La coloproctologie médicochirurgicale: une histoire française … « pour savoir où l’on va, il...

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HISTOIRE DE LA MÉDECINE / HISTORY OF MEDICINE

La coloproctologie médicochirurgicale : une histoire française …

« pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient »

Jean Duhamel (1919-1998)

V. de Parades

© Springer-Verlag France 2012

Jean Duhamel est né le 3 septembre 1919 à Paris. Il estle deuxième fils de Georges Duhamel (1884-1966), célèbreécrivain, romancier, poète et académicien, qui étaitégalement médecin de formation, et de Blanche Albane(1886-1975), comédienne connue de son temps. Son frèreaîné, Bernard (1917-1996), sera chirurgien et mettra au pointson opération éponyme de la maladie de Hirschsprung. Sonfrère cadet, Antoine (1925) sera musicien, considéré commel’un des meilleurs compositeurs de sa génération pour leseptième art, et administrateur de la SACEM à deux reprises.

Jean fait ses études de médecine à Paris, est nommé àl’Internat en 1946 et soutient sa thèse en 1950. Il passenotamment dans les services de Robert Debré (1882-1978),de René-Albert Gutmann (1885-1981) (Fig. 1), de JeanRachet (1894-1951) et d’André Lambling (1899-1986). Il estensuite chef de clinique de 1950 à 1952 chez Louis-PasteurVallery-Radot (1886-1970), puis chez Louis Justin-Besançon (1901-1989). Il est enfin nommé médecin desHôpitaux de Paris en 1961 et Professeur au Collège deMédecine en 1966.

Il s’intéresse à la proctologie médicale et chirurgicalemême s’il ne semble pas être aller se former à Londres.Il prend ainsi la chefferie de la policlinique de l’HôpitalSaint-Antoine à l’automne 1968 et y crée en 1972 un « Cen-tre de proctologie (hémorroïdes – fistules) ». Ses collabora-teurs y seront nombreux : Yves Romand-Heuyer, JacquesLunel, Ngo Quang Binh, Maurice Cohen, Claude Becart,Huguette Miansarow, Victor Wajnberg, Roland Copé, JeanBrulé, Dominique Hueber, etc… et bon nombre s’y forme-

ront à la chirurgie proctologique. Victor Wajnberg garde lesouvenir de locaux bien agencés rendant possible « lepartage immédiat de réflexions, l’apprentissage, la circula-tion des informations, des conseils en cas de doutes ».Comme l’a souligné Dominique Hueber (dont le père étaitun cousin germain des trois frères Duhamel), ce service est leseul « Centre de proctologie » que l’Assistance Publiquen’ait jamais eu. Cependant, les interventions, initialementréalisées à l’Hôpital Saint-Antoine, auront ensuite lieu àl’Hôpital Rothschild à la suite de « tensions » diverses,notamment avec l’administration. Puis, Jean-Claude Imbertsuccèdera à Jean Duhamel mais il n’était pas gastroentéro-logue de formation. De fait, contrairement aux centres deLéopold Bellan et des Diaconesses, il ne reste rien aujour-d’hui de ce service parisien de proctologie médico-chirurgicale.

Fig. 1 Jean Duhamel

V. de Parades (*)Service de Proctologie Médico-Interventionnelle,Centre hospitalier Diaconesses - Croix Saint-Simon,18, rue du Sergent Bauchat, 75012 Parise-mail : proctologie@hopital-dcss.org

Service de Gastroentérologie,hôpital Européen Georges Pompidou,20, rue Leblanc, 75015 Paris

Colon Rectum (2012) 6:131-132DOI 10.1007/s11725-012-0366-1

Par ailleurs, Jean Duhamel fonde une consultation deproctologie infantile sur la proposition de Robert Debré quile présentera comme un « spécialiste de très grandeclasse, qui développait ses propres connaissances en nousinstruisant tous et rendait à nos petits malades des servicesincomparables ». Outre l’Hôpital Necker Enfants-Malades,Jean Duhamel consulte également à l’Hôpital Bretonneau.Pour Alfred Saint-Pierre, il est incontestablement le « pèrede la proctologie infantile » Il a en effet ouvert un chapitremal connu de la proctologie. Du reste, il publiera un remar-quable ouvrage intitulé « Infections non congénitales del’anus et du rectum chez l’enfant » chez Masson en 1958.Il publiera également « Proctologie aux divers âges » chezFlammarion en 1972, livre dans l’introduction duquel il diraque « les connaissances acquises chez l’enfant permettaientbien souvent de comprendre mieux ce qui se passait chezl’adulte ».

Enfin, il participe avec Jean Arnous (1908-1981) aux col-loques proctologiques de la rue du Rocher et sera nomméPrésident de la Société Nationale Française de Proctologieen 1981.

Alfred Saint-Pierre garde le souvenir d’un hommecultivé, « d’une universelle érudition », « merveilleux, pleinde finesses et de sensibilité, artiste jusqu’au bout des doigts »,aimant le théâtre, la peinture et la musique (Fig. 2). Sonépouse m’a dit qu’il avait peint de nombreuses toiles, qu’ilfaisait quotidiennement du piano ou du clavecin, et qu’ilrépétait souvent sur l’orgue de l’église des Blancs-Manteaux dans le quartier du Marais à Paris. Victor Wajn-berg se souvient très bien des réceptions qu’il organisait dansson appartement où la musique était omniprésente. En outre,Alfred Saint-Pierre m’a dit de lui qu’il était un « personnageà part de la proctologie française, à part mais pas pour autantmarginal », qu’on le disait « brouillon et dispersé » alors que,

d’après lui, il était en fait « bourré de culture, curieux de tout,s’intéressant à tout, à l’esprit toujours en éveil »… Du reste,Madame Duhamel m’a expliqué que son mari « n’était pasbrouillon mais très organisé au contraire. Tout était bienrépertorié, à sa place » et elle lui enviait cette qualité. Enbref, je pense que ce personnage original, probablement unpeu « surdoué », a suscité quelques jalousies…

Il prend sa retraite de l’Hôpital Saint-Antoine en juillet1984 mais gardera une activité libérale jusqu’en 1988, dateà laquelle Dominique Hueber reprendra sa clientèle.

Il est décédé le 25 août 1998, à Valmondois (Val d’Oise),des suites d’une pneumopathie.

Fig. 2 Jean Duhamel avec René-Albert Gutmann

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