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En 2005, le Niger a fait le choix de s’attaquer concrètement aux barrières financières de l’accès aux soins en introduisant des mesures d’exemption de paiement au profit de certaines catégories de populations. Initialement limitée aux césariennes, cette politique dite de « gratuité » a été rapidement étendue aux produits contraceptifs, aux consultations prénatales ainsi qu’à la prise en charge des enfants de moins de cinq ans.
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juillet 2011
Gratuité des soins au niGer : une OptIOn payanteà COnsOlIder
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider2
La présence de Médecins du Monde au Niger
Le Niger est un pays d’intervention pour Médecins du Monde
depuis de nombreuses années. L’association initie ses activités
dans ce pays par une première phase d’urgence et post urgence
qui s’étend de 1991 à 1996, destinée à apporter une aide aux
populations déplacées par le conflit affectant le nord du pays
et soutenir le processus de paix. Dans la région de Tahoua,
l’accès aux soins des populations déplacées est rétabli et
un dispensaire est construit à Biri dans le département de
Tchintabaraden. Le dispensaire de Tabalak est reconstruit
dans le département d’Abalak, et à Tahoua, la maternité est
réhabilitée et l’hôpital appuyé. La relance du système de soins
en milieu nomade est soutenue dans le département d’Agadez
au travers de la formation, l’encadrement et la supervision
d’agents de santé communautaire en collaboration avec la
Direction Régionale de la Santé Publique.
Entre 1999 et 2002, Médecins du Monde met en œuvre un pro-
gramme d’appui au développement sanitaire des populations
rurales du District Sanitaire d’Arlit. Ce programme s’intègre
encore davantage dans la politique nationale en soutenant
notamment l’élaboration du premier plan de développement
sanitaire du district, en collaboration avec la Direction Régionale
da le Santé Publique d’Agadez et le Ministère de la Santé
Publique. Ce programme est transféré à la délégation belge de
Médecins du Monde en 2002.
Après une interruption de sa présence pendant quelques années,
MdM débute en 2006 un programme d’appui à l’équipe cadre de
district de Keita et accompagne la mise en place de la politique
de gratuité des soins instituée par le gouvernement nigérien. Fort
de l’expérience développée au cours de la mise en œuvre de ce
programme et avec l’objectif d’accroitre sa force de plaidoyer en
faveur de la levée des barrières financières à l’accès aux soins,
Médecins du Monde développe depuis fin 2009 un programme
régional incluant le district de Keita au Niger, celui de Koro au
Mali et celui de Djibo au Burkina Faso.
Par ailleurs, un programme intégré de Recherche – Action
– Plaidoyer est mis en œuvre de 2007 à 2010 pour la prise en
charge, grâce à des méthodes innovantes, des problématiques
de nutrition et de planification familiale dans les départements
de Tchintabaraden, Abalak et Keita dans la région de Tahoua.
L’année 2010, marquée par une situation nutritionnelle difficile,
conduit Médecins du Monde à intervenir auprès des équipes
cadres de district des mêmes départements pour y faire face.
En parallèle de ces projets, au travers de sa mission
Opération Sourire, Médecins du Monde apporte son soutien
depuis 15 ans à l’Hôpital National de Niamey dans le domaine
de la chirurgie réparatrice des séquelles de noma, brûlures,
traumatismes ou anomalies congénitales comme les fentes
palatines.
REMERCIEMENTSCe rapport a été réalisé avec le soutien de l’ensemble
de l’équipe de Médecins du Monde basée au Niger
ainsi que l’équipe de coordination du projet « Sahel ».
Nous tenons par ailleurs à remercier le Ministère de
la Santé Publique du Niger et plus particulièrement la
cellule « gratuité » pour nous avoir facilité l’accès aux
informations. Nous adressons enfin nos remercie-
ments à l’équipe cadre du district de Keita.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 3
sOMMaIreAvant-propos ....................................................................................................................... 4Résumé exécutif .................................................................................................................. 5
SITUATION SANITAIRE DU NIGER ................................................................................... 6
LA POLITIQUE NATIONALE DE « GRATUITÉ DES SOINS » ............................................ 8Les limites du paiement direct .............................................................................................. 8
Quelle gratuité des soins au Niger ? ..................................................................................... 9La gratuité, comment ça marche ? ....................................................................................... 11
UNE POLITIQUE DANS L’AIR DU TEMPS ....................................................................... 13Un phénomène non isolé sur le continent africain .................................................................. 13Les bonnes intentions des bailleurs de fonds ........................................................................ 14
LES EFFETS DE LA GRATUITÉ SUR L’UTILISATION DES SERVICES ............................ 16Une hausse spectaculaire de la demande de soins ............................................................... 16Précocité de la prise en charge et réponse adéquate aux principales causes de mortalité ....... 17
UNE POLITIQUE AUJOURD’HUI FRAGILISÉE ............................................................... 19Des retards importants dans le remboursement des factures ................................................. 19Principales causes du dysfonctionnement ............................................................................ 21L’aide internationale insuffisamment mobilisée ....................................................................... 23Une volonté politique nationale à réaffirmer ........................................................................... 24
RECOMMANDATIONS ..................................................................................................... 26
ANNEXES ........................................................................................................................ 28
Liste des abréviations et acronymes ...................................................................................... 31
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider4
aVant-prOpOs
Parmi les nombreux obstacles qui se dressent sur le chemin
de l’accès aux soins dans les pays les plus pauvres, l’obli-
gation faite à l’usager de payer pour accéder aux services de
santé représente très souvent une barrière infranchissable et un
des principaux vecteurs d’inégalité face à la maladie.
Chaque année plus de 100 millions d’individus basculent dans
la pauvreté suite à des dépenses catastrophiques de santé.
Des centaines de millions d’autres renoncent tout simplement
à aller se faire soigner, faute d’argent.
Depuis plusieurs années notre association, Médecins du
Monde, se mobilise au côté de ses partenaires pour obtenir la
levée des barrières financières que cela soit en Haïti, au Burkina
Faso, au Mali ou encore au Niger. Nous sommes convaincus
que les politiques nationales d’exemptions de paiement qui
se sont multipliées au cours des cinq dernières années, en
particulier en Afrique subsaharienne, méritent d’être soutenues
et constituent un des éléments de réponse pour tendre vers
l’accès universel à un paquet minimum de services de santé
de base.
L’expérience du Niger, présentée dans ce rapport, témoigne
de la pertinence des politiques de « gratuité » et de leur impact
positif sur l’utilisation des services de santé. Mais elle souligne
également l’enjeu de taille que représente la mobilisation des
moyens financiers et humains nécessaires pour garantir la
pérennité de ces politiques. Le succès de leur mise en œuvre
dépend inévitablement de la volonté politique et des ressources
budgétaires que les Etats et leurs partenaires internationaux
sont prêts à y consacrer.
C’est ce message que Médecins du Monde a décidé de porter
dans la perspective du prochain sommet du G20 qui aura lieu
à la fin de l’année en France. Alors que la promotion d’un socle
universel de protection sociale figure cette année à l’agenda,
il est crucial que l’accès pour tous à une couverture du risque
maladie, dont participent les politiques de gratuité, soit reconnu
comme pilier incontournable de la protection sociale et qu’il
en ressorte des engagements forts en faveur d’une réduction
des barrières financières. C’est en tout cas ce que nous nous
efforcerons de marteler dans le cadre de la campagne d’inter-
pellation « la santé n’est pas un luxe » (http://www.lasante-
nestpasunluxe.org)
Pierre SalignonDirecteur général à l’action humanitaire,
Médecins du Monde France.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 5
© M
artin
Cou
rcie
rAvant, si nous n’avions pas d’argent, nous ne
venions même pas au centre de soins puisque
nous ne pouvions pas payer les médicaments.
Maintenant nous pouvons venir faire soigner
nos enfants gratuitement.”
Une patiente d’un centre de soins, mars 2011
resuMÉ eXÉCutIF
En 2005, le Niger a fait le choix de s’attaquer concrètement
aux barrières financières de l’accès aux soins en introdui-
sant des mesures d’exemption de paiement au profit de
certaines catégories de populations. Initialement limitée
aux césariennes, cette politique dite de « gratuité » a été rapi-
dement étendue aux produits contraceptifs, aux consultations
prénatales ainsi qu’à la prise en charge des enfants de moins
de cinq ans.
Après quatre années de mise en œuvre effective1, la politique
de gratuité des soins a permis d’augmenter de manière signi-
ficative le niveau d’utilisation des services de santé. Le taux
d’utilisation des soins curatifs par les enfants de moins de 5 ans
est passé de 59 % en 2005 à 85 % en 2009 et celui relatif à
la consultation prénatale a également atteint 85 % alors qu’il
n’était que de 40 % en 20052.
Pour autant, malgré ces résultats encourageants et bénéfiques
pour la santé des populations, la pérennité des exemptions
de paiement est encore loin d’être assurée. La persistance de
dysfonctionnements majeurs dans la gestion et le financement
de la politique de gratuité déstabilise aujourd’hui fortement des
structures sanitaires confrontées à de très importants retards
de remboursement de la part de l’Etat. Cette situation pourrait
à terme aboutir à une remise en cause pure et simple de la
gratuité des soins.
Pour sortir de l’impasse et assurer une mise en œuvre effective
de ce qui constitue aujourd’hui un acquis social majeur, le nou-
veau gouvernement du Niger doit entreprendre un véritable plan
de sauvetage de la « gratuité ». La mobilisation de ressources
budgétaires supplémentaires ainsi que des ajustements dans
la gestion administrative de la gratuité sont aujourd’hui indis-
pensables.
Un soutien réel et significatif des bailleurs internationaux sera
également une des clefs pour relever avec succès ce défi.
Les moyens promis en 2010 dans le cadre de l’initiative de
Muskoka et de la stratégie globale pour la santé de la femme et
de l’enfant représentent une opportunité à saisir pour financer
cette politique d’exemption de paiement au profit des femmes
enceintes et des enfants de moins de cinq ans.
1 Bien que les décrets instituant les exemptions de paiement datent de 2005 et 2006, la politique nationale de gratuité des soins n’a été lancée officiellement que le 1er août 2007.2 Données tirées du SNIS, disponible sur http://www.snis.cermes.net
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider6
situation sanitaire du nIGerLe Niger, pays sahélo-saharien de près de 15 millions
d’habitants, figure parmi les pays les plus pauvres de la
planète. Placé par le PNUD au 167ème rang mondial sur 169 en
termes de développement humain (juste avant la République
Démocratique du Congo et le Zimbabwe)3, ce pays fait face à
des défis majeurs en matière de lutte contre la pauvreté. 65 %
de la population nigérienne vit aujourd’hui en dessous du seuil
de pauvreté4 et l’espérance de vie moyenne à la naissance ne
dépasse pas 52 ans.
Les principaux indicateurs sanitaires traduisent un état de santé
de la population préoccupant. Le taux de mortalité infanto-juvé-
nile s’élève aujourd’hui à 181 pour 1000 naissances vivantes5,
ce qui signifie concrètement que près d’un enfant sur cinq au
Niger meurt avant d’atteindre l’âge de 5 ans. A l’instar des autres
pays de la zone sahélienne, les pathologies à l’origine de ces
décès sont principalement le paludisme, la malnutrition (taux de
malnutrition aigüe au-delà de 12%), les affections diarrhéiques
et les infections respiratoires aigues (pneumonie, etc.). Le taux
de mortalité maternelle figure également parmi les plus élevés
au monde (648 décès pour 100 000 naissances vivantes6) et
n’a que très peu baissé au cours des deux dernières décennies
(700 pour 100 000 naissances vivantes en 1990). Cela se tra-
duit chaque année par le décès de 14 000 femmes enceintes.
Selon les estimations de l’UNICEF, le risque pour une femme
nigérienne de mourir de complications liées à la grossesse ou
à l’accouchement est d’1 chance sur 16. A titre de comparai-
son, ce risque n’est que d’1 chance sur 3900 dans les pays
développés7.
Cette situation s’explique en partie par un système de santé
déficient qui ne dispose pas aujourd’hui des moyens néces-
saires pour faire face aux besoins sanitaires de la population.
Le déficit de structures de santé, les difficultés d’approvi-
3 Programme des Nations Unies pour le développement, Rapport mondial sur le développement 2010, http://hdr.undp.org/fr/rapports/mondial/rdh2010/4 Pourcentage de la population vivant avec l’équivalent de moins d’1,25 USD par jour. Source : World Health Statistics 20105 World Health Statistics 2010, http://www.who.int/whosis/whostat/2010/en/index.html6 Donnée issue de l’EDSN-MICS III NIGER 20067 WHO, UNICEF, UNFPA, and the World Bank. 2010. Trends in maternal mortality: 1990 to 2008, p. 42. http://www.unfpa.org/webdav/site/global/shared/documents/publications/2010/trends_matmortality90-08.pdf
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artin
Cou
rcie
r
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 7
sionnement en médicaments, la pénurie aigüe de ressources
humaines8 et leur déploiement inégal sur le territoire fragilisent
fortement l’offre de soins. Les barrières financières et géogra-
phiques viennent par ailleurs compléter les nombreux obstacles
qui limitent considérablement l’accès du plus grand nombre
aux services de santé de base.
Aujourd’hui, près de trois femmes nigériennes sur quatre
accouchent encore sans l’assistance d’un personnel qualifié.
L’accès aux soins obstétricaux d’urgence constitue un véritable
défi. Alors que l’OMS estime qu’un taux normal d’accouche-
ment par césarienne se situe entre 5 et 15%, ce taux au Niger
ne dépasse pas 1,4%.
Pour autant, il importe de souligner qu’au cours des cinq
dernières années des améliorations sensibles ont été enre-
gistrées. Comme le montre le tableau ci-dessous, on note en
effet entre 2005 et 2009 une évolution positive d’un certain
nombre d’indicateurs sanitaires. Ainsi par exemple, selon les
estimations du Ministère de la Santé Publique (MSP), le taux
de couverture vaccinale pour la rougeole chez les enfants de
12-23 mois est passé de 47 % à 65,6 %. Le taux d’utilisation
des soins curatifs a atteint 43,4 % en 2009 alors qu’il n’était
que de 20 % en 2005. Le taux de prévalence contraceptive,
bien que toujours trop faible, est passé de 4 % à 16,4 % des
femmes en âge de procréer.
IndicateursNiveau de base
2005Niveau atteint
2009
Taux de couverture vaccinale 12-23 mois
Rougeole 47% 65,6%
DTC3 40% 54,7%
Accouchements en maternité en croissance
Total Niger 17% 28,5%
Urbain 70% 83,1%
Rural 8% 17,5%
Proportion du budget de l’Etat alloué au secteur de la santé 7,3% 9,5%
Taux de réalisation des supervisions 50% 69,3%
Taux de réalisation des réunions de coordination 50% 69,5%
Pourcentage de population ayant accès aux centres de santé offrant le PMA (0-5 km)
50% 44,7%
Taux d’utilisation des soins curatifs 20% 43,4%
Taux de couverture CPN 42% 89,6%
Taux de couverture CPON 24% 26,6%
Taux de prévalence contraceptive 4% 16,4%
Taux de césariennes 0,8% 1,4%
Taux d’accouchements assistés par un personnel qualifié 16% 26,6%
Taux de guérison des tuberculeux 60% 77,9%
Source : Ministère de la Santé Publique, DEP, Rapport d’exécution du PDS 2005-2010, Novembre 2009.
La décision prise par l’Etat du Niger de rendre gratuit l’accès
à un certain nombre de prestations sanitaires destinées aux
femmes en âge de procréer, aux femmes enceintes et aux
enfants de moins de cinq ans, compte parmi les mesures
phares qui ont contribué activement à l’amélioration de ces
indicateurs.
8 Selon l’OMS, la densité de médecins au Niger est inférieure à 0.5 pour 10 000 habitants. A titre de comparaison, la France dispose de 37 médecins pour 10 000 habitants.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider8
La PoLitiQue nationaLe DE « GRATUITÉ DES SOINS » au nIGer
Les limites du paiement direct
A l’instar de nombreux pays disposant de peu de ressources
financières, le financement du système de santé au Niger
repose massivement sur les dépenses privées (42,3 % des
dépenses globales de santé)9 dont la quasi-totalité (96 %)10
provient du paiement direct des patients lors de l’utilisation
des services. Ce recouvrement des coûts auprès des usagers,
élément central de l’initiative de Bamako (IB)11, a été introduit
au Niger en 1994. Depuis cette date, le patient doit s’acquitter
lors de chaque consultation d’un forfait « épisode maladie »
couvrant à la fois le coût de la consultation et des médicaments.
Le forfait varie en fonction des actes de soins délivrés.
Cette participation financière des usagers s’est très vite révélé
un obstacle majeur dans l’accès aux soins de santé primaires.
La contribution des usagers, même si parfois modique en
valeur absolue, constitue souvent un effort financier de taille
pour une large partie de la population. Par exemple, le paiement
de 500 FCFA pour la consultation d’un enfant de moins de cinq
ans représente l’équivalent d’environ une journée de travail
pour la plupart des Nigériens dont le revenu ne dépasse pas un
dollar par jour. Le prix d’un accouchement varie pour sa part de
500 FCFA (accouchement normal) à 2000 FCFA (pour les cas
compliqués), auquel il faudra par ailleurs ajouter le prix du kit
accouchement, soit 900 FCFA. Rappelons enfin que le coût de
l’accès aux soins peut très vite s’envoler en cas d’interventions
médicales plus lourdes. Ainsi, avant l’instauration de la politique
de « gratuité », la nécessité de recourir à une césarienne était
bien trop souvent synonyme de catastrophe financière pour les
familles contraintes de mobiliser entre 35 000 et 80 000 FCFA
(soit entre 50 et 120 euros).
Au cours d’une enquête conduite par Médecins du Monde en
2006, 45 % des personnes interrogées ont affirmé n’avoir pu se
faire soigner en raison du manque d’argent12. Selon l’enquête
démographique de santé (EDSN-MICS III) réalisée en 2006,
69 % des femmes vivant en milieu rural invoquaient les difficul-
tés financières comme principal obstacle à l’accès aux soins13.
L’accès payant a par ailleurs constitué un facteur d’appauvris-
sement pour de nombreux foyers obligés de procéder à des
choix très douloureux tels que l’arrêt de la scolarisation des
enfants, la vente de tout ou partie de leurs biens ou encore
l’endettement auprès des autres membres de la communauté.
Le système du paiement direct par l’usager ne s’est pas non
plus imposé au Niger comme un mécanisme de financement
très efficace. Bien qu’ils représentent souvent un des seuls
moyens dont disposent les formations sanitaires pour permettre
l’achat de médicaments et consommables, ces paiements
directs n’arrivent à couvrir, au niveau national, qu’une part
relativement marginale des dépenses ordinaires du système
national de santé. Une étude de Bitran et Munoz publiée en
2005 estime que le recouvrement des coûts au Niger ne repré-
senterait que 4 % du total des dépenses publiques de santé14.
A noter toutefois que les projections présentées dans le cadre
du plan de développement sanitaire 2011-2015 sont quant à
elles un peu plus optimistes puisque la part des financements
issus des dépenses des ménages dans le système public de
9 World Health Statistics 2011, http://www.who.int/whosis/whostat/EN_WHS2011_Full.pdf10 World Health Statistics 2011, http://www.who.int/whosis/whostat/EN_WHS2011_Full.pdf11 L’Initiative de Bamako (IB) a été adoptée en 1987 en vue de relancer l’approche des soins de santé primaires définie lors de la conférence d’Alma Ata (1978). L’IB repose notamment sur le principe de la participation financière des usagers visant à garantir un autofinancement des structures de santé.12 Médecins du Monde (2006), Enquête de l’impact du recouvrement des coûts sur l’accès aux soins de la population de Keita13 http://www.stat-niger.org/Niger%202006%20MICS3%20prelim-a.pdf14 Bitran R, Munoz R: Evaluation du système de recouvrement des coûts au niveau des districts sanitaires du Niger. Bitran & Associés; 2005:40
Avant [la gratuité], pour évacuer un enfant,
il fallait aller chercher une brebis pour aller
la vendre et récupérer l’argent. Donc avant
même qu’on ne trouve l’argent pour évacuer
l’enfant, l’enfant était déjà décédé»
Hamsatou Gobi, chef centre de santé, Niger, 2010
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 9
15 Les huit Objectifs du Millénaire pour le Développement ont été adoptés en 2000. L’OMD 4 vise à réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans. L’OMD 5 vise à réduire de trois quarts, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité maternelle et rendre l’accès à la médecine procréative universel d’ici à 2015.
santé serait estimée à 12 ou 15% en fonction des scénarios.
De manière générale, l’accès payant aux services a rarement
permis de renforcer l’offre de soins via l’apport de ressources
financières significatives et s’est plutôt imposé comme un
mécanisme de rationalisation par l’argent permettant de
contenir une demande réelle de soins qui dépasse largement
la capacité de prise en charge du système sanitaire.
C’est sur la base de ces différents constats que le gouver-
nement du Niger a fait le choix depuis 2005 d’aménager son
système de recouvrement des coûts en introduisant un méca-
nisme d’exemption de paiement au profit de certaines catégo-
ries vulnérables de la population. Ce dispositif prévoit ainsi la
prise en charge gratuite des enfants de moins de cinq ans et
permet également aux femmes enceintes ou en âge de procréer
d’accéder gratuitement à un certain nombre de prestations.
Quelle gratuité des soins au Niger ?
Si certains pays comme l’Ouganda, la Zambie ou le Libéria
ont fait le choix d’exempter l’ensemble de la population,
le Niger a opté quant à lui pour une intervention plus ciblée
sur certaines catégories de populations jugées vulnérables.
Considérées avant tout comme un moyen contribuant à la
réalisation des OMD 4 et 515, les mesures d’exemption se
concentrent logiquement sur les soins maternels et infantiles.
La décision d’introduire des modalités d’accès gratuit aux
soins remonte à novembre 2005. Initialement limitées aux
seules césariennes, ces mesures d’exemption de paiement
décisions Prises en faveur de La Gratuité des soins :
• Décret 2005-316/PR/MSP du 11 novembre 2005 accordant la gratuité des prestations liées aux césariennes fournies par les établissements de Santé Publique ;• Arrêté N°65/MSP/DGSP/DPHL/MT du 7 avril 2006 accordant la gratuité des produits contraceptifs et préservatifs;• Arrêté N°079/MSP/MFE du 26 avril 2006 accordant la gratuité de la consultation prénatale et la prise en charge des soins aux enfants de 0 à 5ans. • Décret N° 2007-261 / PRN/MSP du 19 juillet 2007 instituant la gratuité des prestations liées aux cancers féminins fournies par les établissements publics de santé ;
Suite à la parution de ces décrets et arrêtés, le Ministère de la
Santé Publique est venu préciser la liste détaillée des presta-
tions concernées par les exemptions de paiement. Le tableau
ci-dessous récapitule l’ensemble de ces actes.
Actes couverts par la politique de gratuité
Césarienne
• la consultation pré-anesthésique• l’acte chirurgical• l’hospitalisation• les examens de laboratoires• les produits et consommables y compris transfusion sanguine
Consultation prénatale
• carnets de santé de la mère et de l’enfant• l’acte (examen physique)• la chimio prophylaxie antipaludique et les micronutriments (fer…)• les examens de laboratoire et d’imagerie • le BW (test syphilis) • les consommables médicaux (gants, etc)
Soins enfants de 0 à 5 ans
• la consultation• les examens de laboratoire• l’imagerie• les médicaments• les soins• l’hospitalisation• les soins préanesthésiques• l’acte chirurgical • les carnets de santé et de soins
Produits contraceptifs et préservatifs
• les produits contraceptifs fournis par le Ministère de la Santé Publique
Cancers gynécolo-giques
• Les consultations de dépistage• Les examens de laboratoires et de radiologie• Les soins y compris la radiothérapie• L’hospitalisation• Les actes médicaux et chirurgicaux• Les médicaments• Les actes de contrôle et le suivi
Source : Manuel de gestion de la gratuité des soins, MSP, août 2007
ont été étendues l’année suivante aux produits contraceptifs
et préservatifs, aux consultations prénatales ainsi qu’à la prise
en charge des enfants de zéro à cinq ans. En 2007, le panier
de soins gratuits a également intégré les prestations liées aux
cancers féminins.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider10
ENCORE UN EffORT : éLARgiR LA gRATUiTé AUx ACCOUChEMENTS ET RéféRENCES-évACUATiONSSi le champ des actes couverts par la gratuité est relativement
large, il faut souligner toutefois que deux aspects importants
n’en font toujours pas partie. Ainsi, contrairement aux césa-
riennes, les accouchements normaux ne bénéficient pas à
ce jour des mesures d’exemption de paiement. Toute femme
enceinte souhaitant accoucher dans une maternité reste donc
confrontée à la barrière du paiement à l’acte et devra s’acquit-
ter d’une facture allant de 1400 FCFA pour un accouchement
simple à 2900 FCFA en cas de complications16 (2 à 4,5 euros).
Les référencements tombent également en dehors du champ
de la gratuité. Lorsqu’une prise en charge correcte nécessite de
référer un(e) patient(e) vers le niveau supérieur de la pyramide
sanitaire (par exemple du CSI vers l’hôpital de district), il revient
au patient et à sa famille d’assumer seuls la totalité des frais
Le système de gratuité au Niger ne prévoit pas la prise en charge des évacuations sanitaires. C’est donc aux malades et à leur famille qu’il revient d’assumer seuls le coût du transport d’urgence vers les structures de santé. Pour apporter sa contribution à la résolution de ce problème, Médecins du Monde France, en collaboration avec l’Equipe Cadre du District de Keita, a mené une expérience pilote visant l’amélioration des évacuations sanitaires en agissant sur les barrières financières et géographiques. A partir de mai 2009, un mécanisme de financement solidaire des évacua-tions sanitaires, nommé « centime additionnel », a été mis en place à travers le prélèvement de 100 FCFA (15 centimes d’euro) sur chaque nouvelle consultation. Un fonds a ainsi pu être constitué pour financer les évacuations sanitaires depuis les cases et Centres de Santé Intégrés vers l’Hôpital de District (HD) de Keita ou le
d’évacuation. La gratuité des césariennes doit de ce point de
vue être relativisée dans la mesure où la femme enceinte devra
encore payer le transport jusqu’à l’hôpital avant de pouvoir
bénéficier d’une prise en charge gratuite.
Face à cette situation, beaucoup de partenaires qui appuient la
gratuité au Niger en font un passage obligé pour une efficacité
de leurs actions en intégrant les évacuations sanitaires dans le
paquet d’activités à subventionner17. Aussi, certaines commu-
nautés tentent-elles d’organiser leur propre système solidaire
d’évacuation sanitaire comme c’est le cas dans le district
sanitaire de Keita18. Si ces initiatives locales sont à encourager
dans le contexte actuel, leur mise en œuvre constitue un véri-
table défi du fait des capacités réduites des communautés à
mobiliser les ressources financières nécessaires. Il faut donc
espérer qu’à terme, les référencements pourront figurer parmi
les actes couverts par la politique nationale de gratuité et ainsi
bénéficier d’un partage du risque financier à l’échelle du pays.
financement soLidaire des évacuations sanitaires Pour améLiorer L’accès aux soins d’urGence, ds Keita (niGer)
Centre Hospitalier Régional de Tahoua. De mai à décembre 2009, Médecins du Monde s’est substitué aux populations cibles de la gratuité pour le paiement du centime additionnel. Un système de collecte de fonds qui va de pair avec le système d’évacuation a été organisé allant de la case de santé à l’HD. Les fonds collectés sont répartis entre les cases de santé, les CSI et un compte principal ouvert au chef-lieu du district. L’introduction de ce nouveau méca-nisme a entraîné l’augmentation du nombre des cas évacués avec un nombre moyen mensuel qui est passé de 16 à 57 soit un triplement des évacuations. Dans cette approche, les risques sont partagés entre les usagers des services de santé : les moins malades qui à un moment donné consomment un type de service de santé participent au financement des évacuations des cas plus graves. Cela a permis d’éviter que les dépenses de santé imprévues ne soient prises
en charge que par un seul individu ou ménage. Au final, nous pouvons dire que l’introduction d’un mécanisme de financement solidaire a eu pour effet l’augmentation du nombre de cas évacués. Cette expérience a également permis d’estimer le coût moyen de l’éva-cuation à environ 25 000 FCFA (38 euros), ce qui reste élevé et hors de portée pour la plupart des ménages ruraux.
« Depuis la mise en place de ce système d’évacuation sanitaire nous n’avons plus de soucis. Plus question de vendre une chèvre ou un mouton pour des cas graves ou compliqués qui nécessitent une évacuation. Il suffit de se rendre à la case de santé ou au CSI. Si la solution de ton problème de santé se trouve à l’hôpital de district ou au CHR, l’ambulance te transporte sans que tu ne débourses un franc. » Témoignage d’un habitant du village de Tamaske
16 Le nouveau plan de développement sanitaire (PDS 2011-2015) prévoit l’extension de la politique de gratuité à tous les accouchements. Cette intention politique doit désormais se traduire par l’adoption d’un décret gouvernemental en la matière.17 HELP à Téra ; MSF –B à Mayahi ; SAVE THE CHILDREN à Tessaoua ; CRF à Tanout ; MDM à Keita18 Dans le district sanitaire de Keita, la mise en place d’un système de références-/contre références bénéficie de l’appui de Médecins du Monde depuis 2009.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 11
La gratuité, comment ça marche ?
Il convient ici de préciser que si l’on emploie régulièrement
le terme de « gratuité des soins » (par commodité de langage),
il est plus juste en réalité de parler d’exemption de paiement au
profit des usagers. Les soins ne sont en effet pas gratuits et le
fonctionnement d’un système de santé représente un coût non
négligeable qui doit être pris en charge. Garantir l’accès gratuit
pour les patients au point d’utilisation des services implique
donc bien sûr la mise en place de modalités alternatives de
financement destinées à compenser les exemptions de paie-
ment accordées aux bénéficiaires.
Au Niger, l’accès gratuit aux soins s’organise sur le modèle du
« tiers-payant ». Cela signifie que l’Etat, en tant que garant de
la santé de la population, se substitue à l’usager pour payer à
sa place les tarifs officiels des actes couverts par la politique de
gratuité. Dans le système retenu par l’Etat nigérien, le principe
du recouvrement des coûts n’est pas remis en cause puisque
chaque structure continue de facturer les actes délivrés. La
différence s’exprime en revanche au niveau du traitement des
factures qui désormais ne sont plus adressées au patient mais
remontent directement vers les services de l’Etat chargés de
procéder ensuite au remboursement de la structure sanitaire.
DU CôTé DE L’USAgERDu point de vue de l’usager, l’accès gratuit aux soins dans
un CSI s’effectue à travers une série d’étapes qui peut être
résumée de la manière suivante : 1) Le patient se présente au
percepteur du centre de santé qui vérifie s’il est éligible au
régime de la gratuité (enfants de moins de cinq ans, CPN,
contraceptions) ; 2) Après avoir enregistré les nom et caractéris-
tiques du patient, le percepteur lui remet un reçu de paiement
devant porter la mention « gratuité des soins », la catégorie des
soins et le montant devant être remboursé par le tiers payant
(voir annexe 3) ; 3) Le patient se présente à l’agent de santé
avec le reçu de paiement. A l’issue de la consultation, l’agent
de santé établit une ordonnance précisant le nom du patient,
le numéro du reçu de paiement et les médicaments prescrits ; 4)
Enfin, le patient se présente avec l’ordonnance à la pharmacie
du CSI pour retirer les médicaments prescrits.
Ainsi, à aucune étape du parcours de soins il n’est exigé de
l’usager la moindre participation financière.
DU CôTé DE LA fORMATiON SANiTAiREEn contre-partie de cette prise en charge, chaque formation
sanitaire va pouvoir se faire rembourser par l’Etat en fournissant
une fiche de récapitulation mensuelle listant toutes les factures
correspondant aux prestations délivrées gratuitement19. Une
fois compilé au niveau des services administratifs du district
sanitaire, l’ensemble des fiches et factures remonte jusqu’au
Ministère de la Santé qui, après avoir vérifié la conformité des
documents, les transmet au Ministère de l’Economie et des
Finances (MEF). Après une dernière vérification des docu-
ments comptables, le MEF fait parvenir à la Direction du Trésor
une autorisation de paiement afin que ce dernier procède au
remboursement des districts sanitaires par virement sur leurs
comptes bancaires. A charge pour ces derniers de redistribuer
l’argent auprès des différents centres de santé du district.
Le schéma ci-dessous présente en détails le circuit de rem-
boursement des factures qui, en théorie, doit s’opérer sur une
durée maximale d’un mois.
19 Voir exemplaire de fiche de récapitulation mensuelle en annexe.20 Les flèches en pointillés signifient que les Directions régionales de la Santé publique ne sont qu’en copie de l’envoie des factures des districts sanitaires au MSP. Toutefois, ce système a révélé ses limites, ce qui a conduit à une réadaptation qui désormais prévoit une plus grande implication des DRSP à travers des points focaux gratuité, en charge de la vérification des factures venant des districts avant transmission au niveau national.
Source : Adapté du manuel de gestion de la gratuité des soins, Ministère de la Santé Publique, 200720
CSI/CS HD
District sanitaire
Comptes bancaires
MSP / cellule gratuité
DRSP
MEF
TRESOR
Fiche récapitulative mensuelle
Factures
Bon d’engagement
Autorisation de paiement
Virement
J30
J22
J18
J15
J7
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider12
QUELLE COMPENSATiON fiNANCièRE ?Le remboursement de la gratuité s’effectue sur la base de tarifs
forfaitaires qui varient en fonction de la nature des prestations
et du niveau de la formation sanitaire où ces prestations sont
délivrées. Par exemple, le remboursement d’une consultation
curative pour un enfant de moins de cinq ans sera de 500
FCFA dans un CSI et s’élèvera à 5000 FCFA dans un hôpital
de district.
Prestations gratuites
Hôpitaux Maternité nationaux
Centres Hospi-taliers Maternités régionaux
Hôpitaux de districts
Centres de Santé Intégrés Cases de Santé
Césarienne GEU, rupture utérine 80 000 50 000 35 000 - -
Soins enfants 0 – 5 ans(hospitalisé)
Pédiatrie 30 000 25 000 10 000
2 100 (observation)
-
Chirurgie 40 000 30 000 12 000 -
Autres services spécialisés25 000
20 000 - -
Soins enfants0 –5 ans(externe)
Pédiatrie15 000 10 000 5 000 500 250
Chirurgie20 000 15 000 7 000 1 000 -
Autres services spécialisés20 000
15 000 - - -
Consultation prénatale - - - 1 000 -
Soins obstétricaux d’urgence
6 000 6 000 5 000
Produits et consommables pour la contraception
1 000 1 000 1 000 1 000 200
Cancers gynécologiques Conformément au protocole de prise en charge défini par le comité chargé de son élaboration
Tableau récapitulatif de la tarification de la gratuité des soins (en F CFA) :
Source : Manuel de gestion de la gratuité des soins, MSP, août 2007
Taux de change : 1 euro = 655 FCFA
La grille tarifaire en vigueur, reproduite dans le tableau suivant,
a été adoptée en 2007.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 13
une PoLitiQue dans l’aIr du teMps
Un phénomène non isolé
La politique de gratuité des soins mise en œuvre au Niger
est loin de constituer un phénomène isolé. De nombreux
Etats, en particulier en Afrique sub-saharienne, ont pris
conscience au cours des dernières années de la nécessité de
lever ou réduire les barrières financières qui limitent considé-
rablement l’accès aux services de santé.
Le tableau ci-dessous présente une liste de pays ayant récem-
ment introduit des politiques d’exemption de paiement, totale
ou partielle.
BéninAccès gratuit pour les femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans - 2006Gratuité des césariennes - 2009
Burkina FasoSubvention à 80% des coûts pour accouchements et césariennes – 2007
BurundiAccès gratuit pour les femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans - 2006
GhanaAccès gratuit pour les femmes enceintes - 2005 / politique relancée en 2008Accès gratuit pour les personnes âgées.
JamaïqueAccès gratuit aux soins de santé primaires pour tous - 2008
KenyaAccouchements gratuits - 2007
modaLités d’exemPtion de Paiement dans QueLQues Pays dePuis 2006
LesothoAccès gratuit pour tous aux soins santé de primaires - 2008
LiberiaAccès gratuit pour tous aux soins de santé primaires - 2007
MalawiAccès gratuit aux soins essentiels élargi aux hôpitaux publics et confessionnels - 2009
NépalAccès gratuit pour tous aux soins de santé primaires - 2008
Sénégal Accouchements gratuits - 2006 Plan Sésame - accès gratuit pour les personnes âgées - 2006
Sierra LeoneIntroduction de l’accès gratuit aux soins pour femmes enceintes et enfants de moins de cinq ans - avril 2010
SoudanAccès gratuit pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans - 2008
ZambieAccès gratuit aux soins de santé primaires pour tous en zones rurales (2006)
Plus récemment, une quinzaine de pays ont saisi l’occasion
du Sommet des Nations Unies sur les OMD (20-22 septembre
2010) pour renouveler ou prendre de nouveaux engagements
21 Une liste détaillée de tous les engagements est disponible à l’adresse suivante : http://www.un.org/sg/hf/global_strategy_commitments.pdf
en faveur de l’accès gratuit aux soins de santé primaires : Bénin,
Cambodge, Congo (Brazza), Haïti, Indonésie, Libéria, Malawi,
Mali, Népal, Niger, Sierra Léone, Tanzanie, Yémen, Zimbabwe21.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider14
Les bonnes intentions des bailleurs de fonds
Comme en témoignent les multiples engagements repro-
duits ci-dessous, nombre d’institutions internationales et pays
donateurs sont désormais favorables à une remise en cause
des mesures de paiement direct et préconisent l’instauration
de mécanismes alternatifs de financement plus équitables. Le
dernier rapport annuel de l’OMS, consacré au financement des
systèmes de santé, exprime très clairement ce consensus. Il
appelle les Etats à réduire au maximum le recours aux paie-
ments directs pour y substituer des modalités de financement
plus solidaires, fondées sur le partage du risque maladie entre
riches et pauvres, malades et bien-portants22.
22 http://www.who.int/whr/2010/en/index.html23 http://apps.who.int/gb/wha/pdf_files/24 http://siteresources.worldbank.org/HEALTHNUTRITIONANDPOPULATION/Resources/281627-1154048816360/HNPStrategyFINALApril302007.pdf 25 UNICEF Policy Guidance Note, Removing user fees in the health sector in Low Income Countries, http://www.itg.be/itg/Uploads/Volksgezondheid/unicef/UNICEF_Guidance_Note.pdf26 http://ec.europa.eu/echo/policies/sectoral/health_en.htm27 http://www.eu2007.pt/NR/rdonlyres/D449546C-BF42-4CB3-B566-407591845C43/0/071206jsapenlogos_formatado.pdf
« Les systèmes de santé qui nécessitent des paiements directs
au moment où les gens ont besoin de soins empêchent l’accès
aux services à des millions de personnes et se traduisent par
des difficultés financières, voire un appauvrissement pour des
millions d’autres », OMS rapport sur la santé dans le monde
2010.
Pour autant, malgré ces déclarations de bonnes intentions,
nous constatons que sur le terrain, l’aide internationale est
encore trop rarement disponible pour accompagner la mise en
œuvre effective de ces politiques de réduction des barrières
financières. Le cas du Niger n’échappe pas à la règle et doit
pour le moment se contenter d’une assistance technique et
financière très limitée (voir chapitre 5 en infra).
[L’OMS] invite instamment les Etats
membres à veiller à ce que les
systèmes de financement de la santé
évoluent de telle sorte qu’ils évitent
les paiements directs importants au
point de prestation et comportent une
méthode de prépaiement des contri-
butions financières pour les soins et
services de santé, ainsi qu’un méca-
nisme de répartition des risques dans
la population pour éviter les dépenses
de soins de santé catastrophiques et
l’appauvrissement des individus ayant
eu à se faire soigner »,
Résolution de l’OMS, 24 mai 201123
iLS ONT DiT
« User fees for health care were put
forward as a way to recover costs and
discourage the excessive use of health
services and the over-consumption of
care. This did not happen. Instead, user
fees punished the poor »,
Margaret Chan, Dg de l’OMS, mars 2009
« Upon client-country demand, the
Bank stands ready to support countries
that want to remove user fees from
public facilities »,
Banque Mondiale, Stratégie Santé Nutrition et Population, § 105, avril 200724
« UNICEF is committed to supporting
governments willing to remove user
fees for services targeting children and
pregnant women »,
UNiCEf, septembre 200925
« DG ECHO has decided – as a general
rule – to position itself against user
fees in DG ECHO funded humanitarian
health care programmes »,
Commission européenne, Dg EChO, mai 200926
« Identify joint actions to strengthen
district and national health systems,
including […] the elimination of fees for
basic health care »,
Stratégie conjointe UE-Afrique, décembre 200727
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 15
28 Réponse du gouvernement à la question écrite n°81961, 13ème législature, août 2010, http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-81961QE.htm 29 http://www.theyworkforyou.com/wrans/?id=2010-12-21b.32347.h
« Provide sustainable financing by enhan-
cing domestic resources mobilization […]
and by reducing out-of pocket payments
through initiatives such as waiving of user
fees for pregnant women and children
under five »,
Union Africaine, juillet 2010
« We support our African partners’
commitment to ensure that by 2015 all
children have access to basic health care
(free wherever countries choose to pro-
vide this) to reduce mortality among those
most at risk from dying from preventable
causes, particularly women and children »,
g8 – Sommet de gleneagles, juin 2005
« We reiterate our support to our African
partners’ commitment to ensure that by
2015 all children have access to basic
health care free wherever countries
choose to provide this »,
g8 – Sommet de Toyako, juin 2008
« We warmly support building a global
consensus on maternal, newborn and
child health as a way to accelerate
progress on the Millennium Development
Goals for both maternal and child health,
through (i) political and community
leadership and engagement; (ii) a quality
package of evidence-based interventions
through effective health systems; (iii)
the removal of barriers to access for all
women and children, free at the point of
use where countries chose to provide it;
(iv) skilled health workers; (v) accountabi-
lity for results »,
g8 – sommet l’Aquila, juin 2009
« La France a régulièrement soutenu
les initiatives des pays en développe-
ment qui souhaitent mettre en place des
politiques de gratuité des soins pour
les femmes enceintes et les enfants de
moins de trois ans »,
fRANCE, août 201028
« DFID will provide technical and
financial support to countries that
wish to remove fees at the point of
use of services and replace them
with more equitable health financing
systems »,
DfiD, ROYAUME-UNi, décembre 201129
© M
artin
Cou
rcie
r
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider16
Les effets de La Gratuité sur l’utIlIsatIOn des serVICes
Une hausse spectaculaire de la demande de soins
Le nouveau plan de développement sanitaire 2011-2015
(PDS) affirme que la politique de « gratuité » introduite
au Niger en 2006 a permis « d’améliorer de façon significa-
tive certains indicateurs sanitaires et d’obtenir des résultats
importants »30. Au niveau national, le taux de prévalence
contraceptive a été multiplié par 4 entre 2005 et 2009. Le taux
de césarienne, bien que toujours très faible, a été multiplié par
3 sur la même période. Le taux d’utilisation des soins curatifs
chez les enfants de moins de cinq ans est passé de 59% en
2005 à 84% en 2009. Enfin, l’accès gratuit aux consultations
prénatales a entraîné une hausse incontestable dans l’utilisation
des services de santé. Les données sanitaires pour 2009 font
état d’un taux de couverture de la consultation prénatale de
85% alors qu’il n’était que de 40% en 200531.
D’autres analyses menées depuis l’introduction de la politique
nationale de gratuité aboutissent aux mêmes conclusions et
mettent en évidence une hausse spectaculaire de l’utilisation
des services de santé. En 2009, une étude portant sur 15 dis-
tricts sanitaires nigériens (soit 229 structures de santé) a permis
de constater un triplement des consultations curatives chez
les enfants de 2 à 4 ans suite à l’instauration des exemptions
de paiement32.
La Direction Régionale de Santé Publique (DRSP) de Niamey
s’est également livrée dans un de ses districts à une analyse
comparative entre l’avant et l’après gratuité. Cette évaluation
souligne notamment que le niveau des consultations pour les
enfants de 0 à 5 ans passe pour chaque CSI de quelques cen-
taines de cas par trimestre avant la gratuité à plus d’un millier de
cas suite à l’instauration des mesures d’exemption. Au niveau
des consultations prénatales, la DRSP enregistre en fonction
des CSI un doublement ou triplement du nombre de nouvelles
femmes inscrites en CPN.
Dans le district de Keita, où Médecins du Monde intervient
depuis 2006, le suivi des taux d’utilisation des services de santé
laisse également apparaître une hausse impressionnante du
nombre de consultations effectuées au cours des quatre der-
nières années. Sur l’ensemble des 16 CSI opérationnels dans le
district, le nombre de consultations pour les enfants de moins
de cinq ans s’élève à 102 958 en fin 2010 alors qu’il n’était que
de 20 711 en 2006. Si l’augmentation du nombre de stuctures
de santé (de 9 à 16 sur cette période) a contribué à cette hausse
de fréquentation, elle n’en constitue pas la cause principale.
Comme illustré dans les graphiques ci-dessous, le taux d’utilisa-
tion des soins curatifs a enregistré une hausse continue depuis
2006 passant de 16% à près de 46% en 2010. Les indicateurs
relatifs à l’utilisation des services de CPN sont également très
encourageants puisque le taux de couverture dans le district est
passé de près de 50% en 2006 à 88% en 2010.
30 Ministère de la Santé Publique, PDS 2011-2015, janvier 2011, p. 3731 Les données du SNIS sont disponibles sur le site suivant : http://www.snis.cermes.net32 Hélène BARROY, « The effect of fee removal for children under five on curative service utilization in Niger », LSHTM 2009, http://www.lshtm.ac.uk/library/MSc PHDC/2008-09/490550.pdf
10 %
20 %
30 %
40 %
50 %
201020092008200720062005
Evolution du taux d’utilisation des soins curatifs de 2005 à 2010, DS Kéita
16 % 16 %
30,54 %
36 %
45,02 % 46 %
Politique de gratuité des soins
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 17
0
50 %
80 %
100 %
201020092008200720062005
10 %
20 %
30 %
40 %
60 %
90 %
70 %
0
50 %
80 %
100 %
10 %
20 %30 %40 %
60 %
90 %
70 %80 %
10 %
20 %
30 %
40 %
60 %
90 %
70 %
50 %
100 %
2005 2006 2007 2008 2009 2010
Précocité de la prise en charge et réponse adéquate aux principales causes de mortalité
L’augmentation du recours aux soins par les moins de
5 ans, induite par la politique d’exemption de paiement, a
concerné surtout les principales causes de mortalité infantile
comme le paludisme, les diarrhées ou encore les pneumonies.
Une analyse comparative des données SNIS avant et après
l’instauration de cette politique a mis en évidence les conclu-
sions suivantes :
• Les cas présomptifs de paludisme sont passés de 448 990
en 2006 à 1 507 170 en 2009 soit une multiplication par 3 ;
• Les cas de diarrhées sont passés de 167 273 en 2006 à
730 350, soit une multiplication par 4 ;
• Les cas de pneumonies sont passés de 217 228 en 2006 à
656 983 en 2009, soit une multiplication par 3.
Ces résultats montrent que la politique de « gratuité », en
favorisant l’accès aux soins des enfants de moins de 5 ans, a
permis d’augmenter de manière très nette la prise en charge
des principales pathologies à l’origine de la mortalité infantile.
Par ailleurs, au cours d’une enquête menée en 2009 dans deux
districts sanitaires du Niger (Keita et Abalak), les agents de santé
interrogés font le constat d’une augmentation très claire de l’utili-
sation des services de santé ainsi qu’un recours plus précoce aux
soins suite à l’introduction de la politique de gratuité33. Les femmes
qui n’ont plus à payer de forfait pour accéder au centre de santé,
hésitent beaucoup moins à venir consulter pour elles-mêmes
ou leurs enfants dès l’apparition des premiers symptômes de la
maladie. Cette perception se trouve confirmée par l’analyse des
données statistiques collectées au niveau des formations sani-
taires. Ainsi à l’échelle du pays, la fréquence des cas de paludisme
grave par rapport au nombre total de cas est passée de 9 % à
6 % entre 2006 et 2009, comme le montre le tableau ci-dessous.
0
300 000
600 000
900 000
1 200 000
1 500 000
20092008200720062005
33 Ridde V, et al. User fees abolition policy in Niger: Comparing the under five years exemption implementation in two districts. Health Policy (2010), doi:10.1016/j.healthpol.2010.09.017
Evolution du taux de couverture CPN1, de 2005 à 2010, DS Kéita
43 %
48 %
61 %
65 %
90 %88 %
Evolution des cas de paludisme de 2005 à 2009, Niger (Source : SNIS)
388 267
36 424
415 191
900 883
1 476 8781 423 533
33 799 52 37097 050 83 637
0 %
1 %
2 %
3 %
4 %
5 %
6 %
7 %
8 %
9 %
10 %
Paludisme simple
Paludisme grave
% de paludisme grave
Politique de gratuité des soins pour les < 5 ans
9 %
8 %6 % 7 %
6 %
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider18
L’ensemble des données ci-dessus permet d’affirmer que les
mesures d’exemption de paiement constituent au Niger un
outil adapté pour répondre à l’objectif de réduction de la mor-
talité materno-infantile. Au cours des quatre dernières années,
ces exemptions ont fait la démonstration de leur efficacité en
termes d’amélioration de l’accès aux soins de base.
Bien que de nombreuses difficultés persistent dans la mise en
œuvre, le nombre de consultations des populations cibles n’a
cessé d’augmenter jusqu’à ce jour, démontrant une véritable
adhésion de la population nigérienne à cette politique de gratuité.
L’enquête de satisfaction des besoins auprès des bénéficiaires
des prestations et soins de santé, publiée en 2009 par le
Ministère de la Santé Publique du Niger, souligne que la large
majorité des répondants « trouvent l’initiative de gratuité des
soins salutaire »34.
L’étude menée sous la direction de V. Ridde la même année dans
les districts d’Abalak et Keita fait ressortir les mêmes représen-
tations : « l’ensemble des acteurs trouve que l’abolition est une
action noble et salutaire. Elle est très bien perçue, puisqu’elle
s’adresse à une frange fragile de la population. L’abolition sou-
lage les familles pauvres. La population n’hésite plus à venir »35.
Ainsi, près de quatre ans après son lancement officiel36, on ne
constate pas de phénomène d’essoufflement vis-à-vis de la
politique nationale de gratuité des soins. Elle est aujourd’hui
encore majoritairement perçue par la population comme un
acquis social réel qui a permis de rendre plus équitable l’accès
aux services de santé de base.
Pour autant, malgré la satisfaction des usagers et les résultats
encourageants enregistrés jusqu’à maintenant, la pérennité
des exemptions de paiement est encore loin d’être assurée. La
persistance de dysfonctionnements majeurs dans la gestion et
le financement de la politique de gratuité déstabilise fortement
les structures sanitaires et pourrait à terme aboutir à une remise
en cause pure et simple de la gratuité des soins. Il est désor-
mais urgent que le gouvernement du Niger, avec le soutien de
ses partenaires techniques et financiers, apporte des réponses
concrètes et ambitieuses aux blocages clairement identifiés.
34 Ministère de la Santé Publique, « Enquête de satisfaction des besoins auprès des bénéficiaires des prestations et soins de santé », 2009, p.6235 Ridde V, et al. User fees abolition policy in Niger: Comparing the under five years exemption implementation in two districts. Health Policy (2010), doi:10.1016/j.healthpol.2010.09.01736 La politique nationale de gratuité des soins a été lancée officiellement le 1er août 2007 à Zinder.
L’examen des cas de pneumonie fait apparaître la même
tendance. La fréquence des pneumonies graves par rapport
au nombre total de pneumonies enregistre une diminution qui
s’explique par un recours beaucoup plus rapide aux services de
santé. Alors que le pourcentage de pneumonies graves s’élevait
à 14 % en 2005, il ne serait plus que de 10% en 2009.
0
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
20092008200720062005
Evolution des cas de pneumonies de 2005 à 2009, Niger (Source : SNIS)
141 039
19 725
192 557
351 256
486 614
596 786
24 47136 606
53 896 60 197
Pneumonie
Pneumonie grave
% de pneumonie grave
Politique de gratuité des soins pour les < 5 ans
14 %
13 %
10 %
11 %
10 %
0 %
2 %
4 %
6 %
8 %
10 %
12 %
14 %
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 19
une PoLitiQue auJOurd’HuI FraGIlIsÉe
Des retards importants dans le remboursement des factures
La principale faiblesse dont souffre la mise en œuvre de la
gratuité est l’accumulation des retards dans le remboursement
des structures de santé appliquant les mesures d’exemption.
Si en théorie, le paiement des factures par le Ministère des
Finances doit se faire dans un délai d’un mois, la réalité est très
différente. Les difficultés de gestion administrative mais aussi
et surtout de trésorerie au niveau du budget de l’Etat nigérien
rendent non seulement impossible le respect de ce délai mais
entraîne au contraire des retards de paiement qui, pour certains
districts sanitaires, se comptent désormais en années.
Sur l’ensemble de la période 2006-2010, l’Etat n’a pu rem-
bourser que 49 % des factures transmises par l’ensemble des
districts sanitaires et structures nationales du pays.
A la fin de l’année 2010, le cumul des arriérés de rembour-
sement s’élevait à plus de 11 milliards de francs CFA (soit
18,5 millions d’euros).
37 75% des usagers des centres de santé intégrés et cases de santé à travers le pays sont des enfants de moins cinq ans.38 En 2009, 6 nouveaux Centre de Santé Intégrés ont été créés dans le district de Keita : Hiro, Sakole, Labanda, Wadeye, Garado Nord et Goram.
Montant total des factures reçues
Montant total des factures remboursées
Montant total à recouvrer % de remboursement
22 059 930 450 10 816 382 350 11 243 548 100 49 %
Etat de situation des factures de la gratuité des soins au 31/12/2010
Source : adapté de données de la Cellule gratuité, Ministère de la Santé Publique
Par ailleurs, si les taux de remboursement étaient globa-
lement acceptables sur la période 2007-2008, on constate
en revanche un cumul des arriérés qui s’accentue de manière
importante au cours des deux dernières années. Ainsi, jusqu’à
la fin de décembre 2010, aucune facture émise en 2010 n’avait
fait l’objet de remboursement !
Dans le district sanitaire de Keita, où Médecins du Monde est
présent, le taux de remboursement entre avril 2007 et octobre
2010 est de 32%. Si le district a pu se faire rembourser 9 mois
sur 12 sur la période 2007/2008, la situation s’est en revanche
beaucoup dégradée depuis 2009. Comme le montre le tableau
ci-dessous, aucun remboursement n’a plus été versé sur le
compte bancaire du district depuis avril 2009, ce qui signifie
un cumul d’arriérés de plus de 18 mois. Au total, les 16 centres
de santé intégrés du district comptabilisent à leur crédit près
de 212 millions de FCFA d’arriérés de paiement.
Si la plupart des formations sanitaires ont pu jusqu’à main-
tenant faire face à cette situation en puisant largement dans
leur trésorerie, on assiste cependant à une décapitalisation
progressive des structures de santé qui ne pourront maintenir
cet effort encore bien longtemps.
Il importe ici de souligner que le recouvrement des coûts auprès
des usagers non exemptés n’est pas en mesure de compenser
de près ou de loin les dépenses engagées afin d’assurer la four-
niture des soins gratuits pour les populations bénéficiaires37.
Sur le district de Keita, 9 CSI sur 16 disposaient au 30 novembre
2010 d’un solde bancaire inférieur à 2 millions de FCFA (3000
euros) dont 5 ne dépassaient pas 500 000 FCFA (762 euros).
Il faut noter par ailleurs que ces retards de remboursements
ont un impact particulièrement dramatique sur les structures
de santé nouvellement créées, celles-ci ne pouvant s’appuyer
sur une trésorerie constituée antérieurement à la politique de
gratuité. C’est notamment le cas de l’hôpital de district de
Keita qui en novembre 2010 ne disposait plus que d’un solde
de 250 000 FCFA (381 euros) !38
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider20
Remboursement des factures, 2007 – 2010, District de Keita (par mois)
Il est indéniable que le circuit de remboursement des factures
est aujourd’hui en panne et prive la plupart des formations
sanitaires de ressources financières indispensables à leur bon
fonctionnement.
Les conséquences se ressentent tout d’abord au niveau de
l’approvisionnement en médicaments essentiels. Avec la dimi-
nution de leurs réserves financières, de nombreux comités
de gestion (COGES) sont obligés de réduire leurs achats de
médicaments, entraînant de fait une diminution de la qualité
des soins. Selon le LASDEL, on constate un recours relative-
ment fréquent à la technique des doubles ordonnances : l’une
pour les médicaments élémentaires encore disponibles dans la
pharmacie du CSI et l’autre avec des médicaments plus chers
que l’usager devra aller acheter lui-même dans une pharma-
cie39. D’autres COGES réussissent malgré tout à maintenir leur
niveau de commandes de médicaments en s’endettant auprès
des pharmacies populaires.
De manière générale, face à l’absence de remboursement des
factures, on observe malheureusement un retour de plus en
plus fréquent au paiement des soins par les bénéficiaires de
la gratuité. Certains CSI sont contraints de contourner d’une
manière ou d’une autre la politique nationale pour pallier le
manque de ressources financières. Si aucune solution concrète
n’est proposée rapidement, il est fort probable que ces pratiques
de réintroduction du paiement direct ne s’étendent progressive-
ment et finissent par provoquer l’effondrement du système de
gratuité pourtant bénéfique pour les populations cibles.
39 LASDEL, « Pour une réflexion sur la gratuité des soins au Niger », Mars 2010, http://www.usi.umontreal.ca/bulletin/2010/avril/policy_brief_gratuite_niger_2.pdf40 Témoignage recueilli au cours du forum radiophonique organisé par l’association Alternative Espaces Citoyens en mars 2011.
2007 2008 2009 2010
Factures envoyées
Factures remboursées
Factures envoyées
Factures remboursées
Factures envoyées
Factures remboursées
Factures envoyées
Factures remboursées
Janvier - - 6 001 200 5 999 191 8 725 800 8 725 800 8 621 850 0
Février - - 5 857 200 5 853 150 6 981 900 6 981 900 7 610 250 0
Mars - - 5 748 500 5 744 450 6 903 700 6 903 700 8 509 100 0
Avril 2 028 100 0 5 800 900 5 796 850 6 139 050 0 8 023 650 0
Mai 1 509 500 0 6 684 300 0 5 303 050 0 8 013 400 0
Juin 1 335 350 0 5 997 900 5 997 900 5 912 600 0 6 356 850 0
Juillet 2 850 000 2 830 000 5 774 000 5 774 000 5 846 900 0 6 876 300 0
Août 5 434 700 5 419 188 9 391 300 9 391 300 7 232 650 0 13 418 250 0
Septembre 10 146 600 10 146 600 13 877 400 13 877 400 9 931 350 0 18 649 550 0
Octobre 9 117 700 9 117 700 16 744 500 16 744 500 10 385 100 0 22 053 350 -
Novembre 5 712 200 5 712 200 10 397 400 0 11 476 000 0 - -
Décembre 5 418 300 5 418 300 7 229 200 0 12 060 800 0 - -
Total 43 552 450 38 643 988 99 503 800 75 178 741 96 898 900 22 611 400 108 133 050 0
Dans le CSI de Koira Tegui à la périphérie de Niamey
on n’a que des nivaquines et des paracétamols. Si
votre enfant tombe malade et qu’il nécessite plus que
ça, vous devez payer 200 FCFA pour que l’infirmier lui
fasse une piqure »,
Amina, une jeune femme vivant dans le quartier40
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 21
Les principales causes du dysfonctionnement
LE MANQUE DE fiNANCEMENTLa politique nationale de gratuité au Niger intervient dans
un contexte de croissance démographique insuffisamment
maîtrisée entraînant entre autres une forte augmentation de la
population cible de cette politique, en particulier les enfants de
0 à 5 ans. A cette situation qui induit une hausse sans cesse
croissante de la fréquentation des centres de santé, s’ajoute
le besoin accru en médicaments ainsi qu’en ressources
humaines disponibles, qualifiées et motivées, pour assumer
efficacement les prestations demandées. Tout cela constitue les
composantes d’un coût qui exige des prévisions budgétaires
proportionnellement croissantes. Malheureusement tel n’est
pas le cas au Niger.
Avec un budget initialement évalué par le gouvernement du
Niger à environ 5 milliards de FCFA, le succès de cette politique
a entraîné au fil des ans une révision à la hausse du montant
nécessaire au financement de la politique nationale de gratuité.
En 2011, les estimations officielles sont de l’ordre de 9,8 mil-
liards de FCFA41. La principale raison du blocage actuel réside
dans un déficit chronique de financement. Depuis 2008, les
projets de Loi de Finances successifs ont inscrit un montant
d’environ 4 milliards de FCFA consacrés à la gratuité de soins42.
Ce budget est largement insuffisant puisqu’il correspond à
moins de 50% des besoins de financement actuels.
Evolution en pourcentage de la part du budget MSP dans le budget de l’Etat de 2003 à 2010, Niger
0
2 %
4 %
6 %
8 %
10 %
20102009200820072006200520042003
41 Cf. projet de budget 2011 du Ministère de la Santé Publique42 Cf. tableau p. 24
8,77 %
6,02 % 5,96 %
6,96 %
9,54 % 9,79 % 9,63 %
7,85 %
© M
dM
Ce manque de moyens reflète de manière générale l’insuffi-
sance des ressources affectées au secteur de la santé. Malgré
une augmentation du budget général depuis 2005, on constate
que la part budgétaire consacrée au secteur santé est en nette
diminution depuis 2008, ainsi que l’atteste le graphique suivant.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider22
43 Conformément à son Cadre de Dépenses à Moyen Termes (CDMT), le Ministère de la Santé Publique demandait l’affectation de 103 milliards de FCFA. 44 En avril 2001, les chefs d’État et de gouvernement africains se sont réunis à Abuja au Nigéria où ils ont pris unengagement financier en vue de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en annonçant d’allouer au moins 15% de leurs budgets nationaux au secteur de la santé. Cet engagement a été réaffirmé en 2006 lors d’un sommet spécial sur le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme et plus récemment en 2010 lors de la quinzième session ordinaire de la Conférence de l’Union Africaine à Kampala (Ouganda).45 La DOS est elle-même placée sous la tutelle de la Direction Générale de la Santé Publique (DGSP).46 Ex : CNEDD, HCME, ARMP sous tutelle directe de la Primature ; CISL/IST/VIH ; HASA sous tutelle de la Présidence de la République
En 2011, seuls 61 milliards de FCFA (93 millions d’euros) sont
affectés à la santé dans le cadre de la Loi de finances, soit
6,14 % du budget global de l’Etat43 : ce qui constitue un recul
par rapport à l’année 2010 où le secteur santé a bénéficié
d’environ 7,85 % du budget. On est encore loin de l’objectif de
15 % auquel le gouvernement du Niger a souscrit à l’instar des
pays membres de l’Union Africaine à Abuja en 200144.
Il faut aussi noter qu’en plus de cette faible allocation budgé-
taire dont est l’objet le secteur de la santé au Niger, la question
de l’exécution vient compliquer les choses : depuis 2003 le
budget prévu n’a guère été exécuté à plus de 75 % (60 à 65 %
en moyenne). La ligne budgétaire « gratuité » est confrontée
aux mêmes difficultés de décaissement. Si chaque année, le
MEF libère 100 % des crédits dus à la gratuité, il n’en demeure
pas moins que le paiement effectif des factures par le Trésor
souffre quant à lui de blocages récurrents.
En tout état de cause, une réaffectation budgétaire privilégiant
le secteur de la santé est plus que nécessaire et permettrait de
dégager des ressources supplémentaires indispensables pour
financer la gratuité des soins. Garantir la pérennité d’une telle
politique au Niger suppose également de développer dans les
années à venir des mécanismes de financements innovants
(taxation sur les ressources minières, sur les compagnies
de téléphonie mobile, etc.) qui permettront de dégager des
moyens additionnels à investir dans la santé en général et dans
la gratuité en particulier.
Il y va de la survie de beaucoup de Nigériens dont le revenu déjà
faible est fortement grevé par les dépenses de santé. Plus de
42 % des dépenses globales de santé au Niger sont couverts
par les usagers eux-mêmes, largement au-dessus des normes
de l’OMS qui recommandent que les paiements directs (out-of-
pockets payments) ne dépassent pas 15 à 20 %.
UNE gESTiON DE LA gRATUiTé à RENfORCERDans le cadre de la gestion de la gratuité, l’Etat nigérien à tra-
vers le MSP a mis en place une Cellule « gratuité des soins ».
Elle représente l’organe institutionnel de gestion de la gratuité
et est placée sous la tutelle de la Direction de l’Organisation des
Soins (DOS)45. Cet ancrage institutionnel soulève des question-
nements sur le niveau de volonté politique ou d’engagement
de l’Etat nigérien quand on sait que d’ordinaire les politiques
bénéficiant d’un sérieux engagement de l’Etat se traduisent par
des positionnements institutionnels qui les placent directement
sous le contrôle du Chef de l’Etat ou du Premier Ministre46.
La gestion de la gratuité des soins centralisée de manière quasi-
exclusive au niveau de Niamey pose également problème et se
traduit par une faible participation du niveau régional en dépit
du rôle de contrôle des factures dévolu aux points focaux « gra-
tuité » des Directions Régionales de la Santé Publique (DRSP).
Ce travail de contrôle non assumé effectivement par les DRSP
s’accumule à Niamey et alourdit le système. On note aussi un
certain découragement du niveau périphérique qui se voit mobi-
lisé pour traiter et envoyer les factures qui sont accumulées au
niveau de Niamey sans être remboursées. Ce même motif est
invoqué pour justifier le retard constaté dans la remontée des fac-
tures des districts vers le niveau central. A la date de février 2011,
la Cellule gratuité n’avait reçu que 54 % des factures de 2010.
0
20 %
40 %
60 %
80 %
CUNZinder
Tillabéri
TahouaMaradi
DossoDiffa
Agadez
Source : adapté de données de la Cellule gratuité, Ministère de la Santé Publique
Taux de complétude des factures gratuité des soins au niveau des régions du 1er janvier au 31 octobre 2010
50,55 %
43 %
60 % 57%49,38 %
65,63 %
50,56 %
80 %
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 23
Ces dysfonctionnements tendent tout de même à être surmon-
tés grâce à des efforts conjugués de l’Etat et de ses partenaires.
On observe notamment un renforcement des capacités des
agents, tant du niveau central que du niveau régional et même
périphérique, à travers : la mise en place d’un progiciel pour
une meilleure gestion des factures ; la formations des agents à
l’utilisation dudit outil ; un début de déconcentration de la ges-
tion par la nomination et responsabilisation des points focaux
gratuité au niveau des DRSP.
Aussi, un Comité de pilotage composé des représentants de
l’Etat et des partenaires a été mis en place en mai 2010 pour
suivre l’évolution et la gestion de la politique de gratuité. Mais
sa fonctionnalité est à renforcer puisqu’il ne se réunit encore
que trop rarement.
Enfin, des difficultés demeurent concernant le calcul des
remboursements forfaitaires octroyés aux structures de santé.
L’introduction de la politique d’exemption n’ayant pas fait
l’objet, en amont, d’une analyse détaillée du coût de la gratuité,
des interrogations persistent quant à la pertinence des tarifs
de remboursement en vigueur. La réalisation d’une telle étude
serait donc très utile afin d’actualiser les forfaits en les ajustant
du mieux possible aux coûts réels engagés par les formations
sanitaires pour l’application de la politique de gratuité.
Un autre point de blocage auquel le gouvernement et ses
partenaires doivent impérativement répondre, concerne la
prise en compte des dons en nature de certains partenaires
(donation de médicaments, kits césarienne, etc.) qui aujourd’hui
ne font pas l’objet de déduction dans le cadre des forfaits de
remboursement.
Une aide internationale insuffisamment mobilisée
Alors que les dernières projections financières évaluent
à 9,8 Milliards FCFA annuels le montant nécessaire pour
assurer une mise en œuvre effective de la politique nationale
de gratuité, le gouvernement du Niger n’a pas été en mesure
jusqu’en 2010 de mobiliser plus de 4,2 milliards de FCFA par
an. Il faut souligner par ailleurs que la perspective d’intégrer
les accouchements dans la liste des actes couverts par la gra-
tuité47 exigera des efforts financiers supplémentaires. La Loi de
finances 2011 semble avoir anticipé ces besoins en prévoyant
de doubler les financements alloués à la gratuité, soit un budget
de 8 Milliards FCFA. S’il s’agit là d’un effort très significatif de la
part de l’Etat qu’il convient de saluer, il est toutefois probable
que le gouvernement rencontre, à l’instar des années passées,
de grandes difficultés à décaisser la totalité de ce budget.
Dans ce contexte, il n’est pas réaliste de compter uniquement
sur les ressources propres du Niger pour mettre en œuvre la
politique nationale d’exemption de paiement. Tout en encoura-
geant à moyen et long terme le développement de ressources
fiscales supplémentaires pour financer l’accès aux services
sociaux de base, un soutien technique et financier durable de
la part des bailleurs internationaux est aujourd’hui urgent et
indispensable pour sortir la politique de gratuité de l’impasse
dans laquelle elle se trouve actuellement.
Malheureusement, la mobilisation des bailleurs pour contribuer
au financement de la gratuité est aujourd’hui très limitée. Si
certains bailleurs ont accepté de contribuer à travers l’octroi
de donations en nature (approvisionnement des structures de
santé en médicaments, consommables, kits césarienne, etc.),
le niveau d’aide budgétaire reste pour sa part très faible et ne
permet pas de compenser les difficultés de trésorerie du gouver-
nement nigérien. Depuis l’introduction de la politique de gratuité
en 2006, seule la France, à travers l’Agence Française de déve-
loppement, a accepté d’apporter une aide budgétaire affectée
au financement de la gratuité des soins. Comme le montre le
tableau ci-dessous, sur les 19,2 milliards de FCFA alloués au
titre de la gratuité des soins entre 2006 et 2010, un peu plus de
3 milliards (15 %) ont été mobilisés via l’aide budgétaire fran-
çaise. Malheureusement, face aux difficultés rencontrées dans
la mise en œuvre de la politique au cours des trois dernières
années, la France a fait le choix de ne pas reconduire en 2011
cette aide budgétaire dédiée à la gratuité des soins.
47 Ministère de la Santé Publique, Plan de Développement Sanitaire (PDS) 2011 -2015, janvier 2011, p.68
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abel
le e
shra
ghi
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider24
Ainsi, l’appui de la communauté internationale en faveur des
exemptions de paiement pour les soins est aujourd’hui beau-
coup trop modeste. On peut regretter que le Niger ne puisse
pas profiter d’un appui similaire à celui dont certains pays
comme le Ghana, le Rwanda ou plus récemment la Sierra Leone
ont pu bénéficier.
Après plus d’un an de transition assurée par l’armée nigé-
rienne48, le retour en mars 2011 à un régime démocratique doit
s’accompagner d’un renforcement de l’aide internationale. La
communauté des bailleurs devrait appuyer concrètement le
nouveau gouvernement démocratiquement élu à assurer une
mise en œuvre effective de ce qui constitue un pilier majeur du
socle national. De ce point de vue, il nous paraît fondamental
qu’une partie des montants promis par les pays du G8 dans le
cadre de l’initiative de Muskoka sur la santé materno-infantile
puisse être utilisée pour appuyer concrètement l’Etat du Niger
à asseoir dans la durée sa politique nationale d’exemption de
paiement des soins49. Cette gratuité ciblée sur les femmes
enceintes et les enfants de moins de cinq ans constitue une
modalité d’intervention pertinente et adaptée à la réalisation
des OMD 4 et 5.
La situation actuelle n’incite pourtant pas à l’optimisme dans la
mesure où le seul bailleur qui jusque- là accompagnait le finan-
cement direct de la gratuité (AFD) a fait le choix d’interrompre
son aide en 2011. La plupart des pays donateurs et bailleurs
multilatéraux présents au Niger rechignent encore à s’engager
véritablement dans un soutien financier à la gratuité, et cela
malgré le caractère vital qu’elle présente dans le pays. Les dif-
ficultés de mise en œuvre de la politique de gratuité (remontée
tardive de factures, retard dans la réalisation d’un audit sur la
gratuité, erreurs dans le traitement des factures, lourdeur admi-
nistrative, etc.) sont de vrais problèmes qu’il ne faut en aucun
cas minimiser mais qui ne doivent pas pour autant servir de
justification au non-engagement des bailleurs internationaux.
Il y va de la survie de beaucoup de Nigériens.
Une volonté politique nationale à réaffirmer
Le nécessaire soutien des bailleurs internationaux ne signifie
en aucun cas qu’il faille dédouaner le gouvernement du Niger
de sa propre responsabilité en tant que seul et unique garant
du droit à la santé. Il ne saurait y avoir d’investissement plus
prononcé des partenaires du Niger en faveur de la gratuité des
soins sans une affirmation plus claire par l’Etat de sa volonté
politique d’en faire une réelle priorité. Ceci suppose un effort
de fédération de ses partenaires autour de cet objectif. Cela
est d’autant plus envisageable que les partenaires sont enclins
à s’aligner sur les choix politiques de l’Etat conformément
au principe de l’Alignement de la Déclaration de Paris relatif
à l’efficacité de l’aide. La récente signature d’un Compact50
entre le gouvernement du Niger et les partenaires techniques
et financiers du secteur de la santé constitue une preuve de
48 Suite au coup d’Etat du 17 février 2010.49 En juin 2010 au Canada, les pays membres du G8 ont promis de mobiliser 5 milliards de dollars supplémentaires sur 5 ans pour la santé des mères et des enfants. La France a pris pour sa part l’engagement de consacrer 500 millions d’euros supplémentaires pour la santé maternelle et infantile au cours des 5 années à venir.50 Le compact est un pacte national entre un gouvernement et ses PTF qui vont s’aligner autour d’un plan unique de développement du secteur de la santé en l’occurrence les plans nationaux de développement sanitaire. Le compact conformément à la déclaration de Paris vise l’union des contributions des partenaires et des gouvernements nationaux pour accroitre les ressources en vue de la mise en œuvre effective et efficiente des plans nationaux de développement sanitaire.
Tableau des sources de financement de la politique de « gratuité », 2006-2010 (en milliards de FCFA)
2006 2007 2008 2009 2010 Total
Loi des Finances (État) 0,704 3 4 4,182 4,269 16,155
AFD (aide) budgétaire 1, 050 0,984 0 0,984 0 3,017
- UNICEF - UNFPA- FM - ONG ( Help, MDM, MSF B et Suisse Save the Children…)
Aide non budgétaire (en nature : médicaments, consommables, matériels techniques, et supports de gestion)
Source : adapté de la Cellule gratuité, MSP
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 25
cette possibilité qu’a l’Etat de fédérer ses partenaires autour
de ses priorités. Pour ce qui est de la gratuité, il s’agit autant
de convaincre les partenaires de la nécessité d’un soutien à la
gratuité que de leur apporter les gages d’une valorisation de
leurs apports dans les conditions de transparence requises.
Les nouvelles autorités du Niger se doivent de prendre toutes
les dispositions nécessaires pour garantir un fonctionnement
pérenne de la politique de gratuité en affichant clairement leur
engagement pour obtenir celui des partenaires techniques
et financiers. Enfin, il nous semble également important de
rappeler que si l’évolution du contexte sécuritaire dans la zone
sahélienne conduit à ce que des moyens soient alloués à la
lutte « contre le terrorisme », cet agenda sécuritaire ne devrait
en aucun cas se faire au détriment des efforts à investir dans
les secteurs sociaux et le développement humain. Principe
que les bailleurs de fonds internationaux devraient également
respecter en se gardant de faire de la lutte contre le terrorisme
une conditionnalité de leur aide financière.
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider26
recommandations
les partenaires techniques et financiers doivent :
• Accompagner l’effort du gouvernement nigérien à travers la mobilisation de financements pérennes dédiés à la politique nationale de gratuité ;
• Sur la période 2011-2015, utiliser une partie des fonds promis dans le cadre de l’initiative de Muskoka et de la Stratégie globale pour la santé des mères et des enfants pour financer les exemptions de paiement au profit des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans au Niger ;
• Apporter un appui technique au Ministère de la Santé publique afin de trouver des solutions concrètes aux difficultés rencontrées dans la gestion quotidienne de la politique de gratuité.
Si la politique d’exemption de paiement a permis d’améliorer de manière significative l’accès aux soins de santé primaires, elle est aujourd’hui confrontée à de graves difficultés liées au manque de financement et aux retards de remboursement dont souffrent les formations sanitaires. La pérennisation d’une telle politique, dont la pertinence n’est pas à remettre en cause, exige la mise en œuvre au plus vite d’un « plan de sauvetage » s’appuyant sur les recommandations suivantes :
Le gouvernement du Niger doit :
• Mobiliser une enveloppe de 11 milliards de FCFA afin de rembourser au plus vite les structures de santé pour les frais de mise en œuvre de la gratuité engagés sur la période 2006-2010 ;
• Consacrer un budget annuel d’au moins 10 milliards de FCFA destiné à financer la politique d’exemption de paiement pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans et veiller à adapter ce budget au fil des ans en fonction de l’évolution des besoins ;
• Augmenter de manière significative la part des dépenses publiques allouées à la santé en vue d’atteindre l’objectif de 15% du budget national (conformément à l’engagement d’Abuja) ;
• Diversifier les sources de revenus à travers la mise en place de mécanismes de financement innovants comme l’instauration d’une taxe spécifique sur les industries extractives ou les compagnies de téléphonie mobile ;
• Réaliser au plus vite l’audit externe sur la politique de gratuité afin d’identifier les points faibles et points forts de la mise en œuvre ;
• Procéder à une étude des coûts détaillée de la politique de gratuité et ajuster en conséquence les forfaits de remboursement ;
• Valoriser les dons en médicaments dans le cadre du remboursement des factures de la gratuité ;
• Dès 2011, élargir la politique de gratuité à tous les accouchements ainsi qu’à la prise en charge des références-évacuations et adapter son budget « gratuité » en conséquence.
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Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider28
anneXes
ANNExE 1
Fiche récapitulative de la gratuité au niveau du District
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider 29
ANNExE 2
Modèle de facture pour remboursement des prestations de la gratuité
Gratuité des soins au Niger : une option payante à consolider30
ANNExE 3
Exemplaire de reçu de paiement
ANNExE 4
Initiative de Muskoka sur la santé materno-infantile, Sommet du G8, juin 2010
Extrait de la déclaration du G8 « Reprise et Renaissance » :
« 9. Les membres du G8 apportent déjà une contribution de plus de 4,1 milliards de dollars par année sous forme d’aide
au développement à l’appui de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants de moins de cinq ans. Aujourd’hui,
nous, les dirigeants du G8, avec la collaboration d’autres gouvernements, de plusieurs fondations et d’autres entités
qui s’attachent à promouvoir la santé maternelle et infantile à l’échelon international[1], appuyons et lançons l’Initiative
de Muskoka, à savoir une approche globale et intégrée visant à accélérer le progrès vers la réalisation des quatrième
et cinquième OMD, qui réduira considérablement le nombre de décès de mères, de nouveau-nés et d’enfants de moins
de cinq ans dans les pays en développement. La portée de l’Initiative de Muskoka est énoncée à l’annexe I. Notre
engagement collectif aidera au renforcement des systèmes de santé nationaux pris en charge par les pays eux-mêmes
dans les pays en développement, de façon à permettre des interventions cruciales tout au long du continuum des soins,
c.-à-d. avant et pendant la grossesse, à l’accouchement, auprès des nourrissons et pendant la prime enfance.
10. À cette fin, le G8 s’engage à mobiliser à compter d’aujourd’hui un financement additionnel de 5 milliards de dollars
devant être déboursé au cours des cinq prochaines années[2]. Le soutien du G8 joue un rôle catalyseur. Nous prenons
nos engagements avec pour objectif de susciter une action collective élargie par des donateurs bilatéraux et multilatéraux,
des pays en développement et d’autres intéressés, afin d’accélérer les progrès vers la réalisation des quatrième et
cinquième OMD. En conséquence, nous saluons les décisions d’autres gouvernements et fondations d’adhérer à
l’Initiative de Muskoka. Les gouvernements de l’Espagne, de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège, des Pays-Bas et de la
République de Corée, sous réserve de leurs processus budgétaires respectifs, la Fondation Bill et Melinda Gates ainsi que
la Fondation des Nations Unies s’engagent dès à présent, ou se sont engagés récemment, à apporter une contribution
financière additionnelle de 2,3 milliards de dollars, qui seront déboursés pendant la même période.
11. Nous avons la certitude que dans la période 2010-2015, sous réserve de nos processus budgétaires respectifs,
l’Initiative de Muskoka mobilisera une somme bien supérieure à 10 milliards de dollars. »
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LiSTE DES ABRéviATiONS ET ACRONYMES
CHR Centre Hospitalier Régional
COGES Comité de Gestion
CPON Consultation Postnatale
CPN Consultation Prénatale
CS Case de santé
CSI Centre de santé intégré
DOS Direction de l’Organisation des Soins
DRSP Direction Régionale de la Santé Publique
HD Hôpital de district
MEF Ministère de l’Economie et des Finances
MSP Ministère de la Santé Publique
OMD Objectif du Millénaire pour le Développement
OMS Organisation Mondiale de la Santé
PDS Plan de Développement Sanitaire
PMA Paquet Minimum d’Activités
PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement
PTF Partenaires Techniques et Financiers
SNIS Système National d’Informations Sanitaires
UNICEF Fonds des Nations unies pour l’Enfance
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