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HISTOIRE DE LA MEDECINE
REVOLUTION, EMPIRE ET MEDECINE MILITAIRE
La révolution française ne peut être considérée que du seul point de vue
historique en négligeant ses implications philosophiques, sociologiques et
culturelles. La rupture avec l’ancien monde est totale ; l’enseignement, la
pratique, l’approche scientifique, la prise en compte du patient, sont
radicalement modifiés. Bien que « la révolution n’ait pas besoin de
scientifiques », phrase historique prononcée par l’un de ceux qui arrêtèrent
Lavoisier pour le mener à la guillotine, elle nourrira et favorisera l’observation
et la démarche scientifique qui se substituera peu à peu à l’empirisme. Le
médecin poudré et emperruqué fait place désormais à l’humaniste pragmatique.
Si la fracture entre le monde qui vient de s’effondrer et la nouvelle
société est brutale et irréversible, malgré les multiples tentatives de restauration
qui se multiplieront au 19ème
siècle, ses implications sur le mode de penser, de
chercher et de traiter ne se manifesteront que lors du premier tiers du 19ème
siècle, le temps qu’émerge la nouvelle génération de praticiens.
Les innombrables blessés de la révolution pour la défense du territoire
national, de l’empire et de ses conquêtes, amèneront les chirurgiens et
notamment les orthopédistes, à perfectionner le ramassage des blessés, à
perfectionner les ambulances de campagne et les techniques opératoires.
I = LES ANATOMISTES
L’anatomie de la période révolutionnaire est marquée par trois grandes
figures de la médecine, Jacques René Tenon, Xavier Bichat et le Baron Antoine
Portal auxquels il convient d’ajouter un génial précurseur Vicq d’Azyr. Hormis
leurs recherches d’anatomie, ils consacreront, à la demande des différents
gouvernements révolutionnaires, une partie de leurs travaux à réformer le
système de santé et des études médicales.
1743 Réforme des études médicales (double cursus) (Tenon)
1774 Début de l’anatomie comparée (Vicq d’Azyr)
1788 Réforme du service de santé (Tenon)
1801 Bichat pose les bases de l’anatomie physiologique
1801-1810 Physiologie pathologique et expérimentale
(Portal)
1802 Création du concours de l’internat
1805 Traitement des asphyxies (Portal)
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= Félix Vicq d’Azyr (1748-1794)
Félix Vicq d’Azyr est né à Valognes en 1748 d’un père médecin. Il réalise
ses études médicales à Paris et fréquente le Muséum d’histoire naturelle avec
pour maître Buffon. Ce double cursus fera de lui le premier spécialiste en
anatomie comparée.
Félix Vicq d’Azyr
En 1774, il entre à l’Académie des Sciences et crée deux ans plus tard le
Collège royal de médecine. Nommé à l’Académie française au siège de son
maître Buffon en 1776, il travaille sur les épidémies et les épizooties.
Pendant la révolution il est chargé de rédiger un « Nouveau Plan de
constitution de la médecine en France ». Médecin de Marie Antoinette, il craint
pour sa vie pendant la terreur (1790), mais passe sans être inquiété cette période
difficile.
Ses principaux travaux portent sur l’anatomie du cerveau. Il décrit ainsi le
locus cœlureus et la Bande d’Azyr qui se trouve localisée entre la couche
granulaire externe et la couche pyramidale externe du cortex. Il a pour élève
Desgenettes.
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Cerveau selon Vicq d’Azyr
Il décède d’une pneumonie après avoir assisté en 1794, à la fête de l’Etre
suprême.
= Jacques René Tenon (1724-1816)
Tenon est originaire d’un petit village de l’Yonne, Sépeau. Il est issu
d’une famille de chirurgiens de campagne vivant pauvrement de leur activité (il
est l’aîné de 11 enfants). Malgré cette enfance difficile et « …son dégoût pour
l’anatomie, son effroi pour la chirurgie et l’horreur que lui avait inspiré
l’administration des hôpitaux… », il devient l’élève de Winslow (professeur
d’anatomie au jardin du Roi). La réforme des études médicales de 1743
obligeant les futures médecins à valider une maîtrise (la réforme du double
cursus n’est pas une nouveauté), Tenon se trouve dans l’obligation de reprendre
des études. Chirurgien militaire dans l’armée des Flandres (1744) où il acquière
une grande dextérité chirurgicale, Jacques René Tenon réintègre la capitale et
exerce la chirurgie à la Salpetrière. Dans cet établissement réservé aux femmes
(pour les hommes c’était Bicêtre), Tenon
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Hôpital de la Salpetrière
soigne les aliénés et les miséreuses enfermées dans cet établissement humide et
nauséabond. Il obtient du gouvernement la possibilité de construire un petit
hôpital attenant au collège de chirurgie pour y mener ses expériences.
Ses cours de chirurgie et d’anatomie le rendent rapidement célèbre. Il est
fait membre de l’Académie des sciences et agrégé au Collège de l’Académie de
chirurgie.
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En 1785, le Roi Louis XVI le charge d’un rapport administratif sur le
fonctionnement des hôpitaux et sur la reconstruction de l’Hôtel-Dieu incendié
treize ans auparavant.
Hôtel Dieu de Paris
Ce travail aboutira en 1788 sur un mémoire envisageant les réformes à
apporter au système de santé. Dans ce mémoire figure l’opportunité de
construire un hôpital à l’est de Paris, qui deviendra ultérieurement l’hôpital
Tenon (20ème
arrondissement).
Pendant la révolution Tenon poursuit son œuvre de réformateur. Membre
de l’Assemblée législative jusqu’en1790, il est président du comité de Secours
public et s’intéresse au sort des aliénés. En 1795 il fonde la maternité de Port
Royal. Jusqu’à sa mort à l’âge de 95 ans, Tenon se consacrera à l’étude de
l’anatomie dans sa maison de Massy.
= Xavier Bichat (1771-1802)
Xavier Bichat est né dans l’Ain, le 14 novembre 1771. Elève de Marc
Antoine Petit à l’Hôtel Dieu de Lyon, il devient pendant la révolution
chirurgien des Hôpitaux militaires. Officier de Santé il est admis comme officier
de santé à l’Hôtel Dieu de Paris (à l’époque Grand hospice de l’Humanité) où il
se lie d’amitié avec son maître en chirurgie Desault Pierre Joseph.
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Xavier Bichat
Faisant preuve d’une activité frénétique, il enseigne l’anatomie et
pratique un nombre incroyable d’autopsies (plus de 600 en 10 ans). Disciple de
Morgagni, il réussit à identifier plus de 21 tissus différents. Auteur du « Traité
des membranes » (1800), de « l’Anatomie descriptive» (1801-1803), de
« L’anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine», il met en
évidence l’importance du système organique dans lequel la cellule joue le rôle
unitaire. Dans « Recherches physiologiques sur la vie et la mort », X. Bichat
définit dans ses travaux des notions de physiologie qui serviront de base à la
physiologie expérimentale développée par Claude Bernard. Définissant la vie
comme « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort », il donne une image
nouvelle de la physiologie, reconnue comme le moteur fondamental du maintien
des fonctions vitales.
A 31 ans Xavier Bichat contracte, lors d’une dissection, une infection qui
se transforme en septicémie. Affaibli par cette maladie, il chute dans un escalier
en sortant de son laboratoire de l’Hôtel Dieu et succombe quelques jours plus
tard, âgé de 31 ans, malgré les soins de Lepreux et de Corvisart (membre de la
chaire de Médecine au Collège de France) et des Docteurs Esparron et Roux
(Huile sur toile, 80 x 100 cm par Hersent, actuellement à l’ancienne faculté de
Médecine de Paris)
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La mort de Bichat
= Antoine Portal (1742-1832)
Antoine Portal est l’archétype de ces médecins de transition
engendrés par la révolution. Issu comme beaucoup de ses confrères du midi des
facultés d’Albi et de Toulouse, il est docteur dans la plus ancienne faculté de
France, Montpellier. Antoine Portal s’intéressa dès le début de ses études à
l’anatomie et notamment à l’anatomie pathologique. Dès 1768, il publie
le « Précis de chirurgie pratique contenant l’histoire de la chirurgie, et la
manière la plus en usage de la traiter » en 2 volumes, suivi en 1773 de
« Histoire de l’anatomie et de la chirurgie, contenant l’origine et les progrès
des sciences » en 7 volumes.
Arrivé à Paris en 1776 sur la recommandation du cardinal Bernis,
Portal est nommé professeur d’anatomie du Dauphin (le futur louis XVI) et
s’installe chichement rue du cimetière Saint André des Arts (rue Suger actuelle
depuis l’ouverture des boulevards St Michel et St Germain), dans un bâtiment
qui lui sert également d’amphithéâtre. Peut-être est-ce le contact permanent
avec les cadavres utilisés pour ses cours qui lui donnèrent l’envie de se
consacrer à l’anatomie pathologique. En 1769, il est titulaire de la chaire de
Médecine au Collège de France, et membre de l’Académie des Sciences.
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Antoine Portal
Recommandé par Buffon, il est nommé titulaire de la chaire d’anatomie
humaine du jardin du Roi.
Pendant la révolution et l’empire, Antoine Portal continuera ses recherches et
publiera « Observation sur la nature, le traitement du rachitisme… » en 1797,
ses « cours d’anatomie médicale » (5 volumes) en 1803
Titulaire de la légion d’honneur, il devient à 84 ans (1818) premier médecin de
Louis XVIII, puis de Charles X
Parmi ses travaux on retiendra les nombreux mémoires sur « la nature et le
traitement de plusieurs maladies, précis des expériences sur les animaux
vivants, cours de physiologie pathologiques » (entre 1800 et 1815). Il fut le
promoteur de la technique du bouche à bouche dans les cas de détresse
respiratoire aigue « Traitement des asphyxies » (1805).
Enfin, c’est lui qui fit créer par Louis XVIII le 20 Décembre 1820 l’Académie
de Médecine dont il fut le Président d’honneur jusqu’à sa mort en 1832.
II= MALADIES MENTALES
Avant la révolution française de 1789, il n’existait pas de distinction entre
les forçats et les malades mentaux. Ces derniers se retrouvaient incarcérés et
enchaînés dans des conditions d’insalubrité et de misère physiologique
particulièrement épouvantables. Les hommes étaient internés à Bicêtre et les
femmes à la Salpetrière qui servait également de dépôt pour les prostituées, les
mendiantes, les filles mères et en générale toutes les filles en rupture de ban.
Les lettres de cachet, qui permettaient d’interner pour démence un individu sans
aucun examen clinique, ne seront supprimées que par la convention.
Le début de la psychiatrie en temps que science commence
véritablement vers 1790 avec P. Pinel. Ce dernier soutint l'idée qu'il fallait
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distinguer parmi ces hommes et ces femmes les "aliénés en l'esprit" et les
condamnés de bien commun. Pour cela il fit aménager pour l'accueil des
malades, avec l'approbation du parlement, des locaux hospitaliers à Bicêtre et à
la Salpetrière distinct des cachots et des geôles destinées aux prisonniers.
P. Pinel
Au début du 19ème
, la maladie mentale fait l’objet d’une attention toute
particulière des classes bourgeoises attachées à l’ordre moral. Au moment de la
création du code civil et du développement des sciences, la folie doit trouver ses
marques, ses limites, une définition et une origine, autrement dit entrer dans un
cadre anatomophysiologique. La reconquête religieuse post révolutionnaire
place l’homme, créature de Dieu au centre du débat ; l’homme naît parfait, mais
il peut être gâté par sa faute ou celles de ses ascendants. La femme, responsable
du péché originel, demeure à la limite de la raison, toujours prête, sous l’empire
de son sexe (comprendre de ses hormones) à sombrer dans la monomanie ou
l’hystérie. Son aliénation à ses parents, son mari, ses enfants même, font d’elle
un être fragile que la lecture de roman ou des rêveries trop prononcées
précipitera dans la « démence sociale ».
Après la reconnaissance des droits de l’homme, et les envolées
humanistes quelque peu romantiques envers ceux qui souffrent de
« confusion mentale», les médecins cherchent à identifier l’origine de ces
troubles dont on commence à préciser la sémiologie.
Etienne Esquirol, aliéniste, posera le premier les bases du
fonctionnement asilaire, en 1805. Il rédige une thèse sur "Les Passions
considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de l'aliénation
mentale", mais ce n’est qu’en septembre 1818 qu'il présente au ministre de
l'intérieur son mémoire :"Des établissements d'aliénés en France, et des moyens
d'améliorer le sort de ces infortunés".
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1795 Pinel libère de leurs chaînes les aliénés de la Salpêtrière
1818 Esquirol réforme le régime asilaire
= Philippe Pinel (1745-1826)
Né près de Castres, P. Pinel passe sa thèse en médecine à la faculté de
Toulouse en1773. Nommé médecin de l’hospice de Bicêtre en pleine révolution
(1793) puis à la Salpêtrière deux ans plus tard avant d’être nommé membre de
l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine.
P. Pinel
Véritable créateur de la médecine mentale, auteur du traité médico-
philosophique de la maladie mentale ou la manie (1801), P. Pinel, qui était très
proche et à l’écoute de ses malades, passera à la postérité grâce aux tableaux
allégoriques peints par Charles Muller (1849) et Robert Fleury en 1876, le
représentant en train de débarrasser les folles de leurs chaînes.
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Par Tony Robert-Fleury 1876
Le « bon Monsieur Pinel » ainsi que l’appelaient ses étudiants, était
pourtant porteur des préjugés de son temps concernant la folie des femmes
« elle porte son vice dans son sang ». Le péché originel n’est pas loin, et si les
folles sont libérées de leurs chaînes, un nombre sans cesse croissant de femmes
accusées de monomanie, d’hystérie, de dégénérescences parce qu’elles sont
prostituées, insoumises à leur mari ou à leurs parents, sont considérées comme
aliénées et enfermées. En ce qui concerne les homosexuelles, Pinel conseille
« de confiner ces victimes de la débauche dans des loges écartées et à les
laisser se plonger dans toutes les saletés que leur imagination abrutie suggère
sans infecter les autres de leur exemple ».
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La « Nosographie philosophique », son œuvre maîtresse, servira de
manuel de référence de toute une génération de médecins pendant près de trente
ans.
= Etienne Esquirol (1772-1840)
Etienne Esquirol est né à Toulouse où il fait ses études médicales. Il
poursuit ces dernières à la Salpetrière avec Pinel pour maître.
Etienne Esquirol
Thèsé en 1805, il succède à Pinel comme médecin chef des aliénés. Il est
à l’origine de la loi sur les aliénés de 1838.
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Il est l’auteur des « Maladies mentales », publication richement illustrée
de planches gravées représentant les différentes attitudes des aliénés.
L’hôpital de Toulouse porte son nom.
Statut d’Esquirol à l’hôpital de Toulouse
III= OPH
L’ophtalmologie en tant que discipline médicale n’est pas l’objet
d’avancée significative pendant cette période. Pourtant, un philanthrope va
jouer un rôle éminent dans la prise en charge des aveugles.
= Valentin Haüy (1745-1822)
Valentin Haüy n’était pas médecin mais simplement philanthrope. Après
un Essai sur l’éducation des aveugles en 1786, il fonda une école destinée aux
jeunes aveugles.
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Valentin Haüy
Cette première école fut par la suite transformée en « Institution
Nationale des jeunes aveugles travailleurs » (transférée aux Quinze-Vingts en
1801). C’est là que Louis Braille, le futur inventeur de la méthode de lecture
par signes, fit ses études (système de lecture tactile utilisant des points en
reliefs, conçu en 1825).
IV= GYNECOLOGIE, OBSTETRIQUE
En obstétrique, la période révolutionnaire est marquée par un personnage
hors du commun, souvent irascible, mais d’une rigueur scientifique et médicale
exceptionnelle, Jean Louis Baudelocque.
1800 Création de la pelvimétrie
1802 Première école de sages femmes
= Jean Louis Baudelocque (1746-1810)
Originaire de la Somme, le jeune Baudelocque fut très vite initié à la
chirurgie par son père qui exerçait dans cette région. Elève de Solayres de
Renhac qui enseignait l’accouchement au Collège royal de chirurgie, il lui
succède après le décès de son maître survenu en 1771. Il soutient sa thèse en
1776 et abandonne l’enseignement pour exercer l’obstétrique.
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Du fait de la révolution il perd son siège à l’Académie de Médecine et
craint continuellement d’être arrêté. Suspect, il fut sauvé après une équipée
nocturne rocambolesque en accouchant la citoyenne Fouquier-Tinville, femme
du terrible accusateur publique.
Promu professeur d’obstétrique à l’Hôtel-dieu (1795) puis nommé
premier titulaire de la chaire d’obstétrique à Port Royal en 1804 (maternité
créée par Tenon en 1795 qui fut dotée en 1802 d’une école de sages femmes), il
exerça le reste de sa carrière dans cette institution.
Irascible, nerveux, irritable, intolérant il se fâche avec nombre de
confrères et notamment avec les sages femmes de l’établissement qui finirent
par refuser que les étudiants assistent aux accouchements, posant ainsi des
problèmes pour la formation des futures obstétriciens.
Maniaque dans ses observations, il décrivit minutieusement quatre vingt
treize positions du fœtus in utero.
Pelvimétrie
Pelvimètre Pelvimétrie
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Il introduisit la pelvimétrie externe et la description du mode de
délivrance, dite de Baudelocque. On lui doit l’invention du compas de
Baudelocque.
Forceps de Baudelocque
Son neveu, Louis Auguste Baudelocque (1799-1864) mit au point un
nouveau procédé opératoire pour les césariennes.
V= CLINICIENS
= Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1008)
Pierre Jean Georges Cabanis occupe une place à part, et malheureusement
trop souvent oubliée dans la philosophie de la pratique médicale. Corrézien de
naissance, puis parisien d’adoption, Cabanis est docteur en médecine de la
faculté de Reims en 1784.
Philosophe, traducteur d’Homère, Cabanis imprimera sa marque sur la
réforme médicale révolutionnaire. Titulaire de plusieurs chaires médicales à la
nouvelle Ecole de Santé de Paris, il s’affirme comme historien et théoricien de
la médecine et de ses applications. Auteur de « Rapports du physique et du
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moral de l’homme » en 1802, il définit une nouvelle conception de l’art
d’exercer la médecine. En créant le caractère « sacerdotal » de l’exercice
médical, il affirme les exigences nouvelles propres à assurer la qualité des soins
et le suivi des patients.
On ne «fait pas médecine », on « entre en médecine », phrase qui mérite
d’être méditée par les étudiants actuels et futurs. C’est sur ces bases que la
médecine se développera en Europe pendant tout le 19ème
siècle et la première
partie du 20ème
siècle.
L’abandon progressif de ces principes en rapport avec l’évolution sociale
conduit aujourd’hui le médecin à être un prestataire de service plutôt qu’un
artiste. Pour tous ceux qui voudraient réfléchir à cette philosophie ou se
recueillir sur sa tombe, sa sépulture se situe dans le vieux cimetière d’Auteuil.
Cette dernière ne contient que son cœur, le corps reposant au Panthéon, preuve
s’il en était, que la Patrie a reconnu en Cabanis le Père de la Médecine moderne.
= John Cheyne (1777-1836)
Médecin écossais, John Cheyne, publie à Dublin un traité sur la maladie
des enfants
John Cheyne
C’est surtout dans la qualité de ses observations cliniques que Cheyne
passera à la postérité. Il donnera avec Stokes, son nom à un type particulier de
respiration irrégulière, le syndrome de Cheyne Stokes.
* Respiration de Cheyne-Stokes : Rythme respiratoire caractérisé par
une période d’apnée plus ou moins longue à laquelle succède une série de
respirations d’amplitude croissante, suivie d’une autre série d’amplitude
décroissante.
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VI= MEDECINE ET CHIRURGIE MILITAIRE
La révolution et les guerres impériales donnèrent à la médecine et à la
chirurgie militaire un essor considérable. C’est à partir de l’expérience recueillie
sur les champs de bataille que la traumatologie et l’hygiène progresseront et
acquerront leurs lettres de noblesse. Deux médecins hygiénistes marqueront les
campagnes napoléoniennes, Jean François Coste et Nicolas Desgenettes.
Trois chirurgiens se sont particulièrement illustrés pendant cette période, Pierre
François Percy, Dominique Larrey et François Broussais.
1790 Premier bataillon d’ambulancier et de brancardiers (Percy) et
un corps mobile de chirurgie militaire.
1792 Organisation par Larrey des corps d’ambulances
réglementaires créés par Percy
1794 Utilité des pièces anatomiques artificielles (Desgenettes)
1809 Travaux sur une convention certifiant l’inviolabilité des
hôpitaux militaires et la remise des blessés à son armée (Percy).
1814 Etude sur l’état de l’enseignement de la médecine et de la
chirurgie (Coste).
1815 Technique de désarticulation de l’épaule (Larrey).
1820 Introduction des données physiologiques dans la recherche
étiologique des pathologies (Broussais).
= Jean François Coste (1741-1819)
Jean François Coste est originaire du Bugey. Après ses études au collège
de Belley, il entre au petit séminaire de Lyon. Il étudie la médecine à Paris avec
des maîtres prestigieux (Astruc, Jussieu…), puis, faute de moyens financiers
pour rester à Paris, passe son doctorat à Valence.
Confronté à une épidémie de typhus, il soigne avec passion les habitants
de la région et notamment Voltaire à Ferney. Il fait paraître à cette époque
(1773) un mémoire sur l’hygiène.
Il part ensuite aux Etats-Unis dans l’armée commandée par Rochambeau
où, estimé de ses supérieurs et des universités américaines, il devient médecin
chef du corps expéditionnaire (1783). De retour en France, il est fait médecin
des armées du Roi et prend la direction des Invalides en 1796.
Bonaparte, puis Napoléon, en fera un médecin de la grande armée avec
laquelle il participera aux batailles d’Austerlitz et d’Eylau.
En 1814, lors de la restauration, Louis XVIII le fera commandeur de la
légion d’honneur et le chargera de rendre compte de l’état de l’enseignement de
la médecine et de la chirurgie.
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= Nicolas Desgenettes (1762-1832)
Né à Alençon, Desgenettes suivit des cours au Collège France avec pour
maître Vicq d’Azyr. Pour se perfectionner il suit des enseignements en
Angleterre, notamment avec Hunter, et en Italie. Il est nommé Docteur en
Médecine à Montpellier « essais physiologiques sur les vaisseaux
lymphatiques » en 1789. En 1793 il accompagne l’armée d’Italie avec la
division Masséna et lutte alors efficacement contre une épidémie de typhus.
De retour à Paris il est nommé médecin ordinaire du Val de Grâce.
Professeur de physiologie et de physique appliqué, il travaille sur « l’utilité des
pièces anatomiques artificielles ».
En 1798 Bonaparte qu’il avait connu en Italie le fait Médecin chef des
armées d’Orient.
Nicolas Desgenettes
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Il participe à ce titre à l’expédition d’Egypte et se trouve confrontés aux
maladies endémiques des régions chaudes et humides (variole, fièvre de
Damiette, dysenterie, peste, scorbut…). Il publie la même année « Histoire
médicale de l’armée d’Orient ».
De retour au Val de grâce en 1806, il travaille sur la fièvre jaune. Mais
Napoléon pense qu’il est plus utile aux armées qu’à Paris. Il lui demande donc
d’abandonner son fils mourant et de regagner la Grande armée dont il est fait
Médecin Chef en 1807. Il participe aux bataille d’Eylau, Friedland, Wagram, à
la campagne de Russie* et à la fin des cents jours à Waterloo.
Napoléon rendant visite aux pestiférés de Jaffa
Louis XVIII le fait Grand croix de la légion d’honneur, le confirme
comme médecin chef du Val de Grâce et comme professeur d’Hygiène à la
Faculté de Médecine de Paris. Son nom figure sur l’Arc de triomphe de l’étoile.
* Prisonnier des Russes après la bataille de la Moskova, il sera libéré
par le tsar au seul énoncé de son nom tant sa réputation de courage et
d’abnégation est grande.
= Pierre François Percy (1754-1825)
Fils d’un médecin militaire, le jeune Percy se dirigea très rapidement vers
la chirurgie. Il fut reçu docteur en médecine à Besançon à l’âge de 21 ans.
Après avoir complété son enseignement à Paris, Percy est chirurgien de la
gendarmerie à Lunéville, puis chirurgien major au régiment de Berry en 1782
(avant la révolution les régiments portaient le nom du Prince qui les
commandait).
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Pierre François Percy
Passionné par son art, Percy fut régulièrement primé par l’académie de
chirurgie (Les instruments tranchants en 1785, Les instruments destinés à
l’extraction des corps étrangers 1789, les bistouris en 1788, Les cautères en
1790).
Pendant la révolution il est nommé commandant du service de santé des
armées et met au point les secours aux blessés pendant la bataille (premier
bataillon d’ambulanciers et de brancardiers) ainsi qu’un corps mobile de
chirurgie militaire. Napoléon le nomma inspecteur général du service de santé
des armées, puis Baron en 1809. Ses travaux seront repris par Larrey, à qui
Napoléon demanda d’organiser le service sanitaire en campagne. Membre des
Académies des sciences et de Médecine, professeur à la faculté de médecine de
Paris, Pierre François Percy s’intéressa également aux conditions dans
lesquelles le blessé pouvait recevoir les premiers soins. C’est ainsi qu’il proposa
la mise en place d’une convention certifiant l’inviolabilité des hôpitaux
militaires et la remise des blessés à son armée.
Encore présent à Waterloo, blessé plusieurs fois, il prit sa retraite à
Montjay la Tour près de Lagny. Un hôpital militaire de la région parisienne
perpétue son Nom.
= Dominique Larrey (1766-1842)
Dominique Larrey est né à Beaudean dans la campagne pyrénéenne,
d’une famille modeste (son père est décédé quand il n’avait que quatre ans),
mais indubitablement marquée par la médecine et la chirurgie puisque en trois
générations on compte huit chirurgiens militaires et plusieurs médecins
militaires ou civils.
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Baron Dominique Larrey
Sa vie durant, il accompagnera l’empereur depuis la campagne d’Egypte
jusqu’à la campagne de France (il participera à toutes les batailles à l’exception
de celle d’Iéna). Chef du service chirurgical de l’hôpital militaire du gros
caillou à Paris (1802) il est nommé inspecteur général du Service de Santé
(poste partagé avec Desgenettes, Percy…), puis chirurgien de la grande armée
(1805).
Dominique Larrey à Eylau
Charles Louis Muller
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Cette même année Larrey est chargé du premier corps d’ambulance
réglementaire, service qu’il avait promu en 1792 (trois divisions par armée,
disposant chacune de 99 hommes, quinze chirurgiens quarante six infirmiers,
treize aides soignant, vingt cinq conducteurs d’équipage ainsi que de 12
voitures légères). Cette organisation est complétée par un hôpital de campagne à
l’arrière des combats. Elle restera inchangée jusqu’à la grande guerre, c'est-à-
dire jusqu’à ce que les moyens d’évacuation puissent bénéficier d’un service
motorisé terrestre ou volant.
Tout au long de sa vie il ne cessera de perfectionner les techniques
d’amputation dont il avait déjà fait son sujet de thèse « Amputation des
membres ». Il proposera notamment l’amputation par désarticulation qui
présente l’intérêt de ne pas « ouvrir » l’os et de réaliser des sutures vasculaires
de meilleure qualité. Stigmatisé par les surinfections des blessures de guerre, il
ne cessera de développer l’hygiène et les techniques de nettoyages des plaies.
Ses expériences sur les larves de mouche sont actuellement reprises dans
plusieurs centres chirurgicaux.
Il mettra également en pratique le tri des blessés pour évaluer l’urgence et
les possibilités de survie en distinguant les urgences immédiates, les urgences
différées et les cas désespérés.
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On lui reprochera beaucoup l’entassement des membres résultant des
amputations réalisées avec une extrême dextérité (2 à 3 minutes).
L’indication à amputer était toujours posée avec la hantise de la gangrène
(sèche ou humide) responsable d’une mortalité différée considérable (la
mortalité des amputés était d’environ 4%, ce qui est remarquable). Il est nommé
médecin chef des invalides en 1832 et mis à la retraite à l’âge de 72 ans en
1838.
On doit à Larrey un type de désarticulation de l’épaule, dite en
« raquette », le signe de Larrey permettant, par pression antéropostérieure sur
les épines iliaques, de diagnostiquer les fractures du bassin et en anatomie la
fente de Larrey (espace diaphragmatique rétro-sternal à l’origine de la hernie
abdomino-thoracique et voie d’abord privilégié pour la ponction péricardique).
= Louis Jacques Bégin (1793 1859)
Louis Jacques Bégin
Né dans le Finistère à Locronan, Bégin rejoint la grande armée et
participe avec Larrey à la campagne de Russie, d’Allemagne et de France.
Chirurgien, il est nommé au Val de Grâce, puis à l’Académie de Médecine. Ses
travaux les plus remarquables portent sur la physiologie pathologique, la
thérapeutique, la pathologie chirurgicale et la médecine opératoire (1824).
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Hôpital Begin
Membre du conseil d’hygiène et de salubrité, il publie également une
étude sur le service de santé militaire en France (1849). L’hôpital militaire de
Vincennes porte son nom.
= François Broussais (1772-1838)
François Broussais est un malouin issu d’une famille médicale (père
chirurgien de la marine, arrière grand père médecin, grand père pharmacien).
François Broussais
Après ses études de médecine, il s’embarque comme chirurgien sur les
navires corsaires (notamment avec Surcouf) et mène cette vie d’aventure
pendant six ans.
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Prise du Kent par Surcouf
Il se rend ensuite à Paris et devient l’élève de Bichat, Pinel, Corvisart. Sur
les conseils de Desgenettes, alors médecin au Val de Grâce, il s’engage dans
l’armée napoléonienne et sert au service d’urgence mis en place par D. Larrey.
Revenu à Paris comme professeur au Val de grâce, il entame une polémique
contre les anciens canons de la médecine en prônant le développement d’une
médecine issue des découvertes physiologiques (le traitement doit tenir compte
des altérations pathologiques constatées dans les tissus, et non de doctrines
humorales dépassées). Ayant découvert de très nombreuses lésions intestinales
pour la plupart en rapport avec la fièvre typhoïde, il conclut hâtivement que le
tube digestif était à l’origine de toutes les maladies fébriles, considérant que la
fièvre était responsable de l’aggravation des maladies.
Emporté par ses considérations novatrices il s’en prend à Pinel et à
Laennec qui prônent l’auscultation comme moyen diagnostic.
Médecin chef du Val de Grâce en 1820, il est nommé à l’Académie de
Médecine puis titulaire d’une chaire spécialement créée pour lui « Pathologie et
thérapeutique générale ».
Le souvenir que l’on garde de Broussais, qui était un brillant professeur
adulé de ses étudiants, est actuellement très partagé. Si on lui reconnaît
l’introduction des données physiologiques dans la recherche étiologique des
pathologies, on ne peut être que surpris par l’application qu’il en fit en
thérapeutique.
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Pour Broussais, l’inflammation, à la base de toutes les pathologies
(théorie développée par Alexis Pujol), ne peut être combattue que par la diète,
la pose de sangsues (il eut un tel succès auprès de ses confrères que la France
se mit à importer plus de 4 millions de sangsues/an) et les saignées fréquentes,
on se croirait revenu au 16ème
siècle.
Le remboursement des sangsues par la Sécurité Social n’a été supprimé
qu’en 1970.
Estampe satyrique montrant le résultat
des traitements de Broussais
Devant la mortalité effarante de ses patients, résultant de ce traitement,
certains n’ont pas hésité à parler de « fléaux du 19ème
siècle ».
On lui doit cependant la conception novatrice de l’introduction de la
physiologie dans le diagnostic étiologique.
VII= CHIRURGIE
= Abraham Colles (1773-1843)
Né à Kilkenny en Irlande, A. Colles entre à la Faculté de Dublin puis à
Edinburgh où il obtient sa thèse en 1797. Il retourne exercer la chirurgie à
Dublin. Très estimé de ses confrères, généreux et modeste, Colles a été un
chirurgien particulièrement talentueux.
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Nommé Président Collège royal de Chirurgie, il professe sa vie durant
l’anatomie et la chirurgie.
Praticien du groupe de Dublin avec J. Cheyne, W. Stokes, R. Adams, D.J.
Corrigan (qui a laissé son nom à une variété de pouls en rapport avec une
atteinte des valves sigmoïdes), il travailla également sur les fractures du poignet
(1814). Une d’entre elle porte encore son nom, la fracture Colles, connue en
France sous le nom de fracture de Pouteau (fracture de l’extrémité inférieure du
radius).
Fracture de Colles
Comme anatomiste on retiendra le Fascia de Colles (fascia périnéal),
l’espace de Colles (espace périnéal superficiel) et le ligament de Colles
(ligament inguinal réfléchi). Il est le premier à avoir ligaturé l’artère sous-
clavière en 1837.
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= Guillaume Dupuytren (1777-1835)
Guillaume Dupuytren fut un homme étrange dans sa vie et la manière de
la conduire. Vaniteux, hautin, méprisant parfois, ambitieux à l’extrême,
introverti, dédaigneux…. Les mots employés par ses contemporains ou ses
biographes ne sont jamais tendres et montrent l’extrême mal être de ce
chirurgien d’exception.
Guillaume Dupuytren
Nommé chirurgien de deuxième classe à l’Hôtel Dieu en 1802,
Dupuytren eut comme maître Pelletan qui lui permit d’accéder rapidement au
poste de chirurgien adjoint.
+ En fut conflit permanent avec ses confrères pour des raisons médicales
(J.P. Roux,), d’avancement ou même privées (il refusa la main de sa fille à A.
Boyer, l’un de ses maîtres.
+ Il fut morigéné vertement par Laennec à la mort de Bichat dont il avait
tenté de s’attribuer la paternité de ses derniers travaux (1802).
+ Après le décès de Sabatier, titulaire de la chaire de médecine
opératoire, il réussit, après une lutte acharné,e et la production de faux
certificats, à remporter le concours appuyé par son maître Pelletan qu’il
évincera rapidement de l’Hôtel Dieu.
Ce comportement épouvantable, non exceptionnel dans le milieu médical
encore aujourd’hui, fit dire à son biographe Malgaigne « il ne faut pas
prétendre à la gloire quand on a visé qu’à la célébrité ».
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Maladie de Dupuytren
Remarquable clinicien et chirurgien hors paire, il opérait avec une
maîtrise exceptionnelle. Véritable créateur de l’anatomie chirurgicale,
Dupuytren découvrit le diploë, précisa en prolongement de ses travaux sur le
périnée (sujet de sa thèse) l’anatomie des trompes utérines, le développement du
bassin, des canaux déférents. En ligaturant le canal thoracique chez l’animal, il
mit en évidence sa physiologie de collecteur de la lymphe.
Assassinat du Duc de Berry
Amené à intervenir en urgence lors de l’assassinat du Duc de Berry à la
sortie de l’Opéra en 1820 (il avait reçu un coup de couteau du sieur Louvel et
perdait abondamment son sang), Dupuytren réalisa un sondage de la plaie au
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doigt, intervention sans objet qui fit dire au Duc de Berry « Ah ! que vous me
faites souffrir…, vous m’arrachez le cœur ». Il faut dire que la médecine
d’urgence de l’époque montrait quelques failles dans ses interventions.
Quelques dizaines de minutes avant l’arrivée de Dupuytren, un dénommé
Drogar qui se disait « enfant d’Esculape » et le docteur Blancheton appelé en
toute hâte se concertèrent pour proposer au blessé…. une saignée ! Devant
l’inefficacité avérée de ce premier traitement on appliquera au malheureux des
ventouses, un bain de pieds, et pour finir un lavement, thérapeutiques qui
abrégèrent sans nul doute les souffrances du patient.
Visite de Charles X à l’Hôtel Dieu, guidé par Dupuytren
Malgré cet intermède fâcheux, Dupuytren devint le premier chirurgien de
Charles X, et fut reçu dans les premiers à l’académie de médecine. Peu enclin à
publier ses travaux il n’a laissé comme souvenir que la maladie qui porte son
nom (rétraction de l’aponévrose palmaire).
A la fin de sa vie, sans descendant il créera une fondation à laquelle il
léguera sa fortune.
= Jacques Lisfranc de Saint-Martin (1790-1847)
« Le médecin meurt de faim ou de fatigue »
Jacques Lisfranc de Saint-Martin est issu d’un père médecin qui exerçait
dans la Loire. Etudiant à Lyon, il passe son Internat à Paris en 1809, puis
devient l’élève de Dupuytren à l’Hôpital Saint Louis de Paris.
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J. Lisfranc
En 1812, il suit Napoléon en campagne et assiste aux combats de Leipzig.
Rapatrié en France pour cause de typhus, il exerce la chirurgie et notamment
l’amputation du pied au niveau de l’articulation tarso-métatarsienne qui porte
encore son nom.
Barré dans sa carrière par son Maître Dupuytren, qui s’oppose à sa
nomination à la Faculté de médecine, il succède à Béclard à l’Hôpital de la
Pitié (il vouera une animosité farouche à Dupuytren jusqu’à la mort de ce
dernier en 1835 « Ce Dupuytren qui m’a fait tant de mal »).
Malgré la qualité de son enseignement, il échouera, la chaire de chirurgie
revint à Velpeau.
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Articulation de Lisfranc
Réputé en gynécologie, il se constitua à la Pitié une clientèle importante
concernant les maladies de l’utérus. Appelé au chevet de la Reine Hortense qui
souffrait d’un cancer utérin, il refusa d’intervenir car dit-il « Si la chirurgie est
brillante quand elle opère, elle l’est bien davantage lorsque, sans faire couler
le sang et sans mutilation, elle obtient la guérison du malade ».
VIII= MEDECINE ET CHIRURGIE DU ROI ET DE L’EMPEREUR
= Marie Vincent Talachon (1753-1817) Chirurgien de Louis
XVIII
Marie Vincent Talachon, né à Thorigny en Seine et Marne, entra dans les
ordres sous le nom de Père Elisée. C’est dans son ordre qu’il devint praticien en
chirurgie, exerçant son art dans les hôpitaux couvents de son ordre. Pendant la
révolution, il suivit les émigrés et devint chirurgien de l’armée des princes.
Pendant l’exil en Angleterre il fit l’autopsie du chevalier d’Eon dont on ne
savait s’il était femme ou homme. Lors de la restauration, il revint à Paris et fut
alors nommé chirurgien du Roi (Louis XVIII). Par des saignées répétées, il
parvint à soulager le roi podagre (goutteux) en lui permettant de satisfaire sa
gourmandise naturelle.
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Louis XVIII, le Roi podagre
Haï de ses confrères, qui lui reprochait à la fois son empirisme, sa
position enviée et son manque de formation, le Père Elisée se mêla de vouloir
réformer les études médicales et les acquis de la révolution (formation d’un
corps d’officiers de santé et surtout l’obligation de valider la médecine avant de
pratiquer la chirurgie). Les cents jours, l’impopularité de cette réforme, puis son
décès survenu en 1817, devait faire échouer définitivement ce projet à la fois
rétrograde et avant-gardiste en ce qui concerne l’enseignement de la chirurgie
après la médecine. Sa notoriété se limita donc au soulagement du Roi (il était
véritablement adulé de Louis XVIII) et à son projet malheureux de réforme.
= Jean-Nicolas Corvisart (1755-1821) Médecin de Napoléon
premier
« Je ne crois pas en la Médecine, mais je crois en Corvisart »
Napoléon premier
Jean-Nicolas Corvisart est d’origine ardennaise. Contre son père qui
voulait en faire un juriste, il s’inscrit à la faculté de médecine de Paris en 1777
et est reçu médecin cinq ans plus tard. Professeur de pathologie, puis
d’obstétrique, de physiologie et de pharmacie, il exerce à la Charité jusqu’en
1806, poste qu’il abandonnera pour suivre l’Empereur.
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Nommé médecin de l’empereur, il accompagne Napoléon à Boulogne, en
Rhénanie, en Italie puis à Vienne. Véritable praticien de médecine « interne »,
Corvisart suit la grossesse et l’accouchement de l’impératrice Marie Louise.
Son intérêt pour la pratique clinique se retrouve dans ses différentes
publications ou traductions « Commentaire des aphorismes de Stoll 1797, Essai
sur les maladies et les lésions organiques du cœur 1806 ».
Pour traiter les hémorroïdes de l’empereur, favorisée par la monte
prolongée à cheval, Corvisart utilisait des sangsues ; remède qui d’après
l’empereur lui-même était particulièrement efficace.
Médecins de la révolution
On ne peut quitter cette période révolutionnaire sans évoquer les mânes
du « bon docteur Guillotin » qui, pour éviter des souffrances inutiles aux
suppliciés, inventa la fameuse Guillotine, et du Docteur Jean Paul Marat, auteur
de l’Ami du peuple et du Père Duchenne.
= Joseph-Ignace Guillotin (1738-1814)
Joseph Guillotin est né à Saintes, dans une famille bourgeoise. Après des
études chez les jésuites, il gagne Paris et entre à la Faculté de Médecine.
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Joseph-Ignace Guillotin
Brillant, il acquière rapidement une notoriété importante et une
nombreuse clientèle. Il est nommé Professeur d’anatomie à la faculté de Paris.
J. Guillotin fait partie de la commission d’enquête chargée de mettre en
évidence le caractère infondé des théories de Mesmer.
Elu député de Paris, il participe aux grands mouvements révolutionnaires
et propose à l’Assemblée constituante, avec l’appui de Mirabeau, « l’unification
de la peine de mort par un simple moyen mécanique ». Le texte est voté le 10
Octobre 1789.
Exécution de Louis XVI
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La guillotine sera finalement réalisée par Antoine Louis, secrétaire de
l’Académie de chirurgie en 1792 (d’où son nom de Louison parfois employé).
Après avoir été testée à Bicêtre sur des cadavres, elle entrera en fonction le 25
Avril 1792 pour un dénommé Nicolas Pelletier, voleur de son état.
Sous le Consulat, Guillotin est chargé d’installer le premier programme
de Santé Publique en France.
Après la période révolutionnaire, il reprend ses activités médicales et
deviendra, avec son ami le Duc de La Rochefoucaut, un ardent défenseur de la
vaccination antivariolique prônée par Jenner.
= Jean Paul Marat 1743-1793
Jean Paul Marat est né à Neuchâtel, en Suisse. Etudiant à Montpellier, il
passe sa thèse dans cette faculté, puis s’installe à Bordeaux avant d’entreprendre
des voyages à travers l’Europe (Londres, Dublin, Edimbourg, La Hayes,
Amsterdam, Paris).
Jean Paul Marat
En 1777, il est médecin des gardes du conte d’Artois. Passionné de
recherches, il publie plus de 15 ouvrages sur « le feu et l’électricité », « les
effets de l’électricité ».
Dès le début de la révolution, il lance des projets sur les droits de
l’homme, l’abolition de l’esclavage et prévient le peuple contre les menées de
Monsieur de Necker. Elu député de la constituante en septembre 1792, il
redouble d’agressivité dans ses publications (notamment l’Ami du peuple, édité
pour la première fois en 1789).
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Atteint d’une maladie de peau (peut être un eczéma marginé de Hebra),
Marat était dans l’obligation de prendre des bains pour soulager ses brûlures.
C’est dans sa baignoire que Charlotte Cordey l’assassinera en 1793.
Assassinat de Marat Tableau de David
On demanda au peintre David d’organiser l’exposition de son corps et le
convoi qui devait le mener au Panthéon. Malheureusement les effets rapides de
la putréfaction (il faisait très chaud à Paris) détachèrent le bras qui pendait de
la baignoire, on dû le remplacer par un autre pris sur un cadavre anonyme.
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