions.
33
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
Les «estimations rapides de l’emploi» dont les Conseils disposent pour l’instant portent sur les
troisième et quatrième trimestres de 1996 ainsi que sur les deux premiers trimestres de 1997.
Il convient de rappeler que ces statistiques ne peuvent être comparées aux statistiques que
l’ONSS publie habituellement.
A noter que lorsque les données afférentes au troisième trimestre de 1997 seront disponibles,
il sera possible d’exploiter ces statistiques et d’en dégager des tendances quant à l’évolution de
l’emploi pendant un trimestre déterminé par rapport au même trimestre de l’année précédente.
Un aperçu comparatif succinct des chiffres globaux de l’emploi est donné ci-après pour les
trimestres déjà disponibles (tableau 3 ci-après). Des données plus détaillées concernant
l’emploi pendant le deuxième trimestre de 1997 sont également fournies (cf. annexe).
Ces tableaux doivent cependant être interprétés avec prudence. En effet, il faut tenir compte
d’influences saisonnières propres au marché du travail et avoir également présent à l’esprit
qu’au moment où les «estimations rapides» les plus récentes sont établies, certaines informations
font défaut, d’où une relative incertitude en ce qui concerne la fin de la période considérée.
Evolutions observées
Entre le deuxième trimestre de 1993 et le trimestre correspondant de 1996, le nombre de postes
de travail a augmenté de près de 39.000 unités (un accroissement de près de 48.000 unités dans
le secteur privé et une diminution de près de 9.000 unités dans le secteur public).
Cet accroissement global de l’emploi résulte d’une augmentation de près de 47.000 unités en
région flamande et de près de 3.000 en région wallonne et d’une diminution de près de 11.000
unités dans la région de Bruxelles-Capitale.
C’est en région flamande que se situent l’accroissement de l’emploi dans le secteur privé et la
diminution dans le secteur public.
Sur la base des dernières données actuellement disponibles dans le cadre des estimations rapides
de l’emploi (estimations pour le 2e trimestre de 1997, comparées aux données des trois
trimestres antérieurs), il semblerait que la croissance de l’emploi s’est poursuivie dans le secteur
privé et que la diminution de l’emploi dans le secteur public s’est arrêtée en 1997.
Au cours de la période 1993-1996, la part de l’emploi à temps partiel dans l’emploi total a
continué à s’accroître (de 14,5 % à 15,9 %). C’est surtout en ce qui concerne le travail féminin
que cette évolution est sensible : la part de l’emploi féminin à temps partiel dans l’emploi
féminin total est ainsi passée de 31,8 % en 1993 à 34 % en 1996.
34
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
EVOLUTION DE L’EMPLOI 1993 - 1996
SALARIÉS PAR SECTEURS D’ACTIVITÉ ET RÉPARTITION TEMPSCOMPLET/TEMPS PARTIEL EN CHIFFRES RELATIFS
- EVOLUTION DE 1993 A 1996
1993 1994 1995 1996Région de Bruxelles-Capitale 567.772 555.549 560.247 557.028Région flamande 1.762.269 1.763.204 1.798.239 1.809.033Région wallonne 826.185 822.470 828.221 829.148Royaume 3.156.226 3.141.223 3.186.707 3.195.209
Région de Bruxelles-Capitale 342.041 339.051 338.268 336.384Région flamande 1.293.893 1.292.527 1.327.608 1.347.851Région wallonne 505.867 500.627 505.131 505.303Royaume 2.141.801 2.132.205 2.171.007 2.189.538
Région de Bruxelles-Capitale 225.731 216.498 221.979 220.644Région flamande 468.376 470.677 470.631 461.182Région wallonne 320.318 321.843 323.090 323.845Royaume 1.014.425 1.009.018 1.015.700 1.005.671
Evolution du nombre de travailleurs dans le secteur privé de 1993 à 1996
Evolution du nombre de travailleurs dans le sect. public/l'enseign. de 1993 à 1996
Evolution du nombre total de travailleurs de 1993 à 1996
Source : Eurostat - Enquêtes sur les forces de travail
Source : ONSS 2ème trimestre
Secteur Réparti- Total d'activité tion selon temps complet
le sexe temps partiel1993 1994 1995 1996 1993 1994 1995 1996 19931993g1996
Total des Hommes 97,5 97,2 96,9 96,8 2,5 2,8 3,1 3,2 100secteurs Femmes 68,2 68,5 66,6 66,0 31,8 31,5 33,4 34,0 100
Total 85,5 85,4 84,6 84,1 14,5 14,6 15,4 15,9 100Industrie Hommes 98,9 98,8 98,9 99,0 1,1 1,2 1,1 1,0 100
Femmes 86,0 85,6 84,0 84,1 14,0 14,4 16,0 15,9 100Total 96,3 96,1 95,9 96,0 3,7 3,9 4,1 4,0 100
Services Hommes 96,4 96,1 95,5 95,3 3,6 3,9 4,5 4,7 100Femmes 64,9 65,5 63,7 63,0 35,1 34,5 36,3 37,0 100Total 80,3 80,5 79,4 79,0 19,7 19,5 20,6 21,0 100
Pourcentages
temps complet temps partiel
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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
Secteur 3e trimestre 4e trimestre 1er trimestre 2e trimestreType de données 1996 1996 1997 1997
Secteur privé 2.145.450 2.160.492 2.138.047 2.041.610110582 (1)
Secteur public 714.034 722.206 722.221 406.215et enseignement 313483 (1)
dont entreprises 115.222 114.829 114.750 114.240publiques autonomes
Total général 2.859.484 2.882.698 2.860.268 2.871.890
Les Conseils constatent que la politique de l’emploi menée en Belgique est souvent comparée
à celle conduite dans les trois pays de référence pour mettre en valeur les mesures qui y sont
prises et les donner en exemple sans que les contextes respectifs soient esquissés voire même
préalablement examinés.
Les Conseils estiment qu’il est important pour une bonne compréhension de certains phénomènes
de les replacer dans une perspective historique et de tenir compte dans ce cadre non seulement
des conditions de la conjoncture économique mais aussi des stratégies développées par les
gouvernements, de l’apport éventuel des partenaires sociaux dans ce cadre et des dispositions
juridiques qui sont prises pour en assurer la concrétisation.
Ils ont donc entrepris cette démarche pour trois thèmes qui sont aujourd’hui plus particulièrement
à la une, c’est-à-dire : la formation en alternance en Allemagne, le travail à temps partiel aux
Pays-Bas, la réduction du temps de travail en termes de redistribution du travail disponible en
Franceet en Allemagne.
Pour chacun de ces thèmes, la situation en Belgique a été mise en parallèle avec celle du ou des
pays concernés et ceci permet aux Conseils de faire les considérations suivantes :
TRAVAILLEURS OCCUPES - ESTIMATION DE L’EMPLOI - COMPARAISONPAR TRIMESTRE ENTRE LE 3E TRIMESTRE 1996 ET LE 2E TRIMESTRE 1997
(1) Données non fiables. On entend par là des données pour lesquelles il y a des difficultés à rassembler à temps des données fiables - cf. emploi saisonnier(horticulture), travailleurs intérimaires, enseignement.
Considérations des Conseils quant à la politique de l’emploi
36
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
En ce qui concerne la formation en alternance
Des chiffres dont la pauvreté est criante en Belgique comparativement à l’Allemagne, il apparaît
qu’ils sont, en 1994, en Allemagne, 54,7 %1 de jeunes à opter pour la filière de l’apprentissage
contre 3,4%1 qui s’y destinent en Belgique. En unités physiques et aux termes de sources
nationales, la population concernée était, en 1995, de 1,6 million en Allemagne et de plus ou
moins 27.500 en Belgique2.
L’attrait qu’exerce le système dual est donc évident et requiert de s’intéresser aux éléments de
nature à expliquer la distorsion entre les situations belge et allemande.
Ceci tient plus précisément :
- à la qualité de la formation scolaire. Comme le relève le Conseil supérieur de l’emploi dans
son rapport de janvier 1998, la Belgique compte, dans une perspective internationale, une
proportion élevée de main-d’oeuvre hautement qualifiée (plus de 26 % de la population
belge de 25 à 53 ans disposent d’un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 20 % en
moyenne dans les pays voisins), mais également un nombre important de personnes de faible
qualification (plus de 40 % de la population active en Belgique possèdent au maximum un
diplôme de l’enseignement secondaire inférieur, contre 26 % en moyenne dans les pays
voisins).
Ceci met en lumière les difficultés auxquelles le marché de l’offre et de la demande est
confronté dans notre pays par rapport au groupe intermédiaire et donc du fait de la carence
en main-d’oeuvre techniquement qualifiée.
- au public ciblé qui est tout différent. En Belgique, les jeunes concernés sont le plus souvent
en situation d’échec ou de difficultés scolaires alors qu’en Allemagne, ceux qui se dirigent
vers le système dual sont pour plus de 50 %3 d’entre eux déjà titulaires d’un diplôme de
l’enseignement technique ou du baccalauréat ; les peu scolarisés n’y représentent que
quelque 3 %3 et des filières appropriées leur sont par ailleurs ouvertes. De plus, en
Allemagne, il s’agit de jeunes âgés en moyenne de 19 ans pour une tranche d’âge visée en
Belgique qui va de 15 à 18 ans, des mesures particulières existant par ailleurs pour la tranche
d’âge des 19-25 ans et ayant plutôt pour but de favoriser l’intégration sur le marché du travail
comme le stage ou le contrat de première expérience professionnelle.
- à la structure de l’enseignement et à la place qu’y occupe la formation en alternance qui sont
également autres et ce, à deux niveaux :
1 chiffres du Ministère de l’Emploi et du Travail basés sur une statistique OCDE (1994)2 chiffres englobant, pour l’année scolaire 1994-1995, les jeunes suivant un enseignement à horaire réduit, les contrats d’apprentissage Classes moyennes
et d’apprentissage industriel3 chiffres de l’Office fédéral de la statistique (1995)
37
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
tout d’abord quant à l’articulation des formations. En Allemagne, c’est le système dual,
produit d’une tradition centenaire complétant la formation par le travail en entreprise d’un
enseignement de nature théorique, qui constitue le fondement de la formation professionnelle
dans ce pays. La Belgique quant à elle a plutôt mis l’accent surtout dans la foulée du pacte
scolaire de 1958, sur l’enseignement technique et professionnel à temps plein qui draine
quelque 64,3 %4 des jeunes suivant l’enseignement secondaire supérieur ;
ensuite, par rapport à la valorisation de l’apprentissage dans le cursus scolaire et donc dans
la structure générale de l’enseignement qui constitue un point fort en Allemagne par le biais
des passerelles organisées en ce compris vers des formations universitaires alors qu’en
Belgique, les différentes formules existantes sont cloisonnées et parfois même en concurrence.
- à la texture de l’économie qui est en l’occurrence aussi un élément à prendre en compte, la
Belgique étant plus tournée vers le secteur des services tandis que le secteur des industries
reste encore prépondérant en Allemagne. Or c’est surtout vers des professions de type
manuel qu’est plus traditionnellement orienté l’apprentissage. Dès lors et à supposer que la
formation en alternance se développerait considérablement dans notre pays en nombre de
personnes formées, il n’est pas évident que la demande qui serait ainsi créée puisse être
satisfaite par une offre de même hauteur.
Enfin, il est utile de relever l’aspect du fonctionnement proprement dit du système. Si, en
Belgique comme en Allemagne, l’apprentissage des travailleurs salariés relève de l’Etat fédéral
au plan de son encadrement juridique tandis que son organisation pratique est du ressort des
entités fédérées de l’enseignement ainsi que des secteurs et/ou des entreprises, il s’avère
toutefois que l’expérience du fédéralisme et de ses particularités quant à la coopération qu’il
suppose entre les différents acteurs impliqués est en Allemagne de loin plus longue et donc
performante qu’elle ne l’est en Belgique. Ceci sous-tend largement les difficultés entre autres
par rapport à la répartition des compétences que connaît notre pays dans la mise en oeuvre des
dispositifs légaux et réglementaires ainsi que les diversités voire les disparités qui se développent
au plan des initiatives du terrain.
4 chiffres du Ministère de l’Emploi et du Travail basés sur une statistique OCDE (1994).
38
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
Constatant que les faiblesses du marché du travail en Belgique sont plus particulièrementmarquées quant à l’insuffisance de la demande en emplois de qualification technique par rapportà l’offre, les Conseils estiment indispensable que tous les acteurs concernés accordent auxformations organisées sous cet angle toute l’attention qu’elles exigent à l’instar de ce qui se faiten Allemagne.
Les Conseils considèrent que, dans cette démarche, il convient de tenir compte de la manière dontla formation s’articule dans la structure de l’enseignement en Belgique, ce qui ne permet pasd’extrapoler sans autre formalité le système dual allemand.
En conséquence, les Conseils :
- insistent d’emblée sur le fait que :
* pour autant que les niveaux scolaires atteints en fin de cycle en Allemagne et en Belgiquesoient en tous points comparables, il s’impose que les autorités compétentes agissent tant surle degré que sur la hauteur du niveau de scolarisation de la population jeune de notre pays quicompte trop de faiblement qualifiés ;
* étant donné que les formations classiques à temps plein de type professionnel et techniqueconstituent en Belgique des filières de prédilection pour la formation des jeunes, il est requisque ces mêmes autorités consacrent les moyens nécessaires à leur revalorisation par la misesur pied de parcours scolaires intégrés ainsi que d’un accompagnement approprié des jeunesde manière à garantir une meilleure réponse à l’offre sur le marché du travail ;
- tiennent ensuite à souligner que le développement de la formation en alternance et sonsuccès en termes d’accès à l’emploi certainement pour l’avenir, doivent être appréciéscompte tenu de la texture de l’économie en Belgique et partant des caractéristiques dumarché du travail;
- plaident ceci étant pour que toutes les mesures soient prises afin de favoriser l’initiationet le rôdage d’une bonne coordination entre les différents niveaux des autorités politiquesfédérale et fédérées, les structures de l’enseignement classique et celles de la formationqui requièrent un partenariat volontariste des entreprises ;
- demandent, de manière à donner les moyens de cette collaboration et à faciliter ladéfinition d’une politique cohérente de la formation en alternance fondée sur les réalitésde terrain, que les décideurs politiques organisent, dans leur sphère de compétencesrespectives, l’établissement de statistiques complètes et fiables.
Enfin et dans la mesure où la matière ressortit de manière privilégiée aux compétences despartenaires sociaux, les Conseils :
- précisent tout d’abord que l’insertion professionnelle des jeunes remportera plus de succèslorsque des mesures adéquates auront été promues pour mieux sélectionner et partantoptimaliser, dans le cadre de la structure de l’enseignement, les qualifications en formationtechnique des jeunes qui répondent aux besoins des entreprises ;
- ajoutent que le Conseil national du travail va attacher son attention à la valorisation de laformation en alternance dans l’aménagement de passerelles au niveau du cursus scolaire parle biais du comité paritaire d’apprentissage supplétif ;
- réitèrent leur souhait pressant de voir donner exécution aux avis que le Conseil national dutravail a dernièrement rendus tant concernant l’apprentissage industriel que sur la problématiquedes contrats d’insertion.
39
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
En ce qui concerne le travail à temps partiel
Il apparaît des données statistiques disponibles5 que les Pays-Bas comptaient en 1996, 38 %6,7
de leur population active occupée à temps partiel pour 14 % en Belgique la même année.
Si ces chiffres sont parlants, les éléments qui en constituent le background le sont aussi et
permettent de mieux appréhender la réalité de l’écart constaté. Des différences doivent ainsi être
relevées :
- au niveau des catégories de travailleurs occupés à temps partiel, les données statistiques
révèlent une importante proportion d’étudiants dans cette forme d’emploi aux Pays-Bas;
c’est en raison du fonctionnement du système éducatif et social de ce pays que ces
jeunes sont amenés, pour assurer le coût de leurs études, à se diriger vers le travail à temps
partiel. Ils sont ainsi 70 % dans ce cas pour 18 % en Belgique.
Les travailleurs sont aussi plus nombreux aux Pays-Bas à cumuler deux emplois, ce pays
en dénombre 8 % ayant un second emploi de 1 à 20 heures, la Belgique, 4 %.
Enfin, et c’est là un élément de première utilité pour l’appréhension de la problématique,
les femmes représentent l’essentiel du contingent des travailleurs à temps partiel à
concurrence de 75 % aux Pays-Bas et 90 % en Belgique. L’essor du taux d’activité des
femmes s’est toutefois produit plus tardivement dans la société hollandaise que dans la
belge. En Belgique, en effet, les femmes sont entrées sur le marché du travail dans les
années ‘60 et ‘70 c’est-à-dire pour cette dernière décennie à une époque de récession
économique tandis qu’elles n’y sont venues que plus tard aux Pays-Bas avec une légère
accentuation à partir de 1986/1987.
De la sorte et dans le cadre des politiques de promotion du travail à temps partiel lancées
au début des années 80, les femmes qui ont dû se tourner vers cette forme d’emploi en
Belgique l’ont fait pour échapper au chômage tandis qu’elles faisaient ce choix aux Pays-
Bas à un moment de reprise de la conjoncture et pour accéder à une première activité
professionnelle.
Ceci montre l’importance que revêtent les facteurs non seulement conjoncturels mais
également culturels par rapport à la structure du marché du travail dans un pays. Cette
réflexion se confirme lorsque l’on s’attache au taux de satisfaction par rapport à l’emploi
puisque les travailleurs à temps partiel sont 88 % à ne pas souhaiter un emploi à temps
plein aux Pays-Bas pour 12 % en Belgique. Il y a donc là une autre vision du travail qui
tient entre autres au fait de la composante sociologique.
5 L’analyse faite se base sur les Statistiques en bref, Population et conditions sociales, L’emploi à temps partiel dans l’Union européenne, Eurostat, 1997,n° 13.Il convient de noter qu’aux termes du Rapport d’évaluation 1997 sur la politique fédérale de l’Emploi du Ministère fédéral de l’Emploi et du Travail,actuellement, plus de 494.000 salariés travaillent à temps partiel et le taux de travail à temps partiel pour le total des salariés est passé à 15,9 %, ce quirevient à un quasi-doublement par rapport à 1983.
6 Les statistiques en question n’intègrent pas les emplois accessoires (salariés ou indépendants) et ce, ni en Belgique, ni aux Pays-Bas.7 Les statistiques en question intègrent les jobs d’étudiants tant en Belgique qu’aux Pays-Bas.
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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
- Au niveau des formules d’occupation et du statut de droit social du travail à temps partiel,
c’est en Belgique la suppression de la règle dite des 2 heures en 1987 et l’adoption de celles
des 3 heures et du tiers temps en 1989 qui ont complété l’encadrement social des occupations
de courte durée. Aux Pays-Bas, ce n’est que dernièrement, avec l’inscription, en 1997, du
principe de l’égalité de traitement dans le code civil et corollairement l’élimination des
seuils, qu’une protection sociale a été conférée à ce même type d’occupation. Or, ces
emplois ont eu une importance significative dans l’évolution qu’a connue le travail à temps
partiel au cours de ces 15 dernières années aux Pays-Bas. Ils étaient ainsi dans ce cas (1 à
10 heures) en 1996, 28 % pour 6 % en Belgique (respectivement 55 % et 5 % en y intégrant
les jeunes de moins de 25 ans).
L’ensemble de ces constats trouvent leur origine dans l’approche politique différenciée du
travail à temps partiel telle qu’elle a été opérée en Belgique et aux Pays-Bas. Il ressort en effet
clairement de l’analyse faite sur ce plan qu’aux Pays-Bas et dès le début des années 80, cette
forme d’emploi a été conçue comme une mesure de redistribution du travail disponible et ce,
avec le soutien des partenaires sociaux et que la politique gouvernementale conduite par la suite
l’a été de manière conséquente.
Une telle unanimité n’a pu être dégagée en Belgique où les partenaires sociaux ne se sont
accordés que par rapport au principe d’un statut social approprié. C’est le gouvernement qui a
pris l’initiative d’une politique du travail à temps partiel en temps que dispositif d’emploi et l’a
poursuivie ensuite mais - ainsi qu’il a déjà été relevé dans un rapport précédent - sans continuité
réelle, la mécanique décisionnelle oscillant à cet égard dans les 15 années suivantes entre
encouragement et dissuasion. Et si l’on peut dire que les statuts juridiques du travail à temps
partiel sont aujourd’hui relativement proches dans les deux pays, il n’en demeure pas moins que
l’élaboration des règles qu’ils comportent est beaucoup plus récente aux Pays-Bas et qu’elle a
par ailleurs été initiée, dans ce pays, au départ de l’exemple fourni par la Belgique.
Ceci étant posé et compte tenu donc de la place qu’occupe en Belgique le travail à temps partiel dansla politique du gouvernement ainsi que des préoccupations respectives des organisations detravailleurs et d’employeurs, les Conseils insistent, dès lors que cette forme d’emploi est promuecomme une mesure de redistribution du travail disponible, pour assurer une continuité dans leprocessus décisionnel des autorités politiques et laisser aux partenaires sociaux et donc au niveau dela négociation collective, l’utilisation et l’organisation qui doit en être faite en temps qu’outild’aménagement du temps de travail.
Ils annoncent que, pour ce faire et dans la mesure où ce sont des questions qui ressortissent à la sphèred’action des partenaires sociaux, le Conseil national du travail va s’attacher à :
* dégager les facteurs qui influencent l’offre et la demande du travail à temps partiel;
* examiner l’encadrement administratif pour les deux parties à la relation de travail ainsi quel’encadrement social et les pièges que comporteraient éventuellement certaines législationssociales pour le travailleur qui entre dans une occupation à temps partiel;
* considérer, corollairement à ces deux démarches, la place que doit prendre le travail à tempspartiel sur l’ensemble de la carrière professionnelle du travailleur et ce, dans la ligne de la directive97/91/CE du Conseil des Communautés européennes du 15 décembre 1997 sur le travail à temps
partiel.
41
lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
En ce qui concerne la réduction du temps de travail
Si, sous l’angle de la réduction du temps de travail, les situations diffèrent entre la Belgique
d’une part et l’Allemagne et la France d’autre part, c’est dans le possible consensus des
partenaires sociaux et, à défaut, la conséquence des politiques gouvernementales menées qu’il
faut en trouver principalement la raison.
Il apparaît en effet que la politique menée en France depuis le début des années ‘80 en matière
de redistribution du travail disponible a essentiellement misé sur la réduction du temps de travail
couplée à l’organisation d’une flexibilité par l’annualisation du temps de travail. Elle est par
ailleurs le fait exclusif du gouvernement et de mesures de type linéaire : c’était l’abaissement
de 40 à 39 heures de la durée hebdomadaire de travail en 1982, ce sera, une fois la loi votée,
la réduction à 35 heures par semaine en principe sans compensation salariale et assortie, dans
le prolongement de la loi Robien, d’incitants financiers dès lors qu’il y a augmentation des
effectifs ou évitement de licenciements.
Ce dispositif a été décidé suite au constat d’échec posé par les actuels décideurs à l’égard des
mesures de réduction progressive et négociée de la durée de travail dont le coût a été jugé trop
élevé par rapport à l’impact en termes de création nette d’emplois. Les derniers chiffres cités
parlent de 1.442 conventions impliquant une réduction du temps de travail pour 154.473
travailleurs.
La France connaissait encore en 1995 une durée habituelle (réelle) de travail de 39,7 heures8 par
semaine. Elle se situe donc très clairement à l’horizon 2000/2002 dans une stratégie qui vise à
imposer de manière générale et impérative une réduction collective de la durée du travail, la
négociation au niveau de la branche d’activité et dans le cadre légal en cours d’élaboration au
niveau plus spécifiquement de l’entreprise ne jouant que le rôle de condition à l’obtention des
avantages et revêtant ainsi un caractère secondaire par rapport à la mesure elle-même.
La situation est autre en Allemagne où, du fait du fonctionnement des relations sociales dans ce
pays, l’initiative gouvernementale se place en matière de temps de travail uniquement au plan
de l’encadrement global tandis que la politique de réduction relève - et ce fut typique des années
‘80 - surtout de la préoccupation de secteurs forts comme les secteurs du métal ou de la chimie
c’est-à-dire du consensus des partenaires sociaux. Les négociations de branches s’y sont alors
articulées autour du triptyque suivant : réduction du temps de travail alliée à la modération
salariale, l’embauche compensatoire étant effectuée en contrats d’apprentissage.
Aujourd’hui, la tendance s’oriente plutôt vers la garantie du maintien de l’emploi et la réduction
du temps de travail ne s’entend plus qu’assortie d’une diminution proportionnelle du salaire ou
d’une faible compensation et est liée à une augmentation de la flexibilité du temps de travail.
Bien plus, une analyse des conventions collectives conclues en 1997 dans les secteurs du métal
8 chiffres du Ministère de l’Emploi et du Travail basés sur une statistique Eurostat.
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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
et de la chimie, fait apparaître un allongement de la durée hebdomadaire de travail individuel
par la fixation d’un «corridor» de temps travail qui permet une variation de l’horaire de travail
et la prestation d’heures supplémentaires à concurrence par exemple d’un quota annuel (travail
du samedi) récupérable en temps libre et sans compensation financière. La durée habituelle
(réelle) du travail était ainsi de 39,9 heures8 par semaine en 1995.
Pour une part, c’est le glissement de la négociation de l’aménagement du temps de travail
flexible vers le niveau de l’entreprise qui permet d’appréhender ce processus de flexibilité
accrue au plan de l’individu. C’est ce mouvement, ayant soulevé de fortes contestations, qui a
abouti, ces derniers temps en Allemagne, à une réflexion sur le refondement du système des
accords collectifs et des «clauses d’ouverture».
En Belgique, la politique de redistribution du temps de travail a surtout été axée sur des formules
de type individuel. Quant à la réduction collective du temps de travail, envisagée comme mesure
d’emploi, elle n’a pu emporter l’unanimité des partenaires sociaux et c’est le gouvernement seul
qui tout récemment a pris l’initiative de quelques dispositifs en la matière qui se caractérisent
surtout par leur disparité : c’est tout d’abord dans les textes légaux du 26 juillet 1996, la
réduction générale et linéaire d’ici 1999 du temps de travail de 40 à 39 heures9 semaine puis dans
le cadre des accords pour l’emploi, des volets spécifiques (Vande Lanotte) basés sur une
réduction négociée cette fois mais s’adressant, d’une part, uniquement à des entreprises en
difficulté ou en restructuration et, d’autre part, à quelques entreprises, en principe une vingtaine
et à titre exclusivement expérimental.
A ceci vient s’ajouter le fait de la fixation de la norme salariale venue se substituer à la
modération salariale, qui ne sont pas neutres en termes d’impact sur le processus de conclusion
des accords au sein des secteurs et/ou des entreprises.
Enfin, il faut relever que la réglementation sociale n’est pas aujourd’hui adaptée dans toutes ses
dispositions aux situations existantes de réduction du temps de travail et ce constat ne fait que
renforcer à nouveau l’impression d’un manque de clarté et de cohérence dans le chef des
autorités politiques.
9 La durée habituelle (réelle) du travail est en Belgique de 38,4 heures par semaine selon des chiffres du Ministère de l’Emploi et du Travail basés surune statistique Eurostat.
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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
Compte tenu de ceci, les Conseils précisent que le Conseil national du travail va s’intéresser à descas concrets, en Belgique, de réduction du temps de travail dans les différentes formes qu’ellerevêt quant à l’équilibre que les entreprises concernées ont pu trouver dans l’organisation dutravail et les problèmes qui se sont posés à cet égard ainsi qu’au niveau du recrutement d’une main-d’oeuvre qualifiée. Sur la base des enseignements qu’il aura pu tirer de ce premier exercice, leConseil national du travail examinera :
- la problématique plus générale du dispositif de réduction de la durée de travail (collective,individuelle ou linéaire) et ce, compte tenu des études disponibles;
- les difficultés qui résultent de la non adéquation de certains dispositifs réglementaires ou
autres et qui peuvent être en l’occurrence constitutifs de freins.
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lettre mensuelle socio-économique - avril 1998
ANNEXES CONSEIL CENTRAL DE L’ÉCONOMIE (1)
Annexe I : La politique des Pays-Bas
Annexe II : La politique en France
Annexe 1 : Le marché belge du travail : évolutions historiques et tendances
récentes
Annexe 2 : L’évaluation de la fiscalité des entreprises
Annexe 3 : L’expérience des Pays-Bas
Annexe 4 : Réduction du temps de travail et baisse de cotisations sociales
ANNEXES CONSEIL NATIONAL DU TRAVAIL (2)
Annexe 1 : Les formations en alternance en Belgique et en Allemagne
Annexe 2 : Le travail à temps partiel en Belgique et aux Pays-Bas
Annexe 3 : La réduction du temps de travail en termes de redistribution du travail
disponible
(1) Réf. CCE 1998/179 - CCR 10
(2) Réf. CNT/D.98-19
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