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cwwAUEilI D'ESPOIR
Des mddecins ont rdussi d entrer en contact cwec la consctencede patients qu'ils croyaient dans un dtat vdgdtatif,, Tout ne serait
donc pas perdulorsque tombe un diagnostic de coma...
ON ii"".:H:1,::TJ::
par V6ronique Robe*
cence aura dure trois ans. <Onne voit rien de tout cela aucin6ma, d6plore 1e D'Tinawi.Celanous nuitbeaucoup, en don-nant aux gens de faux espoirs. >
Malgr6 I'arsenal de pointe i.ladisposition de la m6decine de
nos jours, le coma conselve unepart de mystdre. On sait qu'il est
caus6 par une atteinte diffuse au
celveau ou au tronc c6rebral
cette partie du systdme nerveuxcentral qui fait 1e lien entre 1a
moelle 6pinidre et la rnatidregrise, et qui contr6le l'6vei1. Ilpeut surwenir aprds un trauma-tisme crAnien, une intoxicationou un 6v6nement physiologique,
tel un accident vasculaire c6r6-bral. Le patient perd alors la
cinr5ma... < Un patient 6merge du
coma avec un calme olympien,ouwe les yeux, sourit et demande
si on a pens6 i payer sa factured'6lectricit6 >, ironise le D' SimonTinawi, physiatre charge de 1a
r6adaptation des traumatis6scrAniens i l'H6pital g6n6ral de
Montreal.Dans la vraie vie, quand les
patients sortent d'un coma, ilssont amn6siques et leur cerveauest d6sorganis6. Ils ne savent pas
ou ils sont, tiennent des propos
incoh6rents, arrachent leurs tubes
ed peuvent devenir violents. Ilfaut souvent 1es attacher et leuradministrer du Ritalin. Cer-tains perdent leurs inhibitions etdeviennent grossiers, voire gri-vois. <Apparemmeng je disais des
horreurs aux ffi rmidres >, raconte
FranEois Turcotte. graphiste qui
a pass6 18 jours dans le comaaprds un accident de motocy-clefte. < Ma mdre etait homifiee. >
Cette p6riode de confusionpeut durer de quelques jours iplusieurs semaines, et m6meperdurer dans certains cas. Fran-qois Turcotte est aujourd'hui de
retour au travail, presque sans
s6quelles - mais sa convales-
56 { JANVIER 20'2 L'ATiUALITE
conscience de soi et de son envi-ronnement, et ne reagit plus ides stimulus comme la douleurou le bruit. Pour qu'il recolrvresa conscience (voir 1'encadr6 ci-dessous), il far-rt que les neurones
atteints se r6g6ndrent - on a
longtemps pens6 qu'iis ne 1e pou-
vaient pas - et que leurs prolon-gements, les axones, repoLlssent.
Cependant, le m6canisme n'estpas encore bien compris.
Certes, des donn6es objectives
existent pour 6valuer la profon-deur du coma. En soumettantunpatient ir une s6rie de stimulus,on peut mesurer ses r6actions etsituer son 6tat de conscience surl'6chel1e de Glasgow, qui va de
15 i 3: 15 correspond i 1'6tat
&u'est-ce que la eonscience?La conscience est un concept qui semble evident... juseu'i ce qu'on tente de la Cefinir" Et
qui chanEe selon que l'on s'adresse a un philosophe, un inEtinieur en intelligence a{if icielle,
un biologiste, un anesth6siste ou un neuroiogue...
< La conscience, c'esl ce que vous perdez tous les soirs quand vous allez dornrir, expli-que le D-Steven Laureys, directeur du Coma Science Oroup de Liege, Pour nous, neuro-
logues, la conscience a deux composantes' I'eveil, ensuite la conscience de soi et de
l'environnement. La definition clinique de l'eveil est simple: c'est l'ouverture des yeux. La
conscience de soi peut 6tre plus difficile a 6valuer par l'examen clinique. Quant d laeonscience de l'environnement, c'est la reponse i une commande. 5i vous 6tes incapable
cle communiquer, je vais vous demander de me serrer la maln.pour savoir si vous Otes
conscient. Si vous le faites, c'est pour moi une preuve. Le probldme, c'est si vous ne le
faites pas... >:lj
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d'une personne consciente et 3
i la mort cer6brale - i'6quivalentd'un constat de deces. Plus lecoma est 16ger, plus les chancesde s'en sortir avec peu ou pas des6quelles sont bonnes, surtoutchez un patientjeune.
< Les jeunes nous 6tonnenttoujours >, reconnait la D'" JudithMarcoux, neurochirurgienne i1'H6pital g6n6ral de Montr6a1.Elle cite, A. titre d'exemple, le cas
d'un erudiant de 24 ens qui atten-dait le m6tro en 6coutant soniPod i plein volume. Comme iln'entendait rien. il s'est penchepour voir si la rame arrivait...Celle-ci arrivait si bien qu'elle i'aheurt6 de plein fouet i la tdte.
Un an aprds l'accident, i la sur-prise g6n6rale, ie jeune hommes'appr6tait i reprendre ses 6tudes,
malgre ses probldmes de m6moire* 1a s6quel1e la plus fr6quentedu coma.
Mais pourquoi certaines per-sonnes 16cupdrent-elles aprdsun coma et d'autres pas ? < Nousne ie savons pas >, avoue leD' Steven Laureys, neurologueau Centre hospitalier universi-taire de Lidge, en Beigique, l'undes hauts lieux de la recherchesur les divers 6tats de conscience.<Le cerveau est l'objet le pluscomplexe connu de l'homme. Ce
sont des centaines de miliiardsde neurones et des millions de
millions de connexions baignantdans une soupe neurochimiqueconstitu6e de diff6rents neuro-transmetteurs. Rien d'6tonnanti ce qu'il n'ait pas encore livr6tous ses secrets. >
Dans le langage populaire, ondit qu'une personne a pass6 plu-sieurs arn6es dans le coma. maisle coma proprement dit est unephase transitoire dont la dur6eexcdde rarement un mois. Au-delA.
de cette limite, il peut s'6coulerplusieurs mois avant que I'onconnaisse l'6tendue des sequelles.
Quand les choses tournent mal,le coma peut d6boucher soit surun 6tat de conscience minimale,soitsurun6tatv6g6tatifper- t
I,ACTUAI.ITE JANVIER 2aQ } 57
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SANTE COV1A : VENT D'ESPOIRl
lnanenq soit (plus rarement) sur1e syndrome de verror-rillage.
Les patients dot6s d'une cons-
cience minimale ressentent, parinrermittence, des emotions aussi
bien que la douleur. Ils sont aussi
les plus susceptibles de faire des
progrds. Ainsi, TerryWa1lis, gara-
giste de lArkansas victime d'unaccident de voiture, a recouvr6l'usage de la parole et une bonnepartie de sa conscience aprds unsilence de 19 ans. Certaines zones
de sa memoire, toutefois, sontrest6es figees en I9B4: il croitque Ronaid Reagan est encorep16sident des Etats-Unis...
Quand 1e tronc cer6bral r6cu-pdre, mais pas le cerveau, lespatients sombren r dans ce qu'on
appelle 1'6tat v6g6tatif perma-nent. C'est ce qui est arriv6, par
exemple, i I'ancien premierministre isra6iien Ariel Sharon,hospitalis6 depuis 2006. Ces
patients ont des cycles de som-meil et d'6veil, et conserventleurs fonctions autonomes: res-
piration, circulation cardiovas-cuiaire, maintien de latemp6ra-ture corporelle. Ils sont capables
de bouger et rneme de sourire
- ce qui peut donner f illusionqu'ils sont encore conscients.C'6tait le cas de Terri Schiavo,
uhe Am6ricaine qui a surv6cu14 ans dans un 6tat v6g6tatifaprds un AVC et qui a fait 1'objet
d'une saga judiciaire trds media-tis6e. Les m6decins consideraientson 6tat comme irr6versible et
son mari souhaitait que son tube
d'alimenration soit debranche.Mais ses parents 6taient per-suad6s du contraire et se sontadress6s aux tribunaux pourmaintenir leur fille en vie. Mal-gre i'intervention du presidentGeorge W. Bush lui-m6me, la
Cour suprdme a refusti de leuraccorder une injonction, et TerriSchiavo est finalement d6c6d6e
en 2005.
58 T JANVIFR 2OI2 L'ACTUALITE
Les patients dans un 6tat v6ge-
tatif sont des victimes toutesdesignees pour l'acharnementth6rapeutique. < On prolonge des
deuils pendant des ann6es >>,
deplore le D'Georges LiEspe-rance, neurochirurgien et pr6si-dent de la Societ6 des experts en6valuation m6dico-l6gale du
Quebec. .. Si on avait un peu
d'humanit6, on laisserait ArielSharon partir... >
Quand le cerveau est intact,mais que le tronc cer6bral esties6, les patients recouvrent leurpleine conscience et leurs sen-
sations. Ils ne peuvent toutefois1e faire savoir i leur entourage,parce qu'ils sont totalementparalyses - i l'exception d'unepaupidre ou des deux. Cet etatneurologique rare, appel6 syn-drome de verrouillage ou d'enfer-mement, est mieux connu sous
son nom anglais de locked-insyndrome. on en a beaucoupentendu parler en 1996, lorsquele journaliste frangais .Jean-Dominique Bauby, alors r6dac-teur en chef du magazine EIle,
en a 6t6 atteint i la suite d'unAVC. Malgr6 le fait qu'i1 ne pou-
vait communiquer qu'en clignaltsa paupidre gauche, il a r6ussi idicter, lettre par lettre, le r6citde son 6preuve, intitul6 Le sca-
phandre et le papillon, qui futensuite adapte au cin6ma.
<Les progrds de la m6decine
sont une arme i double tran-chant>, commente la D'" Jehane
Dagher, physiatre responsabledes traumatis6s crAniens i l'Ins-titut de r6adaptation Gingras-Lindsay-de-Montr6a1. < Lespatients sont aujourd'hui pris en
charge pius rapidernent et ies
traitements sont plus efficaces,de sorte que certaines personnes
peuvent survivre des ann6esdans un 6tat veg6tatif ou de
conscience minimale. >
Ces ann6es risquent de sem-
bler une 6ternit6 si le patient a
reEu un diagnostic inexac! comme
cela arrive parfois. Certains signes
de conscience, en effet peuvent
echapper aux tests de Glasgowet fausser le pronostic. Ces er:reurs
sont d'autant plus lourdes de
cons6quences qu'elles touchentsolrvent des jeunes qui, commeTerry Wallis, passent d'un 6tatveg6tatila un etat de conscience
minimale de fagon presqueinapergue. < Il est trds difficiled'enlever l'6tiquette d'6tat v6g6-
tatif une fois que le diagnostic a
ete 6tabli, d6plore le D'Laureys.Trop souvent, les patients se
retrouvent dans des centres de
soins prolong6s, oir il n'y a pas
I'expertise pour determiner s'ils
sont bien inconscients. >
La r6cup6ration spectaculairede TerryWallis, qui a reve16 que
1es axones des cellules nerveuses
avaient la capacite de repousser
et de creer de nouveaux circuits,a forc6 la m6decine i remettreen question la fagon dont elletraitait les zones grises de Iaconscience. En 2004, le Neuro-science Institute du New Jerseya conEu une toute nouvelle6cheile d'6valuation des niveaux
de conscience : la Corna Recovery
Scale-Revised (CRS-R). Lequipedu D'Laureys, le Coma Science
Group, en a mis au point une ver-sion francaise en 2008. L6chelle
Apris un ACV,
Ieni Schiavo
a pass6 14 ans
dans un 6tat
vOg€tatif iugG
ir€venible.Un longploc0s
a oppos€ son
mali, qui
souhaitaitqu'on la laisse
allel, et ses
palents,
qui s'y
lelusaient.
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CRS-R se compose de 29 testsciblant tous les sens, qui sontadministr6s plusieurs fois parplusieurs personnes diff6rentes.Pour 6valuer la poursuite visuelle(un des premiers sigres de cons-cience), on fait appel i un miroir,puisque l'attention du patientrisque d'6tre attir6e davantagepar sa propre image que par unobjet. Le D'Laureys estime quela CRS-R est plus sensible quel'echelle de Glasgow et autresoutils du genre. Quand le ComaScience Group I'a utilisee pourr66valuer lO3 patients belgesmanifestant peu ou pas de signesde conscience, on a constat6 que4l%o des cas consid6r6s commeveg6tatifs 6taient en fait dot6sd'une conscience minimale !
L 6chelle CRS-R est mainte-nant utilis6e dans tous les h6pi-taux de Belgique et elle com-mence i s'implanter en France.Au Canada, elle est employ6eseulement au Centre hospitalierde l'Universit6 de Western Onta-rio, i London, qui a recrut6 un6minent colldgue et collabora-teur de Steven Laureys, 1e
D'Adrian Owen. Ces deux m6de-cins forment, avec le neurologuenew-yorkais Nicholas Schiff, quia trait6 Terry Wallis, le premiertrio i s'ittaquer aux 6tats n6bu-leux de la conscience. Les troisneuiologues aimeraient voir seg6n6raliser I'usage de la CRS-R,ce qui faciliterait 1'6laborationde directives cliniques permet-tant d un m6decin traitant dedeterminer le test qui convientle mieux ir un patient.
C'est avec son colldgue AdrianOwen que Steven Laureys amene, en 2006, la fameuse expe-rience de la jeune fille <qui jouaitau tennis dans sa tete >. Lesm6decins ont utilise la romogra-phie par 6mission de positons etla r6sonance magn6tique fonc-tionnelle (forme d'IRM qui enre-
gistre ies variations des pro-priet6s du flux sanguin) sur unepatiente de 23 ans consid6r6ecomme inconsciente. Ils ont eula surprise de constater que soncerveau r6pondait de la m6mefagon que celui d'un sujet sain:deux zones diff6rentes s'acti-vaient selon qu'ils lui deman-daient de s'imaginer en train debouger ou d'imaginer un lieu. Ilsont alors soupgonne qu'elle 6taitpeut-dtre consciente. Pour leverifier, ils lui ont pos6 une s6riede questions avec cette consigne:<Si vous voulez r6pondre oui,imaginez-vous en train de jouerau tennis. Si vous voulez r6pon-dre non, imaginez,vous dansvotre maison. > Ils venaient detrouver le seul moyen de com-muniquer avec les patients inca-pables d'exprimer autrementqu'ils peuvent penser, m6me parintermittence.
Ce genre d'exp6rience n'estpossibie que dans un centre derecherche sp6cialis6. En revan-che, un examen clinique commela CRS-R est peu coirteux etne requiert pas d'instrument.
Et un autre test fort r6v6lateur,peut 6tre r6alis6 i I'aide d,unenc6phalogramme, petit, bonmarch6 et transportable: on litau patient une liste de pr6nomsapres lui avoir demande decompter le nombre de fois oille sien apparait. S'il pr6te atten-tion, l'activit6 de son cerveauprouveraqulil acompris ce qubnlui a demand6. Au CHU deLidge, on planche 6galement surun projet d'interface cerveau-ordinateur baptis6 Decoder,qui, avec un peu de chance, per-mettra aux patients poss6dantune conscience minimale decommunlquer.
Combien de cas au Qu6bec?Les patients dans un etat vegetatif, de conscience minimaleou atteints du syndrome de verrouillage ne sont pas reper-torids au Quebec et au Canada. Peut-etre parce qu'ils sontpeu nombreux. A l'Hopital general de Montr6al, qui regoitle plus grand nombre de patients polytraumatisds au eue-bec, on d6nombre annuellement de trois d cinq nouveauxcas de patients v6gdtatifs ou avec une conscience minimale.Ces patients co0tent 1 500 dollars par jour aux soins inten-sifs, I 000 dollars par jour d l'etage, puis, une fois transferesdans des centres de soins de longue duree, environ I 000 dol-lars par mois.
Pour ce qui est des patients atteints du syndrome de verrouillage, on saura dans cinqans combien il y en a au Quebec. < Nous sommes au courant de 26 cas: ce sont tous ceuxqu'on nous a envoyds, puisque l'lnstitut de readaptation Gingras-Lindsay est le seul A offrirla readaptation du Lls llocked-in syndromeJ, dit la D,e Nicole Beaudoin, physiatre a l,lns-titut. Mais nous savons qu'il doit y en avoir d'autres. >
Dans le cadre d'un projet de recherche qu'elle pilote avec l'orthophoniste Louise DeSerres, tous les etablissements de sante du Qudbec seront bientdt contacl6s et renseign6ssur la maladie. Ce projet mettra egalement le Quebec d I'avant-garde des connaissancessur le LlS.
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!s.99!T.'.q,.9..91i1. Il!s.nps.ttti.q.g9_"........:........De plus en plus, le coma est utilis6 commeoutil therapeutique: on l'induit artificiellementen administrant des barbituriques, pourmettre le m6tabolisme ou le cerveau aurepos et favorisei ainsi la r6cup6ration. C,estce qu'on a fait pOur Gabrielle Giffords; Iapoliticienne americaine victime d'une tentatived'assassinat le 8 janvier dernier. Bien qu,uneballe lui ait traverse le cr6ne, elle n'a pas perduconscience. Le moment de son reveil; quatrejours plus tard, a 6t6 d6cidd par ses m6decins.
L,AcruALtrE JANVTER 2012 ) 59
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