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LE CAHIER DE FORMATION
Le traitementde l’HTA
JUIN 2012 - N° 282 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 29
SommaireSavoirEn France, 11 millions d’hypertendus sont sous
traitement. Une bonne connaissance de la pharmacologie
des anti-hypertenseurs paraît indispensable aux Idels
pour mieux accompagner les patients.Savoir faireAnti-hypertenseurs et grossesse
Répercussions de l’hypertension et de ses traitements
sur la grossesse.Surveillance infirmière d’un traitement
anti-hypertenseurLes principaux points de surveillance clinique
et biologique d’un traitement anti-hypertenseur.
Conseils thérapeutiques au patient hypertendu
Conseils hygiéno-diététiques et gestion des effets
indésirables du traitement.Contrôler sa tension à domicile
Le respect des bonnes conditions d’utilisation
des autotensiomètres et les erreurs à éviter.Savoir plusCAHIER RÉDIGÉ PAR MAÏTENA TEKNETZIAN, DOCTEUR EN PHARMACIE
ET ENSEIGNANTE EN IFSI
Cahier deformation n° 47
PRISE EN CHARGE Le sevrage tabagique . . . . . . . . . . . . . . . . . p.46
CONSEILS L’allaitement maternel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.48
Le traitement de l’HTA
Qui
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Quiz1. Chez un diabétique, les objectifs
tensionnels sont :a. < 140 – 90 mm Hg;b. < 130 – 80 mm Hg;c. < 150 – 90 mm Hg.2. Les bêtabloquants peuvent être
à l’origine :a. d’essoufflements ;b. d’œdèmes des membres inférieurs ;
c. d’impuissance ;d. de cauchemars.3. Les IEC et ARA II sontcontre-indiqués pendant la grossesse :
a. vrai ;b. faux.
4. Les IEC et les ARA II sont :a. hypokaliémiants ;b. hyperkaliémiants.
5. Tous les appareils d’automesure
sont homologués par l’Afssaps :a. vrai ;b. faux.
Réponses du quiz :
1 - b; 2 - a, c et d; 3 - a; 4 - b; 5 - b
LE POINT SUR
www.espaceinfirmier.com I Juin 2012 I n° 282
ACTUALITÉSanté et affairessociales dans un grand ministère
DÉBATLes maisons desanté plébiscitéespar les élus locaux?
VOTRE CABINETConnaître les règlesqui encadrent le don de gamètes
Santé publique
Don de vie en ville
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Wolters Kluwer France • 1, rue Eugène et Armand Peugeot, 92856 Rueil-Malmaison cedex • Tél.: 0176733000 – Fax: 0176734852 • Adresse Internet: www.espaceinfirmier.com �Éditeur: Wolters Kluwer France, SAS au capital de 300000000 €, RCS Nanterre 480 081 306 �Directeur de la publication: Mickael Koch, Président Directeur Général deWolters Kluwer France �Associé unique: Holding Wolters Kluwer France � N° de commission paritaire: 0217 T 81207 � ISSN: 1267-9925 �Directeur du pôle Santé:Rémi Bilbault � Directeur de l’infocentre Santé humaine: Thierry Lavigne � Directrice adjointe: Anne Boulanger � Directrice des rédactions Hôpital/Infirmiers: Sylvie
Gervaise � POUR JOINDRE LA RÉDACTION: pour joindre directement votre correspondant, il suffit de composer le 017673 suivi des quatre chiffres qui figurent entre parenthèses à la suite de son nom.Télécopie: 0176734852 �Rédactrice en chef: Candice Moors (cmoors@wolters-kluwer.fr) • Secrétaire de rédaction: Julie Verdure • Assistante de la rédaction: Élizabeth Darry (41 74) • Maquette réaliséepar: Laure Cartigny • Illustrateur: Franck L’Hermitte • Directeur de production: J.-M. Eucheloup • Fabrication: Céline Bronders • Conception maquette:Frédérick Tallaron (WK France) • Illustration de la couverture:Jacques Guillet • Photo édito: Philippe Chagnon • Ont collaboré à ce numéro:Geneviève Beltran, Nathalie Da Cruz, Marie-Claude Daydé, Marjolaine Dihl, Christine Fontaine, Anne-Gaëlle Harlaut, Christine Julien,Géraldine Langlois, Aveline Marques, Laure Martin, Sandra Serrepuy, Véronique Sokoloff, Denis Stora, Maïtena Teknetzian. �Photogravure: atelier prépresse - Groupe Liaisons • Imprimerie: CHAMPAGNE, ZI desFranchises, 52200 Langres. � POUR PASSER UNE PAGE DE PUBLICITÉ : Tél.: 0176734126 - Fax: 0176734859 • Directeur commercial: Jean-Christophe Goulemot • Directrice commerciale adjointe:Corinne Voltz-Rosenthal (42 82) • Directrice de publicité Hôpital infirmiers: Marie-Laure Soucramanien (41 76) • Directrice de clientèle: Astrid Borras (31 48) • Assistante: Souad Aschendorf (41 26) �POUR
PASSER UNE PETITE ANNONCE: Fax: 0176734856 • Directrice commerciale de la régie PA: Christine Gautier (35 32) • Directrice PA: Chantal Chiquet (32 48) • Chef de publicité PA: Christelle Moularé(33 75) • Assistante PA: Muriel Falla (34 68) • Maquette PA: Jean de Dietrich �POUR S’ABONNER: Tél.: 0825080800 (n° indigo, 15 cts/minute) - Fax: 0176734857 • Directrice marketing adjointe Santé:Vanessa Mire �Prix au numéro: 14,72 € • Tarif abonnement 1 an: 111 € • Tarif étranger, nous consulter. « Conformément à la loi du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectifications aux données personnelles vous
concernant. Par notre intermédiaire, vous pouvez être amenés à recevoir des propositions d’autres sociétés. Si vous ne le souhaitez pas, il suffit de nous écrire (nom de la revue, service diffusion, 1, rue Eugène et
Armand Peugeot, 92856 Rueil-Malmaison cedex) en nous indiquant vos nom, prénom et adresse.» Une brochure “Catalogue 2012 - éditions Lamarre/Professions paramédicales et travail social” est
assemblée sur la 4e de couv.
Demain est un autre jourLorsque les jours deviennent des “Journées”, c’est que l’on opère unglissement du calendrier des Postes avec jolies perruches vers une toutautre dimension. Et l’on se retrouve porté par le flot médiatique des grandescauses sans trop se mouiller: sida, diabète, réchauffement climatique... Nous sommes ainsi faits que les beaux slogans fondent sur nous commecrème au soleil. À l’automne dernier, L’ILM s’est trouvé convié à Bruxelles
pour un colloque de journalistes européens sur le don d’organes. Danstous les pays représentés, l’infirmière coordonnatrice s’impose
comme le visage “humain” de l’activité de greffe, le grandéchangeur entre l’administration, les soignants et la famille. Dans tous les témoignages aussi, dans toutes les langues, la même détresse des proches qui ne connaissent pas la position
du potentiel donneur. Parce qu’ils n’en avaient jamais parlé, avant. L’idée a fait son chemin et nous nous sommes demandé quel rôle
vous jouez, vous, les Idels (1), dans cette grande chaîne du don et de la greffeen France. Au cours de notre enquête, personne ne nous a ressassé les argumentsd’une prétendue générosité du “oui” en opposition à l’égoïsme du “non”. L’histoire dechacun détermine son rapport à la mort, à sa propre mort, et au devenir de son corps.Ce qui nous a profondément marqués, c’est le soulagement des proches lorsqu’ilssont en mesure de répondre à l’unisson « il était contre, il me l’a dit ». Évitons à toutprix les « je ne sais pas », ne laissons pas nos proches vivre avec ce doute. Comme le ditl’un de nos témoins, nous ne sommes pas obligés d’attendre le 22 juin (2) pour en parler.Non, nous ne sommes pas obligés. Mais l’occasion est belle, alors saisissons-la.
(1) L’infirmière diplômée d’État en mode d’exercice libéral (Idel) est en effet une spécialité francobelge (cf. notre dossier “L’appel du large” paru dans L’ILM n°272).(2) La 12e Journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe du 22 juin est distincte de la Journée mondiale du don d'organes et de la greffe de l’OMS (organisée le 17 octobre depuis 2005) et de la Journée européenne du don d’organes et de la greffe qui abordera sa 14e édition le 20 octobre 2012.
JUIN 2012 - N° 282 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 5
éditorial
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18 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 282 - JUIN 2012
Santé publique
Don de vie
en villeEncore rarement évoqués entre les murs du cabinet,
le don et la greffe peuvent néanmoins s’aborder lors
des tournées à domicile ou, plus spontanément, dans
les centres de dialyse. Pour le patient greffé ou inscrit sur
liste d’attente, l’accompagnement à domicile demeure
indispensable. Une prise en charge où le partenariat
ville-hôpital reste encore à développer.
DOSSIER RÉALISÉ PAR MARJOLAINE DIHL ET CANDICE MOORS, ILLUSTRÉ PAR JACQUES GUILLET
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JUIN 2012 - N° 282 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 19
Chaque jour, vous
poussez la porte
de dizaines de
foyers, vous béné-
ficiez d’un capital
“confiance” impor-
tant et, pourtant, pas la moindre
petite plaquette d’information
rédigée à votre intention. Au
mieux, on pense à vous comme à
une personne dont les proches
seront mieux préparés que d’au-
tres – on connaît votre disposition
naturelle à sauver des vies – à
accepter le prélèvement de vos
organes “si jamais”.
Il faudra effectivement pas mal de
temps avant que la greffe perde
cette image très hospitalière « de
thérapeutique d’excellence, une
activité un peu isolée, de dernier
recours, un peu coupée de l’amont
et qui assurait seule le suivi des
patients greffés en aval », comme
le souligne la directrice générale
de l’Agence de la biomédecine
(ABM) (1), Emmanuelle Prada-Bor-
denave, au cours de la présenta-
tion à la presse du nouveau Plan
greffe. Principale mesure de ce
Plan 2012-2015: encourager la col-
laboration des professionnels de
santé de l’hôpital et de ville autour
du patient. « La cassure entre les
transplantés et les autres se
constate dès la salle d’attente d’un
cardiologue. Il faut pourtant réap-
prendre à vivre ensemble, ce qui
ne demande aucune dépense sup-
plémentaire. » Il n’est d’ailleurs
pas prévu d’accompagner le Plan
de financements spécifiques ni
pour les réseaux, ni pour l’hôpi-
tal (2).. D’après l’ABM, davantage
que les montants alloués, c’est
« l’évaporation des financements
destinés à l’activité de greffe »,
attribués sous forme de forfaits
aux établissements, qui pose pro-
blème. « Une partie est utilisée
pour combler les déficits. » L’impli-
cation des directeurs d’établisse-
ments, mais aussi des ARS, sem-
ble indispensable pour que l’acti-
vité greffe se développe.
En Lorraine, le réseau Néphrolor a
pris de l’avance. Alors qu’il visait
initialement à fédérer tous les ser-
vices de néphrologie des établisse-
ments hospitaliers de la région
autour des patients souffrants d’IRC
en phase terminale ou préterminale,
il s’est très vite étendu à la ville, en
articulant autour des patients à des
stades d’IRC encore peu avancés
« leur médecin traitant et les profes-
sionnels de santé libéraux: l’Idel, le
diététicien, le psychologue, le kiné-
sithérapeute et le pharmacien. Ils les
suivent au quotidien, les connaissent
bien et seront donc toujours là après
la greffe, qui n’est qu’une des étapes
du parcours de soin. C’est un véritable
apport d’oxygène : avec notre
2000e patient greffé au CHU de
Nancy, on n’imaginerait pas suivre
1400 patients à l’hôpital », résume
sa présidente, le Dr Michèle Kessler.
Le même type de réseau existe à Lille
et Bordeaux. Imparable, le suivi
“hors hôpital” du patient transplanté
décharge les services de greffes d’une
partie des consultations. L’heure de
la reconnaissance des professionnels
de ville aurait-elle sonné?
GRANDES OUBLIÉESLes médecins traitants disposent
d’un décret qui leur cède depuis
2006 la mission d’informer les jeunes
de 16 à 25 ans sur les « modalités de
consentement au don d’organes à
fins de greffe » (3). L’ABM leur réserve
un accès dédié sur son site Internet
et les sociétés savantes, des forma-
tions continues. On en est loin avec
les Idels, qui sont chanceuses si elles
ont bénéficié de quelques heures
de module en Ifsi leur expliquant le
concept de mort encéphalique. C’est
finalement sans surprise que les
Idels entretiennent bon nombre
d’idées fausses, relativisant elles-
mêmes leur rôle dans la chaîne du
don: « Cela ne concerne que les
jeunes, les bien-portants. » Bref,
pas vraiment ce qui compose l’es-
sentiel d’une clientèle il faut bien
l’avouer. Et puis, « c’est � � �
SANTÉ PUBLIQUE DON DE VIE EN VILLE
Témoignage
« Dans le doute, le non l’emporte »Cristina Malor, ex-infirmière coordonnatrice de prélèvements à l’hôpital Foch (92), aujourd’hui Idel à Gif-sur-Yvette (91)*
« J’ai travaillé pendant quatre ans au service des greffespulmonaires à Foch. À la naissance de mon deuxième enfant, j’ai revu mon organisation et ai quitté le service à contrecœur.
Pendant un an, je me suis chargée de la coordination des prélèvements d’organes,toujours à Foch. On m’appelait lorsqu’un donneur était pressenti, pour gérer sa priseen charge et celle de ses proches, car l’infirmière coordonnatrice est un pilier entre la réa, le patient et la famille. De l’autre côté, j’étais en contact avec l’ABM qui tient la liste des personnes en attentes de greffes. J’avais aussi pour mission de sensibiliserle personnel de l’hôpital, les Ifsi... En réa, on reste avec le donneur jusqu’à la fin du prélèvement au bloc opératoire, qui peut durer 24 heures. Je m’y étais préparée,mais, du point de vue humain, on prend quelques claques quand même. On a vu tantde patients partir faute de greffe, mais là, on découvre une famille sous le choc del’annonce du décès d’un proche qui n’a pas l’air d’être mort... La probabilité de pouvoirdonner est seulement de 1%, et là-dessus, la moitié ne le sera pas: dans le doute,c’est toujours le non qui l’emporte. Aujourd’hui, en libéral, j’en parle sans tabou. »* Membre du conseil d’administration de l’association Grégory Lemarchal Ensemble contre la mucoviscidose depuis 2007.
DR
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« C’est génial depréparer un blocpour une greffe.
Pourtant, l’idée même
du prélèvementvéhicule encore
une image pas franchement
positive, alors que l’un
ne va pas sansl’autre! »
20 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 282 - JUIN 2012
difficile de parler
de la mort avec
une personne
déjà malade, on
n’a pas le temps
de le faire bien,
on ne nous
appelle pas pour
ça ». En témoigne
le parcours de
Michelle Bargin (cf.
L’ILMn°270), Idel à Voiron
(38) et très impliquée dans le
prélèvement de moelle osseuse
à travers l’association qu’elle
préside (4). « Il me paraît plus
compliqué d’aborder le don
d’organes avec un patient que de
l’informer sur le don de moelle, qui
est un don de vie de son vivant,
confie cette dernière. Là, on amène
le patient devant la possibilité de sa
propre mort. »
INFORMER
Ce qui tord le cou aux idées reçues?
Les rencontres. Ce sont finalement
les patients eux-mêmes qui sensi-
bilisent le mieux les Idels à la ques-
tion du don d’organes. C’est ainsi,
en s’attachant à un malade leucé-
mique, après plus de vingt ans
d’exercice, que Michelle Bargin a
eu ce qu’elle qualifie de « déclic ».
Idem pour Hervé Chirpaz, Idel
à Saint-Alban-Leysse (73),
devenu cadre de santé depuis
un an: « J’ai ouvert mon cabi-
net il y a vingt-huit ans.
Lorsqu’un centre de dia-
lyse s’est créé dans la
région, j’ai été immédia-
tement séduit par l’as-
pect technique de cet
acte. Mon approche du
don s’est faite au cours
des échanges avec les
personnes dialysées.
Puis mon cabinet s’est ouvert
à la prise en charge des
malades souffrant de muco-
viscidose et, là encore, le thème du
don s’est imposé dans nos échanges
sans forcément le chercher »,raconte-
t-il. Le suivi des patients atteints de
mucoviscidose l’a considérablement
marqué: depuis cinq ans, il est mem-
bre du conseil d’administration de
l’association Grégory Lemarchal
Ensemble contre la mucoviscidose,
du nom de son patient médiatisé
par la Star Academy et décédé alors
qu’il était en attente d’une trans-
plantation de poumon. « On reste
une heure ou une heure et demie au
domicile, le temps que s’écoule la
perfusion d’antibiotiques, parfois
plusieurs fois par jour. Alors on
aborde l’option de la greffe avec le
patient, ses parents. Plus on maîtrise
le sujet, plus on en parle facilement.
J’ai deux enfants et on en parle avec
leurs copains, mes amis, les collègues.
Je m’interdis seulement d’en parler
avec les patients en fin de vie, sauf
si ce sont eux qui me lancent sur le
sujet. » Mais les Idels suivent aussi
bon nombre de malades chroniques.
Un contexte propice, si ce n’est à
sensibiliser le patient, à lancer le
débat avec le conjoint ou les parents
jamais bien loin.
Et si les Idels n’abordent pas toutes
la question du don, elles s’épanchent
plus facilement sur la greffe. Ce
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Dr Patrice Guerrini,
médecin adjoint au
SRA Île-de-France,
Centre, Antilles,
Guyane (Agence
de la biomédecine)
« Agir en citoyennes »Pourquoi les Idels sont-elles oubliéesdes campagnes de sensibilisation ?On concentre effectivement nos effortssur les membres du personnel des hôpitaux. Services de réa en urgenceset soins intensifs, là où se trouve le donneur... C’est un fait, les Idels nesont pas directement impliquées dansl’activité de prélèvement. Mais on estconscient de leur rôle de suivi auprès despatients qui ont bénéficié d’une greffe. Etpuis, en France, on est tous des donneurspotentiels par consentement présumé,et ce n’est pas suffisamment compris par la population. Les Idels peuventinformer. Mais on sait aussi que leurtemps est compté chez les malades. Onles appelle pour un acte, un geste précis.Même si nous avons tout intérêt à cequ’elles apportent les bonnes réponses.Cela reste-t-il compatible avec leurclientèle âgée, composée de maladeschroniques ? Ah, le problème de la clientèle âgée! Aujourd’hui, il fautdire et redire que l’on peut prélever un rein ou un foie en très bon état de marche chez un donneur de plus de 80 ans. Les receveurs sont eux ausside plus en plus âgés. Et, concernant les pathologies chroniques, si celaentraîne un risque pour le receveur, on ne prendra pas leurs organes. Maisc’est une population que l’on peut aussiinformer. Ces gens ont une famille, descollègues, ce qui élargit encore le cercle.En tant que citoyennes, on compte sur elles pour relayer le message. �
Interview
JUIN 2012 - N° 282 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 21
patient qui attend un rein, un pou-mon... Ce sont des rencontres quitouchent, sans que le lien entre ledon et la greffe soit explicitementétabli. Cristina Malor, qui a exercéen tant qu’infirmière coordonnatricede prélèvement à l’hôpital Foch, lerésume avec simplicité: « Un chi-
rurgien avec lequel je travaillais aimait
répéter que “si beaucoup refusentle don d’organe, peu refusent lagreffe”. Même à l’hôpital, c’est génial
de préparer un bloc pour une greffe.
Pourtant, l’idée même du prélève-
ment véhicule encore une image pas
franchement positive, alors que l’un
ne va pas sans l’autre! Une collègue
a été coordonnatrice pendant dix
ans et elle a tourné la page, épuisée:
lorsqu’elle arrivait en réa ou au bloc,
les autres l’appelaient “le vautour”. »À 29 ans, Cristina a quitté l’hôpitalpour le libéral. Pour autant, elle neperd pas de vue son rôle de sensi-bilisation. « Comme je suis jeune,
mes patients me demandent ce que
j’ai fait avant. Je leur parle de la force
de vie de mes patients atteints de
mucoviscidose et de mon année de
coordonnatrice en prélèvement d’or-
ganes. Quand on a touché ça d’aussi
près, c’est dans vos tripes et c’est
assez facile d’en parler. Parler de la
mort? Pour moi, ce n’est pas ça. Je
me contente d’expliquer que, si on
est pour le don, on a intérêt à le dire
autour de nous, car c’est une chance
pour que quelqu’un d’autre vive dans
de meilleures conditions. »
TOUS PUBLICS
À qui en parler? « Aujourd’hui, il faut
dire et redire que l’on peut prélever
un rein ou un foie en très bon état de
marche chez un donneur de plus de
80 ans », martèle le Dr Patrice Guer-rini, médecin adjoint dans l’un dessept services de régulation et d’appui(SRA) de l’ABM (cf. interview ci-contre). Le rein d’un octogénairene sera sans doute pas destiné à unjeune de vingt ans, en revanche, ilpeut apporter l’autonomie perdueà un retraité dialysé ou de l’espoiraprès la mort d’un premier greffon.Pour le Dr Karim Laouabdia-Sellami,chargé de la politique médicale et scientifique de l’ABM, � � �
SANTÉ PUBLIQUE DON DE VIE EN VILLE
© B
. Raj
au /
ABM
Témoignage
« J’ai dû me débrouiller seul »Marc Bourlière, patient transplanté cardiaque au CHU de La Timone à Marseille (13) depuis dix ans, sous dialyse
« C’est en mars 2002, à l’âge de 59 ans, que j’ai reçu un appel pour ma transplantation cardiaque. Ce fut un moment de grande émotion – et d’angoisse aussi.
Après quelques jours, l’équipe soignante m’a expliqué qu’il fallait que je me débrouille seul. Il est vrai que, même avec un nouveau cœur, on resteinquiet, on se demande si l’on est capable… Finalement, j’ai repris mesmarques durant ma cure en centre de rééducation: une résurrection! Mais cette deuxième vie s’accompagne d’obligations. Je dois tant audonneur. Je n’ai pas le droit d’avoir une mauvaise hygiène de vie. En sortantde l’hôpital, j’avais trente médicaments à prendre chaque jour et il a falluapprendre à les gérer. On m’a remis un livret expliquant les précautions à prendre. Je n’ai jamais vraiment fait appel à une infirmière libérale pourcela. Au fil des années, après la greffe, j’ai connu beaucoup de problèmesde santé liés au traitement antirejet. Dès que j’ai eu des questions, j’ai préféré contacter le médecin traitant qui me suivait depuis le début. »
© M
. Dih
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dossier
À l’hôpital, en cas
d’indécisionmanifeste et si
le refus d’un seuldes proches
s’élève, c’est le refus qui
l’emporte22 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 282 - JUIN 2012
sociations critiquent les gens qui ne
veulent pas donner, mais ce n’est
pas ça, le don: chacun est libre de
décider du devenir de son corps. En
revanche, on ne peut que critiquer
ceux qui n’en parlent pas », préciseCristina Malor. À l’hôpital, en casd’indécision manifeste et si le refusd’un seul des proches s’élève, c’estle refus qui l’emporte: « On respec-
tera toujours le non. » La carte dedonneur? L’ABM n’en a vu remon-ter que 200 depuis qu’elles sontmises en service. « Je distribue un
autre type de carte, disposant de trois
volets qu’on baptise “passeport de
vie” (6) et que chaque association
décline avec son logo: la personne
en a une dans ce portefeuille qu’on
a tant de mal à retrouver aux
urgences, mais deux proches l’ont
aussi. Le meilleur moyen de s’assurer
« nous avons des machines de per-
fusion qui permettent d’améliorer
encore la qualité des organes que
nous prélevons sur des personnes
de plus en plus âgées ».
S’il faut avoir moins de 50 ans pourse faire admettre sur la liste desdonneurs de moelle osseuse, le dond’organes et de tissus bénéficied’autres critères, et d’une tout autrelégislation. En raison du consen-tement pressenti, seules les per-sonnes qui ne souhaitent pas êtreprélevées doivent s’inscrire sur leregistre national des refus (RNR)(5).Un choix respecté par les profes-sionnels que nous avons rencontrésdans le cadre de cette enquête: « Le
plus dur pour les familles est de se
retrouver dans un contexte d’ur-
gence, à l’hôpital, sans connaître la
position de leur proche. Trop d’as-
Témoignage« Il n’y a pas que le 22 juin »Lionel Pfann, président de la Coordination des transplantésd’Alsace-Lorraine (Cotral, www.cotral.org)*
« Notre association a vu le jour en 1995 dans l’espoir de faire reculer le taux de refus et réduire ainsi le tempsd’attente avant une greffe. Notre objectif est d’informer
les gens pour qu’ils se prononcent, dans un sens ou un autre. Il n’y a pas que le 22 juin, lors de la Journée nationale de réflexion sur le don d’organeset la greffe, qu’il faut en parler! Très souvent, les familles ignorent le désirdu défunt. Le taux de refus est de 30 à 35% depuis dix ans. Il ne suffit pas d’avoir la carte de donneur, il faut le dire à son entourage. Les cabinetsinfirmiers sont aussi des vecteurs pour diffuser de l’information et libérerla parole. D’ailleurs, dans la région de Mulhouse, ce sont les Idels qui nousdemandent des cartes de donneurs. En post-greffe aussi, ils jouent un rôleimportant. Ils effectuent des soins banals, mais ils sont réconfortants. Celadit, les effets des traitements immunosuppresseurs, très lourds, semblentpeu connus du milieu médical. Ils devraient faire l’objet de formations. »
La France modifie peu à peu sa législation en matière detransplantation. Ainsi l’Assembléenationale a-t-elle validé, en juillet2011, le don croisé d’organes entrepersonnes vivantes et le don d’unami à travers la loi de bioéthiqueportée par le député Jean Leonetti.
Il existait « déjà dans de nombreuxpays européens (et) ne pose pas de problème particulier, relève Arnold Munnich, pédiatre généticien,professeur de médecine et conseillerà la présidence de la République,durant les travaux préparatoires.Souhaitée par les professionnels,
cette pratique permettra de réaliser davantage de greffes. Il fautsimplement veiller à éviter les risquesde pression sur les donneurs : le projetde loi comporte sur ce point toutes les garanties ». De quoi conforterl’harmonisation des pratiques sur le plan européen.
LE DON CROISÉ Dans le sillage européen
Analyse
DR
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que ses proches n’auront pas à fairece choix-là au moment le plus dou-loureux », conseille Hervé Chirpaz.
ÉDUQUERSi le don d’organes soulève des pro-blématiques complexes, la greffen’a rien de simple non plus. Elleintervient au bout d’un long chemin.De l’inscription sur la liste d’attenteà l’appel du centre de transplantationpour l’opération tant espérée, il peuts’écouler de nombreux mois, voireplusieurs années. Toujours est-il que,lorsqu’elle se produit, la greffe bou-leverse totalement la vie du patient.En atteste Marc Bourlière, greffé ducœur depuis 2002. Portefeuille enmain, le septuagénaire brandit deuxcartes: « Je les ai toujours avec moi.J’en ai une pour indiquer que j’ai ététransplanté, et l’autre pour dire queje suis donneur, se félicite-t-il, avantd’avouer que, pour tenir, il a fallu sebattre pendant toutes ces années. »Aussi épuisant soit-il, le combat nes’arrête en effet pas à la greffe. Cette“nouvelle vie” offerte grâce à la trans-plantation est semée de médicamentset de contre-indications en tousgenres. Pour s’y plier, l’aide de pro-fessionnels s’avère nécessaire. Leshôpitaux transplanteurs fournissentune première information, mais, unefois de retour à domicile, le patientse retrouve livré à lui-même. Pas sûrqu’il ait saisi toutes les directivesmédicales pour autant… Dans sonrapport “Pour la mise en œuvrerapide et pérenne” de l’Éducationthérapeutique du patient (ETP) dejuin 2010, le député de Moselle DenisJacquat chiffre cet écueil. Selon sonétude, « de 22 à 28% des patientsayant subi une transplantation rénalesont non observants, au risque d’en-traîner un rejet de leur greffe ». Unestatistique suffisamment alarmantepour qu’en novembre 2010, la HauteAutorité de santé (HAS) cite l’ETPparmi les actes et prestations à effec-
tuer pour le suivi des patients trans-plantés rénaux (7). Dans ce mêmedocument, c’est à l’infirmier qu’in-combe cette tâche, tout comme la« délivrance du traitement si néces-saire ». Reste à savoir comment celase traduit sur le terrain. Petit aperçu au CHU de Bordeauxoù exerce Aurélie Séniuta, en tantque cadre de santé au service detransplantation rénale. « Lorsquej’ai un patient qui vient d’être grefféet rentre chez lui, s’il maîtrise malson traitement immunosuppresseur,je fais appel aux infirmières libéralespour lui préparer ses médicamentset s’assurer qu’il les prend bien,indique la responsable. Je fais pareilpour un patient greffé qui présentedes complications infectieuses etretourne chez lui avec desantibiotiques. » Nuldoute: l’infirmière, quiplus est libérale, a unrôle à jouer sur ce plan-là. Elle ne semble pour-tant pas toujours convain-cue de son importance.« Il m’arrive d’avoir despatients greffés, mais messoins se limitent à des actestrès classiques: délivrancede médicaments, prise desang… Rien d’extraordi-naire », murmure un Idel
interrogé pour cette enquête. Quantà l’ETP, elle paraît tout aussi floue.« Les infirmières le font souvent sansen avoir conscience », constate Auré-lie Seniuta. Pour mettre au point un véritableprogramme d’ETP, la démarches’avère plus difficile. Pourtant, lesinfirmières présentent toutes lescompétences requises. « Seule laformation d’infirmier intègreaujourd’hui cette thématique, sou-ligne le député DenisJacquat dans sonrapport. La forma-tion conduisant audiplôme d’Étatassure
SANTÉ PUBLIQUE DON DE VIE EN VILLE
Témoignage« L’infirmière est un relais d’information »Aurélie Séniuta, cadre de santé dans le service de transplantation rénale au CHU de Bordeaux (33), après une expérience d’infirmière en centre de dialyse
« Durant mon expérience au sein du centre dialyse à la polycliniqueBordeaux-Nord Aquitaine, lors de pré-transplantations rénales, nous faisions des ateliers d’éducation thérapeutique. On avait de temps en temps recours aux infirmières libérales, pour leur demander comment cela se passait à la maison.Nous les tenions au courant sur le projet d’ETP. Elles recevaient le même courrierque le médecin traitant. Au cours du programme d’ETP, on reçoit le patient,on voit où il en est, ce qu’il sait de son insuffisance rénale chronique, on explore sa vie sociale, familiale, affective, etc. Le but de cet entretien est de voir avec lui le traitement le plus adapté (hémodialyse, dialyse péritonéale, en centre ou à la maison, voire la greffe). Il s’agit de l’aider à choisir ce qui correspond le pluspossible à sa vie quotidienne. L’Idel n’est pas invitée à le conseiller à ce propos. Elle est tenue informée comme le médecin pour être en mesure de prévenir sur d’éventuelles contre-indications médicales ou chirurgicales liées à certainestechniques de dialyse. Elle est aussi un relais d’information auprès du patient. »
JUIN 2012 - N° 282 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 23
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dossier
« Dans la plupartdes 59 actions
étudiées, le nombre de
professionnels desanté libéraux
impliqués dansdes actions
d’éducationthérapeutique
reste limité »24 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 282 - JUIN 2012
terfuges peuvent néanmoins fonc-
tionner. Le réseau Néphrolor, qui
mène un programme d’ETP baptisé
E’Dire, parvient à le financer à
l’aide du Fonds d’intervention pour
la qualité et la coordination des
soins (Fiqcs). Cela « nous permetde rémunérer, de façon dérogatoire,les professionnels de santé, explique
le Dr Kessler. Concernant les Idels,elles doivent avoir une formationgénérale à l’ETP et être volontaires.Elles bénéficient alors d’une for-mation spécifique à E’Dire. Ellesn’ont rien à voir avec les associationsde dialyse. En revanche, certainesIDE (en particulier dans les petitesvilles) peuvent être salariées d’unréseau. » L’éducation thérapeu-
tique (9) dédiée aux patients greffés
à domicile paraît, de ce fait, bien
en peine. Malgré la loi HPST, qui
encourage l’essor de l’ETP, le che-
min s’annonce encore long. �
(1) L’agence sanitaire qui gère toutes les activités de prélè-vement et de greffe en France, placée sous l’égide du ministèrede la Santé. (2) Sur le Plan 2012-2015, lire notre actualité p.8 de L’ILMn°281.(3) Décret n°2006-1620 du 18 décembre 2006.(4) Pour en savoir plus sur le don de moelle osseuse et Admo 38,contacter Michelle sur admo38@hotmail.fr ou 0871149935.(5) Lire en complément notre rubrique Votre cabinet, p.52.(6) Vous pouvez vous procurer le passeport de vie auprès del’ABM (www.agence-biomedecine.fr) qui en est à l’origine oudes associations www.association-gregorylemarchal.org,www.greffedevie.fr ou www.france-adot.org.(7) Liste des actes et prestations, ALD 28 “Suite de transplantationrénale de l’adulte“. HAS (2010).(8) “Analyse économique et organisationnelle de l’éducationthérapeutique dans la prise en charge des maladies chroniques”,enquêtes descriptives (Service évaluation medico-economiqueet santé publique, HAS).(9) L’ETP fera l’objet du prochain Cahier de formation de L’ILMn°283.
à l’infirmier la compétence néces-saire pour “initier et mettre enœuvre des soins éducatifs et pré-ventifs”, notamment concevoir, for-maliser et mettre en œuvre unedémarche de l’éducation thérapeu-tique. Cette compétence repose surquatre unités d’enseignement, soitplus de 150 heures théoriques etpratiques, réparties sur les troisannées de formation. » Dans cette
même enquête, Denis Jacquat
pointe en outre la méconnaissance
des médecins sur « l’intérêt de l’ETPet l’offre disponible », si bien qu’ils
« n’incitent pas leurs patients à suivreces programmes ».
PAS DE COTATION
Ce qui se confirme dans le document
de travail de la HAS sur l’éducation
thérapeutique destinée aux patients
chroniques, suite à une enquête
conduite entre 2006 et 2007 (8). « Dansla plupart des 59 actions qui sont étu-diées, le nombre de professionnelsde santé libéraux impliqués dans desactions d’éducation thérapeutiquereste limité. » Et pour cause : il
n’existe aucune cotation pour cet
acte. Même les établissements hos-
pitaliers qui s’y mettent le font sur
leur budget global. « Cela n’appa-raîtra jamais dans les PMSI [Pro-
gramme de médicalisation des sys-
tèmes d’information, ndrl], observe
Aurélie Seniuta. C’est payé par toutle reste… Ou pas! En effet, si le patienta coûté cher en temps soignant, onl’aura perdu. C’est pour cela que per-sonne n’est détaché pour les ETP.On est obligé de conserver les inter-venants ETP dans le planning habituelde leur service d’origine. »
« Aucune rémunération spécifiquen’existe pour la cotation de ce suiviéducatif, confirme la HAS dans son
document de travail daté de 2007.
À en croire les personnes interro-gées, les infirmières libérales quitravaillent dans ce domaine sem-blent coter leurs actes de la mêmemanière que si elles réalisaient elles-mêmes l’injection. » D’autres sub-
En chiffres� 4945 greffes recensées en 2011 (soit + 5% par rapport à 2010).� 1572 prélèvements d’organesen 2011 (+ 6,5% par rapport à 2010).� Âge moyen des donneurs:53,6 ans en 2011.� Au total, 16000 personnesenviron ont eu besoin d’une greffe en 2011. Près de 11000 sont donc restées sur liste d’attente.Source : Agence de la biomédecine.
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En 2011, le nombre de refus
en France reste élevé:
16000 personnes sont en
attente d’une greffe, pour
environ 5000 greffes réalisées.
Informations insuffisantes,
considérations éthiques et
religieuses ou méconnaissance
de la loi? Tentons de résumer
simplement lesrègles qui
encadrent le don d’organes.
Savoir de quoi on parleLe Larousse définit “l’organe” comme
« une partie du corps d’un être vivant
nettement délimitée et exerçant des fonc-
tions particulières » et le site Vulgaris-
Médical comme « une partie anatomique
individualisée, exerçant une fonction
particulière ». La loi, elle, distingue d’une
part les organes (cœur, poumon, rein,
foie, pancréas) et d’autre part les tissus
(peau, os, cornée, moelle osseuse, etc.).
Un peu d’histoire De la loi du 15 novembre 1887, qui auto-
rise une personne à faire don, par tes-
tament, de son corps à la faculté de
médecine, à la loi bioéthique du 29 juillet
1994, revue par les lois du 6 août 2004
et du 7 juillet 2011, en passant par la
loi Cavaillet du 22 décembre 1976 qui
consacre la présomption du consen-
tement aux dons après le décès, le corps
humain, en principe inviolable et indis-
ponible, a été défini juridiquement afin
de permettre, notamment, que ses
organes soient utilisés dans le cadre
d’un développement des greffes et des
transplantations.
Les principes applicablesaux dons d’organes
Le don obéit à trois grands principes.
� Le consentement Toute personne est considérée comme
consentante au don d’éléments de son
corps en vue de greffe si elle n’a pas
manifesté d’opposition de son vivant.
C’est le principe du consentement pré-
sumé, posé par la loi Cavaillet du
22 décembre 1976, et jamais remis en
cause. L’opposition au don est un acte
individuel, formalisé par une inscription
au registre national des refus (83000 ins-
crits en juillet 2011), possible dès l’âge
de 13 ans. Le formulaire doit obliga-
toirement être signé par l’intéressé lui-
même et accompagné de la photocopie
d’une pièce d’identité. Géré par
l’Agence de la biomédecine, ce registre
est systématiquement consulté par les
médecins dès lors qu’un prélèvement
est envisagé. La carte de donneur n’a
aucune valeur légale. Si elle permet au
médecin d’avoir connaissance de la
volonté du défunt, elle ne le dispense
pas d’un échange avec les proches.
Soulignons que le don d’organes entre
personnes vivantes, don limité à la
“famille” au sens large depuis la loi de
2004, impose que le consentement du
donneur soit effectué devant le prési-
dent du tribunal de grande instance,
après autorisation du prélèvement par
un comité d’experts.
� La gratuitéLe don d’organes est un acte totalement
gratuit, qui ne donne lieu à aucune
rémunération, ce qui n’exclut pas le
remboursement des frais éventuelle-
ment engagés par le donneur ou sa
famille. Précisons que les médecins
effectuant des prélèvements ne peuvent
percevoir aucun honoraire spécifique
au titre de ces actes.
� L’anonymat Hors les cas de dons directs entre per-
sonnes vivantes ou de “nécessité thé-
rapeutique”, la règle de l’anonymat est
absolue. Cependant, le donneur – ou
sa famille – est informé de la finalité
du prélèvement et, dans certains cas,
des résultats de la greffe.
D’autres règlesAu-delà de ces trois grands principes,
d’autres règles régissent les dons d’or-
ganes: interdiction de la publicité en
faveur d’un don, au profit d’une personne
déterminée ou d’un établissement, ce
qui n’implique pas l’impossibilité d’in-
former le public sur la finalité des dons;
la sécurité sanitaire, laquelle impose des
examens avant tout prélèvement (sélec-
tion clinique des donneurs avec une
recherche des antécédents médicaux)
et des analyses de biologie médicales.
Le don : du prélèvement à la transplantation
Moins de 10% des prélèvements sont
réalisés sur des personnes vivantes. La
52 L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE - N° 282 - JUIN 2012
votre cabinet
DÉMARCHES
Don d’organes,droits et devoirs
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révision de la loi bioéthique du 7 juillet
2011 autorise dans son article 7 les dons
croisés (« si le donneur A et le receveur A
s’avèrent incompatibles, et qu’un
deuxième duo B se trouve dans la même
situation, on étudie la possibilité d’un
don entre le donneur A et le receveur B »)
mais aussi les dons dans un cercle de
proches élargi (« toute personne ayant
un lien affectif étroit et stable depuis deux
ans avec le malade »). Mais la majorité
des prélèvements concerne des don-
neurs en arrêt cardiaque et respiratoire
persistant (loi du 21 avril 2005, arrêté
du 2 août 2005), mais surtout en état de
mort encéphalique (cellules nerveuses
du cerveau irrémédiablement détruites
car privées d’oxygène). Pris en charge
par les services et les équipes compé-
tentes (urgences, etc.), ce sont des
patients pour lesquels tous les efforts
de réanimation ont échoué.
S’il n’existe pas de définition légale de
la mort, il est cependant possible de
prendre appui sur un arrêté du
2 décembre 1996*, qui dispose que le
constat de mort préalable au prélève-
ment d’organes, de tissus et de cellules
à des fins thérapeutiques ou scienti-
fiques repose sur trois signes cliniques
simultanément présents: absence totale
de conscience et d’activité motrice
spontanée, abolition de tous les réflexes
du tronc cérébral (réflectivité pupillaire,
abolition des réflexes cornéens...) et
absence totale de ventilation spontanée.
Le diagnostic clinique de mort cérébrale
est confirmé par un examen complé-
mentaire: soit deux électroencéphalo-
grammes (EEG) à quatre heures d’in-
tervalle, soit une angiographie cérébrale
(artériographie ou angioscanner, mon-
trant l’arrêt de la vascularisation céré-
brale). Le diagnostic de mort encépha-
lique, en cas de prélèvement à but
thérapeutique, doit être cosigné sur
un procès-verbal conforme à la régle-
mentation, à savoir par deux médecins
titulaires. Dans le but d’un prélèvement,
la respiration et l’activité cardiaque
sont maintenues artificiellement par
des techniques de réanimation, et ce,
pendant une durée limitée. Soulignons
que le médecin qui constate le décès
ne peut être un professionnel exerçant
une activité de prélèvements.
Le décès constaté et les prélèvements
envisagés, la deuxième étape consiste
à vérifier sur le registre national des
refus que la personne ne s’est pas oppo-
sée au don. Puis les proches seront
consultés. Le consentement recueilli, le
médecin se réfère à la liste nationale
des patients en attente d’une greffe, liste
établie par type de transplantation. Les
règles de répartition (fixées par un arrêté
du 24 novembre 1994) ont été élaborées
selon un système qui tient compte de
nombreux critères (menace vitale à court
terme, âge, compatibilité, etc.). Les
organes requièrent des contrôles et des
examens, comme indiqué précédem-
ment. Les patients transplantés ou gref-
fés feront aussi l’objet d’un suivi médical
particulier (arrêté du 9 octobre 1997).
Les prélèvements ne peuvent être effec-
tués que dans des établissements auto-
risés par l’Agence de la biomédecine à
pratiquer de tels actes, par des médecins
et des équipes de soins formés à cet
effet. Il peut cependant arriver que des
chirurgiens puissent pratiquer des pré-
lèvements dans des établissements non
autorisés, mais intégrés dans un réseau
de prélèvements. Rappelons que la loi
bioéthique de 2004 fait du prélèvement
d’organes une mission prioritaire des
hôpitaux: « Tous les établissements de
santé, qu’ils soient autorisés ou non, par-
ticipent à l’activité de prélèvement d’or-
ganes et de tissus, en s’intégrant dans
les réseaux de prélèvement » (article
L.1233-1 du Code de la Santé publique).
Soulignons enfin que les prélèvements
sur les personnes vivantes ne sont pos-
sibles que dans des structures ayant
aussi une activité de transplantation.
Une fois le(s) prélèvement(s) effectué(s),
le corps, préparé et habillé, est restitué
à la famille, dans le respect des souhaits
du défunt. Par ailleurs, les frais relatifs
au transfert des donneurs potentiels
d’organes sont entièrement pris en
charge par l’hôpital qui effectue le pré-
lèvement (article R.1211-10 du Code de
la Santé publique).��VÉRONIQUE SOKOLOFF,JURISTE, ET CANDICE MOORS, JOURNALISTE*L’arrêté est consultable sur l’adresse raccourcie http://petitlien.fr/5x3.
En complément, lire le dossier en p.18 Don de vie en ville.
JUIN 2012 - N° 282 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 53
votre cabinet
EN SAVOIR� Pour recevoir une carte de donneur ou le formulaired’inscription au registre nationaldes refus : 0800 20 22 24 *.* Numéro vert de l’Agence de la biomédecine.
+
Infos� Mineurs et sous tutelle ?
Pour tout prélèvement sur une personne mineure ou soustutelle décédée, le consentementécrit des deux titulaires del’autorité parentale dans lepremier cas et du tuteur dans le second (+ juge des tutelles) est requis. Le prélèvementd’organes, de leur vivant, estinterdit. On note de très raresexceptions entre frères et sœurs.
+
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FICHE PRATIQUE
pour une donneuse, moins de 45 ans
pour un donneur.
Les étapes préalables au donPratiquement, le don se décompose
en plusieurs étapes, dont certaines
sont communes aux deux types de dons.
Au cours d’un premier entretien, les
donneurs sont informés des modalités
pratiques du don ainsi que des
conséquences juridiques (notamment
au regard de la filiation). Les donneuses
reçoivent par ailleurs des informations
médicales sur les effets indésirables
et les risques de complication.
Les consentements des donneurs,
mais également ceux des éventuels
conjoints, sont recueillis par écrit,
par formulaire. Des examens cliniques
et biologiques sont réalisés, et plus
spécifiquement pour le donneur
la détermination du groupe sanguin
Rhésus, des tests sérologiques, une
consultation génétique et un caryotype.
Un entretien avec un psychologue ou
un psychiatre, en présence du conjoint
éventuel, est par ailleurs obligatoire.
L’organisation des prélèvements�Pour le don d’ovocyte, la stimulation
ovarienne, d’une durée de 10 à 12 jours,
est réalisée par une infirmière grâce
à des injections sous-cutanées
quotidiennes. Pendant cette stimulation,
des prises de sang régulières et des
échographies ovariennes permettent
d’évaluer la réponse au traitement.
Le prélèvement a lieu 35 à 36 heures
après la dernière injection, dans le cadre
d’une hospitalisation de jour. Il s’effectue
par voie vaginale, sous analgésie
ou anesthésie. Après le don, les ovocytes
sont confiés au laboratoire pour
une fécondation in vitro et sont destinés
à des couples receveurs que la donneuse
ne connaît pas. Tous les frais afférents
au don sont pris en charge.
�Pour le don de sperme,les spermatozoïdes recueillis sont
conditionnés dans des paillettes
et congelés. Après plusieurs tests (de
décongélation, sérologiques), et un délai
minimum de 6 mois, ils sont attribués
à des couples receveurs en vue d’une
assistance médicale à la procréation
(insémination ou fécondation in vitro). �
Je veux donner, comment faire ?En France, le don d’ovocytes et le don
de spermatozoïdes, comme de tous
les éléments du corps humain, sont
encadrés par la loi bioéthique du 6 août
2004, modifiée par la loi du 7 juillet
2011. Ils sont réalisés par des praticiens
compétents, dans des centres agréés
et sont soumis à trois grands principes :
volontariat, gratuité et anonymat.
Pour être donneur, il suffit de remplir
les conditions suivantes : être en bonne
santé, majeur, et avoir moins de 37 ans
JUIN 2012 - N° 282 - L’INFIRMIÈRE LIBÉRALE MAGAZINE 55
DON D’OVULES, DONDE SPERMATOZOÏDES Dans certains cas d’infertilité, il est nécessaire de faire
appel au don. Si le don de sperme est aujourd’hui répandu,
le don d’ovocyte peut également être une solution.
Véronique Sokoloff
Juriste en droit pénal
et droit de la santé,
formatrice en secteur
libéral et hospitalier
www.formationsantedroit.over-blog.com
Doit-on avoir eu des enfants pour donnerses ovocytes ou ses spermatozoïdes ?Non, cette condition a été
supprimée par la loi du
7 juillet 2011. Cependant,
comme le précise l’article
L.1244-2-3 du Code de la
Santé publique, le donneur
« se voit alors proposer le
recueil et la conservation
d’une partie de ses gamètes
en vue d’une éventuelle
réalisation ultérieure, à son
bénéfice, d’une assistance
médicale à la procréation ».
J’envisage de donner mes ovocytes, mais je ne peux me rendre aux examens que pendantmes horaires de travail.Puis-je bénéficier d’un congé particulier ?Conformément à l’article
1224-5 du Code de la Santé
publique, vous pouvez,
si vous êtes salariée,
bénéficier d’une
autorisation d’absence
de votre employeur pour
vous rendre aux examens
et vous soumettre aux
interventions nécessaires
à la stimulation ovarienne
et au prélèvement
ovocytaire. Ces absences
n’entraînent aucune
diminution de votre
rémunération (article
1225-16 du Code
du Travail).
Un enfant issu d’un donde gamètes peut-ildemander la levée del’anonymat du donneur ?Cette question a fait
polémique pendant
les longs mois précédant
le vote de la loi du 7 juillet
2011. Mais cette éventuelle
possibilité a été rejetée
et l’anonymat demeure
la règle.
Je ne vis pas en couple.Puis-je cependant faireun don d’ovocyte ?Absolument. Ce fut l’une
des grandes modifications
de la loi du 6 août 2004,
qui ne conditionnait plus
le don de gamètes à la
nécessité d’être en couple.
Le conjoint d’un donneurdoit-il donner sonconsentement au don ?Conformément à l’article
L.1244-2-1 du Code
de la Santé publique,
« le consentement
des donneurs et, s’ils font
partie d’un couple, celui
de l’autre membre
du couple sont recueillis
par écrit ». Soulignons
que la notion de “couple”
n’est pas définie
juridiquement. Il peut
donc s’agir des conjoints,
des concubins,
des personnes pacsées.
Questions/réponses
DR
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