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La gastronomie moléculaire : une science pluridisciplinaire
Christophe LAVELLE Institut des Hautes Etudes Scientifiques
35 route de Chartres 91440 Bures-sur-Yvettes FRANCE
lavelle@ihes.fr
2
Sommaire Avant propos 4 Introduction 5 1ère partie : connaissances scientifiques de base 8
I. Un peu de physique 9
I.1. Interactions et états de la matière 10 I.1.1 Les interactions en jeux 10 I.1.2 Les états stables 11 I.1.3 Les états métastables 12
I.2. Transformation de la matière et cuisson 16 I.2.1 Formation d'états métastables 16 I.2.2 Cuisson 17
II. Un peu de (bio)chimie 20
II.1. Les réactifs en cuisine 20
II.1.1. Composés organiques de base 20 II.1.2. Les constituants élémentaires des aliments 23 II.1.3. Les additifs 32
II.2. Les réactions en cuisine 36
II.2.1. Quelques réactions élémentaires 36 II.2.2. Deux réactions complexes essentielles en cuisine 37
III. Un peu de biologie 46
III.1. Lait et produits dérivés 46 III.2. Oeuf 54 III.3. Farine 57 III.4. Viande et poisson 62
III.5. Végétaux 64
IV. Un peu de physiologie 66
IV.1. Le goût 66
IV.2. Digestion et nutrition 71
2ème partie : analyse des procédés culinaires 78
I. Cuisson des viandes 79 II. Pâtes et biscuits 81 III. Meringues et soufflés 83
IV. Chantilly et dérivés 84 V. Mayonnaises et Cie 86 VI. Gelées et confitures 87 VII. Glaces et sorbets 88
3
Conclusion 89 Bibliographie 90 Annexes 95
A.1. Présentation de la gastronomie moléculaire (Hervé This) 96 A.2. La gastronomie moléculaire et ses objectifs (Hervé This) 102
A.3. La gastronomie moléculaire et physique (Hervé This) 116
A.4. Dossier sur la gastronomie moléculaire (Hervé This) 127
A.5. Article sur la gastronomie moléculaire et Hervé This (Vincent Olivier) 134 A.6. Une théorie du goût (Hervé This) 138 A.7. Menu "Science et Cuisine" (Hervé This) 157
A.8. La science et le plaisir de manger (Nicholas Kurti) 165 A.9. Molecular gastronomy: a scientific look to cooking (Hervé This) 174 A.10. Molecular Gastronomy (Harold McGee) 193 A.11. Molecular Gastronomy (Peter Barham) 194 A.12. Philosophy of cooking (Heston Blumenthal) 209 A.13. Constructivisme culinaire (textes d’Hervé This) 213 A.14. Constructivisme culinaire (recettes de Pierre Gagnaire) 243 A.15. Les frères Adria 263 A.16. Un aperçu des discussions qui ont lieu sur MolecularGastronomy.com 275 A.17. Liste des cours disponibles sur le forum eGullet 278 A.18. Les séminaires de Gastronomie Moléculaire "du jeudi" 321 A.19. Les chroniques d’Hervé This 327
A.20. Additifs alimentaires 336 A.21. Complément de bibliographie 344
A.22. Biographies 351 A.23. Glossaire anglais/français - français/anglais 355
Index 376 Bonus 377 - 3 dossiers thématiques (le sens du goût, la digestion, la nutrition)
- un article d'Hubert Richard et al sur les "Flaveurs et procédés de cuisson"
- un article de Gil Morrot et Frédéric Brochet sur "Cognition et vin" (paru dans la Revue des œnologues, 2004)
- un article d'Harold McGee "Taking stock of new flavours" (paru dans Nature, 1999)
- un article d'Hervé This "Molecular Gastronomy" (paru dans Nature Materials, 2005)
4
Avant-propos
Le but de ce document est de donner un aperçu de ce qu’est la gastronomie moléculaire
(objectifs, enjeux, méthodes) et de l’étendue du socle de connaissances sur lequel elle se base.
Il répond (en tous les cas, j'espère!) à une demande qu'il m'a souvent été faite de fournir un
support pour "s'initier à la gastronomie moléculaire".
Ce cours comprend donc une petite partie « personnelle », issue d’un enseignement
donné depuis plusieurs années dans différentes filières universitaires, ainsi qu’une grosse
partie « annexes » dans laquelle je propose un certain nombres de documents1 choisis soit
simplement pour leur contenu informatif, soit parce qu’ils représentent à mes yeux les
exemples les plus instructifs de travaux menés actuellement en gastronomie moléculaire.
Ce polycopié est en perpétuelle élaboration (beaucoup de chapitres manquent encore ou
son fortement incomplets) ; s'il a été initialement rédigé pour les enseignements de
gastronomie moléculaire que je donne à l’Université Paris VI (licence de Sciences du Vivant)
et l’Université d’Aix-Marseille III (licence professionnelle de Génie Culinaire), j’espère qu’il
sera également utile à un plus large public (étudiants, enseignants) ; ce document étant dans
tous les cas à la fois en libre accès et en perpétuelle élaboration2, n'hésitez pas d’une part à
vous en servir et d’autre part à me faire part de vos remarques, suggestions et/ou corrections
qui pourraient améliorer ce support3.
Je remercie Anne Woisard et toute l’équipe de gastronomie moléculaire de Paris VI
pour les nombreuses discussions autour d'un TP ou autour d'une bouteille, ainsi qu’Odile
Renaudin pour m'avoir offert l'hébergement sur son site. Enfin, ce travail doit beaucoup à
Hervé This4 avec qui j'ai eu mainte fois l'occasion et le plaisir d'avoir des discussions aussi
passionnantes qu'enrichissantes. Qu'il en soit ici largement remercié.
1 En général accessibles librement sur internet ; j’ai cependant souvent effectué une « remise en forme » pour des soucis de lisibilité. Ces documents étant en libre accès, j’ai estimé qu’ils étaient libres de droit pour être reproduit sur ce cours à but pédagogique et non lucratif. J’ai bien entendu essayé de citer systématiquement les sources. Cependant, n’hésitez pas à me contacter si vous reconnaissez quelque chose qui « vous appartient » et qui serait utilisé de manière non conforme à votre volonté : je m’empresserai de corriger le document incriminé ou de l’éliminer simplement de ce cours. 2 Il sera régulièrement corrigé, augmenté et actualisé. Vérifiez donc régulièrement si une nouvelle version est téléchargeable. De même, une version entièrement anglophone devrait voir le jour … un jour. 3 Mon adresse e-mail, qui se trouve en première page, est, entre autre, là pour ça ! 4 Ses recherches sont abondamment représentées dans ce cours. Consulter notamment les annexes A.1, A.2, A.3, A.4 et A.9 pour sa présentation de la Gastronomie Moléculaire, et surtout l'annexe A.13 pour découvrir le travail de constructivisme culinaire qu'il mène depuis plusieurs années avec Pierre Gagnaire.
5
Introduction
Qu'est-ce que la gastronomie?
"Art and science of choosing, preparing and eating food" (Oxford Learned Dictionary)
"Art de la bonne chère (cuisine, vins, ordonnance des repas, etc)" (Petit Robert)
"La gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l'homme, en tant qu'il se
nourrit. Son but est de veiller à la conservation des hommes, au moyen de la meilleure nourriture
possible. Elle y parvient en dirigeant, par des principes certains, tous ceux qui recherchent, fournissent
ou préparent les choses qui peuvent se convertir en aliments. Ainsi, c'est elle, à vrai dire, qui fait
mouvoir les cultivateurs, les vignerons, les pêcheurs, les chasseurs et la nombreuse famille des
cuisiniers, quel que soit le titre ou la qualification sous laquelle ils déguisent leur emploi à la
préparation des aliments." (Brillat-Savarin)
Qu'est-ce alors que la gastronomie moléculaire?
La gastronomie moléculaire est la science des transformations culinaires. La dénomination de cette
discipline scientifique récente a été proposée par la physicien d’origine hongroise Nicholas Kurti
(1908-1988)5 en 1969 lors d’une présentation devant la Royal Institution et son contenu défini et
popularisé par le physico-chimiste français Hervé This6 dans sa thèse en 1988.
5 Nicholas Kurti fit l’essentiel de sa carrière au Laboratoire Clarendon d’Oxford. Il se consacra à la physique des basses températures, découvrant notamment la désaimantation adiabatique nucléaire. Honoré par de nombreux prix scientifiques, il fut membre de très nombreuses commissions et de plusieurs académies des sciences. 6 Tout a commencé le 16 mars 1980 avec la réalisation d'un soufflé au roquefort en incorporant les 4 jaunes d'œufs à la fois: le résultat moyen obtenu incita le cuisinier à recommencer l'opération en suivant cette fois-ci les consignes de la fiche-recette du magazine Elle: incorporer les jaunes un à un. Le résultat, meilleur, incite Hervé à ouvrir son premier cahier de gastronomie moléculaire le 24 mars 1980. En 1988, il lance officiellement la discipline avec son confrère anglais Nicholas Kurti lors du First International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy (Erice, Italie). Depuis, la discipline s’est largement développée: un Atelier International de Gastronomie Moléculaire réunit des chefs et des scientifiques à Erice (Italie) tous les deux ans, une Journée française de Gastronomie Moléculaire a lieu tous les ans, de nombreuses revues publient des rubriques de Gastronomie Moléculaire (Pour la Science, Thuriès Magazine, La Cuisine Collective), des émissions de télévision sont régulièrement produites, etc. Voir l'annexe A.9 pour l'historique de la genèse de cette discipline.
Les Pères Fondateurs
6
Une des premières motivations de la gastronomie moléculaire est de disséquer les protocoles
culinaires les plus étonnants et s'interroger sur leur pertinence à l'aide des outils de la physico-chimie
afin que les recettes deviennent plus sûres, meilleures et plus belles (avec la possibilité de se lancer
ensuite dans les créations les plus imprévues7), bref, de comprendre la cuisine pour mieux la
maîtriser.
Il s'agit à la fois comprendre les "définitions" données par les recettes (dans une recette de
compote de poires, la "définition", c’est de mettre des poires avec du sucre et de l’eau et de chauffer),
et d’explorer les "précisions" qui accompagnent les définitions (par exemple, on dit qu’il faut ajouter
du jus de citron aux poires pour les empêcher de noircir). La maîtrise de cette science conduit tout
naturellement à la cuisine raisonnée et à la cuisine moléculaire8.
Les objectifs de la gastronomie moléculaire sont plus généralement les suivants :
1) tester les tours de mains et dictons culinaires classiques : on débouchera ainsi sur
une cuisine éclairée, épurée de ses dictons et méthodes empiriques
2) comprendre les procédés culinaires, les aliments et leurs transformations : on
aura ainsi la possibilité de les perfectionner en connaissance de cause
3) introduire des ingrédients, méthodes, outils nouveaux en cuisine en utilisant la
connaissance des opérations physiques et chimiques
4) inventer des plats nouveaux fondés sur la connaissance des aliments et la
compréhension des transformations culinaires
5) utiliser la cuisine pour montrer au public que la science est belle9.
Toutes ces explorations font appel à la physique et à la chimie, mais aussi, parfois, à la biologie, la
sociologie, l’histoire. La gastronomie moléculaire est donc une science résolument
pluridisciplinaire10.
7 On notera que la gastronomie moléculaire se focalise plus sur les procédés (transformations opérées sur les aliments en cuisine) que sur les aliments eux-mêmes (ce qui la distingue de la "science des aliments" qui existe depuis longtemps), même si une connaissance approfondie de ces derniers est évidemment requise pour aborder l’étude de leur transformation. 8 Il est important ici d’éviter toute confusion : cuisine raisonnée et cuisine moléculaire sont des applications de la gastronomie moléculaire qui, elle, n’est pas de la cuisine puisque c’est une science. Voir à ce sujet les textes d'Hervé This en annexe. 9 Consulter notamment l'annexe A.2 à ce sujet. 10 Citons encore Brillat Savarin: "La gastronomie tient : à l’histoire naturelle, par la classification qu’elle fait des substances alimentaires ; à la physique, par l’examen de leurs compositions et de leurs qualités ; à la chimie, par les diverses analyses et décompositions qu’elle leur fait subir ; à la cuisine, par l’art d’apprêter les mets et de les rendre agréables au goût ; au commerce, par la recherche des moyens d’acheter au meilleur marché possible ce qu’elle consomme, et de débiter le plus avantageusement ce qu’elle présente à vendre ; Enfin, à l’économie politique, par les ressources qu’elle présente à l’impôt, et par les moyens d’échange qu’elle établit entre les nations."
7
Une évolution "naturelle" de la gastronomie d’après-guerre
Auguste Escoffier disait déjà en 1907 dans son Guide Culinaire que "la cuisine, sans cesser d'être un
art, deviendra scientifique et devra soumettre ses formules, empiriques trop souvent encore, à une
méthode et à une précision qui ne laisseront rien au hasard". On est ainsi passé de la cuisine
"classique" (issue de la tradition Escoffier, entretenue par Gringoire et Saulnier) à la cuisine
"nouvelle" (Guérard, Robuchon, défendue par Gault et Millau) puis à la cuisine de terroir "revisitée"
(Bras, Roellinger, Loiseau) parfois mâtinée de cuisine "moléculaire" (Gagnaire, Conticini, Marx)11.
Des questions innombrables, du général au particulier
On se demandera par exemple quelles sont les molécules qui composent les aliments et comment elles
s'organisent pour donner les sensations d'onctueux et de craquant, pour lier une sauce ou amalgamer
une purée. On s'intéressera ainsi à la texture des sauces, émulsions, suspensions, mousses, et on
cherchera l'influence de ces textures sur les différents paramètres du goût.
De manière plus ciblée, on cherchera à comprendre pourquoi un abricot mûr et sucré, excellent
cru, devient acide à la cuisson? Pourquoi un gnocchi remonte à la surface lorsqu'il est cuit? Pourquoi
une pellicule se forme sur une sauce lorsqu'elle reste au contact de l'air? Comment arriver à garder une
salade fraîche durant tout un service sans qu'elle flétrisse? Etc. 11 Allez, ne soyons pas trop chauvin, et citons donc deux chefs étrangers triple-étoilés et têtes de file du mouvement de cuisine "moléculaire": Heston Blumenthal (à l'ouest de Londres ; cf annexe A.12) et Ferran Adria (au nord de Barcelone ; cf annexe A.15).
Quelques exemples correspondant aux différents objectifs de la gastronomie moléculaire (d'après B. Simon)
8
Evitons les polémiques12
Certains professionnels de la cuisine (chefs, professeurs de lycée hôtelier, etc.) vilipendent la
gastronomie moléculaire trouvant sans doute insupportable que des scientifiques (et plus
particulièrement des chimistes) s'érigent en donneurs de leçons dans un domaine qui leur est a priori
étranger. Cette polémique n'a à mon avis aucun sens car
1) il ne s'agit pas de donner des leçons (les scientifiques seraient bien en mal de se donner ce
rôle lorsque eux-mêmes appliquent à longueur de journée des protocoles absconds13). Les
démarches et motivations scientifiques (du chercheur) et techniques/artistiques (du cuisinier)
sont séparées. Tant mieux si le premier peut occasionnellement aider, par sa connaissance, le
second dans son art14.
2) comprendre ce que l'on fait ne peut, jusqu'à preuve du contraire, que conduire à mieux faire!
Que certains estiment que l'on n'a pas attendu les scientifiques pour faire de la "(très) bonne"
cuisine, c'est évident : les objectifs 1 et 2 de la gastronomie moléculaire ne prétendent d'ailleurs pas
forcément faire "meilleur" mais plutôt faire plus simple, plus efficace, plus reproductible, bref, mieux
maîtrisé.
Que certains préfèrent les plats "de terroir" (c’est quoi ?) "à l'ancienne" (c’était quand ?) plutôt que
les constructions intellectuelles de la cuisine moléculaire, c'est leur droit : l'utilisation des résultats de
la gastronomie moléculaire issus des objectifs 3 et 4 n'est une obligation pour personne15.
Enfin, dans un registre certes différent, on ne pourra pas nier l'utilité pédagogique de l'objectif 5 :
il n'y a qu'à voir l'audience que font venir les conférences de gastronomie moléculaire et le nombre de
lycées techniques et filières universitaires qui ouvrent des enseignements de gastronomie
moléculaire16.
12 "Do not participate in controversies" est un des conseils chers à Michael Faraday (cf annexe A.9). 13 On pourrait notamment à ce sujet créer la "Biologie moléculaire Moléculaire" (!) dont le principal objectif serait d'obtenir une expérimentation "éclairée" dans laquelle le chercheur comprendrait et maîtriserait les moindre étapes de son travail, ce qui permettrait au passage d'épurer les protocoles empiriques utilisés quotidiennement par des générations de biologistes et dont les opérations minutieusement enchaînées sont parfois loin d'avoir toute leur utilité! Trop de scientifiques et de cuisiniers partagent donc malheureusement ce défaut: ils préfèrent souvent utiliser tel quel un protocole qui "marche" plutôt que de "perdre du temps" à le rendre plus efficace. N'est-ce pas le syndrome du bûcheron qui n'a pas le temps d'aiguiser sa scie car il a trop de bois à couper?... 14 Démarche finalement subtilement égoïste, puisque c'est bien le premier qui profitera, lors d'une visite chez le second, du surplus de bonheur offert par cette progression… 15 On n'insistera jamais assez à ce sujet sur le fait qu'il faut bien faire la différence entre l'approche scientifique (la gastronomie moléculaire, qui justement en sa qualité de science relève d'une démarche indiscutable) qui va produire ces résultats et leur éventuel utilisation en cuisine (que l'on appelle alors parfois la cuisine moléculaire, même si cette appellation n'a sans doute pas beaucoup de sens, puisque tous les cuisiniers manipulent des molécules qu'ils font réagir chimiquement dans le fond de leur casseroles et font donc ainsi de la cuisine moléculaire…) 16 Vous aurez compris que prenant moi-même activement part à ces ouvertures, je ne peux que me réjouir de ce succès…
9
1ère partie : connaissances scientifiques de base La pluridisciplinarité de la gastronomie moléculaire rend essentielle l’acquisition d’une
culture scientifique très large. Les principaux concepts les plus utiles pour la compréhension
des phénomènes culinaires sont donc présentés ici, dans des domaines aussi variés que la
biologie, la physique, la chimie, la biochimie ou la physiologie.
10
I. Un peu de physique
I.1. Interactions et états de la matière
Les différents états de la matière contiennent les mêmes molécules; la différence de comportement est
due à des différences de liaisons intermoléculaires: les forces de liaisons intermoléculaires tendent à
lier les molécules les unes aux autres, alors que l’agitation thermique tend à les séparer.
I.1.1 Les interactions en jeux
Agitation moléculaire - mouvement Brownien
Le mouvement brownien est un mouvement incessant, désordonné, aléatoire qui anime les particules
et que l’on peut observer au microscope. Ce mouvement est en fait la résultante macroscopique de
l’agitation thermique, qui témoigne de l’énergie cinétique des molécules prises individuellement. On
démontre (théorie cinétique des gaz) que cette énergie est proportionnelle à la température absolue:
U = 3/2RT (avec U l’énergie interne d'une mole de gaz parfait et R=8,32 J.mole-1.K-1 la constante des
gaz parfait)17.
Liaisons intermoléculaires
Les forces de forte énergie (400 à 800 kJ.mol-1) assurent les liaisons de type covalentes; les forces de
faible énergie (1 à 40 kJ.mol-1) assurent des interactions momentanées (interactions ioniques, de Van
der Waals, hydrogènes, hydrophobes).
Interaction Ordre de grandeur (kJ.mol-1)
Exemple Importance
Covalente (liaison chimique)
400-800 H-O-H Molécules
Ionique (force de Coulomb)
5-20 Na+ … Cl- Electrolytes, sels
Charge - dipôle permanent
1-5 Na+ … H2O Solubilité et hydratation des ions
Dipôle permanent - dipôle permanent (Force de Keesom)
2-10 Cohésion des liquides
Dipôle permanent - dipôle induit (Force de Debye)
1-5 "
Van der
Waals
Dipôle instantané - dipôle instantané (Force de London)
1-5 "
Liaison hydrogène
8-40 -C=O … H-N- Structure 2D des protéines
Hydrophobe (pseudo force)18
4-30 Entre groupes non polaires
Structure 3D des protéines
17 Ce résultat ne tient compte que de l'énergie de translation est n'est donc valable rigoureusement que pour un gaz monoatomique. Pour des molécules plus complexes (diatomiques, polyatomiques) on ajoutera l’énergie des mouvements de rotation et d’oscillation de part et d’autre de leur position d’équilibre. La quantité RT (ou kT si l'on considère non pas une mole mais une molécule unique) constitue cependant un bon ordre de grandeur des barrières d'énergie que peut franchir spontanément la molécule. 18 On parle de pseudo-force car il ne s'agit pas à proprement parler d'une interaction directe mais plutôt d'un rapprochement "par défaut" dû à l'absence d'interaction avec les autres constituants.
11
L’énergie totale d’une molécule est la somme des énergies de liaison, de translation, de rotation et
de vibration; les deux premières énergies sont de loin les plus importantes, et c’est leur importance
relative qui gouverne le comportement macroscopique de la population de molécules considérée.
I.1.2 Les états stables
Si l’énergie de translation est grande, les liaisons intermoléculaires vues précédemment peuvent
être rompues et les molécules initialement liées se séparent; statistiquement, on peut atteindre une
situation ou toutes les molécules sont indépendantes, c’est l’état gazeux: les molécules libres occupent
par le mouvement brownien tout l’espace qui leur est offert19.
Si l’énergie de liaison intermoléculaire l’emporte sur l’énergie de translation, les molécules restent
liées les unes aux autres et on ne peut que difficilement modifier l’édifice constitué; on a affaire à un
solide, dont l’exemple parfait est le cristal dans lequel les atomes occupent des positions connues et
régulières dans l’espace.
Entre les deux situations se situe l’état liquide, qui offre une résistance partielle à la déformation,
mais est incompressible. Au plan microscopique, les molécules sont liées les unes aux autres mais on
peut cependant les déplacer; il existe un ordre à courte distance, mais le désordre à grande distance20.
Cet état, qui présente donc à la fois cohésion21 et déformabilité, est peut-être le plus difficile à décrire.
On y verra apparaître les notions d'écoulement, de forces de surface, de mélange.
Les changements d’état se réalisent par apport ou retrait d’énergie, dont la forme la plus simple
est la chaleur, expression macroscopique de l’agitation moléculaire22.
19 Le gaz est parfait lorsque les molécules sont faiblement concentrées, considérées comme ponctuelles et sans interactions; il répond alors à la loi des gaz parfaits, PV=nRT. Le gaz réel s’éloigne bien sûr de ces conditions, et on corrige alors cette loi du volume occupé par les molécules et des interactions intermoléculaires (P+ a/V2)(V-b)=nRT (équation de Van der Waals). 20 Il existe certains fluides (appelés fluides complexes), comme les cristaux liquides, qui ont un comportement hybride entre solide et liquide: ils présentent un ordre à longue distance mais leurs molécules restent libres de se déplacer entre elles. Je ne connais cependant pas d'exemple en cuisine. 21 Cette cohésion à l'échelle moléculaire se traduit macroscopiquement par ce que l'on appelle la viscosité du liquide. Cette dernière dépend donc des forces d'interaction qui ont lieu au sein du fluide: plus elles sont importantes, plus la viscosité est élevée. C'est ainsi que l'eau (interaction hydrogène entre chaque molécule) est moins visqueuse que l'huile (très nombreuses interactions de Van der Waals entre les longues chaînes carbonées des molécules). Se reporter à ce sujet au chapitre sur les lipides. 22 L’unité de chaleur est la calorie, énergie nécessaire pour porter un gramme d’eau de 14,5 à 15,5 degrés Celsius (4,18 Joules).
Solide liquide gaz
Les trois états des corps purs et les changements d'états correspondants
12
Il est à noter chaque changement d'état se fait, sous pression atmosphérique, à température
constante (toute la chaleur apportée ou retirée est utilisée pour réaliser le changement d'état)23. Cette
température dépend du corps considéré et de la cohésion entre ses molécules. Ainsi, l'huile, étant
globalement plus cohésive que l'eau, se solidifie ("fige") au dessus de 0°C et ne se vaporise pas à
100°C24.
Seulement trois états de la matière?
Comme nous venons de le voir, un état de la matière correspond à un certain degré de cohérence de la
matière (densité, structure cristalline,...) qui se traduit par des comportements définis par les lois de la
physique (malléabilité, écoulement...). On distingue ainsi couramment les 3 états: gaz, liquide et
solide25. Les comportements de la matière ne sont cependant pas toujours uniformes au sein d'un
même état. Ainsi existe-t-il des états intermédiaires où l'on observe un solide se comporter comme un
fluide (matière pulvérulente ou granuleuse) ou au contraire un liquide avoir certaines propriétés
propres aux solides (émulsions). Ce dernier cas fait appel non pas à un corps pur mais à un mélange de
corps pur. Or, la plupart des ingrédients en cuisine présentent justement ce type de structure. Ce sont
donc les propriétés de ces mélanges qui vont nous intéresser maintenant.
I.1.3 Les états métastables
Les états métastables se rencontrent avec les systèmes dispersés, mélanges de deux substances non
miscibles, l'une (constituant la phase dispersée) étant dispersée dans l'autre (la phase continue). Les
différents cas de figure sont résumés dans le tableau suivant:
phase dispersée phase continue
Gaz (G)
Liquide26 (L)
Solide (S)
Gaz (G)
G/G gaz
L/G aérosol liquide, vapeur
S/G aérosol solide, fumée
Liquide (L)
G/L mousse liquide
(chantilly, blanc en neige, soufflé)
L/L émulsion
(lait, mayonnaise, vinaigrette, …)
S/L sol ou suspension (lait, pâte à crêpes, crème anglaise…)
Solide (S)
G/S mousse solide
(pain, meringue, soufflé)
L/S gel
(confiture, gelée, aspic)
S/S suspension solide
(pâtes sèches, pâte à pain non levée)
23 Ainsi, un mélange eau liquide / eau gazeuse en ébullition se maintiendra à 100°C tant qu'il restera de l'eau sous forme liquide; c'est seulement une fois toute l'eau évaporée que le système peut de nouveau monter en température. Voir à ce sujet le chapitre sur les cuissons. 24 On verra à ce sujet au chapitre sur les lipides que ceux-ci ne se vaporisent même pas puisque l'énergie nécessaire pour séparer les molécules dépasse celle suffisante pour briser les liaisons covalentes: les lipides sont donc dégradés avant vaporisation. Ce sont ces produits de dégradation qui s'échappent en fumées nocives (cancérigènes ET inflammables) au-dessus des bains d'huile surchauffés. 25 On pourrait rajouter un quatrième état, le plasma (gaz ionisé), mais celui-ci n'a que peu d'intérêt en cuisine! 26 En général, ce liquide sera de l'huile (H) ou de l'eau (E).
13
Nous allons maintenant détailler quelques uns de ces états les plus répandus en cuisine.
Emulsions
Les émulsions sont le résultat de la dispersion d'un liquide dans un autre liquide non miscible avec le
premier. Les propriétés d'écoulement d'une émulsion dépendent du rapport volumique entre les deux
phases27. Le mélange peut éventuellement être stabilisé par un troisième ingrédient appelé émulsifiant
(tensioactifs). En effet, deux dangers guettent les émulsions: la coalescence des gouttes (directement
ou par mûrissement d'Ostwald) et le crémage (dû à la poussée d'Archimède sur les gouttes les plus
grosses). Le premier est limité par les tensioactifs d'une part (répulsion des gouttes; évite la
coalescence) et par l'éventuel ajout d'un soluté non soluble dans la phase continue (maintien de la taille
des gouttes par pression osmotique; évite le mûrissement d'Ostwald) d'autre part; le deuxième est
limité par les tensioactifs (gouttes plus petites) et la viscosité de la phase continue.
Quelques exemples d'émulsions culinaires28 (avec leur formule et leur émulsifiant):
- lait (H/E, caséine)
- mayonnaise (H/E, lécithine du jaune d'oeuf)
- vinaigrette (E/H, éventuellement lécithine de la moutarde)
Suspensions et gels
On nomme colloïde (ou dispersion colloïdale) une substance sous forme de liquide ou de gel qui
contient en suspension des particules solides suffisamment petites pour que le mélange soit homogène.
Les colloïdes sont intermédiaires entre les suspensions (particules de taille supérieure à 1µm) et les
solutions29 vraies (particules de taille inférieure à 1nm).
27 Le cas le plus connu d'émulsion est celui de l'huile dans l'eau, c'est-à-dire de la mayonnaise. Plus on bat l'émulsion en rajoutant de l'huile, plus les gouttes d'huile grossissent et se divisent et plus la sauce prend corps. 28 On pourrait évidemment rajouter les crèmes hydratantes, le film hydrolipidique (mélange de sébum et de sueur), etc. Mais ces exemples sortent du cadre gastronomique de notre propos. Notons enfin que l’eau gazeuse (qui m’est souvent citée comme exemple en cours…) est un mauvais exemple. Certe, on a bien un gaz dans un liquide, mais il ne s’agit pas à proprement parler d’une dispersion, mais plutôt d’une solution de gaz dissouts. 29 Les solutions sont à considérer plutôt comme des états stables que métastables: lorsqu'un corps est dissous dans un liquide, il diffuse et le système atteint un équilibre stable lorsque son entropie est devenue maximale, c'est-à-dire lorsque le soluté est réparti le plus uniformément possible dans le solvant. Notons au passage qu'une solution se forme lorsque l'on mélange des composés miscibles, c'est-à-dire formant les mêmes types d'interactions entre eux ("qui se ressemble s'assemble"). C'est ainsi que l'alcool, pouvant former des liaisons hydrogène, se mélange à l'eau, tandis que l'huile, dont les chaînes carbonées ne peuvent former que des liaisons de Van der Waals, ne se mélange pas à l'eau.
Distinction solutions/colloïdes/suspensions
14
Les colloïdes forment des gels30, réseaux moléculaires plus ou moins rigides (dont les interstices
laissent passer solvant et petites molécules) ou des sols, lorsque les mailles de ce réseau sont
extrêmement lâches. Les protéines (telles l'ovalbumine ou la gélatine) et les glucides de haut poids
moléculaire (tels la pectine, l'amidon ou la cellulose) forment des colloïdes et permettent de fabriquer
des flans et des gelées. La stabilité d'une solution colloïdale résulte de l'équilibre entre les interactions
attractives et les interactions répulsives qui s'exercent sur les particules. Ces interactions dépendent
notamment de la température31, du pH et des électrolytes dissous.
Une sauce doit posséder une certaine viscosité (c'est-à-dire une résistance à l'écoulement) qui lui
donne sa tenue et qui contribue au plaisir de la dégustation. Souvent, on part d'un liquide peu
visqueux dont on augmente la viscosité. Il s'agit des sauces liées à la fécule, la farine ou à l'œuf. Par
exemple, si pour réaliser une sauce béarnaise, on met en suspension le jaune d'œuf, qui forme de très
petits grumeaux en cuisant, dans une petite quantité de vinaigre. Les mouvements de ces amas sont
gênés et la sauce devient visqueuse. Lorsque l'on ajoute le beurre, on forme une émulsion, car en le
fouettant, on le divise en fines gouttelettes enrobées par le jaune d'œuf.
Mousses
Les mousses proviennent de l'ajout de bulles d'air dans une préparation visqueuse. Par exemple, on
peut obtenir une mousse en battant des blancs d'œufs en neige (un blanc en neige résulte d'une
dispersion de bulles d'air dans l'eau des blancs) ou de la crème liquide à froid (dispersion de bulle d'air
dans l'émulsion -graisse/eau- visqueuse qu'est la crème froide). Les mousses souffrent des mêmes
facteurs d'instabilité que les émulsions.
Mélanges complexes
Les états rencontrés en cuisine sont rarement des états simples du à un mélange de deux composés
mais plutôt des mélanges complexes 32 . Ainsi, beaucoup sont à la fois des suspensions et des
émulsions: le lait, suspension de micelles de caséine et émulsion de goutte de graisse; la béarnaise,
suspension de particules de jaune d'oeuf coagulé et émulsion de graisse du beurre; le chocolat,
suspension (solide à température ambiante) de particules de cacao et émulsion de beurre de cacao, etc.
30 On notera la différence essentielle entre les gels chimiques et les gels physiques: les premiers (comme le blanc d'œuf cuit, gel d'ovalbumine) impliquent la formation de liaisons covalentes et sont donc irréversibles; les seconds (comme les gelées de fruits, gels de pectine) ne font intervenir que des liaisons faibles et sont donc réversibles. 31 Le passage sol-gel est le plus souvent très dépendant de la température (ex gélatine). 32 Voir à ce sujet les annexes A.3 et A.9.
15
Emulsion
Suspension solide
Gel
Mousse
Suspension
Représentation schématique et clichés de microscopie de différents systèmes métastables (sources: H This)
16
I.2. Transformation de la matière et cuisson33
La cuisine utilise différents procédés pour transformer chimiquement et / ou physiquement la matière
fournie par les ingrédients qu'elle travaille.
I.2.1 Formation d'états métastables
Les états métastables (simples ou complexes) mentionnés ci-dessus sont obtenus par divers procédés
physico-chimiques. Prenons quelques exemples (culinaires bien entendu):
Emulsion: elle est obtenue en mélangeant deux liquides "non miscibles". On peut partir d'un liquide
(par exemple une solution comme le vinaigre) que l'on verse en fouettant dans un autre (par exemple
de l'huile): on obtient ainsi une vinaigrette (éventuellement stabilisée par de la moutarde qui contient
des tensioactifs). On peut aussi partir d'une émulsion préformée (un jaune d'œuf, émulsion de lipides
dans de l'eau, stabilisée par la lécithine) dans laquelle on augmente la phase dispersée (ajout d'huile et
fragmentation des goutte en fouettant): on obtient une mayonnaise. Enfin, on peut partir d'une
suspension (gousses d'ail réduites en purée) dans laquelle on incorpore un liquide (huile dont les
gouttes sont stabilisées par les tensioactifs présents dans la pulpe de l'ail: on a ainsi fait un aioli34.
Mousse liquide: elle est obtenue en partant d'un liquide dans lequel on fait rentrer de l'air. Pour cela, il
faut une viscosité suffisante (pour retenir les bulles d'air au sein du liquide) et un tensioactif (pour
abaisser les énergies de surface et faciliter la rentrée d'air dans le liquide). Ainsi, on peut partir d'une
solution comme des blancs d'oeufs (solution rendue visqueuse par les protéines qui y sont dissoutes)
fouettés pour obtenir des blancs en neige (les protéines présentes jouant le rôle de tensioactif, avec leur
partie hydrophobes orientées vers les bulles d'air et les parties hydrophiles vers la solution). On peut
aussi partir d'une émulsion, par exemple en fouettant de la crème liquide pour obtenir de la crème
fouettée (ou chantilly si on ajoute du sucre), ou de tout autre émulsion présentant à peu près les mêmes
caractéristiques que la crème (chocolat fondu avec de l'eau pour obtenir un chocolat-chantilly, foie
gras pour le foie gras chantilly, etc.)
Mousse solide: il suffit pour l'obtenir de sécher une mousse liquide. C'est ainsi que l'on fait les
meringues (à partir de blanc en neige sucrés) et les soufflés (qui sont en fait des systèmes limites entre
liquide et solide selon la quantité d'eau résiduelle à la fin de la cuisson: on a ainsi des soufflés plus ou
moins "secs"). On peut aussi faire cuire une suspension (pâte à pain, pâte à biscuit) dans laquelle on
aura introduit un agent levant (levure boulangère, levure chimique): on obtient…du pain ou un biscuit!
33 La deuxième partie de ce cours est plus particulièrement consacrée à la "cuisine" et aux procédés qu'elle utilise; nous donnons cependant dès à présent quelques éléments sur ce vaste sujet qui est finalement le cœur de la gastronomie moléculaire, par définition science des transformations culinaires. 34 Un vrai aioli, sans jaune d'œuf (qui, certes, apporte des tensioactifs qui sont toujours les bienvenus, mais aussi un goût d'œuf dont on ne veut pas forcément ici)…
17
Suspension: on l'obtient en dispersant des particules solides dans un liquide. Des grains d'amidon dans
du lait font une pâte à crêpes; des grumeaux de jaunes d'œuf coagulés dans du lait font une crème
anglaise.
Suspension solide: on l'obtient en emprisonnant des particules (grains d'amidon) dans un réseau solide
(gluten): ce sont les pâtes alimentaire (grain d’amidon secs) et les pâtes à pain avant levée (grain
d’amidon gonflés d’eau). Ou encore en congelant une suspension liquide…
Gel: on l'obtient en cuisant dans l'eau une suspension solide (pâtes cuites), en cuisant une suspension
liquide (crêpes)35 ou en laissant refroidir une solution (une gelée de fruit peut-être considérée au
premier ordre comme une solution de pectines, de même qu'un aspic peu être considéré comme une
solution de gélatine)36.
I.2.2 Cuisson
Les effets de la cuisson
La cuisson est l'opération par laquelle un aliment est transformé sous l'effet de la chaleur37. Elle
entraîne un ensemble de réactions physiques (dénaturation des protéines, évaporation, dilatation) et
chimiques (ruptures de liaisons, formation de nouvelle liaisons, caramélisation, réactions de Maillard,
etc.) qui modifient l’aspect, la couleur, l’odeur, la saveur, la texture, le volume, le poids et les qualités
nutritives de l'aliment.
L’action physique de la chaleur permet également de tuer germes et parasites se trouvant dans la
nourriture (rôle microbiologique) et d'inactiver les enzymes 38 , tandis que la recombinaison des
molécules permet de modifier la toxicité des aliments.
Transferts de chaleur
Le transfert de chaleur peut se faire par conduction, par convection ou par rayonnement.
35 Toutes les suspensions ne donnent pas le même résultat à la cuisson: ainsi, une crème anglaise cuite un peu trop longtemps ne donnera pas un gel, mais juste une crème anglaise… râtée! (Taille des particules de jaune d'oeuf coagulés trop importante: des grumeaux aussi macroscopiques que disgracieux se forment…) 36 Même si ces solutions présentent heureusement d'autres éléments (dissouts ou en suspension) qui "donnent du goût"… 37 On ne parlera pas ici des modes de cuissons "exotiques" tels que les marinades ou séchages. 38 C'est d'ailleurs en faisant cuire les ananas que l'on peut espérer en faire une gelée à partir de gélatine, car la cuisson inactive les protéinases présentes dans l'ananas frais (cf à ce sujet le cours de Jack Lang à l’annexe A.17).
18
Conduction
La conduction thermique est le mode de transfert de chaleur provoqué par une différence de
température entre deux régions d'un même milieu ou entre deux milieux en contact sans déplacement
appréciable de matière. C'est en fait l'agitation thermique qui se transmet de proche en proche, une
molécule ou un atome cédant une partie de son énergie cinétique à son voisin (la vibration de l'atome
se ralentit au profit de la vibration du voisin).
C'est la cuisson par contact (plaques électriques, cuissons "à la plancha", …)
Convection
La convection est un mode de transfert de chaleur où celle-ci est advectée par au moins un fluide.
Ainsi l'eau de cuisson des pâtes se met en mouvement spontanément : les groupes de particules de
fluide proche du fond de la casserole sont chauffés, se dilatent donc deviennent moins denses et
montent ; ceux de la surface de la casserole sont refroidis par le contact de la surface avec un milieu
dont moins chaud, se contractent donc gagnent en densité et plongent. La chaleur est alors transférée
de manière beaucoup plus efficace que par la conduction thermique.
Ce phénomène physique très commun se produit dans de nombreux systèmes (four, casserole,
mais aussi manteau terrestre, étoiles, ...) sous des formes diverses.
Rayonnement
Le terme radiation ou son synonyme rayonnement en physique, désigne le processus d'émission ou de
transmission d'énergie sous forme de particules ou d'ondes électromagnétiques ou acoustiques. Il
comprend les radiations électromagnétiques (onde radio, infrarouge, lumière, rayons X, rayons
gamma) ainsi que les rayonnements particulaires (particules alpha, bêta, neutrons).
En cuisine, nous sommes surtout concerné par le rayonnement infrarouge (braises des feux de
bois) et micro-onde (four à micro-ondes).
Méthodes de cuisson
Elles sont variées et l'étendue du vocabulaire qui sert à les décrire prête souvent à confusion. On
entendra ainsi parler par exemple de
• blanchir: plonger une viande ou des légumes dans de l’eau bouillante salée pour les attendrir,
avant de les cuisiner autrement ;
• bouillir : porter un liquide à ébullition et l’y maintenir afin de cuire les aliments qui y sont
plongés ;
• braiser : faire cuire doucement une viande dans un récipient fermé avec du jus comme liquide ;
• compoter : cuire lentement à couvert jusqu’à obtention d’un appareil à consistance de compote ;
19
• cuire au bain-marie : consiste à faire cuire ou chauffer une préparation à la température de l’eau
bouillante. Pour cela le produit est placé dans une première petite casserole, à sont tour placée
dans une deuxième casserole, remplie d’eau. La chaleur de l’eau est transmise à la première
casserole, la température de cette casserole ne peut pas dépasser la température de l’eau
bouillante ;
• étouffer : cuire à court mouillement et couvert ;
• étuver : faire cuire à chaleur douce, à couvert, avec très peu de matières grasses et/ou de
liquide ;
• mijoter : cuire lentement, à petit feu ;
• mitonner : cuire à petit feu ;
• pocher : faire bouillir quelques minutes ;
• poêler : passer à la poêle ;
• rissoler : faisant revenir une viande ou des légumes dans de la matière grasse pour donner une
coloration ;
• rôtir ; faire cuire dans un four ;
• saisir : cuire rapidement à feu vif ;
• sauter : faire dorer un aliment dans un corps gras pour le saisir ;
etc.
Dans tous les cas, on gagnera à comprendre précisément l'action de la chaleur sur les aliments et à
systématiser les différents modes de cuisson39.
39 Je conseille tout particulièrement à ce sujet les livres de Peter Barham (The science of cooking) et Hervé This (traité de cuisine élémentaire); cf bibliographie.
20
II. Un peu de (bio)chimie
II.1. Les réactifs en cuisine
II.1.1. Composés organiques de base (et leur présence dans les aliments)
Les alcools :R-OH
La fonction alcool est caractérisée par le groupe hydroxyle –OH. Ce groupe rend généralement la
molécule d'alcool polaire. Ces groupes peuvent former des liaisons hydrogène entre eux ou avec
d'autres composés (d’où la miscibilité de l’alcool dans l’eau par exemple, à condition que la chaîne
carbonée ne soit pas trop longue). Les alcools de faible poids moléculaire se présentent à température
ambiante comme des liquides incolores ; les alcools plus lourds comme des solides blanchâtres.
On les trouve en premier lieu dans les alcools alimentaires. Le plus important est l'éthanol (ou
alcool éthylique) CH3CH2OH, sa quantité sert à définir le ° ou % d'une boisson alcoolisée. Le
méthanol est présent en très faible quantité (<350 mg/l dans le vin) mais mérite d'être mentionné car
est à l'origine de la toxicité des alcools « frelatés » (ou simplement mal distillés)40. Les alcools simples
supérieurs (butyliques, iso-butyliques, …) sont également présents, ainsi que différentes molécules
complexes comportant une fonction alcool. Ces deux dernières catégories jouent un rôle important
dans le goût d'un alcool. On notera également que tous les alcools peuvent êtres impliqués dans des
équilibres chimiques produisant des esters, molécules à fort pouvoir aromatique. Les alcools sont
également présents dans de nombreuses denrées d'origine végétale et animale en faible quantité, et
souvent dans des molécules complexes comme les hormones (stérols, stradiols, ...).
Les phénols : Ph-OH
Les phénols sont des composés chimiques aromatiques portant une fonction alcool (on les appelle
d’ailleurs parfois « alcools aromatiques »).
Les phénols proviennent quasiment tous des végétaux. Les phénols simples, déchets du
métabolisme végétal, sont assemblés en polyphénols (dérivés portant plusieurs fonctions –OH) de
structure et propriétés très variables. Ces polyphénols sont des composés organiques phénoliques à
haut poids moléculaire classés dans les antioxydants naturels car permettent, par un mécanisme de
formation de radicaux libres, de lutter contre le vieillissement cellulaire, et de protéger contre certaines
maladies: les affections cardiovasculaires, l'ostéoporose et la formation de tumeurs. Les polyphénols
sont présents dans diverses substances naturelles ; sous forme d'anthocyanine dans les fruits rouges, le
vin rouge ( en relation avec les tanins ), sous forme de flavonoïdes dans les agrumes, et sous d'autres 40 Le foie dégrade le méthanol en formaldéhyde qui provoque la cécité ou la mort.
21
formes dans le thé, le chocolat, les pommes, les oignons, les algues brunes , etc. On notera aussi la
lignine qui permet aux végétaux de se rigidifier et donc de se dresser.
Les éthers : R-O-R
Les éthers simples sont quasiment inexistants dans l'alimentation, néanmoins on retrouve la structure
de la fonction éther au sein de molécules plus complexes. Les éthers permettent la fermeture des
cycles (on parle alors « d’éthers cycliques ») qui stabilisent la structure des sucres. On les rencontre
aussi dans les graisses sous forme d'éthers lipidiques et d'éthers de glycol.
Les aldéhydes : R-CHO
Les aldéhydes sont des molécules très volatiles et fortement odorantes. Elles sont présentes dans de
nombreux arômes naturels et artificiels. Par exemple l'éthanal est responsable de l'odeur de pomme
verte, l'aldéhyde cinnamique répand une odeur de cannelle, etc. On trouve également des aldéhydes
dans certains sucres qui sont alors dits aldoses.
Les cétones : R-CO-R
Ces composés, proches des aldéhydes, sont présents dans les sucres dits cétoses et dans les graisses.
La fonction carbonyle est également trouvée dans des molécules complexes.
Les acides carboxyliques : R-COOH
La fonction acide carboxylique est fortement polaire grâce au groupe carbonyle, et au groupe
hydroxyle qui la compose. Ceci permet la création de ponts hydrogène par exemple avec un solvant
polaire comme l'eau, l'alcool, et d'autres acides carboxyliques. De par cette propriété les acides
carboxyliques de petite taille (jusqu'à l'acide butanoïque) sont complètement solubles dans l'eau. Les
molécules d'acides sont aussi capables de former des dimères stables par pont hydrogène, ce qui
permet d'expliquer pourquoi leur température d'ébullition est plus élevée que celle des alcools
correspondants. Les acides de faible poids moléculaire possèdent une forte odeur, par exemple l'acide
butanoïque est responsable de l'odeur du beurre rance.
En fait, le rôle des acides carboxyliques dans l'alimentation mériterait à lui seul un chapitre. Nous
noterons simplement ici sa grande importance dans la chimie des graisses, avec les fameux acides
gras ; dans les milieux liquides, notamment les alcools et les vinaigres (acide acétique) ; et enfin dans
les arômes et les saveurs de part leur implication dans la formation d'esters.
22
Les esters :R -COO-R
Les esters sont formés par une réaction de condensation entre un acide et un alcool, libérant de l'eau
(estérification de Fisher). Si rien n'est précisé, il s'agit d'esters d'acides carboxyliques. Ceux-ci sont
présents dans les graisses sous forme de triglycérides (3 acides gras + glycérol → triglycéride). On
retrouve aussi dans de nombreuses plantes des esters simples qui sont à l'origine d'un arôme souvent
fruité ou fleuri : acétate de lynalyle (lavande), acétate de butyle (banane), etc. Les esters jouent
également un rôle important dans le goût des alcools, leur formation au cours du vieillissement en fûts
de bois combine des molécules issues du bois et de la fermentation pour former de nouvelles saveurs.
Les amides :R -N-C=O
Les amides sont des dérivés d'acides carboxyliques, ont les retrouvent également dans les graisses
mais aussi dans les vitamines B. Cependant, la fonction amide est principalement présente dans les
protéines puisque c'est elle qui constitue la liaison peptidique entre les acides aminés.
Les amines : R-N (ou R-NR pour les amines secondaires et R-NRR pour les amines tertiaires)
Les amines sont essentiellement présentes dans les plantes dans les composés appelés alcaloïdes, ceux-
ci ont souvent un fort goût amer comme la quinine. Ces molécules ont généralement une forte activité
biologique et sont purifiées pour une utilisation comme médicaments ou comme stupéfiants. De
nombreuses amines ont une odeur très désagréable car elles sont produites par la décomposition des
organismes41.
Les acides aminés :
Les acides aminés sont des molécules comportant à la fois une fonction amine et une fonction acide
carboxylique. Ils s'assemblent entre eux en formant des liaisons peptidiques (amides) et forment des
chaînes de plusieurs centaines de molécules que l'on appelle protéines. Les protéines sont présentes en
grande quantité dans la viande et le poisson, mais on les trouve aussi dans des végétaux comme les
légumes secs et les céréales complètes. Elles font parties, au côté des lipides et des glucides, des
principaux constituants de nos aliments.
41 Par exemple la cadavérine au nom assez évocateur…
23
II.1.2. Les constituants élémentaires des aliments
LES PROTEINES
Une protéine est un assemblage (ou séquence) d'acides aminés liés par des liaisons peptidiques. On
parle de protéine lorsque plus de 100 acides aminés sont liés au sein d'une chaîne d'acides aminés (et
de polypeptide en-dessous). Les propriétés des acides aminés (charge, hydrophobicité...) gouvernent la
structure de la protéine, globulaire ou fibrillaire, que l'on peut décrire à différents niveaux :
• la structure primaire, qui est la séquence linéaire des acides aminés dans la protéine ;
• la structure secondaire, qui rend compte de l'organisation de groupes d'acides aminés en
éléments structuraux simples : hélices alpha, feuillets et tours beta, autres structures ;
• la structure tertiaire, qui correspond au repliement de la protéine dans l'espace tridimensionnel.
Cette structure rend compte de l'organisation entre eux des éléments de structure secondaire.
La structure tertiaire peut aussi rendre compte du fait que plusieurs chaînes protéiques
distinctes sont reliées entre elles par liaisons covalentes, ponts disulfures par exemple ;
• la structure quaternaire, qui définit l'association (multimérisation) par liaisons faibles entre des
protéines de structures primaires identiques (homoassociation) ou distinctes
(hétéroassociation).
Les protéines ont des fonctions très diverses : certaines pourront avoir une fonction structurale
(elles participent à la cohésion structurale des cellules entre elles), enzymatique (elles catalysent les
réactions chimiques de la matière vivante) ou encore une fonction de messager (pour les protéines
impliquées dans des processus de signalisation cellulaire).
LES LIPIDES
Les lipides sont les matières grasses qui sont contenues dans les aliments et qui leur donnent une
texture moelleuse et onctueuse. Ils sont insolubles dans l'eau (hydrophobes) et sont moins denses que
l'eau. Ce sont des molécules constituées de carbone, d’hydrogène et d’oxygène sous forme de
combinaison d’acides gras et de glycérol. La plupart (80 à 90%) des lipides alimentaires sont
constitués de l’association d’un glycérol et de trois acides gras de compositions diverses : on les
appelle triglycérides42.
Ils ont pour forme générale CH2COOR-CHCOOR'-CH2-COOR" où R, R' et R" représentent des
acides gras ; les trois acides gras peuvent être tous différents, tous identiques, ou seuls deux d'entre eux
sont identiques. 42 Egalement appelés triacylglycérols ou triacylglycérides.
24
Les triglycérides sont le constituant principal de l'huile végétale et des graisses animales. L'huile
est un terme générique désignant des matières grasses qui sont à l'état liquide à température ambiante
et qui ne se mélangent pas à l'eau. Les huiles sont des liquides gras, visqueux, d'origine animale,
végétale, minérale ou synthétique. Elles se différencient des graisses qui sont pâteuses dans les
conditions normales d'utilisation43.
Dans les triglycérides, les chaînes des acides gras peuvent comporter de 4 à 22 atomes de carbone,
mais 16 et 18 atomes sont les longueurs les plus courantes. Des chaînes plus courtes se rencontrent
dans le beurre par exemple (acide butyrique). Presque sans exception, les acides gras naturels
comportent un nombre pair d'atomes de carbone - du fait qu'ils sont bio-synthésisés à partir de l'acide
acétique. La plupart des corps gras naturels sont constitués d'un mélange complexe de triglycérides ; à
cause de cela, ils fondent progressivement sur une large plage de température44.
Les lipides sont très énergétiques : ils apportent beaucoup de calories (1 g de lipide apporte 9
kcal ou 38 kJ). Les corps gras sont indispensables au bon fonctionnement de l'organisme animal mais
une nourriture trop riche en graisses (surtout saturées) et en cholestérol (comme les viandes, les
fromages, les charcuteries) favorise les maladies cardio-vasculaires. Par contre les graisses poly-
insaturées et mono-insaturées (comme dans les huiles végétales d'olive, colza, tournesol, mais aussi
dans les poissons) protègent les artères. Les acides gras-polyinsaturés (apportés par l'huile de
tournesol, maïs, arachide, etc ) des séries oméga-3, oméga-6 et oméga-9 sont souvent appelés "acides
gras essentiels" car l'organisme humain en a absolument besoin. Les acides gras des séries oméga-3 et
oméga-6 sont qualifiés d'indispensables car l'organisme est incapable de les synthétiser et ils doivent
donc obligatoirement être apportés par l'alimentation. Ces acides gras sont très importants pour
l'organisme car ce sont des constituants des membranes cellulaires.
Acides gras les plus courants
43 Le beurre n'est pas considéré comme une huile bien qu'il soit liquide dans certains pays chauds. Dans les pays tempérés certaines huiles, normalement liquides, peuvent se figer par temps froid. 44 Le beurre de cacao est atypique car il constitué principalement d'un seul triglycéride (composé d'acides palmitique, oléique et stéarique) et a un point de fusion assez marqué (et donc le chocolat fond dans la bouche, pas dans la main…).
25
Les acides gras saturés linéaires ont comme formule chimique : H3C-(CH2)n-COOH où n est un
nombre entier positif ou nul. Certains possèdent des noms particuliers45 :
Tableau des acides gras saturés linéaires Nombre
d'atomes de carbone
Nombre de liaisons doubles
Nom commun Nom UICPA Structure
1 0 acide formique acide méthanoïque HCOOH 2 0 acide acétique acide éthanoïque H3C-COOH 3 0 acide propionique acide propanoïque H3C-CH2-COOH 4 0 acide butyrique acide butanoïque H3C-(CH2)2-COOH 6 0 acide caproïque acide hexanoïque H3C-(CH2)4-COOH 8 0 acide caprylique acide octanoïque H3C-(CH2)6-COOH 10 0 acide caprique acide décanoïque H3C-(CH2)8-COOH 12 0 acide laurique acide dodécanoïque H3C-(CH2)10-COOH14 0 acide myristique acide tétradécanoïque H3C-(CH2)12-COOH16 0 acide palmitique acide hexadécanoïque H3C-(CH2)14-COOH17 0 acide margarique acide heptadécanoïque H3C-(CH2)15-COOH18 0 acide stéarique acide octodécanoïque H3C-(CH2)16-COOH20 0 acide arachidique acide eicosanoïque H3C-(CH2)18-COOH22 0 acide béhénique acide docosanoïque H3C-(CH2)20-COOH24 0 acide lignocérique acide tétracosanoïque H3C-(CH2)22-COOH26 0 acide cérotique acide hexacosanoïque H3C-(CH2)24-COOH28 0 acide montanique acide octacosanoïque H3C-(CH2)26-COOH30 0 acide mélissique acide triacontanoïque H3C-(CH2)28-COOH32 0 acide lacéroïque acide dotriacontanoïque H3C-(CH2)30-COOH Deux exemples courants:
- L'acide palmitique, également appelé acide hexadécanoïque (nomenclature IUPAC), est l'un
des acides gras saturés les plus courants chez les animaux et les plantes. On le symbolise souvent
par les nombres 16:0 pour indiquer qu'il a 16 carbones et aucune liaison éthylénique. C'est un
solide blanc qui fond à 63,1 °C et sa formule chimique est CH3(CH2)14COOH. Comme son nom
l'indique, on en trouve dans l'huile de palme, mais aussi dans toutes les graisses et huiles animales
ou végétales (beurre, fromage, lait et viande). L'acide palmitique est le premier acide gras produit
au cours de la lipogénèse ; à partir de lui, les acides gras plus longs peuvent être produits. C'est un
excellent aliment énergétique. Industriellement on utilise l'acide palmitique pour la fabrication des
margarines, des savons durs. Des dérivés de l'acide palmitique furent utilisés au cours de la
Seconde Guerre mondiale pour produire le napalm.
- L'acide butanoïque ou acide butyrique, de formule CH3CH2CH2-COOH, est un acide
carboxylique saturé que l'on trouve par exemple dans le beurre rance, où il dégage un odeur forte
et désagréable. L'acide butanoïque est un liquide légèrement huileux qui se solidifie à -5 °C et dont
le point d'ébullition est de 164 °C. Il est facilement soluble dans l'eau, l'éthanol, et l'éther.
45 Chaque acide gras saturé possède en général plusieurs noms : un nom systématique précis (caractérisé par sa formule chimique) et un nom commun qui rappelle souvent son origine (par exemple, l'acide formique est un produit naturel synthétisé par les fourmis).
26
Les acides gras insaturés sont en général non linéaires. On trouve notamment:
- L'acide oléique est le plus abondant des acides gras monoinsaturés à chaîne longue dans notre
organisme. Sa formule chimique brute est C18H34O2 (ou CH3(CH2)7CH=CH(CH2)7COOH). Son nom
IUPAC est acide cis-9-octadécénoïque, et son nom court de lipide est 18:1 cis-946. La forme saturée
de cet acide est l'acide stéarique. A la température de notre corps c'est un liquide (huile) qui ne se
solidifie qu'à 4 °C. Son nom vient de l'huile d'olive dont il constitue 55 à 80 %, mais il est abondant
dans toutes les huiles animales ou végétales, par exemple dans l'huile de pépins de raisin (15 à 20
%). Données ophysiques: point de fusion 15,3°C; point d'ébullition 360°C; densité : 0,895 g/cm³).
- L'acide linoléique47 (C18H32O2) est un acide gras polyinsaturé. Il est constitué d'une molécule de 18
atomes de carbone et 2 doubles liaisons, dont le composé est liquide et incolore. Il appartient au
groupe des oméga-6. Le mot linoléique vient du grec linon (le lin). Oléique signifie une relation à
l'huile : en effet, l'huile de lin en contient de grandes quantités. On distingue plusieurs énantiomères
de l'acide octadécadiénoïque, mais seul l'acide 9-cis, 12-cis octadécadiénoïque correspond à l'acide
linoléique. Sa désignation biochimique est 18:2(n-6), l'énumération des doubles liaisons se faisant en
sens inverse de la nomenclature chimique. Sa température de fusion est de -12 °C. Sa formule semi-
développée est : CH3 − (CH2)4 − CH = CH − CH2 − CH = CH − (CH2)7 − COOH. L'acide linoléique
est un acide gras polyinsaturé qui intervient dans la fabrication de la membrane cellulaire. Pour
pouvoir être utilisé par le corps, l'acide linoléique doit être converti en acide gamma-linolénique
(GLA), par une réaction enzymatique (delta-6-désaturase ou D6D). L'acide linoléique ne peut être
synthétisé par l'organisme et doit donc être apporté par l'alimentation48. On dit pour cela que c'est un
acide gras essentiel.
- L'acide linolénique est un acide gras polyinsaturé formé d'une chaîne de 18 carbones dont 3 double
liaisons. Un isomère, appelé acide α-linolénique (acide alpha-linolénique), appartient aux Oméga-3, et
est un acide gras essentiel : il doit être apporté par l'alimentation. Un autre isomère est l'acide γ-
linolénique (acide gamma-linolénique), qui appartient aux Oméga-6 et qui est le résultat de la
désaturation de l'acide linoléique. C'est un acide gras rare mais essentiel, car l'acide di-homo-γ-
linolénique est un constituant très important des phospholipides de la membrane cellulaire.
- L'acide arachidonique (acide 5,8,11,14-eicosatétraénoïque; son nom courant vient de l'huile
d'arachide) est un acide gras à 20 atomes de carbone, polyinsaturé à quatre double liaisons en cis qui
sont les causes de sa flexibilité et lui donnent sa capacité de réaction avec l'oxygène moléculaire. Il
fait partie de la famille des Oméga-6. Cet acide est présent dans la membrane cellulaire. L'acide
arachidonique est considéré comme un acide gras essentiel, qui doit être apporté par l'alimentation :
la plupart des mammifères sont incapables de le synthétiser.
46 On le symbolise par les nombres 18:1 pour indiquer qu'il a 18 atomes de carbone et une liaison éthylénique. Pour indiquer la position de la double liaison on préfère indiquer le nombre de carbones entre le dernier carbone (n° 18) et le carbone où commence la double liaison (n° 9), d'où 18 - 9, qu'on écrit n - 9, en désignant par n le nombre de carbones de la chaîne. 47 L'acide linoléique était autrefois appelé vitamine F, mais cette désignation a été abandonnée. 48 Des énantiomères trans-linoléiques sont obtenus à partir de l'acide linoléique par chauffage. C'est pour cela que certains médecins et nutritionnistes, donnent de l'importance aux l'huiles de première pression à froid. En effet l'extraction à chaud des huiles a tendance à transformer l'acide cis-linoléique en acide trans-linoléique et rendre ainsi l'huile inutilisable par l'organisme pour la synthèse d'acide gamma-linolénique.
27
Quelques huiles courantes
Les huiles alimentaires ont des propriétés (arômes, cuisson) qui dépendent de leur composition. La
matière grasse de l'huile est composée de triglycérides eux-mêmes constitués d'acides gras de
différentes sortes, dont la répartition est caractéristique de l'huile en question, et à un niveau de détail
plus poussé, des différentes variétés ou du lieu de production. Lorsque des triglycérides sont
dégradés, les acides gras qui les constituaient sont détachés et errent librement dans l'huile: il sont
alors dits «acides gras libres». Leur pourcentage dans l'huile est ce que l'on appelle «acidité» de
l'huile, et s'exprime en grammes d'acide libre pour 100 grammes d'huile. Cette acidité ne se perçoit
jamais sous forme de goût acide, mais sous la forme de telle ou telle dégradation, comme par
exemple un goût de moisi.
Prenons l'exemple de l'huile d'olive: elle est composée d'environ 99 % de matières grasses. Le 1 %
restant constitue les composés mineurs ; il s'agit essentiellement (par ordre d'importance) : du
squalène, des alcools triterpéniques, des stérols, des phénols, et des dérivés du tocophérol.
Composition en acides gras des huiles d'olive (%) (source: Wikipedia)
Acide gras Dénomination Moyenne centrée Premier quartile2 Troisième quartile2
C16:0 Acide palmitique 11,8 10,9 12,7
C16:1ω9 Acide hypogéique3 0,12 0,11 0,14
C16:1ω7 Acide palmitoléique 0,81 0,62 1,08
C17:0 Acide margarique4 0,08 0,05 0,12
C17:1ω8 Acide margaroléique4 0,15 0,10 0,25
C18:0 Acide stéarique 2,2 1,9 2,7
C18:1ω9 Acide oléique 72,6 68,9 75,1
C18:1ω7 Acide vaccénique3 2,3 2,0 2,7
C18:2ω6 Acide linoléique 7,9 6,5 10,1
C18:3ω3 Acide linolénique 0,65 0,60 0,70
C20:0 Acide arachidique 0,37 0,34 0,42
C20:1ω9 Acide gondoïque 0,28 0,25 0,31
C22:0 Acide béhénique 0,11 0,10 0,12
C24:0 Acide lignocérique 0,05 0,04 0,05
Acide gras saturés5 14,8 14,0 15,6
Acides gras monoinsaturés5 76,6 73,4 79,1
Acides gras polyinsaturés5 8,6 7,2 10,8
28
LES GLUCIDES
Très schématiquement, la plupart les glucides sont constitués par des chaînes plus ou moins
longues de particules élémentaires (les oses) et on peut les classer en sucres simples et sucres
complexes selon le nombre de particules élémentaires qui les constituent (monosaccharide = une
particule élémentaire, disaccharide = deux particules élémentaires, polysaccharide = plus de deux
particules élémentaires).
Les monosaccharides et les disaccharides constituent le groupe des sucres simples. Ils élèvent la
glycémie très rapidement (sauf le fructose), et les sucres simples sont donc à classer dans le groupe des
sucres rapides. Les polysaccharides assimilables sont des glucides que l'organisme humain est
capable de digérer. Certains d'entre eux sont digérés rapidement et ce sont donc des sucres complexes
qui sont à classer dans le groupe des sucres rapides : pommes de terre, riz, semoule, ainsi que pâtes,
pain, farine et autres dérivés. D'autres sont digérés beaucoup plus lentement, et ce sont ces sucres
complexes qui constituent le véritable groupe des sucres lents : fèves, flageolets, lentilles, haricots
rouges, haricots blancs, pois cassés, pois chiches.
Les polysaccharides non assimilables, qui constituent le groupe des fibres alimentaires, sont des
glucides particuliers que l'organisme humain n'est pratiquement pas capable de digérer, et qui ont des
propriétés intéressantes :
• elles ralentissent la vidange de l'estomac et freinent les mouvements de la partie initiale de
l'intestin, ce qui ralentit l'absorption des glucides assimilables49 (certaines fibres peuvent
retenir jusqu'à cinq fois leur poids en eau. Il en résulte la formation d'un gel qui réduit
l'absorption des glucides, et qui facilite le transit intestinal ;
• elles se combinent dans l'intestin avec le cholestérol présent dans la bile, ce qui abaisse le
cholestérol sanguin ;
• elles n'apportent pas de calories.
Monosaccharides (ou oses)
Les oses (ou monosaccharides) sont les monomères des glucides. Ils ne sont pas hydrolysables. Tout
comme les disaccharides, ils possèdent un pouvoir sucrant, et sont solubles dans l'eau. Leur formule
générale est Cn(H2O)n où n est un nombre entier représentant le nombre de carbones (de 3 à 7 pour les
oses naturels)
49 L'apport conseillé en fibres pour la population générale est de l'ordre de 25 g/24 h, mais il n'est que rarement atteint dans notre alimentation occidentale. Les diabétiques ont tout intérêt à augmenter leur ration de fibres alimentaires.
29
Le glucose (symbolisé par Glc., synonyme dextrose lorsqu'il s'agit de D-glucose) est un ose simple et
plus particulièrement un aldohexose. Il présente la même formule brute que ses isomères, en
particulier le mannose ou le fructose : C6H12O6. La masse molaire du glucose est de 180,156 g/mol.
Il se présente sous forme d'une poudre blanche, d'une saveur sucrée caramélisant à partir de 150 °C. Il
est soluble dans l'eau et l'éthanol (molécule polaire) mais insoluble dans l'éther et les solvants
organiques.
Le fructose est un monosaccharide (sucre simple non-hydrolysable) du groupe des cétoses, que l'on
trouve en abondance dans les fruits et le miel. Il présente la même formule brute que ses isomères, en
particulier le glucose : C6H12O6, c'est un hexose (sucre à 6 carbones).
Sa formule semi-développée est CH2OH-CHOH-CHOH-CHOH-CO-CH2OH ou C4H9O4-CO-CH2OH
si on veut faire apparaître sa fonction cétone. Il a tendance à se cycliser sous sa forme furanose (cycle
à 5 carbones) plutôt que sous sa forme pyranose (cycle à 6 carbones).
Le galactose est un monosaccharide formé par 6 atomes de carbone (hexose). C'est un épimère du
glucose au 4ème carbone. De la famille des aldoses, c'est un sucre réducteur qui a tendance à se
cycliser sous une forme dérivant du pyrane : le galactopyrannose.
Disaccharides (ou diholosides)
Ce sont des diholosides (sucres formés par deux oses) dont la formule chimique est C12 H22 O11 et la
masse molaire 342 g.mol-1.
30
Le saccharose (que les anglo-saxons appellent sucrose) est « le » sucre produit à partir de la canne à
sucre et de la betterave. Son nom officiel est le α-D-glucopyrannosyl(1->2)β-D-fructofurannoside. Il
peut être symbolisé par Glc-Fru. C'est un glucide simple. Grâce à l'invertase, en présence d'eau et à
température modérée (37 °C), il s'hydrolyse de façon irréversible en glucose et en fructose, ce qui
permet son assimilation par l'organisme50.
Le pouvoir sucrant du saccharose sert de référence dans l'échelle des produits sucrants, c'est-à-dire
qu'il est considéré comme égal à 1.
Le lactose est extrait par évaporation du petit lait obtenu après séparation des matières grasses et
précipitation de la caséine: on obtient des cristaux durs et sablonneux d'hydrate de lactose (formule
C12H22O11.H2O). Les cristaux perdent leur eau par chauffage à 140 °C. Ils fondent et se décomposent à
202 °C. Son nom officiel est le β-D-galactopyrannosyl(1->4)D-glucopyrannose. Il peut être symbolisé
par Gal-Glc.
La lactase (β-galactosidase) hydrolyse le lactose en glucose et galactose. Il a un pouvoir sucrant assez
faible, sa saveur sucrée étant de 20% de celle du saccharose.
Le maltose est le produit de l'hydrolyse enzymatique de l'amidon par une amylase. Il a pour nom
officiel l'α-D-glucopyrannosyl(1->4)D-glucopyrannose et peut être symbolisé par Glc-Glc. Il est
parfois appelé di-glucose.
C'est le début d'une série biochimique importante, car si une unité de glucose lui est ajoutée celui-
ci devient le maltotriose, puis malto-tétrose, et ainsi de suite. Des molécules à longue chaîne du
glucose s'appellent parfois les maltosides.
50 Le mélange produit par l'invertase, glucose et fructose, est appelé sucre inverti.
31
Polysaccharides
L'amidon (du latin amylum, fleur de farine) est un glucide de réserve utilisé par les végétaux
supérieurs pour stocker de l'énergie au même titre que l'inuline chez certaines plantes et que le
glycogène chez les animaux. Il se présente sous forme de grains visibles au microscope. C'est un
polysaccharide de formule chimique (C6H10O5)n. Il est composé de deux fractions polysaccharidiques :
- l'amylose, molécule formée d'envion 600 molécules de glucose chaînées linérairement ;
- l'amylopectine, molécule plus ramifiée
Il se dissocie en glucose assimilable sous l'action d'enzymes, les amylases, d'autant plus facilement
s'il se trouve sous forme d'amylopectine (la formation hélicoïdale favorise l'accessibilité de l'amidon
aux enzymes). L'amidon est insoluble dans l'eau froide. En le traitant par l'eau chaude, on obtient
l'empois. Il est exploité dans l'industrie pour ses propriétés d'épaississant et de gélifiant.
On le trouve dans les organes de réserves : les graines (en particulier les céréales -maïs, froment-
et les légumineuses), les racines, tubercules et rhizomes (pomme de terre, patate douce, manioc, etc.).
Sur le plan industriel c'est surtout le maïs et la pomme de terre qui sont utilisés.
Le glycogène est un sucre utilisé par les animaux pour stocker de l'énergie au même titre que l'amidon
chez les végétaux. C'est un polymère du glucose de formule chimique (C6H10O5)n
Le foie réalise la glycogénolyse (hydrolyse du glycogène) pour « reformer » du glucose à partir de
ses réserves de glycogène. Si celles-ci viennent à s'épuiser (au bout de 12 heures de jeûne chez
l'humain), le foie utilise alors des protéines ou du lactate (issus des muscles, entre autres) pour
reformer du glucose, par néoglucogénèse. On trouve du glycogène également dans les muscles où il
est stocké puis dégradé en glucose lors d'efforts musculaires importants. Contrairement au cas du foie,
le glucose ainsi produit par la cellule musculaire ne peut être utilisé que par cette même cellule. La
32
production de glycogène dans l'organisme est stimulée par l'insuline et la dégradation du glycogène en
glucose est stimulée par le glucagon et l'adrénaline.
Les pectines sont des polymères de polysaccharides acides. Les pectines sont composées d'une chaîne
principale d'acide uronique lié en 1-4. Régulièrement entre ces monomères s'intercalent des molécules
de rhamnoses par des liaisons 1-2 et 1-4. Ce type de liaison entre les molécules d'acide uronique et de
rhamnose forme des coudes. La macromolécule de pectine ressemble à un zig-zag. Cet agencement
donne des propriétés particulières aux pectines. Pour complèter la composition chimique des pectines
il faut préciser qu'il existe des ramifications au niveau des acides uroniques comme au niveau du
rhamnose par des molécules (ex galactane, arabinane etc..). Cette grande hétérogénéitée fait que l'on
doit plutôt parler des pectines que de la pectine. De plus cette diversité fait des pectines des molécules
complexes.
La cellulose est un glucide, polymère du glucose (ou polysaccharide de glucose), de formule
(C6H10O5)n (n compris entre 200 et 3 000) et principal constituant des végétaux et en particulier de la
paroi de leurs cellules. Les monomères de glucose sont liés par de liaisons béta 1-4. Ce qui donne des
fibres de cellulose droites. À ce titre c'est aussi le principal constituant du bois. La cellulose constitue
la molécule organique la plus abondante sur la Terre (plus 50 % de la biomasse). La quantité
synthétisée par les végétaux est estimée à 50-100 milliards de tonnes par an.
Elle n'est pas digérée par l'homme, mais est cependant utile au bon fonctionnement des intestins
sous forme de fibres végétales. Les animaux herbivores utilisent en général des enzymes d'origine
exogène, c'est-à-dire produites par les cellules de la flore intestinale pour digérer la cellulose.
II.1.3. Les additifs51
Les additifs alimentaires sont des produits ajoutés aux denrées alimentaires commerciales. Ils
doivent être portés sur l'emballage, dans la liste notée « ingrédients ». Les additifs choisis par les
industriels doivent forcément avoir été validés au préalable et figurent dans une liste dite « positive ».
Tout additif non porté dans cette liste est de fait illicite. Les additifs sur les étiquetages sont le plus
souvent écrits en toutes lettres. Dans le cas où ils portent un code Exx, ils doivent être explicités.
51 Consulter l’annexe A.20 pour plus de renseignements.
33
Ils peuvent jouer un rôle de conservation, de colorant, d'exhausteur de goût ou avoir une valeur
nutritionnelle (attention toutefois, dans ce cas, une législation particulière s'applique liée aux
allégations nutritionnelles). Il peut s'agir de produits naturels, ou de produits synthétisés. Les
organismes chargés de donner un avis sur ces produits sont la Food and Drug Administration (FDA)
(aux États-Unis) et l'Union européenne (pour ses pays membres).
Les additifs se décomposent en cinq groupes : les agents colorants codés E1xx, les agents de
conservation codés E2xx, les antioxydants codés E3xx, les agents de texture codés E4xx (dont les
émulsifiants par exemple) et E14xx (amidons modifiés) et les autres catégories dont les édulcorants,
exhausteur de goût, acidifiants etc. de code 5xx et supérieur.
Plusieurs caractéristiques différencient un additif d'un aliment. Le terme « additif » fait référence à
un usage à très faible dose. De plus, l'additif est un extrait moléculaire simple, alors que l'ingrédient ou
aliment est un ensemble organique complexe.
Codes
• E1.. : Colorants. E10. jaune, E11. orange, E12. rouge, E13. bleue et violet, E14. vert, E15.. brun
et noir, E16.-E17.-E18. autres.
• E2.. : Agents conservateurs. E20. sorbates, E21. benzoates, E22. sulfures, E23. phénols et
formates (méthanoates), E24.-E25. nitrates, E26. acétates (éthanoates), E27. lactates, E28.
propionates (propanoates), E29. autres.
• E3.. : Antioxydants et régulateurs de l'acidité. E30. ascorbates (vitamine C), E31. gallates et
érythorbates, E32. lactates, E33. citrates et tartrates, E34. phosphates, E35. malates et adipates,
E36. succinates et fumarates, E37.-E38. autres.
• E4.. : Épaississants, stabilisateurs et émulsifiants. E40. alginates, E41. gommes naturelles, E42.
autres agents naturels, E43. dérivés du polyoxyéthène, E44. émulsifiants naturels, E45.
phosphates, E46. dérivés du cellulose, E47.-E48. acides gras et dérivés, E49. autres.
• E5.. : Régulateurs du pH E50. acides et bases minéraux (non-organiques), E51. chlorures et
sulfates, E52. sulfates et hydroxydes, E53.-E54. dérivés d'alcali-metaux, E55. silicates, E57.
stéarates et gluconates, E58. autres.
• E6.. : Correcteurs du goût. E62. glutamates, E63. inosinates, E64. autres.
• E9.. : Divers. E90. cires, E91. verres synthétiques, E92. improving agents, E93.-E94. gaz, E95.-
E96. édulcorant, E99. agent anti-mousse.
• E11..-E12..-E14..-E15.. : Agents chimiques additionels. (nouveaux produits et inclassables).
34
Quelques gélifiants52
L‘Agar (E406) est un polysaccharide issu d’algues rouges (Rhodophyceae), principalement de type
gelidium et gracilaria. Sa structure principale est caractérisée par la répétition du disaccharide
agarobiose, formant l’agarose, et un polymère substitué d’agaropectine. L’Agar forme des gels
thermoréversibles (fondent à de hautes températures, supérieures à 85-90°C et gélifient à 30-40°C)
sans adjonction de contre ions (évite un arrière-goût), à de très faibles concentrations (employé à
moins de 1% comme gélifiant). L’Agar favorise le développement des arômes et apporte une texture
courte et cassante. Les arômes peuvent être incorporés à de basses températures.
Mode d'emploi: incorporer l’Agar en pluie fine dans une solution à 85°C minimum. Agiter et laisser
chauffer quelques minutes. Pour une meilleure utilisation, il est préconisé de le mélanger avec 3 fois
son poids en sucre. Le gel se forme lorsque la préparation refroidit.
Le Carraghénane (E407) est produit par extraction alcaline à partir de différentes algues rouges
(Rhodophyceae) de l’ordre des Gigartinales, purifiées par filtration et récupérées de la solution soit par
précipitation alcoolique, soit par précipitation en présence de chlorure de potassium. Le Carraghénane
est un hydrocolloïde consistant essentiellement des esters sulfatés de sels d’ammonium, de calcium, de
magnésium, de potassium, de sodium et de galactose et 3,6- anhydrogalactose. Issus de produits
naturels marins, les Carraghénanes peuvent varier d’un lot à l’autre d’où le recours à une
standardisation par l’ajout de sucres et/ou de sels pour homogénéiser la performance des différents lots
commerciaux. Les carraghénanes sont employés comme épaississants, gélifiants, stabilisants, et
émulsifiants dans les applications laitières ou de gels à l’eau. Les Carraghénanes sont solubles dans
l’eau chaude (70°C) et doivent être portées à 80°C pour atteindre leur fusion. La température de gel
dépend de la nature et richesse en sels et de la pureté : typiquement située entre 40 et 60°C.
L’alginate de sodium (E 401) est un polysaccharide extrait d’algues brunes (Phycophyceae) de type
laminaire (Laminaria). Disponible et économique, ce gélifiant est devenu un additif reconnu dans
l’industrie agroalimentaire. Il a également trouvé des applications hors alimentation, pour le moulage
de précision, la cosmétique, les encres… C' est un gélifiant à froid qui se forme en présence de
calcium. La réaction est rapide réclamant peu de calcium et fournit un gel irréversible sans chauffage
préalable. Les alginates sont adaptés à des fourrages et nappages à froid, aux produits reformés et aux
pellicules et films (substituts de boyaux…). Les alginates échappent à la digestion et sont dégradés
lentement lors du transit dans les intestins ce qui les prédispose à des usages d’excipient de matières
actives de prise orale et comme fibre soluble de fermentation lente. Les alginates de sodium sont
employées à moins de 1,5% comme épaississants, liants et gélifiants. Etant donné sa sensibilité aux
ions, une eau minéralisée peut permettre la gélification. Pour un gel instantané et irréversible, il
convient d’employer 1 à 4 fois plus de CaCl2 dans la préparation du mélange (perles, boyaux
artificiels…).
52 Voir annexe A.15 pour quelques idées d'utilisation!
35
La Gomme Xanthane (E415) est un polysaccharide bactérien issue de la précipitation alcoolique
d’une solution de bactéries Xanthomonas campestris. Disponible et économique, le Xanthane provient
de la fermentation de maïs et de soja selon un procédé sûr et stérile. Parce que les bactéries produisent
des polysaccharides réguliers, le Xanthane est un produit homogène et standardisé. Le Xanthane est
soluble dans l’eau chaude etfroide, est stable sur une large plage de pH et de températures, et il est
résistant à la dégradation enzymatique. Il stabilise suspensions, émulsions et mousses.
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II.2. Les réactions en cuisine
II.2.1. Quelques réactions élémentaires
Hydrolyse / esterification
L'hydrolyse d'une substance est sa décomposition par l'eau. Par exemple, l'hydrolyse du saccharose
donne du glucose et du fructose, ou encore, l'hydrolyse d'un ester donnera un alcool et un acide.
Pour des substances organiques telles que les protéines, une hydrolyse équivaut à la coupure des
liaisons peptidiques entre les différents acides aminés qui les constituent.
On a R1-COO-R2 + H2O <=> R2-OH (alcool) + R1-COOH (acide).
L'estérification est la réaction inverse.
Oxydation / reduction
Dans le langage courant, l'oxydation est la réaction chimique dans laquelle un composé se combine
avec un ou plusieurs atomes d'oxygène. Comme par exemple l'oxydation du fer qui produit la rouille
(hématite) :
4Fe + 3O2 → 2 Fe2O3.
D'une façon plus générale, en chimie, l'oxydation est la réaction dans laquelle un corps perd un ou
plusieurs électrons.
Fe2+ → Fe3+ + e-
Ce don d'électrons ne se produit que s'il existe un corps susceptible de les accepter. Le phénomène
inverse (acceptation des électrons ) est appelé la réduction.
En fait, l'oxydation d'un corps s'accompagne toujours de la réduction d'un autre (les électrons ne
peuvent pas se balader tous seuls et sont nécessairement captés), on parle d'une réaction d'oxydo-
réduction. L'oxydation est une demi-réaction de l'oxydo-réduction, et la réduction est l'autre demi-
réaction.
Saponification
La saponification est la réaction chimique transformant le mélange d'un ester (acide gras) et d'une base
forte en savon et glycérol. La réaction de saponification a été expliquée en 1823 par le chimiste
français Eugène Chevreul qui a démontré que les corps gras sont formés d’une combinaison entre le
glycérol et des acides gras. Au cours de cette réaction, des corps gras (graisses ou huiles) sont
hydrolysés en milieu alcalin par une base, généralement de la potasse (KOH) ou de la soude (NaOH)),
37
à une température comprise entre 80 et 100 °C. La température élevée sert à accélérer la réaction de
saponification. L'hydrolyse des corps gras produit du glycérol et un mélange de carboxylates (de
sodium ou de potassium) qui constitue le savon.
Réaction de saponification :
CH2(OOC-R) - CH(OOC-R) - CH2(OOC-R) + 3 NaOH --> CH2OH - CHOH - CH2OH + 3 R-CO2-Na
soit : corps gras + NaOH (ou KOH) --> glycérol + savon
où R est une chaîne d'atomes de carbone et d'hydrogène. On peut avoir par exemple R=(CH2)14 - CH3
La saponification est une réaction lente mais totale. C'est une réaction exothermique.
II.2.2. Deux réactions complexes essentielles en cuisine: caramélisation et réaction de Maillard
La caramélisation appartient au groupe des réactions de brunissement non enzymatique des
aliments, comme la réaction de Maillard, responsable de la saveur des viandes grillées.
Cuisson du sucre et caramélisation
La caramélisation est un procédé culinaire traditionnel qui consiste à chauffer le saccharose, sucre de
betterave ou de canne, au-delà de son point de fusion, de préférence en présence d'un catalyseur acide
(jus de citron ou vinaigre). C'est également depuis plusieurs années un procédé industriel de
préparation d'additifs alimentaires qui utilise aussi bien le glucose, le fructose ou des maltodextrines et
des catalyseurs acides carboxyliques (ammoniac, voire hydroxydes alcalins). La réaction de
caramélisation du saccharose fait intervenir une dissociation du disaccharide en glucose et fructose
suivie d'une recombinaison en pseudodisaccharides spirodioxaniques. Ces entités spécifiques, dont la
structure peut varier en fonction du traitement thermique ou de l'acidité, peuvent être glucosylées en
seconde étape. Des polydextroses sont simultanément formés à partir du glucose résiduel, ainsi que
des produits volatils (dérivés du furane, pyrones, aldéhydes, alcools et acides carboxyliques)
vraisemblablement piégés par les propriétés complexantes des autres constituants pseudo-
oligosaccharidiques. Des quantités de dianhydrides du fructose pouvant atteindre 80 % en poids ont
été détectées dans certains caramels.
La caramélisation proprement dite commence vers 160°C. Cela dépend cependant du sucre
utilisé : par exemple, si le sucrose, le glucose et le galactose commencent effectivement à caraméliser
vers 160°C, le maltose attend 180°C et le fructose commence dès 110°C.
On trouvera ci-après un tableau récapitulatif des différents stades de cuisson du sucre et leurs
utilisations respectives.
38
Stade T (°C) Densité Aspect Utilisation
Nappé 105 1,24 Le sirop entre en ébullition et devient transparent. Il s'étend en nappe à la surface d'une écumoire que l'on trempe
Babas et savarins
Petit filé 107 1,25 Si lo'n trempe deux doigts dans le sirop après les avoir trempés dans l'eau froide, il se forme entre les doigts un filet de 2 à 3mm, très fragile
Pâte d'amandes
Grand filé (ou lissé)53 109 1,26 Le filament mesure un demi centimètre de long
et devient moins fragile Crème au beurre
Petit perlé 111 1,29 De grosses perles rondes se forment à la surface du sirop; le filament est solide si on écarte les doigts
Touron, sucre candi, confisage des ananas
Grand perlé (ou soufflé) 114 1,32
Si l'on souffle sur l'écumoire après l'avoi rtrempée dans le sirop, il se forme des bulles solides: le filament s'écarte entre les doigts sans se rompre jusqu'à 2 cm
Marrons glaçés, fruits confits
Petit boulé 115-117 1,34 Un peu de sirop versé avec une cuillère dans un bol d'eau froide forme une boule molle et très malléable
Glaçage des fruits, confiturel
Grand boulé 125-130 1,36 La boule devient plus ferme
Fondant, caramel mou, nougat, meringue italienne, praline
Petit cassé 135-140 La boule devient dure et collante Sucre d'orge roux
Grand cassé 145-150 La boule est dure et cassante, non collante, et encore incolore
Sucettes, berlingots, caramels durs, barbes à papa, décors en sucre
Caramel clair 155-165 Le sucre jaunit
Caramélisation des fruits et des choux, nougatine, crème renversée, tarte tatin
Caramel brun 165-175 1,75 Le sucre prend une couleur foncée Arôme et caramel pour colorer
Carbonisation 190+ Le sucre noircit, dégage une fumée âcre et brûle Aucune…
Réaction de Maillard
La réaction de Maillard54, contrairement à la caramélisation qui ne concerne que les sucres, est une
réaction de sucres avec des acides aminés et des protéines conduisant par étapes à des glycosylamines,
des désoxy-hexosuloses et des hexosulosylamines (composés d'Amadori) et ensuite à une variété
d'hétérocycles azotés, pigments et polymères. Elle se fait aux alentours de 120°C et comporte deux
grandes étapes: 53 Ce stade correspond à la mention «sirop de sucre» apparaissant sans autre précision. 54 Comme toute grande découverte scientifique, c’est un peu par hasard que Louis-Camille Maillard, un chimiste français, a découvert que des acides aminés en présence de sucres et à température élevée brunissaient en créant un composé semblable à l’humus et de composition très voisine. Maillard, dont l’ambition secrète était de comprendre la structure des protéines, avait remplacé le glycérol qui lui permettait de condenser ces dernières par des sucres. Il observe alors que la fonction réductrice des sucres (carbonyle : C=O) est beaucoup plus réactive que la fonction hydroxyle (OH). Cette découverte, d’abord communiquée à l’Académie des Sciences est ensuite reprise et développée de manière minutieuse par Maillard dans « Genèse des matières humiques et des matières protéiques ». Déçu de ne pas avoir conclu sur les protéines, il a pourtant conscience des nombreuses applications possibles de sa réaction. Malheureusement, elle tombe dans l’oubli et Louis Camille Maillard meurt sans avoir pu voir sa découverte déclinée dans des domaines aussi divers que la cuisine, la lutte contre le diabète, le vieillissement, les pétroles… (cf biographie annexe A.22)
39
• la synthèse de composés carbonylés très réactifs (furfurals, réductones…).
• la formation de polymères bruns, aussi appelés mélanoïdines, et de composés très volatils et
odorants.
La condensation de Maillard
L'atome de carbone (C) du groupement carbonyle du sucre étant électrophile, et l'atome d'azote (N) de
l'acide aminé au contraire nucléophile, ils vont avoir tendance à s’attirer. Pour que N et C puissent se
lier, l'atome oxygène (O) du carbonyle transforme une de ses liaisons avec le carbone en doublet non
liant, car O est plus électronégatif (tendance à attirer les électrons) que C : il devient alors chargé
négativement car est en excès d’électron.
…-C=O → …-C-O-
Le N de l'acide aminé va alors transformer son doublet non liant pour se lier au carbone qui ne peut
rester avec seulement 3 électrons en couche externe. Le N est alors en défaut d'électrons (il doit
récupérer son doublet non liant) et est chargé positivement. Il va alors, étant plus électronégatif que
l'hydrogène, transformer une des liaisons avec ses hydrogènes en doublet non liant, l’hydrogène libéré
allant se lier à l’oxygène qui avait créé un doublet non liant pour permettre à l’acide aminé de se
condenser avec le sucre. Ce processus réversible est appelé prototropie.
OH-G-C-O- + A-NH2 → OH-G-OHC-NH-A
La molécule va alors se stabiliser, la fonction alcool située en début de chaîne va alors se détacher, le
O transformant sa liaison avec le reste de la molécule en doublet non liant. Cela va libérer une
possibilité de liaisons pour le C, et il va utiliser l’électron libéré pour former une deuxième liaison
avec l’azote de l’acide aminé qui lui, pour pouvoir apporter un électron va casser une liaison avec un
de ses deux H. L’ion OH- et l’ion hydrogène vont alors se lier, créant une molécule d’eau. La molécule
restante est appelée base de Schiff mais est encore instable.
OH-G-OHC-NH-A → G-OHC=N-A + H2O
Le réarrangement d'Amadori
Ou réarrangement de Heyns. En milieu acide, l’azote va se lier aux ions H+, caractéristique du milieu
acide, grâce à son doublet non liant, se chargeant ainsi positivement. Le C en 2e position va alors
rompre sa liaison avec l’hydrogène et libérer ainsi une possibilité de liaison avec l’autre C, provoquant
un dégagement d’ions H+. Le carbone 1, ne pouvant faire 5 liaisons va donner un électron à l’azote,
comblant ainsi son défaut d’électron(l’azote le transformera en doublet non liant). On note d’ailleurs
que l’acidité du milieu n’est pas modifiée car les ions H+ sont restitués au milieu.
Au niveau de la 1re fonction alcool, l’oxygène va provoquer un dégagement d’ions H+ en transformant
en doublet sa liaison avec le H. Le carbone en 2e position va casser une de ses 2 liaisons avec le 1er
40
carbone pour rétablir l’équilibre : le 1er C va capter l’ion H+, et le 2e va se lier à l’O, comblant son
défaut d’électron. On appelle cette transformation un équilibre céto-énolique car elle transforme un
fonction alcool (énol) à en fonction cétone (céto) et ceci dans les deux sens bien que le passage -OH
vers =O soit majoritaire.
Synthèse d'une réductone
Dans la voie de la déshydratation modérée, l'oxygène va transformer une de ses deux liaisons avec le
carbone 2 en doublet non liant. Simultanément, le carbone en 3e position sur le squelette carbonée va
transformer sa liaison avec le H en liaison supplémentaire avec le carbone 2. Il va alors y avoir
dégagement d'un ion H+ en défaut d'électron qui va se lier avec le doublet non liant de l’oxygène.
Ce processus est appelé énolisation car il crée une fonction alcool à partir d'une fonction cétone et d'un
atome hydrogène. Ici, on parle de l'énolisation 2 (place du carbone auquel est liée la fonction cétone),
3 (place du carbone auquel est lié l'atome d'hydrogène).
Les ions OH-, caractéristique du milieu basique, vont alors intervenir dans la réaction en tant que
catalyseur. Le H va transformer sa liaison avec le O en doublet non liant car le O, bien
qu’électronégatif, est déjà en excès d’électrons. L’ion H- libéré va alors créer une liaison avec l’azote
qui, pour l’accueillir va se séparer de la chaîne principale, abandonnant l’électron de sa liaison avec le
C.
Au niveau de la chaîne carbonée principale,la double liaison entre les carbones 2 et 3 va être
transformée en liaison avec un des deux oxygène des fonctions alcool, provoquant au passage un
dégagement d’ion H-(pour les mêmes raisons que précédemment) qui va alors se lier à l’ion O,
recréant ainsi l’ion OH- (l’acidité du milieu est ainsi préservée).
Au niveau de la fonction alcool localisée sur le carbone 3, le O va transformer sa liaison avec le H en
liaison supplémentaire avec le C ,le stabilisant ainsi. Un ion H+ va alors être dégagé, qui va se lier à
l’ion C-.
Une deuxième énolisation (3,4) va alors avoir lieu : l'oxygène va transformer une de ses deux liaisons
avec le carbone 3 en doublet non liant. Simultanément, le carbone en 4e position sur le squelette
carbonée va transformer sa liaison avec le H en liaison avec le carbone 3. Il va alors y avoir
dégagement d'un ion H+ en défaut d'électron. L'oxygène lié au carbone 3 va alors transformer son
doublet en excès en liaison avec l'ion H+ qui pallie donc son défaut d'électron.
La molécule ainsi obtenue est appelée réductone (elle a perdu son acide aminé et possède maintenant
une fonction cétone).
Le C en 5e position va transformer sa liaison avec le H en doublet non liant, libérant un ion H+. Le
carbone en 3ème position va transformer une de des deux liaisons avec le carbone 4 en liaison avec
l'ion H+ et le carbone 5 va enfin transformer son doublet non liant en une liaison avec le carbone 4
pour stabiliser l'ensemble.
41
Dégradation de Strecker
C étant électrophile et N au contraire nucléophile, ils vont avoir tendance à s'attirer. Le O de la
fonction cétone en 3ème position transforme alors sa double liaison avec le carbone en 2 doublets non
liants et se détache de la molécule sous la forme O2-.Le N va alors faire de même avec les deux
liaisons avec ses hydrogènes qui vont se retrouver en défaut d’électrons dans le milieu (H+). Les deux
ions H+ en défaut d’électrons vont alors se lier au O2- qui lui est excédentaire, formant une molécule
d’eau. Le N va alors transformer ses deux doublets non liants en double liaison avec le C.
Le O plus électronégatif va rompre la liaison avec le H dont il prend l’électron. Ce H va se lier à
l’oxygène de la branche principale, qui aura rompu une de ses liaisons avec le carbone pour
l’accueillir. Le O, va se séparer ensuite du C par le même procédé, emportant là encore les deux
électrons de la liaison. Mais la perte d’électrons n’est pas finie pour le C car l’oxygène avec qui il
formait une double liaison va emporter les deux électrons de celui-ci en cassant les deux doubles
liaisons. Enfin, le C auquel il restait lié va lui aussi se servir et prendre en plus le dernier électrons qui
lui restait sur sa couche externe. Heureusement pour lui, deux oxygènes libérés par les réactions
successives et excédentaires chacun de deux électrons vont se lier à lui, formant ainsi du dioxyde de
carbone stable à l’état gazeux.
Une molécule d’eau, nécessaire à la dégradation, va se décomposer en ion H+ et OH-. Le H+ va se lier
à l’azote par l’intermédiaire de son doublet non liant, et l’azote pour récupérer sa stabilité électronique
va transformer une de ses liaisons avec le Carbone de l’acide aminé en doublet non liant. L’ion OH-
resté dans le milieu va alors se décomposer selon le schéma classique en ion H+ et O2-(car l’oxygène
est plus électronégatif que le H).L’ion O2- va créer une première liaison avec le carbone de l’acide
aminé, l’ion H+ va se lier au doublet de l’azote qui selon le procédé que l’on vient d’évoquer,
provoquant une scission pour récupérer son doublet. Le O- va alors transformer son dernier doublet
excédentaire en liaison avec le C.
Cette réaction, qui intervient lors de la troisième étape de Maillard, peut aussi se réaliser entre un acide
aminé et un acide gras. Elle donne naissance à des composés aromatiques, des aldéhydes. Cela justifie
le fait que l’appellation d’origine soit accordée aux jambons provenant de porcs de race ibérique, dont
la chair est riche en acides gras.
42
Schéma simplifié de la réaction de Maillard (d’après http://www.ens-lyon.fr/DSM/magistere/projets_biblio/2001/emessine/)
43
Facteurs influençant la réaction
La vitesse de la réaction de Maillard est fortement influencée par de nombreux facteurs. Ceux-ci
agissent comme activateurs ou inhibiteurs de la réaction, ou encore font privilégier l’une des trois
voies de synthèse des arômes. Ce sont en grande partie ces facteurs qui décident de la nature des
composés formés.
- Nature des sucres réducteurs et acide aminé
La vitesse de la réaction dépend d’abord de la nature des réactifs. Plus le sucre réducteur est
gros et plus la réaction se réalise difficilement. Les pentoses comme le ribose sont donc plus
réactifs que les hexoses comme le glucose, le galactose ou le fructose. Les sucres composés
comme le maltose ou le lactose sont un assemblage de deux molécules de sucre ou plus et sont
donc moins réactifs que les sucres simples, et à fortiori l’amidon, composé de nombreuses
molécules de glucose. Enfin rappelons que le saccharose n’est pas un sucre réducteur et ne
donne donc pas lieu à une réaction de Maillard. Pour l’acide aminé, plusieurs facteurs entrent en
ligne de compte. La lysine, qui possède deux fonctions amino, est plus réactive que les autres
acides aminés. Pour les autres, plus la fonction amino est éloignée de la fonction acide
carboxylique et plus l’acide aminé est réactif. Par exemple, pour les acides aminés suivant,
l’ordre décroissant de réactivité est : lysine, arginine, acide glutamique, proline.
- Le pH
Toutes les réactions intervenant dans la réaction de Maillard sont dépendantes du pH. En
particulier le réarrangement d’Amadori nécessite un pH acide et la synthèse des réductones un
pH basique. Le pH optimal se situe donc entre 6 et 10. La nature des composés formés est
également dépendante du pH. Les pH basiques privilégieront plutôt des réactions de
rétroaldolisation alors que les pH acide privilégieront les déshydratations.
- La teneur en eau du milieu
L'eau est indispensable à certaines étapes de la réaction mais elle en est aussi l’un des produits.
Donc si l’eau est en trop grande quantité dans le milieu, les réactions de déshydratation sont
inhibées. Le mieux est une proportion de 30 à 60% d’eau dans le milieu.
- La température
Les réactions de Maillard se déroulent à presque toutes les températures ; mais elles sont très
ralenties quand la température s’abaisse. En règle générale, plus la température augmente,
plus la vitesse de la réaction est importante.
44
D’autres facteurs peuvent également intervenir dans le déroulement et la vitesse de la réaction :
ions métalliques, composés soufrés … Comme chacun d’eux n’inhibe pas toutes les réactions, donc
toutes les voies par lesquelles se développe la réaction, ce sont eux qui déterminent la voie privilégiée
dans chaque cas.
Applications de la réaction à l'alimentation55
Tous les jours, nous assistons sans nous en douter à de très nombreuses réactions de Maillard. Depuis
le grillé du rôti jusqu'au bon goût du pain, celle-ci est en effet présente dans presque toutes les
préparations culinaires, en particulier dans les viandes cuites. La chaleur du four ou de la plaque
électrique augmente alors beaucoup la rapidité des transformations et c’est pourquoi nous pouvons
voir notre steak passer de « saignant » à « bien cuit » en quelques minutes. C’est l’exemple le plus
courant de réaction de Maillard en cuisine, que l’on pourrait qualifier de réaction « à chaud ». C’est
aussi la plus facilement observable grâce au brunissement rapide de la viande produit par les
mélanoïdines. Mais il existe aussi des exemples de réaction « à froid » qui ont lieu sans nécessiter de
chauffage, donc en dehors de toute cuisson.
C’est le cas par exemple pour les jambons crus d’Espagne, des jambons au goût si spécial que
l’Union européenne leur a accordé une appellation d’origine contrôlée. Cette saveur se forme au cours
de la fabrication grâce à des réactions spontanées produisant des arômes. Selon le procédé traditionnel,
les porcs destinés à la fabrication de jambons doivent être élevés en liberté et être nourris de glands et
d’herbe. Après l’abattage, la viande est conservée à 0°c pendant deux jours puis frottée avec du sel et
du salpêtre. Elle est ensuite placée pendant une semaine sur un lit de sel à 3°c environ. Lors de cette
phase, les protéines se décomposent et libèrent des acides aminés. Les jambons sont ensuite conservés
sans sel pendant deux ou trois mois, toujours à basse température. Progressivement on augmente alors
la température jusqu’à 18°c, et après un mois et demi à température ambiante, vient la maturation
finale. Celle-ci s’effectue dans une cave pendant 14 à 22 mois. La fabrication complète dure près de
deux ans après quoi les jambons sont prêts à être mangés. Ils ont pris une couleur foncée qui trahit la
présence de composés colorés, dont les mélanoïdines. À partir de 1990, des scientifiques espagnols ont
commencé à s’intéresser à la fabrication de ces jambons. Ils ont montré que des acides aminés libérés
lors du salage étaient dégradés pendant la longue période de maturation qui suivait, entre autre par la
réaction de Maillard. Celle-ci produit de nombreux composés, qui s’accumulent dans la viande. La
quantité de ces produits croît avec la durée de la maturation, ce qui explique la longueur de celle-ci,
qui permet d’obtenir plus de composés, donc plus de goût. En outre, la réaction de Maillard produit
55 La réaction de Maillard, connue dans le monde médical sous le nom de glycation ou glycolysation non enzymatique des protéines, a d’abord été étudiée dans le cadre du diabète grâce à l’hémoglobine glyquée, une variante de l’hémoglobine due à des modifications engendrées par Maillard, qui sert maintenant de marqueur à long terme de l’état diabétique des patients. Mais les travaux de ces 20 dernières années ont aussi montré que la glycation a des conséquences dans tous l’organisme, et joue notamment un rôle important dans certaines maladies telles les lésions cellulaires et tissulaires du diabète, le vieillissement vasculaire et l’insuffisance rénale. Il faut aussi noter que la glycation est indépendante du diabète mais la forte proportion de sucres dans le cas de cette maladie favorise grandement les réactions de Maillard et donc de la glycation car dans l’organisme, elle est ponctuelle et non enzymatique.
45
des mélanoïdines, qui seraient responsable de la couleur des jambons. Mais d’autres réactions
interviennent également dans la formation de composés aromatiques. L’alimentation des porcs avec
des glands produit par exemple des alcanes ramifiés. La dégradation de Strecker intervient aussi en
dehors de la réaction de Maillard.
Globalement, les produits de la réaction de Maillard confèrent aux aliments des
propriétés, le plus souvent intéressantes9, telles que la couleur, l’arôme, la valeur nutritionnelle,
et une certaine stabilité au cours de la conservation grâce à leur pouvoir antioxydant.
Couleur
Lors de l’ultime étape de la réaction de Maillard, la polymérisation conduit à des pigments bruns ou
noirs insolubles, de poids moléculaire élevé (jusqu’à 50000 D) : les mélanoïdines. Ces dernières
donnent la couleur brune caractéristique de certains aliments (café et chocolat torréfiés, croûte du pain,
couleur dorée de la bière, …). L’évaluation de la couleur et de l’intensité du brunissement est
effectuée par l’analyse de spectres d’absorption de la lumière. Mais cela reste une technique assez peu
précise. L’avancement de la réaction peut aussi être suivi par dosage des sucres réducteurs résiduels.
Arôme et goût
Deux familles de substances aux propriétés organoleptiques intéressantes résultent de la réaction de
Maillard :
• d’une part les furaldéhydes et les réductones formés par déshydratation des cétosamines
• les aldéhydes obtenus après dégradation de Strecker
Ce sont elles qui, par exemple, sont responsables du goût de la viande grillée, de l’odeur de la croûte
du pain frais ou de l’arachide grillée.
Cependant, si la réaction de Maillard se révèle bien utile en cuisine pour rendre nos aliments
plus savoureux, elle peut être gênante en particulier lors du séchage des pâtes alimentaires. À la fin de
leur fabrication, celles-ci sont en effet chauffées pour éliminer l’eau qu’elles contiennent. À la fin du
processus, des réactions de Maillard peuvent se développer, donnant aux pâtes une couleur rougeâtre
peu appétissante. La même réaction pourrait d’ailleurs avoir des conséquences plus graves. Elle
formerait en effet des composés comme les carbolines, des amines hétérocycles dérivées du
tryptophane. Ces composés semblent à hautes doses avoir des effets destructeurs sur le fonctionnement
des récepteurs cellulaires (adrénalines,…) et les sites actifs des enzymes. Cependant, la toxicité de ces
composés n’est pas prouvée car on les trouve aussi dans des aliments inoffensifs comme les reines-
claudes ou les bananes.
46
III. Un peu de biologie
III.1. Lait et produits dérivés56
Le lait
Le lait est un liquide blanc mat, légèrement visqueux, dont la composition et les caractéristiques
physico-chimiques varient sensiblement selon les espèces (et à l’intérieur d’une espèce selon les
races). Ces caractéristiques varient également au cours de la période de lactation, ainsi qu’au cours de
la traite. Le lait de vache a une densité moyenne égale à 1,032. C'est un mélange très complexe et très
instable. Il contient une forte proportion d'eau (environ 87 %), le reste constituant l'extrait sec qui
représente 130 g par litre, dont 35 à 45 g de matières grasses. Les autres composants principaux sont
du lactose, des matières azotées et des matières minérales.
Sur le plan physique, c'est à la fois une solution (lactose, sels minéraux), une suspension (matières
azotées) et une émulsion (matières grasses). Son pH est légèrement acide (entre 6,6 et 6,8). C'est
également un milieu biologique : il contient des cellules sanguines et mammaires (jusqu'à 30 000 par
ml) et des microbes (jusqu'à 50 000 par ml).
Composition du lait chez divers mammifères (source Wikipedia)
Composition moyenne du lait en gramme par litre Matières azotées
Eau Extrait sec Matièregrasse Totales caséine albumine
Lactose Matières minérales
Lait humain 905 117 35 12-14 10-12 4-6 65-70 3
Équidés Jument 925 100 10-15 20-22 10-12 7-10 60-65 3-5 Anesse 925 100 10-15 20-22 10-12 9-10 60-65 4-5
Ruminants Vache 900 130 35-40 30-35 27-30 3-4 45-50 8-10 Chèvre 900 140 40-45 35-40 30-35 6-8 40-45 8-10 Brebis 860 190 70-75 55-60 45-50 8-10 45-50 10-12
Bufflonne 850 180 70-75 45-50 35-40 8-10 45-50 8-10
La dénomination "lait" sans indication de l'espèce animale de provenance, est réservée au lait de
vache. Le lait est alors le produit de la sécrétion mammaire normale, obtenu par une ou plusieurs
traites, sans aucune addition ou soustraction. Le lait de vache apparaît comme un liquide opaque
56 Pour une description complète de la physico-chimie des produits laitiers, consulter le site (en anglais) http://www.foodsci.uoguelph.ca/dairyedu/chem.html#destab.
47
blanc mat, plus ou moins jaunâtre selon la teneur en β-carotènes de la matière grasse. Il a une odeur
peu marquée mais reconnaissable.
Ses caractéristiques physico-chimiques sont (en moyenne, le lait restant un produit naturel) :
- pH (20°C) entre 6,5 et 6,7
- acidité titrable entre 15 et 17°D
- densité entre 1,028 et 1,036
- température de congélation entre –0,51°C et –0,55°C
- valeur énergétique autour de 275kJ/100mL
Composition globale
Le lait est caractérisé par différentes phases en équilibre instable :
• une phase aqueuse contenant en solution des molécules de sucre, des ions et des composés
azotés;
• des phases colloïdales instables, constituées de deux types de colloïdes protéiniques;
• des globules gras en émulsion dans la phase aqueuse.
Composition de la matière sèche
Les glucides (49 g.L-1)
Le sucre principal du lait est le lactose, disaccharide constitué par l'association d'une molécule de
glucose et d'une molécule de galactose. On ne relève que 70 mg.L-1 de glucose et 20 mg.L-1 de
galactose ainsi que des traces d'autres glucides. Le lactose a un faible pouvoir sucrant (indice 17)
comparé à ceux du saccharose (indice 100) et du glucose (indice 75).
Le lactose est assimilé après hydrolyse en présence de l'enzyme "lactase" au niveau de l'intestin
grêle. Chez les mammifères, la production de lactase cesse entre le sevrage et l'âge adulte. La
présence de lactase chez l'homme résulte d'une adaptation apparue avec la domestication du bétail et
n'existe de manière généralisée que chez les populations originaires d'Europe du Nord. Les sujets qui
ne possèdent plus cette enzyme ne peuvent digérer le lactose, cause alors de troubles intestinaux.
48
Le lactose est un sucre fermentescible. Il est dégradé en acide lactique par des bactéries lactiques
(lactobacilles et streptocoques) ce qui provoque un abaissement du pH du lait entraînant sa
coagulation; celle-ci est indispensable pour la fabrication de fromages et de laits fermentés.
La matière grasse (39 g.L-1)
La matière grasse dont la quantité varie en fonction des conditions d'élevage, est présente dans le lait
sous forme de globules gras, de 1 à 8 µm de diamètre, émulsionnés dans la phase aqueuse; le taux en
est variable (environ 10 milliards de globules par millilitre de lait). Cette matière grasse est
constituée principalement de composés lipidiques. Le trait commun aux lipides est la présence
d'acides gras qui représentent 90 % de la masse des glycérides ; ils sont donc les composés
fondamentaux de la matière grasse.
Composition globale de la matière grasse (en % de matière grasse)
Triglycérides (95-96%)
Diglycérides (2-3%) Glycérides
Monoglycérides (0,1%)
Lipides simples
(98,5 %)
Cholestérides (esters d'acides gras et cholestérol)
(0,03 %)
Composés lipidiques
(99,5 %)
Lipides complexes (1 %)
Cholestérol, acides gras libres et hydrocarbures divers
Composés liposolubles
(0,5 %) Vitamines
Vit. E : 1,7 à 4,2 mg.(100 g)-1
Vit. A : 0,6 à 1,2 mg.(100 g)-1
Vit. D : 10 à 20 mg.(100 g)-1
Vit. K : traces
Chez les ruminants, les acides gras à chaîne courte se trouvent en grande proportion ; ils proviennent
de la fermentation anaérobique de glucides, tels la cellulose, par les microorganismes présents dans
le système digestif de ces animaux.
49
Composition du lait en acides gras comparée à d'autres matières grasses (en pourcentage molaire)
Acide gras Formule57 Lait Huile de maïs Huile d'olive
butyrique 4:0 9
caproïque 6:0 5
caprylique 8:0 2
caprique 10:0 4
laurique 12:0 3
myristique 14:0 10
pentadécanoïque 15:0 1
palmitique 16:0 23 14 11
palmitoléique 16:1 2 1
stéarique 18:0 12 2 3
oléique 18:1 23 34 79
linoléique 18:2 2 48 5
linolénique 18:3 1 1 1
arachidique 20:0 1
autres 3
Le rancissement est une indication familière de la détérioration des matières grasses. Dans les
produits laitiers, ce rancissement est le résultat de l'hydrolyse des triglycérides par des
microorganismes de telle sorte que des acides gras odorants à chaîne courte sont libérés.
La matière azotée (33 g.L-1)
On distingue deux groupes de matières azotées dans le lait : les protéines et les matières azotées non
protéiques. Les protéines (32,7 g.L-1), parmi lesquelles la caséine (80 %), les protéines solubles
(albumines et globulines - 19 % - et des protéines diverses (enzymes) - 1 % -) en constituent la
fraction essentielle. Le lait constitue donc une importante source de protéines pour l'homme, en
particulier pour l'enfant. Sa teneur en protéines est par voie de conséquence une caractéristique
essentielle de sa valeur marchande.
57 Dans la formule, la première valeur correspond au nombre de carbones de la chaîne et la seconde au nombre de doubles liaisons.
50
Composition en protéines de la matière azotée
% en protéines Concentration dans le lait(g.L-1)
Caséines (total) 80 26,5
α-caséine 40 13,5
β-caséine 24 8
κ-caséine 12 4
γ-caséine 4 1
Protéines solubles (total) 20 6,5
Lactalbumine 12 4
Lactoglobuline 5 1,6
Immunoglobulines 2 0,6
Autres 1 0,3
Les protéines lactées sont présentes dans deux phases différentes :
-une phase instable constituée de particules solides en suspension qui diffusent la lumière et
contribuent, avec les globules gras, à donner au lait son aspect blanc et opaque : se sont les
caséines.
-la phase soluble stable constituée des différentes protéines solubles ou protéines du lactosérum.
Les caséines se trouvent dans le lait sous forme d'un complexe des diverses caséines liées à du
phosphate de calcium colloïdal : Ca3(PO4)2. Ces protéines qui contiennent des groupes acides et des
groupes amines à caractère basique, sont sensibles au pH du milieu. L'acidification du milieu à pH 4,6
provoque la coagulation de ces protéines qui se séparent de la phase aqueuse.
La matière saline (9 g.L-1)
Le lait contient des sels à l'état dissous, sous forme notamment de phosphates, de citrates et de
chlorures de calcium, magnésium, potassium et sodium.
Composition de la matière saline (en g par litre de lait)
Mg Na Ca K S P Cl Citrates
0,12 0,58 1,23 1,41 0,30 0,95 1,19 1,6
Les gaz dissous (5 % en volume)
Le lait contient des gaz dissous, essentiellement du dioxyde de carbone (CO2), du diazote (N2) et du
dioxygène (O2).
51
La crème
La crème fraîche est une crème, blanche, épaisse et légèrement acidifiée par culture bactérienne. Elle
est cependant moins aigre et épaisse que la crème aigre qui lui ressemble.
À l’origine, la crème fraîche était une spécialité française mais elle s’est aujourd’hui répandue dans
toute l’Europe.
La crème fraîche est obtenue en injectant des cultures de lactobacilles dans de la crème légère non
pasteurisée et en laissant ces dernières se développer jusqu’à ce que la crème soit aigre et épaisse. La
crème est ensuite pasteurisée pour mettre fin au processus. C’est pourquoi elle ne peut pas être faite
chez soi, à partir de crème pasteurisée : l’absence de bactéries dans cette crème entraînera son
pourrissement au lieu de l’aigrir. Si de la crème épaisse non-pasteurisée n’est pas disponible, une
cuillerée à soupe de vinaigre versée dans deux tasses de crème, en faisant cailler le tout, peut tout à fait
servir de produit de substitution à la crème fraîche.
En général, la crème fraîche, tout comme la crème sûre, est utilisée dans la plupart des plats, mais la
première possède deux avantages sur la seconde : elle peut être transformée en crème fouettée et elle
ne pourrit pas lorsqu’on la bout.
Le beurre
Obtenu à partir du lait, le beurre concentre sa matière grasse. Il est défini réglementairement comme
comportant au moins 82 % de matière grasse et au plus 16 % d’eau. C'est donc une émulsion de 16 %
d’eau dans 82 % de matière grasse. Avec 750 kCal pour 100 g, il est très calorique. Le beurre est riche
en acides gras saturés qui augmentent le taux de cholestérol. Les acides gras contenus dans le beurre
sont répartis en 67% d’acides gras saturés, 30% d’acides gras mono-insaturés et 3% d’acides gras
poly-insaturés. De plus, le beurre contient du cholestérol. Le beurre a une mauvaise réputation à cause
de son action sur le taux de cholestérol, et sa consommation a diminué au profit des huiles et des
margarines, tout aussi caloriques mais plus riches en acides gras poly-insaturés. Pourtant le beurre
n’est déconseillé que pour les personnes ayant des problèmes de cholestérol. Le beurre est une très
bonne source de vitamine A. Il contient également de la vitamine D et de la vitamine E.
Les matières grasses du lait sont très nombreuses, et ont un comportement varié par rapport au
froid. Il est possible de trier les lipides par rapport à ce critère et ainsi, d’avoir des beurres plus ou
moins solides à basse température. On trouve donc sous la dénomination de beurre des produits plus
élaborés et se tartinant mieux en sortant du réfrigérateur.
La couleur du beurre dépend de l’alimentation des vaches. Si elles sont nourries avec du foin, le
beurre est jaune pâle. L’été, lorsque les vaches mangent de l’herbe, le beurre est plus coloré grâce aux
pigments (β-carotène et chlorophylle) contenus dans l’herbe.
52
Fabrication
Le beurre est obtenu en battant la crème tirée du lait. L’opération est souvent effectuée après
maturation (fermentation légère) de la crème. Le barattage de la crème non réfrigérée (battre de la
crème froide fait de la crème fouettée) rassemble les gouttelettes de matière grasse en suspension. Le
beurre se sépare alors du babeurre. Il est ensuite malaxé pendant un rinçage à l’eau fraîche, pour
améliorer la conservation en évacuant autant de babeurre que possible. Le beurre peut ensuite être salé
avant d'être réfrigéré et conditionné. On distingue le beurre salé (il contient plus de 3 % de sel), le
beurre demi-sel (entre 0,5 et 3% de sel), et le beurre doux (teneur en sel minimum).
Le beurre a une durée de conservation limitée. Il est sensible à la réaction d’oxydation par
l’oxygène de l’air qui dégrade ses composants. L’oxydation a lieu encore plus vite sous l’effet des
rayons ultraviolets ou de la chaleur. Le beurre est alors rance, il est caractérisé par un goût et une
odeur désagréables sauf pour certaines civilisations comme au Tibet où on l’ajoute au thé. Pour limiter
le rancissement, le beurre doit donc être conservé au réfrigérateur dans un emballage fermé, à l’abri de
l’air, de la lumière et de la chaleur. Le beurre salé et le beurre demi-sel se conservent plus longtemps
que le beurre doux grâce à la présence du sel, conservateur naturel.
Utilisation
Le beurre est un ingrédient de base pour beaucoup de recettes (pâtes à tarte, pâtisseries, sauces) :
• Beurre clarifié : beurre dont on a éliminé, en le faisant fondre à feu très doux, les éléments
solides (caséine et petit-lait) pour ne retenir que les éléments gras qui supportent beaucoup mieux,
et sans brûler, les températures de cuisson élevées.
• Beurres composés : sauces chaudes ou froides, salées ou sucrées, à base de beurre additionné
de divers ingrédients et destinés à accompagner des grillades, des crustacés cuits au court-
bouillon, des légumes cuits à la vapeur, sur des canapés ou des crêpes, tels que : beurre aux noix,
beurre d’anchois, beurre d'escargot, beurre d’estragon, beurre de crevettes, beurre de crustacés,
beurre de lavande, beurre de moutarde, beurre de paprika, beurre de poivrons, beurre de roquefort,
beurre de saumon fumé, beurre maître d’hôtel, beurre meunière, beurre ravigote, beurre d’orange
• Beurre blanc : réduction de vinaigre et d’échalotes montée au beurre destinée à
l’accompagnement de certains poissons tels que le brochet
• Beurre rouge : réduction d’échalotes et de vin rouge ou de Madère montée au beurre destinée
à l’accompagnement de certaines viandes
• Beurre noisette : beurre chauffé jusqu’à obtention d’une couleur blonde destinée à
l’accompagnement de certains aliments tels que les poissons, les cervelles frites et les épinards.
• Beurre noir : beurre chauffé jusqu’à obtention d’une couleur brune destinée à
l’accompagnement de certains aliments tels que l’aile de raie ou la cervelle de veau
53
Les fromages
Un fromage est un aliment moulé, obtenu à partir de la coagulation du lait suivie ou non de
fermentation. C’est un aliment riche en calcium. On fabrique du fromage à partir de lait de vache
principalement, mais aussi de brebis, de chèvre, de bufflonne.
La coagulation ou caillage du lait est obtenue par utilisation de présure et de chlorure de calcium, ou
par acidification spontanée. Ce processus est suivi d’un salage, puis éventuellement d’une période de
fermentation.
Le processus complet de fabrication des fromages se déroule en six étapes principales :
1. Standardisation
2. Maturation
3. Emprésurage
4. Décaillage
5. Moulage
6. Affinage
Plusieurs facteurs influencent le goût et la saveur du fromage : saison, climat, qualité des sols et des
pâturages, race des animaux laitiers (vaches, chèvres et brebis), techniques de fabrication, savoir-faire
d’affinage, etc.
Un fromage fermier se dit d’un fromage fabriqué à la ferme par l’exploitant agricole uniquement avec
le lait de son propre troupeau. Le fromage laitier se dit d’un fromage fabriqué en laiterie avec le lait de
plusieurs exploitations.
En France, 42 fromages sont protégés par une appellation d’origine contrôlée (AOC).
54
III.2. Oeuf
L’œufs (de poule) est composé de trois parties (coquille, blanc et jaune) et pèse en moyenne 55 g (35 à
80 g).
La coquille : la différence de couleur est génétique et tient à la race de la poule ; elle n’a rien à voir
avec les conditions d’élevage. C’est l’élément protecteur des substances nutritives contenues dans
l’œuf. Elle est recouverte d’une enveloppe protéique : cuticule, qui en séchant forme des plaques
alvéolaires au niveau des pores. Elle reste donc perméable aux gazs tout en gardant un effet protecteur
contre les contaminations microbiennes extérieures. Il est donc important de ne pas laver ni brosser les
œufs. Elle est tapissée à l’intérieur d’une membrane coquillière formée de deux feuillets constitués de
kératine. Ils s’écartent vers le bas pour former la chambre. Cette dernière se forme après la ponte et
augmentent avec la durée de conservation.
Le blanc (albumen) : 52 à 60 % du poids de l’œuf. Il est constitué essentiellement de protéines58
(12.5%) et d’eau (87%). La principale des albumines est l’ovalbumine qui présente une haute valeur
biologique (riche en lysine et tryptophane). Le blanc est fluide contre le jaune et plus condensé à la
périphérie de l’œuf. D’un point de vu biologique c’est lui qui offre les réserves nécessaires au
développement du futur embryon.
Le jaune (Vitellus) : 28 % du poids de l’œuf. Il est maintenu au centre de l’œuf par les chalazes et
entouré d’une membrane fine : la vitelline. Sa couleur est influencée par l’alimentation de la poule
mais est sans rapport direct avec la valeur nutritive. Enfin il contient l’information génétique du futur
embryon : uniquement les gènes de la poule pondeuse en l’absence de reproducteur.
58 Parfois collectivement appelées albumines.
Composition moyenne de l’œuf de poule (source USDA)
55
1 coquille : « carapace » externe de l’œuf, composée principalement de carbonate de calcium. Elle peut être plus ou moins
colorée (de blanc à brun) selon la race de poule et est poreuse.
2 et 3 membranes interne et externe : feuillets de kératine qui offrent une barrière aux contamination bactérienne.
4 et 13 chalazes : filaments d’albumines qui ancrent le jaune au centre de l’œuf.
5 et 12 blanc interne et externe : albumen fluide.
6 blanc intermédiaire : albumen visqueux, principale source de protéine et de riboflavine. Ressemble à l’albumen fluide
dans les oeufs de mauvaise qualité (cf figure d’étalement des œufs ci-dessous).
7 peau du jaune : enveloppe qui maintient le jaune.
8, 10 et 11 jaune : principale source de vitamines, minéraux, lipides et de la moitié des protéines ; sa couleur dépend de la
nourriture de la poule.
9 germe : œuf primordial, contient le matériel génétique de la poule (en général non fécondé).
14 poche à air : se forme entre les deux membranes (sa taille augmente avec l’évaporation du blanc à travers la coquille
poreuse et est donc un indicateur de la fraîcheur de l’œuf).
1. coquille calcaire 2. membrane externe 3. membrane interne 4. chalaze 5. blanc d'œuf (ou albumen) externe (fluide) 6. blanc d'œuf (ou albumen) intermédiaire (visqueux) 7. peau du jaune d'œuf 8. jaune d'œuf (ou vitellus) formé 9. germe 10. jaune d'œuf jaune 11. jaune d'œuf blanc 12. blanc d'œuf interne (fluide) 13. chalaze 14. chambre à air 15. cuticule
Différents étalements d’œuf frais : noter l’évolution de l’épaisseur du blanc selon la qualité de l’œuf (d’en haut à gauche à en bas à droite).
56
Propriétés fonctionnelles de l’oeuf
Pouvoir coagulant
Les protéines de l’œuf sont à l’origine de cette coagulation. Elle se fait sous l’action d’agents
physiques (chaleur, action mécanique) ou chimiques.Cette propriété est recherchée dans les industries
de cuisson comme la pâtisserie (flans) ou la charcuterie (quenelle, saucisse de volaille).
Pouvoir anti-cristallisant et moussant
Il est surtout utilisé en confiserie ou l’addition de 3 % de blanc d’œuf permet de limiter la formation de
cristaux de saccharose (texture désagréable du produit). Une légère augmentation de la température au
cours du battage (-> 40 °C) améliore les capacités moussantes du blanc. L’homogénéisation douce, la
présence d’additifs acidifiants (acide citrique), de sucre augmente la stabilité de la mousse. Le pouvoir
moussant est essentiellement utilisé en biscuiterie (meringue, biscuits à la cuillère).
Pouvoir émulsifiant
Pour qu’une émulsion soit stable, il est nécessaire qu’elle contienne un agent tensioactif qui diminue la
tension entre deux phases ou un agent épaississant qui augmente la viscosité de la phase continue. Le
pouvoir tensioactif du jaune est du à la présence de phospholipides (lécithine) et de cholestérol. De
plus la viscosité du jaune donne de la viscosité aux émulsions. Le pouvoir émulsifiant du jaune est
utilisé dans les industries de la mayonnaise, des sauces émulsionnées et des crèmes glacées.
57
III.3. Farine
Le blé
Le blé est une plante annuelle appartenant à la famille des graminacées. Les racines du blé sont
fibreuses, sa tige, haute, est généralement creuse, entrecoupée de noeuds où prennent naissance les
feuilles. Le sommet de la tige porte une grappe de fleurs qui se transforment en grains, constituant un
épis.
Il existe un très grand nombre de variétés de blé. A titre d'exemple, plus de 200 variétés sont cultivées
en France. Ce sont les cultivateurs et les producteurs qui essaient d'adapter au mieux ces variétés en
fonction de la nature du sol et du climat de la région, afin d'obtenir le meilleur rendement possible.
Toutes les différentes variétés de blé sont classées en trois grandes catégories :
Les blés tendres : la plupart des blés cultivés en France appartiennent à cette catégorie. Les grains des
blés sont arrondis, les enveloppes sont épaisses, sans transparence. Ils se prêtent particulièrement bien
à la mouture ; en effet, lors du passage entre les cylindres, les enveloppes s'aplatissent et s'ouvrent sans
se broyer, libérant l'amande et donnant une très forte proportion de son. Les blés tendres permettent
d'obtenir une farine de bonne qualité, contenant environ 8 à 10 % de gluten, ayant de bonnes aptitudes
pour la panification.
Les blés durs : cette catégorie de blé est cultivée dans les pays de climat chaud et sec. En France, il en
est récolté seulement quelques variétés en Provence. Les grains de blés durs sont allongés, souvent
même pointus, les enveloppes sont assez minces et légèrement translucides. Ils donnent moins de son
que les blés tendres et la farine obtenue, bien que contenant plus de gluten (12 à 14 %), se prêtent
moins bien à la panification.
Les blés mitadins : ces blés cultivés dans le midi de la France et dans les pays chauds (Afrique du
Nord) ont des caractéristiques et des qualités intermédiaires entre les blés tendres et les blés durs. Les
grains sont plus plats que les grains de blé tendre et moins longs que ceux du blé dur. Les enveloppes
assez résistantes sont d'une épaisseur moyenne. Contenant du gluten de très bonne qualité, les blés
mitadins sont parfois employés comme des blés de force, mélangés à des blés tendres, ce qui donne
des farine de très bonne qualité pour la panification.
Depuis la fécondation des fleurs, les grains de blé se sont formés ; ils ont grossi peu à peu et mûri au
soleil. Chaque épis en porte de 45 à 60 environ. La taille du grain de blé est d'environ 6 mm, sa
couleur varie du jaune pâle à l'ocre roux, selon la variété du blé. Sa forme rappelle celle d'un petit
oeuf, marqué toutefois sur toute sa longueur par une légère fente : le sillon où se trouve le faisceau
nourricier du grain. Une fine brosse de poils est attachée à son extrémité la plus arrondie.
58
Le grain de blé comprend trois parties principales :
- l'enveloppe (14 à 16 % du poids du grain),
- l'amande farineuse (81 à 88 % du poids du grain),
- le germe (2,5 à 3 % du poids du grain).
Après la mouture, l'enveloppe détachée de l'amande, forme les sons. Le péricarpe, dur et résistant
protège la graine. L'assise protéique permet de faire adhérer très fortement les membranes de
l'enveloppe sur l'amande.
L'amande farineuse (ou albumen) est la partie du grain qui donne la farine. Elle est blanche et
farineuse dans les blés tendres ; dans les blés durs, sa couleur tire davantage sur le jaune. Cette amande
est constituée d'un ensemble de cellules renfermant les grains d'amidon réunis entre eux par une sorte
de ciment naturel, le gluten.
Le germe est situé à la plus grosse extrémité du grain, il se divise en deux parties principales :
- l'embryon qui comprend des feuilles, des bourgeons et des racines, le tout à l'état
rudimentaire,
- le scutellum qui renferme des protéines, des matières grasses, des vitamines (B1) et une
faible quantité d'amidon. Lors de la germination, il cède ses ressources à l'embryon qui se
développe. Il devient ensuite un organe de digestion servant à transférer les matières nutritives
de l'amande vers la jeune plantule.
Composition moyenne du grain de blé :
- eau 12 à 18 %
- glucides (amidon et sucres) 63 à 74,5 %
- protéines (gluten) 8 à 12 %
- lipides 1,5 à 2 %
- cellulose 2,5 à 3 %
- matières minérales 1,5 à 2 %
Répartition dans le grain de blé de ces composants :
- péricarpe ou enveloppes = cellulose + matières minérales
- assise protéique = protéines (gluten) + lipides + matières minérales + vitamines
- albumen amylacé ou amande = glucides + protéines + lipides + matières grasses + vitamines
- germe = protéines (gluten) + lipides + matières minérales + vitamines
59
La farine
Pour 100 kg de blé, la quantité moyenne de farine que l'on cherche le plus souvent à obtenir est de
75 kg. Il y a 2 % de perte et les 23 kg restants forment les "issues". Le taux d'extraction, c'est-à-dire
la quantité de farine produite est de 75 %. Mais le travail sur les grains écrasés peut être continué en
vue d'obtenir un taux d'extraction de 92 à 96 %.
La farine la plus blanche est faite essentiellement avec l'amande du grain de blé. Elle est très pure
parce que son taux de cendres, c'est-à-dire la quantité de débris encore mélangés, est très faible. En
ce qui concerne la production de farine, tout est parfaitement réglementé et il existe un certain
nombre de types de farine bien déterminés. C'est en fonction du poids de cendres contenu dans les
100 g de matières séches que l'on désigne les grands types de farine. Les cendres sont des matières
minérales principalement contenues dans les sons.
Types Taux Cendres HumiditéTaux moyen
d'extractionUtilisation
45 moyen:0,50 15,5 67 Pâtisserie
55 de 0,50 à 0,60 15,5 75 Pain ordinaire
65 de 0,62 à 0,75 15,5 78 Pains spéciaux
80 de 0,75 à 0,90 15,5 80-85 Pains spéciaux
110 de 1,00 à 1,20 15,5 85-90 Pain bis
150 plus de 1,40 15,5 90-98 Pain complet
Classification des farines par type
Le taux de cendres est la quantité de matières minérales, principalement contenues dans le son et
encore mélangées à la farine. Plus la farine est pure, plus le taux de cendres est faible. Ce taux est
réglementé par les pouvoirs publics, tout comme le reste du travail et de la production d'ailleurs. Cette
réglementation permet le classement des farines selon un certain nombre de critères bien déterminés.
Composition de la farine (type 55)
- eau 0,5 à 15,5 %
- amidon 60,0 à 72,0 %
- sucres 1,0 à 2,0 %
- protéines (gluten) 8,0 à 12,0 %
- lipides 1,2 à 1,4 %
- matières minérales 0,5 à 0,6 %
- cellulose quelques traces
60
L'amidon est le principal composant de la farine. Il est insoluble dans l'eau froide, mais chauffé en
présence d'excès d'eau, il se transforme en un gel ou "empois", selon un processus appelé empesage.
Les grains d'amidon absorbent de l'eau, gonflent et éclatent, se soudant les uns aux autres. Ce
gonflement est particulièrement net à partir de 55° C et se poursuit aux températures plus élevées.
L'amidon glonflé, occupe un volume égal à 30 fois son volume initial. Le refroidissement de l'empois
s'accompagne d'une transformation de l'amidon qui se prend en masse et se solidifie.
Les protéines de la farine de blé ont la particularité, lorsqu'elles sont suffisamment hydratées et
malaxées, de se grouper en un réseau que l'on appelle le gluten. Ce dernier transmet à la pâte ses
caractéristiques d'extensibilité, d'élasticité, de tenacité, de cohésion et de rétention gazeuse. Le gluten
est insoluble dans l'eau et renferme approximativement 90 % des protéines de la farine. En effet, une
petite quantité, 10 % environ, est soluble dans l'eau. On considère que ces protéines servent
uniquement à nourrir la levure pendant la fermentation de la pâte.
L'eau : le taux moyen d'humidité de la farine est de 15,5 %. Celui-ci a tendance à croître ou à diminuer
en fonction des conditions atmosphériques. Une trop forte proportion d'humidité peut provoquer la
formation de moisissures ou la fermentation de la farine, ce qui amoindrirait les qualités de celle-ci.
Les cendres : le taux de cendres d'une farine est la quantité de matières minérales qu'elle contient.
C'est un indice du degré de pureté, car la plupart des matières minérales du blé se trouvent dans le son
et les cellules de l'assise protéique. Comme le montre le tableau de la classification des farines, le taux
de cendres augmente en fonction du taux d'extraction.
Les matières grasses n'entrent que pour une faible part dans la composition de la farine. Un taux trop
important diminue les propriétés mécaniques du gluten : principalement l'extention et la rétention des
gaz pendant la fermentation de la pâte.
Les sucres : malgré leur faible proportion, jouent un rôle prépondérant dans la fermentation panaire, en
tant que substance nutritive des cellules de levure, avant que la transformation d'amidon en glucose et
lévulose nécessaire au développement de l'action de la levure ne se soit produite.
Différents types de farine
La farine sans autre qualificatif précisant l'espèce du grain broyé, est le produit de la mouture du grain
de blé, industriellement pur et nettoyé. Elle est parfois appelée farine de froment ; le froment étant une
des meilleures espèces de blé cultivées.
La farine de gruau provient des blés exotiques (durs) qui subissent une mouture spéciale. Le taux
d'extraction est faible et seule la partie centrale de l'amande (les gruaux) est utilisée. Employée seule,
61
cette farine donne trop de corps à la pâte, elle est pour cette raison mélangée avec de la farine
ordinaire, le plus souvent à raison de 50 %. En boulangerie, la farine de gruaux est employée pour la
fabrication de spécialités, en pâtisserie, principalement pour la préparation des pâtes feuilletées, des
pâtes levées et des pâtes levées feuilletées.
La farine de force est obtenue à partir de blés durs. Elle est moins fine que la farine de gruaux mais est
employée dans les mêmes conditions pour la confection de certaines viennoiseries et spécialités de
pain.
Les types de farine ont des usages différents, en voici quelques exemples :
- type 45 : tous travaux en pâtisserie
- type 55 : en boulangerie, farine de panification, et viennoiserie
- type 110-150 : spécialités en boulangerie (pain au son, pain complet).
Les qualités de farine :
La farine fleur (ou farine de première qualité) : Cette farine est d'un blanc brillant (tirant légèrement
sur le crème), sans piqûres visibles à l'oeil nu. Les piqûres sont de fins débris de son (ou d'issue)
dispersées dans la farine que l'on remarque lorsque le taux d'extraction est élevé. La farine fleur résulte
du mélange des farines de broyage et de celles obtenues par convertissage des premiers gruaux se
trouvant au centre du grain. C'est cette farine qui est le plus souvent employée en pâtisserie en raison
de sa pureté qui en fait un produit de qualité.
La farine de deuxième qualité : Elle est d'un blanc plus mat tirant davantage sur le crème. Des piqûres
sont perceptibles à sa surface.
La farine de troisième qualité : Elle est grisâtre et assez chargée en piqûres. Cette farine, dont le taux
de matières grasses est élevé, est de moindre qualité et ne convient pas pour les travaux de pâtisserie.
Pour assurer la bonne conservation des farines, il est conseillé de ne stocker que la quantité nécessaire
aux besoins de la fabrication. Les moulins effectuant leur livraison régulièrement, les sacs de farine
seront ensuite emmagasinés à l'abri de la chaleur et de l'humidité.
62
III.4. Viande59 et poisson60
La viande est constituée par la chair de certains animaux consommés par l'homme. Ces animaux sont
les animaux de boucherie, les animaux de basse-cour et les gibiers. La viande est un aliment de grande
valeur nutritionnelle par sa richesse en protéines, (de 20 à 30 % selon les types de viandes) et surtout
par le fait qu'elle apporte des acides aminés essentiels, ceux que l'organisme humain est incapable de
synthétiser. La viande est également une source intéressante de fer et de vitamines du groupe B,
notamment la vitamine B12 antianémique. Elle apporte également des quantités notables de lipides et
de cholestérol.
Les muscles sont une forme contractile des tissus des animaux. Ils forment l'un des cinq types
majeurs de tissus, les autres étant le tissu épithélial, le tissu conjonctif, le tissu nerveux et le sang.
Le collagène est une glycoprotéine fibreuse dont le rôle peut être comparé à une armature. Il est
secrété par les cellules des tissus conjonctifs. Contrairement à l'élastine presente aussi dans les tissus
conjonctifs, le collagène est inextensible et résiste bien à la traction. Il est constitué de différents types
selon leur localisation. Il est notamment indispensable aux processus de cicatrisation. 59 Au sujet de la viande, il existe un site très complet http://www.aps.uoguelph.ca/~swatland/gasman.html (en anglais). 60 A venir…
63
Les chaînes glycoprotéiques constitutives du collagène sont appelées chaînes α; il en existe
plusieurs types (α1(I), α1(II), α1(III), α1(IV), α2...), et leur structure primaire est: Gly-X-Y, répété de
nombreuses fois. Dans 13% des cas X est une proline, et dans 9% des cas Y est une hydroxyproline.
Ces chaînes s'assemblent par trois pour former une triple hélice, compacte, régulière et hydrophobe,
appelée procollagène; la solubilité du procollagène est assurée par les extrémités N et C terminales,
qui ne sont pas enroulées en triple hélice. Puis ces extrémités sont coupées; la molécule prend alors le
nom de tropocollagène, et s'assemble avec ses sœurs pour former les fibrilles de collagène. Ces
fibrilles sont alors regroupées par un cément pour former les fibres de collagène.
90% du collagène d'un vertébré est de type I. Il constitue la trame de l'os (à comparer aux armatures du
béton armé), et plus généralement des tissus conjonctifs banals. On le rencontre dans les os, la peau,
les tendons, la cornée et les organes internes.
La gélatine est une substance solide translucide, transparente ou légèrement jaune, presque sans
goût et sans odeur, obtenue par l'ébullition prolongée de la peau animale et des tissus conjonctifs. La
gélatine est un produit protéiné obtenu par hydrolyse partielle du collagène extrait de la peau, des os,
des cartilages, des ligaments, etc. Les liaisons moléculaires entre les brins de collagène sont alors
brisés. La gélatine fond lorsqu'elle est chauffée et se solidifie lorsqu'elle est refroidie. Mélangée à de
l'eau, elle forme un gel colloïdal semi-solide.
64
III.5. Végétaux
Les végétaux sont composés de cellules entourées d'une paroi faite notamment de trois
polysaccharides: la cellulose, les hémicelluloses et les pectines. Ces dernières sont comme de longs
fils hérissés de groupe acide carboxylique dont certains sont méthylés. Lors du chauffage des tissus
végétaux (cuisson), l'amollissement résulte d'une dissociation des pectines (qui formaient un ciment
intercellulaire) d'autant plus forte que le degré de méthylation est élevé.
Légumes
En cuisine, un légume est la partie comestible d'une plante potagère ou d'une plante sauvage cueillie
dans la nature. Plus généralement, légume désigne l'accompagnement d'un plat de viande. Au jardin,
un légume est une plante, dont on consomme tout ou partie (bulbe, racine, feuille, fruit, graine...) à
l'état frais (légumes frais) ou à l'état sec (Légumes secs), généralement dans une préparation salée.
Généralement, les légumes correspondent à des plantes potagères, qui sont des angiospermes.
Mais la correspondance n'est pas parfaite : certaines plantes potagères produisent des fruits,
consommés normalement en dessert, par exemple le fraisier, la pastèque. Pour le melon, on peut
hésiter entre légume et fruit, puisque ce fruit se consomme aussi bien en entrée qu'au dessert. D'autres
fournissent des condiments, les fines herbes, mais certaines sont à la fois condiment et légume : l'ail,
l'oignon... Certains légumes n'ont rien à voir avec une plante potagère, par exemple le chou palmiste
ou la banane plantain, voire le champignon de Paris. Certains fruits sont parfois accommodés comme
légumes, par exemple la pomme qui accompagne traditionnellement le boudin ou l'orange dans le
canard aux oranges.
Selon la partie de la plante qui est consommée, on distingue plusieurs catégories de légumes :
• les légumes-feuilles, dont les salades constituent une catégorie particulière : céleri, chou,
épinard, fenouil, oseille, bette, rhubarbe, etc.
• Les salades, qui ne sont consommées qu'accompagnées d'un assaisonnement du fait de leur
fadeur naturelle : endive, laitue, mâche, romaine, scarole, etc.
• les légumes-tiges : poireau, asperge, chou-rave, pousses de bambous, etc.
• les légumes-fleurs dont on consomme les inflorescences : artichaut, chou-fleur, brocoli,
câpres, etc.
• Les légumes-racines : betterave, carotte et panais, navet, radis, salsifis, cerfeuil tubéreux, etc.
• Les bulbes (souvent utilisés comme condiments) : ail, échalote, oignon.
• Les tubercules : crosne du Japon, igname, patate douce, pomme de terre, topinambour, etc.
• Les légumes secs, dont on consomme les graines, essentiellement représentés par des
légumineuses, ils sont consommés frais ou secs, mais peuvent être conservés à l'état sec : fève,
haricot, lentille, pois, pois chiche, soja.
65
• Les légumes-fruits, consommés en tant que légumes, mais constituant le fruit, au sens
botanique, de la plante : aubergine, avocat, concombre, cornichon, courge, melon, olive,
pastèque, poivron, piment, tomate, etc.
• Les « fines herbes », utilisées comme condiments : cerfeuil, persil, estragon, ciboulette,
laurier, etc.
Fruits
En cuisine, un fruit, au sens large, est un aliment végétal sucré et est considéré essentiel à
l'alimentation en apportant certaines vitamines et des fibres. On y distingue généralement:
• les agrumes : citron, orange, pamplemousse
• les baies : fraise, groseille, raisin
• les fruits à pépins : pomme, poire
• les fruits à noyaux : abricot, cerise, pêche
• les fruits à coque : noisette, noix
• les fruits exotiques: ananas, banane, kiwi, mangue
Le concept culinaire de fruit recouvre en grande partie le concept botanique, mais de nombreux
fruits botaniques sont considérés en cuisine comme des légumes (aubergine, concombre, haricot, maïs,
tomate, olive, avocat…), d'autres encore comme des épices (noix de muscade, poivre, vanille,
piment…). Avec les grains des graminées (blé, riz), qui sont d'ailleurs un type de fruit particulier, le
caryopse, ils forment une partie essentielle de l'alimentation. A contrario, certains fruits au sens
culinaire sont en botanique des faux fruits, qui résultent de l'évolution non de l'ovaire mais d'autres
organes, notamment le réceptacle floral : fraise, figue, ananas.
66
IV. Un peu de physiologie
IV.1. Le goût61
L'aspect, l'odeur, la saveur, l'arôme, la texture sont autant de paramètres qui participent à l'appréciation
d'un aliment. Tous nos sens conditionnent les goûts62 que nous percevons et envoient au cerveau une
multitude de messages destinés à nous faire reconnaître ce qui est bon.
D'abord, un peu de vocabulaire (d'après le petit Robert)
Goût: 1. sens grâce auquel l'homme et les animaux perçoivent les saveurs propres aux
aliments
2. Saveur
Gustatif: qui a rapport au goût
Gustation: perception des saveurs par le goût
Saveur: qualité perçue par le sens du goût
Sapide: qui a un goût, une saveur
Sapidité: caractère de ce qui est sapide
Odorat: sens grâce auquel l'homme et les animaux perçoivent les odeurs
Odeur: émanation volatile, caractéristique de certains corps et susceptible de provoquer chez
l'homme ou chez un animal des sensations dues à l'excitation d'organes spécialisés
Odorant: qui exhale une odeur (généralement bonne)
Odoriférant: qui possède une odeur agréable que l'on utilise
Olfaction: fonction par laquelle l'homme et les animaux perçoivent les odeurs
Olfactif: relatif à l'odorat, à la perception des odeurs
Sentir: 1. avoir la sensation de (une odeur)
2. dégager, répandre une odeur de
Senteur: odeur agréable, parfum
Fragrance: odeur agréable
Parfum: odeur agréable et pénétrante
Arôme: odeur agréable de certaines essences naturelles de végétaux, d'essences chimiques ou
d'acides volatils
Bouquet: parfum d'un vin, d'une liqueur
Effluve: émanation qui se dégage des corps organisés ou de certaines substances, altérées ou non
61 Voir à ce sujet les annexes A.6, A.11, A.12 et A.17. 62 Le vocabulaire français entretient une confusion au niveau du terme « goût » car, dans le langage courant, on dit par exemple « goût de fraise » ou « goût de fumée » pour désigner des arômes. Le terme arôme, qui conviendrait en l'occurrence, est sous-utilisé et souvent compris comme arôme ajouté ou même synthétique (comme dans « chewing-gum arôme banane »).
67
Emanation: émission ou exhalaison de particules impalpables, de corpuscules subtils qui se
détachent de certains corps
Fleurer: répandre (une odeur agréable)
Exhaler: dégager de soi et répandre dehors (une chose volatile, odeur, vapeur, gaz)
Exhalaison: ce qui s'exhale d'un corps
Exhalation: action d'exhaler
Fumet: 1. odeur agréable et pénétrante émanant de certaines viandes pendant ou après la
cuisson
2. bouquet (d'un vin)
3. sauce faite de jus de viande assaisonné de truffes et de champignons
4. émanation odorante
Flaveur: sensation provoquée conjointement par le goût et l'odeur d'un aliment
Essayons de synthétiser tout ça
Le goût est un ensemble de sensations qui, une fois perçu de façon physiologique (le goût dépend des
circonstances, de l’environnement, de l’état de santé, de la culture, de l’histoire individuelle...), est
interprété par le cerveau, qui lui associe des qualités d’après les expériences individuelles ou sociales
(souvenirs, émotions, apprentissages, etc.). Il fait appel aux récepteurs
visuels: la vue est le premier sens qui nous renseigne; l'aspect (brillance, couleur) détermine
notre appréciation d'un aliment
tactiles: non par les doigts, dans nos cultures occidentales où nous mangeons avec des
couverts, mais par la mastication (les dents, notamment, transmettent des informations
mécaniques)
olfactifs: l'odeur perçue dans un premier temps résulte de l'évaporation de molécules
"aromatiques" initialement présentes dans l'aliment; puis, une fois l'aliment en bouche, ces
molécules remontent vers le nez par l'arrière de la bouche (fosses rétro nasales) pour donner ce
que l'on appelle la "rétro-olfaction". L'odorat par voie directe et rétro nasale est responsable de
90% de notre sensation gustative
gustatifs: certaines molécules solubles "sapides" de l'aliment passent dans la salive et se lient
aux récepteurs de la cavité buccale (regroupés en papilles) pour donner la saveur
trijéminaux: des récepteurs non-gustatifs intègrent aussi des informations somesthésiques sur
les aliments, transmises par le nerf trijumeau: température (chaud/froid), douleur (piquant),
texture (mou/dur, gras, mouillé)
auditifs: la mastication (notamment sur du croquant) produit des sons qui raisonnent dans la
tête…
Le goût est donc une sensation globale perçue par celui qui mange, superposition de perceptions
visuelle, tactile, olfactive, gustative, thermique, mécanique, affective, émotionnelle…
68
Un peu de physiologie
Perception des saveurs
Les cellules sensorielles spécialisées dans la gustation sont regroupées dans des structures sphériques
appelées bourgeons gustatifs. Chez l'Homme, il en existe environ 4000. Les bourgeons gustatifs sont
principalement localisés sur la face dorsale de la langue (75%), le reste étant distribué sur le palais, le
pharynx et même la partie supérieure de l'œsophage. Sur la langue, les bourgeons sont situés dans
l'épithélium au niveau des papilles linguales (caliciformes, fungiformes et filiformes). Chaque
bourgeon compte 50 à 150 cellules sensorielles entourées par des cellules de soutien. Le bourgeon
gustatif s'ouvre vers la cavité buccale par un pore.
Au XIXe siècle, le physiologiste Adolph Fick a défini quatre saveurs primaires ou fondamentales
qui seraient liées à quatre types de récepteurs sensoriels et quatre localisations sur la langue:
• sucré comme le saccharose;
• salé comme le chlorure de sodium;
• amer pour la quinine;
• acide pour le citron ou l'acide chlorhydrique par exemple.
Cette théorie a été corrigée par Hanig (1901), qui a montré que les goûts primaires sont perçus par
toutes les papilles, quelle que soit leur localisation, mais la sensibilité à un goût particulier est plus
grande dans certaines régions de la langue. Un cinquième type de goût est apparu depuis : l'umami,
que l'on trouve dans un sel: le monoglutamate de sodium, et d'autres devraient suivre63…,
D'autres personnes font appel à une conception moins segmentée et plus synthétique, basée sur
une perception globale, considérant que la classification des goûts en cinq goûts primaires est
réductrice. Il y a d’autres saveurs qui n’entrent pas dans cette classification: saveurs métalliques,
saveur grasse, saveur de l’amidon, … De plus, il est difficile de ne pas tenir compte d'autres sensations
telles que l'astringente (airelles, thé, tanins), le piquant (piment, gingembre), etc.
En outre, les réponses gustatives varient selon les individus. Ainsi, par exemple, le goût du
phénylthiocarbamide (saveur amère) n’est pas perçue par environ 35% de la population. Les molécules
sapides ne génèrent une sensation qu'au-delà d'une certaine concentration, on parle de seuils de
détection. Pour indication, on donne souvent
- salé : 10 mM
- sucré : 10 mM (saccharose 20mM)
- acide : 900 µM (acide citrique 2 mM)
- amer : 8 µM (quinine 8 µM, strychnine 100 nM)
63 Se reporter à ce sujet aux différents textes en annexe (notamment le cours de Jane Zimmerman à l'annexe A.17).
69
Perception des odeurs64
64 En construction…
70
Quelques autres considérations sur le goût65
L'ennui naît de l'uniformité, et des phénomènes d'habituation ou de fatigue gustative affadissent
progressivement les aliments. La concentration des goûts n'est sans doute pas la solution, on pensera
plutôt à créer des contrastes par juxtapositions nettes (sec/humide, dur/mou, cuit/cru, chaud/froid,
sucré/salé, acide/basique, etc66.) ou variations progressives (gradients).
Enfin, on a trop dit que "les plats sont bons quand ils ont le goût de ce qu'ils sont", ce qui n'a pas
beaucoup de sens, tout l'art du cuisinier consistant justement à ajouter du goût et transformer les
goûts de base que lui fournis la nature!
65 Consulter "Une théorie du goût", par Hervé This (annexe A.6). 66 Nous n'avons cité ici que les juxtapositions spatiales, mais on pourrait évidemment aussi envisager une juxtaposition temporelle en jouant sur la longueur en bouche des aliments (penser aux "notes de tête" et "notes de queue" des parfums).
71
IV.2. Digestion et nutrition67
Pourquoi mange-t-on?
Les besoins nutritionnels de notre organisme représentent les quantités de substances alimentaires
essentielles nécessaires pour assurer une bonne croissance et le maintien d'une bonne santé. Afin de
répondre à ses besoins nutritionnels, l'organisme possède un signal distinctif: la sensation de la faim. À
première vue, la faim nous pousse à chercher de la nourriture par plaisir, mais ce serait plutôt
principalement pour fournir au corps les substances qui lui sont indispensables. Si le corps n'en reçoit
pas suffisamment, il manifestera des signes de carence par divers symptômes, dont la fatigue, des
problèmes de concentration, de l'essoufflement, certaines infections fréquentes, etc. Tout ce
qu'effectue le corps humain (dormir, manger, bouger, grelotter) dépend du travail des cellules, et, pour
un bon fonctionnement de l'organisme, celles-ci exigent une quantité minimale de substances
alimentaires diversifiées.
On distingue trois types de substances alimentaires aux rôles bien distincts:
- les éléments de synthèse qui assurent la croissance et la multiplication des cellules ainsi que
l'entretien normal du corps; ce sont les protéines et certains minéraux (calcium, magnésium et
phosphore);
- les substances énergétiques qui jouent un rôle dans la fabrication des cellules, dans la
digestion ou tout simplement dans le maintien des fonctions corporelles telle la température
constante du corps: ce sont les glucides et les lipides;
- les substances régulatrices qui permettent une utilisation efficace des substances
énergétiques et des éléments de synthèse par le corps, plus spécifiquement les cellules; il s'agit
de l'eau, des vitamines et des minéraux.
Le rôle des aliments
Les protéines
Elles tirent leur nom du mot grec protos qui signifie «premier» ou «de première importance», car elles
sont les constituants de base des cellules vivantes. Les protéines servent à la construction, à la
réparation et à l'entretien de l'organisme, fonctions essentielles de la matière vivante. De plus, elles
accélèrent certaines réactions biochimiques (enzymes), agissent comme messagères hormonales,
comme constituantes du système immunitaire ainsi qu'à titre de neurotransmetteurs. Lorsque l'apport
alimentaire en glucides et en lipides est insuffisant, elles peuvent être utilisées comme source
d'énergie; ainsi, un gramme de protéines fournit 4 kilocalories (17 kJ).
67 Chapitre notamment inspiré de l'Encyclopédie visuelle des aliments de Jacques Fortin (Chariot d'Or, 2005).
72
Composées d'acides aminés dans des proportions relatives différentes, on dit des protéines qu'elles
sont «complètes» ou «incomplètes». Parmi les 20 acides aminés dont elles peuvent être composées, 8
sont dits «essentiels» car l'organisme ne peut les fabriquer, tandis que les autres peuvent être
synthétisés par le corps humain. Les protéines d'origine animale sont dites complètes et celles d'origine
végétale sont qualifiées d'incomplètes. C'est pourquoi le végétalisme ou végétarisme strict exige la
consommation d'une grande variété de protéines végétales afin d'obtenir tous les acides aminés
essentiels dans des proportions idéales. Car si un des acides aminés n'est pas présent en quantité
suffisante, il constitue un «facteur limitant», ce qui fait que la synthèse ne peut utiliser les autres
acides aminés que dans la limite où le moins abondant est présent. Par contre si on associe une
protéine pauvre en un certain acide aminé à une protéine riche en cet acide aminé, c'est le phénomène
de la complémentarité et la valeur biologique de l'ensemble s'en trouve améliorée.
La viande, la volaille, le poisson, les oeufs et les produits laitiers constituent les principales
sources de protéines animales. Les protéines végétales proviennent des légumineuses, des noix et
graines et des produits céréaliers. Ces dernières sources sont à privilégier puisqu'elles ne renferment
que peu de matières grasses tout en étant riches en fibres alimentaires.
Les glucides
Ils tirent leur nom de glucis qui signifie «doux». Ils représentent la principale source d'énergie
nécessaire au métabolisme et fournissent l'énergie nécessaire au fonctionnement du cerveau et du
système nerveux. Ils sont également un des éléments constituants des membranes cellulaires.
Puisqu'ils sont digérés rapidement, les glucides libèrent leur énergie de façon relativement plus rapide
que les protéines et les lipides. Les glucides fournissent 4 kilocalories par gramme (17 kJ). On
distingue trois principales sortes de glucides:
- les glucides simples formés d'un ou de deux sucres tels que le glucose, le fructose, le
saccharose et le lactose. Ces glucides sont absorbés par l'organisme sans avoir été
préalablement digérés; on les retrouve dans les fruits, les légumes et le miel, ainsi que dans le
sucre de table (cassonade, sirop de maïs, mélasse, sirop d'érable);
- les glucides complexes constitués de trois sucres ou plus, tels que l'amidon, le glycogène et la
cellulose; ils doivent être brisés lors de la digestion afin d'être absorbés sous forme de glucides
simples par l'organisme. On les retrouve dans les produits céréaliers, les légumineuses, les
noix et les graines, ainsi que dans certains légumes féculents tels que la pomme de terre, les
pois verts, le maïs et la patate douce;
- les fibres alimentaires composées en grande partie de glucides et aussi d'éléments de la
structure de la plante qui résistent à la digestion. Les fibres ne sont pas nécessairement solides
et filamenteuses (fibres insolubles), elles peuvent aussi se retrouver sous forme de gélatine et
de mucilage (fibres solubles). N'étant pas digérées, les fibres ne fournissent pratiquement pas
d'énergie; elles contribuent plutôt à stimuler le fonctionnement de l'intestin. Leur efficacité est
reconnue quant à la prévention et au traitement de la constipation. Les fibres se retrouvent en
73
proportions variables dans les produits céréaliers surtout à grains entiers, les légumineuses, les
légumes et les fruits, ainsi que les noix et graines.
Les lipides
Ils tirent leur nom du grec lipos qui signifie «graisse». Malgré leur mauvaise réputation, il faut
rappeler que les lipides sont nécessaires au maintien d'une bonne santé: ils contribuent à la formation
des membranes des cellules, à la synthèse des hormones; ils donnent de la saveur aux aliments et
procurent une sensation de satiété; sans oublier qu'ils représentent une source concentrée d'énergie: 9
kilocalories par gramme de lipides (37 kJ), soit deux fois plus que les glucides ou les protéines. De
plus, les lipides servent de moyen de transport à certaines vitamines dites «liposolubles» (solubles
dans les graisses) (A,D,E et K) et facilitent ainsi leur absorption. Ils fournissent les acides gras
essentiels, soit l'acide linoléique et l'acide alpha-linoléique, les seules matières grasses dont le corps ne
peut se passer car il ne peut les fabriquer lui-même. Ces acides gras essentiels assurent l'intégrité de
toutes les cellules du corps en leur permettant de faire les bons échanges avec l'extérieur et de protéger
leur contenu intérieur. Ces acides gras essentiels se retrouvent principalement dans les céréales à
grains entiers, dans les huiles et dans les noix et graines.
Dans les aliments, la plupart des lipides se retrouvent sous forme de triglycérides qui, eux, sont
composés d'acides gras. Ces acides gras peuvent être polyinsaturés, monoinsaturés ou saturés68, selon
la présence ou l'absence de doubles liaisons entre les atomes de carbone dont ils sont composés. Ces
acides gras sont en proportions variables dans les huiles et les corps gras. Généralement, on dit que les
aliments d'origine animale contiennent plus d'acides gras saturés que les aliments d'origine végétale.
Font exception à cette règle les huiles de noix de coco et de palme qui sont en grande partie saturées et
les poissons et fruits de mer qui contiennent une bonne part d'acides gras polyinsaturés. Les acides
gras polyinsaturés se retrouvent principalement dans les huiles végétales et les monoinsaturés, dans
l'huile d'olive, l'huile de noisette, l'avocat et les amandes.
Les vitamines
Elles tirent leur nom de l'anglais vitamin, lui-même construit à partir du latin vita qui signifie «vie». Il
s'agit de substances organiques indispensables mais présentes en quantités infimes, et que fournit
l'alimentation; on compte 13 vitamines essentielles. Tout en ne fournissant aucune énergie, elles
assurent la transformation des lipides et glucides en énergie utilisable par le corps humain; elles sont
nécessaires pour assurer la croissance, la reproduction et le bon fonctionnement de l'organisme.
68 Le cholestérol est une sorte de gras que l'on retrouve normalement dans le sang et qui est essentiel à la synthèse des
hormones sexuelles, des acides biliaires, des membranes cellulaires et de la vitamine A. Seuls les aliments d'origine animale contiennent du cholestérol; il n'y en a aucune trace dans les aliments d'origine végétale. Contrairement aux acides gras essentiels, le cholestérol est fabriqué par le corps humain à environ 70%, le reste étant fourni par l'alimentation. Il n'y a pas de risque de déficience, même avec une alimentation qui en serait exempte. En fait, le cholestérol alimentaire n'a que peu d'influence sur le cholestérol sanguin, ce dernier est beaucoup plus influencé par les acides gras. Les acides gras saturés ont pour effet de faire augmenter le cholestérol sanguin surtout chez les personnes qui en consomment beaucoup et qui sont vulnérables. Par contre les acides gras polyinsaturés et monoinsaturés ont tendance à faire diminuer le taux de cholestérol sanguin. Comme on le sait, les graisses alimentaires sont étroitement associées aux maladies coronariennes. Selon des études cliniques, il semblerait qu'une consommation modérément réduite en matières grasses, dont on aurait plus spécifiquement diminué les gras saturés et augmenté les gras monoinsaturés et polyinsaturés, permettrait de diminuer de façon significative les risques de maladies coronariennes.
74
Chacune joue un rôle spécifique, sans qu'elles puissent être remplacées par une autre, car elles n'ont
aucune similitude de leur structure. Il est possible de les regrouper en vitamines hydrosolubles
(solubles dans l'eau) et liposolubles (solubles dans les graisses).
Parmi les vitamines hydrosolubles, on trouve la vitamine C et les vitamines B qui comprennent la
thiamine (B1), la riboflavine (B2), la niacine (B3), le pantothénate (B5), la vitamine B6 ou pyridoxine,
la vitamine B12 ou cobalamine, la biotine et l'acide folique. Les vitamines hydrosolubles ne sont pas
stockées en quantités appréciables dans l'organisme; solubles dans l'eau, elles sont éliminées par
l'urine et la sueur; l'alimentation doit donc en fournir quotidiennement. On les retrouve principalement
dans les fruits et les légumes pour ce qui est de la vitamine C et dans les céréales à grains entiers, la
viande et les produits laitiers dans le cas des vitamines B. Les vitamines hydrosolubles agissent dans
un grand nombre de réactions biochimiques impliquées dans la régénération des cellules de la peau, du
sang et du système nerveux. Ainsi, la vitamine C, que l'on nomme également acide ascorbique,
participe à la formation du collagène, contribue à la résistance de la peau, des cartilages, des os, des
dents et des vaisseaux sanguins. Elle contribue également à l'absorption du fer contenu dans les
aliments. Les vitamines B agissent de concert; lorsqu'il y a déficience de l'une ou de l'autre, cela nuit à
l'utilisation de certaines d'entre elles. Elles sont particulièrement efficaces à transformer les protéines,
glucides et lipides en énergie et à la libérer dans l'organisme. Elles ont un rôle à jouer dans la
formation des anticorps et des globules rouges et assurent le bon fonctionnement du système nerveux
et digestif.
Le groupe des vitamines liposolubles comprend les vitamines A, D, E et K. Puisqu'elles sont
solubles dans les graisses, il est possible de les stocker dans la graisse corporelle ainsi que dans le foie.
Elles s'éliminent très lentement par la bile, et peuvent donc être toxiques si leur consommation est
excessive, surtout dans le cas des vitamines A et D prises sous forme de suppléments vitaminiques. La
vitamine A, que l'on trouve principalement dans les produits laitiers, le foie et le jaune d'oeuf, joue un
rôle important dans la vision en luminosité restreinte ainsi que dans le bon fonctionnement du système
immunitaire. Cette vitamine se retrouve aussi sous forme de précurseurs (le carotène, substance
présente dans les aliments, qui favorise la création de vitamines dans l'organisme) dans les fruits et les
légumes jaunes, verts ou orangés. On nomme parfois la vitamine D «vitamine soleil», car la peau
contient un précurseur qui, sous l'action des rayons ultraviolets du soleil, se transforme en vitamine D.
Cette vitamine favorise l'absorption du calcium et du phosphore pour assurer la formation du tissu
osseux. Une carence en vitamine D au cours de la croissance entraîne une malformation des os: le
rachitisme. Même si quelques minutes d'exposition au soleil suffisent à combler les besoins en
vitamine D, au Canada, le lait et la margarine sont enrichis de cette vitamine car les conditions
d'ensoleillement et les périodes d'exposition sont souvent insuffisantes. On trouve donc la vitamine D
dans le lait et également dans les oeufs, le foie et les poissons gras. La vitamine E est un agent
antioxydant qui empêche la formation de radicaux libres, substances qui stimulent la prolifération de
cellules pouvant s'avérer cancérigènes. On trouve la vitamine E principalement dans les huiles
végétales, le germe de blé et les huiles de poisson. La vitamine K est un facteur antihémorragique
nécessaire à la coagulation du sang, son nom vient d'ailleurs de l'allemand Koagulation. Plus de la
75
moitié des besoins sont produits par la flore bactérienne de l'intestin et on la trouve également dans les
épinards et le chou, ainsi que dans le lait, le foie et les oeufs, et ce, en quantités moindres.
Les minéraux
Ce sont des substances inorganiques qui contribuent au métabolisme des lipides, des glucides et des
protéines, à la formation du squelette et au bon fonctionnement du système nerveux et des muscles.
Tout comme dans le cas des vitamines, ils ne fournissent pas d'énergie. On trouve 22 minéraux
essentiels qui se regroupent en macrominéraux et microminéraux ou oligo-éléments.
- Les macrominéraux sont nécessaires en grandes quantités (d'où leur nom); il s'agit du
calcium, du phosphore, du magnésium, du sodium, du chlore et du potassium.
- Les microminéraux, dont seules d'infimes quantités sont nécessaires, comprennent le fer, le
zinc, le cuivre, l'iode, le fluor et le sélénium. Les minéraux sont présents dans un grand
nombre d'aliments souvent en petites quantités, mais suffisantes pour combler les besoins.
Font exception à cette règle le fer et le calcium dont les besoins sont plus importants tout en
étant, dans bien des cas, plus difficiles à combler. Dans l'alimentation, le fer se trouve dans les
viandes et substituts, principalement dans le foie et les légumineuses, ainsi que dans les
produits céréaliers et les légumes vert foncé. On trouve principalement le calcium dans les
produits laitiers et également dans les mollusques et les crustacés, les légumineuses, les
légumes verts, et les noix et graines. Il est donc important d'adopter une alimentation variée
afin de combler tous les besoins de l'organisme autant en protéines, en lipides, en glucides, en
vitamines et en minéraux.
L'eau
L’eau est le constituant le plus important de l'organisme: environ 55% du corps de l'adulte en est
constitué. Elle est indispensable à la vie, et on ne peut survivre que quelques jours sans eau. Elle joue
un rôle dans la thermorégulation du corps, dans la lubrification des articulations et la transmission du
son dans l'oreille, et elle sert également d'amortisseur dans le système nerveux. En fait, tous les
phénomènes physiologiques de l'être humain ont besoin d'eau pour assurer leur bon fonctionnement.
Elle est essentielle à la digestion, à l'absorption, à la circulation et à l'excrétion des déchets de
l'organisme ainsi qu'au transport des éléments nutritifs ou à la reconstitution des tissus. L'apport en eau
est réglé par la soif et devrait compenser la quantité éliminée, on conseille donc la consommation de
1,5 à 2 l de liquide par jour. Par liquide, on entend l'eau, le lait, le jus, le café, le thé, les tisanes et les
boissons gazeuses; les légumes et les fruits représentent aussi une source alimentaire de liquide
puisqu'ils sont composés de 60 à 90% d'eau.
76
Principe de la digestion
La digestion débute dans la bouche où la majeure partie des aliments est réduite de taille, mélangée
avec la salive et transformée en une masse semi-liquide. Celle-ci est envoyée dans l'oesophage
pour arriver ensuite dans l'estomac. Les aliments y sont attaqués par les sécrétions gastriques puis
passent dans le duodénum et l'intestin grèle proximal où ils rencontrent les sécrétions digestives en
provenance du pancréas, du foie et des cellules intestinales elles-mêmes. La réabsorption de la
grande majorité de ces aliments alors digérés a lieu dans l'intestin grèle (duodénum, jéjunum et
iléon). L'eau est réabsorbée dans le gros intestin (colon). Le contenu de la fin du gros intestin - les
selles - se compose de végétaux non réabsorbables et d'un minimum d'eau. Les selles sont stockées
dans le rectum jusqu'à ce qu'elles soient volontairement éliminées (c'est la défécation).
La digestion des glucides est une voie métabolique d’hydrolyse des polyosides en oligosides,
puis en oses simples, qui se déroule principalement dans l’intestin.
• La digestion des protéines résulte de l’action des protéases de l’estomac et de l’intestin. Les
acides aminés, mais aussi des peptides sont absorbés par l’intestin.
• La digestion des acides nucléiques ne se fait que dans l’intestin et aboutit à l’absorption de
nucléosides ;
• La digestion des graisses enfin après une phase d’émulsion gastrique et duodénale est le résultat
de multiples estérases, qui libèrent des acides gras, des monoglycérides et du cholestérol
qui sont absorbés à partir des micelles de sels biliaires. Elle est aussitôt suivie d’une resynthèse
de triglycérides parce que les acides gras et le cholestérol sont des nutriments insolubles
qui sont transportés dans les chylomicrons.
77
78
2ème partie : analyse des procédés culinaires
Sont présentés ici, et analysées au regard des concepts scientifiques introduits précédemment,
quelques opérations courantes effectuées par les cuisiniers.
79
I. Cuisson des viandes
La couleur de la viande dépend de son pigment naturel, la myoglobine. Celle-ci est fixée au cœur de
la fibre musculaire sur les protéines myofibrillaires. Nous voyons la couleur rouge par transparence à
travers une composante de l’albumine. Lorsque la viande est crue, l’albumine est transparente. La
chaleur ou l’acide entraînent la dénaturation des protéines sarcoplasmiques et en particulier celles de
l’albumine. Cette coagulation de l’albumine provoque autour des protéines myofibrillaires et de la
myoglobine un écran blanc translucide qui modifie la perception de la couleur rouge du muscle. La
couleur devient brun-gris: c’est le passage du saignant au cuit correspondant à la température de
dénaturation de l’albumine soit environ +62°C → cuisson saignante/rosé T° < +62°C. A partir de +66°
à +68°C, dénaturation complète de la myoglobine.
La jutosité de la viande dépend du pouvoir de rétention d’eau des protéines myofibrillaires. La perte
du pouvoir de rétention d’eau se fait à +68°C. Si le produit doit être juteux, la température en tout
point ne doit pas dépasser cette température de +68°C sinon l’exsudation pendant la cuisson sera
optimum. Cependant, les phéno-mènes sont plus complexes dans la mesure ou la dénaturation de
l’albumine peut masquer une partie de ces pertes en eau : tout dépend alors de l’allure de la montée en
température.
La tendreté d’une viande (que l’on qualifiera par le mot texture) est modifiée par la chaleur : la
texture est liée pour l’essentiel au tissu conjonctif plus ou moins rétracté sous l’influence de la chaleur
au début de la cuisson. Pour attendrir la viande, il est nécessaire d’hydrolyser le collagène qui est la
protéine responsable de cette dureté. Cette hydrolyse est rapide si la température est élevée et le milieu
acide. Elle devient très lente vers +65°C et le temps de cuisson s’en trouve sérieusement augmenté : de
2 heures à 72 heures ou plus suivant la nature de la viande.
Le goût est surtout lié à l’origine de la viande et à sa qualité. Mais la chaleur contribue également à
modifier la saveur de la viande (cf réactions de Maillard).
Cuisson basse température
Adopter un mode de cuisson à basse température pour les viandes et volailles permet dans la majorité
des cas de maîtriser parfaitement la couleur lorsque celle-ci doit être rosée. De plus la jutosité et la
tendreté sont supérieures. En ce qui concerne le goût, il est souvent équivalent à celui d’un aliment
cuit d’une façon traditionnelle ou légèrement moins marqué dans le cas des cuisses de volaille. Il sera
donc recommandé d’accompagner l’aliment d’une sauce bien élaborée qui compensera. Par contre, la
surveillance est simplifiée, ce qui permet pendant le temps de cuisson de se consacrer à d’autres
tâches. Ce sera donc le professionnel qui jugera de l’opportunité de conduire une cuisson traditionnelle
ou une cuisson à basse température en fonction du résultat souhaité ou du type de prestation réalisée.
80
Tests effectués dans le cadre d’Ateliers de gastronomie moléculaire (BTS option « arts de la table »,
lycée Jean Monnet, Limoges):
Cuisse poulet fermier
Mignon de porcelet Magret de canard
Cuisson traditionnelle
-Cuisson poêlé avec adjonction d’une garniture aromatique. -Temps de cuisson : 40’ en cocotte avec couvercle à mi-cuisson -Résultat test : Couleur interne grisée. Viande goûteuse et ferme.
-Cuisson rôti au four -Temps de cuissson : 10’ à 220°C + 5’ à 180°C. Assaisonné avant cuisson. Accompagné sauce au curry. -Résultat test : Couleur grisée après avoir été tranchée puis redevenue légèrement rosée après 5’ de repos. Viande au goût et à la texture correcte.
-Magret préalablement légèrement dégraissé et entaillé. -Cuisson à la poêle pour rissolage et terminée au four à 220°C pendant 7’. Assaisonné après rissolage. -Résultat test : Couleur rouge saignant. Goût et texture parfaite.
Cuisson à basse température
-Cuisson au four à basse température dans poche plastique avec filet huile olive et assaisonnement léger. T° à cœur n’ayant pas dépassé 61°C. Brunies (snackées en fin de cuisson en surface) -Temps de cuisson : 2H -Résultat test : Couleur rosée. Viande moelleuse et juteuse, mais ayant un peu moins de goût. Corrections ou améliorations proposées : adjonction G.A dans la poche et élaborer conjointement jus ou sauce bien relevée.
-Cuisson au four à basse température après rissolage -Temps de cuisson : 45’. T° à cœur n’ayant pas dépassé 58°C. Assaisonnement après rissolage. Accompagné sauce au curry. -Résultat test : Couleur rosée parfaite. Viande extrêmement moelleuse et juteuse. Goût très correct et tendreté exceptionnelle.
-Magret préalablement légèrement dégraissé et entaillé. -Cuisson directe au four à basse température à 57°C sur grille pendant 20’. Assaisonnés et brunis (snackés en fin de cuisson en surface). Résultat test : Couleur rosée parfaite. Goût parfait et tendreté supérieure (impression de fondant en bouche). De plus dans le cadre d’un service banquet les magrets peuvent être maintenus à 57°C pendant un laps de temps important sans subir de sur-cuisson et de modification de la couleur.
Remarque: il est indispensable de travailler d’une façon rigoureuse et d’être particulièrement vigilant
au respect des règles d’hygiène lorsque l’on cuit à basse température. Il est souhaitable de faire
procéder à une analyse bactériologique des plats que l’on décide de cuire à basse température afin
d’être certain de la stabilité du produit. Il est par contre indispensable d’être équipé d’un bain-marie ou
d’un four permettant de réguler d’une manière très précise la température dans l’enceinte et à cœur de
l’aliment.
81
II. Pâtes et biscuits
Les biscuits sont composés de farine, de matière grasse (souvent du beurre), d'eau, d'œuf (parfois) et
de sucre. Avec seulement de la farine, de la matière grasse et de l'eau, on obtient une pâte à tarte,
différente selon la façon dont on l'a travaillée: on obtient par exemple une pâte beaucoup plus friable
(pâte sablée) si l'on travaille farine+beurre avant d'ajouter l'eau, comparé à farine+eau puis beurre. En
effet, lorsque l'on travaille ensemble farine et eau, les protéines de gluten forment un réseau qui
maintient les grains d'amidon ensemble; lorsque l'on travaille la farine et le beurre, les grains d'amidon
sont entourés par la matière grasse qui empêche le réseau de bien se former: les grains ne tiennent,
après cuisson et refroidissement, que légèrement grâce au beurre solidifié.
Lorsque l'on ajoute du sucre à la pâte, celui-ci, attirant plus l'eau que la farine, s'y dissout, formant
un sirop liquide où se dispersent les grains d'amidon: cet effet, responsable de l'étalement des pâtes à
biscuit, est encore plus flagrant avec du sucre glace dont les cristaux, très petits, se dissolvent
rapidement.
Lorsque l'on chauffe un mélange de farine et d'eau, les grains d'amidon absorbent l'eau, celle-ci
agissant comme un "plastifiant" en favorisant la séparation des molécules d'amylose et d'amylopectine;
la gélatinisation de l'amidon commence vers 60°C et est complète vers 90°C. L'ajout de sucre peut
élever cette température à près de 130°C en captant l'eau: les biscuits, dont le cœur n'atteint guère plus
de 100°C à la cuisson, restent moelleux.
Pâte feuilletée
Les pâtes feuilletées et tourées se distinguent par le fait qu’elles sont composées de très fines couches
(plusierus centaines) de pâte et de matière grasse. Les différentes couches ont une épaisseur inférieure
à 0,1 mm. Ce sont environ 35% d’eau fixés dans un pâton qui se dilatent et s’étendent sous l’effet de
la chaleur. 1cm3 se dilatent à 100°C pour atteindre 1670 cm3 de vapeur (cause de l’augmentation de 8
à 10 fois le volume). Des petites bulles de vapeur passent alors de la pâte aux couches de matière
grasse devenues liquides, s’unissent et dispersent les couches. Ce mouvement peut être expliqué par le
fait que la vapeur à haute pression se trouvant dans la pâte déjà affermie (coagulation des protéines) se
répand à un niveau de pression plus bas dans la matière grasse fondue. De récentes prises de vues
microscopiques confirment cette théorie et réfutent l’ancienne hypothèse selon laquelle les couches de
pâte dilatées provoquent le développement. La plus grande partie de la vapeur s’échappe car, après le
processus de cuisson, la teneur en humidité a baissé jusqu’à 2%. Le degré de cuisson optimal est alors
particulièrement important pour obtenir l’impression gustative typique croustillante et feuilletée.
82
83
III. Meringues et soufflés
Une mousse est une dispersion de bulles de gaz dans une phase liquide. Les protéines du blanc d'œuf
battu en neige, déroulées par le cisaillement dû au fouet, se dispersent et diffusent à l'interface air-eau,
réduisant la tension de surface et augmentant alors le volume des bulles. Plus précisément, les
globulines réduisent l'énergie de surface, l'ovomucoïde et les globulines retardent le drainage du
liquide entre les bulles (et pérennisent donc ces dernières) en raison de la viscosité qu'elles confèrent
au blanc, les lysozyme forment des complexes avec l'ovomucine et les autres protéines, ce qui
renforce les interfaces. Le sucre, lui, stabilise les mousses (en augmentant la viscosité) et réduit la
taille des bulles (en modifiant l'énergie de surface).
Au début du battage, le foisonnement est le fait de grosses bulles. Ensuite, la taille des bulles diminue
quand le fouet les divise (sans que de nouvelles bulles soient crées). La poursuite du battage dénature
l'ovalbumine, les protéines réticulent et on obtient le grainage, c'est à dire m'apparition de particules
insolubles.
Avec de fortes concentrations en protéine, on a d'avantage de coagulation de ces dernières, mais aussi
recristallisation du sucre lors du cisaillement (les protéines servant sans doute de germe de
nucléation), ces cristaux fragilisant les parois des bulles. On obtiendra donc une mousse bien plus
délicate si l'on ajoute au contraire de l'eau dans les blancs d'œuf. En faisant ensuite cuire cette mousse
très doucement (pour que le blanc coagule avant que l'eau ne s'évapore), on obtiendra des "cristaux de
vent69", meringues très légères…
69 L'appellation est due à Hervé This. Cf annexe A.13.
Blanc battu
84
IV. Chantilly et dérivés
La crème de lait (de préférence liquide) est d'abord mélangée doucement au sucre et l'arome, puis
battue impérativement à froid (éventuellement dans un bol plongé dans de la glace) avec un fouet pour
augmenter la surface de contact avec l'air où se forme la pellicule solide qui va incorporer les bulles
d'air. Le fouettage manuel nécessite un mouvement de rotation très régulier et de bien battre le fond du
mélange pour conserver l'homogénité de l'émulsion, sinon les grumeaux de beurre se formeront avant
que l'ensemble de la crème prenne. La préparation dansunbol à fond rond est indispensable.
Pour faciliter la prise lors de la préparation au fouet, ou si la crème chantilly doit être utilisée sur des
préparations chaudes sans se dissoudre immédiatement, on peut ajouter un peu de poudre de blanc
d'œuf dans le mélange (le blanc d'œuf est riche en protéines), ou un émulsifiant (lécithine).
Il faut arrêter de battre dès que la crème est "prise" et tient dans le fouet sans couler (sinon l'élongation
des micro-bulles conduira à casser les filaments de protéines et provoquera la séparation de la matière
grasse qui s'agglomérera alors en grumeaux de beurre). Une chantilly contenant des bulles d'air
visibles qui ne montent plus à la surface a soit été trop battue, soit été conservée trop longtemps.
On peut aussi la préparer aujourd'hui plus facilement en quelques secondes dans une bombe à
chantilly, par injection brutale de gaz neutre dans un récipient métallique étanche spécial (le gaz est
vendu en cartouches vertes d'azote liquide, il ne faut surtout pas utiliser les cartouches bleues
contenant du CO2 sinon la crème sera acide), la détente du gaz refroidissant brutalement le liquide.
Utilisation et conservation
Une fois préparée, ou la bombe entamée, la crème ne se conserve pas et doit être consommée
rapidement (après quoi elle tourne en beurre et s'oxyde). La préparation en bombe peut se conserver
deux jours au froid (5°C, ne pas congeler) tant que la pression interne de la bombe est suffisante. Les
bombes de chantilly du commerce contiennent des agents conservateurs (antioxydants) et émulsifiants
pour en préserver la texture et éviter la formation du beurre. Mais une fois la bombe entamée, sa
conservation n'est pas plus longue qu'avec une bombe préparée soi-même.
La crème chantilly est utilisée en pâtisserie pour la décoration, mais aussi pour garnir des choux à la
crème. Elle est également très appréciée sur les coupes glacées, et sert aussi à la préparation du
cappuccino (un café chaud nappé de chantilly et saupoudré de copeaux ou poudre de chocolat noir).
85
Crème chantilly de chocolat70
Une variante de la crème chantilly utilise un chocolat fondu riche en beurre de cacao au lieu de la
crème de lait, ou un mélange de crème de lait sucrée et de chocolat fondu. La préparation manuelle est
beaucoup plus délicate, car il faut refroidir le mélange progressivement pour éviter la solidification et
l'agglomération du chocolat avant que se forme la mousse.
70 Cf annexe A.13.
86
V. Mayonnaises et Cie
Comment faire une mayonnaise? Avec un fouet, dans un cul de poule ou un saladier, mélanger un
jaune d'œuf et de la moutarde. Ajouter sel et poivre puis détendre avec le vinaigre. Fouetter avec
énergie et rapidement tout en incorporant l'huile que l'on verse en filet. La mayonnaise doit monter,
c'est-à-dire s'émulsifier ; le tout se transforme en une masse onctueuse et homogène.
Le principe est le suivant: le jaune d'œuf est un élément tensioactif qui permet de réaliser une
émulsion avec l'huile et l'eau. La moutarde peut donc être remplacée par tout élément comprenant de
l'eau, par exemple du vinaigre. L'ajout d'huile épaissit la mayonnaise tandit que l'ajout d'eau provoque
l'effet inverse.
Comme toutes les recettes traditionnelles plusieurs versions existent selon les traditions locales; la
plus connue est l'aïoli qui, dans sa version strictement traditionelle (et conformement à son
ethymologie), est sauce uniquement composée d'aï (ail) et d'oli (huile d'olive). Mais la difficulté à
faire prendre un tel mélange a amener la plupart des cuisiniers à preferer la recette avec du jaune
d'oeuf.
A gauche: principe de la stabilisation d'une mayonnaise (rôle des tensioactifs) A droite: étapes de sa réalisation (gouttes de plus en plus serrées: la mayonnaise gagne en viscosité)
87
VI. Gelées et confitures
Quelques gélifiants et leur propriétés:
Hydro- colloïde
Solubilité à chaud
Solubilité à froid
Effet de la chaleur
Conditions de gélification
Texture des gels
Apparence Applications
Agar + Supporte l’autoclavage
Ferme, cassant
claire Confiserie
κ carraghénanes
+ (70-80°C)
Non, sauf sous la forme sodée, qui ne gélifie pas
Ne fond pas à 25°C
Nécessite K+, thermoréversible, Ca 2+, Na+, NH4+ sont aussi possibles, 0.02 à 2.0%
Cassant, rigide, crémeux avec Ca2+
Légèrement opaque, clair avec sucre
Desserts, flans et produits carnés
ί carraghénanes
Tolérance aux ions, à la congélation, gélifie avec Ca2+
Elastique, moins ferme
clair
λ carraghénanes
partiellement
non Ne gélifie pas, mais viscosité
κ carraghénanes + caroube
+ Nécessite K+ élastique opaque Desserts et produits carnés
alginate + Non thermoréversible
Nécessite Ca 2+ cassant opaque Desserts et laits gélifiés
Pectines HM
+ cassant claire Confitures et gelées
Pectines LM
+ thermoréversible
tartinable claire Dessers laitiers et fruits appertisés
Gomme arabique
+ mou claire
Amidons + Rétrograde au stockage
Rigide à souple
opaque Puddings et desserts
Xhanthane + caroube
+ Élastique, caoutchouteux
opaque
Le principe des perles d'alginates (cf annexe A.15 pour applications de hautes volées…):
88
VII. Glaces et sorbets
Les crèmes glacées sont composées d'un mélange d'ingrédients congelés parmi lesquels le lait, le sucre
(et/ou autres produits sucrants), des émulsifiants et des aromatisants. Ce mélange est pasteurisé et
homogénéisé avant congélation pendant laquelle un battage rapide incorpore des bulles d'air et
procure une texture moelleuse au produit final. La phase continue de la crème glacée est composée des
solutés solubles dans l'eau tels que les sucres, les protéines et les agents de stabilisation ainsi que la
matière grasse émulsifiée.
Les différents ingrédients utilisés jouent un rôle spécifique suivant leur nature et leur teneur. De la
matière sèche dépendent le point de congélation, la durée de vie et d'autres attributs sensoriels (saveur,
texture). Les sources de matières grasses sont le lait et la crème, mais on utilise de plus en plus de la
matière grasse végatale (huile de coprah, huile de palme). Les produits sucrants sont pour l'essentiel le
saccharose, mais aussi les sirops de glucose et les matodextrines. Les stabilisants ont pour rôle
d'empêcher la formation de gros cristaux de glace; les émulsifiants sont là pour stabiliser l'émulsion,
donner une structure moelleuse et réduire le temps de battage de la crème tout en assurant
l'incorporation de fines bulles d'air dans la masse.
89
Conclusion
Notre parcours initiatique pluridisciplinaire se termine. J'espère avoir donner au lecteur un aperçu de
la vaste étendue du terrain de jeu de la gastronomie moléculaire. Beaucoup de questions restent sans
réponse, et encore plus de questions restent à poser.
Comme je l'ai déjà mentionné dans l'avant-propos, ce cours est en perpétuelle élaboration et sera donc
régulièrement modifié et complété, et c'est avec plaisir que je tiendrai compte de vos suggestions.
et/ou questions qui pourraient venir compléter ce panorama très incomplet et provisoire que j'ai
brossé.
Il est temps maintenant de continuer la route en se plongeant dans les annexes puis de poursuivre avec
les pistes bibliographiques ci-après.
Bonne lecture … et vive la gastronomie!
90
Bibliographie suggérée71
Cette bibliographie, aussi incomplète que subjective, constitue juste quelques pistes de lecture
scientifiques et/ou gastronomiques à travers la liste des 50 livres que j’emmènerais volontiers sur une
île déserte (sans connexion wi-fi disponible). Pour ceux qui ne pourraient tout mettre dans leur malle,
j'ai sélectionné en gras 10 ouvrages à mon avis vraiment indispensables quand on décide de se lancer
dans la gastronomie moléculaire.
Physique
Physique, J. Kane et M. Sternheim (Dunod, 2004)
Gouttes, bulles, perles et ondes, P.G. De Gennes, F. Brochart-Wyart et D. Quéré (Belin, 2002)
Liquides, B. Cabane et S. Henon (Belin, 2002)
Chimie
Chimie physique, Paul Arnaud (Dunod, 2004)
Chimie organique, Paul Arnaud (Dunod, 1997)
Chimie physique, Peter Atkins (De Boek, 2004)
Le parfum de la fraise, Peter Atkins (Dunod, 2004)
Biologie
Biochimie, L. Stryer (Flammarion, 2003)
La cellule, B. Alberts et coll (Flammarion, 2004)
Biologie, N.A. Campbell et J.B. Reece (De Boek, 2004)
Le monde du vivant, W.K. Purves et coll (Flammarion, 2002)
Science des aliments
Science et gastronomie, Dossier Pour la Science n°7 (mars 1995)
Les nourritures de demain, Hors-série Sciences et Avenir n°94 (octobre 1993)
Physico-chimie et alimentation, Revue du Palais de la Découverte n°311 (octobre 2003)
Cuisine et molécules, Jean Matricon et Daniel Riberzani (Hachette, 1990)
Les secrets de la casserole, Hervé This (Belin, 1993)
71 Un complément de bibliographie est proposé dans l’annexe A.17.
91
Révélations gastronomiques, Hervé This (Belin, 1995)
La casserole des enfants, Hervé This (Belin, 1998)
Casseroles et éprouvettes, Hervé This (Belin, 2002)
Traité élémentaire de cuisine, Hervé This (Belin, 2002)
La cuisine, c'est de l'Amour, de l'Art et de la Technique, Hervé This et Pierre Gagnaire (Odile Jacob, 2006)
La chimie du petit déjeuner, Marie Terrien et Josette Fournier (Cultures et techniques, 1998)
On food and cooking, Harold McGee (Scribner Book Company, 2004)
The science of cooking, Peter Barham (Springer, 2001)
Cookwise, Shirley O. Corriher (Morrow Cookbooks, 1997)
What Einstein told his cook, Robert L. Wolke (W. W. Norton & Company, 2002)
What Einstein told his cook (2), Robert L. Wolke (W. W. Norton & Company, 2005)
But the crackling is superb, Nicholas Kurti (Institute of Physics Publishing, 1997)
Food chemistry, H. D. Belitz, W. Grosch et P. Schieberle (Springer, 2004)
Food science, Helen Charley (Wiley, 1982)
Foods, Helen Charley et Connie M. Weaver (Prentice Hall, 1997)
Gastronomie
The Oxford Companion to food, Alan Davidson (Oxford University Press, 1999)
Larousse Gastronomique, collectif (Larousse, 2000)
Les Français et la table : Alimentation, cuisine, gastronomie du Moyen Age à nos jours, Alain
Drouard (Ellipse, 2005)
Atlas mondial des cuisines et gastronomies : Une géographie gourmande, G Fumey et O Etcheverria
(Autrement, 2004)
Physiologie du goût, JA Brillat-Savarin (Flammarion, 1993)
Pour une nouvelle physiologie du goût, JD Vincent et JM Amat (Odile Jacob, 2000)
Almanach des gourmands, ABL Grimod de la Reynière (Mercure de France, 2003)
Le guide culinaire, Auguste Escoffier (Flammarion, 2001)
Le livre de cuisine, Jules Gouffé (Parangon, 2004)
L’Art de la cuisine française au XIXe siècle, Antonin Carême (Payot, 1994)
Le Pâtissier pittoresque, Antonin Carême (mercure de France, 2003)
La bonne cuisine de Madame de Saint-Ange, E Saint-Ange (Larousse, 2005)
Bras – Laguiole – Aubrac – France, Michel Bras (Editions du Rouergue, 2003)
Une cuisine contemporaine, Olivier Roellinger (Flammarion, 2005)
Sucré salé, Pierre Gagnaire (La Martinière, 2003)
L'Encyclopédie culinaire du XXIe siècle, Marc Veyrat (Philéas Fogg, 2003)
92
Grand livre de cuisine d'Alain Ducasse, Alain Ducasse (LEC éditions, 2005)
Grand livre de cuisine d'Alain Ducasse : pâtisserie, Frédéric Robert (LEC éditions, 2005)
Toute la cuisine, Guy Martin (Seuil, 2004)
Tentations, Philippe Conticini (Marabout, 2004)
J'ai perdu 120 kilos, Philippe Conticini (J'ai lu, 1999)
El Bulli I (83-93), Ferran Adrià, Juli Soler et Albert Adrià (Rba Libros, 2005)
et aussi II (94-97), III (98-02) et IV (03-04)
Ph10: pâtisserie Pierre Hermé, Pierre Hermé (Agnès Vienot Editions, 2005)
Larousse des desserts, Pierre Hermé (Larousse, 2002)
93
En images…
94
Quelques sites internet72
La gastronomie moléculaire http://www.college-de-france.fr/chaires/chaire10/page_herve/recherche_herve.htm Le site du laboratoire d’Hervé This. http://www.pierre-gagnaire.com/francais/cdmodernite.htm La collaboration This/Gagnaire, ou le constructivisme culinaire en action. Voir annexes A.9 et A.10. http://www.sciencesetgastronomie.com/ Le portail gastronomiquo-scientifique d'Odile Renaudin. http://folk.uio.no/lersch/mat/index.e.html Portail (en anglais) de gastronomie moléculaire (liens, bibliographie), tenu par Martin Lersch. http://www.exploratorium.edu/cooking/index.html Informations variées (en anglais) sur la science de la cuisine. http://www.moleculargastronomy.org/ Le site d'échange (en anglais) des acteurs de la gastronomie moléculaire. Voir annexe A.11. http://forums.egullet.org/ Des forums extrêmement variés sur la gastronomie (moléculaire ou non). Voir annexe A.12.
La gastronomie tout court http://www.chefsimon.com/index.htm LE site de cuisine (avec quelques aspects de GM en bonus). Incontournable. http://www.miam-miam.com/ Culture gastronomique à tout va. http://www.saveursdumonde.net/ Recettes, produits, informations diverses. https://melbourne.magic.fr/librairie-gourmande/main.asp Le site de la Librairie Gourmande à Paris (librairie à visiter d’urgence si ce n’est déjà fait). http://www.cuisine.tv/index.cfm Ou comment (exceptionnellement) bien occuper son temps en regardant la télé
Des restaurants où il fait bon se détendre http://www.pierre-gagnaire.com/index.htm (le restaurant de la rue Balzac, à Paris) http://www.michel-bras.com/ (le restaurant de Laguiole) http://www.maisons-de-bricourt.com/ (le restaurant d'Olivier Roellinger, à Cancale) http://www.marcveyrat.fr/ (les restaurants de Megève et d'Annecy) http://www.alain-passard.com/FR/arpege/index.htm (le restaurant de la rue de Varenne, à Paris) http://www.elbulli.com/index2.php (le restaurant où-on-ne-peut-de-toutes-façons-pas-réserver) http://www.fatduck.co.uk/ (le restaurant d'Heston Blumenthal, à l'ouest de Londres)
72 Dans une catégorie tout à fait général, il me faut mentioner le site universellement connu Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil) qui allie convivialité et exhaustivité. Certaines informations de ce cours en sont d’ailleurs issues.
95
Annexes
Sont regroupés ici différents documents représentatifs de ce qu'est la Gastronomie
Moléculaire aujourd'hui. On y trouvera des réflexions, des recettes, des points de vue.
"Attention", certains textes sont en anglais…
96
A.1. Présentation de la gastronomie moléculaire, par Hervé This73
Le chemin que nous emprunterons, pour présenter la "gastronomie moléculaire", consistera à examiner
d’abord son objet : la cuisine. Nous observerons tout d’abord que le mythe du "naturel" y sévit
gravement, puis nous verrons comment les préjugés déterminent les demandes que le monde de la
cuisine fait au monde agricole, et quelles sont les positions extrêmes dans le continuum des
comportements culinaires. Une analyse de la cuisine en termes évolutifs révélera à la fois les
orientations possibles, et les conséquences pour nos sociétés.
La cuisine
Qu’est-ce que la cuisine ? Cette activité se limite rarement à servir des ingrédients crus, c’est-à-dire
sortis du sol ou prélevés sur des animaux. Elle s’évertue à les assainir, à en modifier la consistance et
le goût. A cette fin, elle procède souvent à des divisions, mais, surtout, à des cuissons, c’est-à-dire à
l’emploi de chaleur (pour détruire les micro-organismes pathogènes). Rien de naturel, dans tout cela :
les ingrédients sont travaillés, et même une simple découpe provoque des réactions chimiques, telle
l’action des enzymes polyphénoloxydases sur des composés polyphénoliques simultanément libérés
lorsque les cellules végétales sont endommagées. Pourtant, le monde culinaire professionnel ne cesse
de revendiquer une activité "naturelle", et met l’emphase sur les "produits", ce qui est paradoxal : si
c’est le produit qui compte, à quoi bon l’activité culinaire, le travail même du cuisinier ? Dans les
meilleurs cas, on entend dire que le cuisinier doit mettre ces "beaux" produits en valeur, mais la
prétention est également étonnante, sachant que le goût d’un haricot vert cuit n’a rien à voir avec celui
d’un haricot vert cru, d’une part ; d’autre part, qu’est-ce que ce goût "meilleur" dont il est question?
L’observation d’une appréciation culturelle des aliments ne peut manquer de penser que les
cuisiniers ont une référence interne non formulée. Au total, moins encore que l’agriculture (dont les
produits résultent d’opérations humaines, avec des entrants, et de l’emploi de variétés végétales
longuement sélectionnées), la culture n’est pas naturelle. Pis encore, ce serait sans doute un facteur
de progrès que l’on reconnaisse qu’elle est surtout de l’artificiel, ce dernier étant l’honneur de
l’humanité, qui ne survit que grâce à ses efforts.
Puisque la cuisine fait usage des produits agricoles, qu’elle est "cliente" de l’agriculture, il n’est
pas inutile d’examiner quelle est l’étendue de la gamme des consommations, actuelles ou à venir.
Evidemment, les tendances culinaires et agricoles interagissent, par la voie de l’offre et de la demande:
les cuisiniers et leurs clients suscitent des productions, mais, en retour, ils augmentent parfois leurs
consommations en raison d’offres nouvelles venant du monde agricole (kiwi…).
73 Extrait de son blog http://www.fblog.fr/HerveThis
97
Quelle est la gamme des consommations ? Considérons cette gamme en classant les pratiques par
ordre d’ "artificialité" culinaire. Le commencement de l’intervalle est tenu par les "crudités", moins en
vogue aujourd’hui que naguère (on a oublié que, pendant le milieu du XXe siècle, le ravier de crudités
était fréquemment sur la table, en début de repas), ce que révèlent les livres de cuisine, qui décrivaient
la préparation de ces carottes râpées, céleri rémoulade, radis… A l’opposé, il y a une cuisine qui
commence à faire usage de compositions aromatisante, nommées à tort "arômes". Pourquoi "à tort",
alors que la réglementation entérine l’usage ? Parce que le commerce alimentaire ne cesse de
confondre le goût, la saveur, l’arôme, l’odeur, le parfum, négligeant simultanément les autres
sensations gustatives.
Commençons par éclaircir le débat en reconnaissant que le "goût" est une sensation composée,
synthétique, obtenue lors de la dégustation des mets. Cette sensation est déterminée par l’aspect
visuel, au point que des œnologues sont trompés par la coloration d’un vin à l’aide de pigments
pourtant sans effet sur les récepteurs des papilles ni sur les récepteurs olfactifs. Puis, l’odeur de
l’aliment est perçue, et, à nouveau, des illusions sont possibles par le jeu de ces odeurs superficielles :
le "goût" de l’aliment ultérieurement perçu est également déterminé par cette perception olfactive.
Quand l’aliment arrive en bouche, les molécules odorantes sont perçues une seconde fois,
lorsqu’elles remontent par les fosses rétronasales ; à noter que cette seconde perception diffère de
la première, en raison des conditions différentes (température, force ionique, environnement chimique)
de leur évaporation. En bouche toujours, les aliments stimulent le nerf trijumeau, et engendrent des
sensations de frais ou de piquant, et ils stimulent aussi les récepteurs des papilles dites classiquement
"gustatives", qui détectent des molécules plutôt hydrosolubles, passées de l’aliment à la salive et, de là,
aux papilles. Ces molécules étant qualifiées de sapides (elles conduisent à la perception des saveurs),
il serait rationnel de qualifier les papilles de "sapictive", plutôt que de gustatives. Enfin, la bouche
contient également des capteurs de température, des capteurs mécaniques (appréciation de la
consistance, formation de la sensation nommée "texture").
Où serait l’arôme, dans tout cela ? La réponse a été donnée par Guyton de Morveau, en 1787, dans
sa Nomenclature chimique : "émanation de substances odoriférantes". Le mot vient d’ailleurs du latin
aroma, au sens d’odeur agréable, selon Dioscoride. Une sensation n’étant pas un produit, l’arôme étant
l’odeur agréable de l’aromate, la législation devrait être revue, et les produits aujourd’hui vendus par
quelques grosses sociétés pour donner de l’odeur (agréable, si possible) aux aliments devraient être
nommés "compositions aromatisantes", ce qui aurait en outre l’intérêt de mettre cette activité
industrielle sur la voie des produits loyaux et francs : à ce jour, on admet de nommer "arômes vanille
naturels" des compositions obtenues par fermentation d’aiguilles de pin à l’aide de micro-organismes
naturels sélectionnés. Enfin, ces compositions ne sont pas garanties sans effet sur les récepteurs des
papilles ou du nerf trijumeau. Terminons à ce sujet en observant que l’industrie alimentaire s’est
essentiellement limitée à utiliser des compositions aromatisantes naturelles, condamnées à n’être que
des copies, au lieu de se reconnaître une activité créatrice, synthétique, artificielle, qui serait l’extrême
98
opposé de la crudité. Entre les deux, il y a tous les intermédiaires de transformation, de la simple
grillade, au braisage, de l’assemblage à la recréation de matières. Animaux ou végétaux, les tissus des
organismes vivants forment le matériau que transforment les cuisiniers.
Toutefois, revenons à la question : qu’est-ce que la cuisine ? Est-ce l’activité technique qui
consiste à produire des aliments à partir d’ingrédients ? La cuisine n’est clairement pas réductible à sa
composante technique, car le goût est une appréciation subjective, qui n’a rien à voir avec la réussite
technique : tel soufflé parfaitement gonflé peut être "mauvais". Il faut admettre que la composante
"esthétique" (au sens du "bon", c’est-à-dire du "j’aime") est au-dessus de la composante technique, ce
qui a été dit dans une autre branche, celle de la peinture, par Pablo Picasso : "quand je n’ai plus de
bleu, je prends du rouge". De ce fait, on comprend que, jugée sur des critères esthétiques, et donc
culturels, la cuisine se fournisse aussi de produits dont les marchés fluctueront au gré des "modes".
Technique ? Esthétique ? La cuisine ne se réduit pas à ces deux composantes, car l’acte de cuisiner
pour autrui est intime : celui qui mange met sa vie ou, au moins, sa santé, entre les mains du cuisinier.
Il semble essentiel de reconnaître que nous ne déclarons "bons" que des aliments qui ont été préparés
avec soin, pour nous. Cette observation explique sans doute l’attrait de la cuisine de nos grands-mères,
qui n’étaient pas toujours des cuisinières averties ; il semble plus intéressant de reconnaître que nous
mangeons de l’"amour", plutôt que des nutriments : l’exemple du chimiste français Marcellin
Berthelot a bien montré combien il était erroné de croire que l’alimentation puisse se résumer à la
consommation des molécules, fussent-elles adaptées à l’entretien de l’organisme. Ainsi, en 1894, lors
d’un banquet de l’Union des industries chimiques, Marcellin Berthelot prononça un discours intitulé
"En l’an 2000", où il prévoyait le futur de l’alimentation : ce dernier devait être bouleversé, déclarait-
il, par la synthèse chimique qui, il faut le rappeler, était alors naissante. Ayant commencé par indiquer
quelques uns des résultats de la chimie (naissante) du XIXe siècle, Berthelot écrivait ainsi :
"Quelque considérables soient ces progrès, chacun de nous en entrevoit bien d’autres :
l’avenir de la chimie sera, n’en doutez pas, plus grand encore que son passé. Laissez-moi
vous dire à cet égard ce que je rêve : il est bon d’aller en avant, par l’acte quand on le
peut, mais toujours par la pensée. […] Laissez-moi donc vous dire mes rêves : le moment
est propice, c’est après boire que l’on fait ses confidences. On a souvent parlé de l’état
futur des sociétés humaines ; je veux, à mon tour, les imaginer, telles qu’elles seront en l’an
2000 : au point de vue purement chimique, bien entendu ; nous parlons chimie à cette table.
Dans ce temps-là, il n’y aura plus dans le monde ni agriculture, ni pâtres, ni laboureurs : le
problème de l’existence par la culture du sol aura été supprimé par la chimie! Il n’y aura
plus de mines de charbon de terre, ni d’industries souterraines, ni par conséquent de grèves
de mineurs! Le problème des combustibles aura été supprimé, par le concours de la chimie
et de la physique. Il n’y aura plus ni douanes, ni protectionnisme, ni guerres, ni frontière
arrosées de sang humain ! La navigation aérienne, avec ses moteurs empruntés aux
énergies chimiques, aura relégué ces institutions surannées dans le passé ! Nous serons
alors bien prêts de réaliser les rêves du socialisme... pourvu que l’on réussisse à découvrir
99
une chimie spirituelle qui change la nature morale de l’homme aussi profondément que
notre chimie transforme la nature matérielle ! […] Mais revenons à nos moutons, je veux
dire à la chimie. Qui dit source d’énergie calorifique ou électrique, dit source d’énergie
chimique. Avec une telle source, la fabrication de tous les produits chimiques devient facile,
économique, en tout temps, en tout lieu, en tout point de la surface du globe. C’est là que
nous trouverons la solution économique du plus grand problème peut-être qui relève de la
chimie, celui de la fabrication des produits alimentaires. En principe, il est déjà résolu : la
synthèse des graisses et des huiles est réalisée depuis quarante ans, celle des sucres et des
hydrates de carbone s’accomplit de nos jours, et la synthèse des corps azotés n’est pas loin
de nous. Ainsi le problème des aliments, ne l’oublions pas, est un problème chimique. Le
jour où l’énergie sera obtenue économiquement, on ne tardera guère à fabriquer des
aliments de toutes pièces, avec le carbone emprunté à l’acide carbonique, avec l’hydrogène
pris à l’eau, avec l’azote et l’oxygène tirés de l’atmosphère. Ce que les végétaux ont fait
jusqu’à présent, à l’aide de l’énergie empruntée à l’univers ambiant, nous l’accomplissons
déjà et nous l’accomplirons bien mieux, d’une façon plus étendue et plus parfaite que ne le
fait la nature : car telle est la puissance de la synthèse chimique. Un jour viendra où
chacun emportera pour se nourrir sa petite tablette azotée, sa petite motte de matière
grasse, son petit morceau de fécule ou de sucre, son petit flacon d’épices aromatiques,
accommodées à son goût personnel ; tout cela fabriqué économiquement et en quantités
inépuisables par nos usines ; tout cela indépendant des saisons irrégulières, de la pluie ou
de la sécheresse, de la chaleur qui dessèche les plantes, ou de la gelée qui détruit l’espoir
de la fructification ; tout cela enfin exempt de ces microbes pathogènes, origines des
épidémies et ennemis de la vie humaine. Ce jour-là, la chimie aura accompli dans le monde
une révolution radicale, dont personne ne peut calculer la portée ; il n’y aura plus ni
champs couverts de moissons, ni vignobles, ni prairies remplies de bestiaux. L’homme
gagnera en douceur et en moralité, parce qu’il cessera de vivre par le carnage et la
destruction des créatures vivantes. Il n’y aura plus de distinction entre les régions fertiles
et les régions stériles. Peut-être même que les déserts de sable deviendront le séjour de
prédilection des civilisations humaines, parce qu’ils seront plus salubres que ces alluvions
empestées et ces plaines marécageuses, engraissées de putréfaction, qui sont aujourd’hui
les sièges de notre agriculture. Dans cet empire universel de la force chimique, ne croyez
pas que l’art, la beauté, le charme de la vie humaine soient destinés à disparaître. Si la
surface terrestre cesse d’être utilisée, comme aujourd’hui, et disons-le tout bas, défigurée
par les travaux géométriques de l’agriculteur, elle se recouvrira alors de verdure, de bois,
de fleurs ; la terre deviendra un vaste jardin, arrosé par l’effusion des eaux souterraines, et
où la race humaine vivra dans l’abondance et dans la joie du légendaire âge d’or. "
Pourquoi un chimiste aussi adulé que l’a été Berthelot s’est-il tant trompé ? Examinons d’abord la
question des "tablettes azotées" : si l’on ne comptabilisait que l’énergie nécessaire à un individu pour
vivre, il faudrait environ 300 grammes de la matière la plus énergétique, qui est la matière grasse.
Cette tablette (grosse comme une plaquette de beurre) serait malvenue, parce qu’elle ne contiendrait
100
toutefois pas l’azote nécessaire à la constitution des protéines, notamment, ni les divers produits
indispensables à la vie.
Pis encore, Berthelot n’a pas compris que, comme l’a bien dit Theodosius Dobzhansky (1900-
1975) : “Nothing in biology makes sense except in the light of evolution”. Si l’espèce humaine a été
dotée d’un appareil gustatif, c’est pour des raisons importantes pour sa survie : notamment, l’individu
doit être capable de reconnaître, par l’odeur, la saveur, l’aspect visuel, des matières dont la
consommation serait dangereuse. D’autre part, il doit être capable de reconnaître (par les mêmes sens,
et, surtout, par la saveur), les matières sucrées, qui lui apportent de l’énergie : les primates non
humains, comme les nourrissons humains, font à la naissance une mimique de "plaisir" quand on leur
dépose une solution sucrée sur les lèvres. Ensuite, il doit être capable d’associer, par un réflexe
conditionné, le sentiment de satiété à la texture de produits contenant des matières grasses et des
féculents. L’ensemble des adaptations physiologiques nécessaires à la survie de l’espèce humaine
impose que soient stimulés, lors de la consommation d’aliments, l’ensemble des récepteurs gustatifs.
Mieux encore, il n’est pas anodin que les êtres humains se réunissent pour manger : la convivialité ne
pourrait-elle également être déterminée par l’évolution ? L’espèce humaine étant grégaire, nous
pourrions-nous supposer raisonnablement que le comportement de manger en groupe soit
"récompensé" d’un point de vue évolutif par la libération d’endorphines, par exemple ? En tout cas, la
consommation d’aliments ou de substances refusées par le jeune humain (bière, tabac) a été interprétée
comme l’importance prépondérante de la récompense évolutive (la grégarité satisfaite) par rapport à la
"punition physiologique" liée à cette consommation (amertume associée initialement à des composés
de type alcaloïdes, âcreté du tabac) ; c’est ce que l’on a nommé l’effet "bière et tabac".
Enfin, Berthelot a eu le tort de ne pas reconnaître que les matières énergétiques fossiles pourraient
venir à manquer, et que l’humanité devrait à terme privilégier des énergies renouvelables ; de surcroît,
il a largement sous-estimé l’effort de synthèse des molécules nécessaires à l’alimentation humaine.
Pourquoi ne pas laisser aux végétaux et aux animaux, systèmes perfectionnés par l’évolution, le soin
de produire des molécules complexes dont nous avons besoin pour vivre ? Pour en revenir à la
composante « amour » de la cuisine, il serait également erroné d’oublier que nous mangeons de la
culture: si l’Alsacien consomme du Munster, dont l’odeur repousse les peuples qui n’ont pas été
habitués à la consommation de ce fromage, et si, inversement, certaines populations se régalent
d’insectes, ou bien de cervelle de singe dans un crâne ouvert, c’est que nous mangeons de la culture,
c’est-à-dire des aliments sélectionnés par le groupe auquel nous appartenons, une autre façon de
satisfaire la grégarité de notre espèce. Consacrée à la cuisine, la discipline scientifique nommée
Gastronomie moléculaire doit reconnaître ces phénomènes, et explorer les transformations culinaires à
la lumière de ces trois composantes techniques, esthétiques et amour.
101
Les recherches en Gastronomie moléculaire
Examinons plus en détail cette Gastronomie moléculaire à peine évoquée. Nous faisons ici une
distinction qui nous semble essentielle entre la science, qui cherche le mécanisme des phénomènes à
l’aide de la méthode expérimentale, introduite par Francis Bacon, puis par Galilée, et la technologie,
qui est l’application des résultats scientifiques à la technique. Chaque science a son corpus de
données, et ses méthodes, adaptées à ce corpus. Par exemple, l’astrophysique étudie les objets de
l’Univers, sans pouvoir les modifier ; elle se limite à l’analyse des rayonnements émis par les corps
lointains qu’elle analyse. La chimie, en revanche, étudie les molécules ou associations moléculaires,
leurs transformations, et elle ne se prive pas de modifier les objets de son étude.
Depuis des siècles, les scientifiques, notamment les chimistes, se sont intéressés aux phénomènes
culinaires, mais l’idée de créer une discipline spécifique est née en 1988, lorsque, avec Nicholas Kurti,
qui était alors professeur émérite à l’Université d’Oxford, nous avons préparé le First International
Workshop on Molecular Gastronomy, au Centre Ettore Majorana (Erice, Italie). Depuis des années,
nous effectuions séparément des expériences sur les phénomènes culinaires, mais nous avons compris
que la science des aliments avait progressivement oublié cette composante essentielle qu’est l’activité
culinaire. Le nom de "Gastronomie moléculaire" s’est imposé : la gastronomie est, selon le juriste
français Jean-Anthelme Brillat-Savarin (Bellay, 1755 – Paris, 1826) qui a popularisé le terme après
son introduction en français par le poète Joseph Berchoux (1765-1839) , "la connaissance raisonnée de
tout ce qui se rapporte à l’homme en tant qu’il se nourrit". Notre activité scientifique étant initialement
consacrée à l’analyse physico-chimique des phénomènes culinaires, il semblait rationnel de la nommer
"Gastronomie moléculaire". Initialement, Kurti réclama que la discipline soit nommée “Gastronomie
moleculaire et physique”, mais l’usage imposa une terminologie plus courte.
Initialement placée entre la science des aliments, alors essentiellement consacrée à l’étude
fine des ingrédients alimentaires, et la technologie alimentaire, alors limitée essentiellement aux
procédés industriels, la Gastronomie moléculaire s’intéresse aux transformations culinaires et,
plus généralement, aux phénomènes qui ont lieu entre le garde-manger et l’assiette. Notons que
cette discipline est essentiellement une physico-chimie dont le corpus est l’ensemble des phénomènes
qui ont lieu dans les cuisines ou dans les salles à manger. Son importance est évidemment
considérable, car plusieurs millions de personnes cuisinent chaque jour, rien qu’en France), mais il
faut observer que la Gastronomie moléculaire s’impose autant par ses travaux propres
(scientifiques : la production de connaissances) que par ses applications.
102
A.2. La gastronomie moléculaire et ses objectifs, par Hervé This
La chimie, science mal aimée parce que redoutée
Dans la rue, arrêtons un passant et demandons-lui ce qu’il pense de la chimie : souvent, hélas, il
l’associe à des usines polluantes, nauséabondes, dangereuses… Pensez ! La « dioxine dans les
poulets », Seveso, Bhopal s’il a de la mémoire, et les gaz de combat s’il est plus âgé… Naturellement
la chimie n’est pas la seule science incriminée : la physique a eu sa bombe nucléaire, et la biologie ses
prions. Au total, le désintérêt des jeunes pour les carrières scientifiques et techniques, révélé par la
chute des inscriptions dans les filières scientifiques des universités, montre peut-être une crainte de
chômage mais, sans doute aussi, une perte de confiance du public dans les sciences. À noter sans
attendre la confusion que l’on fait souvent entre la science, recherche de connaissances, et ses
applications. Qui porte la responsabilité de l’accident de Bhopal ? Le public incrimine la chimie, mais
la faute en revient à ceux qui faisaient fonctionner l’usine. La chimie, recherche de connaissance,
pourrait être accusée, mais pas de l’accident de Bhopal : elle n’est coupable que d’être l’honneur de
l’esprit humain, c’est-à-dire une volonté constante d’exploration du monde.
Jean-Anthelme Brillat-Savarin, l’immortel auteur de la Physiologie du goût, disait : « L’âme,
cause toujours active de perfectibilité. » La confusion entre la science et ses applications s’est
progressivement doublée d’une confusion entre science, technologie et technique. Il existe mille «
bonnes » raisons pour que cette confusion (entérinée par le détournement du mot « technologie » dans
une acception qui mêle vaguement science, technologie et technique) s’instaure : le public demande à
la science de justifier le coût de son fonctionnement ; les chercheurs ne veulent pas manquer des
occasions de se montrer utiles à la société qui les paye, en mettant au point des applications de leurs
recherches ; certains considèrent même que la science doit être pratiquée comme le faisait Archimède,
la quête technique posant les questions auxquelles la recherche doit répondre ; etc. Cette confusion me
semble être à l’origine d’un transfert de responsabilités, des utilisateurs de résultats de la science vers
la science elle-même. D’où les attaques contre la chimie quand seule l’industrie chimique (et pas toute
!) est responsable de drames. D’où aussi, probablement, le désintérêt des étudiants pour les filières
scientifiques des universités. Comment restaurer la confiance et l’intérêt ? En favorisant la culture
scientifique ? Et qu’est-ce que cette fameuse « culture scientifique » qui semble si naturellement
nécessaire, surtout à « l’élite scientifique » ?
La méthode du flamant rose
Le paléontologue américain Stephen Jay Gould, connu notamment pour ses articles et ses livres de
vulgarisation, utilise souvent le procédé de l’exemple : « Il est très efficace d’aborder les grands
problèmes d’ordre général en partant des petits détails. Cela ne sert à rien de vouloir écrire un livre sur
103
“le sens de la vie”. […] Il faut s’attaquer par la bande aux grands problèmes, et non de front. » Et c’est
ainsi qu’il part d’une observation insolite pour s’interroger et remonter vers les questions de fond, telle
l’évolution du vivant. La méthode est belle ; pourrions- nous l’utiliser pour traiter le difficile problème
de la culture scientifique ? Avant de nous lancer, que réclamons-nous ? Sans doute pas un vernis de
connaissances inutiles. Ni une connaissance dont « l’élite scientifique » gaverait un public passif avec
le sentiment de faire son devoir civique. Non, la culture scientifique n’a de sens, je crois, que si elle
est active, citoyenne, quotidienne, permanente. Un exemple ? Un automobiliste transporte une
batterie usée dans le coffre de sa voiture. Au cours d’un virage, la batterie se renverse et l’acide coule
dans le coffre. Il n’est pas inutile de savoir que la batterie contient de l’acide sulfurique et qu’il y
aurait danger à utiliser une éponge, à main nue, pour l’éliminer. Toutefois l’automobiliste ne sera
véritablement « cultivé scientifiquement » que s’il utilise ses connaissances pour réparer l’incident :
l’acide sulfurique est acide ? Neutralisons-le au bicarbonate de sodium, présent dans la cuisine. Et
c’est ainsi que la science, rendue familière par son usage quotidien, sera définitivement acceptée.
Notons au passage que le grand public n’est pas seul destinataire de culture scientifique. Le monde
scientifique, lui aussi, mérite de se rappeler toujours que la science est l’école du doute, et que la
vérification doit être permanente.
Par exemple, ce même monde scientifique perpétue l’expérience de l’encre sympathique, où du jus
de citron permettrait d’écrire des messages invisibles qui seraient révélés par la chaleur ; pour
expliquer l’effet, on dit même que l’acide ascorbique catalyse la dissociation de la cellulose. Est-ce
vrai ? Avant d’examiner les causes, assurons-nous des effets. Une première expérience, à cette fin,
consiste à écrire des messages au jus de citron et à comparer les effets obtenus avec une solution
d’acide ascorbique (quand on dilue cette poudre blanche dans de l’eau, on voit que la solution
concentrée est brune, et la solution diluée légèrement jaune), avec une solution d’acide citrique et avec
de l’eau pure. On observe d’abord que le jus de citron et la solution d’acide ascorbique laissent une
légère trace jaune, tandis que la solution d’acide citrique et l’eau ne laissent aucune trace (sauf une
légère désorganisation des fibres du papier). Puis, à la chaleur, les solutions d’acide citrique, d’acide
ascorbique et le jus de citron colorent le papier dans une teinte qui dépend à la fois du composé
dissous et de sa concentration : la solution d’ascorbique engendre une teinte plus foncée que la
solution d’acide citrique, plus proche de celle du jus de citron. Ainsi, de cette première expérience,
nous tirons au moins trois conclusions :
1. la confidentialité d’un message serait mal assurée par ce procédé ;
2. la prétendue décomposition de la cellulose par l’acide ascorbique n’est pas seule en cause ;
3. plusieurs des composés du jus de citron pourraient contribuer au brunissement.
Testons maintenant le rôle du papier. La cellulose intervient-elle ? Pour le savoir, écrivons sur de
la porcelaine blanche avec les solutions précédemment préparées : on obtient les mêmes jaunissements
ou brunissements ! Enfin, puisque l’explication proposée semble définitivement douteuse, testons
104
divers composés organiques : solution d’acide tartrique, solution d’acide acétique dilué, jus
d’oignon… Chaque fois, le papier brunit à la chaleur, et c’est probablement une décomposition
thermique des composés organiques qui semble à la base de l’effet. Cette hypothèse est corroborée par
la découverte, par Georges Bram (GHDSO, Université Paris-Sud), d’un texte chimique ancien qui
mentionne une foule de composés susceptibles d’être utilisés pour la réalisation d’encre sympathique :
tous ont en commun d’être des solutions de corps organiques.
La Gastronomie moléculaire
Après ce détour, revenons à la question : comment semer la bonne parole scientifique, comment
développer la culture scientifique ? Pas en se contentant de semer des connaissances. Elles ne sont pas
inutiles, bien au contraire, mais elles sont insuffisantes. Ce qui manque, essentiellement, c’est une
transmission de la méthode. Or la science se fonde, on l’oublie parfois, sur la méthode expérimentale.
D’où la question suivante : comment transmettre la méthode expérimentale ? Une abstraction se capte
mieux sur l’exemple, surtout quand un besoin a été créé. D’où l’importance, en vulgarisation
scientifique, de questions telles que : « Pourquoi l’estomac ne se digère-t-il pas lui-même ? » Une telle
question appelle aussitôt une réponse. Et plus la question s’impose naturellement, plus l’interlocuteur
réclame cette culturede méthode que l’on souhaite transmettre. Tout cela est déjà dans la Rhétorique
d’Aristote, et dans Aristophane qui signalait qu’« enseigner, ce n’est pas remplir des cruches, c’est
allumer un brasier ». Allumons un brasier, en France, terre de culture gastronomique, grâce à la
cuisine. C’est là le cinquième objectif de la discipline scientifique que nous avons nommée la
Gastronomie moléculaire. Examinons ce dont il s’agit.
La Gastronomie moléculaire a cinq objectifs
• Recueillir les tours de main et dictons culinaires, et les tester expérimentalement.
• Analyser les gestes, recettes, méthodes et pratiques culinaires classiques, afin d’en proposer
des rationalisations et des améliorations.
• Introduire en cuisine des ustensiles, méthodes et ingrédients nouveaux.
• Inventer des plats nouveaux en se fondant sur les modélisations et expérimentations
effectuées dans le cadre des trois premiers types de travaux.
• Utiliser la cuisine afin de communiquer les résultats des sciences au public.
Tours de mains et dictons culinaires
Le premier objectif, nécessairement pluridisciplinaire, commence par un recueil des dictons et des
tours de mains présentés dans les livres de cuisine et propagés oralement dans le monde culinaire actif.
Un tel recensement impose une exploration des sources anciennes ou modernes, françaises ou
étrangères. Il précise évidemment les comportements alimentaires et leur évolution, donnant même
105
une évaluation quantitative des prises alimentaires. L’enjeu de cette recherche est à la fois
technique, social et politique. En 1969, lors d’une conférence à la Royal Institution, N. Kurti s’était
attristé que l’on connaisse mieux la température au centre des étoiles qu’au cœur des soufflés.
Prolongeons sa remarque : n’est-il pas étonnant que l’humanité envoie des sondes sur Mars alors que,
simultanément, elle continue à utiliser — et, surtout, à enseigner aux jeunes cuisiniers — des tours de
main culinaires douteux, voire faux ?
Les questions qu’examine la Gastronomie moléculaire semblent individuellement futiles,
mais l’enjeu du travail de recherche est important. Par exemple, doit-on ajouter du sel au blanc
d’œuf que l’on bat en neige ? Doit-on utiliser des ingrédients à température ambiante pour faire des
mayonnaises ? Doit-on vraiment cuire les terrines à 150°C au bain-marie ? Les salades de pomme de
terre sont-elles plus tendres quand les rondelles de pomme de terre sont mises, encore chaudes, dans la
sauce vinaigrette ? Et ainsi de suite : les questions sont innombrables, et les individus qui cuisinent,
même dans les milieux cultivés, traînent en héritage des gestes dont ils ignorent le bien-fondé et
l’efficacité, parce que les opérations culinaires domestiques n’ont jamais été clairement examinées du
point de vue chimique, physique et biologique. L’exemple des salades de pommes de terre n’est que
superficiellement une provocation : c’est surtout une bonne introduction à cette partie, qui évoque les
enjeux de la Gastronomie moléculaire. Considéré hâtivement, cet exemple tend à faire croire que la
Gastronomie moléculaire est une activité futile, qui se préoccupe de détails culinaires sans importance.
Pourtant, la réputation de plus d’un chef a tenu à la réalisation perfectionnée d’un plat : pensons à Joël
Robuchon (Restaurant Joël Robuchon, Paris), dont la purée est célèbre dans le monde entier. Pourtant,
les industriels aussi commercialisent des plats préparés, et la salade de pomme de terre tient un rôle
notable dans leurs gammes (la plupart des rayons traiteurs de supermarché en proposent). L’absorption
de la vinaigrette par les pommes de terre est alors un problème économique important (sur de grosses
productions, quelques grammes de vinaigrette en plus ou en moins représentent des sommes
considérables), en même temps qu’un atout concurrentiel notable.
Voyons maintenant pourquoi la Gastronomie moléculaire a aussi des enjeux politiques,
économiques, éducatifs et scientifiques. Nous observerons tout d’abord que le citoyen qui cuisine ne
bénéficie qu’indirectement des résultats de la Science des aliments. Les études des propriétés
gélifiantes des chairs animales, par exemple (principalement effectuées à la Station INRA de Theix),
ont débouché sur la mise au point de la « cerise de bœuf », dans les années 1990, mais elles n’ont
conduit à aucune modification des pratiques culinaires. Le citoyen a eu la possibilité d’acquérir des
« cerises de bœuf » (le produit, bien que remarquable, n’a pas eu le succès escompté), mais les
résultats scientifiques ne lui ont été communiqués ni sous leur forme scientifique initiale ni sous une
forme adaptée à la pratique culinaire. Les millions de personnes qui cuisinent quotidiennement, rien
qu’en France, n’ont donc pu bénéficier des résultats des recherches qu’ils subventionnent, en tant que
contribuables ; elles n’ont pu perfectionner leurs pratiques culinaires à la lumière des résultats obtenus.
La communication scientifique insuffisante de la Science des aliments explique-t-elle en partie le rejet
106
de la science dans les aliments par les citoyens (écoutons le public parler de « nourriture
industrielle ») ? La Gastronomie moléculaire, en se proposant de mettre les résultats de la
recherche à la disposition de tous, a clairement un rôle politique important à jouer.
D’autre part, les enjeux de la Gastronomie moléculaire sont également économiques. Nous avons
esquissé ces enjeux en évoquant le cas des salades de pomme de terre, mais il y a plus : ne parlait-on
pas, naguère, d’« économie domestique » ? Cette économie à l’échelle de l’individu se double d’une
économie à l’échelle du pays. Nous l’examinerons maintenant à propos de la filière viande, mais toute
l’activité agro-alimentaire est concernée. Suivons cette filière à partir des biochimistes de l’INRA, qui
font un remarquable travail, notamment à Theix, dans l’élucidation des mécanismes biochimiques qui
ont lieu au cours de la contraction musculaire. Ces études débouchent sur des recherches de sélection
animale, par leurs collègues des centres plus appliqués, tels les domaines de l’Orfravière, du
Magneraud, de Jouy-en-Josas… Puis des agronomes multiplient ces animaux, des éleveurs cherchent
les meilleurs moyens de proposer des animaux en bonne santé et de bonne qualité, les chevillards, les
abatteurs et, finalement, les bouchers abattent les animaux et détaillent la viande afin de lui donner une
grande tendreté. Pour peu qu’un acheteur de cette viande, mal formé à la cuisine, fasse bouillir
inconsidérément la viande vendue, le résultat est lamentable et toute l’activité de la filière est
incriminée. L’individu qui cuisine, en fin de filière, en est aussi la sanction.
La Gastronomie moléculaire a également des enjeux éducatifs. Elle a la mission d’enrichir les
enseignements de science appliquée dans les établissements d’enseignement hôtelier, culinaire ou
agronomique. Elle est la recherche sans laquelle ces enseignements s’appauvrissent. La Gastronomie
moléculaire veut notamment, nous l’avons vu, construire une banque des dictons et tours de main, les
tester, puis épurer les livres de cuisine ou les enrichir des dictons et tours de main oubliés mais avérés.
Cette banque de dictons veut servir ensuite de base à la publication d’ouvrages culinaires — pour les
professionnels ou pour le public — qui seront débarrassés des scories du développement empirique de
la cuisine. La chimie et la physique sont les principales disciplines utilisées pour l’exploration des
dictons culinaires, mais des recours à d’autres disciplines sont parfois indispensables : biologie,
toxicologie, pharmacie… Car la Gastronomie moléculaire vise la résolution de questions culinaires et
non la pratique d’une discipline scientifique particulière : si la résolution d’une question impose
l’utilisation d’optique (pour comprendre, par exemple, pourquoi une mayonnaise s’éclaircit quand on
lui ajoute le jus d’un citron), cette science devra être utilisée ; si la résolution d’une autre question
impose l’utilisation de chimie organique (pour comprendre la réduction des vins, par exemple), la
chimie organique sera mise à contribution, etc. Signalons aussi que la cuisine n’est pas seulement
visée par la Gastronomie moléculaire, sans quoi le titre moins pompeux de « cuisine moléculaire » ou
de « physico-chimie culinaire » aurait suffi. En revanche, certains phénomènes physico-chimiques qui
se produisent lors de la dégustation méritent une exploration qui prolonge celle de la cuisine. Pourquoi
certains vins rouges deviennent-ils désagréables quand ils sont consommés en même temps qu’une
salade vinaigrée, par exemple ? Là encore, la Gastronomie moléculaire a des réponses à donner. Pour
107
englober les explorations physico-chimiques de la cuisine et de la dégustation, nous avons repris le
terme de « gastronomie », largement accepté dans les milieux culinaires depuis la Physiologie du
Goût, de Jean-Anthelme Brillat-Savarin :
« La gastronomie est la connaissance raisonnée de tout ce qui a rapport à l’homme,
en tant qu’il se nourrit. Son but est de veiller à la conservation des hommes, au
moyen de la meilleure nourriture possible. Elle y parvient en dirigeant, par des
principes certains, tous ceux qui recherchent, fournissent ou préparent les choses qui
peuvent se convertir en aliments. […] La gastronomie tient : à l’histoire naturelle,
par la classification qu’elle fait des substances alimentaires ; à la physique, par
l’examen de leurs compositions et de leurs qualités ; à la chimie, par les diverses
analyses et décompositions qu’elle leur fait subir ; à la cuisine, par l’art d’apprêter
les mets et de les rendre agréables au goût ; au commerce, par la recherche des
moyens d’acheter au meilleur marché possible ce qu’elle consomme, et de débiter le
plus avantageusement ce qu’elle présente à vendre ; Enfin, à l’économie politique,
par les ressources qu’elle présente à l’impôt, et par les moyens d’échange qu’elle
établit entre les nations. »
Signalons enfin que les explorations des dictons et tours de main culinaires posent des questions
scientifiques concrètes, qui irriguent les disciplines scientifiques : la condensation des tanins dans
les vins, l’adhérence des mets aux ustensiles de cuisson, la réalisation de croustillant, la
caramélisation, la coagulation, l’obtention de textures spécifiques, etc. sont des phénomènes
qu’examinent la chimie ou la physique modernes, du point de vue fondamental.
Modélisation et rénovation des pratiques
Le deuxième objectif — l’analyse et la modélisation des recettes, procédés ou gestes culinaires — est
indissociable du premier : il serait dommage d’explorer les tours de main et dictons culinaires sans
chercher une compréhension globale de la cuisine, et il serait dommage d’explorer les recettes,
procédés, gestes et méthodes culinaires sans chercher à les rationaliser ou à les améliorer. Au cours de
ce travail d’analyse, on prévoit une modélisation de la totalité des recettes de cuisine, base d’une
analyse des comportements alimentaires. Quelle est la part du connu et de l’inconnu ? Quelle partie de
ces recettes sait-on modéliser ? Le chantier est considérable. Il commence seulement.
L’objectif numéro 3, l’introduction de méthodes, d’outils et d’ingrédients nouveaux en cuisine, a
été décrit, pour la partie des outils, dans un article de L’Actualité chimique74 . Il s’impose tout
naturellement : une rationalisation des méthodes culinaires ne peut s’effectuer sans une transformation
des méthodes, des outils et des ingrédients. Il est tout à fait étonnant que la cuisine se pratique
74 Hervé This, La Gastronomie moléculaire, in L’Actualité chimique, Juin 1995.
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aujourd’hui presque comme au Moyen Âge. Seul le four à micro-ondes est une innovation de
principe. Les robots, l’acier inoxydable, les plaques électriques, etc. ne sont que des perfectionnements
techniques légers, qui n’ont pas modifié le principe des opérations culinaires effectuées. Pourtant, les
laboratoires de recherche sont pleins d’ustensiles et de méthodes qu’il serait utile d’introduire en
cuisine. L’article publié dans L’Actualité chimique était précisément une liste non exhaustive des
matériels de laboratoires qui faciliteraient ou perfectionneraient le travail culinaire : la colonne à reflux
est plus efficace qu’un couvercle, les bacs à ultrasons font des émulsions bien plus efficacement que
les cuillers en bois, etc. Les ingrédients, aussi, pourraient changer, car les sociétés productrices
d’arômes ou de composés chimiques définis ont une large gamme qui pourrait être source
d’innovations en cuisine (ces produits sont déjà utilisés dans l’industrie alimentaire, mais les
conditions d’exercice culinaire des consommateurs individuels ou des restaurants imposeraient des
formulations et des conditionnements différents, assortis d’un règlement spécifique). Nous avons déjà
réussi à faire adopter par plusieurs pâtissiers la bêta ionone, par exemple, pour les desserts qui doivent
avoir un goût de violette, et nous faisons couramment l’apologie du 1-octène-3-ol, au remarquable
arôme de sous-bois, que la cuisine peut utilement utiliser quand la saison des champignons est
terminée. Bien d’autres molécules seraient utiles, non seulement pour l’enrichissement de l’arôme,
mais aussi pour leurs qualités sapides. Dans un article publié en 1995 dans Scientific American75, nous
espérions voir le temps où des cuisiniers utiliseraient de telles molécules. Le 4th International
Workshop on Molecular Gastronomy, en mai 1999, a été précisément l’occasion de confronter les
cuisiniers et les scientifiques sur ce thème. Progressivement les cuisiniers s’habituent à l’emploi de
préparations aromatiques, et certains en sont venus à utiliser des composés définis.
Enfin les méthodes pourraient être transformées. Aujourd’hui, par exemple, quelques chefs
pratiquent couramment des infusions ou des macérations de plantes aromatiques dans l’eau ou dans
l’huile. Pourquoi se cantonner à la température ambiante ou à la température d’ébullition de l’eau pour
effectuer les extractions ? Pourquoi ne pas varier les matières grasses ? Pourquoi ne pas reprendre à
l’industrie des parfums ses méthodes d’extraction, et les adapter aux conditions d’exercice de l’Art
culinaire ?
L’invention de mets nouveaux
Le quatrième objectif découle quasi nécessairement des trois premiers. Par exemple, en utilisant un
résultat obtenu par Madeleine Djabourov, Jacques Leblond et Pierre Papon, de l’E.S.P.C.I, à Paris76
1, on peut perfectionner la confection des gelées (gels de gélatine). M. Djabourov et ses collègues
avaient étudié la prise des gels (précisément sur l’exemple de la gélatine) et testé la théorie de la
percolation pour décrire le phénomène (sur une idée initiale de Pierre-Gilles de Gennes, E.S.P.C.I et
75 Hervé This et Nicholas Kurti, Physics and Chemistry in the kitchen, in Scientific American, avril 1995. 76 M. Djabourov, J. Leblond et P. Papon, Gelation of aqueous gelatin solutions, I. Structural investigation, in J. Phys. France, 1988, 49, 319-332 ; et M. Djabourov, J. Leblond et P. Papon, Gelation of aqueous gelatin solutions, II. Rheology of the sol gel transition, in J. Phys. France, 1988, 49, 333-343.
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Collège de France, Paris), et ils avaient analysé la relation entre la structure du gel et la température de
prise. La mise en pratique culinaire de leur étude a été présentée lors de la conférence de lancement du
Groupement de recherche CNRS « Systèmes moléculaires organisés », au siège du CNRS : le cuisinier
du siège a divisé une même solution de gélatine en deux moitiés, qui ont été placées l’une en chambre
froide et l’autre à température ambiante. Les participants au Groupement de recherche, tout comme les
journalistes invités, ont apprécié la différence de textures : les gelées prises à basse température sont
aqueuses, cassantes et elles tiennent mal au réchauffement, tandis que les gelées prises à température
ambiante, de même composition, sont fermes, bien prises, et thermorésistantes.
Bien d’autres innovations sont possibles. Le « chocolat Chantilly », par exemple, découle
immédiatement d’une bonne compréhension physico-chimique de l’opération qui consiste à fouetter
de la crème. Cette dernière est une émulsion, c’est-à-dire une dispersion de gouttelettes de matière
grasse (du lait) dans l’eau (du lait) ; les gouttelettes sont stabilisées par diverses molécules «
tensioactives », c’est-à-dire ayant une ou plusieurs parties qui se dissolvent dans l’eau (« hydrophiles
») et une ou plusieurs parties qui ne se dissolvent pas (« hydrophobes »). Quand on fouette cette
émulsion en la refroidissant, le fouet introduit des bulles d’air, qui sont stabilisées par les tensioactifs
présents, et l’on obtient une mousse, la crème fouettée, qui se nomme la crème Chantilly si l’on y
ajoute du sucre. Peut-on généraliser le procédé ? Celui-ci est seulement la transformation d’une
émulsion en une mousse. Par exemple, commençons par confectionner une émulsion chaude de
chocolat en mêlant dans une casserole un peu d’eau (par exemple, 20 centilitres) et du chocolat (225
grammes de chocolat à croquer), car ce dernier contient du beurre de cacao. Si l’on chauffe, le
chocolat fond, et sa matière grasse se disperse spontanément en gouttelettes enrobées des molécules de
lécithines qui étaient présentes dans la tablette de chocolat : on obtient l’émulsion chaude que je
nomme une « béarnaise de chocolat ». Il ne reste alors qu’à poser la casserole sur des glaçons et à
fouetter : on obtient une mousse aussi légère que de la crème Chantilly. Puisque la crème engendre
une mousse qui se nomme crème Chantilly, nommons cette mousse de chocolat un « chocolat
Chantilly ». Et n’omettons pas de généraliser le procédé au fromage : d’un roquefort, on fera une «
Béarnaise de roquefort », qui engendrera un « Roquefort Chantilly ». D’un munster, d’un crottin de
Chavignol, on fera un Munster Chantilly, un Crottin Chantilly, etc. Bien d’autres recettes de plats
nouveaux (et le raisonnement qui y conduit) ont été divulguées aux professionnels et au public.
La dernière innovation en date est apparue quand on a cuit une « mayonnaise au blanc d’œuf » dans un
four à micro-ondes et qu’une sorte de solide plein d’huile a été formé. Allons-y doucement. La
mayonnaise classique est une émulsion que l’on obtient en divisant des gouttelettes d’huile dans l’eau
présente dans un jaune d’œuf (un jaune, c’est de l’eau pour moitié) ; ces gouttelettes sont stabilisées
par les protéines et les lécithines du jaune. Le même procédé peut être appliqué au blanc d’œuf : à un
blanc, composé de 90 pour cent d’eau et de 10 pour cent de protéines, ajoutons de l’huile goutte à
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goutte en fouettant. Nous obtenons finalement une émulsion blanche et ferme, sans autre goût que
celui de l’huile77.
L’innovation est venue de l’idée saugrenue suivante : puisque la mayonnaise est une émulsion
dont les gouttelettes sont tapissées de protéines, et que ces protéines coagulent à la chaleur,
qu’obtiendrait-on si l’on cuisait au four à micro-ondes la mayonnaise ? On récupère une masse semi-
solide, où toute l’huile est emprisonnée. Et si l’on presse cette masse, on parvient à en faire sortir
l’huile. Une sorte d’éponge à huile peu ragoûtante. Peut-on d’un petit mal faire un grand bien ?
Conservons le principe en cherchant ses vertus culinaires. Remplaçons l’huile par du chocolat fondu
(éventuellement avec un liquide : jus d’orange, Cointreau, café…) dont on s’assurera que la
température est inférieure à la température de coagulation du blanc d’œuf (62°C) : en fouettant ce
chocolat fondu dans du blanc d’œuf, comme on fouette une mayonnaise, on obtient d’abord une
émulsion de chocolat. Passons au four à microondes : on obtient en une minute environ un gâteau de
chocolat d’une remarquable texture et d’un goût puissant. Un nom pour cette préparation ? « Gel
émulsionné de chocolat » conviendrait, mais comment faire manger cela à mes interlocuteurs ? Après
mûre réflexion, je propose plutôt "Dispersion de chocolat".
Les innovations proposées par les cuisiniers professionnels sont plutôt des associations
inédites d’ingrédients. En revanche, les mets nouveaux qui sont fondés sur la science sont plutôt
des innovations de fond, de principe. (Une « théorie du goût » et un « tableau des doubles cuissons »
circulent aujourd’hui dans les milieux culinaires ; ils proposent respectivement une réflexion générale
sur les moyens techniques de donner du goût à un plat et un grand nombre de nouvelles méthodes de
cuisson.) La réflexion théorique, indispensable dans le cadre d’une activité scientifique, surtout quand
elle touche à l’art, s’impose d’autant plus qu’elle a été excessivement négligée jusqu’ici. L’application
des sciences à la cuisine conduit tout naturellement à une telle réflexion.
Concluons cet examen du quatrième objectif en mentionnant que les propositions de rénovation
des pratiques culinaires auxquelles ces travaux conduisent doivent être prudentes. Dans un discours
prononcé à l’Union des industries chimiques, en 1894, le chimiste Marcelin Berthelot78 a donné
l’exemple de ce que l’on doit éviter : il a prédit qu’en l’an 2000 (c’était le titre de son discours),
l’agriculture et la cuisine auraient disparu, en raison des progrès de la chimie. Un siècle après,
toutefois, on observe que la cuisine (et l’agriculture) sont restées, et que le public n’est pas près
d’échanger le coq au vin, la choucroute, les braisés… contre les pilules nutritives envisagées par
Berthelot. 77 Ce qui semble être un défaut est en fait un avantage : si l’on voulait faire une mayonnaise de girolles grillées, on obtiendrait un piètre résultat en ajoutant les girolles à une mayonnaise classique, car le goût du jaune d’œuf, du vinaigre et de la moutarde l’emporterait nettement ; en revanche, dans la mayonnaise au blanc d’œuf, le goût de la girolle ressort parfaitement. 78 Marcelin Berthelot, En l’an 2000, Discours prononcé au Banquet de la Chambre syndicale des produits chimiques, 5 avril 1894. Membre de l’Académie des sciences, professeur au Collège de France, Berthelot fut aussi, rappelons-le, un homme politique influent, puisqu’il fut même ministre des Affaires étrangères, et adversaire efficace de l’introduction dans l’enseignement, en France, de la théorie atomiste. Cf. Jean Jacques, Marcelin Berthelot, autopsie d’un mythe, Éditions Belin, Paris, 1983.
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Afin d’éviter de répéter de telles erreurs, nous proposons d’ancrer l’innovation dans la
tradition. Cette idée justifie notamment l’insistance que nous mettons dans l’exploration des tours de
main et dictons culinaires classiques. Elle justifie aussi que l’on présente les innovations comme des
variations mineures de pratiques déjà en vigueur, même quand les innovations proposées rompent avec
les pratiques. Par exemple, bien que le chocolat Chantilly n’ait jamais été inventé par la cuisine, on a
repris dans le titre du plat le nom d’un plat classique afin de le faire mieux accepter ; et la Dispersion
de chocolat a un nom proche du quotidien.
Gastronomie moléculaire et culture scientifique
Revenons enfin à la question de la culture scientifique : le cinquième objectif de la Gastronomie
moléculaire ne relève pas de l’exercice de la science, mais se justifie par la teneur des quatre autres
objectifs. Puisque notre discipline est une application des sciences expérimentales à la cuisine
(domestique ou de restaurant, essentiellement), on doit d’abord parvenir à communiquer les résultats
des explorations à tous les cuisiniers. Cependant, une telle communication est insuffisante : afin de
faire progresser l’Art culinaire de façon durable, on veut communiquer aussi les méthodes qui ont
obtenu ces résultats. C’est ainsi que l’on combattra la « recette », qui est l’application automatique
et généralement irraisonnée de préceptes anciens, et que l’on contribuera à stimuler la réflexion des
cuisinières et cuisiniers, ce qui ne manquera pas de favoriser leur créativité. Autrement dit, au lieu de
donner seulement des résultats d’expériences, on cherchera le plus possible à indiquer les bases
scientifiques qui permettraient à n’importe qui de parvenir au même résultat.
Le problème du gonflement du soufflé par exemple (pourquoi les soufflés gonflent-ils ?) montre
bien la relation entre le travail de recherche et le travail de vulgarisation qu’impose l’étude
expérimentale des plats. Les cuisiniers, et les livres de cuisine qu’eux-mêmes ou d’autres publient,
expliquaient naguère (certains des plus influents persistant dans l’erreur, le combat n’est pas terminé)
que les soufflés gonflaient en raison d’une dilatation de l’air introduit dans l’« appareil » à soufflé
(c’est-à-dire dans la préparation qui est placée dans les ramequins) sous la forme principale de blancs
d’œufs battus en neige. Toutefois un calcul de thermodynamique simple montre que le phénomène de
dilatation de l’air n’explique pas bien le gonflement du soufflé. Ayant expérimentalement exploré la
dynamique des soufflés (en partie avec Nicholas Kurti), nous avons démontré que les soufflés gonflent
principalement en raison d’une vaporisation de l’eau présente dans l’appareil : au contact du fond du
ramequin (ce fond est à une température peu différente de celle du four, c’est-à-dire comprise entre
150 et 200°C pour la majorité des recettes), l’eau des couches inférieures du soufflé s’évapore, et les
bulles de vapeur formées sont piégées dans le soufflé tout en poussant les couches supérieures de
soufflé vers le haut (une partie des bulles s’échappe par la face supérieure). Ce résultat doit être
communiqué à la communauté culinaire, parce qu’il rectifie une erreur qui se propage depuis
longtemps (notamment dans l’enseignement hôtelier), mais il a des conséquences pratiques : puisque
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c’est la vaporisation qui est le principal phénomène responsable du gonflement du soufflé, on devra
chauffer ce dernier par le fond pour le faire mieux gonfler, et on devra le cuire dans des ramequins
dont le fond communique efficacement la chaleur à l’appareil à soufflé, par contact avec une sole
chaude et, éventuellement, après avoir démarré le soufflé à froid, en posant son fond sur une flamme.
Les soufflés sont plus gonflés quand on utilise des blancs battus en neige très ferme: les bulles de
vapeur créées par évaporation de l’eau, au fond du ramequin, sont alors gênées dans leur remontée par
la mousse de blanc. Au contraire, dans des soufflés préparés à partir de blancs peu fermes, les bulles
de vapeur viennent crever en surface, sans soulever notablement les couches supérieures du soufflé.
On voit ainsi qu’au total, un travail de vulgarisation scientifique et technique doit accompagner le
travail de recherche. Des millions de personnes qui cuisinent, rien qu’en France, ne bénéficient pas,
dans leur pratique culinaire, des avancées de la science. La Gastronomie moléculaire, en se fixant son
cinquième objectif, veut combler cette lacune. En expliquant ses résultats et ses méthodes, elle
contribuera à une présentation générale des sciences au public sous une forme qu’on espère…
appétissante. En retour, cet objectif impose la mise au point d’expériences simples, que tous les
publics peuvent comprendre. Cet objectif impose aussi le type de publication des résultats
scientifiques obtenus : à côté de revues telles que Lebensmittel und Technologie, on ne doit pas
négliger de présenter résultats et méthodes aux millions de lecteurs de Elle ou de Vogue, aux
téléspectateurs des grandes chaînes de télévision, etc. Notons enfin, à propos de ce cinquième objectif,
que le grand public n’est pas le seul visé. Les élèves et étudiants des divers établissements
d’enseignement général ou spécialisé (culinaire, hôtelier, agronomique) peuvent bénéficier, grâce à la
Gastronomie moléculaire, d’une initiation aux sciences expérimentales qui nous semble cruciale pour
le développement de l’Art culinaire.
Pour en revenir à la chimiphobie publique, il sera notamment utile de souligner, à l’attention du
public, que la cuisine est ainsi toute chimique : le cuisinier qui grille sa viande et lui donne une belle
couleur blonde ou brune ne fait rien d’autre que de faire réagir les sucres de la viande avec des acides
aminés, afin de former des composés sapides, aromatiques et colorés, par des réactions variées : de
Maillard, de Strecker, de caramélisation, etc. Or on ne peut détester ce que l’on aime : on ne peut donc
détester la chimie puisqu’on aime les steaks grillés. Mieux encore, le public chimiphobe a intérêt à
maîtriser cette science qu’il redoute. Veut-il une bonne viande grillée ? Il doit alors savoir, notamment,
les conditions optimales de formations des molécules aromatiques, sapides et colorées. Veut-il manger
sa viande grillée sans risque pour sa santé ? Il doit alors comprendre que bien des opérations qu’il
effectue couramment, en cuisine, peuvent engendrer des composés dangereux… quand ils sont en
concentrations excessives.
Terminons en revenant à la confusion qui entoure l’emploi des mots « technique », « technologie
», « science ». La Gastronomie moléculaire donne le moyen de montrer la distinction au public. Une
technique est une mise en œuvre de moyens en vue de la réalisation de biens. La technologie, pour
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ceux qui rechignent à l’usage d’anglicismes parce qu’ils pensent avec Lavoisier que la pensée se
confond avec la langue, c’est l’étude des techniques. Et la science, c’est la recherche de connaissances.
L’usage de la langue anglaise, ainsi que les conditions d’exercice de la science, ont contribué à la
confusion entre les trois activités. Quand des chimistes synthétisaient la vitamine B12, par exemple,
faisaient-ils un travail technique, technologique ou scientifique ? Quand ils synthétisaient cette
vitamine parce qu’ils voulaient la vendre, leur activité était technique. Quand ils examinaient la
synthèse de la vitamine B12 parce qu’elle était un exemple d’une synthèse totale d’un produit
organique, par exemple, leur activité était technologique. Quand ils profitaient de leur recherche d’une
voie de synthèse pour inventer des réactions chimiques nouvelles ou pour analyser les mécanismes de
réactions utilisées lors de la synthèse, et si la vitamine B12 n’était qu’une sorte de prétexte à cette
exploration, alors il y avait de la science.
Et la Gastronomie moléculaire ? Raisonnons sur l’exemple des gnocchis. On dit que les gnocchis
jetés dans de l’eau bouillante sont cuits quand ils remontent à la surface de l’eau. Le tour de
main est-il juste ? Et, s’il l’est, pourquoi l’est-il ? Face à un tel dicton (« on dit que… »), tour de
main, ou procédé culinaire, la Gastronomie moléculaire commence par un test expérimental, dans les
conditions culinaires qui accompagnent l’énoncé du dicton. Ces conditions sont parfois recueillies
oralement, mais, souvent, elles proviennent de livres de cuisine. D’où une première étude historique,
souvent intéressante, parce qu’elle montre les évolutions des habitudes et comportements alimentaires,
ainsi que les progrès de la technique culinaire. Dans le cas des gnocchis, on reherchera ainsi des
recettes classiques, dans des livres modernes ou anciens, français ou étrangers, et l’on cherchera dans
quelles recettes précises le dicton se retrouve. En l’occurrence, il s’applique à de nombreuses
préparations analogues, et le test expérimental initial portera sur un modèle représentatif : par
exemple, sur des gnocchis de pomme de terre, que l’on prépare à partir de pulpe de pomme de terre
(des pommes de terre sont cuites à four chaud, puis pelées, et l’on écrase la chair cuite), d’œuf (entier
ou jaune seul, selon les recettes), d’un peu de lait (c’est donc essentiellement de l’eau) et de farine. On
obtient une pâte que l’on travaille à la cuiller en bois, puis avec laquelle on forme des cordons que l’on
détaille en petits bouchons. Ce sont ces bouchons qui sont jetés dans l’eau bouillante. Avant de passer
en cuisine-laboratoire, observons que les gnocchis ne sont pas un plat de riche, au contraire : pomme
de terre, un peu d’œuf, du lait. Alors pourquoi avoir affublé la Gastronomie moléculaire d’un nom si
prétentieux ? Réglons son compte à la remarque qui voudrait faire de la discipline une science à
l’attention des riches : quelle que soit la connotation du titre de la discipline, ceux qui ont peu à
manger ont évidemment intérêt à tirer le meilleur parti des ingrédients dont ils disposent. Et c’est ainsi
qu’on s’intéressera tout particulièrement aux procédés qui conduisent à rendre mangeables, par la
préparation culinaire, des ingrédients qui ne le sont pas79.
79 Pensons aux galettes de farine de gland préparées par les Corses, en période de disette : de l’argile qui captait les facteurs antinutritionnels était mêlée à la farine de gland.
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Revenons au dicton proprement dit… et testons-le expérimentalement. On voit alors que, comme
cela est bien décrit, les gnocchis tombent d’abord au fond de la casserole. Tandis qu’ils cuisent, ils
s’« allègent » progressivement : les mouvements de convection les décollent légèrement, mais ils
commencent par retomber ; puis leurs mouvements se font plus amples et, enfin, les gnocchis viennent
flotter franchement à la surface. Conclusion : le dicton est, au moins, partiellement exact, puisqu’il
stipule bien que les gnocchis flottent. Deux questions se posent alors : pourquoi les gnocchis flottent-
ils ? Sont-ils cuits au moment où ils flottent ? La première question est de pure curiosité. Et l’analyse
est la suivante : puisque les gnocchis « crus » tombent d’abord au fond de la casserole, c’est qu’ils sont
plus denses que l’eau. D’ailleurs, ils sont composés de pomme de terre (plus dense que l’eau, il suffit
d’en mettre une dans l’eau pour s’en convaincre), de jaune d’œuf (moins dense que l’eau, mais guère),
de lait (dans certains cas, il est remplacé par du bouillon, de densité quasi égale à celle de l’eau) et de
farine (plus dense que l’eau, comme le montre encore l’expérience). Lors de la cuisson, les grains
d’amidon apportés par la farine s’« empèsent » (ils absorbent des molécules d’eau et gonflent, par un
mécanisme bien exploré par des biochimistes de la station I.N.R.A. de Nantes). Cependant, la densité
totale, si elle se rapproche de celle de l’eau, ne peut devenir inférieure par ce dernier mécanisme. Les
gnocchis ne flottent, par conséquent, que s’ils s’enrichissent de parties moins denses que l’eau. Des
bulles, par exemple, d’air dissous ou de vapeur d’eau. Testons l’hypothèse de l’air dissous : nous
l’éliminons en faisant bouillir longuement de l’eau, puis nous déposons les gnocchis : ils tombent,
mais remontent ensuite à la surface. Ce ne sont donc pas des bulles d’air dissous qui sustentent les
gnocchis. Alors, la vapeur d’eau ? Les bulles de vapeur d’eau ne s’apercevant pas facilement,
comment nous assurer de leur présence ? En prélevant des gnocchis qui flottent, en les faisant rouler
sur un plan de travail, afin d’éliminer les bulles éventuelles, puis en remettant les gnocchis dans l’eau :
ils replongent, et ils flotteront de nouveau, plus tard, quand de nouvelles bulles se seront agrégées aux
gnocchis. Observons d’ailleurs que du chou-fleur détaillé en petits bouquets a le même
comportement ; dans ce dernier cas, la rugosité de la surface permet de bien voir la vapeur, en surface,
sous l’apparence d’une couche brillante qui se détache quand on agite les morceaux du chou-fleur.
Simultanément, nous devons examiner le dicton. Tout tient dans le mot « cuit » : qu’est-ce qu’un
gnocchi qui est cuit ? Il faut sans doute que l’œuf soit coagulé, ce qui donne de la tenue à l’édifice, et
il faut aussi que l’amidon soit bien empesé ; une température supérieure à 60°C environ est nécessaire
pour atteindre ces objectifs. Or si l’on cuit de petits et de gros gnocchis et si l’on mesure la
température à cœur, une fois qu’ils sont remontés en surface, on observe que les plus gros gnocchis
n’ont pas une température à cœur suffisante : autrement dit, il n’est pas vrai, stricto sensu , que les
gnocchis sont cuits quand ils flottent. Dans les livres de cuisine de demain (à l’attention du grand
public ou des jeunes qui se destinent à la profession de cuisinier), on devra préciser — si l’on veut
donner des indications justes aux lecteurs — que les petits gnocchis sont effectivement cuits quand ils
remontent, mais on gagnera à préciser que, pour les gros gnocchis (gros de combien ? On le précisera),
la cuisson doit se poursuivre après que les gnocchis sont remontés (on précisera quel temps de séjour
en surface s’impose). Le test du dicton culinaire est un travail technologique : on étudie la technique
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culinaire qui consiste à considérer comme cuits des gnocchis qui sont remontés à la surface. En
revanche, l’étude des causes de la remontée est une recherche pure de connaissance. Il s’agit de
science. Si la composante technologique est notable en Gastronomie moléculaire, ce serait une erreur
de couper la discipline de sa composante scientifique, car le public est friand d’informations qui
l’aident à comprendre le monde où il vit. Mieux encore, la transmission des résultats scientifiques
valorise la communication des résultats technologiques, en même temps qu’elle communique un état
d’esprit que je trouve important.
Faire des gnocchis cuits, c’est bien ; faire des gnocchis mieux cuits, c’est mieux ; faire des
gnocchis mieux cuits en sachant pourquoi on les fait mieux et en acquérant les outils intellectuels pour
proposer des variations ou des perfectionnements, c’est encore mieux. En corollaire, on comprend
également que des missions d’enseignement et de communication accompagnent nécessairement la
mission de recherche. Disons-le en une phrase : l’examen des dictons et tours de main, apparemment
futile, doit toujours conduire à la compréhension, à la modélisation, à l’innovation… et à
l’information. Dans le cas des gnocchis, par exemple, on pourra chercher à mieux établir les
mécanismes de sustentation, en étudiant la répartition des bulles de vapeur, leurs relations avec les
aspérités des gnocchis, la répartition de ces aspérités et l’évolution de cette répartition en cours de
cuisson ; on pourra aussi chercher à mieux comprendre les mécanismes de gonflement des gnocchis en
relation avec l’empesage des grains d’amidon individuels ; on pourra chercher à examiner l’évolution
des cellules de pomme de terre durant la cuisson, etc. Voilà pour la recherche, c’est-à-dire pour la
compréhension et la modélisation. Pour l’innovation, on cherchera à faire de meilleurs gnocchis, ou
des gnocchis plus tendres en se fondant sur les modèles établis, par exemple, ou encore des gnocchis
qui reprendront les principes essentiels des gnocchis mais changeront les ingrédients… Toujours, les
résultats techniques, technologiques et scientifiques des études seront donnés au public sous une forme
accessible, je préfère dire appétissante, comestible et digeste : il ne me semble pas répréhensible
d’attirer le public vers les sciences en l’appâtant avec de la cuisine.
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A.3. La gastronomie moléculaire et physique, par Hervé This80
Le 28 mai 1996, Pierre Potier, Pierre-Gilles de Gennes, Jean-Marie Lehn, Jacques Leblond, Jean-Yves
Pétroff, Georges Bram et Christian Conticini constituaient le jury d'une thèse de... gastronomie
moléculaire et physique. De la gastronomie à l'université? En sciences physiques? Comment en est-on
arrivé-là? Et la science des aliments ayant depuis longtemps pignon sur rue, pourquoi particulariser
une activité qui semble n'en différer que par un nom pompeux?
Parce que, depuis quelques siècles, la science des aliments se développe dans les laboratoires,
tandis que l'art culinaire s'élabore dans les cuisines domestiques ou de restaurant. Le mariage
n'est pas consommé: cuisinières, cuisiniers et chefs ne fréquentent pas les laboratoires, tandis que
chimistes, physiciens ou biologistes ne vont dans les restaurants que pour s'y faire traiter, sans
concourir, par leur savoir, à l'élaboration des mets. Pourtant, les chefs qui font éclater les viandes à feu
vif utilisent la chimie, et les physiciens qui se préoccupent des émulsions ou des mousses ne sont pas
loin des mayonnaises et des blancs en neige. Pourtant encore, les spécialistes en science des aliments
ne se préoccupent que de nourriture: dans les centres de recherche publics ou industriels, ils mettent au
point les ingrédients ou les méthodes contribuant à nourrir les peuples.
Pourquoi les sciences exactes ne sont-elles pas passées en cuisine? Pourquoi le monde de la science et
le monde de la cuisine s'ignorent-ils? Peut-être parce qu'ils croient n'avoir rien à se dire. Ils se
trompent: cuisinières et cuisiniers qui veulent réussir leurs plats gagnent à comprendre la chimie et la
physique que fait intervenir leur pratique ; et, inversement, physiciens et chimistes, en quête
d'étrangetés du monde naturel, trouveront en cuisine de nombreux mystères auxquels ils pourront se
consacrer: pourquoi les poires rougiraient-elles quand on y plonge un petit morceau d'étain? Pourquoi
existe-t-il plusieurs façons de rater une mayonnaise? Pourquoi certaines gelées contenant de l'oeuf
subsistent-elles à des températures supérieures aux 36°C fatidiques qui font fondre les gels de
gélatine?
Dans l'attente de cette réconciliation de la science et de l'art culinaire, la cuisine traîne derrière elle,
comme une casserole, des brassées de dictons souvent fondés sur des observations empiriques, mais
abâtardis par les superstitions et les croyances; les dictons des chefs, parfois différents de ceux que l'on
rapporte dans les foyers, sont tantôt des perles d'observations, tantôt des réminiscences superstitieuses.
Et tourne la cuisine...
Si les dictons faux ne nous ont pas tués, nous nous sentirions mieux de ne recevoir que les dictons
fondés: on conviendra qu'un soufflé dont les saveurs ont été artistiquement ménagées n'exercera son
80 Article paru en 1997 dans la revue Alliage (n°31)..
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plein effet gastronomique que s'il gonfle correctement. De surcroît, quel esprit exercé à se poser la
question comment ça marche pourrait-il supporter de cuisiner sans comprendre ce qu'il fait? La
séparation est d'autant plus étonnante que, dans son laboratoire, le chimiste verse un liquide d'un
becher dans une fiole, chauffe, observe les changements de couleur, d'odeur et de goût, et explique ces
changements en termes moléculaires ; puis, en cuisine, ce même chimiste verse un liquide d'une
casserole dans une terrine, chauffe, observe des changements de couleur, d'odeur et de saveur, sans se
préoccuper des modifications moléculaires. Comment supporter cette séparation schizophrénique de la
pratique culinaire et de la pratique de la science? Les deux cultures de C. P. Snow ne menacent
manifestement pas la société, mais bien chacun d'entre nous, et notre première lutte contre cette
séparation doit se faire à la cuisine.
Toutes ces raisons expliquent pourquoi, avec Nicholas Kurti, professeur de physique à l'université
d'Oxford et membre de la Royal Society, nous avons décidé, il y a plusieurs années, de promouvoir
l'activité que nous avons identifiée sous le nom de Gastronomie moléculaire et physique.
Après deux congrès internationaux (International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy),
qui ont réuni des chefs et des scientifiques au Centre de culture scientifique Ettore Majorana (Erice,
Sicile), après la publication de plusieurs livres visant à montrer au grand public l'intérêt de la
gastronomie moléculaire et physique, après de nombreux articles, après des émissions de radio, de
télévision, après un nombre considérable de conférences, un point s'est finalement fait, le 28 mai 1996,
à l'Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris: c'était la raison de la thèse de sciences
physiques de l'université Paris VI évoquée en début d'article. Le document proprement dit rapportait
quelques résultats d'expériences, ainsi qu'un programme de travail. Examinons les uns et les autres.
Les objectifs, tout d'abord. J'assigne à la gastronomie moléculaire et physique les objectifs suivants:
tester les tours de main et dictons culinaires, anciens ou modernes, français ou étrangers ; expliquer les
transformations culinaires ; présenter la chimie et la physique au grand public, sous une forme
appétissante et digeste ; utiliser la connaissance des opérations physiques et chimiques pour introduire
en cuisine de nouveaux outils ou ingrédients ; inventer des plats nouveaux, fondés sur la connaissance
des aliments et la compréhension des transformations culinaires. Expliquons-nous par un exemple - le
mystère des fruits rouges -, avant d'envisager le chantier en cours.
Les fruits rouges et la compote de poires
Madame Saint-Ange écrit, dans La bonne cuisine de Madame Saint-Ange, page 954: Rappelons que,
pour la manipulation des fruits rouges, l'emploi de tout ustensile étamé doit être écarté, le contact de
l'étain leur donnant une couleur violacée. On teste ce conseil culinaire en plaçant des framboises ou
des groseilles rouges dans des casseroles variées, fraîchement lavées, afin de savoir si le matériau du
récipient change les couleurs de ces fruits. On n'observe pas d'effet. Pourtant, la chimie sait que les
molécules d'anthocyanines des fruits ont une couleur qui change quand elles complexent des ions
118
métalliques: fer, ou aluminium, par exemple (cf. Food Chemistry, Belitz et Gross, pp. 596-597). Dans
les premières expériences, on a naturellement utilisé des casseroles propres, mais des casseroles
oxydées ou salies ne peuvent-elles, par leur sels, changer la couleur des fruits? Comparons donc des
fruits rouges additionnés de divers sels métalliques afin d'observer d'éventuels changements de
couleur.
Les framboises ou groseilles sont broyées dans des ramequins en pyrex ; puis trois centilitres de
solutions concentrées de sels métalliques sont versés sur les fruits:
- l'ion étain II produit effectivement un remarquable changement de couleur: les fruits prennent une
teinte violacée ;
- l'ajout de sels de cuivre (acétate) ne semble pas changer notablement la couleur, mais, au bout de
quelques minutes, la couleur est plus fraîche (orangée) que les fruits rouges témoins ;
- l'ajout de chlorure d'argent blanchit très légèrement les fruits ;
- l'ajout d'oxyde de fer noircit un peu les groseilles ;
- l'ajout de carbonate d'aluminium ne provoque pas de modification de couleur.
Pour expliquer ces réactions, on suppose que la liaison du métal au pigment mobilise les électrons F de
ce dernier: l'absorption de la lumière est alors modifiée. Notons ici que la science des aliments
s'évertuerait à identifier le pigment responsable de l'effet, et rechercherait précisément les mécanismes
de l'absorption lumineuse et de son décalage. A quoi une telle connaissance servirait-elle aux
cuisinières et aux cuisiniers? Nous préférons cesser l'exploration du dicton à ce stade, et conclure: le
tour de main contient un fond de vérité, mais il est imprécis ; on devrait signaler que les fruits rouges
ne doivent pas être placés dans un récipient en cuivre étamé si celui-ci est sale ou exposé à l'air depuis
longtemps.
Cet exemple du changement de couleur des fruits rouges montre que certains conseils fondés sur des
observations empiriques sont insuffisants ; ils doivent être précisés. D'autres conseils sont nettement
faux: par exemple, l'auteur du Cuisinier parisien (1882) écrit page 221: Comme les poires restent
rarement blanches, il vaut mieux les avoir rouges tout à fait ; il suffit pour cela de mettre dans le sirop
où elles cuisent un petit morceau d'étain fin ; ce morceau d'étain peut servir indéfiniment et son emploi
n'a rien de malsain. Une casserole étamée produirait le même effet, mais si elle avait servi à d'autres
usages, il faudrait auparavant y faire bouillir de la cendre pour en enlever tout ce qui peut être resté
attaché à sa surface.
Quelle précision ! On ne peut manquer de se convaincre, à la lecture de ce passage, que le tour de
main est manifestement vrai, et l'on en vient à supposer un effet qui intéresserait la chimie. Pourtant,
quand on fait l'expérience de confectionner un sirop où l'on place des grains d'étain et des poires pelées
et coupées en quartiers, on ne voit aucun changement de couleur: au mieux, les poires prennent une
119
légère teinte jaune frais (et l'ajout de sels d'étain à des compotes de poires n'a pas entraîné, jusqu'ici,
d'effet).
Ces deux exemples montrent que la gastronomie moléculaire et physique se construit autour de petites
vérifications, où chimie et physique viennent questionner et aider la cuisine. Elle ne doit pas, à mon
sens, poursuivre ses études au-delà de la cuisine, sous peine de se transformer en science des aliments
(ce qui serait louable, certes, mais hors de son propos). Son objectif est utilitaire, mais cette utilité
visée n'empêche pas de comprendre, bien au contraire. On débouche sur une cuisine éclairée, épurée:
le temps où les livres de cuisine seront débarrassés des scories de son développement empirique est
proche. Voici donc l'un des premiers objectifs: une partie du travail de gastronomie moléculaire et
physique consiste à recenser les tours de main des chefs anciens et modernes, et à les passer au crible
de l'analyse de physico-chimie des matériaux.
Mieux comprendre pour mieux cuisiner: le sabayon
Ces tests des tours de main débouchent naturellement sur une compréhension des mécanismes
physico-chimiques des transformations culinaires. C'est le deuxième objectif de la gastronomie
moléculaire: en comprenant mieux les opérations effectuées, on a la possibilité de les perfectionner en
connaissance de cause. Un exemple? La confection des sabayons.
Les sabayons sont des préparations que l'on obtient en fouettant des jaunes d' oeufs avec du sucre, puis
en ajoutant un liquide (par exemple un vin d'Alsace) ; on chauffe en fouettant, jusqu'à obtenir une
mousse légère. A quelle température doit-on chauffer? Dans un soufflé, par exemple, le gonflement,
qui atteint deux à trois cents pour cent, montre que ce n'est pas la dilatation de l'air des blancs en neige
qui est responsable du gonflement, mais la vaporisation de l'eau (d'ailleurs, un nuage de vapeur
s'échappe quand on coupe le soufflé). Le sabayon monte-t-il parce que, de même, il est porté à cent
degrés? L'introduction d'un thermocouple dans un sabayon montre, au contraire, que l'on obtient
parfaitement le sabayon quand sa température reste bien inférieure aux cent degrés fatidiques. Alors,
l'évaporation de l'alcool contenu dans le vin, vers soixante dix-huit degrés, serait-elle responsable du
gonflement? Sans doute pas, car un sabayon dont le liquide est de l'eau gonfle tout aussi bien. Alors?
Alors, l'on peut vérifier que les sabayons montent même quand la température est de l'ordre de
cinquante à soixante degrés: comme de nombreuses compositions alimentaires contenant des oeufs
(jaunes ou blancs), protéines et lécithines sont des tensioactifs qui stabilisent les bulles d'air qu'a
introduites le fouet. D'autre part, le sabayon ainsi foisonné tient dès que sa température est supérieure à
la température de coagulation des jaunes. Cette information anodine est de première importance, car
les pâtissiers redoutent le goût de jaune d'oeuf cuit des sabayons ; or ce goût apparaît dès que les oeufs
sont trop chauffés. Conclusion: pour avoir un sabayon idéal, platonicien, il faut le chauffer aussi peu
que possible. Combien peu? Jusqu'à soixante-huit degrés, puisque c'est la température nécessaire et
suffisante.
120
Un rôle didactique et social
La gastronomie moléculaire, au service de la cuisine domestique ou de restaurant, n'est pas cantonnée
à ses atouts techniques. Elle a également un rôle didactique et un rôle social.
Le rôle didactique, tout d'abord: les tests de la gastronomie moléculaire et physique, en triant les tours
de main, éviteront que soient propagés ceux que dément l'expérience, et qui continuent pourtant de
courir dans les manuels de cuisine. Si l'on n'enseignait plus que des tours de main raisonnés, on aurait
des bases saines pour construire une cuisine renouvelée. Cet enseignement aurait en outre le mérite de
former des esprits rationnels (au moins pour la partie technique de la cuisine ; pour ce qui est de la
partie artistique de l'art culinaire, c'est une autre histoire). Enfin, dans les entreprises, des chefs ont
déjà déclaré que la compréhension apportée par la gastronomie moléculaire leur permettait d'expliquer
à leurs collaborateurs les objectifs visés et les moyens d'y parvenir.
Le rôle culturel et social, maintenant: ne peut-on espérer que nos sociétés auraient un fonctionnement
plus harmonieux si l'ensemble des citoyens était ouvert aux sciences? La gastronomie moléculaire, en
proposant un abord appétissant, utile et digeste aux sciences exactes, pourrait, on l'espère, contribuer à
la vie de la nation. En montrant que la cuisine se ramène à de la physico-chimie, la gastronomie
moléculaire démontre l'intérêt de ces disciplines, en même temps qu'elle dissipe la crainte qui les
entoure. Se sachant faire de la chimie en cuisant un steak, on ne peut plus prétendre que celle-ci est
nuisible. L'image de la discipline change, et l'on en vient à comprendre que ce n'est pas la science,
mais son application, que l'on doit redouter. Le nucléaire pour l'énergie civile est la face bénéfique de
la physique nucléaire ; le nucléaire pour la bombe en est la face maléfique. De même, la chimie,
connaissance du monde, ne peut endosser la responsabilité de l'emploi des gaz de combat, pas plus
qu'elle n'a droit à l'éloge des steaks bien grillés. C'est celui qui emploie les gaz ou celui qui fait griller
les steaks qui porte la responsabilité de son emploi de la chimie.
Enfin la gastronomie moléculaire doit permettre d'innover, conformément à la citation rappelée en
avant-propos par Pierre-Gilles de Gennes lors de sa conférence introductive au Second International
Workshop on Molecular and Physical Gastronomy (Erice, avril 1995). Parfois, les expérimentations
mentionnent l'usage d'outils, de molécules ou de méthodes courants dans les laboratoires, mais absents
des cuisines. C'est l'un de nos objectifs que de favoriser l'emploi de ces méthodes et composés par les
cuisinières et cuisiniers. La gastronomie moléculaire devrait, ainsi, jouer un rôle dans le
développement de l'art culinaire: dans un article publié par l'Actualité chimique ( juillet 1995), on s'est
amusé à dresser la liste de tous les ustensiles de laboratoire qui pourraient utilement s'introduire en
cuisine. Naturellement les composés peuvent l'être également.
121
Des matériels rudimentaires
Les objectifs de la gastronomie moléculaire déterminent les matériels utilisés. Notamment, on travaille
autant que possible dans des conditions culinaires, parce que l'on cherche à observer qualitativement
ou quantitativement des effets que les cuisinières et cuisiniers, avec leurs méthodes et leurs
instruments, disent avoir observés ; on verra, par exemple, que l'eau pure met autant de temps à
bouillir que l'eau salée, quand les conditions sont celles de la cuisine ; il ne servirait à rien, pour
l'objectif, de mesurer plus précisément le phénomène étudié, car on veut seulement vérifier des
observations effectuées en cuisine. De surcroît, l'un des objectifs est de pousser le public à répéter les
expériences, afin qu'il acquière le goût des sciences. De ce fait, on s'efforce de lui montrer des
expériences qu'il peut répéter facilement, c'est-à-dire avec un matériel simple et peu coûteux. Aussi
peut-on se contenter d'utiliser, le plus souvent: un microscope optique, un thermocouple, une balance,
un pH-mètre, des éprouvettes graduées, un bain d'huile thermostaté... et des casseroles, verres doseurs,
cuillers, fourchettes, couteaux, four... Bref, la classique batterie de cuisine. Comme la gastronomie
moléculaire s'intéresse à la cuisine et, mieux encore, à la cuisine domestique ou de restaurant, on teste
les tours de main culinaires à l'aide des mêmes matériels: casseroles, terrines, cuillers, fourchettes,
couteaux, four, plaques électriques... Dans bien des cas, on précise les opérations à l'aide de béchers ou
d'éprouvettes gradués, afin de déterminer précisément les volumes et masses, mais la plupart des
expériences sont conçues d'après la devise de Nicholas Kurti: Faisons une expérience simple. L'effort,
ainsi, est constamment de mettre au point une expérience qui, malgré sa simplicité, donne un résultat
tranché sans l'aide de matériel scientifique complexe.
Ce parti pris a un double but. D'une part, il permet de réaliser des tests simples ; d'autre part, comme
nous l'avons vu, il montre aux chefs ou aux jeunes qu'eux-mêmes pourraient avoir effectué de tels
tests.
Point de méthode
Peut-on espérer effectuer des expériences simples alors que, dans les laboratoires, physiciens et
chimistes modernes sont souvent forcés d'utiliser des spectroscope à résonance magnétique nucléaire
ou des accélérateurs de particules pour obtenir la réponse à des questions que pose la constitution des
matériaux? La réponse est un oui énergique: les questions que soulève la pratique culinaire sont
souvent si simples que des appareillages rudimentaires suffisent. Ainsi, il y a environ vingt ans,
Nicholas Kurti se plaignait à ses collègues de la Royal Institution que l'on connaisse mieux la
température au centre d'une étoile qu'au coeur d'un soufflé. Il suffisait pourtant d'un thermocouple
pour effectuer la mesure... qu'il a faite. Nous partageons son point de vue, et nous nous attachons
également depuis longtemps à explorer la physico-chimie des matériaux culinaires.
Un autre point: la cuisine donne-t-elle des résultats reproductibles et si non, comment espérer obtenir
des informations fiables sur les mécanismes physico-chimiques qui interviennent dans la cuisine?
Examinons ce problème sur deux préparations: la mayonnaise et les sabayons.
122
Dans le cas des mayonnaises, tout d'abord, les aléas sont multiples. Le 25 novembre, lors d'une
conférence publique à la Cité des sciences et de l'industrie où je présentais des mayonnaises à la goutte
de jaune, puis au blanc d'oeuf et sans jaune, je faisais exécuter les recettes par trois spectateurs. Le
premier fit correctement sa mayonnaise, jusqu'à ce qu'elle tourne, après être devenue très ferme. Le
second obtint le résultat souhaité, et le troisième fit tourner sa mayonnaise en cours de réalisation.
Pour montrer que la faute incombait aux exécutants et non aux prévisions scientifiques, je repris les
trois mayonnaises et, sans changer les ingrédients, je remontai les sauces en respectant une règle de
base, pour de telles émulsions: au début, quand l'huile et la phase aqueuse sont en contact, il faut
commencer par mettre très peu d'huile pour obtenir une émulsion de type huile dans eau, et non eau
dans huile. Puis je m'attachai à toujours fouetter vigoureusement afin de maintenir, dès le début de la
réalisation, une sauce épaisse: ainsi on conserve bien l'émulsion, et on risque moins qu'elle tourne. Il
s'agissait d'une méconnaissance de la physico-chimie de la mayonnaise. En corollaire, il est clair
qu'une connaissance des émulsions aussi parfaite que possible s'impose en gastronomie moléculaire.
Toutefois, l'expérimentateur peut rater une sauce sans que ses connaissances s'avèrent obsolètes pour
autant: les milieux culinaires sont si hétérogènes, irréguliers, que des règles saines et scientifiquement
fondées ne s'appliquent parfois plus. Les analyses des échecs sont autant d'informations à conserver
précieusement, parce qu'elles aident à interpréter les conseils donnés dans les livres et qui sont au cIur
de ce travail.
De même, lors d'un séminaire au Laboratoire de physique thermique et mécanique des fluides de
l'ESPCI, je fis exécuter un sabayon par l'un des membres du laboratoire, pendant que je préparais des
diapositives. Il s'agissait de fouetter un mélange de jaunes d'oeufs et de sucre, afin de faire le ruban: la
préparation doit devenir blanchâtre et lisse. L'exécutant tenait mal son fouet, et effectuait un
mouvement qui ne lui permettait pas d'obtenir le ruban ; l'appareil restait jaune et irrégulier. Cette
observation permit d'introduire la diapositive montrant le jaune ayant fait le ruban, plein de bulles
d'air. Elle permit également de montrer que, puisque l'objectif du travail au fouet est en l'occurrence
d'introduire des bulles d'air, il faut un mouvement du fouet particulier, vertical, et non un touillement
du fond de la casserole. Muni de cette explication, l'exécutant obtint facilement le ruban.
Ces deux exemples montrent que l'activité de gastronomie moléculaire impose une bonne
connaissance des gestes et des savoir-faire culinaires. Est-elle moins scientifique pour autant? Non, car
les gestes et les savoir-faire culinaires peuvent se codifier. De même qu'un chimiste effectuant une
mesure de pH doit connaître le fonctionnement d'un pH mètre, le gastronome moléculaire qui teste la
préparation d'un sabayon doit connaître la recette de ce sabayon. Au total, la connaissance des gestes
et, mieux encore, des phénomènes physico-chimiques de la cuisine, donne des résultats parfaitement
reproductibles et, parfois même, reproductibles malgré les fluctuations de composition des ingrédients.
123
Un programme d'expérimentations en gastronomie moléculaire
On a vu précédemment quelques exemples de résultats de gastronomie moléculaire. Le travail est
presque sans fin, et l'on donne ici, également à titre d'exemple, quelques questions en cours d'analyse -
en nous limitant au début de leur liste alphabétique. Pour beaucoup, ont été obtenus des résultats
préliminaires, mais qui attendent des confirmations.
Ail - Dans Le meilleur et le plus simple, page 61, le chef parisien Joël Robuchon (restaurant Joël
Robuchon) écrit: Comme le mélange cru d'ail et d'échalotes peut sembler un peu agressif à certains, les
deux ingrédients sont mis d'abord à mariner dans un peu d'huile pour en atténuer le goût.
Cette indication est intéressante: on peut supposer que, soit des composés ressentis comme agressifs
sont oxydés, soit qu'ils sont extraits par l'huile de la marinade où ils sont dissous. Le premier cas est
peu probable si l'on prend l'indication à la lettre, car l'oxygène entrera difficilement dans les gousses si
celles-ci ne sont pas d'abord écrasées. La seconde hypothèse est peu probable, également, sauf si ces
composés sont dans la partie externe de l'ail et de l'échalote ; en outre, les chefs disent souvent que
c'est le germe qui contient les principes agressifs et, effectivement, le germe a des raisons d'être
agressif: la plupart des végétaux le sont, et c'est un miracle si certains végétaux sont doux.
On pourrait tester ces hypothèses par plusieurs expériences.
Tout d'abord, on devra tester le tour de main, et, comme l'agressivité de l'ail ou de l'échalote est
difficile à apprécier objectivement, on pourra commencer par chercher si l'huile de la marinade se
charge de composés odorants.
Puis l'on pourra comparer gustativement, en aveugle, de l'ail et de l'échalote entiers, d'une part, et de
l'ail et de l'échalote dont on aura éliminé la partie externe.
Enfin l'on comparera de l'ail et de l'échalote ainsi traités, et les deux bulbes blanchis à l'eau bouillante.
Aïoli - Edouard de Pomiane signale dans Le code de la bonne chère, page 106, qu'une mie de pain
imbibée de lait favorise l'émulsion que l'on cherche à obtenir quand on confectionne de l'aïoli. Le lait
contient des composés tensioactifs (la caséine, regroupée en micelles, autour des gouttelettes de
matière grasse, diverses protéines, et divers phospholipides ou glycolipides). Il contient également de
l'eau. Aussi peut-on supposer que le lait intervient à deux titres dans l'obtention de l'émulsion. Si l'on
suppose que l'ail contient suffisamment de tensioactifs (une purée d'ail mousse), on supposera que le
lait intervient plutôt par l'eau, peu abondante dans les gousses d'ail. Favoriserait-on également
l'émulsion avec du pain trempé dans de l'eau?
124
D'autre part, le pain contient quelques protéines, quelques composés aromatiques formés soit lors de la
fermentation, soit lors de la cuisson (produits de Maillard) et, surtout, beaucoup d'amidon.
Les expériences semblent montrer que l'effet signalé par Pomiane est exact: on a notamment comparé
un aïoli et un échalotoli montés avec ou sans pain imbibé de lait. Il reste à comparer un aïoli favorisé
par l'ajout de lait sans pain, et un aïoli favorisé par l'ajout de pain mixé dans du lait. D'autre part, on
pourra comparer un aïoli confectionné à partir de pain finement mixé dans du lait, et un aïoli monté à
l'aide de pain simplement trempé.
Artichaut - Dans La bonne cuisine de Madame Saint-Ange, page 734, Madame Saint-Ange écrit que
lorsqu'il est entamé, à l'état cru, l'artichaut noircit È. Suit un paragraphe contradictoire. Des
expériences préliminaires où l'on entaillait des coeurs d'artichauts qu'on laissait à l'air ont donné des
effets irréguliers. Soit les artichauts ne noircissaient pas, malgré de nombreuses entailles du coeur, soit
le noircissement était localisé. On se propose de refaire l'expérience en variant les types d'artichauts,
sur toute l'année. Pourtant, le noircissement s'expliquerait facilement: il serait du même type que celui
qui a lieu dans de nombreux autres fruits, tels les pommes, et du à des polyphénoloxydases.
Joël Robuchon, dans Les dimanches de Joël Robuchon, page 16, écrit: Dans une grande casserole,
faire bouillir de l'eau. Saler à raison de dix - dix-huit grammes par litre ; ajouter un jus de citron entier.
Verser cinq cuillerées à soupe d'huile d'olive. Je déconseille le procédé classique qui consiste à ajouter
de la farine dans l'eau de cuisson pour préserver la couleur des fonds d'artichaut. Je préfère le jus de
citron et l'huile d'olive, qui fait office d'isolant.
A la fois le procédé classique et le procédé de Joël Robuchon mériteraient d'être mieux compris. Les
données connues sont les suivantes: les polyphénoloxydases sont inhibées par l'eau bouillante, par les
acides, et par les composés réducteurs ; d'autre part, le brunissement enzymatique n'a lieu qu'en milieu
oxydant, et l'huile mouille les végétaux en raison de leur cuticule cireuse. L'huile d'olive contient tant
de composés actifs (tanins, monoacylglycérides, etc.) que certains d'entre eux sont peut-être
responsables de l'effet, s'il existe. Quant à la farine, on voit mal comment elle protégerait du
brunissement.
Les expérimentations à mener consistent à comparer les effets respectifs - de l'eau bouillante seule ; de
la farine dans l'eau bouillante ; du jus de citron seul, dans l'eau bouillante ; d'une huile composée
seulement de triacylglycérides sans eau bouillante ; de cette huile dans l'eau bouillante ; de l'huile
d'olive seule sans eau bouillante ; d'huile d'olive dans l'eau bouillante ; du jus de citron et de l'huile
d'olive dans l'eau bouillante. A ce jour, les expériences semblent montrer que le noircissement est
différent sur la partie centrale et sur la partie périphérique des coeurs. Sur la partie centrale, la farine
ou bien le jus de citron accompagné d'huile donnent les mêmes résultats, médiocres. En revanche, le
125
jus de citron accompagné d'huile d'olive préserve effectivement mieux la partie périphérique et la base
des feuilles que la farine.
Asperges - Antonin Carême, dans son Art de la cuisine française, page 180, conseille d'ajouter de la
cendre de bois à l'eau bouillante où l'on cuit des asperges pour les obtenir d'un vert printanier. Le
même procédé est recommandé pour les haricots verts et les petits pois. Les données d'interprétation
sont les suivantes: les cendres sont souvent basiques (une solution de 10,2 est obtenue par ajout de
vingt-cinq grammes de cendres à vingt centilitres d'eau distillée) ; les chlorophylles a et b contiennent
un atome de magnésium facilement remplacé par un proton en milieu acide (les phéophytines formées
ont alors une couleur brune). On évite ce remplacement en milieu basique (raison pour laquelle
certains cuisiniers conseillent de cuire les végétaux verts en mettant du bicarbonate de sodium dans
l'eau de cuisson).
L'expérience consisterait à comparer trois lots d'asperges vertes: dans l'eau pure, dans l'eau rendue
basique par du bicarbonate, et dans l'eau ou l'on a dissous des cendres.
Avocat - On dit qu'un velouté d'avocat reste vert si on laisse les noyaux dans le potage jusqu'au
moment de servir. Remarquons que Harold McGee a déjà commencé l'étude de cet adage dans The
Curious Cook ; à mon sens, le travail n'est pas achevé. Remarquons également que la composition du
velouté n'est pas précisée. On se propose de se limiter à une purée d'avocat, dont on déterminera
quantitativement le noircissement en présence et en l'absence de noyaux. L'avocat noircit pour les
mêmes raisons que l'artichaut (cf. ci-dessus). De ce fait, si l'on observait un effet, on cherchera dans
les noyaux des propriétés d'inhibition des enzymes: si ces propriétés existent contre les enzymes de
l'avocat, elles existent également contre le noircissement d'autres légumes: pommes coupées,
champignons de couches, etc. On comparera l'effet éventuel à celui de composés antioxydants, tel
l'acide ascorbique.
Brioche - Madame Saint-Ange, La cuisine de Madame Saint-Ange, page 1062, écrit que: L'eau qui a
bouilli perd ses propriétés nécessaires à la fermentation de la pâte. Cette remarque est douteuse, car le
développement des levures qui sont ajoutées à la pâte nécessite de l'eau et des oligosaccharides. L'eau
qui a bouilli est seulement débarrassée d'éventuels micro-organismes (qui viendraient en concurrence
avec les levures ajoutées) et de l'oxygène dissous, mais ce dernier est largement introduit dans la pâte
lors du pétrissage. Par acquis de conscience, on pourra comparer deux brioches: l'une faite à partir
d'eau bouillie, et l'autre à partir d'eau non bouillie. Madame Saint-Ange, dans les pages qui suivent
celle où figure cette remarque, indique: faire de profondes incisions permet que la chaleur rentre
mieux.
Ce conseil est également donné par quelques auteurs de livres de cuisine, au chapitre des pâtes
feuilletées. Dans le pain, aussi, on conseille de faire des grignes, c'est-à-dire d'entailler la pâte, afin de
126
faciliter son développement, lors de la seconde pousse. Il est exact, dans le cas du pain, que des
entailles nettes permettent un gonflement supérieur, parce qu'on limite l'effet résistant du réseau de
gluten. Dans la pâte feuilletée, également, ces entailles permettent-elles une meilleure levée? Et dans
la brioche, pour y revenir, les entailles ne servent-elles pas le même but?
On fera donc deux séries d'expériences. Les premières, à l'aide d'un thermocouple introduit à divers
endroits de brioches incisées, permettront de tester l'effet thermique ; les secondes viseront à
déterminer les différences de gonflement des pâtes entaillées ou non.
127
A.4. Dossier sur la gastronomie moléculaire, par Hervé This81
Introduction
Que mangeons-nous ? Nous mangeons généralement des produits de l'agriculture et de l'élevage
locaux, transformés par les cuisiniers ou par l'industrie en objets admissibles, acceptables, déterminés
par notre culture. Par exemple, le Toulousain mange du cassoulet, parce que cette préparation fait
partie de sa culture ; il ne mangerait ni le haricot cru, ni un cassoulet dont le canard et le porc seraient
remplacés par du serpent, ni un plat ayant les ingrédients du cassoulet classique, mais dont la cuisson
n'aurait pas traditionnelle. Il supporte le cassoulet industriel, parce que ce dernier est exécuté (ou
semble l'être) selon les mêmes règles qu'en cuisine domestique ou de restaurant.
Culture, cuisine, art culinaire. Quel rapport avec la science ? Divisons en deux cette question des
relations entre la science et la cuisine. D'une part, la science peut-elle contribuer à la technique
culinaire telle que pratiquée quotidiennement dans les foyers ? D'autre part, la science peut-elle
contribuer à l'avancement de l'art culinaire Cette seconde question est importante, parce que, sans l'art,
la technique ne vaut rien : savoir cuire un cassoulet en effectuant des transformations physico-
chimiques raisonnables est insuffisant pour qu'il soit bon. Préalablement, il faudra avoir choisi
d'utiliser de l'ail rose plutôt que de l'ail commun, il aura fallu décider de la variété des haricots, etc.
Pour savoir si la science peut contribuer à l'art culinaire, analysons-le problème. Les sciences sont
des explorations du monde qui utilisent la méthode expérimentale : ayant identifié un phénomène
(le ciel est bleu), les scientifiques en recherchent les mécanismes (pourquoi le ciel est-il bleu ?) par
une méthode rigoureuse qui consiste en (1) analyse du phénomène ; (2) élaboration d'une théorie (ou,
plus modestement, d'un modèle) ; (3) établissement de prévisions déduites de la théorie ou du modèle ;
(4) test expérimental des prévisions qui, on l'espère, réfuteront plutôt qu'elles ne confirmeront les
prévisions ; (5) modifications du modèle ou de la théorie afin de mieux décrire les phénomènes ; (6) et
ainsi de suite.
En cuisine, par exemple, confectionnons un soufflé : pourquoi gonfle-t-il ? On peut d'abord
supposer que les bulles d'air apportées par le blanc d'oeuf battu en neige, dans la préparation pour
soufflé, gonflent quand elles sont chauffées, parce que les gaz se dilatent à la chaleur. Sur la base de
cette hypothèse ou modèle, on utilise une loi dite « loi des gaz parfaits » pour calculer le gonflement
du soufflé. On suppose par exemple que la pression est constante et égale à environ une atmosphère,
dans le soufflé, puis on applique, avant et après la cuisson, la relation PV=nRT, entre la pression dans
le soufflé, V le volume, n le nombre de moles de gaz dans le soufflé, R la constante des gaz parfaits, et
T la température (en kelvins). En supposant une température initiale de 20°C, avant cuisson, et de
81 Accessible sur le site internet Futura Sciences http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/dossier367-1.php
128
100°C en fin de cuisson (on ne peut dépasser cette température, parce qu'il reste de l'eau liquide non
évaporée), on calcule ainsi que le soufflé doit gonfler de 27 pour cent. Si l'on corrige le calcule afin de
tenir compte de la légère surpression dans le soufflé, le gonflement théorique n'est plus que de 20 pour
cent environ.
On teste alors expérimentalement l'hypothèse en cuisant un soufflé, et l'on observe que le
gonflement peut atteindre 200 pour cent, de sorte que la dilatation des bulles d'air n'est pas le
phénomène permettant de bien expliquer le gonflement du soufflé. Il faut alors faire une autre
hypothèse : le gonflement serait dû à l'évaporation de l'eau présente dans la préparation, au contact des
parois du ramequin. On étudie alors cette évaporation en pesant le soufflé avant et après cuisson (on
observe que, pour un soufflé d'environ 300 grammes, 10 grammes d'eau sont évaporés, formant 10
litres de vapeur : de quoi faire gonfler le soufflé comme le font les cuisiniers ! Mais où sont les 10
litres prévus ? Pourquoi les soufflés ne gonflent-ils pas comme le prévoit la seconde hypothèse ?
L'observation montre que des bulles de vapeur viennent crever à la surface du soufflé en cours de
cuisson. Une partie fait gonfler le soufflé , et une partie est perdue. Le deuxième modèle doit donc
encore être perfectionné, et ainsi, de proche en proche, on continue de progresser dans la description
affinée du soufflé.
Et l'art, dans tout cela ?
Dans la méthode expérimentale, on voit n'y pas de place pour la subjectivité. Le scientifique est
interchangeable. Au contraire, en art, c'est l'artiste qui importe. Ce dernier a des objectifs personnels,
variables selon les époques, qui vont de l'expression d'un sentiment personnel à l' explication poétique
du monde, en passant par tous les intermédiaires recensés par les théoriciens de l'art. D'où la
conclusion apparente que la science et l'art n'ont en commun que d'être des activités de culture. Ils
semblent avancer indépendamment, la science ignorant l'art comme l'art ignore la science. Ce qui
risque de nous faire conclure que notre analyse précédente est insuffisante. Elle l'est, évidemment,
comme nous allons le voir maintenant. Partons du Manifeste du Bauhaus, où, en 1934, l'architecte
Walter Gropius a bien montré qu'il n'existait pas de différence de nature entre l'artiste et l'artisan ;
l'artiste est un artisan inspiré. Cette hypothèse redonne à l'art une fonction artisanale qui avait été
oubliée dans notre discussion : il faut bien que le peintre sache étaler les couleurs pour faire son
tableau, ou que le musicien sache poser les doigts sur le clavier de son piano. Il faut, en outre, que les
outils utilisés par l'artistes soient appropriés : pas de peinture sans pinceau !
Le pont de la technologie
Cette remarque introduit la technologie, qui se préoccupe d'analyser les techniques, de les
perfectionner, d'améliorer les outils utilisés par les techniciens. Par exemple, au siècle dernier, le
céramiste alsacien Théodore Deck fut célèbre pour avoir apporté aux artistes de son époque un bleu
129
profond, qui fit dire de lui dans la presse et dans les milieux artistiques qu'il avait « tiré le bleu du ciel
». Deck n'était pas un artiste : il demandait à des peintres de peindre des carreaux, des vases, des
sculptures, et il assurait la cuisson afin que les ouvres soient conformes à l'intention des artistes.
Pour l'art culinaire, le travail technologique, de perfectionnement des techniques, est celui qui
donne une meilleure maîtrise des goûts et qui facilite la confection des plats. La technologie est un
pont qui relie la science et l'art, en conduisant à un perfectionnement des techniques culinaires et en
offrant des possibilités nouvelles d'expression. Reprenons l'exemple d'un délicieux soufflé. Une fois
que la science a compris pourquoi il gonfle, la technologie peut, en se fondant sur les théories du
gonflement des soufflés, chercher des moyens pour faire mieux gonfler les soufflés : par exemple, on
pensera à proposer une imperméabilisation des dessus de soufflés à l'aide de fromage ou de sirop de
sucre. La technique, ensuite, devra apprendre à maîtriser les innovations technologiques (choix des
fromages utilisés, choix des sucres, etc.).
De la science en cuisine ?
Cette introduction a fait une impasse : nous avons admis sans discussion que la science puisse se
préoccuper du gonflement des soufflés. Quoi !, des disciplines réputées aussi sérieuses que la chimie
et la physique se préoccuperaient de choses aussi futiles que ce que nous mangeons chaque jour ? Tout
d'abord, nous observerons que chaque foyer, si petit qu'il soit, a toujours un lieu, une pièce souvent,
exclusivement réservé à la cuisine. L'activité culinaire n'est donc pas superflue, mais essentielle !
D'autre part, nous avons dit que nous ne pouvons manger que des objets identifiés par la culture : pas
des tablettes ou à des pilules nutritives, mais des plats véritables, tels que pot-au-feu, sauce
mayonnaise, grillades, poulets rôtis, purées de pomme de terre, bouillon. Enfin, ces mets résultent de
transformations physico-chimiques, effectuées à partir de denrées : viandes, légumes, fruits, poissons.
Comme la physique et la chimie sont mis en oeuvre, la cuisine est un monde que la science n'a aucune
raison de ne pas explorer. C'est l'objectif de la science des aliments, en général, et, plus
particulièrement, de la discipline nommée « gastronomie moléculaire ».
Science des aliments et gastronomie moléculaire
L'identification de la gastronomie moléculaire, comme sous discipline scientifique spécifique, s'est
imposée en raison de l'évolution de la science des aliments. En 1988, avec le physicien britannique
Nicholas Kurti (1908-1998), nous avons observé que la science des aliments, qui se développe depuis
bientôt deux siècles, était partie de questions culinaires : par exemple, en 1791, le grand chimiste
Antoine Laurent de Lavoisier s'est préoccupé de la confection des bouillons. A cette époque et ensuite,
l'effort en science des aliments a essentiellement porté sur l'approvisionnement des peuples en denrées
alimentaires, soit par des perfectionnements agronomiques, soit par des collaborations avec l'industrie
alimentaire. Le succès a été considérable : les populations vivant aujourd'hui dans les pays
130
industrialisés sont les premières, dans l'histoire de l'humanité, à n'avoir pas connu de famine !
Toutefois, lors de ce développement de la science des aliments, la cuisine est restée quasi inexplorée
du point de vue scientifique ; encore récemment, elle était un « art chimique » privé de science. Or,
paradoxalement, la cuisine est le lieu où se couronnent les efforts de la science des aliments : à quoi
bon produire des viandes tendres ou des légumes goûteux si le cuisinier ne sait pas les préparer à la
hauteur de leurs qualités initiales ?
Afin de mettre à la disposition des cuisiniers, domestiques ou de restaurant, des informations et
connaissances utiles à leur pratique, nous avons eu le souci de distinguer une discipline qui ne se
préoccuperait que des transformations culinaires : c'est la gastronomie moléculaire, introduite en
1990. Cette dernière est-elle une science de nantis, qui se préoccupent de la qualité gastronomique des
mets ? Evidemment non : chacun a intérêt à tirer le meilleur parti des denrées qu'il transforme
culinairement. La gastronomie moléculaire est-elle, alors, une science futile ? Cette question renvoie
sur une éventuelle hiérarchie des sciences, mais peut-on dire que la chimie soit plus importante que la
physique, la biologie que la cosmologie ? La science, répétons-le, explore le monde : la géologie
explore le Globe, la biologie explore les êtres vivants, la cosmologie explore l'Univers, et la
gastronomie moléculaire étudie le monde des transformations culinaires.
Les stratégies de recherche
L'objet de la gastronomie moléculaire étant clair, examinons sa stratégie de recherche. Le corpus de
données à analyser est l'ensemble des phénomènes qui peuvent être observés dans les cuisines ou qui
sont décrits par les livres de cuisine. Ainsi les recettes comportent toutes, d'abord, une "définition" :
un soufflé au fromage, c'est du blanc d'oeuf battu en neige mêlé à une préparation pâteuse, l'ensemble
est mis dans un ramequin et chauffé au four ; un pot-au-feu s'obtient quand on chauffe de la viande
dans de l'eau. Après les définitions viennent des "précisions" : on doit beurrer et fariner le moule des
soufflés, on doit mettre la viande dans l'eau froide, pour un bon pot-au-feu. A noter que les dictons,
tours de main, pratiques, conseils transmis oralement sont de telles "précisions". D'où l'idée de
distinguer deux objectifs de recherche. Le premier est une modélisation physico-chimique des
définitions : que se passe-t-il quand un soufflé cuit, quand de la viande cuit dans l'eau ? Ensuite une
exploration des précisions : est-il vrai que le pot-au-feu est « meilleur » quand la viande est
initialement mise dans l'eau froide ? est-il vrai que les sauces mayonnaises tournent quand la lune est
pleine ?
Recherche et enseignement
La modélisation des recettes est non seulement une aide pour le cuisinier, mais aussi pour celui qui
apprend la cuisine. Qui, face aux 351 recettes de sauces données par le cuisinier Auguste Escoffier
(1846-1935), dans son Guide culinaire, n'est pas saisi d'une sensation d'impuissance, tel le marcheur
131
devant le Mont Blanc ? Pour bien exécuter ces sauces, il faut en comprendre la structure et identifier
les relations entre les diverses sauces : par exemple, l'aïoli est une mayonnaise dont le jaune d'oeuf est
remplacé par de l'ail. Cette recherche des points communs et des différences facilite l'apprentissage.
Observons que les sauces les plus simples sont des solutions, dans l'eau ou dans l'huile, chaque
sauce contenant de très nombreuses sortes de molécules odorantes (elles stimulent les récepteurs
olfactifs) ou sapides (elles stimulent les récepteurs des papilles gustatives). C'est le cas des fonds et
des jus, par exemple. Toutefois la plupart des sauces sont des systèmes dont la structure physico-
chimique est plus complexe que celle d'une solution ; ce sont des systèmes "dispersés" (on disait
naguère "colloïdal"). Les cas les plus simples sont obtenus par l'examen du tableau ci-dessous, où l'on
a indiqué le nom des systèmes obtenus par dispersion d'un gaz, d'un liquide ou d'un solide dans un gaz,
un liquide, un solide. Chaque case du tableau contient quelques exemples de mets.
En cuisine, ce tableau est insuffisant, car nombre de sauces n'y sont pas présentes. Par exemple, la
sauce béarnaise s'obtient par chauffage de vinaigre et d'échalotes hachées ; puis, quand une proportion
notable de l'eau du vinaigre est évaporée, on ajoute du jaune d'oeuf, que l'on chauffe avec du beurre.
Cette sauce n'est évidemment pas une simple solution, puisqu'elle contient des gouttelettes de matière
grasse dispersées dans l'eau, ni une simple émulsion, car elle contient aussi des agrégats de jaune
d'oeuf coagulé. C'est une sorte de suspension-émulsion. Comment décrire de tels systèmes physico-
chimiques plus complexes que ceux du tableau ? L'exemple des grands anciens est toujours à la fois
une source d'idéal et d'inspiration. Par exemple, Lavoisier a introduit le formalisme de la chimie, parce
qu'il voulait abréger les terminologies : "pour présenter aux yeux, sous un même coup d'oeil, le résultat
de ce qui se passe dans les dissolutions métalliques, j'ai construit des espèces de formules, qu'on
pourrait prendre d'abord pour des formules algébriques, mais qui ne dérivent point des mêmes
principes ; nous sommes encore bien loin de pouvoir porter dans la chimie la précision mathématique,
et je prie en conséquence, de ne considérer les formules que je vais donner que comme de simples
annotations, dont l'objet est de soulager les opérations de l'esprit".
Ici, dans le cas des sauces, des abréviations s'imposent pour les mêmes raisons. En 2002, nous
avons proposé d'utiliser, d'une part, les initiales des phases présentes, telles que G pour gaz, H pour
132
huile (les physico-chimistes nomment "huile" toute matière grasse à l'état liquide), E pour eau, S pour
solide. D'autre part, nous avons proposé d'utiliser des "connecteurs" pour décrire comment ces
"phases" sont réparties. L'examen au microscope de diverses sauces montre des structures variées, où
les phases sont dispersées, réunies, incluses : ce que l'on désignera respectivement par « / », « + » et «
< ». Les quelques signes retenus peuvent se combiner de façons variées et décrire tous les aliments
préparés, qui sont généralement des systèmes dispersés complexes. Par exemple, les émulsions sont
désignées par la formule H / E. C'est le cas de la mayonnaise, où de l'huile est ajoutée à un jaune
d'oeuf, lequel contient 50 pour cent d'eau environ ; la stabilisation (temporaire) de la sauce est assurée
par les protéines et les phospholipides du jaune d'oeuf. Dans un tel cas, le formalisme est peu utile,
mais son intérêt apparaît davantage quand on considère des sauces plus complexes. Par exemple, la
sauce béarnaise est de type (S1 + S2 +H) / E, puisque les échalotes hachées (S1), le jaune d'oeuf
coagulé en microscopiques grumeaux (S2) et le beurre fondu (H) sont dispersées dans l'eau (E)
apportée par le vinaigre, par le jaune d'oeuf et par le beurre. Ou encore, la classique sauce blanche
doit être décrite par la formule ((E/S1) + S1 + (S1 < (E/S1)) + H)/E : la première parenthèse (E/S1)
décrit les grains d'amidon "empesés", gélifiés ; le second S1 décrit des grains d'amidon non empesés
(il y en a une proportion dans le système) ; la deuxième parenthèse (S1 < (E/S1)) décrit des cours de
grains d'amidon non empesés (en raison d'une cuisson insuffisante) dans des grains empesés ; le beurre
fondu (H) se trouve sous la forme de gouttelettes.
A l'aide de ce « formalisme », les 351 sauces sont ramenées à quelques catégories, parce que la
combinatoire fait beaucoup à partir de peu : à partir de trois phases (choisies parmi quatre) et de deux
des trois connecteurs évoqués, on peut obtenir 1200 systèmes physico-chimiques possibles (4 fois 3
fois 4 fois 3 fois 4 fois 2 pour tenir du nombre de façons de mettre des parenthèses dans une formule
A*B*C, où A, B, C sont les trois phases et où * désigne un des trois connecteurs /, + ou <).
De la modélisation à l'invention
L'exploration des "précisions" mériterait un article à elle toute seule. Ici, je préfère revenir à la
question posée initialement : la chimie et la physique peuvent-elles contribuer à l'avancement de l'art
culinaire ?
En décembre 2002, nous avons tiré une formule au hasard : ((G + H + S1) / S2) / E. Puis nous
avons travaillé avec le cuisinier français Pierre Gagnaire (dans ce cas précis, on devrait sans doute dire
"artiste culinaire") pour la réaliser. Ainsi est née la recette de la "Faraday de Saint Jacques", nommée
en l'honneur du physico-chimiste britannique Michael Faraday (1791-1865) : de l'huile où ont macérés
des zestes d'orange (H) est mêlée à de la chair de coquilles Saint-Jacques (S1) dans du thé (E) où a été
dissoute une feuille de gélatine ; la dispersion obtenue (H + S1) / E a été foisonnée ((H + S1) / E + G
→ (G + H + S1) / E), et l'on a ensuite refroidi le système afin qu'il gélifie ((G + H + S1) → (G + H +
133
S1) / E) / S2). P Gagnaire sert cette préparation sur des lamelles de haddock passées au grill, avec du
beurre, notamment (voir http://www.pierre-gagnaire.com rubrique "culinaire modernité").
Puis, avec Volker Hessel et Christian Hoffmann, de l'Institut de microtechnique de Mayence
(IMM), nous avons mis au point le prototype d'un appareil qui "matérialise" des formules et crée des
plats inconnus. Ce système utilise des "micro réacteurs", c'est-à-dire des objets gros comme des
boîtes d'allumettes, qui effectuent des mélanges, des dispersions, etc. La mise en série et en parallèles
des micro-réacteurs devrait permettre la réalisation de n'importe quelle formule.
Retour à la science
Les réalisations que nous venons de considérer sont des applications technologiques des avancées de
la gastronomie moléculaire, laquelle est toutefois, il faut le répéter, l'exploration scientifique du monde
culinaire. La place manque, ici, pour montrer comment le travail scientifique, lui, contribue au
perfectionnement des techniques classiques et contribue, de ce fait à l'art culinaire. Il facilite
également la transmission des connaissances culinaires, et devrait conduire, on l'espère, à la rénovation
des méthodes culinaires : à l'heure où les peuples des pays avancés se préoccupent d'environnement,
de développement durable, peut-on supporter que les millions de Français qui cuisine gaspillent
quotidiennement jusqu'à 80 pour cent de l'énergie qu'ils consomment pour chauffer leurs casseroles ?
A l'heure où l'humanité envoie des sondes vers Mars, pourquoi cuisiner avec les mêmes casseroles,
fouets, tamis qu'au Moyen Âge ? Ceux-ci n'ont de raison de subsister que s'ils sont appropriés aux
fonctions qu'on leur attribue, mais comment faire des mousses, par exemple ? Le fouet est moins
efficace que des systèmes qui injecteraient des bulles par le fond du récipient. Comment faire des
émulsions ? Si les laboratoires de physico-chimie se sont équipés de cuves à ultrasons, pour réaliser
les émulsions, c'est que ces systèmes sont plus efficaces que les fourchettes et fouets des cuisines.
N'est-il pas temps que cet "art chimique" qu'est la cuisine profite enfin des avancées des sciences
et des techniques ? La question est alors posée d'une déshumanisation d'une activité artistique, mais en
quoi un meilleur pinceau gênerait-il le peintre ?
134
A.5. Article sur la gastronomie moléculaire et Hervé This (par Vincent Olivier)82
Il a calculé la température idéale pour cuire un œuf à la coque, mis 351 sauces en équations, découvert
l'«effet pastis»... Chercheur à l'Inra, Hervé This révolutionne l'art de jouer des casseroles. Saveurs,
textures, mariages inédits: ses trouvailles offrent à des grands chefs un nouvel espace de création.
Une coquille, une belon, une bille argentée: voici «Ostra con su perla» (l'huître avec sa perle), juste
entourée d'une émulsion laiteuse. Un plat simple en apparence. Une illusion, plutôt. Car le lait n'est
pas du lait, la perle, pas une perle. Le premier développe un fort goût de jambon cru espagnol. La
seconde est une sphère d'algue gélifiée contenant un cœur liquide qui éclate sous le palais et libère de
l'eau de mer fumée! Choc de saveurs, de textures, mélange déconcertant d'iode et de viande.
«Tranche de lard fermier au caviar pressé, marmelade d'oignons doux à la laitue». Un rectangle épuré,
sublime dégradé de gris. Des temps de dégustation différents dans une même bouchée: la consistance
fondante du bulbe, le croquant du lard grillé, l'explosion des grains sur la langue. Et enfin, le retour de
la saveur sucrée de l'oignon. Un plat brutal, archaïque. Rencontre de la terre et de la mer.
Deux assiettes, deux cuisiniers. L'un, espagnol, Ferran Adria; l'autre, français, Pierre Gagnaire.
Derrière ces deux créations époustouflantes, un seul homme: Hervé This. Scientifique inventif,
touche-à-tout passionné, Hervé This est à l'origine de la notion de «gastronomie moléculaire». C'est lui
qui a organisé, en 1992, le premier colloque mondial sur ce thème à Erice (Italie); lui qui a jeté les
bases d'une discipline dans laquelle de plus en plus de cuisiniers se reconnaissent aujourd'hui. De lui,
Ferran Adria dit: «C'est le premier, le fondateur. Il nous a permis de créer des plats qui, jusque-là,
n'existaient pas.» Pierre Gagnaire ajoute: «Ce qui compte, en cuisine, c'est l'amour, pas la technique.
De ce point de vue, nous cheminons ensemble avec Hervé.»
Hommages de valeur, quand on connaît la personnalité des deux chefs. Ferran Adria, désigné un jour
comme «meilleur cuisinier de la planète» par Joël Robuchon: un Catalan fou qui joue avec tous les
outils de la chimie moderne - azote liquide, siphon au gaz carbonique, lyophilisation. Situé non loin de
la frontière française, son restaurant ouvre six mois durant et ne peut accueillir que 8 000 personnes,
pour 400 000 demandes annuelles. Quant à notre second créateur, il mériterait tout autant ce titre de
«meilleur cuisinier» - si celui-ci avait un sens. Amateur de jazz et de peinture moderne, Pierre
Gagnaire est un artiste hors du commun qui compose chaque mois, dans son restaurant parisien, un
plat spécifique associant gastronomie et science. Avec, toujours, la même quête: inventer des saveurs
inconnues et, surtout, provoquer des émotions nouvelles chez ses convives.
Pour y parvenir, Pierre Gagnaire s'appuie sur son génie mais aussi sur son ami This; et sur ses
connaissances en chimie fondamentale, issues notamment d'une thèse de doctorat ès sciences
82 paru dans l'Express du 27/06/2005
135
physiques soutenue devant un jury exceptionnel (le chimiste Pierre Potier, les Prix Nobel de chimie
Jean-Marie Lehn et de physique Pierre-Gilles de Gennes…). Chercheur à l'Institut national de la
recherche agronomique (Inra), Hervé This est également conseiller scientifique de la revue Pour la
science, auteur de plusieurs ouvrages de vulgarisation dont le célèbre Casseroles et éprouvettes
(Belin), et animateur de nombreux séminaires au cours desquels il se livre à son activité favorite:
effectuer des manipulations avec divers ustensiles de cuisine.
Quand on l'interroge sur son incroyable capacité de travail, notre homme la joue modeste et préfère
mettre en avant son père, Bernard This, inventeur de l'accouchement sans douleur, ou encore sa
femme, Pascale, brillante cancérologue à l'Institut Curie, et «beaucoup plus intelligente que moi»,
jure-t-il. Affable, souriant, séducteur (très), bavard (parfois trop!), il a toujours une anecdote à raconter
- en particulier quand il s'agit d'examiner la validité scientifique d'un dicton culinaire. Car, pour ce
scientifique, «une assertion peut, doit, toujours être vérifiée. C'est la seule façon de tordre le cou à des
idées toutes faites».
Avec une telle approche rationnelle, Hervé This découvre pourquoi, et surtout comment, des
phénomènes chimiques simples se produisent. Il a ainsi déterminé que, pour obtenir un œuf coque
idéal, il faut le cuire… une heure à 65 °C! Le blanc se solidifie en effet à partir de 62 °C, tandis que le
jaune durcit après 68 °C. Autrement dit, en plongeant un œuf dans l'eau bouillante, on risque d'obtenir
un jaune verdâtre sur les bords et un blanc figé, voire caoutchouteux. Tandis qu'à 65 °C, le premier
sortira quasi cru et goûteux et le second soyeux et moelleux.
Hervé This est allé plus loin encore. Il a étudié les 351 sauces classiques officiellement répertoriées
dans Le Guide culinaire d'Escoffier (blanche, Soubise, grand veneur, ravigote…) et il s'est amusé à les
résumer en 14 équations. Pas une de plus. Avec quatre éléments de base: G pour gaz, H pour huile (ou
toute autre matière grasse), E pour eau, S pour solide. Et quatre modes de transformation: dispersion
(«/»), mélange («+»), inclusion («<») et superposition («S»).
Un gaz dispersé dans l'eau s'écrit donc «G/E» (par exemple, un blanc battu en neige), tandis qu'une
émulsion se présente sous la formule «H/E». C'est le cas de la mayonnaise, où l'huile est ajoutée à un
jaune (soit 50% d'eau) additionnée d'un peu de vinaigre, la stabilisation de la préparation étant assurée
par les protéines de l'œuf. Un véritable «miracle chimique» que cette mayonnaise, note au passage
Hervé This: partant de trois liquides, on obtient en effet une nouvelle consistance, une de ces
«matières molles» chères à Pierre-Gilles de Gennes. Du point de vue physico-chimique, une sauce
béarnaise et une crème anglaise se révèlent en outre très voisines: dans les deux cas, il s'agit d'une
«suspension», due à la dispersion de petits agrégats d'œuf coagulé soit dans une réduction d'échalotes
allongée de vin (béarnaise), soit dans du lait sucré (crème anglaise).
136
Plus subtil et plus troublant encore, ce qu'Hervé This appelle l' «effet pastis». Celui-ci permet de
répondre à une question à première vue insoluble: comment dissoudre de l'huile dans de l'eau? Prenez
quelques centilitres d'huile, ajoutez de l'éthanol (alcool pur) et secouez. Laissez reposer, puis versez la
préparation obtenue dans de l'eau pure: elle se dissout presque instantanément. C'est l' «effet pastis».
Reste à attendre que l'éthanol s'évapore, et vous obtenez une eau parfaitement claire, sans aucune
consistance grasse, avec un léger goût d'huile!
Quel est l'intérêt de produire une eau pareille? objectera la cuisinière, éberluée. C'est simple. De
nombreuses molécules odorantes sont hydrophobes: elles ne se dissolvent pas dans l'eau et s'évaporent
donc en cours de cuisson. La manipulation d'Hervé This permet de cuisiner des aliments dans une eau
(ou tout liquide) parfumée à la truffe, à la violette, aux champignons des bois. Et de leur donner ainsi
une saveur auparavant impensable. D'ailleurs, ce principe admis, il n'y a aucune difficulté sur le plan
chimique à remplacer un ingrédient par un autre. Un jaune par un blanc dans une mayonnaise,
puisqu'ils possèdent les mêmes propriétés «tensioactives» de liaison entre molécules. De l'huile par de
la gélatine (en feuilles ou en poudre), ou encore l'eau du jaune d'œuf par une infusion de romarin, un
fond corsé de crustacés ou du jus d'orange.
C'est ainsi que se créent des goûts nouveaux, des associations inédites. Et même, des textures jusque-là
totalement inconnues. Ainsi pour le «caviar» de melon: broyez un melon, versez de l'eau minérale
pauvre en calcium et ajoutez un gélifiant - par exemple de l'alginate, substance tirée d'algues brunes
issues du varech géant. Cette préparation obtenue, déposez-la, goutte à goutte (avec une pipette ou tout
instrument adapté à la taille voulue de la goutte), dans un bain d'eau additionné de 5% de chlorure de
sodium. Vous obtenez alors des perles de melon enrobées d'une peau gélifiée, avec à l'intérieur un
cœur liquide. Rincez soigneusement dans l'eau pure, afin de stopper le processus de gélification et
d'éliminer l'excès de sel. Vous avez créé du caviar de melon, ressemblant à s'y méprendre à des œufs
d'esturgeon. Cela ne vous rappelle rien? C'est le principe mis en œuvre pour obtenir la vraie-fausse
perle d'huître mentionnée plus haut.
Dès lors, la cuisine se révèle comme un espace de création infini, dont Ferran Adria use et abuse. Tout
lui devient possible: confectionner des makis (rouleaux d'algue contenant du riz vinaigré) comme les
Japonais, en remplaçant le riz par de tout petits bâtonnets d'asperge. Créer une bière solide, une glace
de poulet au curry, des tagliatelles croquantes de betterave, des tempuras (fritures légères) de fleurs
d'acacia, un bonbon à l'huile de citrouille… «La structure classique de la gastronomie française - un
produit, sa garniture et une sauce - c'est fini, il faut dé-cons-trui-re! lance Ferran Adria. La cuisine,
c'est la vie, dans la vie, il y a de tout. Faisons preuve d'un peu d'humour…» Et, de l'humour, notre
cuisinier catalan n'en manque pas. Ses «Kellogg's de paella» en sont une parfaite illustration: du riz
soufflé au safran, assaisonné de poudre de crevettes naturelle et de tomate. A plonger dans un
savoureux bouillon de paella, afin de retrouver le goût de l'enfance pour un petit déjeuner aux céréales
revisité façon Adria.
137
Aujourd'hui, le chef fait école; on ne compte plus, en Espagne ou ailleurs, les adeptes du siphon et de
l'azote liquide. Et, là, attention: gare aux effets de mode, aux artifices en tous genres, à la technique
pour la technique - «du trompe-couillon», jette Pierre Gagnaire. Les imitateurs n'ont en général pas le
talent du maître. Déjà, des voix s'élèvent qui dénoncent une cuisine quasi irréelle, une «non-
nourriture» en quelque sorte. Sociologue, anthropologue, maître de conférences à l'Université de
Toulouse et gastronome invétéré, Jean-Pierre Poulain déplore cette vogue du minimalisme éthéré, de
la bouchée sans consistance. Mais l'auteur, avec Edmond Neirinck, d'une Histoire de la cuisine et des
cuisiniers (éd. Jacques Lanore) rappelle aussi que pareil débat ne date pas d'hier: «Au milieu des
années 1980 déjà, Jean-Paul Aron dénonçait dans Les Modernes une gastronomie menacée par
l'ascétisme. En réalité, Ferran Adria est enraciné dans sa culture d'origine, celle des tapas, observe-t-il.
De ce point de vue, il ne fait que “culinariser” la pratique du grignotage. Tant mieux pour lui si, en
même temps, il rencontre des préoccupations contemporaines.»
Alors, la cuisine est-elle un art, une série d'équations chimiques, ou un ensemble de technologies mises
au service d'un besoin vital, celui de se nourrir? Un peu de tout cela, sans doute. Mais bien d'autres
choses également. Depuis peu, Pierre Gagnaire s'est lancé avec Hervé This dans une entreprise
passionnante: l'étude des juxtapositions culinaires. Tous deux sont partis des travaux d'un scientifique
français, Eugène Chevreul (1786-1889). Mondialement connu pour ses travaux sur la chimie des
graisses, ce dernier l'est également des peintres grâce à sa «loi du contraste simultané des couleurs» -
ou comment une couleur est influencée par la couleur complémentaire de sa voisine. Ainsi, un blanc
qui jouxte du bleu semble un peu jaune (le jaune étant la complémentaire du bleu).
D'où l'idée de nos deux compères: chercher un équivalent culinaire à cette loi des contrastes. Ils y
travaillent depuis quelques mois et sont déjà parvenus à établir plusieurs principes généraux. Loi de la
juxtaposition, notamment: un ingrédient paraît fade s'il est placé à côté d'un autre, de même goût mais
plus soutenu. Loi de la dominance: la masse d'une saveur majoritaire doit toujours être réveillée par
une autre masse - il faut acidifier un plat très sucré, adoucir un plat très acide.
Régulièrement, ils se retrouvent pour échanger idées et expériences. Une rencontre fascinante: dès 8 h
30, et trois heures durant, les propositions fusent. Ce jour-là, Pierre Gagnaire imagine un mets «en
quintessence»: un bouillon de crustacés avec des écorces d'agrumes mouillé de vin blanc, réduit
jusqu'à la consistance d'un sirop, si suave qu'il en deviendrait «un condiment pour salade». Hervé This
réfléchit à «un goût qui viendrait en second, s'opposant au premier ou le prolongeant» - du gingembre
après de l'huile de noix par exemple. Pierre Gagnaire répond par le «texturé un peu sablé du jaune
d'œuf qui irait très bien avec des amandes grillées». Hervé This propose alors de travailler sur l' «effet
brillant de la gelée de citron, qui rappelle le vernis en peinture». Les sens aux aguets, des images plein
la tête, le journaliste noircit son cahier de notes. Salive. Rêve du jour où ces idées prendront vie. Et
s'interroge: «Si ce n'est pas de l'art, ça, qu'est-ce que c'est?»
138
A.6. Une théorie du goût, par Hervé This83
1. Les bases du goût
On a insuffisamment précisé le vocabulaire du goût. On lit même, dans un document technique d’un
centre professionnel que nous ne citerons pas, que « le goût est une sensation gustative perçue dans la
cavité buccale ; il permet de percevoir les quatre saveurs à l’aide de la langue. Ce sont les papilles qui
détectent les saveurs ». Cette définition est non seulement tautologique (« le goût est une sensation
gustative » : quelle révélation!), mais elle est en outre fautive de plusieurs points de vue. D’une part, si
le goût est effectivement la sensation perçue dans la cavité buccale, ce n’est pas le goût qui permet de
percevoir les saveurs, puisque le goût est une sensation, comme les saveurs. D’autre part, il n’existe
pas quatre saveurs, comme on l’a longtemps prétendu et comme nous le verrons plus loin. Bref, tout
cela est bien confus, d’autant que même des spécialistes des arômes et des saveurs parlent de gustation
pour désigner la perception des saveurs, et non la perception du goût. Il est temps de tout remettre à
plat, en se fondant sur les données récentes de la neurophysiologie sensorielle.
Préoccupons-nous d’abord des sensations. On ne changera pas le fait que les Français nomment
« goût » la sensation générale qu’ils perçoivent en mangeant : un aliment peut avoir bon goût ou
mauvais goût. Ainsi, le goût, c’est la sensation synthétique, globale, avant son analyse éventuelle,
avant sa décomposition en plusieurs composantes. Quelles sensations composent-elles le goût?
Approchons un aliment de la bouche. D’abord, il a une couleur, qui détermine notre appréciation de
l’aliment. Si nous sommes mystifiés par les aliments diversement colorés (faites l’expérience d’ajouter
des colorants sans goût à une même pâte de fruits, aux pommes par exemple, et donnez-les à déguster
en aveugle, vous verrez les réactions!), c’est la preuve que la couleur est une composante du goût. La
sensation tactile, le toucher, détermine également le goût, mais notre culture, et l’usage général de
couverts, nous a fait oublier ce phénomène (pensons-y : il y a peut-être là un germe de progrès
culinaire pratique). Puis nous approchons l’aliment de la bouche, et nous percevons son odeur. Cette
odeur résulte de l’évaporation de molécules initialement présentes dans l’aliment. Plus ces molécules
« aromatiques » sont volatiles, plus elles stimulent en grand nombre les cellules réceptrices du nez.
Notons que l’on nomme parfois arômes ces molécules aromatiques, en les confondant avec la
sensation qu’elles engendrent. Dans un souci de clarification, nous proposons de qualifier
d’aromatiques les molécules qui sont perçues par le nez, en prenant garde que certaines de ces
molécules pourraient également stimuler d’autres sens que l’olfaction. L’arôme sera alors à la
sensation donnée par une molécule ayant des propriétés aromatiques. L’aliment vient maintenant en
bouche. Certaines de ses molécules passent dans la salive, puis se lient à des molécules nommées
récepteurs, à la surface de cellules spéciales de la cavité buccale. Ces molécules dites sapides sont
celles qui donnent la sensation de saveur. Les cellules qui portent les récepteurs des molécules sapides
83 Accessible sur le site internet Futura Sciences http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/dossier367-1.php
139
sont regroupées en papilles (les petites zones rondes que l’on perçoit sur la langue). Dans la bouche,
l’aliment chauffé et décomposé par la mastication laisse évaporer d’autres molécules aromatiques, qui
remontent vers le nez par l’arrière de la bouche, par les « fosses rétronasales ». C’est encore l’olfaction
qui est en jeu, et l’on devrait réserver le terme d’arômes à ces odeurs. Et dans la bouche toujours,
d’autres molécules de l’aliment ont d’autres actions : par exemple, des molécules stimulent les cellules
qui signalent la douleur ou la chaleur, engendrant la sensation de piquant. Et diverses cellules ou
capteurs détectent les caractéristiques mécaniques, par exemple : ainsi percevons-nous le dur, le mou,
le gras, le mouillé, etc.
L’ensemble des sensations, gustatives (saveur), olfactives (odeurs et arômes), mécaniques,
proprioceptives, thermiques... est le goût, qui, une fois perçu de façon physiologique, est interprété par
le cerveau, qui lui associe des qualités d’après les expériences individuelles ou sociales (souvenirs,
émotions, apprentissages, etc.). Doit-on alors nommer gustation la perception de la sensation générale
du goût? Il faut alors nommer différemment la perception des saveurs. Je propose le terme de
sapiction.
2. L’ennui de l’uniformité
Le goût, comment le créer ? La question semble naïve, car, pour tout autre corps alimentaire que l’eau
distillée, des molécules présentes en grand nombre dans ce corps stimulent déjà nos divers récepteurs
gustatifs. Autrement dit, tous les aliments ont du goût. Toutefois il est vrai qu’un aliment a plus de
goût si sa concentration en molécules aromatiques ou sapides est élevée, et il est vrai aussi que l’ennui
naît de l’uniformité, et des phénomènes d’habituation ou de fatigue gustative affadissent
progressivement les aliments. Par exemple, certains aliments dont les molécules sapides ou
aromatiques ont été éliminées par la cuisson n’ont pas beaucoup de goût : une carotte cuite à l’eau a
moins de goût qu’une carotte cuite en papillote. D’autre part, nous ne sentons plus un aliment après
l’avoir beaucoup consommé, sauf si nous y prêtons une attention particulière : après plusieurs
bouchées, un suprême de volaille est fade, et même un steak grillé devient triste.
Pour donner du goût, l’idée la plus évidente est d’augmenter la concentration en molécules
aromatiques et sapides : comme en musique, on fait mieux entendre les notes quand on les joue fort.
Toutefois la force gustative, l’enrichissement d’un aliment en ses molécules aromatiques ou sapides,
par des moyens que nous examinerons plus loin, ne suffit pas à donner du goût : une note la jouée
forte à la trompette ne fait qu’un bruit assourdissant, et si ce bruit assourdissant se prolonge, il devient
même gênant, voire douloureux. Par exemple, la cuisine de Pierre Gagnaire, qui, dans ses divers styles
a testé celui que je nommerais le pastel, n’a pas moins de goût que bien des cuisines pourtant épicées.
Nous y reviendrons.
140
La concentration des goûts n’est pas la solution. On pensera plutôt à créer le contraste, par la
juxtaposition.
3. La juxtaposition
Pourquoi penser juxtaposition? Comment la créer? Pensons à la peinture : un tableau tout bleu, tout du
même bleu, aurait l’ennui de l’uniformité. En revanche, quand deux couleurs sont juxtaposées, le
contraste ajoute une troisième composante. Par exemple, dans la cuisine française classique, la sauce
vient parfois faire une juxtaposition rapide avec les morceaux : pensons à l’oeuf dur mayonnaise, par
exemple. Cette juxtaposition trouve sa forme la plus poussée dans les oppositions : sec/humide,
dur/mou, cuit/cru, chaud/froid, acide/basique, sucré/salé.
Toutefois l’opposition n’est pas, de loin, le seul mode de juxtaposition. On peut aussi rapprocher
des ingrédients appartenant à des registres différents. Par exemple, Guy Savoy servait, il y a quelques
années, une terrine composée de foie gras (gras), de blanc de volaille (sec) et de fonds d’artichaut ; le
gras du foie s’opposait au sec de la volaille ; tandis que l’artichaut venait enrichir l’opposition
précédente, en apportant une note de texture sur un autre registre que les deux autres. Christian
Conticini, lui, rapproche des registres différents non seulement du point de vue des saveurs, mais aussi
des cultures.
Le cuisinier peut aussi jouer, non pas la juxtaposition nette de deux goûts, mais la variation
progressive, le gradient. En peinture, c’est le dégradé. Par exemple, la cuisson des poissons à
l’unilatérale est un moyen d’obtenir un dégradé de texture, et donc de goût, puisque le goût dépend de
la texture. On peut aussi faire diffuser des molécules aromatiques ou sapides à partir d’une face d’un
aliment, de sorte que la concentration en ces molécules diminue progressivement, de la face où elles
ont été initialement déposées jusqu’à la face opposée de l’aliment. Pensons à une couverture d’herbe
sur un poisson cuit lentement, au four.
L’étude des juxtapositions culinaires est en retard sur celle de juxtapositions de couleurs, en
peinture. Ce dernier art doit beaucoup au chimiste français Eugène Chevreul (1786-1889), réputé dans
le monde entier pour ses travaux sur la chimie des graisses. Toutefois Chevreul s’est aussi fait
connaître des peintres pour sa « loi du contraste simultané des couleurs ». Sollicité par les teinturiers
de la Manufacture des Gobelins, qui se plaignaient que certaines couleurs donnaient de mauvais
résultats, il découvrit d’abord que certaines teintures n’étaient chimiquement pas stables ; puis il
observa que d’autres teintures, pourtant chimiquement stables, ne donnaient pas les résultats qu’on
attendait d’elles. C’est ainsi qu’il découvrit que les couleurs sont contaminées par les couleurs
voisines. Plus précisément, il démontra qu’une couleur est influencée par la couleur complémentaire
de la couleur voisine. Voila pourquoi le blanc qui jouxte du bleu semble jaune (le jaune est le
complémentaire du bleu). Voila aussi pourquoi du vert et du rouge semblent parfois « clignoter », ou «
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vibrer » : le complémentaire du vert est un rouge qui aura peu de chances d’être exactement celui d’à
côté, et on observera un phénomène de battements (un phénomène analogue peut-il se produire en
cuisine?). Quel serait l’équivalent culinaire de la loi du contraste simultané des couleurs?
De surcroît, la cuisine est temporelle plutôt que spatiale : à la juxtaposition spatiale des goûts peut
s’ajouter la juxtaposition temporelle, c’est-à-dire la perception successive des goûts, en raison d’une
libération différée dans le temps des molécules aromatiques ou sapides. Comment tenir compte de ce
phénomène. D’autres dimensions existent-elles? Notre analyse préalable du goût répond à la question.
4. Les dimensions du goût
Nous avons vu que le goût est la sensation globale que perçoit celui qui mange : le goût est à la fois
perception visuelle, tactile (rarement toutefois), olfactive, gustative, thermique, mécanique,
proprioceptive, affective, émotionnelle... La stimulation des diverses composantes du goût augmente
le nombre de dimensions, et, pour chaque dimension, l’idée de la juxtaposition subsiste. En se fondant
sur ces remarques, on pourrait chercher à faire, avec des goûts, un escalier paradoxal tel celui
d’Escher, qui descend sans fin. Remarquons tout d’abord que Jean-Claude Risset a reproduit un tel
escalier en musique : il synthétise une note, composée d’une vibration fondamentale (fréquence f) et
d’harmoniques (fréquences 2f, 3f, etc.), puis il réduit la hauteur de la note, en affaiblissant
progressivement le fondamental tout en renforçant les harmoniques ; l’oreille perçoit ainsi une note
qui descend à l’infini. En cuisine, il reste à trouver un principe analogue : par exemple, on pourrait
donner une sensation de salé décroissante, en réduisant la concentration en sel, mais en augmentant la
concentration en un autre composé, ce qui masquerait la concentration en sel que l’on réaugmenterait
en sous main.
5. Le sens
Comment organiser les juxtapositions? Le peintre ne juxtapose pas le bleu et le jaune sans intention,
pas plus que le musicien ne fait suivre le do du sol sans raison esthétique. Pour que le bleu jouxte le
jaune, pour que le sol s’impose après le do, il faut que l’artiste y trouve du sens, ce sens qu’il veut
communiquer. Ce sens peut être de différentes natures. Certains artistes prônent un « sens inné », ou
« sens de l’Évolution » : si le nouveau-né humain ou le jeune primate fait une mimique de plaisir
quand on lui fait goûter une solution sucrée, alors qu’il fait une grimace de dégoût quand on lui
présente de l’amer ou de l’acide, c’est que les sensations sucrées, amères ou acides ont un sens inné :
nous associons du plaisir à la ces sensations.
De ce point de vue, l’homme est proche de l’animal. Les chevaux ou les vaches lèchent des pierres
à sel, et nous aussi ajoutons du sel aux aliments, sous peine de les trouver fades. D’autre part, divers
primatologues ont bien montré que notre espèce réagit envers le sucré comme nos cousins les singes :
142
les fruits, souvent sucrés, procurent à l’organisme l’énergie dont il a besoin (notons que certains
primates qui se nourrissent de fruits se mettent à manger des feuilles, quand les fruits manquent, mais
ils y ajoutent alors parfois de la terre, parce qu’ils « savent » que celle-ci se lie aux tanins, lesquels
sont des facteurs antinutritionnels, parce qu’ils se fixent sur les protéines). Nous aimons aussi manger
des aliments qui ont peu de saveur, parce qu’ils ont des qualités de texture que nous apprenons à
reconnaître, par une sorte de conditionnement : nous sommes rassasiés après avoir mangé des matières
grasses ou des féculents, de sorte que nous associons inconsciemment le rassasiement à la détection
des lipides ou des matières amylacées dans les aliments.
La cuisine ne peut oublier ce sens inné, fondé sur les réflexes de l’espèce. Notons que ces
remarques devraient encourager les pâtissiers à utiliser davantage d’autres sucres que le saccharose : le
glucose, le fructose ou le lactose, par exemple, devraient donner de bons résultats. D’autre part,
puisque notre organisme et, notamment, notre gustation est forgée par l’évolution, nous devrions
trouver dans l’alimentation des primates des associations que notre espèce également reconnaître
comme plaisante d’un point de vue inné. Ainsi la reconnaissance du sens inné peut être un facteur de
progrès culinaire. Par exemple, si nous découvrions pourquoi certaines saveurs sont « bonnes », ou
pourquoi certaines odeurs nous semblent agréables, d’un point de vue évolutif ou inné, nous pourrions
prévoir d’autres sensations. Il en va de même pour des juxtapositions de goûts. Par exemple, pourquoi
les Européens apprécient-ils la vanille, alors qu’elle n’est pas présente dans leur environnement? Il y a
certainement à cela une raison « innée » qu’il est important de comprendre.
Proche de ce premier « sens inné », il existe un « sens physiologique » : certains composés sont
appréciés par l’organisme, parce qu’il en a besoin. C’est le cas du sel, mais bien d’autres molécules
ont sans doute un rôle analogue. Par exemple, les graisses sont nécessaires à l’organisme, qui les
utilise pour en faire les membranes des cellules, notamment. Toutefois la cuisine qui ne se fonderait
que sur le sens inné ou sur le sens physiologique oublierait que nous sommes avant tout humains,
c’est-à-dire êtres de culture. Bientôt, l’enfant est sevré et, selon son environnement, il apprend des
goûts nouveaux. La cuisine se fonde de façon variée sur cet apprentissage.
Certains chefs prônent ainsi un « sens affectif ». Par exemple, Christian Conticini a largement
écrit sur ces sensations où le souvenir ajoute au goût : c’est ainsi qu’il réclame que le lapin soit
accompagné de vin blanc et d’ail. Mieux même, il pense que le lapin n’a pas de goût de lapin s’il n’est
pas cuit en présence de ces deux ingrédients.
D’autres cuisiniers veulent un « sens de la mémoire » : c’est une cuisine « associative ». Par
exemple, Michel Bras ou Pierre Hermé tiennent des « cahiers de sensation », où ils notent des
correspondances perçues entre les mets. C’est ce type de raisonnement qui a présidé à l’invention du
sorbet basilic et citron vert de Pierre Hermé.
143
Il existe également un « sens culturel ». Le sens culturel est celui qui consiste, par exemple, à
chercher de la charcuterie avec la choucroute, pour un Alsacien, ou des carottes et des poireaux avec
un pot-au-feu pour à peu près n’importe quel Français. La détection de ces associations fait sens pour
ceux qui les connaissent.
Les juxtapositions étant toujours innées ou culturelles, on se demandera utilement quelles
associations sont culturelles ou et quelles associations sont innées. Bien des chefs ont mentionné des
harmonies naturelles, en cuisine. Ce serait un progrès de savoir quand elles en sont vraiment. Par
exemple, l’association de jaunes d’oeufs avec de la crème, que l’on trouve dans bien des plats de la
cuisine française classique (Guy Savoy y met des foies de volailles pour en faire des flans, par
exemple, dans une démarche tout à fait classique), a-t-elle été sélectionnée par la physiologie, par
l’évolution ou par la culture? D’autre part, d’où vient le goût de brûlé, et pourquoi ne le supporte-t-on
généralement pas? Est-ce inné? Appris?
Explorons davantage le sens culturel. Le « sens historique », qui en est une partie, est évoqué par
une cuisine datée. Par exemple, les viandes piquées accompagnées de légumes verts en sauce
béchamel font typique de la cuisine bourgeoise du dernier siècle. Les soles sauce Mornay aussi. Les
pêches Melba sont un héritage d’Auguste Escoffier. Les filets de rougets accompagnés de tapenade
sont caractéristique de la dernière décennie et marquent sans doute l’influence d’Alain Ducasse.
Toutes les époques sont leur sens. Certains historiens se sont intéressés à reconstituer la cuisine du
moyen-âge, avec sa double cuisson, ses aigre-doux et ses épices excessives, ou la cuisine romaine.
Mais il y a aussi des cuisines (paysannes, bourgeoise, de cour, d’apparat...) de la Renaissance, de
l’Empire, etc. Le sens donné par l’histoire explique certaines associations classiques, mais il est aussi
la possibilité de donner du sens aux mets : il suffit d’exacerber un peu des goûts, dans un registre
historiquement connu, pour les rendre identifiables. Par exemple, si le lapin est toujours cuit avec ail et
vin blanc, dans la cuisine française classique, on gagnera à faire sonner les composants de
l’association. Par exemple, on fera ressortir le goût d’ail (en le grillant ou en le confisant dans sa peau,
ou bien encore en plaçant en dernier lieu de petits morceaux qui n’auront pas cuit, ou enfin en pressant
l’ail pour que des gouttes de jus d’ail se déposent sur le lapin) ; on pourra aussi rehausser le goût de
vin blanc (en le réduisant et en ajoutant du vin blanc qui n’aura pas cuit).
À côté de ce sens historique, il y a aussi un « sens géographique » : des associations particulières
font évoquer des contrées différentes. Ce sens géographique est celui du terroir, ou encore celui de
l’exotisme, ou, plus simplement, celui des cuisines régionales ou nationales. Le terroir, par exemple,
est une façon simple de faire du sens : on accrédite un plat par des ingrédients symboliques et
reconnaissables. Par exemple, quand je mets dans une assiette de la choucroute, à quelle cuisine pense-
t-on? Et quand on réunit de la graine de couscous avec de l’agneau, des pois chiches, des légumes
cuits dans un bouillon? Et le chou avec de la farce? Et une crêpe de blé noir avec de l’épaule de porc?
Jean Claude Icart m’a fait remarquer avec raison que, parallèle à ces sens de l’histoire et de la
144
géographie, il y a le sens de la religion. Est-il besoin d’insister sur l’importance de la religion dans la
composition des plats? Un plat qui contient du porc n’est certainement pas de certaines religions. Un
pain azyme est connoté. Un plat qui contient du lait et de la viande ne peut se réaliser que dans
certaines conditions.
A propos du sens historique, nous avons évoqué les diverses cuisines de classe : paysanne,
bourgeoise, aristocrate... Une sorte de synchronie s’oppose à une diachronie. Chacun de nous sait
reconnaître une cuisine familiale, une cuisine ouvrière, une cuisine collective, une cuisine
gastronomique, une cuisine bourgeoise, une cuisine de banquets, une cuisine de noces, une cuisine de
fête... Dans chaque cas, il y a des variations. Par exemple, une certaine grande cuisine tombe dans le
gongorisme : ce procédé qui consiste à mettre de la truffe ou du foie gras dans tous les plats est le
même argument rhétorique que celui qui consiste, pour un peintre, à mettre de l’or partout sur un
tableau. Une autre variation est le « chic canaille », qui consiste à réunir des ingrédients « nobles » et
des ingrédients populaires. L’opposition des connotations crée ce sens. Guy Savoy est un de ceux qui
ont beaucoup joué de ce registre : il servait naguère du pied de porc avec du foie gras, et il réunit
aujourd’hui du foie gras avec des lentilles. Parfois, quand aucun ingrédient ne fait riche, un effet
analogue crée un « décalage ». Par exemple, Guy Savoy met des rondelles de boudin noir dans une
tarte feuilletée. Le boudin, couramment cuit seul et servi avec des purées (de pommes de terre, de
pommes fruits, etc.), est ici placé dans un environnement nouveau.
Le sens du décalage est fondé sur l’étonnement. Peu différent est le « sens de la surprise », qui
était utilisé dans les banquets médiévaux, quand on farcissait un porcelet avec une volaille, qui était
elle-même farcie d’une volaille plus petite, etc. Aujourd’hui, le farcissage conserve du sens. Exemple :
les endives farcies à la crème d’épinard de Pierre Gagnaire.
La liste des divers sens est immense, et l’on aura raison d’utiliser les progrès conceptuels d’autres
arts, telles la musique ou la peinture, pour se guider dans l’art culinaire. Prenons l’exemple de la
musique, qui est rythme, mélodie et timbre, pour un morceau joué par un seul instrument. Comment
transposer en cuisine? Le timbre, tout d’abord, c’est un choix particulier de molécules aromatiques ou
sapides, en concentrations relatives fixées. Un dessert, sucré, n’a pas le même timbre qu’un plat salé,
et une choucroute n’a pas le même timbre qu’un cassoulet. D’une certaine façon, le timbre, c’est le
goût typique du plat. Pensons aussi que des variations subtiles de timbre sont possibles : si le salé est
dû au sel, il y a plusieurs façons distinctes de faire de l’acide, mais aussi des sucrés, des piquants, des
amers, et sans doute des umamis et des réglisses. Le citron, le vin et le vinaigre ne donnent pas la
même acidité, alors qu’ils peuvent avoir le même pH. Le saccharose (le sucre de table) n’a pas la
même saveur que le glucose, que le fructose, que le lactose, que le maltose, que les divers édulcorants.
L’acide glicirrhizique n’a pas la même saveur que la réglisse, tout comme la vanilline (une molécule
ayant un fort goût de vanille, et présente en concentration importante dans la vanille naturelle) n’a pas
le même goût que la vanille.
145
Puis la hauteur des notes, c’est la concentration en molécules aromatiques ou sapides. En
conservant les rapports de concentrations en diverses molécules, on peut modifier ce niveau global du
goût. L’enchaînement des notes en bouche forme la mélodie. Enfin le rythme s’imposera, par exemple,
par la construction de l’édifice, par la définition des masses réparties dans l’assiette, ou bien par la
succession des plats. Notons qu’une façon utilisée par les musiciens pour donner du sens consiste à
créer des variations sur un thème. Cette pratique peut également se retrouver en cuisine. Par exemple,
Guy Savoy avait fait un dessert « tout pommes ». Les rondelles de pomme séchées, avec la compote
de pomme, des pommes coupées en morceaux et caramélisées au beurre. Tout était variation sur le
thème de la pomme. Une autre pratique musicale courante consiste à ne pas poursuivre une ligne
mélodique tel que l’oreille le prévoit. En cuisine, on pourra reproduire cette technique en changeant un
des goûts d’un plat connu, familier. Par exemple, une choucroute au vin rouge et non au vin blanc ; ou
bien une choucroute où le chou est d’abord cuit dans une infusion de laurier.
De la musique, on retiendra aussi l’idée qui consiste à faire sonner un ingrédient, à lui donner le chant.
Cet ingrédient doit être soutenu, c’est-à-dire sans doute concentré. On pensera aussi à donner de la
richesse aux accords. De même qu’une note seule est pauvre et un accord riche, on utilisera les arômes
et les saveurs pour enrichir les arômes. Par exemple, les pâtissiers mettent du sel dans une pâte brisée
sucrée. Dans ce même esprit, ils auraient intérêt à faire infuser de la réglisse dans l’eau qui sert à
mouiller la farine, et, peutêtre, à introduire également un soupçon de monoglutamate de sodium.
Notons à ce propos que le sel dans une pâte sucrée ne se sent pas distinctement ; l’usage de la réglisse
ou du monoglutamate de sodium, dans le même type d’usage, devrait être extrêmement discret. Un
grand art, pour le compositeur ou pour le musicien, consiste à faire entendre une note qui n’est pas
jouée, une note insaisissable. Cette idée se transpose en cuisine : on part d’un mélange connu, et on
soustrait un ingrédient, qui reste présent parce qu’il est culturellement associé au plat. Par exemple, la
choucroute est invariablement associée à de l’acidité. Imaginons la choucroute sans aucune acidité
mais avec du goût : on pourrait avoir le plaisir de son acidité sans la percevoir. Autre exemple, le
plaisir d’une sauce à l’estragon est parfois de percevoir « quelque chose » sans pouvoir l’identifier. Et,
après réflexion, on comprend et on s’illumine intérieurement quand on comprend que cette note qui
résonnait de façon indistincte est celle de l’estragon.
Comment faire sentir une saveur ou un arôme qui sont absents? On pourra essayer de faire
sonner tous les goûts plus forts qu’ils ne devraient. Il faut ainsi penser à l’insaisissable : le goût fugace
de la madeleine, celui qu’on cherche. Quel plaisir que la cuisine devinette, où l’on perçoit sans
identifier nettement, parce que le goût nous provoque sans se démasquer! Pensons aussi à classer les
ingrédients en termes d’instruments de musique. C’est un moyen de penser l’orchestration.
L’organisation des goûts dans l’assiette correspondrait peut-être à la répartition des instruments dans
la salle de concert. Par exemple, le citron vert fait penser à une flûte piccolo, le citron à une clarinette,
le sel à un violon, le sucre à un cor, etc.
146
On peu aussi faire des notes pures à l’aide de composés définis, tels la vanilline, l’eugénol, le
menthol, etc. Enfin pensons que la musique est évocation. De même, la cuisine peut évoquer. Par
exemple, Syrinx, de Debussy, fait penser à une chèvre et un pâtre dans les montagnes de Grèce. Ce
serait un exercice salutaire que de chercher à obtenir de tels effets en cuisine. Que me fera une assiette
qui me fasse penser à une chèvre gambadant ? A un paysage de montagne? A un camion rouge? Les
styles de cuisine sont alors comme les styles de musique : de même qu’il y a un style classique, un
style baroque, un style jazz, un style moderne, on retrouve des équivalents en cuisine. Dans toutes ces
musiques, il y a des mouvements différents : les mouvements lents alternent généralement avec les
mouvements rapides. Y a-t-il un équivalent culinaire de ce principe?
Maintenant, la peinture : le tableau résulte d’un dépôt définitif, figé, de la peinture, tout comme les
goûts dans la cuisine. L’oeil évolue dans le tableau, tout comme la fourchette évolue dans le plat.
Celui qui regarde le tableau distingue des éléments : un arbre, un personnage... De même, on pourra
créer dans l’assiette des masses reconnaissables, qui correspondront à des goûts. Soit ces masses
auront un goût intrinsèque, soit on les aura rendues goûteuses. Mais comment? Il faut préalablement
extraire des goûts pour les redonner spécifiquement. Tant que nous y sommes à faire le sens par des
dispositions dans l’espace, évoquons ce sens qui apparaît quand on sépare ce qui est habituellement
réuni : l’esprit cherchera aussitôt l’ingrédient manquant, et le trouvera à proximité. Par exemple, on
cuit habituellement les lentilles au lard en une fois ; on pourra aussi cuire les lentilles, d’une part, et le
lard, d’autre part, puis on pourra réunir les deux composants. L’effet sera différent, sémantiquement,
de celui qui consiste à cuire les lentilles au lard, et à ajouter du lard qui aura cuit à part. Dans ce
dernier cas, c’est un soulignement.
Pensons que la peinture reproduit. Pourquoi la cuisine ne ferait-elle pas de même? On peut
reproduire de façons variées. Par exemple, un loup en croûte dont la pâte est travaillée en forme
d’écailles est une façon de reproduire. Comme souvent, la reproduction n’est jamais à l’identique. Le
chef doit interpréter. Par exemple, un citron peut être évidé et empli de mousse de citron, ou bien de la
glace au citron peut être servie en forme de citron. Ou bien encore un dessert aura un goût de citron
qui aura été entièrement créé par l’artiste.
Cette interprétation mérite qu’on s’y arrête, parce qu’on a trop dit que les plats sont bons quand ils
ont le goût de ce qu’ils sont, déclaration avec laquelle je suis en désaccord total : il n’existe pas un
goût unique, idéal, de poulet, ou de lotte, ou d’abricot. Reproduire, c’est plus exactement créer : pour
donner un goût de pomme à une pomme cuisinée, il faut l’avoir voulu, l’avoir pensé, l’avoir exécuté
en utilisant toutes les ressources de l’art culinaire. En outre, les aliments ne pourront généralement
jamais avoir le goût de ce qu’ils sont, parce que nos souvenirs mettent la barre trop haut : quand nous
mangeons un pâté à la viande, tel que nous le faisait notre grand-mère, nous mangeons le pâté, mais il
nous manque la grand-mère, car nos souvenirs mêlent la nourriture et les conditions de leur
147
dégustation. Pour pallier cette insuffisance intrinsèque des mets, le cuisinier doit s’attacher à donner
un goût mieux perceptible, accentué, suggestif. Par exemple, Pierre Hermé fait un sabayon aux
pommes où son art sert à engendrer le goût de la pomme. Il cuit la pomme, parce qu’elle se dégage
mieux, dit-il ; puis il y met du jus de citron, pour faire ressortir ce goût de pomme ; mais comme le
goût soutenu est trop court, il le soutient par du gingembre, etc.
Enfin, les noms des mets apportent à la musique de l’ensemble. Attention à la difficulté de jouer
de ce registre. On voit trop souvent des noms mal attribués sur les cartes, et il y a toujours le risque de
la prétention. Notamment on voit souvent des mousses qui ne méritent pas leur nom, parce qu’il n’y a
pas de bulles d’air piégées. Attention : ce n’est pas parce que quelque chose a du goût qu’il est
superflu de lui en donner. Le goût de base, c’est la nature ; le goût qu’on ajoute, c’est l’art. Par
exemple, dans des champignons poêlés, on ajoutera du fond de volaille réduit.
Pour conclure, pensons que toutes les associations sont permises. C’est l’art du cuisinier de
trouver du sens, de donner du sens aux aliments, aux plats. Et, évidemment, donner un sens personnel
n’est pas tout : après l’émetteur d’un signal, il y a le récepteur, qui doit être capable de décoder. Tel
qui entend le jazz n’entend pas le baroque, et inversement. Parfois même, le cuisinier devra aller
jusqu’à cacher les associations par crainte d’un refus a priori. Par exemple, beaucoup refuseraient de
manger de la viande de cheval, de chat, de la cervelle de singe, ou du camembert avec de la framboise.
6. L’extraction
Nous avons vu sur quelles bases le cuisinier pouvait organiser les goûts dans les mets, mais nous
n’avons encore pas examiné les moyens techniques qui permettent de faire venir les goûts dans
l’assiette, en pratique. Deux cas principaux se présentent. Premièrement certains ingrédients qui font
masse dans l’assiette ont du goût ou peuvent acquérir lors des opérations de cuisson ; l’art du chef
consiste alors, notamment, à choisir les produits qui auront le plus de goût (conformément à des
standard artistiques prédéfinis), soit qui seront les plus aptes à posséder du goût après les
transformations culinaires. Deuxièmement le chef a souvent besoin d’introduire dans une masse,
solide ou liquide, un goût qui n’y figurait pas. L’ajout d’épices est pratique depuis longtemps, en
cuisine, mais d’autres possibilités existent. Notamment la chimie peut être une aide utile, car elle a
appris, depuis longtemps, à extraire des composés des produits naturels. Remarquons que les épices
sont des matières aromatiques ou sapides solides.
On peut aussi utiliser des molécules à l’état liquide, que l’on obtient soit pures, soit en solution.
Ainsi on obtient des molécules pures par pressage : rompues par l’action d’une pression, les matières
végétales ou animales laissent échapper leur contenu liquide, qui est récupéré. Ce contenu se sépare
parfois spontanément en deux phases, l’une aqueuse, et l’autre « huileuse», qui dissolvent chacune des
molécules différentes, avec, par conséquent, des goûts différents. Le broyage est une opération du
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même type que le pressage, mais la déstructuration est plus poussée. Pour obtenir les molécules
aromatiques ou sapides en solution, on peut placer les matières aromatiques dans un liquide, eau ou
huile. Ce sont alors les techniques d’infusion, de macération, de décoction qui visent à dissoudre les
diverses molécules aromatiques ou sapides. Ces méthodes donnent des résultats différents,
essentiellement parce que les molécules sont d’autant plus extraite que le solvant (le liquide qui les
dissout) est chaud et que l’opération dure longtemps.
- La macération, tout d’abord, est l’opération qui consiste à déposer un corps solide dans un
liquide froid. Par exemple, ces huiles parfumées que l’on obtient en laissant du basilic dans de
l’huile, et ces vinaigres que l’on confectionne en mettant une branche d’estragon dans du
vinaigre sont des macérations.
- L’infusion est le procédé bien connu des buveurs de tisanes ou de thé : on extrait quelques
molécules aromatiques ou sapides à l’aide d’eau chaude, sans faire bouillir.
- Enfin la décoction est la préparation que l’on obtient quand on a fait bouillir un produit dans un
liquide. Par exemple, un bouillon est une décoction.
Ces opérations de macération, d’infusion ou de décoction s’effectuent dans l’huile ou dans l’eau, et le
nom de l’opération dépend essentiellement de la température d’extraction. Évidemment, plus cette
extraction se fait à basse température, moins les arômes ou saveurs réagissent et moins ils se
« dénaturent ». L’infusion vous semble proche de la décoction? Comparez alors l’infusion que vous
obtenez en mettant des feuilles de thé dans l’eau pendant moins de trois minutes, et la décoction que
vous effectuez à l’aide des mêmes feuilles de thé : dans le premier cas, parfum délicat, et dans le
second, amertume. Les chefs français connaissent intuitivement ce phénomène : notamment Madame
Saint Ange ( La bonne cuisine de Madame Saint Ange, Éditions Larousse) ou Auguste Escoffier
(Guide culinaire) indiquent même que le poivre ne doit pas séjourner plus de huit minutes dans la
sauce84.
D’autres opérations utilisées en chimie sont des formes perfectionnées de ces opérations.
L’extraction au soxhlet est une extraction en continu, à chaud, avec recyclage des produits. Elle n’a
pas encore cours en cuisine. La distillation, à pression ambiante ou non, pourrait être facilement mise
en oeuvre afin d’extraire plusieurs fractions aromatiques différentes d’un même produit. L’enfleurage
est une forme extrême de la macération en phase grasse. On dépose des produits aromatiquement
délicats (par exemple, des fleurs) sur une graisse neutre, solide ; on enferme le tout, de sorte que les
84 Est-ce vrai? Le premier test de ce tour de main a été effectué lors d'un stage de la Fondation Auguste Escoffier, à l'hôtel Martinez, en février 1994, à Cannes. Nous avons préparé un bouillon, nous l'avons divisé en deux moitiés égales, que nous avons placées sur deux feux identiques. Dans une des deux casseroles, nous avons mis 15 grains de poivre, tandis que nous laissions l'autre partie sans poivre. Après 15 minutes de cuisson, nous avons ajouté 15 grains de poivre dans l'autre bouillon et prolongé la cuisson des deux bouillons pendant quatre minutes. Puis nous avons goûté les deux bouillons en aveugle. L'effet était indiscutable : le bouillon où le poivre avait bouilli longtemps avait perdu son piquant et sa “ fraîcheur ”. Ce phénomène s’interprète facilement : comme quand on prépare du thé, les arômes volatils sont les premiers extraits, puis les molécules les plus fortement liées, tels les tanins, passent en solution. Dans le cas du poivre, la capsaïcine (responsable du piquant du poivre) étant volatile, elle est rapidement extraite, puis éliminée, tandis que les tanins sont progressivement extraits. Le piquant se perd et l'âcreté (ou l'astringence) apparaît.
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molécules volatiles qui s’évaporent se dissolvent dans la graisse. On remplace périodiquement les
fleurs. Puis, quand la graisse est très enrichie en molécules volatiles, on dissout la graisse pour
récupérer les huiles essentielles fragiles qui s’y sont dissoutes. Notons enfin que l’usage d’ampoules à
décanter ou de tout système analogue permet une extraction et un partage, à chaud ou à froid. Les
ampoules à décanter sont faites pour recevoir deux liquides non miscibles (en cuisine, de l’huile et de
l’eau). On les utilise pour séparer des molécules qui, pour certaines se dissolvent dans une phase, pour
d’autres passent dans l’autre phase. Quand on récupère une phase d’un côté, et l’autre phase de l’autre,
on sépare les molécules dissoutes. Ainsi d’un goût (celui des girolles, donné par des girolles entières),
on peut en faire deux : celui des molécules aromatiques de girolle qui se dissolvent dans l’huile, et
celui des molécules aromatiques de girolle qui se dissolvent dans l’eau. Chaque fois que de l’eau est
en présence de graisse, pensons que les diverses molécules sapides ou aromatiques se répartissent
entre les deux phases. Les chimistes utilisent pour décrire cette répartition ce que l’on nomme un
coefficient de partage.
7. La synthèse
Nous avons évoqué la fragilité des arômes, leur dénaturation... Cela nous amène à considérer que les
molécules aromatiques ou sapides peuvent réagir chimiquement quand on cuisine. Inversement les
chimistes et les biologistes savent utiliser des réactions chimiques pour synthétiser de nouvelles
molécules, soit dans le plat, soit avant sa confection. La synthèse chimique peut faire presque
n’importe quelle molécule aromatique à la demande, mais comment la chimie nous aide-t-elle à faire
ces synthèses en cuisine? Les réactions les plus évidentes sont les réactions de Maillard et les
caramélisations, mais bien d’autres possibilités existent.
Un mot d’abord sur les réactions de Maillard : quand on chauffe un sucre avec un acide aminé,
les atomes des deux molécules se réarrangent : un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogène
partent sous la forme d’une molécule d’eau, tandis que les autres atomes forment une molécule que
l’on nomme un composé d’Amadori ou de Heyns. Puis ce composé se transforme ensuite par quatre
voies, pour former des composés aromatiques légers et des polymères colorés nommés mélanoïdines.
On a découvert il y a peu que les graisses participent à ces réactions, après la formation des composés
d’Amadori ou de Heyns. Par exemple, le risssolage de viandes, singées ou non, la confection de roux,
sont des façons de synthétiser chimiquement arômes et saveurs. Dans un roux, on n’a pas le même
goût quand on cuit beurre et farine, ou quand on cuit beurre clarifié et fécule. Dans le premier cas, le
goût est plus riche parce qu’on a fait des réactions de Maillard entre les acides aminés de la farine ou
du beurre et les sucres détachés lors de la cuisson de l’amidon. D’autre part, on n’a pas les mêmes
résultats gustatifs quand on rôtit une volaille bardée ou non.
Comment utiliser ce qui n’est pour l’instant que description? Les chimistes qui ont étudié les
réactions de Maillard ont découvert que les molécules finalement formées changent selon l’acidité, la
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teneur en eau, la température et, naturellement, selon les sucres et acides aminés qui servent de
réactifs. En pratique, on pourra donc commencer par tester des changements d’acidité (à l’aide
d’acides et de bases naturels, tels le vinaigre, le vin, le jus de citron, le bicarbonate de sodium), soit
changer la température. Puis on pourra aussi tester des changements de la teneur en eau. On évaluera
très simplement les changements de goûts dus à des réglages différents de la température. Enfin on
pourra changer les réactifs, par ajout de certains sucres (glucose, lactose, fructose, saccharose...) ou
par ajout d’acides aminés spécifiques sur les matières à brunir.
Un mot à propos des réactions de caramélisation, maintenant : on fait généralement les caramels
à partir de saccharose (le sucre blanc de table) qu’on chauffe en présence d’un peu d’eau. Toutefois on
peut aussi caraméliser d’autres sucres (les caramels de glucose ont un goût puissant avant d’avoir de la
couleur ; les caramels de fructose ont un goût de raisins confits) ou modifier le cours des réactions de
caramélisation en ajoutant un acide ou une base dans le caramel en train de cuire.
Plus généralement, on pourra synthétiser des arômes et des saveurs en effectuant des réactions de
chimie organique (hydrolyse, condensation, estérification...). On pensera notamment que les esters, les
aldéhydes... sont souvent des molécules aromatiques ou goûteuses. Cette idée devra être développée
soigneusement. C’est une mine d’or. Notons que la chimie peut être épaulée par la microbiologie :
diverses fermentations engendrent des goûts nouveaux. Pensons à la choucroute, au saucisson, aux
fromages, au pain... Enfin pensons que les extractions culinaires classiques sont parfois la cause de
réactions. Par exemple, quand on réduit un vin blanc ou rouge, ou même un bouillon, on provoque des
réactions qui engendrent des molécules aromatiques ou sapides. De même, la récupération de sucs
attachés à une casserole ou à une poêle est une alliance de l’extraction et de la synthèse. Ces arômes et
saveurs étant extraits ou synthétisés, comment les utiliser?
8. Le conditionnement des molécules aromatiques et sapides, clef de l’organisation temporelle
Les molécules aromatiques et sapides ayant été extraites sont souvent soit en solution, dans l’eau ou
dans l’huile, soit pures (huiles essentielles ou produits de la synthèse chimique), soit en poudre
(épices). Comment les communiquer à l’aliment qui doit les recevoir? L’industrie agro-alimentaire qui
se préoccupe d’aromatisation depuis plusieurs décennies s’est souvent heurtée à la faible longueur en
bouche des aliments aromatisés, c’est-à-dire qu’elle ne maîtrise pas ce que nous avions assimilé au
rythme de la cuisine. Les molécules aromatiques, souvent volatiles, ne subsistent pas suffisamment
longtemps pour donner une impression olfactive suffisante, et l’on a été obligé d’augmenter les doses.
D’où les études sur le ralentissement de libération. Les moyens testés ont été généralement des
encapsulations dans des structures physiques (liposomes, par exemple, et, plus généralement, dans des
phases émulsionnées) ou dans des molécules. Cette seconde voie, encore peu testée, semble d’avenir.
Les chimistes se sont beaucoup intéressés aux cyclodextrines, molécules en forme d’abat-jour, avec
une partie hydrophobe, comme les molécules aromatiques, et une partie hydrophile, externe, qui
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assure la dispersion dans l’eau de l’aliment ; la liaison entre les cyclodextrines et les molécules
aromatiques ralentit la libération de ces derniers. Toutefois les aliments contiennent peut-être déjà des
molécules susceptibles d’encapsuler les molécules aromatiques. On pensera notamment aux molécules
comme l’amylose (qui s’enroule en hélice autour de molécules hydrophobes) de l’amidon ou la
gélatine. Ce champ est certainement destiné à se développer.
En pratique, la libération contrôlée des molécules aromatiques ou sapides est fondamentale, parce
qu’elle est la clé du jeu sur le registre temporel des goûts. Par exemple, l’association de deux
molécules ayant des volatilités très différentes est la garantie d’une libération successive, et non
simultanée, de ces molécules. C’est par ce type de moyens que l’on donne de la longueur en bouche
aux mets. On conservera l’idée générale que les arômes peuvent être : tels, en solution ou englobés
dans des compartiments de diverses tailles, dissous en présence de molécules avec lesquelles ils ont
plus ou moins d’affinités.
Notons que les fines herbes sont un mode naturel de conditionnement. Le plus primitif et pas
nécessairement le meilleur. D’ailleurs, si l’on s’y prend bien, on peut récupérer les arômes et saveurs
des herbes pour les distribuer différemment, éventuellement favoriser leur dégagement Remarque
pratique : c’est sans doute pour cette raison que certains chefs cisèlent très finement la ciboulette, par
exemple); Notons que les épices peuvent être sous plusieurs formes : en poudre, en graines entières, en
infusion, en macération... Notons enfin que les cuisiniers asiatiques ont bien compris intuitivement les
questions de compartimentation : ils s’attachent à découper de façon spécifique. Ces découpes ont,
certes, un rôle de texture, mais la division correspond aussi à une différenciation des goûts.
9. Le conditionnement en produit pur
Ce type de conditionnement est difficile à utiliser, parce que bien rares sont les molécules aromatiques
ou sapides qui ne soient pas dangereux à l’état pur. A noter que les huiles essentielles, qui sont des
mélanges de composés aromatiques ou sapides quasi purs ne sont pas les seuls produits de ce type. Les
molécules de synthèse sont également des conditionnements en produit pur. On devra apprendre à les
utiliser. Pour parvenir à utiliser ce type de conditionnement, on pourra utilement penser à un système
de pulvérisation ou de dispersion de type émulsion.
10. Le conditionnement en solution
Cette solution peut être de l’eau, de l’huile, de l’alcool, etc. La solution peut être diluée ou concentrée.
Notons que les graisses ont la double propriété de dissoudre les molécules aromatiques ou sapides
solubles dans les graisses (beaucoup d’entre elles) et de coller à la bouche, ce qui prolonge la
sensation. Notons aussi que la rétention d’une molécule en solution dépend du solvant : la même
molécule aromatique n’a pas la même volatilité selon qu’elle est dissoute dans l’huile (les interactions
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de la molécule aromatique et de l’huile sont faibles) ou qu’elle est dissoute dans l’eau. Tout dépend du
type de molécule aromatique et des liaisons qu’elle établit avec son solvant.
11. Le conditionnement supramoléculaire
Quand des molécules aromatiques ou sapides sont en présence de molécules non volatiles avec
lesquelles elles établissent des liaisons faibles (liaisons hydrophobes, liaisons hydrogène, liaisons
électrostatiques, ponts disulfures ou, au pire, liaisons covalentes), les molécules aromatiques ou
sapides sont retenues ; leur libération est retardée. Pour comprendre et maîtriser ces rétentions, on
examinera la composition moléculaire des molécules aromatiques ou sapides, et l’on cherchera des
complémentarités possibles dans les masses où ces molécules sont dispersées. On devra notamment
savoir que les molécules d’amylose ou d’amylopectine ont des groupes -CH2OH, -OH, -O- qui ont
soit des doublets d’électrons, soit un atome d’hydrogène polarisé. De même, la gélatine a des groupes
-OH, -COO- ou -COOCH3, qui possèdent le même type de caractéristiques électroniques. Or les
molécules aromatiques ont parfois des propriétés complémentaires, qui favorisent l’association.
D’autre part, l’amylose peut se structurer en hélice autour de composés hydrophobes. Les molécules
aromatiques ou sapides ayant cette propriété, ils peuvent être retenus dans ces hélices.
A ce propos, on doit évoquer la notion de support. Le riz, les pâtes, les féculents, les pommes de
terre, les farines de châtaignes ou de maïs, la gelée ont une neutralité (toute relative) qui autorise
l’ajout de goûts variés. Cette propriété est sans doute due à des liaisons faibles entre les molécules du
support et les molécules aromatiques ou sapides. Toutefois la notion de support est générale : toute
viande, poisson, oeuf, légume peut servir de support. D’ailleurs, souvent la viande n’est que le support
des composés de Maillard créés en surface par le brunissage.
Attention aux rétentions excessives : une gelée trop forte en gélatine, ou une confiture contenant
trop de pectine n’ont pas de goût, parce que les molécules aromatiques ou sapides sont excessivement
liées à la gélatine ou à la pectine. Pensons que les protéines, avec leurs parties hydrophiles et leurs
parties hydrophobes, avec leurs possibilités de repliement, peuvent facilement se lier aux molécules
aromatiques. De même pour les polysaccharides. On se souviendra aussi que l’amidon ne se lie aux
molécules aromatiques qu’après gélatinisation et que la composition de l’amidon, en amylose et en
amylopectine, explique que divers amidons ne captent pas les arômes de la même façon. Enfin on
conservera à l’idée que les interactions hydrophobes, plus que les interactions hydrophiles, sont
responsables de la liaison des molécules aromatiques en solution.
12. Le conditionnement en micro-compartiments
Les molécules aromatiques ou sapides peuvent être retenues lorsqu’elles sont dans des systèmes
dispersés. Par exemple, les cellules végétales sont des micro-compartiments, qui contiennent diverses
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molécules aromatiques ou sapides. Les fines herbes sont une façon naturelle d’utiliser des
microcompartiments. Notons que leur ciselage leur donne des rôles différents. A ces systèmes naturels
s’ajoutent tous les systèmes artificiels, tels que les émulsions, les suspensions, les mousses, les pâtes...
Dans les émulsions, il y a dispersion de gouttelettes d’une phase huile dans une phase eau, ou bien
dispersions de gouttelettes d’eau dans de l’huile ou de la graisse. Pensons que les molécules
aromatiques ou sapides peuvent être dans la phase dispersée ou dans la phase dispersante. Par
exemple, le trans hexanal de l’huile d’olive se trouve plutôt dans les gouttelettes d’huile d’une
mayonnaise, tandis que le citron ajouté à cette même mayonnaise sera dans la phase aqueuse
dispersante. Dans une mayonnaise, le jus de citron a un effet considérable, parce qu’il vient dans la
phase eau, qui est en petite quantité.
Notons qu’une même émulsion retiendra plus ou moins les arômes, selon les compositions
respectives des solutés (les molécules dissoutes) et du solvant. Une émulsion faite avec une huile
saturée retiendra différemment les molécules aromatiques qu’une émulsion avec une huile
polyinsaturée. Une même émulsion retiendra aussi davantage les arômes selon la microstructure. La
même mayonnaise change de goût si elle est puissamment battue, de sorte que ses gouttelettes soient
plus fines. Ce pourrait être d’ailleurs une façon de faire du sens que de juxtaposer la même émulsion
différemment confectionnée. Notons que, dans les émulsions, la volatilité d’une molécule aromatique
dépend de la solubilité de cette molécule dans l’huile et dans l’eau. Par exemple, la solubilité de
l’heptanone-2 est plus grande dans le lait entier que dans le lait écrémé (qui se comporte comme un
solvant de type eau). On pensera aussi que la perception dépend de la vitesse de migration des
molécules ; de ce fait, les petites molécules diffusent plus rapidement que les grosses.
13. Le conditionnement en macro-compartiments
Une autre façon de retenir les molécules aromatiques ou sapides consiste à les séquestrer dans des
compartiments séparés. C’est ce que l’on fait dans un pâté, dans une volaille ou toute autre préparation
farcie (soufflés, endives, suprême de volaille...). L’herméticité des compartiments permet de conserver
le goût. Par exemple une note de tête (voir plus loin) s’échappera au moment précis où le
compartiment est ouvert. Dans ce type de conditionnement, penser à la notion de taches, d’îlots. Par
exemple, des zestes d’oranges confits dans une crème anglaise. Ou des framboises dans un fromage
blanc.
14. Le conditionnement en masse
Il s’agit cette fois de disperser les molécules aromatiques ou savoureuses dans une masse solide. Il
peut s’agir d’une pièce unique ou d’une pâte. Par exemple, une marinade conduit à donner à une
viande un goût qu’elle n’avait pas naturellement. Notons que les pâtes utiles pour l’aromatisation
peuvent être variées : échalotes hachées, cuites et mixées, purée de carotte, fonds d’artichaut écrasés.
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15. L’organisation
Disposant de techniques avec lesquelles on retardera à volonté la libération des molécules aromatiques
ou sapides, nous pouvons maintenant reprendre utilement des notions mises au point par les
parfumeurs. Ceux-ci, notamment, composent les parfums en constituant une note de tête, un corps et
une note de queue. Les molécules les plus volatiles font les notes de tête. Les molécules les plus
lourdes font les notes de queue. Pour que le parfum soit réussi, il doit avoir de la durée, tout comme le
plat doit avoir de la longueur en bouche. Par conséquent, pour parvenir à une composition analogue à
celle du parfumeur, le cuisinier aura intérêt à doubler sa connaissance de la volatilité propre des
molécules aromatiques ou sapides avec la maîtrise des rétentions. Par exemple, le basilic, le cerfeuil,
la menthe, le combawa (une sorte de citron) et les premiers arômes du thé ou du poivre font des notes
de tête. Les molécules à faible tension de vapeur, en solution dans les graisses, feront de bonnes notes
de queue. Par exemple, le lait de coco ou la vanille dans de la crème font des notes lourdes, de queue.
On pensera à l’ensemble des phénomènes physico-chimiques qui déterminent la volatilité des
molécules. Par exemple, la volatilité change selon la température : on pourra en jouer pour faire
changer certaines molécules de catégorie. Par exemple, du cerfeuil dans une partie froide d’un plat
pourra se faire sentir après de la vanille dans une partie chaude. On peut ainsi inverser la perception
habituelle des molécules aromatiques ou sapides.
Un même ingrédient traité de plusieurs façons différentes prendra de l’importance, d’une part
parce qu’on lui donne plusieurs goûts, et d’autre part, parce qu’il peut tenir plusieurs rôles dans
l’assiette. On met de l’emphase, c’est-à-dire du sens.
16. L’organisation
A ce stade, nous avons considéré que la cuisine doit faire sens, et nous avons envisagé les moyens
techniques que le cuisinier peut utiliser pour répartir des molécules aromatiques ou sapides dans un
plat. En revanche, nous n’avons pas encore examiné comment les masses gustatives pouvaient être
organisées. On peut penser à des répartitions verticales, ou horizontales, ou à des montages plus
complexes (au risque que le mangeur ne sache se déplacer dans l’assiette conformément à l’idée
organisatrice). Cette remarque permet de comprendre pourquoi l’architecture eut tant d’attraits pour
certains cuisiniers, tel Antonin Carême. Exemple : des feuilletages, des couches, des superpositions,
des juxtapositions permettent une salutaire confrontation. Notons que le fait d’avoir des textures
différentes, dans un plat, correspond souvent à des rétentions différentes des goûts. Par exemple, un
canard rôti accompagné d’une sauce faite à partir d’un fond dudit canard a deux fois le goût de canard,
dans deux contextes de rétention aromatique différents. Notons aussi que le parcours du mangeur, dans
l’assiette, devra être clair, pour que l’effet perçu soit l’effet voulu. C’est pour cette raison que c’est
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souvent un bon moyen de séparer les filets d’un poisson ou de désosser une viande : le mangeur ne
s’égare alors pas sur les arêtes ou sur les os, et il peut faire son parcours gustatif en toute quiétude.
17. Quelques règles simples de cuisine
Pour terminer, quelques règles utiles à connaître pour parvenir aux buts précités. Les chefs disposent
de bien d’autres indications. Il sera utile de les ajouter. La cuisine sait être économe en produits ; elle
peut l’être aussi en goûts. Par exemple, on évitera de jeter l’eau de cuisson d’un légume, parce qu’y
sont dissous des composés aromatiques libérés par l’éclatement des cellules végétales. Et, dans les
cuissons à l’anglaise (peu conseillées, parce qu’on jette classiquement l’eau de cuisson, en perdant ce
qui s’y trouve), on ajoutera des ingrédients aromatiques ou savoureux : sel, laurier, thym, etc. Notons
que c’est un meilleur principe d’effectuer de telles cuissons non dans l’eau pure, dans une solution
aqueuse gustativement appropriée. Notons à ce titre qu’une cuisson de pomme de terre à l’eau n’est
pas une panacée. On n’y est pas condamné! Les mêmes légumes, cuits dans la graisse, libéreront
d’autres composés ; de même que l’on propose de conserver les eaux de cuisson, on conservera la
graisse de cuisson, si elle n’a pas noirci excessivement, parce qu’elle se sera enrichie de composés
goûteux. Remarque : les légumes libérant des molécules différentes dans les deux milieux (graisse et
eau), on obtiendra des variations sur un thème en réunissant les deux cuissons.
Ne pas cuire ensemble les divers légumes d’un même plat permet de conserver des goûts
différents, dont la réunion engendrera le contraste cherché. La même remarque s’applique aux
champignons. Notons que le goût dépend de la texture. Une façon simple de faire des variations de
goût avec un seul ingrédient consiste à faire des variations de texture. Notons que l’on n’a pas encore
testé systématiquement les variations de texture des viandes. La science des aliments a identifié les
températures à partir desquelles se déclenchent les diverses réactions (coagulations, dissolutions...)
dans les viandes. En contrôlant bien al température de cuisson, on détermine la texture. Mieux encore,
pour obtenir un plat bien conçu, on créera des morceaux de différentes tailles.
Quand on cuisine, soit on met des ingrédients aromatiques en début de cuisson pour que des
morceaux s’en imprègnent, soit on veut les faire entendre et on les met plutôt dans la sauce. Une
viande ou un poisson peuvent prendre du goût en surface (cuisson brève et forte) et en masse (cuisson
longue dans un liquide goûteux : il faut que les molécules aromatiques et sapides aient le temps de
diffuser dans la viande). Les deux possibilités ne s’excluent pas (noter que si l’on effectue un
brunissage initial, les molécules aromatiques et sapides créées diffuseront ensuite dans la masse et
dans le liquide environnant).
En cuisine classique, on dispose de trois tons : viande ou poisson, garniture, sauce. Pensons que
l’architecture des goûts ne doit pas faire oublier l’esthétique visuelle de l’assiette. Celle-ci est une
promesse.
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Enfin la cuisine n’est pas tout : quand nous mangeons, nous ne profitons pleinement du plaisir de
manger que si nous sommes en sécurité. Il y a dans l’adulte le nouveau-né qu’il a été, et qui tétait le
sein maternel, enveloppé par les bras de la mère. C’est cela que bien des restaurants recréent sans le
savoir. Et de la même façon que deux mères ne sont pas identiques, bien des cadres de restaurants sont
possibles. Ils plairont sans doute à des catégories différentes de convives.
Pour finir, quelques lois universelles :
Loi de la juxtaposition : un ingrédient paraîtra fade s’il est placé à côté d’un autre ingrédient de
même goût plus soutenu. Mais ce dernier sera alors rehaussé.
Loi de la longueur : un goût paraîtra plus long en bouche s’il est mis dans plusieurs contextes de
rétention différents.
Loi du support : tout ingrédient en masse peut servir de support à des composés aromatiques ou
sapides pourvu que sa concentration en ces molécules soit inférieure.
Par exemple, des framboises dans du fromage blanc.
Loi de la constitution : un plat aura davantage de longueur s’il a une tête, un corps et une queue.
Par exemple, un pain perdu (support du beurre, note de queue), avec des abricots caramélisés (notes
de corps et de queue) et une feuille de menthe ou du jus de menthe (note de tête).
Loi de la dominance : une masse d’une saveur majoritaire doit toujours être réveillée par une autre
masse.
Par exemple, un plat très sucré doit être acidifié. Un plat très acide doit être adouci.
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A.5. Menu "Science et Cuisine"
Ce menu est dû au travail conjoint d'Hervé This et de Pierre Gagnaire. Il fut initialement proposé au
Cercle de l'Académie des Sciences le 20 mars 2000 et marque le début de la collaboration entre les
deux hommes (cf annexes A.8 et A.9). La version présentée ici est un peu différente de la version
initiale qui comprenait:
- Pain grillé, lard blond, raisins frais mi-séchés
- Soupe à l’oignon, tuile de poire au reggiano
- Gelée au vin jaune du Jura, patate douce et noix de ris de veau grillée
- Jus de crustacé émulsionné à l’huile d’olive santa tea, bouquet d’oreille du diable et riquette au céleri rave
- Écume de bière à l’eau de mer ; bouquet d’asperges pitchounes et artichaut maco aux noisettes torréfiées.
- Jus vert, mousseline de poivron rouge et gnocchi à l’encre
- Feuilletage croustillant, tartare de boeuf, dorade royale et langoustine ; béarnaise Herve This
- Coffre de canard Pékin macéré "cumin-cannelle", marmelade de papaye et mangue verte ; crumble d’amande
- Vieux Comté millésimé 1996, roquefort " travaillé " aux navets et petit suite à l’eau de vie.
- Granité et suc de carotte à l’huile d’argan
- Biscuit soufflé au cassis, caramel réglissé en gelée, fruits rouges aux feuilles de céleri
- Le Chocolat été 2000 selon un principe de Hervé This
On retrouve bien sûr dans la version ultérieure ci-dessous le même "esprit" et les mêmes intentions
dans l'élaboration des plats.
Pain grillé au lard blond et raisins mi-séchés
Pour faire du pain, il faut que la farine contienne ce que l’on nomme du gluten, des protéines qui se
lient en un réseau élastique, qui permet le gonflement. Comment faire du pain de châtaigne quand la
farine de châtaigne ne contient pas ce gluten ? En récupérant le gluten du blé et en l’ajoutant à la farine
non panifiable de châtaigne.
Nous avons le pain parce que nous avons le blé : depuis le travail du chimiste italien Jacoppo Beccaria, en
1754, nous savons que le pain est composé de gluten et d’amidon. L’expérience est facile à reproduire : il suffit
de pétrir de la farine avec de l’eau, puis de malaxer le pâton formé dans une grande bassine d’eau ; s’échappe
une poudre blanche, faite de grains d’amidon, tandis qu’il reste entre les mains une masse élastique, le gluten.
L’amidon est fait de sucres complexes, le gluten de protéines. C’est la présence du gluten qui permet la
confection du pain, puisque ce réseau élastique est détendu quand les levures introduites dans la pâte produisent
des bulles d’air en fermentant l’amidon : le gluten, telle la peau d’un ballon que l’on gonfle, s’étend et conserve
au pâton une forme de boule ; sans lui, la pâte s’étalerait à la façon d’une crêpe. Peu de farines contiennent du
gluten, de sorte que peu de farines peuvent donner lieu à la confection de boules de pain. Il est impossible, par
exemple, d’obtenir une boule de pain de maïs, d’avoine, de châtaigne… Comment obtenir un peu de variété
gastronomique ? Comment faire ces pains variés que l’esprit du gourmand réclame ? Les boulangers ont trouvé
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une solution, en mêlant les farines non panifiables à de la farine de blé, mais ce procédé nuit au goût original
des farines introduites. Pour obtenir un pain pur châtaigne, nous avons repris l’expérience du chimiste italien,
et avons extrait le gluten de la farine de blé, puis nous avons ajouté la farine dont nous voulions faire du pain.
C’est ainsi qu’a été confectionné le pain à la châtaigne servi ici. Autre point: le pain se fait couramment avec de
l’eau, mais pourquoi cette eau n’aurait-elle pas de goût ? Ici, du lard blondi et des raisins mi séchés ont été
introduits dans le pain, mais on a renforcé le goût du pain à l’aide du jus de déglaçage du lard.
Jus de crustacé émulsionné à l’huile d’olive santa tea, bouquet d’oreille du diable et riquette au
céleri rave
On obtient une "mayonnaise sans œuf" en généralisant le principe de l’aïoli. L’eau où l’on disperse la
matière grasse sous la forme de gouttelettes peut alors être puissamment parfumée, et la sauce évolue
vers un système hybride entre le gel et l’émulsion.
Les émulsions s’obtiennent par dispersion d’un corps gras liquide dans de l’eau, sous la forme de gouttelettes
très petites, ou bien par dispersion d’eau dans un corps gras, toujours sous la forme de gouttelettes. Par
exemple, la mayonnaise est une émulsion d’huile dans de l’eau, laquelle est apportée par le jaune d’œuf et par le
vinaigre (pas par la moutarde, bien que cette dernière contienne du vin blanc et du vinaigre, c’est-à-dire de
l’eau : la moutarde ne devrait pas figurer dans la sauce mayonnaise, car une sauce mayonnaise avec moutarde
devrait être nommée rémoulade, puisque, selon le cuisinier Philéas Gilbert, « la moutarde constitue la
condimentation spéciale de la sauce rémoulade, et qu’il importe d’observer entre les deux sauces une différence
de savorisme ». Eau, huile : chacun sait que ces deux ingrédients ne suffisent pas pour faire une sauce
émulsionnée. En effet, de l’huile pure que l’on disperse dans de l’eau pure vient bientôt « crémer », en raison de
sa densité faible, et elle finit par former une couche au-dessus de l’eau. Il manque un ingrédient stabilisateur :
dans la sauce mayonnaise, ce sont les protéines apportées par le jaune d’œuf. On dit que ces protéines sont «
tensioactives ». Oui, mais le jaune d’œuf a un goût puissant, qui gêne la confection d’émulsions ayant des goûts
originaux. C’est pourquoi j’ai proposé que l’on utilise de la gélatine : ce sont encore des protéines, et elles ont
les propriétés tensioactives voulues. D’où l’idée : dans n’importe quelle eau ayant du goût, on dissout de la
gélatine, puis on ajoute une huile (aromatisée, si l’on veut) en fouettant. On obtient ainsi une émulsion froide.
Soupe à l'oignon, tuile de courge et galette de parmesan
A la base de ce plat, une question : quel volume maximal d’eau peut-on ajouter à un œuf de façon à
obtenir un flan ? Le calcul indique : environ un litre. Comment cuire alors ce "flan de l’extrême"? La
réponse met en œuvre des résultats de physique sur la diffusion des molécules. Ce plat a l’intérêt
supplémentaire de contenir peu d'œuf, ce qui évite une liaison des arômes aux protéines de l'œuf. A la
grande tendreté du flan s’ajoute une meilleure perception des arômes.
Combien d’eau peut-on gélifier chimiquement à partir d’un œuf ? La question est évidemment provocatrice, en
introduisant ce « chimiquement » qui fait craindre l’empoisonnement. Pourtant les faits sont là : un blanc d’œuf
que l’on cuit, sur le plat, à la coque, dur… peu importe, est un solide obtenu par gélification chimique. Ce type
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de gélification se distingue de la gélification physique des aspics ou des confitures : ces gélifications physiques,
elles, sont réversibles. Si l’on fond un gel de gélatine, on obtient un liquide, mais ce liquide forme à nouveau un
solide, quand il refroidit. Les gels gélifiés chimiquement sont définitifs. Comment s’effectue cette extraordinaire
transformation qu’est la solidification d’un liquide ? Dans le cas simple du blanc d’œuf, on part d’une solution
de protéines :le blanc d’œuf est composé de 90 pour cent d’eau, et de dix pour cent de protéines variées,
lesquelles sont comme de minuscules pelotes repliées sur elles-mêmes. Lors d’un chauffage, ces molécules sont
agitées, et les protéines sont un peu déroulées, ce qui permet leur liaison : les protéines se lient, formant un
vaste réseau, où l’eau est piégée, tels des poissons dans le filet que forme le réseau de protéines. D’où la
question : on sait que les protéines du blanc d’œuf, soit environ 3 grammes, suffisent à faire coaguler le blanc
d’œuf (30 grammes), puisque le phénomène s’effectue lors de la cuisson d’un blanc d’œuf. Mais on sait aussi
que un pour cent de gélatine seulement suffit à faire gélifier l’eau : il y a donc de la marge, dans le cas du blanc
d’œuf, de sorte que l’on peut sans doute ajouter de l’eau à celui-ci de sorte qu’il prenne encore. Plus
précisément, en supposant que la gélatine et les protéines du blanc d’œuf se comportent de même, on devrait
pouvoir gélifier au moins 300 grammes d’eau avec les protéines d’un blanc d’œuf. Et avec un œuf entier, la
quantité d’eau que l’on peut gélifier chimiquement atteindrait 1800 grammes d’eau, soit plus d’un litre et demi !
Comment savoir si cette estimation est juste ? Par l’expérience : à un œuf entier, battu, on ajoute d’abord un
volume d’eau et l’on cuit : la coagulation se produit. On augmente alors et on ajoute deux volumes d’eau à un
œuf que l’on cuit, puis trois volumes, quatre, cinq… et l’on observe, ainsi, que l’on peut gélifier près d’un litre
d’eau avec un œuf (moins, si l’œuf est petit). Ce qui reste, comme idée, c’est que l’on a de la marge, d’une part,
pour ajouter un liquide qui a du goût : bouillon, vin… D’autre part, on observe que le gel chimique formé avec
des quantités croissantes d’eau est de plus en plus délicat : c’est normal, puisque le même filet piège des
quantités croissantes de liquide. En prime, le goût du liquide ressort de mieux en mieux : d’une part, la
proportion de jaune d’œuf diminue, mais, d’autre part, les protéines qui risqueraient de se lier aux molécules
odorantes, peu solubles dans l’eau, sont en proportion décroissantes. Quelle eau ajouter à un œuf, finalement ?
C’est la question posée au Cuisinier.
Gelée au vin jaune du Domaine Pasteur, salpicon de ris de veau aux fèves
Pour obtenir la gelée, on utilise des résultats fondamentaux de physique : Pierre-Gilles de Gennes et
quelques uns de ses collègues avaient voulu décrire la prise d’un gel par la théorie physique dite de la
"percolation". On a repris les idées de ce travail en cuisine, afin d’obtenir des gelées mieux prises, à
partir d’une quantité de gélatine réduite. La perception des arômes en est augmentée parce que ces
molécules ne sont pas liées par la gélatine. En outre, la texture de la gelée obtenue est ferme sans être
cassante.
La question des gels revient ici, mais pour des gels physiques, obtenus par utilisation de gélatine. Il s’agit
d’utiliser un liquide, qui se boit et ne se mange pas, pour en faire un solide, qui ait une tenue permettant sa
consommation. Mieux encore, les aspics ont une transparence et une texture merveilleuse : cette dernière est
fluide, mais non pas aqueuse. Elle s’obtient, nous l’avons vu à propos de la soupe à l’oignon, par formation
d’un réseau, en raison de la liaison des molécules de protéines. Pour les gels de gélatine, ces liaisons se font par
trois. Où la science peut-elle se rendre utile, lors de la confection des gels ? En recommandant une gélification
assez lente, d’une part, et une proportion de gélatine aussi faible que possible, d’autre part. Commençons à
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rebours, en expliquant d’abord l’importance de la concentration faible en gélatine. Une gelée très fortement «
collée », comme disent les cuisiniers, a peu de goût : les molécules odorantes et sapides étant très retenues par
le gel accèdent difficilement à nos récepteurs gustatifs. De surcroît, la gélatine peut établir des liaisons avec ces
molécules odorantes ou sapides, ce qui amoindrit encore leur effet. La lente prise des gelées permet, coup de
chance, de réduire la proportion de gélatine : il a été démontré que les gels de gélatine formés trop rapidement
sont cassants et aqueux, parce que les molécules de gélatine ne peuvent se lier de façon optimale. En revanche,
des gels de gélatine formés lentement ont une structure plus solide, qui résiste mieux au réchauffage. A
concentration en gélatine constante, une prise lente fait une gelée plus ferme… de sorte qu’une prise lente
permet une réduction de la concentration en gélatine. Tout est là, et la question peut alors se poser : quel liquide
délicieux faire gélifier ?
Feuilletage croustillant, tartare de Saint Jacques et gras de seiche au gingembre, mousseux au
thé vert
Une mousse est, au fond, un système physique composé de bulles d’air dispersées dans un liquide ou
dans un solide et stabilisées par des molécules dites tensioactives (elles "enrobent" les bulles). Or la
plupart des tissus végétaux ou animaux contiennent de telles molécules tensioactives en abondance :
ces tissus sont composés de cellules, dont les membranes sont précisément des molécules
tensioactives. C’est cette idée qui est employée ici pour obtenir une mousse originale.
Nous avons joué avec des émulsions, avec des gels… Il fallait jouer des mousses. Les physico-chimistes en
distinguent deux type : les mousses liquides et les mousses solides. Les premières sont les mousses habituelles,
comme celles de nos bains moussants, faites de bulles d’air dispersées dans l’eau. Les secondes ont une
armature solide : on connaît les mousses de polyuréthannes, qui servent d’isolant, mais le monde de la cuisine
fréquente plus souvent les meringues, par exemple. Comment les obtenir ? Il suffit d’introduire des bulles d’air
dans un liquide, pour faire des mousses solides. Quel liquide ? De l’eau, par exemple, où seront dissoutes des
molécules qui donneront du goût. Naturellement, l’air ajouté dans l’eau n’y subsiste pas, et il faut aussi ajouter
des agents moussants. On sait que les protéines sont de tels agents : la preuve en est que le blanc d’œuf,
composé d’eau et de protéines, mousse quand on le fouette. La gélatine, aussi, peut mousser, et elle a l’avantage
de former une mousse gélifiée quand elle refroidit. D’où la proposition : on part d’un liquide goûteux, c’est-à-
dire odorant et sapide, dans lequel on dissout de la gélatine ; puis on fouette. On obtient une mousse, avec des
bulles d’air dispersées dans la solution de gélatine. Cette dernière forme les parois des bulles, et elle gélifie en
refroidissant. Au fait, comment introduire les bulles ? Le fouet suffit bien sûr, mais c’est un piètre instrument.
Pourquoi ne pas utiliser une pompe à vélo, ou bien une pompe d’aquarium qui insufflera de l’air ? Ou encore
une bombe contenant du gaz sous pression, qui viendra faire mousser ? C’est quand même plus rapide… et les
laboratoires sont pleins de matériels que la cuisine pourrait utilement reprendre pour ses usages subtils !
Bouillon de poule truffé, Gnocchis traditionnels
La mise en application de quelques idées simples sur les infusions, décoctions, macérations. Ce plat
pose aussi une question : pourquoi les gnocchis qui sont jetés dans l’eau bouillante remontent-ils à la
surface quand ils sont cuits ?
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Ici, c’est la question du gnocchi qui nous préoccupe. Plus précisément, le gnocchi pose deux questions. D’une
part, il y une question technologique : on dit qu’il est cuit quand il flotte, mais est-ce vrai ? D’autre part, il y a
la question scientifique qui me passionne bien davantage : pourquoi flotte-t-il ? Car c’est un fait que les
gnocchis tombent d’abord au fond de la casserole où on les poche, avant de revenir flotter à la surface. On
trouvera dans mon livre Casseroles et éprouvettes la réponse à la question de pourquoi les gnocchis flottent,
mais puisqu’il s’agit ici d’invention culinaire, donc de technologie, je resterai collé à la première question : est-
il exact que les gnocchis sont cuits quand ils flottent, comme le prétend une longue tradition culinaire ? La
réponse à une telle question impose des mesures, et, si possible, des mesures astucieuses, donc simples et
déterminantes. Je propose de confectionner deux gnocchis de tailles différentes, de les pocher, et de mesurer la
température à cœur : nous saurons ainsi si a été atteinte la température de coagulation des œufs qui sont
présents dans la pâte à gnocchi (68 degrés), ou la température d’empesage de l’amidon. L’expérience se révèle
à la hauteur de nos espérances : dans un gros gnocchis de quelques centimètres de rayon, la température à
cœur, quand le gnocchi flotte, n’est que de 30 degrés, de sorte que le gnocchi n’est pas cuit. Nous avons ainsi
réfuté la tradition, et mis le cuisinier sur la piste d’un gnocchi bien cuit : tout dépend de sa taille, et il faudra
quelques essais pour savoir quand la cuisson est à point. Ah, j’oubliais : pocher, certes, mais dans quel liquide
qui aura du goût ?
Suprême de volaille de lait macéré " ananas et romarin"85
On utilise les explorations chimiques des réactions de Maillard (la réaction chimique qui engendre les
molécules colorées et goûteuses de la croûte du pain, du café torréfié, de la croûte du rôti, etc.) pour
transformer le goût des viandes : connaissant le détail de la réaction, on joue de cette dernière de
nouvelle façon à l’aide d’ingrédients pourtant tous classiques (sucres, gelée...). De surcroît, la chair de
l'ananas frais contient de la broméline, une enzyme qui peut, par ses propriétés protéolytiques,
attendrir la viande. Ici on utilise aussi des seringues pour introduire à cœur des viandes des arômes
"sur mesure".
La viande impose la question de la tendreté. Il faut de la mâche, certes, mais pas trop. D’où une première idée
qui consiste à injecter dans les viandes, à la seringue, des enzymes attendrissantes. Enzymes ? Il s’agit de
protéines. Par exemple, les « protéases » sont des enzymes qui découpent les autres protéines, notamment le
collagène qui fait les viandes dures, en gainant les cellules des viandes nommées fibres musculaires. L’idée est
connue empiriquement en cuisine : les gelées d’ananas frais ne prennent pas… parce que le fruit apporte des
protéases, qui fragmentent les molécules de collagène (la « gélatine ») et les empêche de se lier en un réseau qui
tiendrait l’eau du gel. D’où l’idée d’injecter du jus d’ananas frais dans une viande pour l’attendrir. Oui, mais
on risque ainsi une viande cartonneuse. Il faut donner de la mâche en surface. Comment ? Pourquoi ne pas
utiliser le même jus d’ananas, qui contient des sucres et des protéines, afin d’effectuer un « laquage », lequel
fera réagir les molécules, engendrant des produits de réaction sapides et odorants, par les réactions chimiques
nommées réactions de Maillard, d’après le chimiste Louis-Camille Maillard, né à Pont-à-Mousson et qui publia
85 Remplace le Coffre de canard Pékin macéré "cumin-cannelle", marmelade de papaye et mangue verte ; crumble d’amande de la première version du menu, qui utilisait la papaïne contenu dans la papaye et qui possède les mêmes effets protéolitiques que la broméline.
162
en 1912 la première description de la réaction utilisée ici ? Et puis, tant qu’on y est, pourquoi ne pas parfumer
le jus d’ananas, en y dissolvant des molécules variées, par infusion, macération ou décoction ? Là, une
explication s’impose, afin que la cuisine et la science utilisent les mêmes termes : il y aura macération quand on
aura mis l’ingrédient dont on veut extraire des molécules dans le liquide froid. Il y aura décoction quand on
aura fait bouillir l’ensemble. Et l’infusion sera intermédiaire, comme quand on prépare du thé. La différence,
d’un point de vue gustatif ? Les opérations à chaud, on le sait notamment pour le thé mais c’est vrai pour la
plupart des matières végétales, extraient non seulement les molécules odorantes, mais aussi des tanins
astringents. C’est donc au Cuisinier de choisir l’opération qu’il préfère !
Vieux Comté millésimé 1996 et morbier vieilli en cave, granité et suc de carotte à l'huile d'argan
Comment faire un sorbet ou une glace d’une texture très fine ? Par l’utilisation d’azote liquide. Cette
méthode démontre en outre que, comme la science des aliments le découvre, le goût dépend de la
texture. Cette glace est accompagnée d’émulsions savoureuses.
Au début du XX e siècle, des physiciens parvinrent à liquéfier l’azote de l’air en le refroidissant jusqu’à une
température de -196 degrés Celsius. A la Royal Institution, à Londres, ils obtinrent cet azote liquide qui
ressemble à de l’eau, mais qui ne cesse de bouillir, parce qu’à la température à laquelle nous vivons, il doit se
trouver sous la forme gazeuse. Très tôt, une femme pensa l’utiliser pour en faire des crèmes glacées. L’idée fut
oubliée, mais elle resurgit en 1976, quand André Daguin proposa, dans son Nouveau Cuisinier Gascon, de faire
des sorbets et glaces. Enfin, le chimiste que je suis eut l’idée que de telles glaces et sorbets seraient bien
supérieures aux préparations classiques. En effet, les chimistes qui préparent de gros cristaux savent que la
solution mère doit être refroidie aussi lentement que possible et conservée immobile. Au contraire, pour obtenir
de petits cristaux, il faut refroidir rapidement, et bien agiter. L’azote liquide s’impose. Si l’on s’y prend bien, en
faisant venir l’azote sous la préparation à glacer, on peut aussi la faire foisonner, parce que les bulles d’azote
restent alors piégées dans la masse solidifiée. Le résultat ? Une texture de velours, puisque faite de très petits
cristaux. Et, en prime, un goût augmenté. J’ai observé cet effet il y a plusieurs années alors que j’avais
confectionné une glace à l’azote liquide pour un industriel : quand nous avons comparé la glace à l’azote
liquide à la même glace, faite à la sorbetière, l’effet est apparu flagrant. Il résulte d’une meilleure libération des
molécules odorantes, en raison de la plus fine microstructure de la glace. Vraiment meilleur ? Oui ! Pour le
journal Gault & Millau, nous avons comparé des sorbets au citron et des glaces à la vanille en aveugle, et
n’avons eu aucune peine à distinguer la glace et le sorbet faits à l’azote liquide. Mieux encore, pour les glaces,
la matière grasse peut être réduite : son goût se faisant sentir davantage et sa présence texturante étant inutile,
on peut «alléger» les glaces.
Soufflé chaud aux fruits de la passion, marmelade de mangue et gelée de pamplemousse
Une théorie culinaire hélas encore tenace veut que les soufflés gonflent parce que leurs bulles d’air se
dilatent à la chaleur. C’est faux : s’ils gonflent, c’est que l’eau présente dans les soufflés est évaporée
au fond des ramequins ; la vapeur formée pousse vers le haut les couches supérieures. La théorie
correcte de la cuisson des soufflés est ici mise en application.
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Ah, les éphémères soufflés ! Que la cuisine ne demande pas à la science de les faire tenir : les soufflés doivent
retomber. En revanche, la technologie peut légitimement se préoccuper de les faire mieux gonfler. Et la science
apporte les idées que la technologie utilisera. Par exemple, la science explorera le gonflement, et l’on
comprendra ainsi que la théorie ancienne est fausse : les soufflés gonflent très peu par dilatation à la chaleur
des bulles d’air apportées par les blancs battus en neige, mais plutôt parce que l’eau de la préparation est
évaporée, au fond du ramequin. Comme un soufflé de 300 grammes environ perd déjà 10 grammes d’eau et
qu’un gramme d’eau liquide se transforme en un litre de vapeur, environ, on voit que le cuisinier a de la marge,
pour faire gonfler ses soufflés. Comment retiendra-t-il toute cette vapeur ? Il faudra imperméabiliser la surface
supérieure. Pour un soufflé salé, on pensera à disperser un fromage qui croûtera, par exemple. Pour un soufflé
sucré, on déposera du sucre, qui caramélisera. Et, dans les deux cas, on passera le soufflé sous le grill avant de
le cuire, afin de faire cette croûte supérieure… qui aura en outre le mérite de faire monter le soufflé très droit,
sans boursouflure. Ensuite, il faudra chauffer le soufflé par le fond, afin que la vapeur se forme bien au fond du
ramequin : en se formant, les bulles de vapeur viendront pousser les couches du soufflé vers le haut. Blancs
battus en neige fermes ou non ? Là encore, la réponse est simple, alors que la bataille a fait longtemps rage, je
ne sais pourquoi. Si les blancs ne sont pas fermes, les bulles de vapeur les traverseront facilement, et viendront
facilement crever en surface. Au contraire, si les blancs en neige sont très fermes, les bulles de vapeur ne les
traverseront que difficilement, de sorte qu’elles pousseront bien le soufflé vers le haut. Trois recommandations,
au total, pour faire mieux gonfler les soufflés… mais attention à la texture, qui change selon la fermeté des
mousses de blancs en neige !
Le Chocolat Chantilly, parfait à la réglisse
Le Chocolat Chantilly n’est pas une mousse au chocolat, mais une mousse de chocolat. On le
confectionne comme la crème Chantilly : on forme d’abord une émulsion de chocolat, puis on fait
ensuite mousser.
Ici, il s’agit d’obtenir une mousse de chocolat, et non une mousseau chocolat. En 1995, j’ai eu l’idée de
généraliser le principe de la crème Chantilly, que l’on confectionne en battant de la crème dans un récipient
refroidi. Le fouet introduit progressivement des bulles d’air, ce qui forme une mousse. Pourrait-on reproduire ce
principe de la crème Chantilly avec une autre matière grasse que celle du lait ? Le chocolat contenant du beurre
de cacao, pourrait-on réaliser un “ Chocolat Chantilly ”, par exemple ? Pour y parvenir, examinons ce qu'est la
crème. Elle est confectionnée à partir du lait, lequel est de l'eau où sont dissous diverses molécules (comme le
sucre nommé lactose, par exemple) et où sont dispersées des gouttelettes de matière grasse. Comme la graisse
ne fait pas bon ménage avec l'eau, ces gouttelettes sont recouvertes d'agrégats d'une protéine, la caséine, et de
phosphate de calcium. Quand on laisse reposer du lait, les gouttelettes de matière grasse ainsi recouvertes,
moins dense que l'eau, montent lentement en surface et forment la crème, qui reste constituée de gouttelettes de
matière grasse dispersées dans l'eau. Ce système physique est nommé une émulsion. D’abord une émulsion :
Autrement dit, pour confectionner un "Chocolat Chantilly", nous devons d'abord réaliser une émulsion de
chocolat. Or j'ai précisément inventé, il y a trois ans, une "béarnaise au chocolat" qui est une telle émulsion.
L'idée est la suivante : la mayonnaise est une émulsion froide : on disperse des gouttelettes d'huile dans de l'eau
apportée par le vinaigre et le jaune d'oeuf, en utilisant les molécules du jaune d'oeuf pour enrober les
gouttelettes. De même, une béarnaise est une émulsion chaude :on disperse des gouttelettes de beurre fondu, qui
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fait huile, dans l'eau apportée par du vinaigre, les molécules du jaune d'oeuf servant encore de "tensioactif", qui
enrobe la matière grasse. Aussi on fera de la béarnaise au chocolat de la façon suivante : on prendra de l'eau
(aromatisée, c'est meilleur : pensez à du jus d'orange, une infusion de menthe, du rhum, bref n'importe quel
liquide qui contienne de l'eau) et ajoutez y un jaune d'oeuf,puis du chocolat que vous faites fondre en fouettant,
comme pour une béarnaise. Et, puisque le jaune d'oeuf cuit, ce qui fait rater parfois les béarnaises,
perfectionnons la recette en remplaçant le jaune d'oeuf par une feuille de gélatine, qui a les mêmes propriétés
tensioactives, sans l'inconvénient de coaguler. La recette, à ce stade : dans une casserole, vous mettez un petit
verre d'un liquide parfumé (puissamment, c'est meilleur), une feuille de gélatine, et vous chauffez ; quand la
gélatine est dissoute, vous ajoutez 200 grammes de chocolat en fouettant. Puis la mousse : Ayant cette béarnaise
au chocolat, passons au Chocolat Chantilly. Il faut refroidir la béarnaise en la fouettant, comme on ferait avec
de la crème : le fouet introduira des bulles d'air, qui seront stabilisées par les molécules tensioactives (la
gélatine fait mousser) et par la cristallisation de la matière grasse autour des bulles d'air. Vous remplissez un
cul de poule avec des glaçons, et vous y mettez votre casserole contenant la béarnaise chaude. Puis on fouette
pendant que la sauce refroidit. D’abord le fouet introduit de grosses bulles d’air, puis, progressivement, la
sauce épaissit et, quand la température de cristallisation du chocolat est atteinte, le volume de la sauce
augmente d’un coup (la sauce “ foisonne ”), tandis que sa couleur passe du marron foncée au marron clair. Ce
changement de couleur est le signe de la présence de bulles d’air introduites par le fouet. L’introduction des
bulles d’air modifie également la texture le liquide forme des houppes derrière les branches du fouet,tout comme
dans une crème Chantilly. Naturellement nous ne résisterons pas au plaisir de déguster immédiatement ce
Chocolat Chantilly, mais nous pouvons aussi le laisser attendre au réfrigérateur. Alors, la gélatine qui a servi à
confection l’émulsion fait gélifier la sauce, qui garde longtemps une souplesse plaisante.
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A.8. La science et le plaisir de manger, par Nicholas Kurti86
Depuis la mort de son fondateur, le regretté André Simon, l'International Wine and Food
Society (Londres) commande régulièrement un discours solennel à sa mémoire. Celui-ci a été
prononcé le 20 octobre 1993, à l'occasion du soixantième anniversaire de la Société.
Je commencerai par revenir deux siècles en arrière, pour invoquer le comte Rumford, tour à tour soldat
au service de Sa Majesté britannique, homme d'Etat, passionné de philosophie naturelle, et partisan de
réformes sociales. Benjamin Thompson naquit en 1753, dans l'Etat du Massachusetts. Pendant la
guerre d'Indépendance, il resta loyal à la Couronne et espionna pour le compte du gouverneur du
Massachusetts, qui, plus tard, prit du galon et commanda les Chasseurs américains du Roi, connus
pour leurs atrocités commises dans la région de Long Island. Il passa la plus grande partie de sa vie
active en Angleterre, où, entre autres, il fonda la Royal Institution, et à Munich, au service de
l'Electeur de Bavière, qui lui conféra le titre de comte du Saint Empire germanique. C'est à Munich
que le comte mit à mal la théorie du calorique, lors d'expériences sur l'alésage des canons. Il y conçut
les fameux jardins à l'anglaise, et mit en place des hospices pour accueillir les mendiants et leur
distribuer la soupe à la Rumford, qui garantissait un apport quotidien de mille calories. L'idée que
Rumford se faisait des possibilités d'appliquer la science à la cuisine ressort bien de cet extrait tiré de
l'ouvrage de quatre cents pages qu'il publia en 1794 à ce sujet, et dont le titre complet est Sur la
construction des cheminées et des ustensiles de cuisine, avec des observations sur les divers aspects de
l'art culinaire et des propositions pour améliorer cet art des plus utiles :
"Les avantages que l'on peut tirer de l'application à l'amélioration de l'art culinaire
des découvertes récentes les plus brillantes de la chimie ou d'autres branches de la
philosophie naturelle et de la mécanique sont tellement évidents que je ne peux
m'empêcher de me complaire à l'idée que nous allons bientôt bénéficier des
lumières d'un homme de la profession, dont l'esprit libéral se penchera sur ce sujet
et lui consacrera une étude scientifique approfondie. Y a-t-il une autre science dont
l'amélioration contribuerait plus puissamment à l'augmentation du confort et des
bienfaits de l'humanité?".
Il est vrai que ce voeu d'appliquer largement la science à l'art culinaire a été dans une certaine mesure
exaucé. L'industrie alimentaire, depuis cinquante ou cent ans, s'est appuyée sur les connaissances de
base et les apports techniques de la science. Mais il est rare de voir un scientifique de profession,
lorsqu'il est cuisinier amateur, se servir de ses connaissances mathématiques, chimiques et physiques
pour expliquer, découvrir et apprendre dans le cadre quotidien de la cuisine familiale, ou pour créer de
86 Publié dans la revue Alliage (n°31, 1997). Traduit de l'anglais par Julie Brumberg-Chaumont.
166
nouveaux plats. Je voudrais vous donner ici quelques exemples montrant comment cet exercice peut
être mené.
Ars culinaria
Il n'est pas aisé de trouver un titre bien tourné sans prêter à confusion. Donnant, il y a quelques années,
une conférence à New York sur cette thèse de Rumford, j'ai commis l'étourderie d'intituler mon
intervention "La physique et les plaisirs de la vie". Un des participants m'interpella et me déclara:
"Vous dites beaucoup de choses sur la façon dont la physique peut augmenter les plaisirs que l'on tire
de l'art culinaire ou d'autres formes d'art, mais vous n'avez rien dit du sexe!" C'est pour éviter tout
malentendu, ou toute déception, que j'ai donc choisi pour cette conférence un titre explicite: "La
science et le plaisir de manger". Il faut cependant reconnaître que mon interlocuteur de New York
avait visé juste. En effet, on considère généralement que les deux besoins les plus pressants des êtres
vivants sont la préservation de l'individu et celle de l'espèce. En d'autres termes, il s'agit de
neutraliser la faim et la soif dans le premier cas, et de neutraliser ou de satisfaire le besoin sexuel dans
le second. Ces trois activités, le manger, le boire, et la copulation, s'accompagnent probablement dans
tout le règne animal de sensations de plaisir plus ou moins intenses. Seul l'homme, semble-til, a le
loisir de pouvoir multiplier ces plaisirs à volonté87.
Cette attitude hédoniste ne s'est pas toujours exprimée de la même façon selon l'époque ou le lieu. Il y
a toujours eu, et il y aura probablement toujours, des époques et des régions pour considérer la
satisfaction de ces besoins comme un exercice purement utilitaire. Le plaisir naturel qui peut
accompagner cette satisfaction, sans parler des interventions pour l'exacerber volontairement, est alors
en lui-même critiquable, ou constitue un péché. Le rôle de la nourriture et des habitudes sexuelles dans
les différentes formes de sociétés à déjà fait couler beaucoup d'encre. Ce n'est peut-être pas un hasard
si les civilisations qui se distinguent par leur art culinaire, comme la France et la Chine, sont
également riches en ouvrages explicitement érotiques. Il serait peut-être excessif de dire que les livres
de cuisines et les manuels de sexe vont de paire; quoi qu'il en soit, comme le titre de cette conférence
l'indique, je ne me consacrerai qu'à la gastronomie, à l'ars culinaria, à l'exclusion de son pendant, l'ars
amatoria.
La gastronomie peut être définie comme l'étude et la somme de nos connaissances sur les plaisirs
de la nourriture. On voit immédiatement que la gastronomie, dont le nom dérive du grec gaster
(estomac), est bien mal nommée: les plaisirs de la nourriture n'ont rien à voir avec l'estomac.
Tous ces plaisirs sensuels se ressentent lorsque la nourriture est portée à la bouche, mâchée et avalée;
ils dérivent entièrement des sens olfactif, gustatif et tactile. Ce sont ces sens qui gouvernent l'art
gastronomique, et ce dernier pourrait en ce sens être comparé à la musique, la peinture et la sculpture,
87 J'ai découvert récemment que l'on retrouvait cette idée exprimée, à la fin du deuxième acte du Mariage de Figaro de Beaumarchais, par Antonio, le jardinier saoul, avec une tonalité moins hédoniste: "Boire sans soif et faire l'amour en tout temps, Madame, il n'y a que cela qui nous distingue des bêtes."
167
dont l'appréciation repose respectivement sur l'audition, la vue, et le toucher mêlé à la vue. L'influence
de la science sur ces trois formes artistiques a été importante. Elle a été reçue de bonne grâce, et même
avec gratitude, par les peintres, les sculpteurs, les compositeurs et les interprètes. L'optique,
l'acoustique, la sciences des matériaux et l'électronique ont toutes participé aux progrès de la
conservation, de la reproduction et de la jouissance des oeuvres musicales et visuelles. Elles en ont
également facilité la diffusion. Les craintes de voir la créativité artistique s'essouffler face à l'invasion
de la science et de la technologie se sont avérées sans fondement.
Il n'en va pas de même pour l'art culinaire. L'introduction de la rationalité scientifique dans la cuisine
des foyers ou des restaurants, sans parler des techniques scientifiques, suscite la suspicion, voire
l'hostilité (la restauration de masse pose un problème différent). Quelle est la raison de ces préventions
contre les bienfaits de la science? Il existe une différence fondamentale entre les sens gustatif et
olfactif et les sens visuel et auditif. Les plaisirs que procurent la musique et la peinture résultent de
stimulations physiques accueillies par les récepteurs appropriés. Elles sont de nature mécanique et
acoustique pour la musique, et électromagnétique (lumière) pour la peinture. La nature et l'intensité de
ces stimulus peuvent être caractérisées et chiffrées avec précision, ce qui permet d'enregistrer, de
conserver et de transmettre la sensation perçue. Le goût et l'odeur, d'un autre côté, sont le résultat de la
stimulation chimique des récepteurs. Alors que de grandes avancées ont été effectuées dans
l'attribution de certains goûts ou de certaines odeurs à des molécules spécifiques ou à certains
groupements d'atomes dont elles sont composées, nous sommes encore loin de pouvoir produire, par
exemple, la sensation de déguster une mousse au chocolat grâce à des stimulus physiques. Il faut
reconnaître avec modestie que si les discours, la musique, et même l'image d'un banquet, peuvent être
partagés par des centaines de millions de personnes grâce à la télévision, la recréation du goût de la
nourriture servie doit reposer entièrement sur le talent du commentateur et l'imagination de l'auditeur.
C'est avec raison que l'on considère la chimie comme la discipline scientifique directrice dans le
domaine de la cuisine. Les réactions moléculaires sont à l'origine du composé chimique expliquant la
saveur, le parfum et la consistance du produit final. Le rôle des processus physiques, qui ne modifient
pas le composé chimique, est faible en comparaison, mais pas négligeable. Je me propose de montrer
comment le physicien peut aider l'artiste culinaire à améliorer ses méthodes, comment il peut lui faire
découvrir des techniques nouvelles ou tombées dans l'oubli, voire l'amener à la création de plats
entièrement inédits.
Une marinade à la seringue
Je voudrais commencer par une préparation utilisée depuis plus d'un siècle, mais qui n'a pas connu une
large diffusion. Nous savons que pour faire mariner un rôti, il faut le recouvrir d'une marinade et l'y
laisser reposer un ou plusieurs jours, afin qu'il s'en imprègne. C'est, hélas, une méthode un peu longue.
L'imprégnation d'une tranche de viande épaisse de vingtcinq millimètres peut prendre environ un jour;
168
si la tranche est deux fois plus épaisse, le temps sera multiplié par quatre. La recette traditionnelle de
la marinade est également peu économe puisque la viande doit être entièrement recouverte. La
solution évidente consiste à utiliser un instrument médical, c'est-à-dire une seringue hypodermique. En
injectant la marinade à raison d'une piqûre tous les cinq à dix millimètres, le temps d'imprégnation et
la quantité de marinade nécessaires sont largement réduits. Cette technique est particulièrement
efficace pour attendrir la viande. Au lieu de répandre les éléments attendrissants à la surface de la
viande et la réduire ainsi en bouillie, il suffit d'injecter du jus de papaye, de kiwi ou d'ananas, qui
contiennent tous ce que l'on appelle des enzymes protéolytiques (dissolvant les protéines). Le
remarquable pouvoir attendrissant du jus d'ananas peut être démontré d'amusante façon. Aux yeux de
tous, pressez des tranches d'ananas frais pour en extraire le jus. Recueillez d'autre part du jus d'ananas
en boîte. Versez soixante-quinze millilitres de chaque jus dans deux verres à whisky identiques,
ajoutez quinze millilitres d'un liquide sirupeux et jaunâtre, et secouez vigoureusement. Après avoir
demandé à chacune des personnes présentes de goûter chaque verre, placer les deux verres dans de la
glace pilée, afin de servir les cocktails frais, comme il se doit. Au bout de vingt minutes, vous sortez
les cocktails et vous demandez au volontaire précédent de les goûter de nouveau. Vous lui tendez
d'abord le cocktail à base de jus d'ananas frais, puis celui à base de jus d'ananas en boîte qui, à sa
surprise, ne coule pas. La mixture a pris l'aspect d'un solide élastique. L'explication est simple: le
liquide sirupeux était une solution à base de concentré de gélatine et d'eau à quarante degrés. Or, la
gélatine est une protéine que détruisent les enzymes des broméliacées présents dans le jus d'ananas
frais. C'est pourquoi la mixture, à base de ce dernier n'a pas pris. En revanche la deuxième mixture à
base de jus d'ananas en boîte, s'est transformée en gelée d'ananas, car la stérilisation avait détruit cet
enzyme.
Des meringues sous vide
Le physicien peut également produire des conditions physiques qui ne se rencontrent que rarement
dans les cuisines domestiques. On est souvent amené en cuisine à recourir à un processus de
dessèchement, où l'on cherche à faire disparaître l'humidité d'un appareil, comme dans le cas des
blancs d'oeufs montés en neige et sucrés pour confectionner des meringues. La vitesse de ce
dessèchement dépend de deux facteurs. D'abord, intervient le taux d'évaporation des molécules d'eau à
la surface de la meringue, lequel dépend de la température ambiante: plus élevée cette température,
plus élevé ce taux. La vitesse de dessèchement dépend également de la vitesse à laquelle se dispersent
les molécules de vapeur. S'il y a déjà beaucoup de vapeur d'eau dans l'air, les molécules en évaporation
restent à la surface et empêchent d'autres molécules de se dégager. La vitesse de dessèchement dépend
donc de la température et de l'humidité de l'air. C'est la raison pour laquelle un drap peut sécher plus
vite un jour sec d'hiver qu'un jour humide d'été. On peut faciliter la dispersion des molécules de vapeur
d'une autre manière: il suffit de réduire la pression de l'air pour que les molécules d'eau aient moins de
difficultés à se frayer un passage à travers l'azote et l'oxygène de l'atmosphère. En d'autres termes, on
doit faire sa meringue sous vide. Il faut toutefois surmonter une difficulté. En effet, l'évaporation de
169
l'eau va entraîner un refroidissement de la meringue, qui entraînera à son tour une baisse du taux
d'évaporation. Il faut donc chauffer l'air raréfié qui l'entoure afin de maintenir la meringue à
température ambiante, ou au-dessus de cette température. La baisse de pression fait que les bulles d'air
contenues dans la meringue grossissent. La meringue multiplie par cinq ou par dix sa taille originelle.
Parallèlement, le thermomètre indique une baisse de température, qui est compensée grâce aux
éléments chauffants. S'il n'y a plus de refroidissement, alors même que le système de chauffage est
éteint, c'est que toute l'eau s'est évaporée. On peut alors remplacer le vide de la meringue, devenue
cinq ou dix fois plus légère qu'une meringue ordinaire par de l'air atmosphérique.
Des soufflés expérimentaux
Le vide peut être d'une grande utilité dans l'étude de la fabrication du soufflé, qui consiste globalement
à mélanger une sauce béchamel avec un jaune d'oeuf auquel on incorpore des oeufs battus en neige au
whisky. Au four, l'appareil monte, en partie grâce aux minuscules bulles d'air contenues dans le blanc
d'oeuf. Elles ne suffisent pas cependant à expliquer le gonflement du soufflé, car l'augmentation de la
température, qui passe de vingt à soixante-dix degrés, produit à elle seule une augmentation de volume
de seulement vingt pour cent, alors que le soufflé double souvent de volume. L'explication repose sur
le dégagement de vapeur d'eau qui s'échappe des parois des bulles d'air lorsque la température
augmente. Ainsi, à soixante degrés, la vapeur d'eau augmente la pression dans la bulle d'un cinquième.
L'expansion de la bulle, qui dépend de l'élasticité de ses parois, peut être sensible. Les différences
relevées entre les variantes des recettes des livres de cuisine pour le soufflé sont déconcertantes. Il est
clair qu'il n'existe pas de méthode canonique pour préparer et cuire le soufflé, mais la plupart des chefs
semblent s'accorder sur le fait que le meilleur résultat est obtenu lorsque le soufflé est enfourné dans
les quelques minutes suivant l'incorporation du blanc d'oeuf. Mais à quoi correspondent quelques
minutes? Dans quelle mesure un repos d'une demi-heure ou d'une heure gâcherait-il le soufflé? Peut-
on, comme on l'entend dire chez certains spécialistes, conserver au froid, ou même congeler pour une
longue période, l'appareil du soufflé lorsqu'il est encore cru? L'intégrité des bulles d'air au moment de
la cuisson est l'un des impératifs de la réussite du soufflé88.
88 On peut savoir si cette intégrité a été conservée à la fin des opérations présidant à la cuisson, et dans quelle mesure elle l'a été, grâce à un dispositif qui mesure le vide présent sans procéder à une cuisson effective. De plus, il peut être réalisé sur une petite quantité de mixture, par exemple dans un petit ramequin à soufflé mesurant quatre centimètres de diamètre et de profondeur. Le plat de soufflé, empli de soufflé au tiers ou à la moitié, est placé dans l'appareil, dont on réduit d'un cinquième la pression atmosphérique. La mixture double ou triple de volume. On peut utiliser une simple pompe manuelle, comme celles que l'on trouve dans les vacu-vins, ou en inversant l'utilisation d'une pompe à vélo. On répète l'expérience sur d'autres extraits de la même mixture, chacun ayant reposé à des températures et pendant des durées différentes, après l'incorporation des blancs d'oeufs. On a montré que l'on pouvait, sans problème, laisser reposer une demi-heure l'appareil prêt à cuire, et même obtenir un résultat honorable après avoir procédé à une conservation au froid, ou à une congélation. Mon appareil à soufflé permet de réaliser des expansions successives. Il semble que chaque fois que la mixture s'affaisse, on assiste à une certaine dégradation dans la qualité des bulles d'air.
170
Thermométrie de l'oeuf à la coque
En dépit de l'importance généralement reconnue de la mesure de la température en cuisine, l'utilisation
d'un thermomètre pour contrôler la température à l'intérieur du plat est encore rare, du moins dans le
cadre domestique. Le thermocouple (composé de deux fils de métal produisant un voltage qui dépend
de la température à laquelle il sont exposés) est pourtant un instrument idéal pour cette tâche. Il peut
être de très petite taille, celle d'une aiguille de raccommodage, et l'indicateur (en général un
millivoltmètre) peut être placé loin de la cuisine, puisqu'il a une sortie électrique. Ainsi rien n'empêche
la maîtresse de maison (ou le maître) de jeter un coup d'oeil au thermomètre pendant le repas, et de
surveiller la bonne marche de la cuisson du soufflé, sans avoir à quitter la table.
Le thermocouple m'a été d'un grand secours en décembre 1988, quand se répandit la nouvelle
fracassante que la majorité des oeufs britanniques étaient contaminés par la salmonelle. Les gens
semblaient accepter à contrecoeur l'idée qu'il fallait renoncer aux oeufs à la coque. Ce sacrifice ne
m'apparut pas inéluctable. Je me servis d'un raisonnement scientifique élémentaire, et d'une expérience
qui ne l'était pas moins, pour trouver une solution. Dans un oeuf à la coque, le blanc est cuit mais pas
dur, et le jaune a une consistance crémeuse. Après quelques coups de fil à des collègues chimistes et
bactériologistes, je me suis facilement assuré de ce que le jaune d'oeuf ne coagulait pas avant
d'atteindre la température de soixantetrois degrés, alors que la salmonelle ne survit pas plus de
quelques minutes à une température de cinquante-neuf degrés. Comment peut-on réunir ces deux
conditions dans une cuisine domestique? Par chance, en février 1988, soit dix mois avant que se
déclare la psychose de la salmonellose, le professeur Richard Gardner et le docteur Rose Beddington
ont étudié l'évolution de la température à l'intérieur d'un oeuf plongé dans l'eau bouillante, en insérant
un thermocouple dans le blanc et un dans le jaune. Ils découvrirent que lorsque l'oeuf est plongé dans
de l'eau bouillante, le blanc est cuit en quatre minutes, alors que le jaune chauffe doucement et n'atteint
pas soixante degrés avant dix minutes.
Voici la méthode pour confectionner des oeufs à la coque sans danger. Un oeuf de taille moyenne
(conservé à température ambiante) est placé dans l'eau bouillante pendant trois minutes et demie, puis
transféré dans de l'eau maintenue à soixante - soixante et un degrés (on peut utiliser un thermomètre
alimentaire pour vérifier la température), dans lequel il reste douze à quatorze minutes. La température
du jaune, indiquée par le thermocouple, de trente degrés lorsque l'oeuf a été sorti de l'eau bouillante
pour être placé dans l'eau à soixante - soixante et un degrés, continue de monter doucement pour
atteindre cinquante-neuf degrés en huit minutes, puis plafonner à soixante - soixante et un degrés. Les
tests effectués par le Exeter Public Health Laboratory ont en effet montré que la salmonelle introduite
dans l'oeuf au départ avait été tuée par ce traitement.
171
Des glaces au four à micro-ondes
Enfin, il existe une technique connue depuis à peine cinquante ans et largement utilisée, mais dont
personne n'a réalisé à quel point elle pouvait représenter le signe avant-coureur d'une nouvelle façon
de cuisiner. La cuisson traditionnelle, qu'il s'agisse de rôtir, griller, cuire au four, ou toaster, repose sur
la conduction de la chaleur. La chaleur pénètre la surface et traverse l'aliment à cuire, elle modifie le
goût et la consistances de ses différentes couches en fonction de la température que chacune atteint. Ce
sont ces processus qui rendent incomparable le goût délicieux d'un steak saignant ou d'une baguette
française. Même une tranche de pain de mie insipide peut faire notre bonheur si elle est correctement
toastée.
La cuisson par micro-ondes, est fondée sur des principes tout à fait différents. Elle utilise un
rayonnement électromagnétique, comme la grillade. Cependant, tandis que dans la cuisson par
grillade, les radiations pénètrent peu dans l'aliment mais sont absorbées et converties à la surface, les
micro-ondes pénètrent de plusieurs centimètres dans la plupart des aliments. Elles transfèrent alors une
partie de leur énergie aux molécules, et augmentent ainsi leur énergie cinétique, laquelle est convertie
en chaleur. C'est ainsi que des morceaux de plusieurs centimètres d'épaisseur sont cuits de manière
presque uniforme. Le taux de chauffage dépend aussi bien de la composition chimique de l'aliment que
de son état physique. Les ondes électromagnétiques ne peuvent agir que sur ce que l'on appelle des
molécules polaires, comme les molécules d'eau. La plupart de nos aliments contiennent beaucoup
d'eau et chauffent rapidement dans un four à micro-ondes. Cependant, si vous prenez un morceau de
glace sorti d'un congélateur à basse température et le placez directement dans le four, il mettra
longtemps à fondre, car les molécules d'eau n'ont pas la place de bouger dans la structure serrée du
cristal. C'est l'une des raisons pour lesquelles la décongélation d'un aliment surgelé prend tant de
temps au four à micro-ondes. Il faut en effet quelques gouttes de liquide pour que le processus se
mette en marche.
Je connais une expérience qui amuse et étonne même les scientifiques de métier. Elle consiste à
prendre un morceau de glace très froid et creusé d'un trou en son milieu, y placer un petit verre d'eau,
et le passer au micro-ondes: l'eau va bouillir à l'intérieur de la glace!
Une autre expérience permet de montrer qu'il est possible d'inverser le dessert appelé "Alaska Cuit"89
composé d'une glace enveloppée dans une pâte à meringue et placée ensuite dans un four très chaud
pour un court moment. La surface extérieure de la pâte à meringue est cuite et très chaude, mais la
glace reste froide. Lors de la dégustation, la sensation de brûlure sur les lèvres est suivie d'une douleur
sur les dents lorsque l'on croque dans la glace. Mon Alaska Cuit inversé s'appelle logiquement un
Floride Glacé. On prend une meringue de qualité avec un trou au milieu, dans lequel on met en
quantités égales de la confiture épaisse et bien sucrée et du spiritueux, par exemple du kirsch.
89 Plus connu chez nous sous le nom d'omelette norvégienne.
172
L'ensemble est recouvert d'une couche de chocolat glacé, composée de chocolat noir de très bonne
qualité ( soixante à soixante-dix pour cent de cacao) et de beurre fondu (un cinquième du poids du
chocolat). Un petit trou est pratiqué en haut du dessert. Il faut ensuite le mettre à congeler. On peut
alors le conserver plusieurs semaines. Lorsque vous le placez dans un four à micro-ondes, les
radiations vont traverser la surface glacée et la meringue sans les chauffer. La garniture, à cause de sa
haute teneur en alcool, n'aura pas gelé, mais se sera transformée en un sirop très épais capable
d'absorber les micro-ondes. Elle va bouillir en vingt secondes et se mettre à bouillonner à travers le
trou. Cette fois, lors de la dégustation, l'ordre des sensations est inversé: c'est la douleur aux dents qui
précède la brûlure des lèvres. Voilà ce que l'on peut dire de la science ou, plus précisément, de la
chimie et de la physique et du plaisir de manger.
Les régimes totalitaires
Il y a cependant une autre discipline scientifique qui joue sur nos habitudes alimentaires, je veux parler
de la nutrition. Alors que progressent nos connaissances de l'influence du régime alimentaire sur les
processus chimiques et biochimiques des corps vivants, nous sommes envahis par des
recommandations variées et souvent contradictoires sur ce qu'il faut manger, et en quelles quantités,
sur ce qu'il ne faut pas manger, etc. Une grande partie de ces conseils nous interdit de manger ce qui
nous fait plaisir: un oeuf par semaine, très peu de beurre, peu de fromage, pas de viande persillée
(remplacée par de la viande maigre), pour ne mentionner que quelques exemples. Il faut dire, en toute
justice, que les organisations qui publient ces recommandations se fondent sur les habitudes
alimentaires moyennes du pays. Cependant, beaucoup estiment que le conseil de réduire de quinze
pour cent l'apport quotidien de beurre, par exemple, signifie que chaque individu doit appliquer cette
recommandation. Mais je me demande combien de personnes, en comparant leurs habitudes
alimentaires aux apports quotidiens recommandés, se souviendront de Monsieur Jourdain, le bourgeois
gentilhomme de Molière. Lorsque ce nouveau riche apprend la signification du terme prose, il
s'exclame: "Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je dis de la prose, sans que j'en susse rien." Ces
personnes pourraient découvrir ainsi qu'elles ont suivi un régime toute leur vie sans le savoir. Je crois
que beaucoup d'entre nous sont d'accord avec la célèbre phrase de Harold McGee: "Une nutrition
calculée ne garantit pas une vie saine; elle nous en éloigne plutôt en voulant contrôler à l'excès
l'expression de nos appétits et de nos plaisirs". Les dangers que représente une trop grande
soumission à la manie des régimes sont réels. Un article paru en 1991 dans l'Independent trace un
intéressant portrait des origines de cette manie: "Le caractère britannique présente une tendance
puritaine. Elle conduit à la recherche de raisons factieuses pour empêcher les autres de s'amuser. Le
christianisme a souvent été reformulé en ce sens. Mais le déclin des églises officielles a conduit à la
recherche d'autres prétextes. Là où l'on s'appuyait sur la santé de l'âme, on s'appuie aujourd'hui sur la
santé du corps: Tu ne boiras pas, tu ne fumeras pas, tu ne mangeras pas les nourritures défendues, tu
jeûneras souvent, ou, pour utiliser un terme plus moderne: Tu suivras souvent un régime. Les pratiques
recommandées autrefois au nom du Christ le sont à présent au nom du Health Education Council".
173
En conclusion, je voudrais m'adresser à tous ceux qui pensent encore que la science et la gastronomie
suivent des chemins divergents en leur disant que de nombreux scientifiques reprennent comme moi à
leur compte l'aphorisme d'Anthelme Brillat-Savarin: "La découverte d'un mets nouveau fait plus
pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile."
174
A.9. Molecular gastronomy: a scientific look to cooking (Hervé This)
Molecular Gastronomy is defined. Two recent results of Molecular Gastronomy are given: a
formalism with which complex disperse systems are described from a global point of view, and a study
of the “robustness” of culinary recipes. Based on Molecular Gastronomy studies, a wealth of new
dishes are introduced.
Each aspect of our environment is studied by a specific scientific discipline, using the experimental
method, introduced Francis Bacon and later by Galileo Galilei90. Why should gastronomy be an
exception? Introduced in 1988 by the late Nicholas Kurti and by myself91, Molecular Gastronomy is
the scientific exploration of culinary and, more generally, gastronomical transformations and
phenomena, as described either by culinary books or by cooks. Of course, Molecular Gastronomy is
part of food science, but it focuses on (mainly home or restaurant) culinary transformations and eating
phenomena (generally “gastronomy”) rather than physical and chemical structure of ingredients or
transformations done by the food industry.
It was recently recognized92 that any recipe is made of two parts: on one hand, it gives a definition of
the dish, and on the other hand, it gives indications of various kinds, such as old wives tales, proverbs,
methods, hints… We decided to give the name “precisions” all these indications that do not belong to
the definition part of the recipes. Depending on authors and recipes, the definition and the precision
parts of recipe vary greatly: in some recipes by the French cook Jules Gouffé (Paris, 1807-id. 1877),
the definition part is 100%; but in other books93, it is as low as 3.5%. This distinction determines the
cientific strategy of Molecular Gastronomy: there should be modelling of definitions, and
explorations of precisions. In the case of cheese soufflés, for example, why do they swell (modelling
of the definition) and is it true that the whipped egg whites mixed with the cheese flavoured viscous
preparation should be very firm (exploration of a precision)?
Some historical perspective
When we decided to create Molecular Gastronomy, with the late Nicholas Kurti (see Annex), we had
different ideas of what it could be, but it appeared that it had to include our both lines: Nicholas
wanted to introduce some science in the kitchen, and I thought that it was more important to explore
the proverbs, sayings, old wives tales, practices, and (not necessarily) to improve the practices. As we
agreed that not only cooking, but also eating, and all activities related to food in general should be
90 Largeault, J. (1988). Principes classiques d’interprétation de la nature, p. 28, Librairie philosophique Vrin/Institut interdisciplinaire d’études épistémologiques, Paris. Galilei, G. (1623). L’essayeur. In Galilée ou l’avenir de la science (W. Fritsch Ed.), p. 133-134, Seghers, Paris. 91 This, H. & Kurti, N. (1994). Physics and Chemistry in the kitchen. Sci. Am. 270 (4), 44-50. 92 This, H. (2003). La gastronomie moléculaire. Sciences des aliments, 23(2), 187-198. 93 Gilbert, P. (1898). La cuisine de tous les mois, p. 172, Ollendorff, Paris.
175
considered, we had no difficulty to decide that gastronomy was the topic of interest, with not “elite ”
point of view : we used the word “gastronomy” as it was defined by the French gastronome Jean-
Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826) : everything about food. But it was also clear that the new
discipline that we had in mind had to consider only some part of gastronomy. Being respectively a
physicist (N. Kurti) and and physical chemist (H. This) I proposed to restrict “gastronomy” to the
reign of physical and chemical transformations, and proposed “Molecular Gastronomy”. Nicholas
insisted to add “and physical”, which explains why the first international workshop on Molecular
Gastronomy was named “International Workshop on Molecular and Physical Gastronomy”, in 1992.
This was also the title of my PhD, in 1995, under the (administrative) direction of Pierre Potier
(Member of the French Academy of Sciences), with, in the jury, Pierre Gilles de Gennes (Nobel Prize
in Physics), Jean-Marie Lehn (Nobel Prize in chemistry), Nicholas Kurti (FRS), and others, including
a cook (Christian Conticini, La Table d’Anvers). However, this title was clearly cumbersome, and
when Nicholas died, to my deep sorrow, I proposed to Professor Antonino Zichichi to change the
name of the workshops to “International Workshops on Molecular Gastronomy “N.Kurti””, leaving
the “and physical” (in France, I had dropped the “and physical much before).
In my PhD document, Molecular and Physical Gastronomy was given (after long discussions with
Nicholas) five aims: (1) investigating the culinary and gastronomical proverbs, sayings, old wives
tales…; (2) exploring the recipes; (3) introducing in kitchens new tools, ingredients and methods; (4)
inventing new dishes based on 2; (5) using Molecular Gastronomy to help the general public
understand how science can contribute to the well being of the society. However it was clear that aims
1 and 2 only were science; the others are technology or communication. This is why if Molecular
Gastronomy is to be a specific science it could only include aims 1 and 2. Aims 3 and 4 are
technological applications of Molecular Gastronomy.
Explorations of precisions, and multi dimensional analysis
The number of precisions collected since 1980 amounts to more than 20.000 (Table 1 shows a small
sample of them). All possibilities arise: some precisions seem wrong, and they are wrong (1); some
seem wrong and they are true (2); some seem true and they are wrong (3); some seem true and they are
true (4). We shall consider now an example of each kind, and also of a fifth class (5).
(1) It is not true that mayonnaise sauces made by women having their periods fail94. Indeed, it is
indeed strange that this old wive tales does hold in France and not in other countries. It shows how
much cooking is strongly rooted in culture, and also that culinary activities of today are the result of
empiricism. This kind of precision seems to hint to the assumption that precisions arise when recipes
can easily fail.
94 This, H. (1995). La gastronomie moléculaire et physique. PhD document, University Paris VI.
176
(2) In 1994, it was tested if it were true or not that cutting the head of pigs could make the skin more
crackling 95 . This precision is given by many culinary books, in particular in L’Almanach des
gourmands, from the French gastronome Alexandre-Balthazar Grimod La Reynière96 : “suckling pigs
should have the head cut immediately when the pigs are taken out from the oven, otherwise their skin
softens (personal translation). The French cook Marie Antoine Carême (1783-1833)97 gives a slightly
different precision: “When you are ready to serve, separate immediately, with the tip of the knife, the
skin of the neck, so that the skin stays crisp, which makes most of the interest of roasted suckling
pigs”. As no fluid seems to circulate between the head and the skin, these precisions seemed wrong,
but the experiment done (public experiment, Saint-Rémy-l'Honoré - Yvelines, France, July 7, 1993)
with 4 suckling pigs of the same parents, reared together in the same farm, weight 7.1-7.3 kilograms,
cooked on a large outside fire from 4.00 PM to 9.00 PM, one head cut for each pair of pigs, blind
tasting for 143 people) showed that the skin of pigs with head cut was indeed crispier. The mechanism
behind was easily discovered, as it was observed during cooking that a jet of vapour was escaping one
pig from a hole inadvertently made during the preparation: this showed that during cooking water
from the meat is vaporized from the surface of the meat and also from inside. When no heat is applied,
after cooking, the crispy outside layer softens as vapour from the inside goes through; cutting the head
prevents vapour perfusion, as it can escape through the opening.
(3) It is said that the pan where green beans are cooked should not be covered, as itwould keep volatile
acids, that would promote pheophitinization of chlorophyll98, but public tests done in many culinary
colleges showed that there is no colour difference.
(4) It is sometimes said that the soufflés should have very made from very firm whipped egg whites,
added to a viscous preparation. It was demonstrated that this precision holds, as vapour bubbles
formed in the bottom part of soufflés, during cooking, escape less through firm foam99.
(5) Let us now discuss a fifth class of precisions, whose reliability could change with time. For
example, cook sometimes say that vinegar is less acidic when boiled100. However, with Kurti, we
showed that various vinegars give various results… as they are not simple solutions of acetic acid in
water, but also contain various concentrations of many other compounds, such as malic acid, lactic
acid, etc. Plant diversity explains sometimes why the status of some precisions changed, but there are
also cases when the environmental conditions changed. For example, it has been written that red fruits
95 This, H. (1995). La gastronomie moléculaire. L'Actualité chimique, 6, 42-46. This, H. (1994). La cuisson: usages, tradition et science. In La cuisson des aliments, 7e rencontres scientifiques et technologiques des industries alimentaires, Agoral 94, 13-21. 96 Grimod de la Reynière, A. B. (1803). L’Almanach des Gourmands (1st year, reprinted 1976, 1997), p. 139, Librairie générale d’éditions, Paris. 97 Carême, M. A. (1847). L’ Art de la Grande Cuisine française, t. 3, p. 481, Kerangue et Pollies, Paris. 98 Gauthier-Jacques, A., Bortlik, K., Han, H. & al. (2001). Improved Method to track chlorophyll degradation, J. Agric. Food Chem. 49, 1117-1122. 99 This, H. (2002). Molecular gastronomy, Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 41 (1), 83-88. 100 Blanc, R. , Kurti, N., This, H. (1994). Blanc Mange. BBC Books, London.
177
should never been put in contact with tin101. When fruits such as raspberries are put in contact with tin,
no modification appear, but when Sn2+ ions are deposited on crushed raspberries, a purple, turning to
black, colour appears, because a complexation of anthocyanins with Sn2+ ions shifts the absorption
spectrum toward shorter wavelengths102.
Robustness
Why do precisions arise? As said above, a look at our collection of precisions seemed to show that
recipes that can fail induced precisions. For example, cooks from the past were certainly astonished
the first time they were able to produce an emulsion (dispersion of oil droplets into an aqueous
solution, using surfactants to increase the metastability of the system), from ground garlic and oil103, as
even today, they frequently say that the oil is “absorbed by the egg yolk” used. In order to explain the
mysterious failure of their incomprehensible emulsions, they probably envisioned all possibilities, and
had active debates to know if the temperature could be a cause of failure, some cooks writing that
mayonnaise should never been done in cold rooms, and others writing that, on the contrary, hot
temperatures is responsible for the failures. Others causes of failure were considered: the rate of
addition of oil, the direction of the whisk104, the influence of the moon105 or the influence of periods of
woman106.
How can we know if it is true that recipe that can fail induce precisions? First “robustness” of recipes
has to be made quantitative. We recently proposed107 to consider recipes as functions R of many
variables: times (t1, t2…) and temperatures of different steps of the recipes (T1, T2…), mass of
ingredients (m1, m2 …), and more generally details of process (p1, p2…)… For example, for a
mayonnaise recipe, the emulsification process can be described by the mass of egg yolk (a parameter
that can eventually be developed into water content, protein content, lecithin content…), the mass of
vinegar (can also be developed: water content, acetic acid content), the rate of oil addition, the
whipping energy, the oil mass…
A product P obtained through a recipe R done under particular conditions (p1, p2…) is given by the
equation: P = R(pi)i=1 to n,n being an integer. As long as the parameters pi vary within certain limits (pi,
min < pi < pi, max) i = 1 to n, the recipe R is successful: a product P is the result of a successful recipe
101 Saint Ange, M. (1925). La bonne cuisine de Madame Saint Ange, p. 954, Larousse, Paris: “Remember that, when manipulating red fruits, any tool covered with tin should be excluded” (personal translation). 102 Belitz, H. D. & Grosch, W. (1999). Food Chemistry, pp. 596-597, Springer Verlag, Heidelberg. 103 Marin, M. (1742). La Suite des Dons de Comus, t.2, p. 235, Guillyn, Paris: « In order to make the Provence butter, you cook in water twenty garlic cloves or more, according the quantity of butter that you want to make. When they are cooked, you let them cool, drain, and put them in a mortar with salt, pepper, a handful of cut capers, a dozen anchovies whose bones have been eliminated. After cutting and grinding, you add some good oil, so that it becomes thick” (personal translation). 104 De Gencé, C. (1900). Encyclopédie de la vie pratique, p. 476, Librairie nationale des beaux arts, Paris 105 Cauderlier, M. (1883)., L’économie culinaire (6e ed), p. 55, Librairie générale de Ad. Hoste, Gand. 106 French oral tradition. 107 This, H. (2004). Modelization of dishes and exploration of culinary “precisions”: the two issues of Molecular Gastronomy. In Report of the keynote lecture of the 4th Orafti Conference on Inulin and Oligofructose, Special issue of the British Journal of Nutrition (to be published).
178
if it is associated to a point inside a defined hypervolume in the multidimensional space of the
parameters (pi) i = 1 to n. For each parameter pi of the recipe, the interval pi = pi, max - pi, min can be
used as a measure of the robustness of the recipe R : a recipe is robust when the pi are large. However,
in order to be able to compare pi related to various conditions (mass, temperature, time…), we need to
divide pi by a quantity of the same nature. We proposed to normalise by the uncertainty i(pi) on the
considered variable pi. With such definition, the partial robustness I associated to the parameter pi can
be defined as i = pi / i(pi).
First results
Partial robustnesses have been calculated for some recipes, such as grated carrots, stock, soufflé,
boiled eggs, gougères (cheese choux pastry puff), mayonnaise, beef roasted in the oven. For example,
mayonnaise can be defined by the mass of yolk m(y), the mass of vinegar m(v), the mass of oil m(o),
the mass of salt m(s), the mass of pepper m(p), the mass of oil in each successive addition m(d), the
whipping power Pw, the efficiency of dispersion Ed. As the critical parameter is clearly the oil
addition in the beginning of the preparation, let us focus on robustness related to oil addition: oil
should not be added too fast, otherwise water would be dispersed into oil instead of oil in water. In a
mayonnaise made from one egg yolk, the quantity of water from one yolk (10 g) and one teaspoon of
vinegar (3 g) is about 13 g; this determines the admissible interval for oil addition, equal to 13. As the
uncertainty on oil addition is about 5 (estimation based on repeated experiments where oil was poured
in beaker; a mean was calculated), robustness related to oil addition is equal to 13/5= 2.6.
In more “robust” recipes, such as beef meat roasted in the oven, the smallest calculated partial
robustness is bigger: for a piece of meat of mass equal to1 kg, cooked at 180°C for a time between 20
and 60 minutes, robustness is equal to (60-20)/5= 8. If the cooking temperature were lower
(e.g.70°C), then the cooking time interval would be still bigger, and robustness higher: the time
interval could be estimated to be between 60 min and one day, so that the robustness would equal to
1440/5= 276.
For some recipes, parameters are not independent, and success is obtained only if more than one
condition is simultaneously verified. Particular robustnesses have to be aggregated. In order to do it,
let us assume first (it has to be checked) that robustness is inversely related to the number of
precisions: = 1/ n. If the total number of precisions is the sum of number of precisions n1, n2, n3… for
classes i of precisions, then for each class: i = 1/ ni. Hence = 1/ (n1 + n2 + n3+…) = 1/(1/ 1 + 1/ 2
+…), or 1/ = 1/ 1 + 1/ 2 +…
Does the inverse relation hold? In the corpus of precisions that we collected since 1980, there are 105
paragraphs about mayonnaise preparation, compared to 12 paragraphs for roasts. We show how
robustness ÿ depends on the number of paragraphs containing precisions for grated carrots, stock,
179
soufflé, boiled eggs, gougères, mayonnaise, beef roast. When stock is included, the curve does not
correspond to an inverse relation: stock generated many precisions because of its culinary
importance, even if there is almost no risk of failure. When stock is excluded, the relationship fitting
the data generates a power low with an exponent equal to -1.2, not very different from the assumed
value.
More work has still to be done to check our assumption, using the “aggregation relation of partial
robustnesses” (1/ = 1/1 + 1/2 + … ), and to understand how the multidimensional functions R can be
used; in particular, the significance of the derivatives R/ pi has to be clarified.
Modelling of the microstructure
In order to study culinary and gastronomical transformations, the microstructure and composition of
dishes has to be related to the microstructure and composition of ingredients. In particular,
microstructure comparisons are difficult, globally, as dishes are generally neither solid (too hard to
swallow) nor liquid (a beverage, not food). Each part of a dish is, indeed, what was formerly called
colloids108 and now disperse systems109. It is clear that dishes, and even part of them, are much more
complex that the two phases systems. For example, puff pastry is made from butter and dough; the
first one is an emulsion dispersed in a network of fat crystals, and the latter is a solid suspension; the
two are superposed a high number of times.
CDS (Complex disperse systems ) formalism
Let us be systematic and consider possibilities: the involved phases in food are gas, liquids or solids.
The liquids, hydrophobic or hydrophilic, are named “water” or “oil”, depending on their chemical
composition. The solids are many, and they generally do not mix, so that different names should be
given: solid 1, solid 2…All these different phases can be dispersed, or mixed, or included into one
another, or superposed... Hence the proposal of using letters to envision rapidly all the possible
systems. The phases can be written: G (for gas), O (for oil), W (for water), S1 (for solid 1), S2 … The
main processes can also be described by a few symbols: / (dispersed into), + (mixed with), (included
into), (superposed)… Some rules apply. For example, in order to get an unambiguous description of
systems, a mixture of phases ( P1 + P2 + …) should be written by alphabetic order, as well as by order
of growing complexity ; e.g. G should come before O, and S should come before (W/S). When
necessary, the proportions of the various phases can be given by a subscript, and the repetition of an
operation can be marked as an exponent, with a symbol indicating the kind of process that is being
repeated, and a number giving the number of repetitions. For example, egg yolk is made of granules
108 Hunter, R. J. (1986). Foundations of Colloid Science. Oxford University Press, Oxford. Everett, D. H. (1988) Basic Principles in Colloid Science. Royal Society of Chemistry, London. Lyklema, J. (1991). Fundamentals of Interface and Colloid Science. Academic Press, London. Hiemnez, P. C. (1986). Principles of colloid and surface chemistry. Marcel Dekker Inc., New York. 109 De Gennes, P. G. (1997). Soft Interfaces. In The 1994 Dirac Memorial Lecture, Cambridge University Press, Cambridge.
180
(S) dispersed into a plasma (W), so that the (S/W) formula applies locally, but echographic pictures of
egg yolk show that hens are producing yolk material of different compositions (“light yolk” and “deep
yolk”) during the day and the night, so that the global structure is composed of about eight layers of
alternating composition: hence the formula (S/W)8.
More details can be added, such as the distribution of sizes of dispersed structures, which can be
written in brackets. In a mayonnaise made using a fork, for example, the diameter of oil droplets
dispersed in the water phase (from the yolk and vinegar) is between 0.01 mm and 0.1 mm: the formula
of the sauce can be written O[10-5,10-4]/W (we propose to use the IUPAC rules, and the International
System of Units).
Finally, the level of description can be indicated, as shows the case of aioli sauce, made from garlic
ground with olive oil: a look at the microscopic structure of the sauce shows that it is made of oil
droplets dispersed into water (O/W), but the microscope also reveals that a wealth of structures smaller
than oil droplets are also dispersed in water: cell fragments, subcellular structures… A possibility is to
indicate in brackets the smallest structures considered. In the case of aioli sauce, we could write: O
[10-5, 10-4]/W [d > 6.10-7].
How to use it?
An example will now show how the physical microstructure of dishes can be described globally using
the complex disperse systems formalism (CDS formalism). Puff pastry is obtained by including a layer
of butter (B) in an envelope made of dough (D), that is stretched and folded into three (making the
system DBD); the process of stretching and folding is repeated six times110, producing successively the
systems (DBD)(DBD)(DBD), or D(BD)3 (two layers of dough D that come in contact make one), then
D(BD)9, D(BD)27 , D(BD)81 , D (BD)243, and finally D(BD)729. As dough is a dispersion of starch
granules (S1) in a gluten network (S2), and butter has the formula (W/O)/S111, the final formula of
puff pastry is (neglecting the proportions of the ingredients): (S1/S 2)(((W/O)/S)(S1/S2)729.
Application to sauces
In the same way, the CDS formalism was recently applied, as a test, to the hundreds of classical sauces
given by the French official text book of cooking 112 . These sauces were studied using optical
microscopy, and the complete formulas were found. In many cases, the formula could be simplified.
This modelling lead to the discovery that all the French classical sauces belong to 23 groups only: W,
O, W/S, O/W, S/W, (O+S)/W, (W/S)/W, O+(W/S), (G+O)/W, (G+O+S)/W, (O+(W/S))/W,
110 Darenne, E. & Duval, E. (1974). Traité de pâtisserie moderne, pp. 58-60, Flammarion, Paris. 111 Lopez, C., Bourgaux, C., Lesieur, P., & al. (2002). Crystalline structures formed in cream and anhydrous milk fat at 4 C. In Lait 82, pp. 317-335. ° 112 Gringoire, L. & Saulnier, T. (1901). Répertoire général de cuisine. Flammarion, Paris. Académie des gastronomes & Académie culinaire de France (1991). L’art des sauces, J. T. Lanore, Paris.
181
(S+(W/S))/W, ((S+W)/O)/S, (O+S+(W/S))/W, ((W/S)+(WS))/W, (O + (W/S)/W)/S,
((O+(W/S))/W)/S, (O /W) + ((G+O)/W), (O+(W/S)+(WS))/W, (S+(W/S)+(WS))/W,
(((W/S)+(WS))/W)/S, (O+S+(W/S)+(WS))/W, (O+S+((G+O)/W))/W.
It is strange that this list does not include such systems as simple as (G+(W/S))/W, that could be made,
for example, by mixing whipped egg whites in a “velouté”, i.e. a sauce obtained by cooking a roux
(butter and flour heated until the mixture turns slightly brown) with an aqueous solution (stock,
milk…).
New dishes: technological applications
Let us finish this short presentation of Molecular Gastronomy by looking at some new dishes based on
scientific studies.
Egg at 65°C:
At which temperature do eggs coagulate? As the various proteins of egg white have different chemical
composition in amino acids, they have also different denaturation temperatures (see Table 2)113. An
interesting application of this knowledge can be obtained by heating eggs at 65°C for some hours: the
white coagulates delicately, as only ovotransferrin network forms, and the yolk stays almost “raw”
(only the minor gamma livetin jellifies); during heating, the eggs are made safe, as Thomas
Humphrey, from the Public Health Laboratories (Exeter, UK), showed that eggs where one million
Salmonella introduced were made safe after 18 min of heat treatment at 59°C.
Minus hundred years eggs:
Asian population produce “one hundred years old eggs”, also called longevity eggs, but storing eggs in
a mixture of clay, straw, lime and ashes (that contain potash)114. What can we get if eggs are put in
acids, instead of alkalis? In vinegar, the shell is dissolved by acetic acid is some hours; then water goes
into the egg by osmosis, and, after about one month, the egg becomes comparable to an hard boiled
egg. Is it “cooked”? As no heat treatment is applied, we proposed to introduce a new word, “coction”,
based on the same Indo-European root “kok” as “cooking”. The proposal was done through email to
6357 people (Email distribution list of the monthly INRA Seminar of Molecular Gastronomy) and 90
percent of people that answered decided that this new word should now be used for “cooking without
thermal treatment”. A letter giving the results of the vote was sent recently to the President of the
Académie française.
113 Li-Chan, E. & Nakai, S. (1989). Biochemical basis for the properties of egg white. In Critical reviews in Poultry Biology, 2 (1), 21-58. 114 Chon, E. (1994). The heritage of Chinese Cooking, Weldon Russel Pty Ltd, Sidney.
182
Emulsion with egg whites:
As O/W emulsions are made from water, oil and surfactants, many possibilities arise. In particular,
emulsions are made from egg white (because it contains 90% water and 10% proteins) and oil. The
flavour is nothing, as egg white and refined oil have almost none, but any flavour can then be given to
the sauce. In particular, a very delicate mushroom flavour is obtained if raw of cooked mushroom is
ground in the sauce (mayonnaise with mushroom would have primarily the flavour of mayonnaise, not
of mushroom).
Olis:
They are generalizations of aioli sauce. The latter is made by grinding garlic cloves with oil:
phospholipids (from biological membranes), proteins and other amphiphilic molecules from garlic are
surfactants that can stabilize (for some time only) oil droplets dispersed into the water that also comes
from garlic. More generally, “olis”115 can be made using the same process with any plant or animal
tissue, raw or cooked. The name should be explained: garlic is “ail”, in French. With carrots, one
would get “carrotoli”, and “fisholi” from fish. Hence the general name: olis.
Kientzheim of butter:
In the two above proposals, the surfactant was changed, not the oil. If instead of oil, melted butter is
added to an egg yolk, using the same process as mayonnaise preparation, a creamy emulsion is
obtained. It was named “kientzeim”116 of butter.
Emulsions trapped in gels:
When an emulsion O/W is made from gelatin dissolved in water and oil, the system jellifies when
cooling (O/W (O/E)/S). A physically jellified emulsion is formed. A chemically jellified emulsion can
also be made by cooking (in a microwave, until swelling due to water evaporation) an emulsion
obtained by whipping oil in egg white117.
“Chocolate Chantilly” and its cousins:
“Chantilly cream” is traditionally made by whipping cold cream: the emulsion of cream is foamed by
the whisk. The idea of “Chocolate Chantilly” is to keep the process and change the ingredients. If
some chocolate is melted in a pan, with water, a chocolate emulsion is obtained (O/W). When the pan
is put on ice cubes (to cool it faster) and the emulsion is whipped (+G), after some time (some
minutes, depending of the efficiency of the cooling), a “chocolate mousse” (G+O)/W is obtained. It
has been called “chocolate Chantilly”118. Of course, the proportions of chocolate and water have to be
chosen so that the final fat/water ratio is about the same as the ratio in ordinary cream. What is
interesting, in this case, is that this chocolate mousse does not contain eggs, and that the texture can be
115 This, H. (1995). Révélations gastronomiques, Belin, Paris. 116 See http://www.pierre-gagnaire.com, “Science and cooking“ (cf annexe A.13 de ce document). 117 This, H. (2003). Jeux de texture, Pour la Science, 2(280), 8. 118 This, H. (1996). Le chocolat Chantilly, Pour la Science, 12(230), 20. This, H. (1998), A chocolate foam, The Chemical Intelligencer, Springer Verlag, 65
183
the same as whipped cream. Moreover, the same equation describing the physical transformation O/W
+ G (G + O)/W can be used with other products, chocolate being replaced by cheese, butter or foie
gras, leading to “cheese Chantilly” or “butter Chantilly”, or “foie gras Chantilly”.
Faraday of lobster:
This dish named in honour of the major physical chemist Michael Faraday (1791-1865) is the first
technological application of the CDS formalism. Let us consider any formula, with letters A, B, C …K
and symbols chosen as described above. For example: ((G+O+S1)/W)/S2. Such a formula can lead to
a new dish. For example, with the formula above, a gas (G), two solids S1 and S2, one oil O and one
water phase W are to be made. Let us assume that the dish should have the taste of lobster. A cook
could: prepare a lobster flavoured oil, buy heating lobster shells in oil (O), prepare a lobster purée by
grinding lobster meat (S1), prepare a lobster soup by cooking shells with onions, carrots, thyme,
laurel, tomatoes (W), disperse the purée S1 and the oil O into the soup W with gelatine as a surfactant
(S1+O) → (O+S1)/W, introduce some air into the emulsion (O+S1)/W + G → (G+O+S1)/W, wait
until the gelatine makes the gel (G+O+S1)/W → ((G+O+S1)/W)/S2. This “Faraday of lobster” was
first served by the French cook Pierre Gagnaire (Restaurant Pierre Gagnaire, Paris) in January 2003.
Of course, the same formula applies to many other dishes: with a carrot flavour instead of lobster, or
any other ingredient. The number of possibilities is innumerable.
Molecular Gastronomy activities
Since the first International Workshops on Molecular and Physical Gastronomy, our discipline
developed considerably. In France only, the main activities are:
• Since December 1991: Monthly column Science et gastronomie, in Pour la Science, the
French Edition of Scien ific American (texts on Molecular Gastronomy were published on an
irregular basis since 1982)
• 1992: First lecture having the tile “ Molecular Gastronomy” at the Ecole Normale Supérieure,
Paris (Department of physics).
• Since 1994: Courses on Molecular Gastronomy at Tours University (Master of sciences and
technology "Le goût et son environnement)
• 1995: Creation of the Molecular Gastronomy Group in the Laboratory of chemical
interactions, headed by Jean Marie Lehn, at the Collège de France.
• 1998 : Weekly TV Programme on Molecular Gastronomy Toques à la loupe (La Cinquième).
• 1999: Definition of the new curriculum Chemistry and physics of food in French Colleges.
• Since 29 April 2000: Organization of the Journée Française de Gastronomie m léculaire,
Orsay University (Paris South)
• Since November 2000 : Séminaire INRA de Gastronomie moléculaire (monthly seminar),
Ecole supérieure de cuisine française, Centre Jean Ferrandi, Paris.
184
• 2001: Creation of the Programme Exploration expérimentales du goût for the French culinary
schools.
• Since January 2001: Introduction of the Ateliers expérimentaux du goût in primary schools.
• Since June 2001: Creation of the Programme Mets patrimoniaux in schools and colleges
• 2002: Creation of the Ateliers de gastronomie moléculaire, in French culinary schools.
• January-June 2002: Weekly TV Programme Pile Science, face cuisine (France 5).
• January 2002: Organization of the Journées de Réflexion sur les Techniques Culinaires for the
French cooking teachers.
• January 2003: New culinary curriculum based on Molecular Gastronomy in French cooking
schools.
• June 2003: Creation of the Group of French specialists on chemistry of food and taste, French
Chemical Society (SFC).
• Janvier 2004 : Creation of the Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts
de la table, with the University of Reims
• 2004: Creation of the C urses on Molecular Gastronomy, INA P-G, Paris.
Conclusion
Technological applications of Molecular Gastronomy are important (“the proof is in the pudding”), but
they are not science. Exploring culinary recipes shows that a huge scientific work should be done in
order to transform an empirical practice in a rational activity.
Contrary to what the French chemist Marcelin Berthelot (1827-1907) wrote in 1894119, we should not
fear that science makes us eat “nutritive pills”, as the food we eat is rooted in our culture 120 .
Knowledge can be used to improve classical processes or to introduce new dishes, but elucidation of
mechanisms of phenomena it implies cannot determine what we are going to eat.
119 Berthelot, M. (1987). Discourse made at the Banquet of Chemical Industries, April 5, 1894. In Science et morale, Calmann-Lévy, Paris. 120 Fischler, C. (1990). L’homnivore, Odile Jacob, Paris.
185
Table 1 : some precisions from French culinary books
About stock :
1853 (Bernardi, Viart, Fouret, Delan, Le cuisinier national de la ville et de la campagne, Gustave Barbu, Paris, p.
1): “Avoid cooking stock with bread, because it reduces the quality of stock”.
1867 (Jules Gouffé, Le livre de cuisine, (fac similé, 1988), Henri Veyrier, p. 44): “the lid should not cover
entirely the pan : the stock would become turbid in a completely closed pan”.
1893 (M. Millet-Robinet, La maison rustique des dames, Paris, p. 351): “The meat should be put in an earth or
iron pan full of cold water ; fountain or river water should be preferred”.
Around 1900 (Dames Patronnesses de l’Oeuvre du Vêtement de Grammont, 760 recettes de cuisine pratique,
Grammont, p. 5): “In order to make an excellent stock, one should use preferably a pan more high than large”.
About jam :
Around 1900 (M. Madeleine, La parfaite cuisine bourgeoise, ou La bonne cuisine des villes et des campagnes,
Bernardin Bechet et fils, Paris, p. 325) : “Gooseberry jam: Mix gooseberries and sugar, in a copper pan without
tin ; if the pan were covered with tin, the jelly would become purple”.
About sugar :
1893 (M. Millet-Robinet, La maison rustique des dames, p. 214): “Ground sugar acquires a particular,
unpleasant flavour that is given to any syrup made from it, but not to other mixtures”.
About onions :
1900 (M. De Gencé, Encyclopédie de la vie pratique, Librairie nationale des beaux arts, Paris, p. 621): “Onions
are very important, but they are difficult to digest. This effect can be avoided in the following way. Before using
onions, peel them, put them in a pan with boiling water and about one gram of soda. After one quarter of an
hour, water is colored in greeen”.
About flour :
1801 (A. Parmentier, Le parfait boulanger): “It is essentiel to mix flours well before to make the bread
fermentation. In the same way, wine drunk immediately after being mixed with another wine is dangerous, and
becomes drinkable only after some time”.
About jellies :
1903 (Jean de Gouy, La cuisine et la pâtisserie bourgeoises, J. Lebegue, Bruxelles-Paris, p. 80): “Avoid cooling
jellies by using ice before it is at room temperature; the sudden cooling makes it turbid”.
About vegetables :
IV-Vth A.D. (Apicius, De Re Coquinaria, Les belles lettres, Paris, p. 150): “Use soda to keep the beautiful green
color of green vegetables, in particular cabbage” .
1992 (Roger Vergé, Les légumes de mon moulin, Flammarion, Paris, p.37): “Cut the tip of artichoke leaves with
a stainless steel knife in order to avoid the appearance of a black color”.
186
About eggs :
1996 (Laura Fonty, 1000 trucs de grand-mère, Marabout, Paris, p. 24): “Whipped egg whites make are foamed
faster when some salt, vinegar or lemon juice is added”.
Table 2: proteins denaturation temperature (°C)
From egg white From the yolk
Ovotransferrine 61
Ovomucoïde 70
Lysozyme 75
Ovalbumine 84,5
Globuline 92,5
LDL 70
HDL 72
Alpha livetine 70
Beta livetine 80
Gamma livetine 62
Phosvitine > 140
Yolk : 65-70 (because of LDL)
Annex: Nicholas Kurti (1908-1998)121
Any evocation of the role of Nicholas Kurti in Molecular Gastronomy should begin by a quotation
from Sir Benjamin Thompson, Count Rumford, born in America, soldier, statesman, natural
philosopher, inventor and social reformer. In his 400-page essay On the Construction of Kitchen
Fireplaces and Kit hen Ustensils together with Remarks and Observations relating to the various
Processes of Cookery and Proposals for improving that most useful Art, published in 1794, Rumford
wrote « The advantage that would result from an application of the late brilliant discoveries in
philosophical chemistry and other branches of natural philosophy and mechanics to the improvement
of the art of cookery are so evident that I cannot help flattering myself that we shall soon see some
enlightened and liberal-minded person of the profession to take up the matter in earnest and give it a
thoroughly scientific investigation. In what art or science could improvements be made that would
more powerfully contribute to increase the comforts and enjoyments of mankind? »
Why did Nicholas like so much this quotation? I shall probably never know, but I know that the more
we published together, the more he insisted to have Rumford’s sentence introduced in the texts dealing
with Molecular Gastronomy. Or rather Molecular and Physical Gastronomy, I should say. Let me tell
you how all that began, and you will understand the meaning of his claim.
121 A text by H. This published in 1998 by the Hungarian Academy of Sciences, revised by Giana Kurti.
187
The ancestors of Molecular Gastronomy
We shall begin the story with a rapid survey of the history of food science. This is a classical scientific
discipline as some pioneers are Parmentier (1737-1813), who introduced the potato in France and
explored the uses of this food ingredient, and the chemist Jacques Thenard (1777-1859), who, in
particular, helped (very slightly) the gastronome Jean-Anthelme Brillat-Savarin (1755-1826) to write
his universally renowned Physiology of taste ; later Michel Eugène Chevreul (1786-1889) developed
the chemistry of fats, not forgetting Justus von Liebig (1803-1873), Emil Fischer, Rumford or many
others, including of course, Albert Szent-Gyorgyi (1893-1986). Food science developed rapidly, going
into details of food modification under various treatments and closely collaborating with the food
industry. But in the process of industrialization, home culinary operations were modified because they
had to be adapted to the needs of mass production. The food industry flourished, but the individuals
who cook at home did not benefit from the advances of science. Cooking at home or in restaurants
remained almost the same activity as in the Middle Ages: the same tools were used, the methods did
not evolve and the ingredients changed little. In other words, while it is true that Rumford's wish has
been to some extent fulfilled, good basic science and engineering has greatly helped the development
of the food industry in the last 50-100 years; but it still seems to be very rare to see the professional
scientist cum amateur cook using his physics, his chemistry, his mathematics to explain, to explore, to
improve everyday processes in the domestic kitchen and, in doing so, perhaps even to create new
dishes.
1969, the turning point
Then came the year 1969. At that time Nicholas was very interested in the history of science (he was
largely responsible for the creation of the Contemporary Scientific Archive Centre, which catalogued
and preserved the papers of distinguished scientists). Being fond of physics, Nicholas had a particular
interest in Rumford, one of the founding fathers of thermodynamics. The Royal Institution in London,
founded by Rumford, is well known for its Friday Evening Discourses, i.e. regular lectures on a wide
variety of topics. 1969 was the 170th anniversary of an event that took place at the first meeting of the
Managers of the Institution that was to become the Royal Institution : on 9th March 1799, it was
resolved that « the proposals for forming the Institution, as published by Count Rumford, be approved
and adopted ». As Rumford was to be mentioned in this celebration, Nicholas was approached by the
Royal Institution, and he suggested the title The physicist in the kitchen. He was already a good cook,
having learnt from his very skilful mother, but the Royal Institution lecture focused his mind and from
that time onwards cooking became serious experimental work. The lecture was filmed by the BBC. A
frequently quoted sentence of the lecture was: « It is a sad reflection that we know more about the
temperature inside the stars than inside a soufflé ». And in fact, during the lecture, Nicholas did
several experiments, among them the measurement of the temperature inside a soufflé. The
188
temperature rose, from 20°C, then diminished a little, and then increased again up to 70°C, at which
the soufflé was taken out of the oven because it was « done pretty well to perfection »122.
During this lecture, Nicholas also demonstrated the injection of fresh pineapple juice through a
hypodermic syringe into meat: the proteolytic enzyme bromelin in the juice split protein molecules,
acting as a meat tenderized123.
He also prepared meringue in a bell jar, which was evacuated: the swelling of the foam was very
important and the drying of the meringue was much faster than in the classical method. But the result
was different: what he obtained was a « hard nothing », as he described it. During the lecture, Nicholas
also considered the culinary works of Rumford and, in particular, the method for making coffee,
describing Rumford’s coffee pot, « which contained a filter and is, in fact, a double boiler, so that
however long the making of the coffee takes the resulting beverage remains hot without boiling » (in
1975, his former students and colleagues presented him with a replica of that coffee pot). Then staying
with Rumford, he explained the method for cooking shoulder of mutton « à la Rumford », i.e. at low
temperature. Nicholas recorded the temperature inside the joint with hypodermic needles and a
thermocouple connected to a chart, so that he could judge when the meat was cooked without taking it
out of the oven124.
Finally Nicholas considered the use of microwaves in the kitchen, a truly new method of cooking,
and he invented a new dish, that he called Inverted Norwegian omelette, or Baked Alaska, where a
burning core is surrounded by a cold coating.
In all these explorations, Nicholas was well armed to cope with culinary processes: as Brillat-Savarin
wrote, a good chef has to respect the eternal laws of nature, and it is often mentioned that they have to
be master of fire. Even if Nicholas was a specialist a very low temperatures, he knew perfectly
thermodynamics, which is everywhere in the kitchen. And cooking, as experimental physics, of which
Nicholas was a master, is primarily experimentation.
The lecture was important, because it induced Nicholas to make many physics experiments with food;
it was the beginning of the story. Nicholas became famous for his culinary explorations of
« gastrophysics », giving lectures, interviews, making TV and radio programs... Sometime people
forget that he was also a top low temperature physicist but Nicholas was happy with this public image.
122 Later, we made experiments together in order to explain the decline in temperature after the initial rise, and we showed clearly that it is due to the rise of comparatively cold layers. It is strange that Nicholas never tried to explain this rise. I showed that it is due to vaporization of water at the bottom of the ramequin. 123 Nicholas named « à la Pravaz » his recipe using the syringe, after Pravaz, the inventor of the hypodermic syringe, but the recipe was already published in the 1920’s in France under the name « intrasauces », which should be kept, as Nicholas himself agreed later. 124 The denomination « à la Rumford should not be kept, because the « gigot de onze heures » is a classical recipe ; it works according the well known principles of « braisage », a classical process for which even special tools called braisière were made for a very long time. These braisières were put in hot ashes, so that the temperature was under 100°C, which is a bad temperature for cooking meat : at that temperature, water evaporates, and the tenderness is reduced.
189
And he cultivated it, because in 1988 he and his wife Giana published a book entitled But the
crackling is superb, with contributions of the fellows of the Royal Society125
Molecular Gastronomy at last
Excuse me now to mention my own contribution, but since I met Nicholas in 1986 I had the
remarkable luck that the threads of our lives were intertwined. First one remark: Michael Faraday
became the great physicist and chemist that we all know in part because he read, as he was young, the
book of a clergyman, Isaac Watt, The improvement of the mind, in which advice was given: have
correspondence, have collaboration, check the facts, do not extrapolate hastily, do not participate in
controversies. Nicholas was fond of Faraday, just as I was, and we tried both to apply this advice.
The story goes as follows. Living and working in Paris, I did not know the existence of Nicholas and
for many years I was also investigating French proverbs about culinary processes in my private
laboratory, while working for the magazine Pour la Science (the French edition of Scientific
American). In 1986, a new advertising officer was hired by the company; she worked previously for
Europhysics letters, of which Nicholas had been the editor. And as soon as she heard of my
experiments, she mentioned Nicholas to me, giving me his telephone number in Oxford. I called him
immediately and, one week later, he came to Paris, using the opportunity of a meeting of the Société
française de physique (the French physical society). We met in a small restaurant in the Quartier Latin
(« Chez Maître Paul »). I remember that he choose the place, and that we had a wonderful « Poulet au
vin jaune du Jura » (braised chicken with a sauce made from a special wine that is aged for six years
into wood barrels ; a veil of micro-organisms that decompose gives the wine its characteristic taste). I
do not know the mechanism of our souls, but immediately we were like old friends. And since this
lunch we collaborated closely. I discovered that he had made some experiments that I had also made.
But he had also made experiments that I did not make, and I had some results that he did not know.
This was due probably to the difference of the point of view that we had: he wanted to introduce
physics in the kitchen, and, being a chemist rather than a physicist, I wanted primarily to check the
culinary proverbs, in order to « clean » the culinary books for the next centuries. He very soon came
back to Paris.
Almost immediately we felt that we should have a meeting somewhere in the world, where all the
people interested in this kind of activity, using science in the kitchen, could exchange ideas. I
remember the day, in my office, when Nicholas called the director of the Ettore Majorana Centre,
Professor Antonino Zichichi. Nicholas knew Antonino Zichichi from previous physics workshops in
the Ettore Majorana Centre, in Sicily. Antonino Zichichi answered very openly and kindly that he
would agree to have a special workshop if we could demonstrate that the activity that was our
125 The title was choosen because Nicholas cooked for a French chef heading a restaurant in England his pork roast injected with pineapple juice. Asked to comment, the chef answered : « It is not terrific, but the crackling is superb ».
190
common passion could interest other top scientists. We had the luck to get immediately the support
from Hans Mayer Leibniz, in Germany, of Sir Arnold Burgen in Great-Britain, of Philippe Corsaletti
(who was the president of Eurotoques, a European association of chefs), of Pierre Gilles de Gennes (a
Nobel laureate, he was the director of the Ecole supérieure de physique et de chimie de Paris, where I
had studied there, and Nicholas knew him well because they met when Nicholas was working in
Europhysics letters), of Pierre Potier in France, and others.
What was the name to be given to this workshop? Nicholas was fond of Rumford, and I was fond of
Jean Anthelme Brillat-Savarin, who wrote that « The discovery of a new dish does more for the
happiness of mankind than the discovery of a new star » (by the way this quotation was in the
introduction of the 1969 lecture in the Royal Institution). Brillat-Savarin mentioned in particular that
« Gastronomy is the rational study of all that related to man as he is eating. Its purpose is to keep
humankind alive with the best possible food. It relates to natural history, by the classification of
alimentary substances, to physics, by the analysis of their composition and their qualities, to chemistry
by the analysis and decompositions that it imposes on them, to cooking... ». Consequently our
common activity, in spite of slight differences that we shall examine later, should then be named
Gastronomy. But it was only part of it: I proposed that we use the name Molecular Gastronomy, but
Nicholas resisted my chemical inclination and insisted that we also indicate that some processes are
not chemical, but physical: we agreed that it would be an « International Workshop on Molecular and
Physical Gastronomy ». One remark: it has been sometimes asked why we did not call it « Molecular
and physical cooking », which would have avoided this pompous « gastronomy ». Nicholas and I
knew that it was not appropriate, because we wanted to use science in order to examine culinary
processes, certainly, but also some phenomena that arise when we are eating. For example, is there a
way to avoid the astringent taste of tea? Which kind of wine is to be drunk as we are eating salad?
Which kind of spoon should be used as we are eating oeuf à la coque?
In 1992, in Erice (Sicily), we co-directed the first « International Workshop on Molecular and Physical
Gastronomy ». As we had wanted, the participants were either chefs or scientists, and experiments
alternated with discussions. At the end of this very fruitful meeting, Nicholas agreed to be my second
father. And it was the beginning of a still closer collaboration. We had daily telephone calls: I told
Nicholas about my experiments, and either he discussed them or he gave me his own results. In this
way, we made rapid progresses. I remember in particular a work on vinegar « reduction »: Raymond
Blanc, a French chef running the three star restaurant Manoir aux Quat’Saisons, near Oxford, told
Nicholas that boiling vinegar would reduce its acidity. Nicholas mentioned it to me, and I made the
simple experiment of boiling vinegar, and measuring the pH after various boiling time. He confirmed
the result, but, in Paris, I got a different result. How was it possible? As we compared our experiments,
we found that the only parameter that changed was the nature of the vinegar: Nicholas had used white
vinegar, and I had used wine vinegar. Then we tried other kinds of vinegar, and we finally found that
there is no general low : some vinegar have a pH that is reduced by boiling, others have a pH that is
191
increased, some have a pH that goes up and then down, and some others have a pH that decreases
before increasing... The explanation is simple: vinegar is not a simple mixture of acetic acid and water.
It includes a lot of other acids and bases, strong or weak: tartaric acid, formic acid, etc. This
experiment shows well how collaboration was fruitful.
As we were doing this kind of experiments, we prepared another workshop of the same kind. It was in
1995, and the topic was « Sauces or dishes made from them » ; the third workshop, in 1997 was about
« Cooking », and the fourth workshop, alas without Nicholas, was recently in Erice about « Flavours,
how to get them, how to distribute them, how to keep them ». At the same time, we published a lot,
together (I always produced the first draft, and he made a lot of corrections). We were first invited to
make a long contribution in Scientific American. Then we wrote the « scientist’s notes » for the
cookery book of Raymond Blanc. And we were the editors of « The cooking chemist » in The
Chemical Intelligencer, invited by Istvan Hargittai. We should not forget also a Newsletter that I ran
for some time after the first workshop; this newsletter was stopped because after six issues Nicholas
and I were almost the only contributors.
At the same time, we had many pleasures: we were given the opportunity to teach Molecular and
Physical Gastronomy in the University of Tours (France), we were chosen as « patrons » by the
students of the Ecole nationale supérieure de biologie appliquée à la nutrition et à l’alimentation
(ENSBANA), in Dijon, we were invited to lecture, sometimes together, in France and England, etc.
Nicholas gave me a lot of good advice that I was not always able to follow, because I did not always
understand him. One that I could follow and that I am sharing with all my students and auditors is the
following: « Hervé, he said frequently, make simple experiments ». There is no better advice. It is
clear that we could show to the public a lot of complicated things: NMR analysis of food during
culinary transformations, precise thermal differential analysis, etc. But the public would then only say
that we are clever people and would not truly accept our results. Doing simple experiments is a good
way to make good demonstrations and to increase the « palatability » of chemistry and physics. I
mention this point because Nicholas, consciously or not (I do not know), and I used Molecular
Gastronomy as a way to communicate science to the public. If the layman says that he hates chemistry
(« a polluting, dangerous, sticky activity »), it is easy to make him notice that cooking a steak is doing
chemistry: before the cooking, it is red and needs seasoning to make, at best, steak tartar; after it is
brown and tasty, because of Maillard reactions, and others. If the steak is to be cooked perfectly, the
chefs would benefit to know and use some chemistry.
Nicholas did not always agree with me. I remember for example when I was passing a Ph D in
physical chemistry (the jury included Jean-Marie Lehn, Pierre Gilles de Gennes, Nicholas, one French
chef , Pierre Potier and other scientists). This event seemed to be very important for Nicholas because
the title was « Molecular Gastronomy », but I dropped the « physical » in the title, because I had the
feeling that « Molecular » was enough to say that chemistry and physics were used in the kitchen
192
together. Contrary to Nicholas, I never considered that they could be separated. Was I right? On other
occasions, I could not understand some of his remarks. For example, when I was testing old wives’
tales about food, he frequently mentioned that I wasted my time if I made tests of non written proverbs
or of obviously false indications. However, when we published the first article of « The cooking
chemist » column, we wrote together « These minute investigations may perhaps be tiresome to some
readers; but those who feel the importance of the subject and perceive the infinite advantages to the
human species that might be derived from a more intimate knowledge of the science of preparing
food, will be disposed to engage with cheerfulness in these truly interesting and entertaining
researches. » Finally I never understood why he was so fond of Rumford, at the point that he became a
specialist of the life and work of this scientist. Did he consider Rumford as the ancestor of Molecular
Gastronomy? In fact Rumford was certainly not, because I recently found a publication by Antoine
Laurent de Lavoisier on stock preparation, where the great French chemist was writing: « One cannot
avoid being surprised, each time that one ask questions on the most familiar objects, on the most
trivial things, to see how our ideas are often vague and uncertain, and how, thus, it is important to fix
them by experiments and by facts ». Another possibility was that Nicholas admired Rumford for being
a scientist, an engineer as well as a gastronome. Nicholas was always interested in energy
conservation and the proper use of energy. Rumford designed fireplaces and stoves, and the already
mentioned coffee pot. He was interested in nutrition and social problems. He was not exclusively a «
laboratory scientist »; nor was Nicholas.
I have to repeat that Molecular Gastronomy has many patrons and many precursors. One should not
forget Edouard de Pomiane, who designed “gastrotechnie”, in the 50’s, in France. However, Molecular
Gastronomy had only two founders, and Nicholas is to remain in the history as one of them for his
work in introducing physics in the kitchen. I wish he could also be celebrated for a major part of his
heritage, a part that I invite you to share with all the people you meet: it is written in my heart and it is
« Let us have simple experiments ».
193
A.10. Molecular Gastronomy (Harold McGee)126
Let me propose a definition of molecular gastronomy. Nearly two hundred years ago, Brillat- Savarin
defined gastronomy as "the systematic understanding of all that relates to human nourishment. Its aim
is to oversee the preservation of human life by means of the best possible food." Today, the standard
English definition is “the art and science of choosing, preparing, and eating good food.” In its broadest
sense, gastronomy includes a number of disciplines, including practical training in culinary
techniques, food connoisseurship and criticism, food history, nutrition, food science, food engineering,
sensory analysis. A number of these disciplines already take a scientific approach to human
nourishment. However they are not primarily concerned with the creation of quality, with “good food”
or “the best possible food.” To me, molecular gastronomy should mean the scientific study of the
pleasuregiving qualities of foods, the qualities that make them more than mere nutrients. This is an
awkward phrase, so here is a more succinct formula: Molecular gastronomy is the scientific study of
deliciousness.
A university program in Molecular Gastronomy should focus on questions like the following:
How can traditional definitions of culinary excellence and distinctiveness be described
and understood in chemical and physiological terms?
Can chemical and physiological analysis help us refine and improve these definitions?
What particular ingredients and methods are required to achieve excellence in a given
food, and what are the chemical reasons for this?
Having understood the nature of excellence for a given food, are there ways of
optimizing its preparation beyond the traditional methods?
A program that addresses such questions will be of broad and lasting value both to the
gastronomical culture and to the food industries, for which it will provide guidance for the continuing
improvement of mass-produced products.
126 Je rappelle pour les étourdi(e)s qu’Harold McGee est l’auteur de la bible de la gastronomie moléculaire « On food and cooking » (cf bibliographie).
194
A.11. Molecular Gastronomy (Peter Barham)127
A.11.1 Molecular gastronomy in the UK
Molecular Gastronomy – a definition
Molecular Gastronomy (MG) is a new science - the application of scientific principles to the
understanding and improvement of domestic and gastronomic food preparation. Molecular
Gastronomy is distinct from traditional food science in that it is primarily concerned with small, rather
than large scale preparation of food. Further, Molecular Gastronomy treats the experience of eating
food as a whole:- from the raw ingredients, through the preparation of a dish to its appreciation by the
consumer. It is thus a strongly interdisciplinary subject involving the physical sciences, biology and
biochemistry, physiology and psychology. We see MG as being a highly interdisciplinary activity,
bringing scientists from all areas – Physics, Chemistry, Biology, Psychology, Physiology,
Engineering, etc. together with people working in all areas of the food industry (from producers
through processors to chefs).
How does MG work in the UK?
What makes MG work is that people who would never be likely to be interested in conventional food
science (seeing it perhaps as beneath them, or because they distrust or dislike the mass processing
involved) are very happy to become involved. All of us in the sciences and in the restaurant business
are very busy people with our own agendas. Scientists have their own research projects and, to survive
in the academic world have to obtain and retain research grants, and produce a steady stream of high
quality publications in their own discipline. This makes it hard to justify helping others in different
disciplines – there just has to something in it for you. But in the case of MG it seems any scientist who
is asked to join in immediately comes aboard with open arms. The reason is simple. There are
immediate, tangible results and benefits. If you can see your work going to produce fantastic food -
and are able not only invited to eat it, but are also able to learn how to make it for yourself – you are
more likely to give freely of your valuable time.
In the UK, there is not as yet any formal structure to the MG networks that have sprung up.
Basically, we work as a loose network of individual chefs and scientists who talk regularly by phone
and email and help each other sort out any problems. It is important to most of us that the activity is
driven by the food, rather than by the science. This may seem strange at first sight, but it works
because it is almost inevitable that when you ask ant question about what makes good food there is an
opportunity for one of the scientists involved to do some research that is directly in (or at least close 127 Je rappelle de nouveau pour les étourdi(e)s que peter Barham est l’auteur d’un excellent livre de gastronomie moléculaire (« The science of cooking »; cf bibliographie) et qu’il est le partenaire privilégié du chef Heston Blumenthal (cf annexe suivante), dans le même esprit que notre duo national Hervé This / Pierre Gagnaire (cf annexes A.8 et A.10).
195
to) his (or her) own area of interest. By offering mutual support every body gains (and we all get to eat
better and better!) For example, a question that has been posed is “why does the same dish taste better
depending on where it is eaten?” This led to a little simple research to check it was true – the
conclusion was that surroundings do affect the appreciation of food. It was not found that food tasted
any better if it was “local” though. That led to one of our physiologists thinking about the biochemical
aspects of pleasure; we put him in touch with a psychologist who also works with MG from time to
time and they joined up with a chemist who had a magnetic resonance scanner to look further. A few
months later and they had formed a firm alliance and shortly later obtained major funding from the
Medical Research Council for a study of Brain chemistry. It is this sort of unexpected spin-off that
drives some of the best scientists in the country to want to be associated with MG. In exchange for a
good meal, more or less any good scientist can be persuaded to offer a few suggestions about how a
novel problem (e.g. how to make a foamed hot jelly with two or three different flavours trapped in the
bubbles). Then once hooked they just keep on coming back for more!
Where is MG going in the UK?
I cannot speak for all of those who are involved in the wide variety of MG activities that are going on,
mostly in pair-wise interactions. So I have outlined below my own ambitions for MG in the UK.
British food is widely regarded as the worst in Europe, if not the developed world. This is false. We
have in Britain some of the finest chefs in the world and a strong tradition of good wholesome food.
The new science of Molecular Gastronomy is being driven by British scientists and chefs to improve
this situation. Over the next few years we hope that various institutions within the UK will run a range
of courses (in the long term these will include a taught Masters programme) and workshops, and
publish newsletters and journals. The ethos of open discussion will be very important in facilitating
the free exchange of ideas and concepts. In particular, many chefs find it difficult to share their ideas
and often jealously protect their own recipes. By holding workshops in an open academic environment
and by having a number of Associates who are themselves top chefs who are fully prepared to share
their own ideas we hope to create an appropriate atmosphere. We intend to restore the reputation of
the UK and make it widely recognised as amongst the leading nations in terms of the food we eat.
The main objectives are:
• To carry out a range of Research and Development projects covering all aspects of
Molecular Gastronomy.
• To organise workshops and courses for professionals to exchange ideas and develop new
Molecular Gastronomy concepts.
• To improve science and home economics teaching in schools by introducing food related
examples and experiments.
• To develop the use of Molecular Gastronomy in top restaurants to create opportunities for
chefs to improve and create new dishes, etc.
196
• To publish regular newsletters, a Journal of Molecular Gastronomy and a series of text
books on all aspects of Molecular Gastronomy.
• To develop cooking techniques and novel dishes which allow "healthy" eating without
compromising flavour or texture.
• To contribute to the making of the UK the foremost food nation at all levels.
Educational aspects
Several of those who have been involved with the develop0ment of MG see that it has the potential to
play an important role in education – not only to improve the appreciation of good food, but also (and
for some of us more importantly) to use the medium of good food and cooking to engender a greater
understanding and appreciation of the sciences. We wish both to improve science and home
economics teaching by making it more relevant and to encourage families to eat together and discuss
the food so leading to better communication and cohesiveness of family units. As a first step we want
to introduce increasing amounts of "cooking" and "food" related examples and experiments into the
science part of the national curriculum, the "science experiments" will help students to learn basic
cooking techniques and to prepare simple but very impressive dishes. In school, children will learn
simple basic and highly effective cooking techniques at school and be encouraged to take them home
parents will be most impressed and enjoy eating the food cooked by their children leading to more
family meals and more discussion, etc. Parents will be further inspired through seeing the new food
styles in restaurants, on TV and in the press and magazines and want to try it all out. The overall aims
are to encourage families to eat together and discuss the food so leading to better communication and
cohesiveness of family units and to improve restaurant experiences so that people eating out will
discuss the food, the ingredients and the preparation while eating - thus generating enthusiasm to
experiment at home and again lead to more family meals.
Research Projects
The opportunities for collaborative interdisciplinary research are limited only by the imagination of
those involved. Two examples that we are currently exploring are described briefly below.
The effect of polymeric additives on food processing and texture
The UK Engineering and Physical Science Research Council (EPSRC) has noted that expertise in
polymer science should be applied in the area of soft solids and highlighted the relevance of
investigations of food additives as a particular topic of interest. The effect on flow of small amounts of
polymeric additives can be dramatic Discussion between a food processing company, a chef and two
departments at Bristol University are ongoing and we expect to put a joint proposal to the EPSRC to
study how food textures can be affected through the judicious use of very long polymeric additives.
197
The project will cover the basic science to allow the food processing industry to manufacture products
with controlled phase morphology to provide desired texture.
Flavour, texture and healthy eating
Food quality is one of the main themes of the another research council in the UK (BBSRC). The
BBSRC is aware of the links that have been established good links with several chefs, food processors
and food retailers all of whom are concerned to produce foods that have the flavour and texture of the
finest gastronomic dishes, but at the same time are designed to give a balanced and healthy diet. The
main problems lie in the areas of texture (mouthfeel) and control of the rates of flavour release in the
mouth. All good chefs know intuitively how to use fats and oils to control texture and flavour release,
but, as I have already shown in a few preliminary experiments with one restaurant (The Fat Duck) it is
possible to use gels made from a combination of different polysaccharides to construct fat free desert
dishes which have textures and flavours comparable to traditional ones that are very high in fat
content. We intend to apply to the BBSRC for funding to extend this work to a range of both savoury
and sweet dishes and to explore techniques to scale up production.
A.11.2 Other molecular gastronomy considerations128
Taste and Flavour Facts
Recent scientific research has revealed just how complex our sense of flavour really is. There is no
single sense that defines flavour - although we perceive the flavour of food in our mouths, it is our
brains that determine flavour.
When humans evolved, we had to take whatever food we could - we ate berries and leaves or, when
we could kill an animal, raw meat. It was essential to our survival to detect what food was safe, so we
honed and evolved our senses to ensure we liked foods that were safe to eat and disliked those that
were dangerous.
Our tongues have five different types of sensors129 (taste buds) - sweet, sour, salt, bitter, and umami
(this last has only recently been recognised as a separate taste sensation - the taste of mono sodium
glutamate, MSG - found in tomatoes, parmesan cheese and soy sauce, etc.). These are crucial.
When we put food in our mouths, we need to decide whether to eat it or spit it out - this can be a life
or death decision and needs to be made quickly.
128 Cf http://discoverychannel.co.in/kitchen_chemistry/taste_flavour_facts/index.shtml 129 Commentaire personnel : sans doute beaucoup plus en fait… Consulter à ce sujet l’annexe A.12, et surtout tenez vous au courant des avancées de la recherche, les choses évoluent encore dans ce domaine.
198
We need sugar as a source of energy - so we like sweet tasting foods - if all we taste is sweetness we
will eat the food. We need salt to survive - salt has many essential roles - salt affects the electrical
conductivity through the body - it governs how our hearts beat, how signals are transmitted along our
nerves and in our brains, and controls many other processes.
Glutamic acid is one of the essential amino acids that form the building blocks of proteins - so
recognising foods that provide it is important. It therefore not surprising that our "Umami" taste
receptors are particularly attuned to the sodium salt of glutamic acid (mono-sodium glumate)130.
Sourness often accompanies foods as they are going off due to bacterial action - think of sour
milk - so recognising sourness helps us decide not to eat some foods.
Most poisonous berries are taste bitter, so we need to recognise and dislike bitter foods. If we eat
a bitter food we will not only spit it out, but follow that up by vomiting to get rid of any trace that may
accidentally have got into our digestive systems.
But taste is just the last line of defence - we use all our other senses first - and these affect how we
react to different tastes.
First we look at the food - is it the "right" colour? Next we touch it - is it firm or soft? At the same
time, we listen to how it sounds when we break it - is it crisp or soggy? Then we sniff it - are there any
unpleasant odours?
All these impressions tell us what to expect when we put food in our mouths. If we are eating berries,
we will be looking for sweetness, combined with "fresh" and "tangy" aromas; if it is meat we will be
looking for saltiness without any sour "off" aroma.
The type of food and our memories of similar foods tell us the key aromas and tastes to look for in the
"flavour". All this complex information is processed by our brains and interpreted as the "flavour" and
is tasted in our mouths.
Our sense of smell is much more discriminating than our sense of taste. The organ we use to
detect aromas is the olfactory bulb, located at the back of our noses near the middle of our heads.
Inside the olfactory bulb, we have at least 700 different types of sensor and can use them to
distinguish many millions of different molecules.
It is not surprising that wine tasters sniff the wines first - their noses are attuned to look for a range of
aromas that give clues to the grape variety and region, etc.
But how we use all this information is greatly influenced by the other senses. For example, if you
taste a wine you will be influenced by its colour. Indeed, a recent experiment, fooled all the
experienced wine tasters. In this experiment, the tasters were asked first to taste six white wines and
130 Commentaire personnel : là encore, les choses sont sans doute plus compliquées. D’une part parce qu’il semblerait que le goût « umami » soit en fait dû à la présence conjuguée d’acide glutamique ET d’alanine (un autre acide aminé essentiel) ; d’autre part parce que d’après le raisonnement basé sur l’évolution, on devrait aussi être sensible au goût des autres acides aminés (ce qui semblerait d’ailleurs bien être le cas. Affaire à suivre…).
199
describe the flavour. They described the flavours using words like "refreshing", "strawberry" and
"citrus" to identify different notes in the aroma - these are words frequently used to describe white
wines. Then when asked to identify the wines, the tasters were able to correctly identify the grape and
the region - some even giving the exact vineyard and vintage.
Next a trick was played - the same six wines were served again, but this time with a little inert red
food dye added. This time the tasters used completely different language to describe the flavour -
"woody", "tannic" and "powerful" - all words associated with red wines. Then when asked to identify
the wines, all plumped for red grape varieties and a few ventured opinions on actual wines they
believed they had just tasted.
However, when the experiment was repeated again - this time with the tasters blindfolded - they once
again got the answers correct.
But there is much more to flavour perception than just the sum of all the different inputs from the
eyes, mouth and nose. Our brains, it seems, respond much more to changes in which molecules are in
the nose and mouth than they do to what is actually there, for example - if you chew a piece of gum,
the flavour will disappear after a few minutes, as your brain gets "bored" by the aroma in the nose -
but there is virtually no reduction in the amount of flavour molecules in the nose. However, if you
simply change the input from your tongue, by, for example - taking a sip of sweetened water - the full
flavour will be instantly restored.
The area of flavour perception is one of the most exciting areas for scientific research - it holds out the
promise of helping us find ever better ways to produce truly wonderful food.
Molecular Gastronomy
To me a kitchen is just like a science laboratory and cooking is just another experimental science.
Imagine a chemistry laboratory. You will find chemicals of course, but also containers to mix and
react them as well as devices to control the temperature of the reactions and measure out the quantities
of the chemicals for each reaction. Then, perhaps less familiar, you will find machines to determine
the reaction products - to tell you the results of your experiments.
Your kitchen is full of apparatus - devices to heat and cool, tools to mix, cut and grind, and measure
out ingredients - and materials that you react together (the food ingredients). Every time you follow a
recipe you are conducting an experiment. You measure out the ingredients, mix (or react) them
together following the instructions and then test the result - by eating the resulting dish.
Then you follow the scientific method by testing the result of your experiment (the flavour and texture
of your dish) against your model (the photo in the cookery book). Usually we are disappointed - the
200
photos in the cookery books always looks better than our first effort. So we try again, changing what
we do. A good cook will use their experience to vary the temperature, or the proportions of the
ingredients to get the next attempt to come out better. A scientific cook will read the instructions in
the recipe and ask whether they make sense and if not change them.
The application of science to domestic and restaurant cooking has developed into the new
science of Molecular Gastronomy - the application of scientific principles to the understanding and
improvement of gastronomic food preparation. Its form has largely been determined by a series of
meetings between chefs, scientists and food writers held at the Ettore Majorana Centre for Scientific
Culture in Erice, Sicily over the course of the last 10 years. These meetings (The International
Workshops on Molecular and Physical Aspects of Gastronomy) were founded by the late Nicholas
Kurti (who was one of the foremost low temperature Physicists of the 20th Century) following an
initial suggestion from Elizabeth Thomas who runs her own cooking school in California.
Since Nicholas Kurti passed away I have helped Dr Hervé This of the Ecole de Paris to organise the
Erice Workshops. The diverse discussions at these workshops have helped to define the new science
of Molecular Gastronomy.
The main questions that those of us involved in Molecular Gastronomy are trying to address are
strongly interdisciplinary, as is only to be expected in a subject which is concerned with the whole
process of the preparation of food, from the raw ingredients to the actual dish on the plate.
Molecular Gastronomy encompasses such diverse issues as:
How and why we evolved our particular taste and flavour sense organs and our general food
likes and dislikes?
How do production methods affect the eventual flavour and texture of food ingredients?
How are these ingredients changed by different cooking methods?
Can we devise new cooking methods that produce unusual and improved results of texture
and flavour?
How do our brains actually interpret the signals from all our senses to tell us the "flavour" of
food?
How is our enjoyment of food affected by other influences - the environment in which we eat
the food, our mood, etc?
Although at the moment there is only one research group (that of Hervé This in Paris) that is devoted
entirely to Molecular Gastronomy, there are a several groups working on individual aspects of
Molecular Gastronomy especially the mechanisms of aroma release and the perception of taste and
flavour. Two of most important are those of Prof Andy Taylor at the University of Nottingham and the
Monell Chemical Senses Centre in Philadelphia, USA. Both have been involved in the Erice meetings.
The main driving force to develop Molecular Gastronomy at the moment are collaborations between
scientists and chefs. In France Hervé This works with several Michelin starred chefs including Pierre
201
Gagnaire and Philippe Conticini. Here in the UK my own collaboration with Heston Blumenthal, of
the Fat Duck, has been very fruitful and influential.
My own interest in Molecular Gastronomy derives from my interest in understanding the physical and
chemical process involved in cooking. Together with Heston Blumenthal we are using our increasing
understanding to develop new dishes and cooking processes.
The cooking of meat and fish at low temperatures is one good example of a new technique that has
already found its way into the restaurant. Further developments in the pipeline include a filtration
system for stocks and consommés that will reduce preparation time by many hours or even days and
produce crystal clear sauces and jellies. The use of ultrasonic mixing has the potential to make novel
emulsions - how about a vodka mayonnaise? The possibilities are endless and some will surely soon
escape from the restaurant to the domestic kitchen.
But there is much more to Molecular Gastronomy than just the physical and chemical changes during
food preparation.
One area that fascinates me is how all the senses play their own roles in our appreciation of food.
Even our sense of touch can affect our perception of flavour. Try this experiment for yourselves.
Try tasting some ice cream - it should taste good, like ice cream. Now take the same ice cream and
while putting a spoonful in your mouth close your eyes and fondle a piece of velvet cloth. It will taste
creamier than before! But even more astonishing if you rub your hand over a piece of fine sandpaper
while taking yet another spoonful, the ice cream will seem to become gritty. It seems that what we feel
with our hands with our eyes closed can be transferred in our brains to the tongue.
Another truly astonishing fact is that the sound of food changes our expectations. One simple
example comes from the humble potato crisp. The marketing people have known for a long time that
they need to sell crisps in packets that themselves crackle - if they try to market crisps in packs that
don't have the right sound then we consumers think the crisps are stale.
Today we are just beginning to realise the important roles all our senses play in affecting the way in
which our brains interpret flavour. But we have a great deal to learn before we fully understand the
complexities of how we taste food and perceive and appreciate flavour and texture. This journey of
discovery which is the new science of Molecular Gastronomy will be a stimulating and exciting one.
Kitchen Myths
There are many old wives tales in the kitchen - many are perpetuated throughout cookery books, but a
little thought about the science involved will show they are quite ridiculous. Here are a few of my
favourites.
202
You should add salt to water when cooking green vegetables.
Why add salt? Cookery books give a range of answers including: "to fix the colour"; "to make the
water boil faster"; "to make the water hotter"; "to make the water cooler" and "to season the
vegetables".
The colour of green vegetables can change during cooking - this is due to changes in the pigment
molecules in the vegetables - these are largely affected by the acidity (pH) of the water and by
the hardness (mainly Calcium content) of the water. Neither of these are much affected by the
addition of salt. If your beans lose colour when cooked in unsalted water adding salt won't make any
difference - you could try cooking them in bottled water.
Many cooks add salt to water that is already simmering. When you do this there is a sudden rush of
bubbles - this is not the water boiling more vigorously. The fine salt crystals carry a little air into the
hot water and this helps more air and steam to come out of the water and thus makes a lot of bubbles
rise suddenly. In fact adding any fine powder will have the same effect.
Adding salt to water does indeed change the boiling point. If you add a generous handful of salt to
a pan of water the boiling point will increase by around one tenth of a degree. This is less than the
increase in boiling point that would occur if you boiled your water at the bottom, rather than the top of
a block of flats. The small change in boiling point of the water has no detectable effect on the cooking
of the vegetables.
When you drain the vegetables nearly all the water runs off - the only salt that remains is that
which is left after the tiny amount of remaining water evaporates. This is very small and unless
you use vast amounts of salt in our cooking water you are unlikely to be able to detect it.
In fact I often carry out a simple test in public lectures on the science of cooking. I prepare green
beans in three pans - one with no salt, one with a pinch of salt and one with a generous handful of salt.
I then divide these into six samples (two from each pan) and ask the audience to taste all six and state
which came from which pan. Very few people manage to tell the first two apart and many fail to
identify the beans cooked in very salty water.
Putting meat in a hot frying pan seals in the juices
This is one amazing piece of kitchen nonsense. It never fails to amaze me when chefs talk about
"sealing" meat. You only have to look at the pan to see the juices pouring out of the meat as it is
heated above about 60°C. The muscle fibres contract and literally squeeze the water out of the meat.
What actually happens when you put a piece of meat in a hot pan is that chemical reactions (known as
the Maillard reactions) start. Proteins and sugars react together once the temperature is above about
140°C to produce a wealth of new molecules which provide the typical "meaty" aromas. In short we
cook meat at high temperatures to generate flavour - not to seal juices in.
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When making meringues you must separate the eggs and on no account get any egg yolk in the whites
Pick up any cookery book and look at the recipe for meringues and it will tell you to separate the egg
whites from the egg yolks. Then you beat them until you can turn the bowl upside down without them
falling out.
The books always warn you that should you get even the tiniest speck of egg yolk in the white when
separating the eggs it will not whip up at all. This is well known - every cook is well aware of this
problem. But is it a problem?
Take the same cookery book and look up the recipe for a Genoese Sponge. The recipe will tell you to
take whole eggs, add sugar then beat (perhaps over hot water) until the mixture gains about 10 time in
volume and is so stiff you can turn the bowl upside down without it falling out.
So it seems if you are making a meringue any egg yolk prevents egg whites from forming a stiff foam.
But if you are making a cake there is no such problem. What nonsense.
There is a good historical reason behind the confusion. The reason egg whites make good foams is
that beating the egg white causes the proteins to change and behave a bit like the detergents in
washing up liquids. Fats tend to collapse egg foams - just as they collapse the foam in your washing
up water. There is a lot of fat in egg yolks so this fat can make it more difficult to whisk up a
foam. But if you use a power whisk (something that was not available even 50 years ago) then
you can make enough of the egg proteins behave like detergents to make a stable foam even with
whole eggs.
The cooking time for roast meat depends on the weight
It seems everyone who has ever picked up a cookery book knows the time to cook a roast joint is
something like 15 minutes per pound with 15 minutes over. This is a recipe for disaster.
A piece of meat is nicely cooked when the centre (the coldest part) has just reached the desired
temperature. For perfect pink lamb that would be 58°C, for rare roast beef around 54°C is better. The
exact temperature will of course be a personal matter, but if the meat gets to too high a temperature it
will go grey, toughen and dry out or if it is too low a temperature you may think it still raw.
The time it takes heat to diffuse into a piece of meat and the temperature in the centre torise to your
desired temperature depends on the distance from the outside to the centre.
Imagine taking a large rolled joint of beef - it looks like a long cylinder. The distance from the outside
to the centre is the radius of the cylinder. The weight depends on the radius squared multiplied by the
length.
If you cut the joint in half so you have two shorter cylinders the weight of each half is half that of the
original joint - the standard recipe formula would then roughly halve the cooking time. But the
204
distance from the outside to the centre is unchanged - it is still the radius of the cylinder. So the time it
will take heat to diffuse through the meat and raise the temperature in the centre to the optimum will
not change either.
The reason the recipe book formula works at all is that most people buy joints of similar weight so the
distance to the centre is always about the same and so is the weight. However, if you were to try to
apply the formula to a very large joint (say a side of beef) the result would be very overdone meat.
The scientific way to cook a joint of meat is to use a temperature probe - put the probe in the
middle and simply cook until it reaches our chosen temperature - you will obtain consistent and
perfect results every time.
In fact if you buy just one piece of kitchen equipment this year, make sure it is a temperature probe.
You can use it when cooking meat, cakes, eggs, custards, in fact in just about all circumstances
knowing the temperature will allow you to achieve consistent results.
Kitchen Chemicals
A kitchen is just like a science laboratory, don't think the only chemicals in your kitchen are those
under the sink. All the ingredients you cook with are themselves made up of chemical compounds -
some complex and some quite simple.
Salt
Salt is the original food additive. Essential for life, salt (Sodium Chloride) controls many body
functions. Salt is one of the five taste sensations we can detect with the sensors (or taste buds) on our
tongues. In the kitchen we use salt as a preservative, to help strengthen doughs, etc. and to emphasise
flavours.
Salt preserves food by taking out moisture and thus preventing bacterial growth. The charge on the
sodium and chloride ions in salt in doughs and meringues can help bind charged protein molecules
and thus make them "stronger". Our tongues are particularly attuned to the taste of salt - presumably
since we cannot make salt and need to get all our needs from our diet.
Although salt was once one of the most precious of commodities (e.g. Roman soldiers were paid a
"salarium" to buy their salt), today salt is common place and added to nearly all processed foods
both as a flavour enhancer and as a preservative.
205
Sugars
Sugars are made of molecules that consist of 6 carbon atoms joined together in a ring with associated
hydrogen and oxygen atoms. The common sugar we buy from the supermarket is sucrose and consists
of two such sugar rings joined together.
Sugar provides energy. Sweet foods have always been important in our diet. In prehistoric times man
had to get energy to chase the wildebeest to feed the family, so we developed a real sweet tooth. When
refined sugar became available it was a very expensive commodity, but now that sugar is cheap and
readily available we often eat too much - which is not good for us.
In the kitchen sugar has many uses. Apart from simply making food taste sweet we use sugar in many
dishes. Sugar molecules can link proteins together - making it much easier to beat egg whites into a
meringue or helping the egg proteins thicken a custard.
Oils and fats
Fats and oils give foods a rich, creamy, feel in the mouth so they are used in "comfort" food products
such as chocolates and ice creams. In the kitchen we also use fats to fry - the high boiling points
allows us to cook foods (e.g. chips and meats) at temperatures above 100°C where chemical reactions
occur that develop interesting "browned" flavours.
As with sugars our liking for fatty foods probably developed in pre-historic times. Fats are an
excellent means of storing food energy - people who could lay down fat deposits when food was
plentiful could then store the food energy for later lean times. Thus evolution would have favoured
those of our ancestors who could put on weight easier. These days, with food readily available, it is a
disadvantage to be able so easily to convert fats in food to fat on the body (something I know only too
well!).
To a scientist oils and fats are members of the same group of molecules; they consist of three chains
of carbon atoms with two hydrogen atoms attached to most carbons. The longer the chains the higher
the melting point - so short chains give us the liquid oils and long chains the solid fats.
In saturated fats all the carbon atoms are joined by single and form straight chains. In mono-
unsaturated two of the carbons and are joined to each by a double bond. This double bond introduces a
kink in the chains and makes it difficult to pack the fat molecules in a crystal - so they have lower
melting points than saturated fats. Poly-unsaturated fats have several such kinks in them giving them
even lower melting points.
It is the high melting point of saturated fats that makes them particularly dangerous to us - if solid fat
deposits form in blood vessels they can stop the flow of blood leading to heart disease, etc.
206
Proteins
Proteins are long molecules made by joining small building blocks (amino acids) together. Most of
the biochemistry of our bodies is controlled by proteins - the sequence of amino acids determines
the shape of the protein and its shape helps the protein perform its own function. For example,
haemoglobin has a special shape that allows it to carry oxygen molecules around in the blood stream .
When a muscle needs some oxygen it sends a chemical signal and the haemoglobin changes shape so
the oxygen pops out (the change of shape also causes a colour change from red to purple).
We need a good deal of protein in our diets - our bodies break down the proteins we eat into their
constituent amino acids which we then recycle to make the proteins our own bodies need.
Proteins are amongst the most important molecules we use in the kitchen as they change their
properties when heated or beaten and react together chemically at high temperatures. Eggs are mostly
proteins dissolved in water. If we whisk eggs the proteins change shape (denature) and can form stable
foams. If we cook eggs the proteins react to form a solid network - as in a hard-boiled egg. We use
these changes when we make cakes and other baked goods - they are held together by the "glue"
formed by the reacting proteins.
Starches
The other main food group is made up from starches. Starches are large molecules made by joining
many sugar rings together. Scientists often classify starches and sugars together - starches don't taste
sweet since the long molecules are too large to reach the sensitive parts of the taste buds on our
tongues. There are two main types of starch molecule; amylose in which the sugar rings are joined to
make long strings and amylopectin in which the sugar rings are joined in a branched structure like a
Christmas tree.
In the kitchen the major sources of starch are from root vegetables such as potatoes and from cereals -
usually in the form of flour. We use starches to provide bulk and texture in baked goods - imagine a
cake with no flour - it would just be a soufflé with no substance.
Starch is formed by many plants in small granules - a typical granule may be a few thousandths of a
millimetre across. Of course, the granules are not purely amylopectin and amylose, the plants also
incorporate some proteins as they make the granules. Starch granules with a high protein content will
absorb a lot of moisture at room temperature, while those with low protein contents absorb but little
water.
Starch granules can absorb astonishing amounts of water (potato starch granules can easily absorb 100
times their own volume of water) so they make excellent thickeners.
207
Science in the Kitchen
One day, a few years ago, I was sitting my office at Bristol University when the phone rang and a very
enthusiastic voice asked "why should I add salt to the water when I cook green vegetables?" This
happens to be one of my pet topics; the answer of course is that there is no really good reason, except
tradition (see the article on kitchen myths to find out why). So of course, I was happy to spend some
time answering the caller.
It quickly turned out this was no casual enquiry - the caller was none other than Heston Blumenthal -
one of the UK's top chefs. As we talked on the phone it soon became apparent that we shared a
common philosophy that the application of science to cooking can only improve our techniques and
experiences. Thus we started working together.
Heston and I meet every few weeks to talk about the science of food and cooking - usually the
conversations start with some specific issue. Maybe one of Heston's chefs has noticed something odd
in the kitchen, maybe I've read about some new and interesting scientific discovery, maybe there has
been some problem in the kitchen and Heston wants to ensure that in future the problem is solved. But
always, we end up talking about many other issues sparking off new ideas for cooking processes and
dishes, etc. Obviously, much of this comes to nothing, but a few ideas lead to real novel
developments.
Our collaboration has been very fruitful and influential. Heston is widely recognised as one of the
UK's top chefs so his interest in applying science in all his cooking has given Molecular Gastronomy
credibility in the catering industry.
Perhaps the most important aspects of our collaborations are the development of new cooking
methods and the use of scientific equipment in the kitchen which have led to the appearance of
completely new dishes on his menu.
One of the most dramatic examples relates to the way in which meats are cooked at the Fat Duck.
These days most meat and fish are cooked at low temperatures for long times using temperature
controlled water baths. This allows the restaurant to serve wonderfully tender and pink meats in a
totally consistent fashion.
The problem with traditional methods has been that meats were cooked by exposing the outside to a
high temperature (in a pan or oven) and then letting the heat diffuse inside until the temperature at the
centre is just right. If the temperature is too high the meat proteins contract and expel water making
the meat tough and start to go grey, rather than pink. If the temperature is not high enough the meat
seems raw.
208
The ideal temperature varies between meats, but is usually around 55 to 58°C; above 60°C the
meat will soon lose moisture and become dry and tough; below 50°C it will still be very red and
seem raw and cold.
Normal cooking processes mean that if the centre is at the ideal temperature the outside is much hotter
and thus tough.
However, at the restaurant now the meat is first vacuum sealed in a plastic bag (to prevent any
oxidation of the meat surface and avoid any contact with the hot water). Then the bag is put in a
temperature controlled water bath (a standard piece of laboratory equipment) with the water kept at
the desired temperature want (say 58°C for lamb). The meat is then left in the bath for a long time
(several hours) so that it reaches a uniform temperature throughout; it ends up as a perfectly cooked
pink and tender piece of meat.
As well as the physical processes of food preparation, Molecular Gastronomy also involves
understanding and controlling the processes involved in flavour release and perception. One of the
most interesting aspects of recent research is that we are only just beginning to understand some of the
complexities of how our brains interpret flavour (see the article on taste and flavour).
For example, when an aroma has been present in our noses for a long time ( about five minutes) we
tend to ignore it. So if we keep on eating the same food for a long time its flavour will pale and even
disappear.
Thus we need a variety of different tastes and flavours on a plate if we are to fully enjoy a good meal.
Here the Eastern cuisine which offer many small courses and the Spanish tapas can point the way to
better appreciation of our food.
At the Fat Duck, Heston has taken this on board both by ensuring that every dish has a variety of
different and complementary flavours and textures and by offering small appetisers between courses,
thus keeping the palette interested without ever switching off from a particular flavour.
We don't know where our collaborations will lead us next, but we will continue to enjoy talking about
food and experimenting with novel cooking techniques and producing new flavour and texture
combinations. Hopefully some will end up on the menu at the Fat Duck soon and some will even
reach the supermarkets in a few years time.
209
A.12. Philosophy of cooking (Heston Blumenthal)
No food is intrinsically disgusting; if it were, then nobody would eat it. With this in mind, the question
begging to be asked is what causes such a wide range of likes and dislikes when it comes to the food
that we put in our mouths?
This whole subject is incredibly complex, possibly the most complex of all processes performed by
the human body and it starts in the womb; It has been shown that flavours can be passed from mother
to baby through the amniotic fluid as early as 11 weeks (six months before birth); By the time that we
are born into the world, we have already experienced many of the flavours from our mothers diet.
The process of taste aroma and flavour perception is being researched around the world. Knowledge
gained from this research has far-reaching implications, be it detecting disease by smell or re-kindling
the faded palate of an elderly person.
Eating is a multi-modal process (involving all the senses). Any comments concerning food being just
about taste are misguided. Try drinking a fine wine from a polystyrene cup or eating a beautifully
cooked piece of fish off a paper plate with a plastic knife and fork, it is not the same.
Both physiological and psychological factors come into play and in many cases, they cannot be
separated. Take-for example- a fine wine drunk from a polystyrene cup; the shape of the cup will
affect the perceived smell and flavour of the wine (physiological) and the material will affect the feel
of the cup in the hand and on the lips (psychological).
Taste is one of the six senses (some say we have more), the others being touch, sound, sight, smell
and proprioception, (the sense of "ourselves", our bodies own on-board computer).
The sense of taste can then be broken down into five basic categories. All of which happen in the
mouth and nowhere else. These categories are salt, sweet, sour, bitter and Umami (the most recently
identified taste named by Ikeda in Japan in 1908). There is a current theory that fat is actually a taste
but this has yet to be proved.
We have up to 10,000 taste buds on the tongue and in the mouth. These regenerate so that the
receptors that we use today will not be the same as were used a couple of days ago. Although different
parts of the tongue can register different tastes, the classic drawing of the tongue showing it divided
into different sections for the four different tastes (there were only four known at the time of this 19th
century illustration) is totally wrong.
210
The aroma (or what we sometimes call flavour) is registered in the olfactory epithelium situated
between the eyes at the front of the brain. It contains hundreds of receptors that register aroma
molecules contained in everything that we eat and smell.
There is a simple but effective and enjoyable way of demonstrating what most of us don't realise;
smell and taste are registered in different parts of the head. Have ready some table salt and
biscuits, fruit or in fact, anything easy to eat. Squeeze your nostrils tightly enough to prevent breathing
thorough them but obviously not too tight to hurt. Take a good bite of biscuit or fruit and start
chomping, making sure that the nostrils remain clenched. You will notice that it is impossible to
perceive the flavour or aroma of the food being eaten. Now, with nostrils still squeezed and food still
in the mouth, lick some salt. Although it was impossible to detect the flavour of the food that was
being eaten with clenched nostrils, the taste of the salt is unhindered. Finally, let go of your nostrils
and notice the flavour of the food come rushing into your headspace.
When we eat, taste buds on our tongue and in our mouths pick up only taste but no flavour. The
molecules in food that provide flavour (known as odour or aroma molecules) pass up into the
olfactory bulb where the flavour of the food is registered. When the nostrils are squeezed however, the
air supply passing through the olfactory bulb is cut off, preventing us from registering flavour.
As if this wasn’t enough, the brain has to process information given to it by the other senses and
sometimes, things can be not quite what they seem. Here are just a few examples of the senses
influence on determining what we taste and our emotional response to it.
1/ A few years ago at a Sommelier school in France, trainee wine waiters were put through a routine
wine tasting until-unknown to them- a white wine that they had just tasted had been dyed red with a
non flavoured food dye and brought back out to taste and evaluate. Something very interesting
happened. They all made notes on the assumption that the wine was what it looked like; red. In this
case, the eyes totally influenced flavour perception.
2/ True or false; chewing gum loses its flavour after a certain period of time? True, but not as quickly
as we might think. Basically, what happens is that when we chew, the sweetening agent in the gum
gradually dissolves in the mouth and is then swallowed, reducing its sweetness. We grow up with the
association of menthol and mint with sweet taste every day when we brush our teeth. The brain tracks
the sweetness and as this reduces so too does the perception of the mint and menthol flavours. In
reality however, it has been proven that these aromas are still in our headspace for several hours.
Basically, we register the rate of change of flavour and it is this that can enable a more exciting eating
experience. One way to avoid this satiated effect is to create bursts of flavour. At the restaurant, we do this by
using small cubes of jelly that literally burst in the mouth. It is actually quite easy to do this at home. Certain
211
spices-coriander seed for example-can give a wonderful burst of flavour, much more exciting than incorporating
the same amount of coriander powder.
Another example of this is to make a cup of coffee with one ground bean; it will be most insipid. Now take
the coffee bean whole and pop it into your mouth. Crunch it several times and then knock back the cup of water.
The same amount of coffee and water when served like this will provide a far greater burst of coffee that will last
in the mouth.
In fact, it is this principle that was the catalyst for the much publicised bacon and egg ice cream. The idea
with this dessert was not to create a dessert that was based on breakfast but to play with the whole concept of
encapsulation. Eggs thicken ice cream custard because the proteins in the egg coil up and thicken the mix when
subjected to heat. Like the coffee bean, the coiled up proteins are now in an encapsulated form and can have a
tendency to make the resulting ice cream taste of egg by supplying bursts of egg flavour. In order to avoid this
potential egg flavour, I reduced the cooking temperature of the custards accordingly, resulting in incredibly
clean ices. I then started to wonder what would happen if I made custard loaded with egg yolk and overcooked
it, to the point of scrambling. If then, the mix was pureed and passed through a fine mesh sieve before churning,
what would the ice cream taste like? Well, the first mouthful transported me back to my youth and the fond
memory of Saturday mornings when my mother used to make fried egg on toast. Although a study in the science
of ice cream making and flavour encapsulation, this ice cream had created the emotion of an English breakfast!
3/ only two types of odour are intrinsically repellent and although I don't think that it is appropriate to
talk about these in a food guide, many smells that we think would be repulsive can actually be
perceived as being pleasurable if their context is changed. For example, the smell of old socks has
been shown to be pleasurable when introduced as Parmesan cheese! Context is so important. What
about a wonderful bottle of chilled Muscadet, sipped by the banks of the Loire on holiday in sunny
France, tucking into a platter of plump fresh oysters? The same wine brought back to England just
doesn’t taste the same.
Context can be created by the most simple of things. The description of a dish on its own can create all sorts
of problems and indeed, it was this area that was my first foray in to the world of flavour perception, some seven
years ago. The dish was a crab risotto served with crab ice cream. Described as crab ice cream, this dish
presented a barrier to the diner. Let’s face it; ice cream has to be sweet doesn’t it? Well, no, it doesn’t and
indeed didn’t used to be. Savoury ices were popular in Victorian times but have long since fallen out of fashion.
The same ice cream however, described as frozen crab bisque, presented no barrier, as the term ice cream had
been removed.
4/ Sound can also play an important role in the perception of texture-a valuable part of the whole
taste process. The perception of the crispness of a food can be modified by playing with volume and
pitch.
In a test carried out by an experimental psychologist at Oxford University. Crisps from the same packet,
eaten with the sound of the testers own crunch being fed back to them in real time changed when the volume or
pitch were altered. We have had a sound processor made that can do just this. The results are fascinating and
above all, great fun. Whilst it is not possible to create a crunchy banana, a less than crunchy apple can be made
212
to be crunchier and even perceptively fresher by modifying the sound of the crunch, listened to in real time and
popping candy? When listening to the amplified, pitch modified sound of popping candy running riot in the
mouth, one cannot help grinning like a Cheshire cat!
5/ Our likes and dislikes are forged by memories. I use this word loosely as we could say that we
also have a genetic memory. For example, we are designed to like fat. It is the learned association of
fat with poor health and obesity that prevents us, or rather some of us from liking fatty foods. The
senses act as warning systems, taste being the last of the sensory barriers and bitterness, the last of the
taste barriers. It can prevent us from eating foods that could be harmful and although we might be
genetically pre-disposed to liking or needing certain tastes, it appears that we have the ability to be
able to modify these wants or needs. For example, we grow to like bitter foods; tea, coffee and beer
are generally not acceptable until we reach a certain age.
I began thinking about this whole subject a couple of years ago when I noticed that more and more
customers were commenting on the fact that the red cabbage with grain mustard ice cream served as an
appetiser just got better each time they ate it. Interestingly enough, this was the only dish on the menu whose
recipe had not changed over the past year. It seemed that the barrier being presented (unintentionally) with this
dish was the vivid purple colour of the cabbage gaspacho; a colour not normally associated with food. To some
diners, the difficulty of accepting this colour interfered with the appreciation of the dish.
Smell is the most powerful memory trigger of all of the senses but we differ so greatly in what smells hit the
right or wrong notes. As well as our own emotions differing greatly from person to person, we all live in our
own sensory world. I know that this might seem a little spiritual but we do see, hear and smell things differently.
It was-up until quite recently-considered that we had around three hundred receptors that between them were
responsible for registering all aroma molecules on earth. It is now thought that we have some four hundred but
only use about three hundred of them. We do not all use the same receptors and therefore register flavour
molecules differently. Two people tasting the same banana will not necessarily register the same flavour. The
same goes for sight and sound.
As if this whole process was not complicated enough, the olfactory system is ipsilateral; that is to say the
left side sends signals to the left side of the brain and right to the right. So what relevance does this have to the
way that we perceive flavour? Well, the answer is quite a bit actually. The left side of the brain controls speech
and the right side controls emotion. It was and in some cases still is thought that flavours presented to the left
nostril would be easier to identify and describe whilst flavours presented to the right could elicit a more
emotional response. Whilst this argument does seem to have some evidence to support it, it is by no means
conclusive. What seems to be far more relevant however is the fact that air does not flow through each nostril at
the same volume. This asymmetrical difference changes every few hours. Have you ever noticed that when our
nose is blocked, it seems to be more blocked in one nostril that the other?
The whole process of flavour perception is multi-sensory. We all have our own perception of life.
Not only do we see, hear and taste differently but we have our own, individual personal
experiences, emotion and memory. As long as this continues, the world of eating will be a very
exciting place.
213
A.13. Constructivisme culinaire (collaboration Hervé This / Pierre Gagnaire)
Sont présentés ici quelques extraits des travaux de constructivisme culinaire issus de la collaboration
entre Hervé This (dans le rôle du physico-chimiste) et Pierre Gagnaire (dans le rôle du cuisinier)131
La théorie ne valant que si elle est accordée à une pratique (qui, dixit hervé, " démontre que les idées
abstraites ne sont pas des élucubrations intellectuelles, mais, au contraire, de véritables supports de
la pensée artistique"), cette collaboration prend toute sa force lorsque Pierre réussit à intégrer les
idées d’Hervé dans des recettes. Ainsi, chaque mois, Hervé présente une nouveauté de gastronomie
moléculaire et Pierre en propose une interprétation culinaire. On trouvera ci-après les textes d'Hervé
regroupés et, dans l'annexe suivante, quelques recettes de Pierre.
L’œuf à 65°C
L'œuf est à l'origine de tout : l'œuf, c'est le poussin en devenir, mais c'est aussi l'ovule humain, qui fera
le cuisinier. Bref, il faut commencer par l'œuf. Dans la coquille,un blanc et un jaune, pour dire les
choses simplement. Et l'on sait que l'œuf cuit. Cuit ? Oui, le liquide qu'est le blanc durcit quand on le
chauffe (contrairement à un glaçon, qui, lui, fond), de même que le jaune.
A quelle température un blanc d'œuf cuit-il ? Une première expérience consiste à chauffer un verre
où l'on a mis un blanc d'œuf : on voit que le blanc coagule, à partir du fond. Et si l'on a la curiosité de
mettre un thermomètre précis au-dessus de ce front qui monte, on constate que le blanc coagulé, en
dessous, est à plus de 62°C, tandis que la partie supérieure est à moins de 62°C. Autrement dit, le
blanc d'œuf commence à coaguler à 62°C. Le jaune, lui, c'est à 68 °C que la transformation
apparaît. D'où la question : qu'obtiendra-t-on si l'on met un œuf dans un four à 65°C, c'est-à-dire à plus
de 62°C et à moins de 68°C ? Réponse évidente : le blanc devrait être cuit, mais pas le jaune.
Un test expérimental s'impose aussitôt : dans un four (ou dans une casserole avec de l'eau, si votre four
est trop imparfait), mettez des œufs et attendez une ou deux heures. Enlevez la coquille jusqu'à la
moitié de la hauteur : vous obtenez un étrange œuf, avec un jaune cru, bien orangé, au centre d'une
masse très délicatement prise. Rien à voir avec ces œufs durs caoutchouteux, dont la texture prévient
la perception du goût.
131 Les textes originaux et recettes sont accessibles sur le site internet du restaurant Pierre Gagnaire (http://www.pierre-gagnaire.com/index.htm, rubrique « science et cuisine »). Sont reproduites ici les propositions d’Hervé (occasionnellement très légèrement adaptées), ainsi que quelques exemples de recettes proposées en miroir par Pierre; à vous d'aller voir la suite sur le site ou, mieux, sur place, rue Balzac…
214
Le beurre chantilly
Je prends les devants parce que je sais qu’il y a un risque de confusion : il n’y aura pas de crème,
dans ce nouvel ingrédient. Seulement du beurre et de l’eau, plus des molécules odorantes. Oui, mais
avant d’arriver à la recette proprement dite, je dois parler du lait et de la crème.
Le lait est blanc parce que c’est ce que l’on nomme une « émulsion » : il est majoritairement
composé d’eau, mais, dans cette eau, sont dispersées des gouttelettes de matière grasse. Et le lait est
blanc, quand il est éclairé par de la lumière blanche, parce que cette lumière vient se réfléchir sur les
gouttelettes (l’eau, elle, laisse passer la lumière) : ce que nous voyons, ce sont les innombrables
reflets sur les innombrables gouttelettes de matière grasse. En voulez-vous une preuve ? Eclairez du
lait avec de la lumière rouge et vous le verrez rouge ! Donc le lait est fait de gouttelettes de matière
grasse dispersées dans de l’eau (d’autres choses aussi, mais nous pouvons éviter de les évoquer).
Quand on laisse le lait reposer, les gouttelettes de graisse viennent flotter en surface, ce qui
engendre une émulsion concentrée en matière grasse, la crème, et laisse dans la partie inférieure du
récipient une émulsion appauvrie : le lait écrémé.
Prenons cette crème, refroidissons-la et fouettons-la : le fouet introduit des bulles d’air, qui sont
piégées par la matière grasse, laquelle vient former une sorte de coque autour de chaque bulle. On
obtient ainsi la crème fouettée, ou crème Chantilly, quand on ajoute du sucre. Nous sommes
maintenant prêts pour décrire la nouvelle invention. Réfléchissons à la production de la crème
Chantilly : nous avons transformé une émulsion en une émulsion mousseuse Pourrions-nous changer
les ingrédients ? Pour le chimiste, l’eau, c’est l’eau, et même si du bouillon n’a pas le même goût
que du jus d’orange, les deux liquides sont majoritairement composés d’eau. Dans cette eau, le
procédé précédemment décrit disperse de la matière grasse : en 1995, j’ai proposé d’utiliser du
chocolat en conservant le même procédé, et j’ai ainsi inventé le « chocolat Chantilly ». Puis, juste
après, j’ai proposé d’utiliser du fromage pour faire du « fromage Chantilly ». Et, l’an passé, nous
avons réalisé en pratique une invention faite naguère : le « foie gras Chantilly ».
La nouvelle invention était également prévue depuis quelques années : c’est de conserver le
procédé mais de remplacer la matière grasse de la crème par du beurre, pour faire, donc, du « beurre
Chantilly ». Et c’est toi, Pierre, qui m’a fait le plaisir de réaliser la recette pour la première fois, le 7
janvier 2003. L’année commence bien. En pratique : comment faire ? D’abord, on réalise une
émulsion, en plaçant, dans une casserole, de l’eau (qui peut avoir du goût) et du beurre. On chauffe
doucement en agitant, et l’on obtient d’abord une émulsion de beurre dans de l’eau, une sorte de
cousin du beurre blanc. Puis on pose la casserole sur de la glace et l’on fouette : si les proportions
sont appropriées (il faut retrouver celles de la crème), on voit le mélange mousser et prendre
finalement une texture analogue à de la crème Chantilly : nous y sommes, c’est le « beurre
Chantilly »
215
L’effet pastis
La question du goût est paradoxale, en cuisine … à moins qu’elle ne soit révélatrice de l’acuité
remarquable de nos perceptions. Je m’explique : un bouillon, c’est essentiellement de l’eau. Y sont
dissoutes diverses molécules solubles dans l’eau : molécules sapides (celles qui donnent de la saveur,
en agissant sur les récepteurs des papilles), molécules qui donnent de la couleur. Et les molécules
odorantes, dans tout cela ? Le paradoxe est là : une molécule est odorante si elle s’échappe dans l’air,
pour venir stimuler les récepteurs olfactifs, dans le nez. Il faut donc qu’elle soit petite, et insoluble
dans l’eau ! Autrement dit, on ne pourrait pas faire de bouillon qui ait du goût, c’est-à-dire à la fois de
la saveur et de l’odeur. Naturellement, cette présentation théorique est biaisée : les molécules
odorantes ont beau être peu solubles dans l’eau, elles s’y dissolvent un peu, de sorte que notre
olfaction les perçoit, même en petites concentrations. Et voilà pourquoi le bouillon a du goût.
Reste qu’en cuisine, l’introduction dans l’eau de molécules plutôt insolubles dans l’eau est une
difficile question : souvent, les cuisiniers s’en sortent en préparant des «émulsions», c’est-à-dire en
dispersant dans l’eau, à l’aide des molécules «entremetteuses», des gouttes d’huile où sont dissoutes
les molécules insolubles dans l’eau, mais solubles dans l’huile ; les molécules entremetteuses ne
manquent pas, entre les protéines, les lécithines du jaune d’œuf … Médiocre solution, toutefois, car les
émulsions tournent, ne sont pas stables à moins d’être saturées en huile… La chimie peut-elle
contribuer à l’avancement de l’art culinaire, en trouvant une meilleure solution ? Si la question est
posée, c’est évidemment que la réponse est donnée. Elle tient tout entière dans le remarquable
phénomène que vous observerez si vous ajoutez du pastis à un peu d’eau : un trouble apparaît. Le
phénomène résulte du fait que l’anéthol, qui donne le goût anisé au pastis, est soluble dans l’alcool,
mais pas dans l’eau. Tant que le pastis est dans sa bouteille, l’anéthol reste en présence d’assez
d’alcool pour qu’il soit soluble, mais quand on verse le pastis dans l’eau, l’anéthol se trouve plutôt en
présence d’eau, de sorte qu’il se sépare, en microscopiques gouttelettes dispersées dans l’eau.
Comment mettre cet effet en œuvre ? Imaginons que nous ayons des molécules odorantes, très
peu solubles dans l’eau. Mettons-les dans l’alcool. Puis ajoutons cette solution à de l’eau : un
trouble apparaît, parce que les molécules odorantes forment alors des gouttelettes
microscopiques, dispersées dans l’eau. Mieux encore, ce trouble est assez stable : plusieurs jours
après la manipulation, il subsiste.
La farine torréfiée
La gastronomie bruit encore de la guerre des sauces à la farine : utilisée depuis longtemps pour la
liaison des sauces, la farine avait reçu l'anathème, parce qu'elle donnait, disait-on, un goût de colle
blanche. Brunie avec de la graisse ? Elle n'échappait pas à la critique, parce que la graisse cuite aurait
216
été indigeste, nuisible… Alors, finies les grands veloutés, les espagnoles ? Certains s'en sont tirés en
remplaçant la farine par la maïzena ou la fécule, mais le fait demeure : l'amidon est composé de deux
molécules, l'amylose (comme un grand fil) et l'amylopectine (une molécule en forme d'arbre), qui
peuvent s'enrouler autour des molécules "hydrophobes" (insolubles dans l'eau), catégorie à laquelle
appartiennent les molécules odorantes. Alors, fini le règne de la farine ? Pas nécessairement : d'une
part, la liaison des molécules odorantes et de l'amylose n'a lieu que pour de petites molécules ; d'autre
part, cette liaison peut devenir un atout, car elle retarde la libération des molécules odorantes. Passons,
ce n'est pas l'objet exact de notre travail du mois.
Ce qui nous intéresse ici, c'est le goût fade de la farine ; un peu " colle blanche ". La raison pour
laquelle on fait les roux, pour les sauces, c'est ce goût fade, que l'on combat en modifiant
chimiquement l'amidon, et les protéines de la farine. Le brunissement est la garantie d'un goût
puissant, d'origine encore mal connue. Oui, mais en pâtisserie, et aussi en cuisine, on utilise souvent
la farine, n'est-ce pas ? Du coup, le pain est composé d'une croûte goûteuse et d'une mie souvent
fade… comme la farine des sauces. Pourquoi ne pas utiliser plutôt une farine torréfiée ? De même
dans les quenelles, les pâtes sablées, brisées, feuilletées…
Torréfier n'est pas difficile : on étale la farine sur une plaque et l'on passe sous le gril ; quand la
couleur voulue est atteinte, on sort la plaque. La farine a pris un goût qui a quelque chose du chocolat,
un peu comme les olives noires que l'on fait sécher une nuit à 100°C et que l'on réduit ensuite en
poudre. Normal : le chocolat aussi a été torréfié. Et l'on peut jouer avec les goûts : la torréfaction d'une
farine, avec l'amidon et les protéines, fera certainement intervenir les réactions dites de " Maillard ",
mais la torréfaction de fécule, faite seulement d'amidon, s'apparentera plutôt à ce que les chimistes
nomment une pyrolyse… comme on en fait une quand on passe des carapaces de crustacés au four,
pour faire une bisque.
La gelée de thé
Une gelée de thé ? Impossible de l'obtenir claire par le procédé habituel : dès que la gélatine est mise
dans le thé, ce dernier se charge d'un trouble brun clair peu appétissant. Comment faire ? La solution
peut éventuellement provenir d'une recherche empirique, mais que de temps, d'énergie et de talent
perdus ainsi. Il vaut mieux aller à la cause, pour en dériver une ou plusieurs solutions.
La cause ? Les feuilles de thé placées dans l'eau laissent d'abord échapper des molécules odorantes,
puis, très vite, des tanins. Ces derniers ont la propriété de tanner ! Rien de nouveau, mais décryptons :
tanner, cela signifie que les peaux que l'on tanne sont durcies. Pourquoi ? Parce que ces tanins ont la
particularité de porter des groupes chimiques qui assurent l'attachement aux protéines, telles celles qui
sont dans les peau, ou dans les chairs animales. Or la gélatine est précisément une protéine, et les
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tanins du thé s'y lient. C'est ce qui se passe dans le thé : la gélatine ajoutée est captés par les tanins,
et les agrégats tanins/gélatine formés précipitent, formant le trouble.
Des solutions ? Il y en a plusieurs:
- La première consiste à faire un thé très léger, dont les tanins n'auront pas été extraits
des feuilles de thé. Mais la gelée formée risque de manquer d'astringence (cette
sensation de bouche sèche ou resserrée provient de ce que les tanins du thé se lient
aux protéines de la salive, lesquelles lubrifient la bouche ; sans ces protéines, la
bouche paraît sèche). Ce n'est pas une bonne solution : il faut alors mettre beaucoup
de feuilles d'un thé pas trop astringent, et ne laisser infuser que peu de temps.
- Une autre solution consiste à remplacer l'agent gélifiant classique (la gélatine, qui
est une protéine) par un autre agent, qui ne soit pas une protéine. Le choix ne manque
pas, entre les alginates, carraghénanes, agar…Mais la consistance n'est pas la même !
- Une autre solution, plus astucieuse : puisque la gélatine fait précipiter les tanins,
ajoutons de la gélatine, puis laissons sédimenter les agrégats tanins/gélatine.
Filtrons, centrifugeons, décantons, au besoin. Puis, quand tout le trouble est éliminé,
remettons de la gélatine, qui ne sera plus précipitée par les tanins, puisque ceux-ci
auront été préalablement captés. La gélification se fait alors sans difficulté.
Deux goûts à partir d’un seul
J’ai cru comprendre que la recherche de goûts nouveaux était une quête importante de la cuisine. Je
viens de me souvenir que, il y a plusieurs années, j’avais trouvé un moyen de multiplier par deux le
nombre des goûts connus ! Tout est très simple. Il s’agit seulement de penser aux molécules qui
donnent du goût aux aliments. Ce goût a plusieurs composantes : saveur, odeur, effet trigéminal (le
frais, par exemple)… Et les molécules qui donnent le goût d’un ingrédient, que ce soit une
carotte ou du cumin, sont soit solubles dans l’eau, soit solubles dans l’huile, soit un peu
solubles dans chacun.
Dans les laboratoires de chimie analytique, il existe des appareils nommés « ampoules à
décanter » pour séparer les molécules solubles dans des liquides non miscibles. Par exemple, si l’on
a deux types de molécules, nommons-les A et B, dans de l’eau, et si les molécules B sont plus
solubles que les molécules A dans un solvant qui ne se mélange pas à l’eau, alors on peut séparer les
molécules A et les molécules B : il suffit d’ajouter du solvant à la solution aqueuse des molécules A
et B, de secouer l’ampoule et d’attendre que la solution et le solvant se séparent ; les molécules B,
plus solubles dans le solvant que les molécules A, iront préférentiellement dans le solvant, tandis que
les molécules A resteront dans l’eau. Il suffira ensuite d’ouvrir le robinet qui figure à la base de
218
l’ampoule à décanter pour que l’eau s’écoule, emportant les molécules A, tandis que les molécules B
resteront dans l’ampoule, avec le solvant.
En cuisine ? Il suffit d’un bocal à confitures : mettons-y de l’huile et de l’eau, tant pour tant, puis
ajoutons un bâton de cannelle, par exemple. Si on secoue le bocal, celles des molécules de la
cannelle qui sont plus solubles dans l’eau que dans l’huile iront dans l’eau, tandis que les molécules
de la cannelle qui sont plus solubles dans l’huile que dans l’eau iront dans l’huile. Si on décante
ensuite l’huile dans un autre récipient, elle emportera avec elle les molécules qui y seront dissoutes,
et resteront dans l’eau d’autres molécules. Autrement dit, les deux « solvants » (l’huile et l’eau)
contiendront des molécules différentes : ils auront des goûts différents.
Cristaux de vent
J’ai oublié de décrire un résultat important, parce que j’en avais fait une expérience pour des enfants.
Or je m’aperçois que ce résultat peut être utile en cuisine ! L’idée de base était de chercher pourquoi
les blancs en neige blanchissent, pourquoi ils deviennent fermes et, surtout, combien de blanc en neige
on peut faire avec un seul blanc d’œuf. Questions simples, dont j’ai fait le protocole d’un « Atelier
expérimental du goût », à la demande de Jack Lang, quand il était ministre. Tout est sur le site du
Centre de recherche et de documentation pédagogique (http://crdp.ac-paris.fr/ cliquez sur le chapitre
"Art et culture" dans la partie gauche de l'écran, puis sur le lien "dossiers" et enfin sur le lien "fiches"
du paragraphe "Atelier du goût") : protocoles, documents pédagogiques pour ceux qui voudront mettre
les protocoles en œuvre avec des enfants des écoles, films montrant les expériences. Le premier de
protocole, donc, est un concours de blanc en neige : tous les enfants d’une classe, par binômes, doivent
battre un blanc d’œuf, afin d’obtenir le plus possible de blanc en neige. Et je sais bien que les résultats
de tous les groupes seront du même ordre : un petit quart de litre, guère plus. En conclusion de ce
protocole, j’invite à réfléchir à l’idée suivante : pourquoi n’obtient-on pas plus de mousse ? Si ça ne
mousse pas plus, c’est qu’il manque quelque chose, mais quoi ? Pour répondre, il suffit de savoir que
le blanc d’œuf est fait surtout de protéines et d’eau. Donc le blanc battu en neige est fait d’air, de
protéines et d’eau. Il manque quelque chose pour obtenir plus de mousse : c’est donc soit d’air, soit de
protéines, soit d’eau. L’air ne manque pas : la preuve en est que, quand on double le volume initial de
blanc d’œuf (donc de protéines et d’eau), on obtient deux fois plus de blanc en neige. Donc on manque
soit de protéines, soit d’eau, soit des deux à la fois. De quoi manque-t-on ? Quand on ne sait pas, rien
ne vaut une expérience bien pensée. Comme il est plus facile d’ajouter de l’eau que des protéines, je te
propose d’ajouter de l’eau à un blanc battu en neige, et de continuer de battre. Le volume de mousse
augmente ! Et un calcul simple montre que l’on peut ainsi obtenir plus d’un mètre cube de blanc en
neige avec un seul blanc d’œuf ! Sans aller à cet excès, on voit que l’ajout d’eau à un blanc battu
permet de faire un volume de blanc en neige… qui tient un peu moins bien que du blanc classique,
sauf si l’on ajoute du sucre, auquel cas on obtient un « appareil » à meringue française.
219
Bref, j’arrive à l’idée de ces meringues parfumées et allégées : tu bats un blanc en neige ; puis,
quand il est monté, tu lui ajoutes un liquide parfumé et tu continues de battre. Quand tu juges le
volume suffisant, ou la texture suffisamment légère, tu ajoutes du sucre (force la dose, pour que tout
tienne bien) en continuant de battre. Enfin, en formant délicatement des tas de cet appareil sur un
papier sulfurisé, tu cuis pendant 40 minutes à 120 degrés, puis tu sèches en réduisant la température
à 100°C, houras ouverts. Tu verras : quelle légèreté, ces « cristaux de vent » !
L’acide tartrique
Puisque le vin apporte de l'acide tartrique, pourquoi ne pas apprendre à l'utiliser sans les molécules qui
l'accompagnent habituellement, quand on fait fermenter le jus de raisin ? Cela fait des années que je
propose d'utiliser des " produits chimiques " en cuisine ! Des années que je fais cette proposition avec
un peu d'humour, en signalant que, puisque la cuisine met en œuvre des réactions chimiques, autant
franchir le pas, et utiliser directement des composés définis. Dans la revue Scientific American et son
édition française, je concluais un article, en 1995, en rêvant au jour éloigné où l'on n'ajouterait pas des
compositions aromatiques telles qu'en utilisent les industriels, mais des composés définis, aux odeurs
et saveurs spécifiques. Car le monde chimique est infini ; c'est -du point de vue de la cuisine- une terra
incognita, une terre inconnue. Evidemment les terra incognita mentionnées sur les cartes d'antan sont
pleines de richesses et aussi de danger. Hic sunt leones, indiquaient les cartes : ici sont les lions ! De
fait, l'exploration gustative du monde chimique doit se faire avec discernement, et c'est pourquoi je
concluais mon article en faisant l'hypothèse que le temps où l'on utiliserait des composés chimiques
serait lointain.
Erreur, nous y sommes ! Des cuisiniers ont déjà mis en application nombre de propositions "
chimiques " que je faisais : ils remplacent maintenant le jus de citron qui empêchent les artichauts de
noircir par la vitamine C (l'acide ascorbique est son vrai nom chimique), moins coûteuse,
gustativement neutre… et plus efficace ; ils utilisent les alginates, carraghénanes et autres gommes de
guar ou de caroube pour gélifier, aux côtés de l'ancestrale gélatine ; certains, même, utilisent des
compositions aromatisantes produites par l'industrie des arômes. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ?
Observons que la chimie n'est pas en cause, puisque c'est une science, la recherche de connaissances,
qui ne doit pas être confondue avec l'application que l'on fait de ces connaissances. Posons alors la
question différemment : est-ce bien ou mal, de la part des cuisiniers, de mêler aux ingrédients naturels
des produits qui ne le sont pas ? Je crois que le monde de la cuisine va être secoué par les mêmes
débats que celui de l'énergie : nucléaire ou pas ? Ou que le monde de l'agriculture : transgenèse ou non
? Ou que le monde de la médecine : clonage ou pas ? Ou que le monde de la musique : notes faites par
des instruments ou par des synthétiseurs ? Je laisse les praticiens décider, parce que la science n'a pas
pour mission de distribuer des jugements éthiques ; elle doit se contenter de donner des connaissances
220
et les moyens d'en juger. Par exemple, il n'y a pas de risque à utiliser de l'acide ascorbique pour
prévenir le noircissement des végétaux, car la vitamine C en excès est éliminée dans les urines. Et les
alginates ou carraghénanes ne sont pas plus diabolique que la gélatine, incriminée à tort de propager le
prion de la vache folle. Il est temps d'avoir des jugements rationnels sur ce que nous mangeons !
Assez de ces questions éthiques ; venons-en à ma proposition du mois. Comme je m'offusque de
cuire les vins, ce qui évapore les précieuses molécules odorantes qu'ils renferment, je te propose
aujourd'hui de comprendre pourquoi le vin est utilisé en cuisine. Analysons : si le vin est cuit (parfois "
à sec ", disent les recettes), que reste-t-il dans les casseroles ? Le vin est un mélange d'eau, d'éthanol
(couramment nommé "l'alcool"), de sucres, de tannins, de glycérol, de sels minéraux, d'acide tartrique,
de molécules odorantes. Quand on le cuit, restent dans la casserole les molécules qui ne s'évaporent
pas : essentiellement l'acide tartrique, le glucose, les acides aminés (qui réagissent avec le glucose si la
cuisson dure assez longtemps), le glycérol, les tanins. Ca tombe bien ! Le glucose, par exemple, donne
une saveur un peu douce, qui nappe les sauces d'une sorte de voile gustatif. L'acide tartrique, lui,
apporte une acidité bien plus élégante que les acides acétique ou lactique, par exemple. Les tanins
donnent du corps. C'est peut-être pour cette raison que le vin est si utilisé dans la cuisine française
classique. D'où ma proposition d'utiliser directement de l'acide tartrique dans les sauces.
Les tanins, un monde à explorer
Le vin est un produit noble … quand il a été produit noblement ! Alors le cuisinier le boit avec
respect. Il respecte non pas le vin, mais le travail du vigneron. Toutefois le cuisinier n’oublie jamais
qu’il est cuisinier, avant d’être buveur de vin. Or son métier est, quoi que certains en disent, tout «
artificiel » : si le cuisinier se contentait de donner à ses convives des ingrédients naturels, ou s’il se
limitait à redonner des produits fabriqués par d’autres, il ne serait pas cuisinier, mais maraîcher ou
épicier. Non, décidément, la cuisine, c’est le royaume de l’artifice, le mot ayant la même étymologie
que « art ». Le vin peut-il donc seulement être servi par le sommelier ? Le cuisinier voit quelque
chose d’important échapper à son art… et c’est pourquoi il utilise le vin en cuisine. Utilisation
difficile, questionnable par le chimiste qui met son nez au-dessus des casseroles : si une bonne odeur
de vin s’en dégage, c’est la preuve que le travail de cuisine gâche les molécules odorantes
savamment réunies dans les bouteilles ! Du coup, le chimiste se demande quelle est cette tradition,
qui consiste à chauffer du vin, quels sont ses effets ?
Au premier ordre, le vin, c’est de l’eau, avec de l’éthanol (l’ "alcool"), des sucres tels que le
glucose, de l’acide tartrique, des molécules de la classe des polyphénols, des sels minéraux et des
molécules odorantes. Ce mois-ci, je propose de considérer les polyphénols, qui sont des molécules
merveilleuses, puisque, selon leur constitution exacte, donnent de la couleur, de la saveur, de
l’astringence… Ces molécules sont réactives, ce qui explique le changement de couleur des vins
221
vieux : les polyphénols réagissent avec d’autres composés. Les tanins, notamment, sont des
polyphénols, et ils contribuent à donner du corps au vin.
Que faut-il savoir d’autres ? Que la cuisson évapore les molécules odorantes, mais pas les
polyphénols (tanins compris), qui, s’ils ne réagissent pas chimiquement lors des cuissons, donnent
une couleur soutenue aux sauces. Des collègues de l’INRA, à Pech-Rouge, ont mis au point un
procédé pour récupérer ces tanins, à partir du bois, à partir du raisin, à partir des pépins… Autant de
produits que le cuisinier peut utiliser.
Le note à note
Qu’est-ce que cette cuisine note à note ? Une comparaison avec la musique le fait…entendre.
Imagine un pianiste qui ne jouerait que des accords : plaquant à la fois la main gauche et la main
droite, il jouerait ainsi jusqu’à dix notes à la fois, en une sorte de musique très lourde. A l’opposé, il
y a la musique note par note, où les doigts s’enchaînent, égrenant un filet musical léger. J’ai
l’impression que la cuisine, jusqu’ici, a été par accord, plus que note par note. Prends un cuisinier
classique : dans son pot, il mettra une poule, des légumes, du vin, que sais-je ? Chacun des
éléments est composé de très nombreuses molécules sapides ou odorantes : par exemple, le vin,
c’est à la fois de l’eau, de l’éthanol (l’alcool du vin), des tanins, des tartrates, des molécules
odorantes variées… Tout cela, le cuisinier l’ajoute à la fois, d’un coup, comme un accord de
pianiste. Ne pourrions-nous pas opposer, à cet ajout, celui de tartrates, de tanins, d’éthanol,
etc. en quantités précises, dosées ? C’était précisément l’objet de certains de nos travaux. Il y
quelques mois, nous avons joué avec l’acide tartrique, puis avec des composés phénoliques extraits
du raisin. Ces composés étaient ajoutés au pot, en quantités dosées. La voilà, la cuisine note par note.
Ce qui me fait penser à la conclusion d’un article que j’avais écrit dans la revue Scientific
American, en 1994 : je rêvais au temps où les cuisiniers ajouteraient des composés définis en
quantités précises. A l’époque, j’écrivais cette conclusion sans y croire… mais nous y sommes. Nous
sommes à ce moment de l’histoire de la cuisine où, sans qu’il soit interdit de continuer à utiliser du
vin, des carottes, des oignons, de la volaille… nous nous donnons le droit d’utiliser des « notes »
pour en jouer de façon plus légère. Au fond, ce type d’ajout était déjà présent, pour le sel, le sucre…
Bien peu de produits, qui se sont imposés progressivement. Alors pourquoi pas d’autres ? Au nom
de la tradition ? L’argument ne tient pas, car il était un temps où les cuisiniers ne disposaient pas des
sucres blancs, purs, d’aujourd’hui ; il était un temps où le sel était gris. Et puis, ne devons-nous pas
cesser de toujours regarder derrière nous, pour essayer d’imaginer le futur ? La véritable question,
c’est : que voulons-nous que la cuisine soit dans un an, dans dix ans, dans cent ans ? De toute façon,
ces modifications sont mineures et anodines, face à la véritable mission de la cuisine, qui consiste à
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donner de l’amour. C’est là que le futur doit être envisagé, sur des bases techniques débarrassées
d’une gangue historique qui ne devrait appartenir qu’au musée.
Des bouillons plus longs en bouche
Un bouillon sans gras est toujours court, à moins qu’il soit chargé de gélatine, auquel cas celle-ci
donne de l’ « onction », comme disait le cuisinier français Marie Antoine Carême (1783-1833).
Ouais… Et pour les carottes, par exemple, qui ne libèrent pas de gélatine, au cours de la cuisson ?
Pas question de faire le bouillon de carottes à partir d’un fond de viande, sans quoi le goût de la
viande luttera contre celui des carottes. Non, il faut trouver autre chose, pour que le bouillon de
carottes fait d’eau de source et de carottes puisse avoir quelque longueur en bouche.
Ce quelque chose a été trouvé empiriquement : c’est le gras ! Dans les bouillons, de carotte par
exemple, il provient du suage initial des légumes ; ceux-ci libèrent des molécules odorantes, qui sont
souvent peu solubles dans l’eau, mais qui se dissolvent dans la graisse utilisée pour le suage (souvent
du beurre). Puis, quand l’eau de source est ajoutée, cette graisse s’émulsionne plus ou moins… Et,
lors de la dégustation, la graisse chargée des molécules odorantes vient tapisser la bouche, et libérer
lentement les molécules odorantes.
Très bien, mais l’ajout d’eau à de la graisse n’a jamais très bien émulsionné celle-ci. Imagine
que tu veuilles disperser de l’huile dans un bouillon : si tu verses l’huile à la surface et que tu
fouettes, tu parviendras difficilement à fragmenter la nappe d’huile en petites gouttes. Or je te
rappelle que seules les petites gouttes ont une chance de rester dans le liquide sans venir surnager !
Les grosses gouttes, elles, crèment rapidement, et forment une nappe d’huile inesthétique en surface.
Non, il manque un « truc ».
Ce truc, l’empirisme l’a également trouvé. Il s’agit d’utiliser la graisse pour faire d’abord une
émulsion, où l’on parvient sans difficulté à faire de très petites gouttelettes, puis de disperser
l’émulsion dans le bouillon.
Par exemple, imagine que tu aies sué des carottes dans une grande quantité de beurre clarifié. Tu
prends un jaune d’œuf ou un blanc d’œuf, voire une feuille de gélatine et un peu d’eau, et tu ajoutes
la matière grasse liquide et odorante en fouettant, comme pour monter une mayonnaise. N’hésite pas
à utiliser le batteur électrique, n’hésite pas à battre très longtemps, afin d’obtenir des gouttelettes très
petites. Quand l’émulsion est formée, bien ferme, tu ajoutes le bouillon de carottes bien clair. Les
gouttelettes de matière grasse sont dispersées, et leur petite taille prévient leur crémage.
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Plus généralement, pour donner de la longueur en bouche à n’importe quel liquide à base
d’eau, le procédé s’impose. Tu fais une émulsion, et cette émulsion est étendue par le liquide
auquel tu veux donner de la longueur. Tiens, par exemple : imagine une émulsion à base de blanc
d’œuf et d’huile de noisettes sur un jus d’huîtres. Ou bien le vin blanc où des moules auront cuit,
additionné à un kientzheim (que tu sais faire, puisque c’était notre thème d’il y a quelques mois) ?
Ou encore un jus de fraises, où tu auras ainsi ajouté de l’huile d’olive où une herbe aromatique aura
infusé…
L’enfleurage des fromages
L'enfleurage est un procédé classique, en parfumerie, qui vise à extraire le parfum des fleurs les plus
délicates. Pour ces fleurs, la distillation ou l'entraînement à la vapeur d'eau ne sont pas de mise, car
les molécules odorantes sont dégradées, ou extraites en compagnie d'autres molécules indésirables,
si bien que le parfum récupéré est à mille lieux de celui de la fleur. Les parfumeurs ont tiré parti
d'une observation classique en cuisine : quand on laisse du beurre à côté de l'ail, le chocolat à côté du
poisson ou l'oeuf à côté de la truffe, des molécules odorantes viennent se dissoudre dans la graisse.
Le phénomène est gênant pour le beurre ou le chocolat, mais utile dans le cas de l'oeuf.
En fromagerie, cet effet est utilisé depuis longtemps : nombre de fromages sont ficelés dans des
feuilles de sauge, dans de la cendre... Cette fois, le contact est direct, mais l'effet est le même : les
molécules odorantes, souvent très peu solubles dans l'eau, diffusent dans la graisse du fromage.
S'ajoute la diffusion des molécules solubles dans l'eau, souvent sapides, dans l'eau du fromage. Tout
passe, dans cet ingénieur système, et le temps se charge d'assurer une migration que le savoir-faire
doit régler.
En parfumerie, ce procédé a pour nom "enfleurage" : les fleurs les plus délicates sont posées sur
des couches de graisse neutre, et changées à mesure que s'épuise leur parfum. Puis les graisses sont
fondues, et recueillies, chargées du parfum des fleurs. Evidemment, au fil des siècles, le procédé
ancien a été perfectionné : on a placé les cadres et leurs fleurs dans des armoires étanches aux
molécules odorantes, afin de mieux récupérer les molécules volatiles qui sont celles du parfum des
fleur, on a épuré les graisses, etc.
Généralisons: le procédé consiste à dissoudre par diffusion des molécules odorantes et sapides
dans un fromage, par exemple ? Alors pourquoi se limiter aux classiques feuilles de sauge, de
châtaigner, etc. ? Pourquoi s'empêcher d'envelopper les fromages dans des lamelles de navet, de
carotte, de poireau, de fenouil, de céleri, voire de viande, de poisson, de crustacés ? Les mêmes causes
produisant les mêmes effets, il sera enfin possible de travailler les fromages non seulement du point de
vue de leur texture, mais aussi de leur goût. Naturellement ces procédés qui se fondent sur la diffusion
sont lents, mais après tout, sommes-nous si pressés ? Et puis, la physico-chimie sait bien que ces
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diffusions sont plus rapides quand la température augmente. Pour accélérer éventuellement le procédé,
il suffit de chauffer un peu.
Contrastes simultanés
L’étude des juxtapositions culinaires est en retard sur celle des juxtapositions de couleurs, en peinture.
Ce dernier art doit beaucoup au chimiste français Michel Eugène Chevreul (1786-1889), réputé dans le
monde entier pour ses travaux sur la chimie des graisses. Toutefois, Chevreul s’est aussi fait connaître
des peintres pour sa "loi du contraste simultané des couleurs" : sollicité par les teinturiers de la
Manufacture des Gobelins, qui se plaignaient que certaines couleurs donnaient de mauvais résultats, il
découvrit d’abord que certaines teintures n’étaient chimiquement pas stables ; puis il observa que
d’autres teintures, pourtant chimiquement stables, ne donnaient pas les résultats qu’on attendait
d’elles. C’est ainsi qu’il découvrit que les couleurs sont contaminées par les couleurs voisines. Plus
précisément, il démontra qu’une couleur est influencée par la couleur complémentaire de la couleur
voisine. Voila pourquoi le blanc qui jouxte du bleu semble jaune (le jaune est le complémentaire du
bleu). Voila aussi pourquoi du vert et du rouge semblent parfois « clignoter », ou « vibrer » : le
complémentaire du vert est un rouge qui aura peu de chances d’être exactement celui d’à côté, et on
observera un phénomène de battements.
Un phénomène analogue peut-il se produire en cuisine ? Quel serait l’équivalent culinaire de la loi
du contraste simultané des couleurs ? Je pose différemment la question : quel goûts, rapprochés, se
modifient mutuellement ? A la clé de cette question, la possibilité d’une analyse encore jamais faite,
qui ferait pendant à celle de Chevreul. L’enjeu est de taille, quand on sait que la découverte de la loi
du contraste simultané des couleurs engendra l’école néo-impressionniste représentée par des peintres
de la stature de Delaunay !
Evidemment, quelques lois s’imposent, tant elles sont évidentes :
Loi de la juxtaposition : un ingrédient paraît fade s’il est placé à côté d’un autre ingrédient de même
goût, plus soutenu. Mais ce dernier sera alors rehaussé.
Loi de la longueur : un goût paraîtra plus long en bouche s’il est mis dans plusieurs contextes de
rétention différents (cette loi fera l’objet de développements ultérieurs, quand nous examinerons les
moyens techniques utilisables pour donner de la longueur en bouche).
Loi du support : tout ingrédient en masse peut servir de support à des composés aromatiques ou
sapides pourvu que sa concentration en ces molécules soit inférieure. Par exemple, des framboises
dans du fromage blanc.
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Loi de la constitution : un plat aura davantage de longueur s’il a une tête, un corps et une queue. Par
exemple, un pain perdu (support du beurre, note de queue), avec des abricots caramélisés (notes de
corps et de queue) et une feuille de menthe ou du jus de menthe (note de tête).
Loi de la dominance : une masse d’une saveur majoritaire doit toujours être réveillée par une autre
masse. Par exemple, un plat très sucré doit être acidifié. Un plat très acide doit être adouci.
Toutefois, on a un aperçu du contraste simultané des goûts quand on prépare trois préparations,
fondées sur une même base, à laquelle on ajoute un ingrédient odorant ou sapide, soit en concentration
moyenne, soit en forte concentration. Selon l’environnement de la préparation moyennement
aromatisée, on perçoit celle-ci très aromatisée (quand elle est proche de la préparation de base), soit
peu aromatisée quand elle est proche de la préparation fortement aromatisée. Une illusion gustative : le
goût change selon son environnement !
Gradients…
Gradient ? Un mot de science pour dire ce que la peinture nomme le dégradé. On passe régulièrement
du jaune au bleu, quand on change la teinte, du blanc au vert quand on change la saturation d’une
couleur fixe. Gradient est un terme plus large, qui invite l’artiste à plus de possibilités. Bien sûr, il y a
le dégradé visuel, en cuisine comme en peinture : d’un fromage blanc, on peut aller à la confiture de
fraises, en augmentant régulièrement la quantité de confiture rouge mêlée à la crème. Toutefois le
cuisinier sait ne pas s’arrêter à la couleur, à l’aspect visuel, car c’est en bouche que tout se tient. Un
bon exemple, déjà connu mais insuffisamment théorisé, est celui de la cuisson à l’unilatérale : un filet
de poisson ainsi cuit est plus ferme dans sa partie inférieure, plus moelleux, voire gras (pour une pièce
de saumon, par exemple) dans sa partie supérieure. La variation régulière de cuisson, le « gradient »,
s’accompagne inévitablement,dans ce cas, d’un gradient de goût :il y a le goût de cuit de la base, et le
goût de frais du sommet.
Un autre exemple, également inventé par l’empirisme culinaire, est celui du rôti de bœuf saignant :
quand on tranche la viande, on voit bien le gradient de cuisson, avec des zones de différents degrés de
cuisson : du saignant et rouge au centre, on arrive régulièrement au brun sec, voire croustillant, de la
périphérie.
Et avec des légumes ? Et avec des crèmes ? Et avec… Mille possibilités s’offrent à qui veut jouer
de ces gradients de cuisson. Qui ne sont pas le fin mot de l’histoire ! Pourquoi ne pas jouer d’une seule
variation, au lieu de toutes à la fois. Faire diffuser des liquides aromatiques et sapides d’une zone vers
le reste de la pièce. Injectons un jus corsé dans une viande, à partir d’un point, et nous aurons un
dégradé de jus de viande dans la pièce. Cuisons un filet de poisson au four, en le couvrant d’herbes
aromatiques, et nous obtiendrons un dégradé du goût des herbes.
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Tous les gradients sont permis : de température (du chaud à la base au froid au sommet,
ou bien l’inverse), de texture, d’arômes, de sapidité… Le choix du gradient fait sens, et l’œuvre
culinaire naît du choix du cuisinier. De surcroît, la cuisine est temporelle plutôt que spatiale : à la
juxtaposition spatiale des goûts peut s’ajouter la juxtaposition temporelle, c’est-à-dire la perception
successive des goûts, en raison d’une libération différée dans le temps des molécules aromatiques ou
sapides. Comment tenir compte de ce phénomène ? D’autres dimensions existent-elles ?
…et diffusion
Les gradients sont des variations régulières, qui généralisent l'idée de dégradé, pour les couleurs. Il y
a quelques mois, j'avais proposé de regrouper dans un même plat des gradients de couleur, de goût,
d'odeur, de température, de texture. Tout à la fois ! Evidemment, ce jeu des gradients est plus simple
quand la variation continue se fait dans une direction seulement. D'où l'idée de verres pleins d'une
gelée, plus chaude en haut qu'en bas, mais plus ferme en bas qu'en haut, avec une couleur, verte par
exemple, dont la saturation augmente du fond du verre vers le sommet.
Ce mois-ci, je t'invite à passer "à la dimension supérieure" : au lieu de faire des variations selon
une seule direction, les faire dans l'espace tridimensionnel. C'est une idée connue : quand des cerises
laissent filer leur couleur, le clafoutis se colore autour d'elles. Là, c'est un défaut, mais ne pourrions-
nous en faire une qualité ? Imagine par exemple une gelée bien transparente. A l'aide d'une canule
bien propre, tu injecterais dans la gelée prise un liquide très coloré. La photographie te montre ce
que l'on peut obtenir à l'aide de café en poudre : la couleur diffuse lentement dans la gelée.
Lentement combien ? Tout dépend de la force de la gelée : la vitesse varie entre quelques
millimètres et quelques centimètres par jour.
Et c'est ainsi que tu pourrais obtenir des boules de couleur (et de goût : je sais que tu sais que
l'art culinaire ne se limite pas –bêtement- à l'apparence des mets !) dans des gelées claires. Il y des
choses merveilleuses à faire ainsi, avec des dégradés gustatifs dans l'espace.
Juxtaposition
Nous avons vu, le mois précédemment, comment le cuisinier jouait des concentrations en molécules
aromatiques ou sapides. Il donne un sens au met, fait œuvre, en jouant seulement de la concentration
des molécules du goût, tout comme le musicien équipé d’un seul tambour peut déjà tenir sa partie,
variant seulement le rythme avec lequel il frappe la peau tendue. En peinture, le rythme serait
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analogue à la répétition spatiale d’une couleur : pensons à des bandes de largeurs et d’espacement
différents.
Toutefois, le rythme peut s’enrichir du son, le tableau de diverses teintes. Le plat, aussi, peut
réunir des goûts variés qui évitent la monotonie du monochrome. A l’arrangement spatial s’ajoute le
contraste, si important en peinture que le chimiste Michel-Eugène Chevreul engendra une école de
peinture, néo-impressionniste, quand il découvrit que le voisinage d’une couleur modifie la couleur
adjacente : par exemple, le bleu foncé semble jaunir le blanc voisin, en raison d’un phénomène visuel
inconnu à l’époque de la découverte de la « loi du contraste simultané des couleurs » (la loi de
Chevreul), mais bien exploré depuis. Bref, le contraste a ses lois, et le contraste culinaire, notamment,
mérite d’être exploré. Pas besoin de jouer avec beaucoup de goûts : deux suffisent pour créer le
contraste.
De surcroît, le contraste culinaire ne se réduit pas à la juxtaposition de deux goûts, car le goût a
des composantes variées. Analysons, par exemple, un simple œuf dur mayonnaise : il y a le contraste
de l’œuf, un goût rond, et de la mayonnaise, qui peut être acide ; il y a aussi le contraste des textures,
l’une ferme et l’autre plus fluide ; il y a le contraste des couleurs, avec le blanc et le jaune pâle ; il y a
mille choses qui s’opposent ou, du moins, qui se juxtaposent et font contraste. La juxtaposition
trouve sa forme la plus poussée dans les oppositions : sec / humide, dur / mou, cuit / cru, chaud /
froid, acide / basique, sucré / salé.
Toutefois l’opposition n’est pas, de loin, le seul mode de juxtaposition ; on peut se contenter de
contrastes moins brusques, et aussi jouer à rapprocher des ingrédients appartenant à des
registres différents. Un suprême de volaille proche d’un foie gras, c’est déjà un contraste intéressant,
par les textures qu’il oppose. Deux, trois ingrédients ? Tout est possible.
Le sens inné
Un plat n’est « bon » que s’il a du sens pour le mangeur. Et c’est un des grands mystères de l’art que
son universalité, qui transcende les appréciations individuelles. Pourquoi le Chinois s’émerveille-t-il,
s’émeut-il, devant les mêmes œuvres que l’Alsacien ? Ou, plutôt, où les artistes ont-ils été chercher
(en eux ? dans le monde ?) ces éléments qui parlent à tous ?
En art culinaire, la même question s’impose comme pour les autres arts. Le cuisinier doit donner
du sens à ses plats. Pour cette quête du sens, il faut commencer par le commencement : l’animal qui
est en nous. Si nous comprenons ce que cet animal spécifique reconnaît de façon innée ou
physiologique, nous aurons quelques chances de voir apparaître de nouvelles pistes. Quel est notre
équipement physiologique ? Nous sommes (notamment) des amas de cellules qui vivent en
communauté. Ces cellules communiquent par des ions, du glucose, divers médiateurs chimiques. Et
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c’est ainsi que le sel prend une importance vitale: les cellules comportent des canaux qui transportent
ses deux constituants, les ions sodium et chlorure. D’où l’importance du sel en cuisine. Les cuisiniers
la connaissent, mais pourrions-nous en jouer différemment ? Plusieurs pistes s’ouvrent, mon cher
Pierre.
1. Je te propose de faire, par exemple, du « sel glace » : tu broies du sel, au mortier et pilon,
afin d’obtenir une poudre de sel diaphane, analogue au sucre glace. Une neige délicate à
disperser sur les mets, surtout en cette période de Noël.
2. Je te propose aussi de considérer que le sel, soluble dans l’eau, ne l’est pas dans les corps
gras. D’où l’idée d’enrober des cristaux de sels dans de la graisse (beurre de cacao, huile,
beurre sec, foie gras, fromage…) afin de disperser des « étoiles de sel », qui croqueront sous
la dent, mais, surtout, se révéleront telles des étoiles de saveur salée, à la dégustation (l’idée
peut se généraliser au sucre, et à tous ces corps solubles dans l’eau et insolubles dans les
graisses)
Observons maintenant notre environnement animal. Nous connaissons l’importance du glucose,
sucre qui sert de carburant aux cellules de notre organisme… et dont nous apprécions dès la naissance
la saveur douce. Tu peux en jouer !
Une molécule dont l’attrait est plus étonnant est la vanilline, molécule essentielle de la vanille.
Pourquoi semble-t-elle si généralement appréciée ? Peut-être part que nous y sommes largement
exposée. Par exemple, cette vanilline se forme à l’issue des réactions entre l’éthanol (l’alcool des
eaux-de-vie) et la lignine du bois qui compose les tonneaux. D’ailleurs, l’un des produits
intermédiaires de ces réactions est l’aldéhyde cinnamique… que l’on trouve dans la cannelle.
Autrement dit, vanille et cannelle seraient appréciés parce qu’ils sont omniprésents. Reconnus de
façon non pas innée, mais précocement acquise, ils seraient appréciés en concentration perceptible. Je
suppose que tu n’auras pas de difficultés à les utiliser… à des doses subliminales.
Les graisses, enfin, semblent du même type : pourquoi les aimons-nous tant ? La science ne
proposait naguère qu’une hypothèse : ces graisses sont de l’énergie que l’organisme récupère.
L’organisme, qui semblait ne pas les percevoir (elles n’ont pas d’odeur et les papilles langue n’ont pas
de récepteur pour les détecter), les aurait appréciées par un phénomène de conditionnement.
L’hypothèse semble tomber, aujourd’hui : on sait maintenant que les graisses sont décomposées dans
l’organisme, et que les fragments formés circulent dans le sang, et agissent telles des hormones. Il y a
plus qu’un conditionnement.
Finalement, une idée apparaît : l’artiste culinaire n’obtiendrait-il pas un sens « inné », en
réunissant dans un même plat des graisses, de la vanille, de la cannelle, du glucose et du sel ?
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Début de texture
Des « fibrés » pour plus de mâche !
Johann Wolfgang Goethe et son ami Schiller avaient identifié que la poésie épique se caractérisait par
les «motifs retardants» : à lire l’Odyssée, nous savons qu’Ulysse finira par rentrer à Ithaque, mais,
avant cette conclusion attendue, il devra passer chez Circé, le cyclope, devant Charybde et Scylla,
échapper aux tentations des Lotomanes, aux rets de Nausicaa… La cuisine bien comprise me semble
analogue à cette poésie épique : nous savons que l’assiette finira vide, mais nous devons cheminer
avant d’arriver à cet état. Et plus nous y parviendrons lentement, mieux ce sera.
D’où l’importance de la mâche, de la texture !
Quelles sont les possibilités ? Tout est possible, entre le liquide, qui ne se mange pas mais se boit, et le
solide, trop dur pour en faire autre chose que de très petites bouchées… à condition qu’il soit
fragmentable facilement. Les graduations, entre ces deux extrêmes, ont été décrites par des formules, il
y a quelques mois. Et il est frappant de voir que la mode actuelle, des émulsions, des mousses, des
gels, ne nous fait arriver qu’à la première étape après le liquide. De fait, ni les gels, ni les mousses, ni
les émulsions ne sont très fermes. Comment faire mieux ? Regardons le monde naturel, observons les
aliments que nous mangeons. Il y a le turbot, par exemple, avec sa texture tout à fait extraordinaire,
quand la cuisson est belle. Pourquoi cette mâche merveilleuse ? Et les œufs de saumon ou les
groseilles, avec leur délicieuse libération de jus, une fois crevée l’enveloppe dure.
Dans ces divers cas, il y a toujours un liquide, ou un gel, une émulsion, une mousse, dans une
enveloppe plus ferme. Pour le poisson, par exemple, l’enveloppe est celle des fibres musculaires,
limitées par le collagène. Idem pour la viande, les fruits, les légumes, avec des tailles et des formes
variées pour les "cellules" (les espaces internes).
Pourrions-nous nous inspirer de ces systèmes naturels ? Une proposition simple, ce mois-ci, mon
cher Pierre: si tu fais cuire des macaronis et que tu les réunis ensuite côte à côte dans un verre, tu
obtiens une compartimentation de l’espace du verre. Coule dans alors une fine gelée, pleine de goûts
mais tremblotante, et laisse prendre au froid. La gelée qui viendra entre les macaronis les soudera,
tandis que celle qui vient à l’intérieur figera délicatement. Lors du démoulage, tu obtiendras une sorte
de « chair artificielle », dont le goût sera donné lors de la mastication, une fois que les dents seront
venues à bout de la fermeté (relative) des macaronis.
Nous nous élevons dans l’échelle des fermetés, mais à quoi bon reproduire ce que la nature fait
déjà ? Ah, si nous nous contentions de ce que la nature nous donne, il n’y aurait pas de cuisine. Ces
systèmes compartimentés, nommons-les des « fibrés », sont un début, une élévation en direction de la
texture. Et tu pourras leur donner le goût que tu souhaites. De surcroît, c’est le principe qui compte.
N’oublie pas qu’une royale, aussi, est ce que les chimistes nomment un « gel » : si tu coules de l’œuf
battu avec un liquide goûteux et que tu cuis les fibrés ainsi emplis au four (classique, ou bien à micro-
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ondes…), tu obtiendras des « fibrés chimiques », au lieu des fibrés physiques obtenus avec de la
gélatine ou de la pectine.
A noter aussi que les macaronis peuvent être remplacés par n’importe quelle autre matière
alimentaire. Et, pour finir, tu pourrais aussi partir d’un blanc d’œuf où tu aurais dispersé de l’huile,
comme pour une de ces « mayonnaises au blanc d’œuf ». Si tu coules cette émulsion dans le faisceau
de pâtes, tu obtiendras, en cuisant, une émulsion dispersée dans un gel (ce que j’ai naguère nommé une
« dispersion ») dispersé dans un fibré. Autrement dit, ce sera une « dispersion en fibré ».
Les possibilités sont immenses. Lesquelles choisiras-tu ? Et pour quel goût ?
Damiers
Avec les fibrés, j'ai proposé une façon de reproduire la structure des chairs animales, viandes ou
poissons. Le plaisir de la texture découlait de la structuration de l’espace. Ne pourrions-nous
poursuivre, dans cette voie?
Observons d’abord que la cuisine ne m’a pas attendue, pour s’y engouffrer : qu’est-ce qu’un mille
feuille, sinon une alternance de feuillets de pâte et de beurre ? Nous pourrions généraliser l’idée, en
alternant des couches molles et des couches dures, par exemple de foie gras et de blanc de volaille,
mais l’idée existe déjà : ce sont les « pressés », par exemple. Je sais que tu en confectionnes.
Analysons, puisque la généralisation ne nous met que sur des pistes connues. Ce que nous observons,
c’est une superposition, un empilement, que j’ai proposé de décrire par la lettre grecque sigma σ. Par
exemple, une alternance de foie gras, pomme de terre, huit fois de suite, sera représentée par (Fg σ
Pdt)8, où Fg représente le foie gras, et Pdt la pomme de terre. Ce que l’on comprend facilement, à cette
analyse, c’est que la superposition ne se fait que selon un axe vertical que nous noterons z : l’opérateur
σ doit être spécifié et écrit σz. Du coup, nous voyons aussi qu’il reste deux autres directions
perpendiculaires, que nous pouvons exploiter. Il nous faut des « opérateurs » σx et σy, qui décriront
les empilements, ou juxtaposition, selon les autres directions. Voila qui donne des idées. Par exemple,
jouons avec des bâtonnets d’un ingrédient alimentaire, tel le gras de seiche ; juxtaposons-les bien
serrés, collons-les par tout procédé culinairement admissible (à l’œuf, qui, en cuisant, les liera, ou à la
gelée, ou par leur collant naturel) et découpons le faisceau perpendiculairement à l’axe des bâtonnes :
nous obtenons un damier monochrome. Avec maintenant deux ingrédients ayant des textures ou des
goûts différents, que nous désignerons par A et B (par exemple du gras de seiche et de la pomme de
terre), nous pouvons, de même, obtenir d’abord un faisceau alterné, et, en le coupant par tranches
perpendiculaires à l’axe, des damiers bidimensionnels de couleurs, textures et goûts alternés.
Veux-tu un damier tridimensionnel ? Cela n’est pas difficile : il suffit d’alterner les bâtonnets pour
former un parallélépipède, de couper des tranches d’épaisseur égale au côté des bâtonnets, puis de
superposer les tranches en les décalant d’une rangée. Imagine donc ! Un petit damier tridimensionnel
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dans chaque assiette, avec ces textures alternées dans les trois dimensions de l’espace. Cette fois, nous
y sommes, à la dimension épique des plats, comme les disaient Goethe et Schiller !
Couches entrelacées
Le jambon ibérique a quelque chose de sauvage et de délicieux. Il a un goût puissant, mais aussi,
une grande longueur en bouche. Pourquoi ? J'ai évoqué dans mon livre " Casseroles et éprouvettes " les
raisons chimiques du goût, dû à la longue préparation de ce jambon, et je propose que nous nous
arrêtions aujourd'hui sur son gras qui fait de minces bandes blanches au milieu du rouge du jambon.
Comme dans un mille feuilles ! Cette alternance assure une belle perception du goût du jambon : il y a
le rouge de la chair, qui donne d'abord la tenue, la consistance et le goût, puis le gras du jambon qui,
sans être en excès - puisqu'il ne vient qu'interrompre momentanément le rouge - libère ses propres
goûts en même temps qu'il donne de la longueur en bouche, comme nous l'avons vu il y quelques mois
à propos de bouillon de carottes.
Ce système est aussi celui des viandes persillées, d'une certaine façon, et aussi celui du mille
feuilles, comme nous l'avons dit. Mille feuilles ? On les obtient facilement par les tours, ceux-là même
que l'on fait pour confectionner une pâte feuilletée. A partir d'une couche de pâte sur laquelle on
dépose une couche de beurre, on replie, et on replie encore, et on replie encore et ainsi de suite.
Comptons. Une couche de beurre en fait 2, qui en font 4, qui en font 8, qui en font 32, qui en font 64,
qui en font… Après 20 opérations toutes simples de repliement en deux, on obtient plus d'un million
de couches (1 048 576) et quand on replie en trois et non en deux, l'augmentation est encore plus
rapide ! Par exemple, on forme 729 couches de pâte feuilletée après seulement six tours. Comment
utiliser cette idée ? Il suffit de remplacer la pâte feuilletée par de la chair. Par exemple, cuisons une
viande ou un poisson, puis étalons la chair sur un film alimentaire. Badigeonnons la surface avec du
beurre fondu, puis replions. Décollons le film de la partie supérieure, et replions encore, décollons et
replions, et ainsi de suite jusqu'à obtenir un objet à beaucoup de feuilles. Quel goût a-t-il ?
Conservons le système, mais abandonnons la contrainte du gras. Pourquoi ne pas utiliser la même
méthode avec de la viande et des légumes, par exemple ? Les couches minces seront obtenues à la
machine à jambon, après congélation ou non, comme pour du carpaccio. En salé, en sucré, tout est
possible… Dans tous les cas, on profite de la puissance de l'opération mathématique nommée
exponentielle. Cette même opération qui nous permet de jouer au jeu des vingt questions : tu penses à
un objet, un animal ou une chose ? une chose, plus grosse qu'une maison ou plus petite ? plus grosse
qu'une pièce ou plus petite ? qui se mange ou que ne se mange pas ? qui contient du rouge ou qui n'en
contient pas… En vingt questions seulement, on fait le tri parmi un million d'objets.
232
Des constructions de l’espace
Il y a quelques mois, j'ai fait par de mon invention d'un formalisme qui décrit des agencements de
l'espace. C'est important, non pas tant pour la description, mais parce que, comme le disait le grand
chimiste Antoine Laurent de Lavoisier : "Pour mieux faire sentir […] l'état de la question, et pour
présenter aux yeux, sous un même coup d'œil, le résultat de ce qui se passe dans les dissolutions
métalliques, j'ai construit des espèces de formules, qu'on pourrait prendre d'abord pour des formules
algébriques, mais qui ne dérivent point des mêmes principes ; nous sommes encore bien loin de
pouvoir porter dans la chimie la précision mathématique, et je prie en conséquence, de ne considérer
les formules que je vais donner que comme de simples annotations, dont l'objet est de soulager les
opérations de l'esprit".
Nous avons l'exemple des grands anciens, utilisons-le. En l'occurrence, mon " formalisme de
description de l'espace " a déjà servi à imaginer des damiers à deux ou à trois dimensions. Mais on
peut chercher des textures nouvelles, et c'est ainsi que des dés lancés, avec des codages entre les
faces et les symboles de mon formalisme, ont conduit à des résultats variés.
Le premier était sans grand intérêt culinaire : le cuisinier que tu es n'avait pas besoin de ce
travail pour réaliser un tel plat.
En revanche, un autre lancé de dés a conduit à un plat dont je rêve. L'idée est analogue à celle
que nous avions explorée avec les fibrés : la fibre résiste sous la dent, mais, quand elle cède, elle
libère un flot de liquide ou de gelée goûteux. C'est le principe du poisson, de la viande, du caviar,
des œufs de saumon, de truite, et aussi des cromesquis, par exemple, de croquettes, du célèbre "
bâton royal " de ce grand cuisinier qu'était Édouard Nignon (on refroidit du foie gras, on le pane, on
le frit, afin d'obtenir une enveloppe croquante, qui laisse échapper du foie gras fondu).
Ici, les dés ont indiqué simplement de multiplier l'effet. Imagine de prendre de la viande ou de la
chair de poisson que tu haches. Tu étales deux couches sur du film transparent, afin de faire une
raviole, dont la pâte serait de la chair. Toutefois, au centre, c'est un liquide que tu logeras. Comment
? Imagine par exemple un plat au canard : tu prépares une sauce au canard que tu congèles. A la
cuiller à bouler, tu prépares de petites boules congelées que tu déposes à intervalle régulier sur une
feuille de chair de canard. Tu poses la seconde feuille par-dessus, tu soudes sur les bord et entre les
boules, et tu cuis, afin d'obtenir la fonte des boules de sauce en même temps qu'une croustillance de
la chair.
La formule de ce plat ? Par D2, on désigne une feuille de chair, de dimension 2. Par D0, on
désigne une boule de sauce. Suppose que tu fasses deux rangées de trois boules de sauces entre les
deux feuilles, la formule sera donc : D2 σz ((D03σx) 2σy) σz D2.
Comment nommer un tel plat ? Une " polyraviole " ? Ca manque de charme, ça n'est pas très
gourmand. Je te propose de le nommer une " construction au canard ", par exemple.
233
Mais je rêve de l'avoir aussi avec une foule d'autres ingrédients, puisque, tu l'as compris, une
seule et même formule débouche sur un nombre infini de nouvelles possibilités.
Vernis et glacis
Un tableau? C’est une oeuvre que l’on admire avec les yeux (et l’âme !). Classiquement, l’émotion
que donne le peintre naît d’une couche de pigments, déposés sur le support blanc qu’est la toile.
Hélas, ces pigments sont sensibles à l’action de la lumière, et beaucoup d’entre eux fanent, lorsque
passe le temps… et le soleil. Il faut les protéger : c’est une des fonction des vernis. Ce n’est pas la
seule : les vernis sont aussi des couches d’épaisseur variable, déposées sur les couches pigmentaires,
ce qui donne de la profondeur à l’œuvre, car la lumière, au lieu de se réfléchir à la surface, en
perdant les composantes absorbées par les pigments, subit plusieurs phénomènes. Il y a d’abord la
réflexion à la surface de la couche de vernis : c’est un simple reflet, brillant, de la couleur de la
lumière incidente. Au point d’incidence, une partie de la lumière traverse la surface du vernis, en
étant réfractée, puis elle est réfléchie à la surface de la couche pigmentaire, en perdant les
composantes absorbées, et remonte vers la surface du vernis, où elle est réfractée une seconde fois.
Au total, cette composante semble venir d’une distance différente de celle de la couche pigmentaire.
Les peintres ne se sont pas limités à des vernis transparents, pour jouer de la profondeur, qu’ils
n’avaient pas : la grande école flamande a introduit et maîtrisé les glacis, couches de vernis où les
pigments colorés étaient dispersés. Cette fois, les particules pigmentaires sont dispersées dans le
vernis, et la profondeur à laquelle ils réfléchissent la lumière (toujours en absorbant une partie de
celle-ci) varie, ce qui engendre des modifications de la luminosité et de la saturation. Mieux encore,
dans la couche de glacis, les particules diffusent la lumière dans toutes les directions, ce qui
augmente l’effet visuel. Et l’on peut superposer : glacis, d’abord, vernis ensuite.
Les pigments ?
Les pigments, dont je ne cesse de parler? En peinture, les oxydes de divers métaux sont
largement utilisés, tout comme des molécules organiques variées : on connaît le pastel, ou bien la
garance, par exemple, mais les fabricants de cosmétiques ne se privent pas d’ajouter des effets
variés, telle la dispersion de petites plaquettes de mica pour faire le nacré de certains vernis à ongle.
Et j’ai même vu, il y a quelques années, des industriels proposer des « solutions » (quel jargon !)
pour créer des hologrammes (comme ceux des cartes bancaires, par exemple) à la surface de
bonbons !
En cuisine, enfin
Oui, je sais, tout cela semble bien loin de la cuisine, qui est le royaume du goût, des saveurs,
odeurs, sensations trigéminales (le frais, le piquant, l’astringent…). Pour revenir à ce territoire qui
nous passionne, il suffit de transposer : pourquoi ne pas remplacer les pigments par des particules de
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taille variée, ayant du goût ? Pourquoi ne pas déposer sur les aliments des couches où seraient
dispersées des particules de tailles variées, soit sapides, soit odorantes, soit… Un exemple ? A l’aide
de tamis ayant des mailles de différentes tailles, tu pourrais obtenir des cristaux de sucre ou de sel de
différents diamètres, que tu utiliserais dans différentes couches. Ou bien, pour faire plus "culinaire",
tu pourrais ainsi tamiser des épices, et jouer de textures en même temps que de goûts. Et puis,
n’oublions pas que le goût est la synthèse de toutes les sensations données par le plat : à côté des
sensations sapides, odorantes, trigéminales, il y a des sensation visuelles, thermiques … Et je sais
aussi que tu t’évertues, mon cher Pierre, à mettre en œuvre des constructions, des aspects, qui
contribuent à la perfection de l’œuvre culinaire. Et, ce mois-ci, je profite de l’analyse d’un de tes
desserts, qui contenait des crèmes prises surmontées d’une gelée claire, pour te proposer de
généraliser l’effet. Notamment en ajoutant des vernis, ce qui reste classique (pensons aux chaufrois,
ou bien aux couches de gelées), mais aussi en usant de glacis : il te suffit de disperses de petites
particules colorées en suspension dans une couche de gel que tu déposes à la surface des mets. Ces
particules peuvent avoir du goût, tout comme les vernis ou glacis que tu utilises !
Une mousse qui tient
Les cuisiniers du passé n’étaient pas moins intelligents que ceux d’aujourd’hui. Ni plus intelligents,
d’ailleurs. Pourtant, il y en a eu tant, et qui ont tant travaillé, qu’il serait étrange que nous ne
trouvions dans leurs écrits des idées utiles. Et puis… même si leurs avancées sont classiques, nous
pouvons chercher dans leurs écrits des idées à côté desquelles ils sont passés. Exercice d’application
de ce théorème !
Par exemple, quelques auteurs de livres de cuisine ont utilisé de la gélatine pour faire tenir de la
crème fouettée. Gomme adragante ou gélatine : tels étaient les deux produits les plus cités. La crème
apportait la moussabilité ; la gomme adragante ou la gélatine la tenue, par la formation d’un gel,
dans le second cas. Analysons : une mousse est une dispersion de bulles d’air dans un liquide (pour
les mousses liquides) ; si le liquide gélifie, une fois la mousse formée, la mousse liquide devient une
mousse solide, parce que les bulles d’air sont alors prisonnières du gel, lequel est une dispersion
d’un liquide dans un solide. Au total, la mousse tient alors durablement.
Que faire de cette analyse ? Observons que le système composé de la crème et de la gélatine a
deux raisons de mousser : d’une part, certaines protéines de la crème sont moussantes, mais aussi la
gélatine ! Pour faire une mousse, en effet, il suffit d’eau, d’air et d’un agent moussant, c’est-à-dire de
se lier à la fois à l’air et à l’eau, et, de plus, de former un raison à la surface des bulles. La gélatine a
ces propriétés, comme le montre l’expérience qui consiste à fouetter de l’eau où l’on a dissout de la
gélatine. La quantité de mousse que l’on peut obtenir ? Des litres ! Evidemment, l’eau utilisée peut
avoir du goût. Par exemple, on peut faire une mousse de bouillon, mais aussi une mousse de jus
d’orange, de vin, etc. Et cette mousse, une fois formée, tiendra en raison de la gélification de la
gélatine.
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En pratique ? Dans un liquide chaud bien dégraissé, dissoudre quelques pour cent (en
masse) de gélatine (feuille ou poudre), puis fouetter longuement en faisant mousser. Laisser au
froid, puis utiliser pour composer une œuvre.
Irremplaçable gélatine
Il y a de cela une bonne vingtaine d'années, j'avais signalé au monde culinaire l'existence du "caviar
artificiel", que l'on prépare à l'aide de produits gélifiants extraits des algues : les alginates. Plus
précisément, l'expérience est simple : dans n'importe quel jus ou sauce, on dissout quelques pour
cent (en poids) d'alginate de sodium, puis on laisse tomber des gouttes de ce liquide alginaté dans un
bain d'eau additionnée de calcium : au contact du calcium, l'alginate présent à la périphérie des
gouttes gélifie instantanément, formant une sorte de peau gélifiée autour d'un cœur liquide. On rince,
et l'on a une bille liquide de ce que l'on veut : jus de melon, sauce vin rouge, purée de framboise…
Ce que l'on veut… ou presque, parce que la réalité ne se laisse pas réduire à un petit paragraphe
introductif : les jus contenant eux même du calcium, tel le lait, gélifient entièrement, et ne permettent
pas l'obtention du cœur liquide ; les liquides très acides, également, résistent à l'expérience, tout
comme les alcools et eaux-de-vie trop forts en alcool. Comment alors s'y prendre ?
Avant de résoudre la question, examinons cet étrange détour des choses de la vie. Il y a vingt
ans, quand je proposais aux cuisiniers d'utiliser des alginates (et aussi de l'azote liquide pour faire
des sorbets, et aussi des filtres de laboratoire pour clarifier les bouillons, etc.), je m'attirais des
réponses plus qu'hésitantes. A propos des additifs, la réponse la plus courante était un " non " ferme :
pourquoi utiliser des " additifs ", quand nos bons vieux produits convenaient ? J'arguais évidemment
que les cuisiniers du passé n'ont pas hésité à utiliser de la gomme adragante pour stabiliser les
crèmes Chantilly, il y a plus d'un siècle, mais cela ne suffisait pas. Jusqu'au jour où la crise de la
vache folle est arrivée. Ce jour-là, la " bonne vieille gélatine " a été jetée aux orties. Accusée
honteusement de propager une maladie terrible. L'accusation était aussi infondée qu'illogique : les
mêmes qui critiquaient la gélatine continuaient de manger de la viande, faite de fibres musculaires
en collagène, lequel engendre la gélatine quand on cuit longuement ! Pour être cohérent, il aurait
fallu soit arrêter la gélatine en même temps que la viande, soit continuer les deux. Oui, mais
l'humanité a ses irrationalités : les agents gélifiants que sont les agar, carraghénanes, alginates… se
sont alors imposés. Oubliées les accusations qu'on leur portait naguère ! La révolution culinaire était
en marche… grâce à une crise. Tant mieux… ou tant pis : lors de cette révolution, on a oublié que
les produits ne sont pas plus substituables que les mots. Il n'existe pas plus de véritables synonymes,
aurait dit l'abbé de Condillac, qu'il n'existe de remplaçant à la gélatine : celle-ci a la vertu de fondre
vers 36°C, c'est-à-dire dans la bouche ! Passé la crise, je crie aux cuisiniers : vive la gélatine (bien
employée) !
Et nos perles, dans cette affaire ? Puisque la gélatine est préférable à bien d'autres gélifiants, ne
pourrait-on en faire aussi des perles ? La réponse est affirmative. Congelons le jus dont on veut faire
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une perle, puis, à la cuiller à melon formons une bille de ce jus et trempons-le dans une solution
concentrée en gélatine : le froid fait prendre aussitôt la solution en gelée autour de la bille congelée,
qui décongèle ensuite dans sa peau gélifiée. Nous sommes ainsi débarrassés de l'alginate, mais aussi
du chlorure ou du lactate de calcium que nous devions dissoudre dans le bain de trempage. Mieux
encore : des billes de vinaigre ou d'alcool sont possibles, maintenant !
Cocktails multicouches
Bienvenue : lors des réunions de travail, cette bienvenue se fait par la proposition d’un café.
Toutefois, on pourrait vouloir changer. Un cocktail, par exemple ? Pour les barmen, le goût du
breuvage est évidemment essentiel, mais la superposition de couches semble également être un
critère de qualité. C’est ainsi que, pour une réunion de barmen, j’ai été amené à inventer le cocktail
suivant, nommé « Welcome coffe ». ne pourrions-nous pas, mon cher Pierre, changer le goût et
conserver l’idée des superpositions ?
Pour le Welcome coffe, la première couche, en partant du fond, est une couche de café gélifié.
Simple à réaliser : on dissout de la gélatine dans du café, et l’on coule une couche au fond du verre.
Café et chocolat : pourquoi ne pas jouer l’alliance. C’est ainsi que la couche, liquide, celle-ci, qui
sera coulée sur la première sera une couche de chocolat dense et froid. Dessus, on aura versé
soigneusement une couche du même chocolat, mais brûlant, celui-ci : en raison de la différence de
températures, la couche de chocolat chaud ne se mélangera pas à la couche de chocolat froid… et la
couche de gelée inférieure sera protégée par le chocolat froid. Pour disposer une couche sur la
couche supérieure, de chocolat chaud, le jeu avec les températures ne suffira plus. Il faut utiliser un
liquide de densité inférieure à celle de l’eau qui compose le chocolat chaud. On utilisera par exemple
de l’huile de café, que l’on aura obtenue en macérant de l’huile avec du café en poudre et l’on
émulsionnera cette huile dans du café additionné de gélatine. L’émulsion aura une densité quasi
égale à celle de l’huile : elle se disposera donc sur le chocolat chaud sans se mélanger à lui. Encore
moins dense ? De la vodka ! Lentement versée sur l’émulsion de café, elle y subsistera sans se
mélanger. Toujours moins dense, un gaz s’impose. Ou plus exactement une mousse : je propose de
dissoudre de la gélatine dans du café sucré, puis de fouetter vigoureusement pendant longtemps. Une
mousse de café abondante se forme. On la versera délicatement sur la vodka. Par-dessus, je propose
enfin un cristal de vent au café, réalisé conformément aux indications données il y a quelques mois.
Quelques amandes grillées, avec un peu d’un mélange d’acide tartrique et de bicarbonate de sodium,
pour faire mousser au moment de la consommation. L’effet est assuré.
Comptons les couches : (1) gelée, (2) chocolat froid, (3) chocolat chaud, (4) émulsion, (5)
vodka, (6) mousse gélifiée, (7) mousse solide, (8) amandes grillées, (9) poudre effervescente. Neuf
couches pour un cocktail : voilà une belle réalisation de « mixologie moléculaire », n’est-ce
pas ? Elle n’est donnée qu’à titre d’exemple. La saine considération des densités permet de
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transposer ce cocktail avec des goûts sur mesure. Ici, nous sommes restés dans le registre du café,
mais pourquoi pas, en cuisine, faire de même avec des bouillons, des jus de fraise…
14 types de sauces
Ouf, le travail est achevé ! Il s’agissait de mettre de l’ordre dans les centaines de sauces françaises
classiques. Le Guide culinaire d’Auguste Escoffier en décrit 351 : comment s’y retrouver ? La
solution adoptée a consisté à rapprocher des sauces que la cuisine considère comme étrangère, mais
que la physico-chimie voit cousines, telles la sauce béarnaise et la crème anglaise, qui ne diffèrent
que par le goût. En effet, ces deux sauces sont ce que l’on nomme des « suspensions » : elles sont
épaissies par la dispersion de petits agrégats d’œuf coagulé, dans la phase aqueuse (de l’eau qui a du
goût : réduction d’échalote allongée de vin dans le premier cas, lait sucré dans le second). La base du
travail, c’est le formalisme introduit lors du XVIe Congrès de l’European Colloids and Interface
Society, à Paris : ce formalisme décrit la totalité des "systèmes dispersés complexes", mets
compris. Il s’agit d’utiliser des symboles pour désigner les phases en présence (E pour eau, H
pour huile, S pour solide et G pour gaz), et des connecteurs qui décrivent les opérations : « / »
pour la dispersion, « + » pour le mélange, « » pour l’inclusion et « » pour la superposition.
A l’aide de ces symboles, il a fallu classer les centaines de sauces classiques, et, surtout,
identifier leur formule. Ce n’est pas difficile, pour des sauces comme la mayonnaise, qui est une
simple émulsion, faite d’huile H et d’eau (elle provient du jaune d’œuf et du vinaigre) : la formule
est H/E. Pour d’autres sauces, les formules peuvent être plus compliquées. Par exemple, la sauce
Albert, qui s’obtient à partir d’un roux blanc, allongé à l’eau, monté au beurre et à la crème,
additionné de jus de citron, de raifort cuit dans du consommé blanc, a pour formule ((E / S1) + H1 +
H2 + S2) / E, qui se simplifie toutefois en (H + S + (E / S)) / E. Combien de catégories existe-t-il ?
L’analyse du Guide culinaire, du Répertoire de la cuisine, par Th. Gringoire et L. Saulnier, de L’art
des sauces, par Académie des gastronomes et l’Académie culinaire de France, et de l’Art de la
grande cuisine française au XIX e siècle, par Antonin Carême, a révélé 14 types de sauces
seulement. Ces catégories sont :
E (H + (E/S)) / E
H/E (S + (E/S)) / E
E/H (H + ((G+H)/E)) / E
S/E (G + H + S) / E
(E/S) /E (H + S + (E/S)) / E
(G + H) / E (H + S + (G/E)) / E
(H + S) / E (H + S + ((G + H) / E)) /E
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Ce qui est surprenant, dans cette affaire, c’est que des sauces évidentes manquent. Par exemple,
pourquoi ne trouve-t-on pas de sauces ayant la formule simple (G + (E/S))/E ? Ce n’est pourtant pas
difficile de disperser un blanc d’œuf battu en neige dans un velouté, par exemple.
Kientzheim de beurre
Ce mois-ci, nous réinventons la mayonnaise ! Un jeu d’enfant, puisque la sauce mayonnaise est faite
d’huile, que le fouet divise en gouttelettes dans l’eau apportée par le jaune d’œuf et par le vinaigre.
La sauce doit notamment ses qualités au fait que c’est ainsi une « émulsion de type huile dans eau ».
Avec les formules introduites il y a quelques mois, on écrirait cela H/E.
« Qualités » : la sauce mayonnaise en a plusieurs. Il faut d’abord observer qu’une mayonnaise
réussie est bonne, alors que la même mayonnaise tournée semble n’être que de l’huile. Pourquoi
cette différence fondamentale, alors que les mêmes ingrédients sont réunis dans les deux cas ? Je
crois que tout tient dans la surface, dans l’attaque : dans une mayonnaise ratée, c’est de l’huile que
nous percevons au premier abord, alors que, dans une mayonnaise réussie, c’est l’eau de l’émulsion
que nous sentons ; mieux encore, cette eau a de la vivacité gustative, en raison du vinaigre utilisé, et
de la viscosité, en raison de l’huile dispersée, qui donne du corps à la sauce ; enfin l’huile finit par
tapisser la bouche, apportant de la longueur. Enfin la sauce mayonnaise contient du jaune d’œuf,
dont le goût puissant contribue pour beaucoup à la richesse gustative de la sauce. Bref, la
mayonnaise a des qualités, et elle mérite d’être généralisée. Elle l’a été, d’ailleurs : avec la sauce
Alicante, la sauce andalouse, la sauce Aurore, la sauce Chantilly, la sauce Gribiche, la sauce
italienne froide, la sauce mayonnaise à la Russe, la sauce mousquetaire, la sauce piquante niçoise, la
sauce rémoulade, la sauce russe, la sauce suédoise, la sauce tartare, la sauce verte et la sauce
Vincent !
Dans chacun de ces cas classiques, il s’agit d’ajouter des ingrédients à une sauce mayonnaise
classique, ou bien d’ajouter de la sauce mayonnaise à un mélange dont le goût domine. C’est très
bien, mais on peut faire mieux ! Conservons le principe de la sauce, plutôt que la sauce elle-
même. Il s’agit d’un jaune d’œuf, additionné d’eau (celle du vinaigre) où l’on a dispersé une
matière grasse liquide. Changeons donc la matière grasse. C’était de l’huile, imposée ces
dernières années sur des bases nutritionnelles contestables ? Revenons enfin au beurre !
En pratique, il s’agit de mettre un jaune d’œuf et une cuillerée d’une solution aqueuse qui aurait du
goût (jus de citron, vinaigre, vin, bouillon, café, thé, que sais-je ?) dans un cul de poule. Puis on
fondra du beurre et, en plaçant le cul de poule dans un bain marie tiède, on ajoutera le beurre fondu
en fouettant, tout comme on pratique pour confectionner une mayonnaise. Le beurre fondu (il « fait
huile ») sera divisé par le fouet en gouttelettes qui iront se disperser dans l’eau, et l’on obtiendra
encore une émulsions de type huile dans eau, mais à partir du beurre : H/E. Attention : il faudra
verser le beurre fondu goutte à goutte, au début de l’opération, et ajouter de l’eau si la texture
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devient trop ferme (en pratique, les émulsions tournent quand la proportion de matière grasse atteint
environ 95 pour cent de celle de la sauce).
Oh ! mais d’autres variantes sont possibles : puisque la lettre H désigne n’importe quelle matière
grasse fondue, pourquoi ne pas conserver le principe, mais avec de la crème épaisse, avec du
fromage fondu, ou encore avec du foie gras fondu ?
Le confortable
Ce mois-ci, c’est une merveilleuse histoire que je vous propose. Et, puisque c’est une histoire vraie, je
vous propose de vous la raconter telle qu’elle s’est passée, sans modification. Tout a commencé au
restaurant de Pierre Gagnaire, il y a plusieurs mois, quand j’ai entendu un chroniqueur gastronomique
dire que la cuisine de Pierre était devenue plus « lisible », plus confortable. Des mots ? Pas seulement.
Lisible signifie que l’on y trouve du familier, que les plats ne sont pas des objets extraterrestres, où
nous sommes au bord de nos références culturelles. Confortable ? Certains plats ne sont pas un choc
de goût nouveaux, mais, là encore, des valeurs d’enfance, peut-être… D’où la question : comment, à
volonté, faire des plats confortables. Question difficile, car il n’est pas question de retomber dans la
béarnaise, la béchamel et toutes ces sauces si classiques qu’elles ne peuvent tenir qu’une partie
mesurée dans une cuisine vraiment moderne.
Le déclic est venu de la cuisine de Pierre, mais quelques mois plus tard. Plus exactement, un
groupe de plat nommé « le cochon », au milieu de son histoire à la carte (j’explique : presque chaque
semaine, des modifications sont faites, parce que, apparemment, Pierre Gagnaire cherche à
s’approcher de l’idée quasi platonicienne qu’il a de ses créations), comportant une raviole au centre de
laquelle figurait une tranche de sabodet, dans une sauce… extrêmement confortable ! Pourquoi l’était-
elle ? A l’analyse, cette sauce contenait du beurre, un jus de viande, aussi. Pour la physico-chimie, le
jus de viande et la sauce évoquent aussitôt l’opération d’émulsification, les gouttelettes de matière
grasse fondue venant se disperser dans l’eau de la sauce, grâce à des molécules dites « tensioactives ».
Par exemple, ce sont les protéines du jaune d’œuf qui permettent de confectionner les émulsions
froides que sont les sauces mayonnaises, et ce sont les lécithines du chocolat qui permettent de mêler
le chocolat fondu à de l’eau, pour faire une sauce au chocolat chaude qui est une émulsion.
Dans la sauce de la raviole ? Le fond utilisé s’approchait de la demi glace. Or cette dernière est
une sauce obtenue par cuisson longue dans l’eau, la viande libérant de la gélatine, qui se dissout
progressivement. Oui, de la gélatine : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle les bouillons où cuisent
les viande gélifient quand ils refroidissent. Cette analyse m’a alors remémoré des expériences
anciennes, où j’avais testé l’ajout de gélatine dans les sauces, quand je croyais que ce composé était
responsable de la viscosité des sauces, avant de découvrir que c’était en fait le beurre émulsionné
grâce à la gélatine qui venait de donner de la consistance.
240
Ah ! Mais alors, pour faire une sauce émulsionnée, il fallait de l’eau, de la gélatine, et de la
matière grasse. Le voilà, le dénominateur commun ! De surcroît, il semblait conduire à des sauces
confortables, le beurre émulsionné donnant ce sentiment d’enrobage prolongé de la bouche, la gélatine
venant asseoir la durée. Hypothèse : pour faire une sauce confortable, il faut de l’eau, de la
gélatine et du beurre. L’hypothèse fut transmise à Pierre… qui vérifia qu’elle était exacte. Chacun
peut facilement faire le test, même avec de l’eau pure. Du coup, l’hypothèse testée permet de créer de
nouvelles sauces confortables… peu classiques, car si l’eau des sauces classiques est celle du jus de
viande, pourquoi ne pas la changer pour un bouillon de légume, de fruits, que sais-je ?
Les demi-glaces de légume
La question des légumes est périodiquement posée. Nicolas de Bonnefons, au XVII e siècle, s'en
préoccupait déjà, parce qu'il se passionnait pour les jardins et leurs productions. Ce n'était pas le
premier… mais, aujourd'hui, nous continuons de manger trop souvent les légumes cuits à l'anglaise :
tristes objets, fades, délavés ! Il faut réagir. Ma façon de faire consiste à poser des questions : si l'on
ne se contente pas du goût propre des légumes (cuisson à la vapeur, à peine mieux que la cuisson à
l'anglaise), comment donner du goût aux légumes ? Le goût, ce n'est pas de la texture, qui est une
autre question. Non, il me faut cette fois raisonner en chimiste que je me glorifie d'être. Donc, à la
base, le légume et ses molécules ; et à l'arrivée, de nouvelles molécules, obtenues par des opérations
culinaires, lesquelles auront réagi sous l'action de la chaleur. Nous sommes bien d'accord, nous
devons donc faire de la chimie… sans autres produits chimiques que ceux qui sont dans les
aliments.
Ce mois-ci, une première proposition : chauffer longtemps. Dans le Menu de l'an 2000, il y a
ce jus de carottes centrifugées et chauffé pendant plusieurs heures sur le coin du fourneau. C'est la
même idée que celle du bouillon, ou du velouté. Je m'explique. Contrairement à ce que l'on a
longtemps cru, la confection d'un bouillon n'est pas une simple extraction du jus de la viande :
autrement, on aurait haché la viande et on l'aurait placée dans l'eau, sans se préoccuper de chauffer
plusieurs heures. Non, un bouillon s'obtient chauffant de la viande dans de l'eau, certes, mais on
ignore que la viande chauffée est comme une éponge que l'on presse : du coup, les jus sortent et l'eau
se teinte. Ce n'est pas là le fin mot de l'histoire : si l'on cuit un bouillon pendant plusieurs heures,
alors qu'une heure de cuisson environ suffit à faire sortir les jus de la viande, c'est parce qu'il faut du
temps pour que toutes les molécules du jus, passées dans l'eau, réagissent chimiquement. Il est
d'ailleurs facile d'observer qu'il y a réaction chimique : de rouge et un peu fade qu'est le jus de
viande, on passe à un brun sapide et odorant. Quelles réactions sont-elles la cause de cette
transformation ? La chimie n'en a pas encore de certitudes.
Peu importe, cela ne nous empêche pas d'avancer. Passons maintenant au velouté. Le
dépouillement, qui consiste à retirer régulièrement la peau qui se forme à la surface d'une casserole
où un roux (beurre plus farine, chauffés jusqu'à coloration noisette) a été additionné d'un bouillon, ne
241
sert pas à éliminer des " impuretés ", comme on l'a longtemps cru, ni à retirer la graisse en excès,
comme je le croyais naguère. Non, le dépouillement - c'est la découverte de l'été dernier, dans mon
laboratoire- sert essentiellement à donner du temps à des réactions chimiques pour former un délicat
arôme de champignons. L'expérience est facile à faire : on fait un roux, on y ajoute de l'eau et on cuit
doucement pendant une heure environ ; l'eau est presque transformée en soupe aux champignons !
Merveilles de la chimie culinaire… Pourquoi cette odeur? Là encore, de la recherche scientifique
s'impose : quand nous comprendrons mieux la chimie de l'affaire, nous pourrons mieux procéder aux
réactions.
Venons-en enfin aux légumes : un jus de carottes que l'on chauffe très longtemps se transforme,
également, parce que les molécules ont le temps de réagir. Quelles molécules ? Toutes celles qui se
trouvent dans les carottes. D'où une première possibilité : faire des jus de tas de légumes, et les
cuire longuement, à très petit feu, jusqu'à transformation du goût.
Une autre possibilité, fondée sur l'analyse du bouillon. Ce dernier s'obtient, nous l'avons vu, par
des réactions inconnues… mais pas complètement. Parmi ces réactions figurent les réactions de
Maillard, découvertes par le chimiste Louis-Camille Maillard, né à Pont-à-Mousson, qui fit une
bonne partie de sa carrière à Nancy. Ces réactions se font entre les sucres (il y en a dans les légumes)
et les acides aminés (il y en a dans la viande). D'où l'idée du mois : Pierre, essaye un peu de cuire
des légumes centrifugés avec du jus de viande ou de la viande hachée, pendant très longtemps,
à découvert, comme tu cuis déjà tes carottes, et tu verras apparaître des goûts inconnus. Selon les
légumes, les résultats seront bien différents.
La cuisine en formules
Les physiciens étudient depuis longtemps les « colloïdes », c’est-à-dire ces objets étranges que sont les
émulsions, les mousses, les gels… Ni complètement solides, ni liquides … au point que le mot de «
colloïde » a été remplacé par « matière molle », ou par « systèmes dispersés ». Il suffit de considérer
une gelée de gélatine, une confiture (ce sont ce que les physiciens nomment des gels) pour comprendre
pourquoi on parle aujourd’hui de matière molle, mais pourquoi systèmes dispersés, d’autre part ?
Le microscope l’explique. Prenons tout d’abord une émulsion : la mayonnaise. L’huile est dispersée
par le fouet dans l’eau apportée par le jaune d’œuf et par le vinaigre. Prenons ensuite un gel de
gélatine, l’eau est dispersée dans un solide, formé par la gélatine. Et la mousse, aussi, est un système
dispersé : des bulles d’air dispersées dans un liquide. C’est le cas des blancs d’œufs battus en neige,
par exemple. Avec le pain ou la meringue, on a encore une mousse, mais, cette fois, les bulles d’air
sont dispersées dans un solide (la mie). On dit que ces systèmes sont des mousses solides. Achevons
en signalant que tous les livres de physico-chimie des colloïdes commencent par présenter le tableau132
des « systèmes dispersés simples ». Et pour les autres ? Cette fois, la description devient compliquée :
132 Se reporter au tableau de la page 8.
242
il y a des émulsions multiples, avec un liquide dispersé dans une autre liquide qui est lui-même
dispersé dans un autre liquide. Comptez le nombre de mots nécessaires à cette description : 24 !
Pourrions-nous arriver à des descriptions plus simples ? Nous allons voir que oui, tout d’abord ;
puis nous verrons comment ce petit travail amusant permet d’inventer une infinité de plats nouveaux.
Commençons par observer que, parfois, deux « phases » sont dispersées dans une troisième : par
exemple, dans une sauce béarnaise, l’eau apportée par la réduction de vinaigre et par l’œuf abrite des
agrégats de protéines (comme des « grumeaux microscopiques »), quand l’œuf cuit, et aussi des
gouttes de matière grasse. Je vous propose d’utiliser le signe « + » pour décrire cette coexistence. Il
nous faudra un autre signe pour décrire la dispersion : je propose le signe « \ ». En notant G le gaz, E
l’eau et H l’huile, on trouve des formules toutes simples. H\E ? C’est une émulsion de type huile dans
eau : prototype la mayonnaise. G\E ? Un gaz dispersé dans l’eau : par exemple le blanc d’œuf battu en
neige. E\G ? Un gel. Et ainsi de suite. La béarnaise, dont je vous entretenais, est alors décrite par une
formule toute simple : (G+H)\E.
Evidemment, la méthode peut être généralisée. Choisissons un certain nombre de phases, que nous
nommons A B C D E … K. Pour trouver toutes les possibilités, nous introduisons entre les paires de
lettres les signes \ ou + ; puis nous ajoutons des parenthèses. On obtient un plat dont la cuisine n’a
souvent aucune idée. Vous trouvez cette cuisine trop théorique ? Vous voulez un exemple ? Très bien.
Choisissons par exemple une formule au hasard : ((G+S1+H) \ E) \ S2. On y trouvera un gaz (G), deux
solides (S1 et S2), une huile (H) et une eau (E). Quel goût aura ce plat ? Celui que vous voulez.
Supposons que vous vouliez faire ce plat au homard. Vous pourriez alors : • 1. préparer une huile parfumée au homard H en brunissant la carapace au four, puis en la cuisant dans de
l’huile
• 2. préparer une purée de homard S1 en broyant la chair du homard
• 3. préparer une bisque de homard E en cuisant des carapaces avec oignons, carottes, thym, laurier, ail,
tomates…
• 4. disperser la purée S1 et l’huile H dans la bisque E, à l’aide de gélatine
• 5. faire mousser l’émulsion (on introduit G)
• 6. attendre que le système gélifie (ce qui fait S2)
Il reste à donner un nom au plat pour qu’il existe. Comme j’ai beaucoup d’admiration pour Michael
Faraday (l’homme de la cage, et de biens d’autres choses), je vous propose de nommer ce plat
"Homard à la Faraday".
243
A.14. Recettes de Pierre Gagnaire
L'oeuf a 65°
Recette de ménage
1) Faire revenir à l'huile d'olive dans une petite poêle un oignon ciselé, le sucrer abondamment ; ajouter soja,
vinaigre de Xeres. Bien faire réduire.
2) Ajouter à cette préparation encore tiède une concassée de tomates crue de bonne qualité et de jambon blanc
taillé en petits dés
3) Laver et sécher une belle salade romaine et garder une large feuille par personne
4) Préparer un beurre noisette à la dernière minute juste avant le dressage
Dressage :
La feuille de romaine nature,puis le mélange cuisine puis l'œuf.
Assaisonner du beurre noisette poivré puis ajouter de la fleur de sel.
Recette festive
Marché (4 personnes)
-1/4 de litre de bouillon de poule
-50 grs de foie gras cru
-1 petit bouquet de coriandre fraîche
-50cl de porto rouge
-1 botte de navets fanes (20 pièces environ)
-Du beurre doux
-Un mélange 30gr de mie de pain fraîche agrémentée de curry fort, curcuma, cannelle en poudre, tandoori
et paprika.
Méthode :
Porter à ébullition le bouillon de poule, ajouter le porto, le foie gras et la coriandre fraîche effilée. Mixer.
Émulsionner en incorporant 30 grs de beurre en petits dés.
Remettre à la chaleur 3 minutes puis filtrer.
Cuire les navets dans une petite casserole épaisse avec eau, sirop d'érable et beurre frais. Les navets doivent
rester blonds.
Cuire au beurre mousseux le mélange d'épices (attention, il ne doit pas brûler).
Répartir ce mélange sur le dôme des quatre œufs.
Passer ces œufs au four chaud pendant 1 minute.
Dressage :
Verser le bouillon,, poser les navets puis les œufs en dernier.
244
Sole meunière, beurre de cuisson chantilly
Le marché pour 4 personnes.
- 2 soles de 500g
- 180 g de beurre
- 10 g d'échalote ciselée
- 10 g de ciboulette ciselée
- 20 Cl de bouillon de poule
- 1 cuillère à café de jus de citron
- Sel et poivre
Méthode :
Cuire les soles à la poêle avec 100 gr de beurre frais en faisant très attention de ne pas brûler le beurre parce
qu'on l'utilisera jusqu'au terme de cette recette.
Les soles étant cuites, lever les filets et les réserver au chaud.
Dans la même poêle de cuisson faire revenir les arêtes concassées et les parures puis ajouter le bouillon de
poule que l'on fera réduire d'un quart ; filtrer.
Ajouter ensuite la ciboulette et les échalotes, puis le jus de citron.
Verser ensuite sur le restant de beurre en pommade ; monter le tout sur glace à consistance d'une crème
fouettée.
Dressage :
Poser le filet de sole au centre d'une assiette bien chaude, accompagné d'une pomme de terre cuite à l'eau
écrasée.
Le Truc :
Le beurre chantilly sera servi dans un petit bol à part, posé à côté de l'assiette et utilisé au cours de la
dégustation comme un condiment pour la pomme de terre ou le filet de sole.
Commentaire
Quand les gens me parlent de cuisine moléculaire, ils imaginent des plats incompréhensibles, conçus à partir de techniques
gadget. C’est pour eux de la magie plus que de la cuisine ! La recette de la sole symbolise bien ma relation aux recherches
d’Hervé : pas d’effet de manche, on se contente de redessiner l’axe principal d’une recette archi éprouvée de notre répertoire
culinaire français. Le beurre meunière par sa texture moelleuse, fait que le rapport du gras à la chair du poisson devient
différent. Le mode de cuisson perd de sa banalité. On peut imaginer une multitude d’autres histoires : passer les filets de sole
dans un mélange de mie de pain, de jaune d’œuf dur et d’herbes fraîches. On pourrait ajouter au beurre une écorce d’orange,
un brin de macis, du jus de truffe.
245
Bouillon d'artichaut truffe, pétales de cabillaud (l'effet pastis)
Le marché pour 4 personnes.
- 3 gros artichauts
- 50 à 80 g. de truffe fraîche
- 25 cl d’huile d’olive vierge suave
- 5 cl de Calvados
- 1 pomme reinette
- 2l d’eau de source
- 200 à 250 g. de cabillaud extra frais
Méthode :
1) Dans un bocal hermétique mélanger huile, calvados, truffes hachées,pomme coupée en quatre.
Garder au frais 24 h en agitant régulièrement le bocal.
2) Effeuiller l’artichaut pour ne garder que le cœur avec le foin.
Mettre à cuire le tout (cœur & feuilles) dans une casserole haute et épaisse dans laquelle il y aura l’eau froide
légèrement salée.
Porter à ébullition pendant 30 minutes pour le cœur et poursuivre encore un 1/2 h pour les feuilles.
Arrêter le feu en fin de cuisson et remettre les cœurs dans le bouillon et laisser refroidir.
Enlever alors le foin puis filtrer ce bouillon.
Reporter ce bouillon à ébullition, éteindre le feu et verser les éléments du bocal dans ce bouillon chaud.
Laisser infuser 10 minutes.
3) Déposer le cabillaud assaisonné de sel fin dans un plat épais beurré.
Le cuire 20 minutes à four doux (80°) le retirer du plat et l’effeuiller délicatement dans les 4 assiettes.
4) Pendant ce temps, tailler le cœur d’artichaut en petits dés et le déposer dans 4 assiettes creuses.
Dressage :
Rectifier l’assaisonnement du bouillon, le poivrer et le verser brûlant dans chaque assiette devant les convives.
Sablé à la farine torréfiée
Marché pour 30 sablés.
- 250gr de beurre
- 250gr de farine torréfiée
- 125gr grammes de sucre
- 3 grammes de sel
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- 3 jaunes d'œufs durs
- 25cl d'eau de source
Méthode :
Torréfier la farine :
Mettre 350 grammes de farine sur une plaque, la cuire 20 minutes à 160 °C, la brasser de temps en temps. La
laisser refroidir sur la plaque. La tamiser.
Réaliser la pâte: ,
Mélanger le beurre , le sucre , le sel, puis la farine, à la fin les jaunes durs préalablement tamisés .
Laisser reposer une nuit . Étaler, laisser refroidir. Cuire a 160 °C environ 10 minutes .
Utilisations :
Une idée salée
Déposer sur une assiette plate bien froide de fines aiguillettes de canard gras tranchées en carpaccio.
Tailler de la betterave rouge cuite en tout petits dés ; les mélanger à des noisettes torréfiées et concassées, de la
ciboulette et de la coriandre fraîche, un peu d'huile d'olive, du vinaigre de framboise et du sésame.
Répartir ce mélange sur le carpaccio. Puis déposer un sablé à la farine torréfiée.
Une idée sucrée
Préparer un vrai chocolat chaud ave une ganache fortement battue et détendue au lait cru. Ajouter une quenelle
de glace onctueuse à la vanille ; déposer le sablé agrémenté de belles framboises de saison.
Langoustines Hervé This ("deux goûts au lieu d'un seul")
Le marché pour 6 personnes.
- 18 pièces de très grosses langoustines
- 1 orange sanguine
- 1 citron non traité
- 1 pamplemousse rosé
- 20cl d’huile d’arachide
- 90 g. de oudon ( nouilles japonaises)
- 3cl d’eau de source
- 24 pièces de petites carottes fanes
- 1 blanc d’œuf
- 1 cu. à café de miel
- 1 cu. à soupe d’huile d’olive
- sel / poivre
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Méthode :
A) la veille, préparation de l’huile et de l’eau aux agrume:s
Prélever à l’aide d’un couteau économe 20gr de zeste sur chaque agrume ;
couper finement.
Dans un bocal verser l’eau, l’huile, ajouter les zestes, mélanger bien et fermer le bocal.
Laisser infuser au frais pendant 24 heures.
B) le jour même
1) Filtrer le mélange eau - l’huile- agrumes.
Laisser reposer une heure pour que les deux éléments eau – huile se décantent.
Au bout d’une heure, séparer huile et eau dans deux récipients différents.
2) Décortiquer les queues de langoustines, réserver au frais.
Peler l’orange à vif, retirer les segments, réserver au frais.
Eplucher les carottes fanes, les cuire à l’eau bouillante salée, les rouler dans l’huile d’olive.
3) Confectionner une mayonnaise avec le blanc d’oeuf, un peu de sel et l’huile parfumée.
4) Chauffer l’eau aux agrumes jusqu'à frémissement et pocher les queues de langoustines, puis les retirer
après cuisson.
Fondre le miel dans le bouillon de cuisson des langoustines.
Dressage :
Dans 6 assiettes creuses, disposer successivement les carottes, les segments d’orange, les oudons puis les
langoustines tièdes.
Verser ensuite un peu de bouillon tiède et quelques gouttes de jus de citron.
Napper délicatement les langoustines de la mayonnaise.
Vent de sable aux olives de Lucques ("cristaux de vent")
Le marché pour 6 personnes.
- 12 pièces d’olives de Lucques
- 60 grammes de blancs d’oeufs
(soit 2 blancs)
- 60 grammes de sucre semoule
- 1 gousse de vanille
- 30 grammes de sucre glace
- 20 grammes de jus de conservation des olives ( 3 cuillères. à soupe)
- 6 Spaghettis
-200 grammes d’huile de cuisson
soit 1 louche
248
- 2 pièces de beaux Kakis
-Quelques stigmates de safran.
Méthode :
1) Faites chauffer l’huile de cuisson dans une grande poêle, puis frire les spaghettis sans les casser, 30
secondes. Réservez sur du papier absorbant, puis coupez-les en deux.
2) Dénoyautez les olives en les gardant entières.
3) Préparez une meringue en montant en neige, à l’aide d’un fouet, les blancs d’oeufs et en incorporant peu à
peu le jus de conservation de ces olives; ajoutez ensuite le sucre semoule.
Puis à la spatule le sucre glace, la gousse de vanille coupée en deux, grattée.
Vous avez obtenu une meringue que nous avons baptisée avec Hervé “Cristaux de Vent”.
4) Piquez les olives avec les spaghettis, trempez les dans l’appareil meringue, et déposez sur un papier sulfurisé.
5) Séchez au four à 120°C, pendant 1 heure.
6) Videz les Kakis à l’aide d’une cuillère et mixez la pulpe avec le safran.
Dressage & service
Tremper les brochettes dans la pulpe de Kakis juste avant de déguster.
Bouillon de citronnelle, feuilles de combawa et poireau ("bouillons plus longs en bouche")
Le marché.
- 1 litre d’eau de source
- 5 feuilles de combawa (que l’on trouve facilement dans une épicerie « exotique »)
- 2 bâtons de citronnelle
- 1 poireau dont on aura gardé la partie vert tendre
-2 feuilles de gélatine
Méthode :
Emincer le poireau, le faire suer au beurre frais et de l’huile d’olive (5mn), verser l’eau, porter à ébullition,
ajouter la gélatine ramollie, cuire doucement à couverts pendant 15 mn. Ajouter citronnelle et feuilles de
combawa, couvrir et laisser infuser jusqu’à refroidissement.
Filtrer ce bouillon, le réserver éventuellement au congélateur en petites poches. Attention doit être faite avant
que le liquide ne soit trop froid pour une répartition équitable du gras.
249
Finition :
Emulsionner longuement votre bouillon en ajoutant éventuellement une noix de beurre frais et des feuilles de
combawa ciselées.
Ce bouillon accompagnera un crustacé cuit à la vapeur (langoustine, homard, …).
On peut le servir en tasse, en accompagnement d’un riz gluant, de spaghetti juste arrosés d’huile d’olive et de
citron.
Disque de caramel au polyphenol
Le marché pour 6 personnes.
- 100 g. de fondant
- 70 g. de glucose
- 10 g. de beurre de cacao
- 3 g. de polyphénol
Méthode :
1) Cuire le fondant et le glucose jusqu'à une température de 120°.
2) Ajouter le polyphénol, bien mélanger.
3) Reprendre la cuisson du sucre et monter jusqu'à une température de 155°.
4) Stopper la cuisson du sucre en incorporant le beurre de cacao en petites parcelles.
5) Verser le caramel sur une feuille de papier sulfurisé et abaisser à l'épaisseur d'un millimètre environ.
6) Détailler à l'aide d'un emporte-pièce des disques dans la plaque de caramel chaud.
7) Laisser refroidir et ébarber les disques.
Velouté d’artichaut au macis, bouquet de poivrade crus et carres de gelée au vin jaune (le "note à note")
Le marché (4 pers).
- 4 gros artichauts maco
- 1 brisure de macis (cosse de la muscade)
- 1 oignon blanc
- eau de source
- 4 artichauts poivrades
250
- 20cl de crème fluide de belle qualité (Elle & Vire)
- 1 carotte taillée en tous petits dés
- jus de pamplemousse rosé
- balsamique blanc
- vinaigre de riz
- coriandre fraîche
Méthode :
1. Porter à ébullition douce ¼ de la bouteille de vin jaune.
Incorporer la gélatine ramollie à l’eau froide ; verser cette préparation dans une petite plaque chemisée de
papier film.
Mettre au frais une nuit.
Découper des petits carrés de cette gelée.
2. Préparer les maco, les couper en quartiers.
Les faire revenir au beurre avec l’oignon émincé déjà roussi.
Retirer la casserole du feu pour qu’elle refroidisse.
Verser alors le vin jaune et cuire doucement à couvert avec la brisure de macis (environ 30min).
Mixer, passer au tamis ; on va obtenir une masse un peu épaisse.
Assaisonner de sel, incorporer une belle noix de beurre ; garder au chaud.
3. Émincer à la mandoline les 4 poivrades.
Assaisonner de sel, de poivre, d’huile d’olive, de jus de pamplemousse et de vinaigre balsamique.
Dressage :
Dans 4 assiettes creuses larges, verser la crème d’artichaut tiède puis la crème qui sera mousseuse puis les
poivrades et les carrés de gelée.
Terminer enfin par la petite brunoise de carotte assaisonnée de vinaigre de riz et de coriandre ciselée.
Pomme coufide, fruits de la passion aux noix ; caramel de cuisson au polyphenol (le "note à note", bis)
Le marché.
- 8 royale gala
- 12 fruits de la passion
- 20 noix de l’année
- beurre
- sucre roux
- vin blanc de cépage chardonnay
- 5g de polyphénol (voir texte le concernant pour toute information)
- écorce d’agrume
- badiane
251
- poivre noir et à queue
- barbe de capucin (150 g.)
Méthode :
1. Préparer un sirop à base de vin blanc et d’épices indiqué ci-dessus.
Dans ce sirop on aura versé un caramel. On pourra le confectionner plusieurs jours à l’avance. (donc pas de
problème de conservation)
Eplucher les pommes et les immerger dans ce sirop brûlant.
Les couvrir et les laisser reposer une journée ; les retourner de temps à autre.
2. Dans un plat épais, déposer les pommes avec une partie du sirop.
Les mettre à cuire doucement et longtemps (3 heures)
Les arroser, les retourner en bref les aimer.
Elles vont tranquillement confire, devenir coufide.
Le sirop va devenir un jus caramélisé.
Egoutter les pommes.
Ajouter le polyphénol dans ce jus qui va prendre une belle couleur violine ; mais surtout son goût va se modifier,
prendre une autre ampleur, une autre dimension.
Remettre les pommes dans ce jus.
Ajouter les noix taillées en aiguilles.
Dressage :
Répartir dans des assiettes creuses la pulpe de fruits de la passion.
Servir les pommes devant les convives. (elles seront coupées en quartier)
Déposer la barbe de capucin assaisonnée d’un peu de sirop.
Ajouter quelques grains de sel et de poivre concassé.
Pavé de bar rôti, mie de pain fraîche « cuisinée ». (gradient)
Le marché pour 4 personnes.
-4 pavés de bar (150gr net) taillés dans le cœur d’une grosse pièce (bar de ligne évidemment)
-Beurre frais à disposition
-Huile d’olive idem
-La mie de pain « cuisinée »
-30gr de mie de pain
-5gr de livèche ciselée
-10 gr de persil simple haché (ne pas le rincer)
-5gr de coriandre ciselée
-30gr de poudre d’amande
-3 gr poivre moulu au moulin
-Sel glacé
-15 gr de fleur de sel finement pilé jusqu'à obtention d’une poudre
252
Méthode :
1) Dans une peule très chaude légèrement graissée d’huile d’olive, démarrer la cuisson du bar sans
l’assaisonner.
2) Ne pas hésiter à bien appuyer sur les morceaux pour éviter qu’ils se rétractent.
Quand la peau commence à colorer, retirer de la poêle.
3) Nettoyer la peule et redémarrer la cuisson des filets avec huile d’olive et beurre frais.
La cuisson va être douce, pendant 7 à 8 minutes, sans retourner les filets mais en les arrosant avec soin,
souvent.
Laisser reposer 10 minutes hors de la peule mais vers une source de chaleur.
Ajouter le beurre de cuisson à la mie de pain « cuisinée ».
4) recouvrir de mie de pain les filets, côté peau ; passer rapidement sous le grill.
Dressage :
Saupoudrer le fond de l’assiette de sel glacé.
Déposer au centre la pièce de bar en mettant la partie nature visible.
On va ainsi déguster la partie naturelle et peu cuite d’abord, la partie croustillante et salée ensuite
Commentaire:
Le bar est un poisson magnifique mis malheureusement « en cage » dans les aquacultures. Ce beau poisson, à la peau d'un
bleu-gris profond, est d’une forme parfaite. Son aérodynamisme lui confère une noblesse, une élégance unique. Sa chaire
d’une blancheur incroyable est souple, onctueuse, fondante. Malheureusement lorsqu’il vient d’un élevage, comme un animal
captif, le poisson devient triste, cartonneux, flasque.
Il est important de saisir le pavé à l’huile ou au beurre clarifié. Bien menée la cuisson va bien griller la peau ; elle va fondre
sans brûler. Le gras situé enter chair et peau va ainsi fondre. On va obtenir une surface croustillante, goûteuse et légèrement
amère.
Ensuite il faut nettoyer la poêle, mettre du beurre frais, et cuire le tronçon côté peau en arrosant constamment. La chair va
ainsi devenir blanc laiteux et restera soyeuse et douce, parce qu’elle n’aura pas été agressée par du beurre trop chaudes, plein
de particules brûlées.
La mie de pain accentue le gradient car elle rajoute une texture à la préparation. J’aime cette préparation «annexe et modeste»
qu’est la mie de pain cuisinée. Elle donne au plat une petite singularité, un supplément d’âme. Le talent de la gastronomie
moléculaire c’est de faire comprendre la raison d’un accord réussi.
Blanc de volaille fermière à la mangue verte (chaud salé dur)
Macaroni au lait d'amande amère agrémenté de miel de fenouil (froid sucré mou)
Le marché pour 4 personnes.
Pour le blanc de volaille :
- 2 blancs de volaille tapé finement afin d’obtenir deux fines feuilles de chair ;les arroser d’huile
d’olive,de quelques cuillères de Xeres avec de l’estragon ciselé et les mettre au frais 2 heures.
- La farce :
20 g de mie de pain
5cl de lait
253
100gr de champignons de Paris
Beurre & citron
3 échalotes ciselées
1 œuf
1 cu à soupe de coriandre fraîche ciselée
1/3 de mangue verte
Pour les macaroni :
- 200 g de macaroni
- 10 cl de lait d’amande amère
- 20 cl de crème fraîche
- 1 cu à soupe de miel de fenouil
- 5 cl de jus de pamplemousse rosé
- lait cru
- sirop d’érable
Méthode :
1) Verser le lait tiède sur la mie de pain. Cuire les champignons avec beurre, citron, un peu d’eau ; les hacher
finement, les ajouter à la mie gonflée avec l’échalote, l’œuf, la coriandre et la mangue taillée en petits dés.
2) Assaisonner les filets de volaille, répartir la farce puis les souder en spirale ; les ficeler soigneusement.
Les mettre à rôtir dans un sautoir épais (démarrer la cuisson à l’huile d’olive pour colorer la chair puis ajouter
une belle proportion de beurre frais) ; garder au chaud.
3) -Cuire les macaronis dans une eau agrémentée de lait.
- Pendant qu’ils cuisent, mélanger lait d’amande, crème, miel et jus de pamplemousse.
- Verser dans ce mélange froid les macaronis égouttés mais chauds.
- Laisser refroidir l’ensemble ;
4) Reprendre le beurre de cuisson des volailles, le séparer en deux.
Assaisonner une partie de jus de citron, l’autre de sirop d’érable.
Verser la partie acidulée dans 4 petits verres à cognac, les mettre au congélateur.
Une fois que ce beurre est dur, sortir les verres et verser la partie du jus de cuisson au sirop d’érable encore
tiède dessus.
Dressage :
Servir immédiatement les verres pour accompagner la volaille et le gâteau de macaronis.
Noisette de chevreuil « glucose-vanille-cannelle » à la fleur de sel & copeaux de foie gras (le "sens inné")
Le marché pour 6 personnes.
254
- un morceau de chevreuil d’environ 600g. taillé dans la gigue (beaucoup moins cher
et tout aussi bon que la selle).
- 80 g. de glucose que l’on fait chauffer à 70° pour faire infuser 10 g. de cannelle en poudre et une gousse
de vanille fendue sur la longueur. Filtrer, ajouter le sel et mettre au froid
- 300 g. de foie gras de canard cru que l’on met au congélateur
- 10 g. de poivre noir en grains que l’on écrase soi-même au pilon.
- 20 g. de fleur de sel
- un bon vinaigre balsamique de 8 ans d’age
- beurre frais
Méthode :
1) Rôtir la pièce de chevreuil sans l’assaisonner. La viande sera saisie à l’huile d’olive puis terminée au beurre
frais. Elle doit rester rosée.
2) Récupérer le beurre frais dans lequel on fera infuser le poivre noir (4 minutes), le filtrer. Au moment de servir
on ajoutera une cuillère à café de vinaigre balsamique ;
Dressage :
Dans 6 assiettes creuses ou dans un plat, déposer le glucose. Mettre dessus les copeaux de foie gras crus, puis la
viande chaude mais pas brûlante.
On coupe la viande en fines lamelles et enfin on verse le beurre poivré et le vinaigre.
Il faut servir tout de suite et préciser aux convives de manger simultanément cette préparation. Il ne faut pas
manger séparément les différents ingrédients, car c’est la collusion des éléments qui fait le talent du plat.
On accompagne ce chevreuil de tartines grillées croustillantes nappées d’une compote de pomme fruit nature.
Lait pris à l’Izarra vert, une gelée d’Izarra jaune, une transparente eau de rose-campari (vernis et glacis)
Le marché pour 4 personnes.
25g de crème
½ l de lait
7g de gélatine
15g de sucre
20g d’Izarra
Préparation :
1. Faire bouillir le lait, la crème avec le sucre, incorporer la gélatine ramollie et l’Izarra vert. Il faudra avoir
une masse très peu prise.
255
2. Verser cette masse dans des bols en porcelaine, que l’on répartit équitablement ; juste avant que le liquide ne
prenne, ajouter de fines lanières d’angélique qui auront marinées dans de l’alcool d’angélique.
Gelée d’Izarra jaune :
200g d’eau
150g d’Izarra jaune
½ citron râpé
5g de gélatine
1. Préparer la gelée d’Izarra jaune, jusqu’à obtention d’une masse une peu plus dense que le lait pris à l’Izarra
vert ; la verser délicatement sur ce dernier.
Transparence eau de rose et campari :
100g d’eau de rose
100g d’eau
25g de sirop de rose
3g de gélatine
30g de campari
1. Procédé de la même façon que précédemment afin d’obtenir une masse très peu gélifié ; à froid, ajouter le
campari.
2. Verser délicatement cette troisième gelée qui va apporter la transparence.
L’abricot
300g d’abricots bien mûrs que l’on fait compoter avec 150 g. de sucre. Filtrer le jus obtenu sans presser. Il sera
frais, goûteux, un peu acidulé et légèrement sirupeux.
Dressage
Lorsque les différentes gelées sont bien prises, glacer la surface du nappage d’abricots frais.
Glaçons de poivron rouge et concombre (perles de gélatine)
Marché pour 4 personnes
• 4 pièces de poivron rouge, environ 900 gr.
• 600 gr. de concombre
• 20 feuilles de gélatine
• sel et poivre
256
Méthode : pour les glaçons de poivron rouge
Monder les poivrons dans un four chaud.
Mixer les poivrons, assaisonner la pulpe.
Egoutter sous presse la pulpe de poivron à travers une étamine pendant la nuit.
Couler le jus de poivron dans des moules à glaçons et mettre au congélateur.
Méthode : pour la gelée de concombre
Mixer les concombres avec un peu de sel.
Passer au chinois étamine.
Ramollir la gélatine à l'eau froide.
Chauffer une petite partie du jus de concombre et dissoudre la gélatine.
Ajouter le reste du jus de concombre froid, passer au chinois.
Méthode : pour le trempage
Mettre au point la gelée de concombre (consistance huileuse).
Tremper un par un les glaçons de poivron.
Renouveler l'opération pour former une pellicule de gelée suffisante autour du glaçon.
Durant toutes les opérations, le glaçon doit rester dur.
Stocker les " glaçons/gelée " au réfrigérateur et laisser fondre lentement le jus de poivron congelé.
Le but est d'avoir un jus liquide à l'intérieur d'une pellicule de gelée.
Cocktail multicouches
Recette n°1 – Jus de fraise gélifié
• Mixer la totalité des fraises équeutées et passer au chinois.
• Prélever 240 g. de jus de fraise et réserver le reste.
• Ramollir 2 feuilles de gélatine à l’eau froide.
• Chauffer les 240 g. de jus de fraise et dissoudre les 2 feuilles de gélatine.
• Refroidir et couler en quantité égale dans 6 verres hauts à bords droits.
• Réserver au froid jusqu’à la prise complète de la gelée.
Recette n°2 – Crème de foie gras
• Passer le foie gras cru au tamis.
• Porter à ébullition le bouillon de poule et le porto mélangé.
• Verser peu à peu le liquide bouillant sur le foie gras en remuant au fouet.
• On obtient une crème lisse.
• Assaisonner avec sel et poivre.
257
• Couler cette crème liquide mais froide dans chacun des verres sur la gelée de fraise.
• Réserver au frais pour solidifier cette crème de foie gras.
Recette n°3 – Crème anglaise pistachée
• Blanchir au fouet les 2 jaunes et le sucre.
• Porter le lait à ébullition.
• Verser peu à peu le lait bouillant sur les jaunes.
• Cuire la crème anglaise à la spatule sur un feu doux.
• Débarrasser.
• Dissoudre la pâte de pistache dans la crème anglaise chaude.
• Refroidir et répartir en quantité égale sur chaque verre.
Recette n°4 – Huile d’olive aux agrumes
• Prélever 10 g. d’écorce d’orange et 10 g. d’écorce de citron.
• Chauffer l’huile d’olive et les 20 g. d’écorces à une température d’environ 80°.
• Retirer du feu et laisser infuser jusqu’à complet refroidissement.
• Filtrer l’huile d’agrumes.
• Ramollir 2 feuilles de gélatine à l’eau froide.
• Presser l’orange et le citron, filtrer.
• Chauffer le jus de fruit et dissoudre la gélatine.
• Faire prendre la gelée de fruit sur glace.
• A l’aide d’un mixer monter la gelée de fruit en versant l’huile d’olive peu à peu.
• Couler encore liquide cette émulsion (environ 2 cuillers à soupe par verre).
• Réserver au froid, laisser prendre.
• Sur chaque verre, mettre une cuiller à café de kirsch.
Recette n°5 – Mousse de fraise
• Ramollir 2 feuilles de gélatine à l’eau froide.
• Porter à ébullition l’eau et le sucre, dissoudre la gélatine dans le sirop.
• Fouetter vigoureusement le longtemps sur glace.
• Déposer délicatement la mousse obtenue sur le kirsch de chaque verre.
Finition :
Sur chaque verre déposer un cristal de vent à la fraise, par-dessus les pistaches puis une petite pincée de
mélange d’acide tartrique et de bicarbonate de sodium.
258
Soupe de Potimarron –Avocat (14 types de sauce: le velouté mousseux)
Le marché pour 6 personnes.
-500 g. de potimarron
-2 avocats
-2 citrons verts
-60 g. de pignons
-1 nashi
-2 endives
-3 blancs d’œuf
-lait cru
-beurre frais
-100 g. de parmesan râpé
Méthode :
1) retirer la peau du potiron, le couper en morceaux en peu gros.
Cuire les morceaux en démarrant la cuisson à l’eau froide salée
additionnée de lait (20%) pendant 3, minutes.
Egouter soigneusement.
2) mixer cette chair puis la passer au tamis.
Incorporer à chaud lait et beurre en petits dés.
On obtient un velouté plutôt serré et très lisse.
Garder au chaud
3) mixer finement la chair d’avocat, l’assaisonner de sel et de jus de citron vert ;
incorporer les pignons torréfiés.
4) tailler en fines tranches le nashi (avec la peau), l’arroser de l’autre citron vert.
5) monter les blancs en neige bien fermes (attention à la propreté du bol) ;
terminer avec une pointe de sel.
Les incorporer délicatement (à l’aide d’une spatule souple) dans le velouté de potimarron
auquel vous aurez rajoute le parmesan.
Ce velouté sera donc aéré, onctueux et goûteux.
Dressage :
Dans une grande assiette creuse, verser le potimarron chaud mais pas brûlant.
Mettre l'endive finement ciselée et très légèrement salée.
Puis dessus faire une belle quenelle d’avocat. Répartir en surface les lamelles de nashi.
259
Boeuf à la ficelle (le confortable salé)
Le marché pour 6 personnes.
- 1 cœur de filet de bœuf d’environ 800gr soigneusement ficelé.
- 3 l d’eau de source
- 2 oignons blancs
- 150 gr de champignons de Paris bouton.
- 1/2 têtes d’ail
- 1/2 anis étoilé
- 2 branches de céleris avec les feuilles
- 1 petit bouquet de persil enfermé dans du vert de poireau
- 10 gr de poivre de Sarawak)
- 100gr de beurre frais
- 50 gr de foie gras cuit et passé au tamis
- 8 feuilles de gélatine
- 1 cu à café de vinaigre balsamique de 8 ans d’age
- 5 gr de fleur de sel imbibée d’huile d’olive.
Méthode :
1) Dans une casserole haute et épaisse, déposer les oignons finement émincés, les champignons, le céleri, l’ail et
le persil. Poser le bœuf non salé, le mouiller d’eau à hauteur ; assaisonner de 20 gr de gros sel.
2) Porter à chaleur douce (70°), écumer avec attention toutes les impuretés qui remontent à la surface.
Compter 25 minutes de cuisson.
3) enfermer cette viande dans un papier aluminium avec beurre et foie gras.
Garder au chaud et filtrer le bouillon de cuisson pour récupérer les légumes.
4) Faire réduire fortement le bouillon filtré; le filtrer à nouveau et incorporer la gélatine ramollie puis le gras
de cuisson (beurre + foie gras+ jus de viande reposée). Donner un coup de mixer pour rendre ce liquide
homogène.
Faire infuser le poivre 4 minutes dans ce bouillon brûlant, filtrer encore ; rectifier le goût (on peut ajouter une
pincée de wasabi, de moutarde, de noilly) ; garder au chaud.
Dressage :
Déposer oignons, champignons dans un grand plat en porcelaine ; verser le bouillon confortable, trancher la
viande que l’on met sur les légumes. L’arroser de beurre fondu légèrement vinaigré. Répartir la fleur de sel à
l’huile.
260
Commentaire:
Version élégante du pot au feu. La cuisson du boeuf doit être précise en chaleur & en temps. L’apport de gélatine compense
la maigreur du filet. (Dans le pot au feu traditionnel, les parties basses du boeuf sont plus gélatineuses). Cette gélatine rend le
bouillon moelleux, confortable bien que moins gras ; c’est un leurre confortable. L’apport des piments est plus anecdotique.
Tarte rhubarbe, tomate & framboise (le confortable sucré)
Le marché pour 6 personnes.
- 500gr de rhubarbe
- 150 gr de framboise
- 2 grosses tomates bien mures
- 50 gr de sucre
- 1 jus de citron
- 4 feuilles de gélatine
- 1 dl d’huile d’olive de la Vallée des Baux
- 150gr de mâche coquille parfaitement triée et soigneusement lavée
- Pâte sablée :
125gr de beurre & 125 gr de sucre glace tamisé
+ 25, gr de farine+ 2 œufs entiers
- 40 gr de chocolat blanc fondu
Méthode :
1) Nettoyer la rhubarbe, la détailler ainsi que les tomates. Passer le tout avec les framboises à la centrifugeuse.
Ajouter sucre et jus de citron
2) Passer au chinois. Porter à ébullition, incorporer la gélatine ramollie à l’eau froide.
Hors du feu incorporer l’huile d’olive ; mettre au frais.
3) On aura préparé 6 tartelettes bien fines et bien cuites ; les jablonner de chocolat blanc.
4) Verser le confortable de fruits & légumes
5) Ajouter la salade de mâche coquille puis assaisonner de sucre glace.
Commentaire:
À l’énoncé du plat, rien ne laisse supposer du confortable. Il est surtout question d’acidité. Nous sommes en présence de trois
acidités très différentes et de trois fruits différents ! L’acidité de la rhubarbe est la plus "raide". Elle va jusqu'à l’astringence
presque désagréable, mais quelle mâche ! La tomate livre une acidité plus banale car plus courte en bouche. La texture du
fruit est plus limpide, plus fluide. La framboise est le lien gustatif par son acidité suave et tendre. L’apport de gélatine &
d’huile d’olive va enrichir la saveur et par cet apport rend le plat confortable, agréable.
Le craquant de la pâte fine, ce beurre en peu brioché complétera le sentiment de plénitude. C’est le jablonnage du fond de
tarte au chocolat blanc qui permet de garder longtemps le craquant de la pâte indispensable à la saveur du plat. La doucette
ou mache taquinera le plat par sa verdeur amicale.
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Saint Jacques " Faraday " à l'orange amère et au thé fumé. Fine tranche de haddock et poire verte
(la cuisine en formules)
Le marché pour 4 personnes:
- 8 grosses noix de saint jacques (140g)
- 300g de haddock
- 2 cu à soupe de thé fumé de grande qualité (12g)
- 2 feuilles de gélatine
- 1 poire verte
- 1 orange amère
- 4 tranches de pain d'épices moelleux
- 1/4 de boule de céleri-rave
- 1 endive
- 12cl d'huile d'olive
- sel et poivre
Méthode :
Dessaler le haddock entier à l'eau froide pendant 5 heures
Peler l'orange amère à vif pour récupérer toute l'écorce.
Tailler environ 80g de celle-ci en petits cubes et faire infuser à chaud et à couvert dans 8cl d'huile d'olive,
Passer cette huile d'orange au chinois, réserver.
Préparer une infusion de thé fumé avec 20cl d'eau et 10g de thé fumé (conserver une grosse pincée pour plus
tard).
Laisser infuser cette préparation jusqu'à complet refroidissement.
Passer au chinois en pressant fortement pour extraire le maximum de liquide.
Chauffer cette infusion pour incorporer les 5g de gélatine ; réserver.
Tailler les Saint Jacques au couteau,, les saler, ajouter les 2g de thé que l'on a gardés, laisser mariner ce
mélange pendant 30 minutes.
Mêler les Saint Jacques, l'infusion de thé fumé et huile d'orange amère ; émulsionner à l'aide d'un mixer,
rectifier l'assaisonnement, réserver au frais : le " faraday " est réalisé.
Tailler l'endive et le céleri-rave en fins bâtonnets, mêler les deux et assaisonner avec l'huile d'olive qu'il reste.
Tailler dans la poire verte 4 belles tranches fines.
Égoutter et sécher le haddock, le tailler en fines tranches.
Plaquer ces tranches dans un plat creux ou elles ne se chevaucheront pas et les arroser de 5cl d'eau et de 2cl.
Passer le plat 30 secondes dans un four chaud (therm.6).
262
Dressage :
Poser le " faraday " de Saint jacques sur les assiettes, repartir dessus les tranches de haddock chaudes et
terminer par la tranche de poire verte. En garniture : les tranches de pain d'épices, les bâtonnets de céleri et
d'endive, quelques grains de fleur de sel et un tour de moulin à poivre pour finir.
Commentaire :
Il faut savoir capturer les produits présents peu de temps sur nos étals. L’orange amère est un fruit formidable pour
aromatiser, vivifier et embaumer une préparation. Cette huile d’orange peut nous permettre d’assaisonner une salade de
mâche à la pomme verte par exemple. Le cahier des charges d’Hervé m’a donné ici l’occasion de construire une véritable
histoire de goût. Le fumé, l’amer, le gras vanillé et sucré de la st jacques, le fumé du haddock (ce même haddock qui
légèrement raidi prend une nacre extraordinaire de brillance) L’accompagnement endive-céléri apporte verdeur et mache et "
asseoit " le plat. L’insolite est prolongé par l’apport du pain d’épices au goût chaud & gras. Son côté collant va jouer un rôle
important dans la mise en scène des textures.
263
A.15. les frères Adria
Albert et Ferran Adria (restaurant El Bulli, au nord de Barcelone) sont peut-être les chefs qui ont
poussé le plus à l’extrême le concept de cuisine « moléculaire », et sont en tous cas responsables pour
une bonne part de la médiatisation à l’échelle internationale de cette cuisine surprenante, parfois
déroutante133.
Leurs créations se divisent en 4 catégories134:
A.15.1. La sphérification
À l’instar des autres gélatines faites à base d’algues, comme celles de l’Agar, les alginates sont
résistants à la chaleur. Contrairement à l’Agar, ils ne se décomposent pas sous l’effet de la chaleur
intense une fois que le gel est formé (gel « thermo-irréversible »). Un alginate mal raffiné sera
synonyme de goût légèrement désagréable susceptible de gâcher l’élaboration. C’est dans ce sens que
nous avons travaillé, en vue de proposer l’Algin, qui permet d’optimaliser les résultats. Les sphères
obtenues, légèrement flexibles, peuvent être manipulées. On peut y introduire des éléments solides qui
resteront en suspension dans le liquide et permettront d’obtenir deux ou plusieurs saveurs au sein
d’une même élaboration. Lorsque l’on retire la sphère du bain de Calcic, ce produit continue d’agir et
finit par compacter la boule de préparation même en cas de rinçage abondant. D’où le caractère
immédiat du service. Bien qu’il soit possible de détenir l’effet du Calcic, les produits utilisés pour ce
faire agissent sur le goût et ne sont donc guère recommandables. Un milieu au pH acide provoque la
destruction totale ou partielle des chaînes de l’Algin, ce qui risque de susciter des problèmes avec les
ingrédients qui présentent un taux d’acidité élevé. Pour que l’Algin soit efficace, il est important de
travailler dans un milieu dont le pH est supérieur à 4. Il faudra donc incorporer du Citras en cas de
nécessité de correction de l’acidité. Les liquides qui, comme les produits laitiers, contiennent du
calcium par nature, représentent un problème pour l’Algin car, dans un milieu calcique, les liquides
finissent par gélifier. Il faudra donc veiller à traiter chaque ingrédient individuellement. Une recette
standard ne pourra pas s’appliquer à tous les liquides.
Les produits
Algin est un produit naturel aux extraits d’algues brunes (des espèces Laminaria, Fucus, Macrocystis,
entre autres), qui poussent dans les eaux froides d’Irlande, d’Écosse, d’Amérique du Nord et du Sud,
d’Australie, de Nouvelle Zélande, d’Afrique du Sud, etc. La texture et la capacité de réaction au Calcic
133 Là encore, ne polémiquons pas : cette cuisine « destructurée » (et « restructurée » ?) ne plaît pas à tout le monde, mais au moins peut-on lui reconnaître son inventivité. 134 Protocoles et commande de produits ad hoc sur http://www.texturaselbulli.com/FRA/texturas_01.html. Attention, ce site a le mérite d'être trilingue, même si les traductions sont parfois un peu maladroites (traductions que je me suis donc parfois permis de corriger).
264
de chaque alginate varient en fonction de la partie de l’algue qui a été raffinée. C’est pourquoi nous
avons choisi l’Algin, idéal pour une sphérification totalement garantie.
(Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Gélifie en présence de Calcic.
Dissolution à froid en agitant fortement. Il ne faut pas chauffer pour produire la sphérification.)
Calcic est un sel de calcium traditionnellement utilisé dans le secteur alimentaire pour l’élaboration de
fromages, par exemple. La présence de Calcic est obligatoire pour produire la réaction avec l’Algin,
responsable de la sphérification. Sa grande facilité de dissolution dans l’eau, son important apport de
calcium et la grande capacité à favoriser la sphérification qui en découle en font un réactif idéal.
(Caractéristiques: Présentation sous forme de granulés. Très soluble dans l’eau. Grande capacité
d’absorption de l’humidité.)
Citras est un produit élaboré à base de citrate de sodium, principalement obtenu des agrumes. Il est
généralement utilisé dans le secteur alimentaire pour éviter le noircissement des fruits et légumes
coupés. Ayant la propriété de réduire le taux d’acidité des aliments, il permet d’obtenir des
préparations sphériques faites d’ingrédients très acides. Sa dissolution est facile et il agit de manière
instantanée.
(Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Très soluble dans l’eau.)
Utilisation d’un seul liquide
Cette élaboration est particulièrement indiquée pour les liquides dont la densité aqueuse pose moins
d’entraves à la sphérification. Toujours peser l’Algin de manière stricte, à l’aide d’une balance de
précision. Ajouter l’Algin dans une proportion équivalente à 1/3 de la quantité du liquide que nous
allons utiliser, puis mixer jusqu’à dissolution totale. Ajouter les 2/3 restants de l’ingrédient principal,
puis laisser reposer pendant une heure afin d’éliminer une partie de l’air qui s’est incorporé avec le
mixeur. Entre-temps, diluer le Calcic dans de l’eau, à froid, dans un bol. Préparer un autre bol avec de
l’eau, uniquement. Faire un petit essai pour voir comment réagit le mélange d’Algin dans le bain de
Calcic, avant de procéder à l’élaboration. Après avoir versé la quantité de l’ingrédient mélangé à
l’Algin souhaitée (pour l’obtention de caviar, raviolis, gnocchis, etc.), la retirer une fois la texture
désirée atteinte, puis rincer dans le bol d’eau en vue d’éliminer l’excès de Calcic.
CAVIAR SPHERIQUE AU MELON CANTALOUPE
250 g de jus de melon Cantaloupe
265
2 g d’Algin/ 500 g d’eau / 2,5 g de Calcic
Ajouter l’Algin dans une proportion équivalente à 1/3 de la quantité de jus de melon, puis mixer.
Ajouter les 2/3 restants, passer et réserver. Dissoudre le Calcic dans l’eau. Remplir 4 seringues avec le
mélange de melon et d’Algin. Dresser goutte à goutte sur la base de Calcic. Retirer au bout d’une
minute, passer, puis laver le caviar obtenu à l’eau froide.
Utilisation d’un liquide mélangé à de l’eau et du Citras
Cette élaboration est particulièrement indiquée pour les liquides épais auxquels il faut ajouter de l’eau
afin d’en rectifier la densité. Dans le cas d’ingrédients à taux d’acidité excessif, on emploiera du
Citras. Toujours peser le Citras et l’Algin de manière stricte, à l’aide d’une balance de précision. Il
faudra toujours veiller à ce que le Citras soit ajouté en premier lieu à l’eau avant de mixer jusqu’à
dissolution totale. On incorporera ensuite l’Algin, qui sera également mixé. On terminera par
l’ingrédient principal, avant de laisser reposer le tout une heure afin d’éliminer une partie de l’air
incorporé lors du mixage. Entre-temps, diluer le Calcic dans de l’eau, à froid, dans un bol. Préparer un
autre bol avec de l’eau, uniquement. Faire un petit essai pour voir comment réagit le mélange d’Algin
dans le bain de Calcic, avant de procéder à l’élaboration. Après avoir versé la quantité de l’ingrédient
mélangé à l’Algin souhaitée (pour l’obtention de caviar, raviolis...), la retirer une fois la texture désirée
atteinte, puis rincer dans le bol d’eau en vue d’éliminer l’excès de Calcic.
RAVIOLIS SPHERIQUES A LA MANGUE
1.250 g d’eau / 1,3 g de Citras / 1,8 g d’Algin
250 g de purée de mangue / 5 g de Calcic
Mixer le Citras avec 250 g d’eau, ajouter l’Algin, puis mixer de nouveau. Faire frémir, laisser
refroidir, puis mélanger avec la purée de mangue. Mélanger 1.000 g d’eau au Calcic, puis y verser le
contenu d’une cuillère de dosage remplie du mélange de mangue et d’Algin, laisser reposer 2 minutes,
puis rincer à l’eau froide. Recommencer l’opération avec le reste des raviolis.
Utilisation avec une base d’Algin
Cette élaboration est particulièrement indiquée pour les liquides qui réagissent mal à l’Algin, comme
les alcools. Toujours peser l’Algin de manière stricte, à l’aide d’une balance de précision (le cas
échéant, ajouter du Citras au préalable). Ajouter l’Algin à l’eau que nous allons utiliser, puis mixer
jusqu’à dissolution totale. Laisser reposer une nuit au réfrigérateur pour que l’Algin gonfle et perde
266
une partie de l’air qui s’est incorporé avec le mixeur. Mélanger la partie de base d’Algin au liquide
que nous allons utiliser, puis remuer afin d’intégrer les deux liquides en veillant à limiter l’entrée d’air
autant que possible. Entre-temps, diluer le Calcic dans de l’eau, à froid, dans un bol. Préparer un autre
bol avec de l’eau, uniquement. Faire un petit essai pour voir comment réagit le mélange d’Algin dans
le bain de Calcic, avant de procéder à l’élaboration. Après avoir versé la quantité de l’ingrédient
mélangé à l’Algin souhaitée (pour l’obtention de caviar, raviolis, gnocchis, etc.), la retirer une fois la
texture désirée atteinte, puis rincer dans le bol d’eau en vue d’éliminer l’excès de Calcic.
RAVIOLIS SPHERIQUES AU THE
975 g d’eau / 16 g de thé Earl Grey / 25 g de sucre
50 g de jus de citron / 1,5 g d’Algin / 3,25 g de Calcic
Mélanger 400 g d’eau, le thé et 20 g de sucre à froid, puis laisser macérer au réfrigérateur pendant 24
heures. Passer. Mélanger le jus de citron avec 5 g de sucre, congeler dans un bac à glaçons. Mixer
l’Algin avec 75 g d’eau. Diluer le Calcic dans 500 g d’eau. Mélanger l’infusion de thé avec la base
d’Algin, puis laisser reposer. Refroidir au congélateur sans arriver au point de congélation. Placer un
glaçon au citron dans une cuillère de dosage de 3 cm, que l’on terminera de remplir avec la base de
thé. Introduire 30 secondes dans le bain de Calcic. Nettoyer le ravioli à l’eau froide.
A.15.2 gélification
Les gélatines figurent parmi les élaborations les plus caractéristiques de la cuisine classique et
ont connu l’une des plus grandes évolutions de la cuisine moderne. Les traditionnelles feuilles de
gélatine de ces dernières années ont fait place, à partir de 1997, à l’Agar, un dérivé d’algues dont
l’usage est à l’heure actuelle très répandu. Les carragheenates Kappa et Iota, également obtenus à
partir d’algues, ont des propriétés d’élasticité et d’affermissement particulières qui leur confèrent
une identité propre. Pour compléter la famille, nous vous présentons Gellan, qui permet d’obtenir
un gel ferme et rigide.
Produits et recettes
Gellan: gélifiant découvert assez récemment (1977) obtenu à partir de la fermentation produite par la
bactérie Sphingomonas elodea. Le type de gellan obtenu varie en fonction du processus appliqué. Le
267
présent échantillon est la gellan rigide. Gellan permet d’obtenir un gel ferme d’une découpe nette
pouvant supporter des températures allant jusqu’à 70 °C (gélatine chaude).
(Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Chauffer à 85 °C, puis laisser refroidir
afin d’obtenir l’effet gélifiant. Perte de pouvoir gélifiant dans des solutions très salines.)
MACARONIS AU CONSOMME
250 g de bouillon de viande et volaille
6,5 g de Gellan / 1 barrette en pvc de 0,3 cm de diamètre
Mélanger le Gellan au bouillon, puis malaxer. Porter à ébullition et couler dans un récipient. Laisser
coaguler, puis détailler des rectangles de 0,15 cm d’épaisseur à la mandoline. Enrouler chaque
rectangle à l’aide de la barrette afin d’obtenir des macaronis.
TAGLIATELLES AU SAFRAN
250 g de consommé sans sel
10 pistils de safran / 4,8 g de Gellan
Mélanger les trois ingrédients, puis porter à ébullition. Laisser coaguler dans un récipient plat.
Détailler en bandelettes de 0,5 mm de large afin d’obtenir les tagliatelles.
Kappa est extrait d’un type d’algues rouges (des espèces Chondrus et Eucheuma, principalement). Il
s’agit d’un carragheenate, substantif dérivé de la localité irlandaise de Carragheen, où ces algues sont
utilisées depuis plus de 600 ans. Au milieu du XXe siècle, cette « mousse irlandaise » a commencé à
être commercialisée sur le plan industriel en tant que gélifiant. Kappa fournit un gel d’une texture
ferme et fragile.
268
(Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Mélanger à froid, puis faire frémir. Sa
gélification rapide permet de napper le produit. Une fois gélifié, il peut supporter des températures
allant jusqu’à 60 °C. Perte partielle du pouvoir gélifiant en milieux acides.)
AMBRE DE CEPES
5 cèpes frais
200 g de bouillon aux cèpes / 3 g de Kappa
Détailler les cèpes en lamelles de 0,3 cm d’épaisseur. Mélanger le bouillon avec le Kappa et porter à
ébullition jusqu’à dissolution complète. Introduire une lamelle de cèpe dans le mélange, puis déposer
sur un récipient plat. Recommencer l’opération avec le reste des lamelles.
CONCOMBRES EN FLEUR GELATINISES
20 concombres en fleur
100 g d’eau de cornichons au vinaigre / 0,75 g de Kappa
Nettoyer les concombres en fleur, puis réserver au réfrigérateur. Ajouter 100 g d’eau de cornichons et
le Kappa dans un poêlon. Porter à ébullition. Baigner les concombres deux fois dans le mélange tiède
avant de les conserver au réfrigérateur.
Iota: à l’instar d’autres carragheenates, il s’agit d’un gélifiant extrait d’algues rouges (des espèces
Chondrus et Eucheuma, principalement) que l’on trouve sur les côtes de l’Atlantique Nord et dans les
mers des Philippines et d’Indonésie. Iota a des propriétés très spécifiques qui permettent d’obtenir un
gel d’une consistance moelleuse et élastique ou des gélatines chaudes.
(Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Dissoudre à froid, puis porter à environ
80 °C afin de produire la gélification. Gel mou qui ne se forme que lorsque l’on cesse d’agiter le
mélange. En cas de rupture, le gel peut être recomposé après une période de repos.)
269
GELATINE AU LAIT
200 g de lait / 0,6 g d’Iota
Mélanger le lait avec l’Iota, puis mixer jusqu’à dissolution. Chauffer à 80 °C dans un poêlon, puis
laisser gélifier au réfrigérateur.
GELATINE A L’ANANAS
250 g de jus d’ananas / 0,3 g d’Iota
Mélanger le jus d’ananas avec l’Iota, puis placer dans un poêlon. Faire frémir et laisser gélifier au
réfrigérateur.
Agar: extrait d’algues rouges (des espèces Gelidium et Gracilaria), l’Agar est un gélifiant utilisé au
Japon depuis le XVe siècle. Il fut introduit en Europe en 1859 en tant qu’aliment propre à la cuisine
chinoise et a commencé à être appliqué dans l’industrie alimentaire au début du XXe siècle. Cette
source de fibres permet la formation de gel dans des proportions très réduites, très utile dans le cadre
de l’élaboration.
(Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Mélanger à froid, puis faire frémir.
Après sa gélification rapide, il peut supporter des températures allant jusqu’à 80 °C (gélatine chaude)
Laisser reposer en vue de garantir une gélification optimale. Perte de pouvoir gélifiant en milieux
acides.)
GELATINE CHAUDE DE LANGOUSTINES
250 g de bouillon de langoustines / 0,6 g d’Agar, et sel
270
Mélanger le bouillon de langoustines salé avec l’Agar. Porter à ébullition à feu moyen sans cesser de
mélanger. Laisser coaguler au réfrigérateur au moins 2 h, puis chauffer à la salamandre lors du service.
TERRINE AU BASILIC
250 g d’eau au basilic / 0,9 g d’Agar, et sel
Mélanger 1/4 de la quantité d’eau avec de l’Agar en poudre. Porter à ébullition à feu modéré sans
cesser de remuer.
Retirer du feu, puis ajouter le reste d’eau au basilic salée. Écumer. Laisser coaguler dans un récipient
carré à hauteur d’1 cm. Laisser au réfrigérateur pendant au mois 3 heures.
Metil: gélifiant extrait de la cellulose des végétaux. Contrairement aux autres gélifiants, Metil (fait à
base de méthylcelluloses) gélifie au contact de la chaleur. À froid, il joue le rôle d’épaississant. La
viscosité des méthylcelluloses peut être très diverse et cela joue sur le résultat final de la gélification.
Metil a été choisi en raison de son important pouvoir gélifiant et de sa grande fiabilité.
(Caractéristiques : Présentation en poudre. Mélanger à froid en agitant énergiquement et laisser
refroidir au réfrigérateur jusqu’à 4°C pour que le produit s’hydrate bien. Ensuite, porter à une
température de 40 à 60°C. En refroidissant, le produit perd son aspect gélatineux et devient liquide.)
BOULETTES DE FEVES TENDRES
Pour le mélange de Metil
100 g d’eau, 3 g de Metil
Mélanger les deux ingrédients à température ambiante puis les mixer dans un blender jusqu’à
obtention d’un mélange sans grumeaux. Filtrer et laisser reposer 24 h au réfrigérateur.
Pour les boulettes de fèves tendres
65 g de fèves tendres écossées et épluchées
20 g de mélange de Metil
Mélanger les fèvres tendres épluchées avec le mélange de Metil. Faire 8 boulettes de 8,5 g chacune.
Réserver au réfrigérateur. Plonger les boulettes dans de l’eau salée portée à 90 °C et faire cuire 1 min.
271
A.15.3 émulsification
Le premier-né de cette famille a été Lecite, qui permet d’obtenir des préparation aérées. Puis
Sucro et Glice sont venu le rejoindre. La caractéristique la plus remarquable de ces deux derniers
produits est leur faculté à marier deux substances non miscibles, comme les milieux gras et les
milieux aqueux. Ils permettent donc de réaliser des émulsions qui, sans eux, seraient très
difficiles à obtenir.
Produits et recettes
Lecite: émulsifiant naturel à base de lécithine, idéal pour l’élaboration des airs. Découverte à la
fin du XIXe siècle, celle-ci est présente dans les jaunes d’oeuf ou obtenue à partir du raffinage de
l’huile de soja. Elle est très efficace dans le cadre de la prévention de l’artériosclérose et contient
des vitamines, des sels minéraux et des agents antioxydants. Lecite est élaboré à base de soja
non-transgénique.
(Caractéristiques: Présentation sous forme de poudre raffinée. Soluble à froid. Très soluble en milieu
aqueux, mais perte de ses propriétés en milieux gras. Ce produit surprenant permet par ailleurs de lier
des sauces impossibles.)
AIR GLACE AU PARMESAN
500 g de parmesan râpé
450 g d’eau / 3 g de Lecite
Mélanger le parmesan avec l’eau, puis chauffer progressivement jusqu’à l’obtention d’une température
de 80 °C. Laisser infuser 30 minutes avant de passer. Incorporer 1,3 g de Lecite par portion de 250 g
de sérum de parmesan obtenu. Activer le mixeur à la surface du liquide, laisser stabiliser une minute,
puis recueillir l’air qui s’est formé sur la partie supérieure. Congeler l’air dans le récipient de votre
choix.
272
AIR A LA LIME
225 g de jus de lime
275 g d’eau / 1,5 g de Lecite
Mélanger les trois ingrédients, puis activer le mixeur à la surface du liquide. Laisser stabiliser une
minute, puis recueillir l’air qui s’est formé sur la partie supérieure.
Sucro: émulsifiant dérivé de la saccharose et obtenu à partir de l’estérification de la saccharose par les
acides gras (sucroester). Ce produit est très utilisé au Japon. En raison de sa haute stabilité comme
émulsifiant, il est employé pour préparer des émulsions de type huile dans l’eau. Hydrophile, il doit
d’abord être dissous dans un milieu aqueux. Il possède aussi des propriétés ventilantes.
(Caractéristiques : Présentation en poudre. Insoluble en milieu gras. À diluer en milieu aqueux sans
chauffer nécessairement. Ceci dit, la dissolution est plus rapide à chaud. Après dissolution, ajouter
lentement au milieu gras.)
SPIRALE D’HUILE D’OLIVE
Pour le caramel à l’huile d’olive vierge
100 g d’Isomalt
25 g de glucose
1,5 g de Sucro
45 g d’huile d’olive vierge extra
1,5 g de Glice
Mélanger l’Isomalt, le glucose et le Sucro et faire cuire le tout à 160 °C (les 5 °C manquants seront
atteints grâce à la chaleur elle-même). Pendant que le caramel cuit, dissoudre Glice dans l’huile
d’olive vierge à 50 °C. Lorsque le caramel est à 160 °C, y verser l’huile d’olive en fin filet et
l’incorporer à l’aide d’une spatule. Lorsque le caramel a absorbé toute l’huile d’olive, étaler le
mélange sur du papier sulfurisé. Ce caramel permet de réaliser toutes sortes de formes, comme, par
exemple, la spirale d’huile d’olive.
273
Glice: mono et diglycéride dérivé des graisses et obtenu à partir de la glycérine et des acides gras.
Glice a été choisi en raison de sa grande stabilité comme émulsifiant entre un milieu aqueux et un
milieu gras. Oléophile, il doit d’abord être dilué dans un élément gras puis être ensuite ajouté à
l’élément aqueux.
(Caractéristiques : Présentation en flocons. Insoluble en milieu aqueux. À dissoudre dans de l’huile
chauffée à 60 °C. L’intégration du mélange huile - Glice dans le milieu aqueux doit s’effectuer
lentement pour obtenir une émulsion satisfaisante.)
ÉMULSION D’OLIVE NOIRE
50 g d’eau d’olive noire
1 feuille de gélatine de 2 g
(réhydratée dans de l’eau froide)
0,5 g de Sucro
50 g de graisse d’olive noire
0,5 g de Glice
Dissoudre la gélatine avec un tiers de l’eau d’olive portée à température moyenne puis ajouter le reste
de l’eau. Ajouter le Sucro et passer au mixer. En même temps, faire dissoudre le Glice dans la graisse
d’olive noire, chauffée à environ 50 °C. Incorporer peu à peu la graisse à l’eau d’olive noire tout en
mariant les deux à l’aide du mixer. Garder au réfrigérateur pendant 2 h. Lorsque le mélange a pris, en
détailler 10 parts de 0,2 g chacune. Cette émulsion sert de garniture au disque de mangue.
A.15.4 epecification
La cuisine a depuis toujours employé des produits pour épaissir sauces, crèmes, jus, soupes, etc.
Les amidons, les fécules, la farine sont des épaississants traditionnels. Ils présentent néanmoins
un inconvénient : leur adjonction doit se faire en grandes quantités, ce qui influe sur le goût final.
Avec la famille des Espesantes, nous présentons un nouveau produit capable d’épaissir les
élaborations culinaires avec une quantité minimum et n’altérant absolument pas les
caractéristiques gustatives de départ.
274
Produits et recettes
Xantana s’obtient à partir de la fermentation de l’amidon de maïs avec une bactérie (Xanthomonas
campestris) présente dans le chou. Le résultat est une gomme au pouvoir très épaississant et qui
présente, en outre, de bonnes propriétés suspensives. Elle peut donc maintenir des éléments en
suspension dans un liquide sans qu’ils retombent. Elle peut aussi retenir du gaz.
(Caractéristiques : Présentation sous forme de poudre raffinée. Soluble à froid et à chaud. Capable
d’épaissir des milieux alcooliques. Très résistante aux processus de congélation / décongélation.
Même chauffée, ne perd pas ses propriétés épaississantes. Agiter lentement et la laisser s’hydrater
seule.)
SANGRIA BLANCHE EN SUSPENSION
500 g de mélange de sangria blanche
1,4 g de Xantana
Mettre ensemble dans une jatte la sangria et le Xantana. Bien les mélanger à l’aide d’un mixer. Filtrer
et emballer sous vide afin de supprimer les bulles retenues à l’intérieur du mélange. La consistance
obtenue permet de maintenir en suspension différents éléments: aromates, fruits, caviar sphérique...
VELOUTÉ DE JAMBON IBÉRIQUE
50 g de bouillon de jambon ibérique.
30 g de graisse de jambon ibérique
0,2 g de Xantana
Mélanger les trois ingrédients et les faire émulsionner à l’aide d’un mixer jusqu’à obtention d’une
émulsion onctueuse et sans grumeaux. Conserver au réfrigérateur. Cette crème accompagnera l’huître
et sa perle.
275
A.16. Un aperçu des discussions qui ont lieu sur MolecularGastronomy.com
A la suite du dernier Atelier International de Gastronomie Moléculaire à Erice (5-11 mai 2004) s'est
crée une liste de discussion sur internet (http://www.moleculargastronomy.org) à laquelle tous les
acteurs de la Gastronomie Moléculaire sont libres de participer (après inscription préalable) J'ai
reproduit ci-dessous pour exemple le type de discussion qui ont lieu (ici, il s'agit d'une question
initiale sur la cuisson des légumes verts. Vaste sujet…)
Green vegetables and lettuce (Vincenzo Fogliano)
I have two questions raised from my students. I teach Food Biochemistry at the University. Someone
could help me?
Why after boiling green vegetables you have to wash them under cold water to avoiding browning? I
guess is a matter of chlorophyll oxidation but I do not understand the role of cold water...
When you marinade a fresh lettuce with lemon a rapid softening occur while if you use a vinegar
marinade the salad remains crispy for some hours? Maybe citric acid of lemon is able to extract water
from lettuce? I'm not convinced....
(Chris Young)
My thoughts are as follows: Generally speaking I don't thinking shocking blanched vegetables with
cold water helps to keep them green per se. What it does do is stop the cooking which, from a
biochemistry standpoint, slows down any reactions that are involved in the degradation of chlorophyll
that occur at the elevated temperature of boiling water. The biggest factor in keeping boiled vegetables
green is the calcium content of your cooking water. We go so far as to cook our vegetables in
deionized water. This helps us keep them very green as there is no calcium in the water to displace the
magnesium ion normally present in chlorophyll--which is responsible for the
particular shade of green we see in fresh vegetables. Unfortunately, this is only part of the problem
and the longer you cook a vegetable or store it the more its color will degrade. Thus, stopping the
cooking process quickly is important to keeping the color as green as possible.
As for your lettuce problem. I'm not sure I agree with the observation. Generally, I find that oil is
much more damaging to leafy vegetables than acidic marinades. I know that Harold McGee talks
about this extensively in his book "The Curious Cook"
(V Fogliano)
Thank you very much Chris. The explanation for the green color sounds convincing to me. For lettuce
dressing I guess that citric acid in lemon juice chelate calcium. It is known that calcium pectate gel
strengthens the pectin complex, increasing firmness and crispness of lettuce.
276
(Farouk)
Vegetables contain orange carotene, but it is masked by the green chlorophyll ( for green vegetables).
It is essential to boil/blanch this vegetables in alkali water, (McGee, 1984, 177) to stabilize the acidity
in the water and vegetables, as well as hydrogen ions found on a metal pans or pots. That is why
blanching vegetables gives better result in salted water than acidic water (lemon juice/vinegar). Salt is
a source of sodium. In science, salt is sodium chloride (alkali). In certain methods, sodium
bicarbonate can be added instead of salt. What happened during blanching this vegetable is that the
sodium ions combine with the negative residue of an acid. If the surplus acid is not neutralized it will
destroy some of the chlorophyll, by making same exchange with the magnesium atoms as it would
with the sodium atoms of sodium chloride or sodium bicarbonate. Magnesium atoms comprise part of
chlorophyll molecules that hold them together. If the chlorophyll molecules are destroyed, the spinach
will loses its green colour, showing a coppery brown of a little chlorophyll mixed with the orange
carotene.
"chlorophyll, the green pigment we see all around us, is the compound that makes this conversion
possible, according to the equation 6CO2 + 6H2O + light ¦ C6H12O6 + 6O2" (McGee, 1984, 135)
Refreshing in ice water after blanching: this is to stop it from cooking further and to sealed back the
chlorophyll molecules to prevent it from turning coppery brown and loose its green colour. Despite
it’s going to be sautéed again. Overcooking it, will result of loosing its green colour, leaf will break
and turn mushy as the spinach is such a delicate vegetable and lost of its natural vitamin A content.
Thank you, hope this would help.
(C Young)
Following up the last posting on chlorophyll that references Harold McGee's book from 1984...
I would say that salt has very little, if anything, to do with stabilizing the green color of chlorophyll.
What salt might contribute to the process is to speed up how fast the vegetables become soft by
helping to dissolve the pectin in the plant cell walls--however, I'm not convinced this is an appreciable
effect (an interesting experiment to try sometime).
Basically, as a chef there are three process that can degrade the color of green vegetables:
(1) Chlorophyll transformed into Chlorophyllides and Pheophorbides by the action of the enzyme
chlorophyllase. The heat of blanching will destroy this enzyme, so this isn't usually a problem.
However, in some fermented green vegetables, or frozen vegetables that haven't been blanched, you
can end up with olive brown/green colored vegetables.
(2) Chlorophyll transformed into pheophytins by a slightly acidic solution. This is harder to prevent
because as the vegetables cook they will cause the pH of the water to drop. The best solution is to
cook the vegetables in a large amount of water relative to the amount of vegetables you're blanching.
Even better, use saturated steam. You could also add some sodium bicarbonate (baking soda) or other
base to neutralize the acidity, but this should be done cautiously because you can turn the vegetables to
mush easily if the solution becomes too basic. Interestingly, this is where salt might actually be useful
in keeping vegetables green. The ionic nature of salt might aid in dissolving the pectin in the cell
277
walls, the result would be that the vegetables cook faster and spend less time in the water, and hence
less time being exposed to a slightly acidic solution. Also, if there are any chemists out there, perhaps
someone could suggest a nice way to buffer the solution to slow down how fast the pH of the
blanching water can drop?
(3) Replacement of the magnesium ion in chlorophyll by iron, tin, or calcium ions. Water that is hard,
or has a high iron or tin content will cause the magnesium ion in chlorophyll to be displaced. This will
alter the color of the vegetables to a different shade of brown/green. The solution to this is to use
distilled water or water with a very, very low mineral content. Also, saturated steam would probably
be useful here too, as it is won't expose the vegetables to high mineral concentrations.
I hope I've explained matters more than confuse them.
Etc… etc… etc…. Voir la suite sur le site!
278
A.17. liste des cours disponibles sur le forum eGullet
Ces cours sont mis en ligne gratuitement par les membres de la communauté eGullet135. Libre à
chacun de participer à son tour dans son domaine de compétence (à condition, bien sûr, de maîtriser un
minimum l'anglais).
Stocks and Sauces Part 1 - Fat Guy and Carolyn Tillie
Simmering the Basic Stocks - Fat Guy and Carolyn Tillie
Straining, Defatting and Reducing - Fat Guy and Carolyn Tillie
Stock Based Sauces - Fat Guy and Carolyn Tillie
Understanding Stovetop Cookware - SLKinsey
Basic Knife Skills - Zilla369
Knife Maintenance and Sharpening - Chad
Menu Planning - Jaz
Extracts from Between the Bites - James Villas
Vegetarian Cooking for Everyone - Malawry
Pit Roasting a Pig - Michael Laverty
On Consommé - Jackal10
How to be a better food writer - David Leite
Classic Cocktails - Jaz
Evolving Cocktails Part 1 - Beans
Evolving Cocktails Part 2 - Beans
Cooking for One - Bond Girl
Cream Sauces - Jackal10
Hot and Spicy - =Mark
Risotto - Rice in the Spotlight - Craig Camp
Sourdough Bread - Jackal10
Japanese Cuisine - Torakris
Brining - Dave the Cook
Drive-in Cooking --Quintessential American Fare - Holly Moore
Introduction to Lebanese Cuisine - Foodman
Smoking Meat at Home - Col Klink
Amateur Cooking Competitions - Andy Lynes
Thai Cooking - Mamster and Pim
Non Stock-based Sauces - Jackal10
Chinese Cooking : Southern home-style dishes - Trillium
Preservation Basics - Jackal10
Festival of Lights - Diwali - Monica Bhide
Report on Dan Lepard's Baking Day - Andy Lynes and Jackal10
Cooking with Kids - Afoodnut
Autumn and Festive Preserves - Jackal10
A Sampling of South Indian Breads - Monica Bhide
A Sampling of North Indian Breads - Monica Bhide
The Potato Primer - Jackal10
Pasta from Around the Mediterranean - Adam Balic
Cooking Through the Jewish Year - Sheilah Kaufman
All About Eggs--Introductory Material - Fat Guy
Hard-Cooked Eggs - Fat Guy
Poaching Eggs - Fat Guy
Omelettes and More - Fat Guy
Souffles - Carolyn Tillie
All About Eggs - Cooking With the Pros - Ellen R. Shapiro
Beginner's Guide to Regional Indian Cookery - Monica Bhide and
Chef Sudhir Seth
The Kitchen Scale Manifesto - Dr Darren Vengroff
Leaf Salads - Andy Lynes and chef Bruce Poole
Mexican Table Salsas - Nicholas A Zukin with Sharon A Peters
Stuffed Pastas - Moby Pomerance
Stuffed Pastas - Tortelli, Ravioli & Cappelletti - Moby Pomerance
Stuffed Pastas - Pansotti, Tortelloni and Raviolo - Moby Pomerance
Science Of The Kitchen:Introduction - Jack Lang
Science Of The Kitchen: Taste & Texture, Part One: Taste - Janet A
Zimmerman
Soups: Part One, Thick Soups - Jack Lang & Andy Lynes
eGCI Cookery Clinic Q&A (Special Event) - Chef Shaun Hill
Cooking With Disabilities: Part One - Judith Benson
Cooking With Disabilities: Part Two - Susan Fahning & Jenna
Umansky
Cooking With Disabilities: Part Three - Judith Benson, Susan
Fahning & Jenna Umansky
Soy - Kristin Yamaguch
On trouvera ci-après, pour exemple, deux de ces cours totalement dans l’esprit de la gastronomie
moléculaire: le cours de Jack Lang sur les viandes et le cours (en 2 parties) de Janet Zimmerman sur le
goût et les textures. Bonne lecture!
135 Liste en ligne à l'adresse http://forums.egullet.org/index.php?showtopic=25235
279
SCIENCE OF THE KITCHEN (Jack Lang)
INTRODUCTION
The Science of The Kitchen module of the eGCI will be formed of a number of courses to be published over the coming semesters and will give a brief overview of some of the science behind food preparation. Areas to be covered include: the effects of heat on muscle, protein, carbohydrates and fat; sources and transmission of heat; browning; fermentation and preservation.
Understanding the processes behind the transformations that food undergoes as it cooks may give insights in how to cook, and in the hands of inspired chefs lead to new dishes, or better ways of cooking old ones. Some have dignified this with the title “Molecular Gastronomy.”
This is very much a high-level view, and much of the detail is glossed over or left to the references. No specific technical knowledge or mathematics is assumed. Although the science is, by its nature universally true, the material here is aimed at the home cook and restaurant chef as well as the cookery (culinary) student rather than at industrial scale processes.
WHY COOK?
Why cook at all? Why not just eat food raw, as some advocate? One reason is that it tastes good. Few can resist the smell of fresh toast or frying bacon in the morning. It tastes and smells good because that is our body's way of saying it is good to eat, suitable for our digestive systems and (probably) won’t poison us. In ancient times, getting this right was important for survival.
Our digestive systems have evolved to only deal with certain foods. We don’t chew the cud like cows and other ruminants and can’t usefully digest cellulose, so eating grass is not particularly nutritious. Ancient humans appear to mostly have eaten fruit and seeds with the occasional bounty of whatever else they could find or catch such as eggs, but basically we are originally carrion eaters.
This leads to the second reason to cook; it makes food more digestible, allows us to eat a wider range of food, and releases nutrition locked up in the raw material that we otherwise could not digest. Our success as a species owes a lot to being able to utilize a wide range of foods because we discovered cooking.
The third reason is food safety. Cooking processes kill or denature bugs, some poisons and other nasties that come with the raw food. Although less important today (most of the food we buy in supermarkets in the civilized world is safe to eat raw), bugs are everywhere in our environment. There are still reports of salmonella endemic in chickens, and occasional reports of trichinosis, tapeworms and other parasites in pig meat.
Reflecting the increased safety of our food supplies, today's cooking is much lighter than that of our forebears. A rare steak is, as we shall see, essentially uncooked in the centre, and certainly not cooked enough to kill spore-forming bacteria such as those that cause botulism or certain parasites.
280
WHAT HAPPENS WHEN WE COOK MEAT
We start by looking at cooking meat. You may choose not to eat meat, but it has always been an important component of the human diet and certain nutrients are only naturally available from it.
Meat (and the edible portion of fish) is mostly muscle. A joint of meat is a section of a large muscle or muscles, together with associated fat, bones, and other structures such as nerves and veins.
An Experiment
You can do this at home as well, although it's a terrible thing to do to a decent bit of steak. You can always add the leftovers to the stock pot. You do have a stock pot, don’t you?
Take a nice piece of steak. This is filet, but any will do.
Divide it in half. We will use one half in a moment. Divide the other half into eight or nine cubes, about 1cm/ ½ inch per side.
We are going to cook each of these cubes at a different temperature, in 5C/10F steps from 45C/110F to 75C/170F. The easiest way to do this is in pan of water, since we can control the temperature more easily and get more even heating. Use a remote reading digital thermometer. A digital thermometer is the one gadget above all that will do the most to transform your cooking.
Heat the water to the desired temperature. Put in the meat. Leave it until the temperature of the meat has stabilized at the desired temperature.
Here is a cube of meat in a pan of water.
281
Here are the results:
C F FEEL JUICE WHEN CUT? COLOR COMMENTS
45 110 Soft No Dark red/blue Still raw
50 120 Soft but firmer No Dark red/blue Blue
55 130 Yielding Some Red Rare
60 140 Yielding Yes Light red Medium-rare
65 150 Firmer Yes Some red juice Medium
70 160 Firm No Mostly Grey Well done
75 170 Firm Dry Grey Unappetising
What is going on here? How is a juicy steak transformed into a rubbery tough grey lump?
The Structure of Meat
Muscle is a wonderful piece of natural engineering. It is both strong and flexible at the same time. It consists of bundles of active fibers held together and anchored with a natural glue, mostly collagen, and lubricated with pads of fat that also act as natural dampers.
282
The fibrous nature gives meat it texture. Meat is usually carved across the fibers, chopping them into short lengths, since this makes the meat easier to chew and digest. (Fish muscle has much shorter lengths of fiber, divided by flexible sheets, and so is more delicate and cooks at a lower temperature (45C/130F)).
The Effect of Heat
Heat basically screws up the elegant structure, bursts the cell walls, and disrupts the delicate chemistry. The mobile and flexible strands of protein shrink and tangle, squeezing out the lubricating (and tasty) fluid. As the temperature increases these tangles get tighter and firmer. Your steak gets smaller and tougher. The lubricating and flavorful juices separate from the tough dry meat. These juices in the old days were called the "osmazone" which the famous eighteenth century gourmet, Brillat Savarin described as "The soul of the meat."
Myoglobin
The color changes because the red pigment, mostly myoglobin, is turned to its grey form. Myoglobin is the muscle's equivalent of hemoglobin, the oxygen carrying molecule in the blood. Myoglobin carries the oxygen to power the muscle’s complex chemical engine. Muscles that work more often, like leg muscles in chicken, tend to have more myoglobin, and so are darker. Fish have two sorts of muscle: the large white (or pink if the fish easts shellfish) muscle, which is the massive engine that used only occasionally to attack or get out of trouble, and the small dark muscles used most of the time to swim slowly around.
Like hemoglobin in blood myoglobin can exist in several forms with different colors. The central atom that binds to the oxygen is iron so the color of the molecule follows the color of iron compounds. The oxygenated form, oxymyoglobin, is bright red. The de-oxygenated form is dark purple/blue. The oxidized form, metmyglobin is brown, like rust. The changes between these forms are reversible. Some chemicals bind more tightly to the iron and so cannot be reversed. The most common is nitric oxide, to give the pink form nitro-myoglobin, which is the color of cured meats such as ham or bacon. The saltpetre used in curing (and in making gunpowder) is potassium nitrate, KN03. Other chemicals, such as sulfur, can bind irreversibly to myoglobin to create other colors, such as green, but these are not usual in cooking, except as indications of contamination or bacterial action. A more complete list is given in the table.
283
Bonds Compound Color Name
Fe++ Ferrous (covalent)
:H2O Purple Reduced myoglobin
:O2 Red Oxymyoglobin
:NO Cured pink Nitro-myoglobin
:CO Red Carboxymyoglobin
Fe+++ Ferric (ionic)
-CN Red Cyanmetmyoglobin
-OH Brown Metmyoglobin
-SH Green Sulfmyoglobin
-H2O2 Green Choleglobin
Because we associate freshness with bright red meat, the meat packaging trade uses all sorts of tricks, such as feeding the animals with vitamin E, and using oxygen permeable films to keep the meat looking red. Properly hung meat should be the dark purple/brown of reduced myoglobin, since the biological processes in maturing will have used up the oxygen.
Heat breaks up (denatures) the complex myoglobin molecule to create the greyish denatured hemochrome. This occurs at a slightly higher temperature than that at which the proteins denature, roughly 65C/150F, so a grey steak is an overdone steak. Meat conducts heat very poorly. We can use the myoglobin color change as a rough thermometer to watch what happens as we cook a steak on a hot pan.
284
You will see as it cooks that it shrinks the piece of meat gets smaller and tougher. Even after 20 minutes, the heat has only penetrated an inch or so. The heat also melts the fat interspersed with the muscle which runs into the pan, along with the meat juices and is lost.
Steak after 25 minutes…burnt on one side, but still raw on the other.
Conductivity of Meat
Solid meat is not a very good conductor of heat. The actual conductivity is quite complicated. For example, it is different along the grain or across it. It also changes with temperature; frozen meat conducts less well than unfrozen meat. Meat conducts better as the fat melts, and as the proteins denature, and as the water moves more freely. The length of time a piece of meat takes to cook (or freeze) is governed by the maximum depth, rather than the weight. A rough rule of thumb is about 20 minutes for each inch of depth. Thin pieces cook faster than thick joints; meat for quick stir frying needs to be cut wafer thin.
If the object is to raise the internal temperature of the meat to 60C/140F, then why put it in a 200C/400F oven, overcook the outside, undercook the inside and hope they even out during the resting period? They won’t. The heat changes are irreversible. All that happens is the inside cooks a bit more from the retained heat and some of the juices squeezed out from the middle migrate a bit to the outside. A much better idea is to put the meat in a much lower oven, say 65C/150F, for a long enough time for the entire joint to come up to temperature – about 5 hours. This also has the beneficial effect of letting the collagen denature to gelatin, as we shall see later. The meat will be uniformly tender, juicy and delicious. People will marvel. There is no danger of overcooking, so timing is not critical.
This is well above the temperature where harmful bacteria can thrive, despite what the "Food Police" say, who just look at absolute temperature. Recent work has shown the length of time at any particular temperature is important, and lower temperatures for longer times are also safe. Unfortunately this has not yet been incorporated into the regulations, so meat at public functions is often still served
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overcooked by law. If you need to hold meat for extended time (more than two hours) between cooking and serving you are advised to hold it at at least 60C/140F. The oven needs to be at about 65C/150F, slightly above the desired temperature. This is because of the second law of thermodynamics: heat flows from a hotter body to a cooler body. As Flanders and Swan remind us, this means we are all going to cool down, and so there will be no more heat and perfect peace…
The second law says that the flow of heat into the meat will be proportional to the temperature difference between the outside and the inside of the meat. For meat, the thermal conductivity, k, is about k = 0.08 + 0.0052w, where w is the water content, and the units are watts per square meter per degree. Mathematically:
xTkAQ ∆
=
Where Q is the rate of heat transfer in watts (Joules per sec.), k is the thermal conductivity as above, A the surface area in square meters, x the depth in meters and ∆T the temperature difference casuding the heat flow.
However, the heat flowing in will increase the temperature of the inside. One Joule raises 1cc of water by 1 degree centigrade. Since the inside is hotter, the temperature difference is less and so less heat will flow in. Mathematically this means that the temperature will rise in an inverse exponential, asymptotically to the temperature of the oven. The graph shows an example
For a typical small joint, say 2 inches thick we can model the temperature rise at the center for various temperature ovens:
You can see from the graph the inside is cooked rare (60C/140F)
o After about 45 minutes in a hot 200C/ 400F oven, leave it another 15 minutes and it will be 75C/170C, gray, dry and tough. Worse, when the inside is cooked, the outside half inch will be at 100C/210F or very overdone.
o After about 110 minutes at 100C/210F, the outside will be at 83C/180F. At this temperature the center will be overdone after another hour, so timing is less critical.
o After 5 hours at 65C/150F, the outside will be at 64C/ 148F, a little more cooked, but not significantly so. Leaving it there another hour or even several will have little effect – the curve is almost flat at that point.
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Authorities differ on the thermal conductivity of bone. McGee states that bone conducts more than the meat, Wolke says it less then the meat. The measurements I have been able to find also vary widely, with values for k from half to double those of the meat. In the context of roasting or freezing a joint, I'd say that bone, with its cellular structure, would conduct less well than meat. If it conducts poorly, it may also explain why the meat next to the bone is meant to be better. If the joint is roasted conventionally the poor conduction of say the bones of a rib joint will tend to protect the meat next to it from the heat, overcooking and drying.
To Cook A Joint
To cook a joint, first brown the outside either in a hot pan, with a blowtorch or for 10 minutes in a scorching hot oven. Maillard reactions are the chemical processes involved in browning and developing the typical flavours of roast meat and will be covered in detail in a later course. This browning is entirely for taste. It has been shown, contrary to popular belief, that it does nothing to seal in the juices. If you don't overcook it, you won't get any significant juices – they will still be in the meat adding their flavor and juiciness, not squeezed out when the proteins abused from overcooking curl and contract. You can alternatively brown the meat after it has been cooked, and for some varieties such as pork or the skin of birds, this crisps the outside. However, for beef or lamb, I prefer to do it beforehand. It avoids any danger of overcooking and I can do it at leisure rather than at panic time.
Leg of lamb cooked at 65C/150F for 7 hours Gigot a sept heure. Internal temperature 60C/ F.
Beef done the same way. (Prime Scottish Rib, boned)
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Brown on all sides. This is for flavor– it does NOT seal the meat. Note thermometer probe sticking out of the side. The browned onions are for the benefit of the gravy.
After 6 hours in a 65C/150F oven. Final temperature is 55C/130 F – rare.
Since the meat has lost very little juice, there are almost no pan deposits, or pink juice when you cut the meat. Perfect Roast Beef for Sunday lunch. Good all the way to the edge. Succulent, and moist.
If some of your family demands it well done, either cook off their pieces separately in a hot pan, or cook a separate piece for them to a higher temperature, say 70C/160F. It will be tougher and drier, but to each their own.
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Wet Heat
Stewing, boiling, or braising uses wet heat, and another mechanism comes into play. The glue that holds the muscle together dissolves slowly. This glue is made up of different proteins, primarily collagen. Collagen consists of three strands of molecules wound around each other. The older the animal, the greater the amount of collagen. Likewise, the more active the muscle, the greater the amount of collagen.
With long, slow cooking, those strands will unwind and turn to soft, succulent gelatin, providing the juiciness to tough cuts of stewing beef like oxtail and shin. This however is a comparatively slow process. If you cook it long enough for all of the collagen to turn to gelatin, and hot enough for the contraction of the meat to squeeze out the liquid, you have just the cooked meat fibers. If they have been overcooked, you are left with irretrievably dry and stringy meat. Even if it is swimming in liquid, you can’t get that juiciness back into the fibers that the curled up proteins have squeezed out.
A cube boiled for 30 minutes at 75C. The collagen is beginning to dissolve.
Collagen starts to turn into gelatin and dissolve at around 60C/140F. This process (and also the fat melting) takes energy. Experienced BBQ cooks know that during the long slow smoking of brisket there is a "temperature stall" at around 72C/165F, where the internal temperature, instead of continuing to climb, stays steady for a long time before increasing again. That is the period the collagen is converting to gelatin. Once the temperature starts to climb again the conversion is complete, and the meat is tender. Any more cooking tends to dry the meat without improving tenderness.
Heston Blumenthal says that softening the collagen also improves even normally tender cuts of meat, such as the roast beef above. He suggests holding the temperature of the beef for up to 10 hours at 55C/130F (longer will start to generate ‘off’ flavors) to make beef that is "unbelievably tender."
Wet cooking is appropriate for the tougher (but flavorful) pieces of meat that have a lot of connective tissue. The long, slow moist cooking melts the toughness into smooth unctuousness. The tougher pieces of meat can stand the long cooking and will become tender as the collagen dissolves. Even so, although they are fairly tolerant, overheat them and they too will fall apart into dry, tough shreds. These joints have much more flavour than the softer joints.
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Making Stock
For stock making, we want to extract the maximum goodness from the meat. We want the contracting proteins to squeeze out the interstitial liquid into the stock and the collagen to turn to gelatin and dissolve. The gelatin dissolved in the liquid gives the stock body and mouth feel, so stocks need to be cooked hot – boiled. However, vigorous boiling will emulsify the fat into the stock, which creates a cloudy stock. Besides, fast boiling is only a few degrees above a gentle simmer. Thus the traditional advice to make good stock is to do so at a gentle simmer for a long time.
An alternative approach is to use a pressure cooker. A pressure cooker allows the temperature of the stock to be raised before it boils, and the pressure reduces the turbulence. It also seals in all the flavor. So for the ultimate stock, cook in a pressure cooker, at maximum pressure for an hour or so, adjusting the heat input so that steam barely escapes from the valve. Use tough, cheap cuts of meat but leave the bones out. Be sure to let the pressure come down on its own after removing from the heat (as opposed to any of the quicker methods such as holding the closed pot under cold tap water, or releasing the pressure valve) otherwise the contents will boil aggressively when the lid is opened, making the stock cloudy.
Collagen is also the main component of tendons and is also the glue that holds bones together, so, given long enough wet heat, they start to dissolve as well. Cook a stock for too long, and the calcium from the bones also begins to dissolve, giving a "bone taint."
Thus for cooking meat (and other muscle):
1. Light dry cook to 55C-65C (130F-150F) (45C/110F for fish) to just set the proteins 2. Long slow cook to dissolve the collagen 3. Long hot wet cook to make stock
An example recipe indicating long, slow wet cooking is Steak and Kidney Pudding. Pudding, not pie. Pie is just a stew with a pastry lid. In Steak and Kidney Pudding, the meat is sealed in a suet crust and boiled for six or more hours to melting, tasty, meaty loveliness. To quote Dr Marigold (one of Charles Dickens’ more obscure characters), describing his pudding; "A beefsteak-pudding, with two kidneys, a dozen oysters and a couple of mushrooms thrown in. It’s a pudding to put a man in a good humour with everything, except the two bottom buttons of his waistcoat."
DR MARIGOLD'S PUDDING
Serves 12. Good, cheap eating.
For the pastry: 1lb/500g flour
8oz/250g shredded beef suet 1 tsp black treacle/molasses (gives the pastry a golden color and taste)
Salt Cold water to mix
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Line a large (2pt) pudding basin ( or heat-resistant bowl). Reserve 1/3rd of the pastry for a lid.
2.5lbs/1Kg stewing beef cubed. Skirt steak is good.
1lb/500g chopped beef or veal kidney
A dozen oysters, or a can or two of smoked oysters
A couple of large Mushrooms cut up, or even better, dried morels 2 onions, chopped and softened
2 Tbs flour Salt and pepper;
1 Tbs Worcesteshire sauce
Easy on the seasonings. Since everything is sealed in, the flavors intensify.
You can, I suppose, omit the kidneys and the oysters, but it will not be as rich. You can use anchovies instead of oysters, but watch the salt level.
Mix well and pack into the lined basin/bowl. Fill with a little stock or water, but there won’t be much room for liquid.
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Cover with the reserved pastry
Tie a piece of greasproof paper over, leaving a fold for expansion. Hint: easiest if you secure it with a large elastic band before tying with string. Don't forget to leave a loop of string over the top, tied on
both sides as a handle to help get it out of the hot pan after cooking.
Put in a pan of water. Add a cut lemon to the water to protect the pan. Simmer (or rather not quite simmer) for 6 to 12 hours.
Once simmering, it may be easier to put the whole pan in a low oven (90C/200F) for most of the cooking. Check the water level occasionally and if needed top it up to stop it boiling dry.
Turn out into a deep dish, as there will be lots of gravy. Unfortunately I did not manage to snap this step before the hungry guests got at it. Serve with brussel sprouts, and mashed potatoes.
The meat is deeply flavored and spoon-tender. The kidneys and oysters have combined to form the most wonderful sauce.
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COOKING WITHOUT HEAT
There are other methods to make meat tender enough to eat besides cooking it. The most obvious way is mechanical: mince it up into small pieces, or slice it very very thin across the grain so that the muscle fibers are chopped up and can be easily chewed. Thinly sliced raw meat examples are carpaccio and delicacies like Parma ham.
The extreme example is Steak Tartar, said to be named after the practice of the fierce Mongolian and Tartar warriors who softened their steaks before eating them raw by putting them under their saddles before riding off on raiding or war parties. These days you don't need a horse to prepare steak tartare. The steak is chopped fine (but not into a puree). Its interesting to note that tartar sauce was originally a sauce for steak tartare.
A less extreme example is hamburger (and sausages) where the fine mincing makes otherwise tough cuts tender enough to eat with only short cooking times. Of course, flame browning the outside but otherwise not cooking your hamburger over 55C/140F, but holding it at this temperature for several hours, will immensely improve it.
The Effect of Acid
Protein is also degraded by acid. Ceviche (fished “cooked” in lemon or lime juice) is an example. Meat proteins can also be digested by various enzymes: papain, from unripe papayas, bromelin from pineapples, ficin from figs. The effect has been known for thousands of years. Primitive tribes wrapped their meat in papaya leaves. These enzymes are destroyed by heating above 70C/180F so have to be from fresh fruit and are not present in pastaurised or tinnned juice. You can buy them as "tenderizing salt" where the extracted enzyme is mixed with salt. In use they must be injected or otherwise put into the meat. Just soaking tends to only tenderize the surface.
It’s easy to try: soak a steak in some fresh pineapple juice. Pierce the steak with a fork in lots of places to let the juice get inside.
Here is the steak and the pineapple
I pureed about an inch of pineapple, and soaked half the steak in the puree
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After about three hours. The half on the left was not soaked:
The enzyme in the fresh pineapple puree has eaten the steak. The steak fell apart as I tried to lift it, like tearing damp blotting paper. Personally I don't like the effect; I think it turns the meat pasty and mushy, with odd hard bits of tendons that have not been softened. Apparently pineapple softens lentils as well. Pineapple jelly is difficult to make with fresh pineapple and gelatin as the bromelin denatures the gelatin. If you want to make pineapple jelly you must use agar, or cook the pineapple to destroy the enzyme.
Hanging
Enzymatic tenderizing also occurs when meat is hung. The enzymes (and the lactic acid) naturally present in the meat slowly break down the long muscle fibers, making the meat more tender. The process is called proteolysis, which means breaking down (fragmentation) of the protein strands. The enzymes which carry out the process are thus called proteoses, meaning that they fragment the protein strands.
Many complex processes including initial relaxation of rigor mortis happen while the meat is aged, but the primary two are the enzymatic breakdown and dehydration. Freshly killed beef is not very nice, and doesn’t even taste much of beef, but rather metallic. Aging increases the beefy and "gamey" flavors as a byproduct of the natural breakdown of the meat, friendly microbial and bacterial action and Maillard reaction processes on the surface of the meat. The dehydration (beef is 70% water, and loses some 20% during aging) concentrates the flavor.
Traditionally beef was dry-aged. The entire carcass was hung in a refrigerated room just above freezing at a temperature of between 32-34F/0C-2C, 80-85% relative humidity, and with an air velocity or 0.5-2.5m/s (about 3 miles an hour) for between 21 and 28 days. The low temperature discourages growth of spoilage organisms and the high relative humidity stops the meat from drying out too much. There is typically a 15-20% weight loss. The air movement stops water condensing on the meat. A dark crust forms on the outside of the meat which must be cut off and discarded. The
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wastage, the loss in weight and the time involved means that dry aged beef is a more expensive product.
You can reproduce these conditions at home by keeping a large piece of meat in the refrigerator, uncovered, on a wire rack with a drip tray underneath it with water in it. However, a professional meat storage room is a better place to do this and your friendly local butcher may be persuaded (at your risk, and if you pay in advance) to hang your beef for you for that extra week or two.
When aging beef there is always the danger of spoilage, which increases the longer the beef is aged. Discard it if there is any hint of an unwholesome smell, or sliminess. The change in the meat is most noticeable in the first 14 days, and then the effect decreases, with little change after 21 days and none in tenderness after 28. Some advocate hanging for much longer, such as 90 days. Others feel that in this length of time the meat generates "off" flavors, and there is a significant risk of spoilage.
In order to overcome the problem of spoilage and length of time taken, the meat industry has developed various other aging techniques. These include accelerated aging where the beef holding temperature is higher, but bathed in ultraviolet light to retard the microbial growth. Anther technique, now used almost universally, is wet aging; the beef is cut into joints, sealed wet in aseptic cryovac bags and held at 32-34F/0-2C. Although the enzymatic processes are the same, there is no dehydration and consequent weight loss, nor Maillard conversion of the surface, so that the taste is different. However, there is much less risk of spoilage with wet aging so less waste and easier handling.
Brining & Marinades
Brining is soaking the meat in brine, typically 1 cup each of salt and sugar to a gallon or water before cooking. It can immensely improve bland meats like turkey or pork. It works because the fluid inside a meat cell is saltier than the outside, so by osmosis additional water is sucked in, along with some of the sugar and any flavoring you have added. Of course, if you overcook the meat and squeeze all the water out, your good work will be undone.
Penetration of the meat happens quite slowly, typically 1cm/hour. An advantage is that when submersed in the brine or marinade, which is usually quite acidic, nasty bugs are kept away from the surface, and the meat can be stored for a long time in a conventional fridge.
The illustration shows the diffusion of a marinade into a meatball, imaged using MRI scanning, courtesy of the Herschel Smith Laboratory for Medicinal Chemistry University of Cambridge.
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SUMMARY TABLE OF TEMPERATURES FOR MEAT
C F RESULT
45 110 Still raw
50 120 “Blue”
55 130 Rare
60 140 Medium-rare
65 150 Medium
70 160 Well done
75 170 Unappetising
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SCIENCE OF THE KITCHEN: TASTE AND TEXTURE (Janet A Zimmerman)
PART ONE: TASTE
SOME DEFINITIONS AND TECHNICAL TERMS
In line with most of the writing on the topic, I'll use "taste" to refer specifically to what we perceive through the taste buds and "flavor" to mean the perception that results from the combination of our senses of taste and smell.
Technically, the sense of taste is called the gustatory sense; the sense of smell is called the olfactory sense.
Both the sense of taste and the sense of smell are often called the chemical senses, since they transmit information generated by chemicals to nerve cells, resulting in neural impulses.
Chemosensory irritation is the term used to refer to the burn of mustard or the capsaicin in chiles, the tingle of carbonated beverages or the cool afterglow of menthol. These and other sensations (other than tastes and smells) are also called cutaneous sensations as they are perceived on the surface of the mouth ("cutaneous" = "of the skin").
TASTE, SMELL AND FLAVOR
Being the annoying, teacher's-pet, know-it-all child that I was, I loved amassing facts so I could spout off and prove how smart I was. I especially loved facts about biology and physiology; my older sister and her best friend actually gagged me and tied me to a tree in the backyard when I wouldn't shut up about the humidity of the air in our lungs. Looking back on it, I can't say that I blame them.
But my point in bringing this up is this: for a long time, I thought I knew a lot about a lot of things, the sense of taste included. I knew, for instance, that the bumps on the tongue were taste buds and were the site of our sense of taste, that there were four basic tastes and that we tasted the four tastes on different parts of the tongue. I also knew that an onion would taste like an apple if you plugged your nose, which was a riddle from sixth grade science class that, for some reason, I still remember to this day.
Unfortunately, it turns out that just about everything I thought I knew about taste was wrong, or at least incomplete. Now, taste researchers are learning an amazing amount about how our sense of taste works, and one by one, I'm correcting my earlier mistakes.
Those bumps you see on your tongue, called papillae, are not taste buds. But they contain taste buds (or at least some of them do), which in turn contain the taste cells, which is where the real action happens. Like any other sensory function, taste is, at the neural level, all about electrical charges.
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The molecules in your food that are responsible for the basic tastes change the electrical charge in the taste cells, which causes them to fire and convey information about taste to your brain.
Scientists agree that the number of different tastes we can perceive is very limited, but they don't all agree on exactly how many basic tastes there are. Sweet, sour, salty and bitter are universally accepted as true tastes; some researchers posit a fifth taste called "umami," a Japanese term that's usually translated as "savory." Some would also argue that "metallic" and "alkaline" (or soapy) count as basic tastes; however, since ideally those two tastes do not occur in our foods, I'm going to ignore them here.
The chemicals in salts and acids that account for their characteristic tastes act directly on the ion channels in the taste cells. Those in sweet and bitter substances are less direct; they bind to surface receptors that are coupled to certain proteins (called "G-proteins" for reasons we need not get into), which begins a series of reactions that ends in the change in electrical charge. Glutamate, the molecule which is now thought to stimulate the umami taste, also binds to receptors, but much less is known about what happens between the binding of the glutamate molecules and the change in polarization.
Because there are a number of reactions involved in our perception of sweet and bitter tastes, it's not surprising that scientists tend to concentrate on these tastes. The more steps involved, after all, the more opportunity for experimenting with the process. For example, by altering one of the G-proteins in mice, researchers actually changed their taste preferences. The altered mice no longer sought out sugar water and avoided bitter compounds, as normal mice would, but instead drank bitter solutions as readily as they did plain water.
But it's not just rodents' taste buds that are the subject of study. It's long been recognized that a chemical in artichokes, cynarin, makes other foods taste temporarily sweeter to most people. More recently, researchers have been working with chemicals that can block our ability to taste sweet or bitter flavors (it's thought that adding these "bitter blockers" to medicines might make them easier to take). Some preliminary research with humans seems to indicate that capsaicin, the chemical that puts the "heat" in chile peppers, temporarily lessens our sensitivity to bitter and sweet flavors but leaves our perception of acids and salts unaffected.
To react with the taste cells, any taste molecule, or "tastant," must be dissolved, which is the reason saliva was invented. That's why, when you swallow a pill – however bitter – you won't taste it if you get it down before it starts to dissolve. It's also why so many nasty tasting pills are encased in a coating that's hard to dissolve. Some tastants dissolve best in water; others are fat-soluble. Still others dissolve in alcohol, which incidentally also dissolves the water- and fat-soluble molecules as well. This is part of the reason why a little alcohol in a dish can make such a big difference to its taste.
What is still commonly taught about localization of taste sensitivity on the tongue is based on the misinterpretation of some early data from taste research. Now it's known that although particular taste cells do seem to respond best to one type of stimuli (salt, sour, sweet or bitter), they are capable of responding to all of them in some degree, and all four (or five) tastes can be sensed on any area of the tongue that contains taste buds. So, that map of the tongue we all learned about –
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the one where we taste only sweet things on the tip, bitter at the back, sour on the sides and salt along the edges – is wrong. (But many people still believe it; be gentle when you break the news.)
The temperature of the food we're eating has a noticeable effect on how intensely we can taste it. Bitter substances taste less bitter hot than at room temperature, which explains why cooled coffee seems more bitter than the hot brew. Sweetness, on the other hand, is much less perceptible at very low temperatures than at room temperature. If you've ever made ice cream or sorbet, you may have noticed that the frozen product seemed less sweet than the mixture did before freezing. Similarly, if you've ever drunk a lukewarm soda pop, you likely noticed how sweet it seems. Those drink manufacturers expect their products to be quaffed over ice or straight from the fridge, and they keep that in mind when formulating their recipes. Cocktails, too, are meant to be drunk ice cold; a lukewarm cocktail is a miserable thing indeed.
Sweetness may be the flavor most noticeably subdued by cold, but all flavors, even bitterness, decrease in intensity at very cold temperatures. Despite its popularity, ice-cold beer doesn't have very much flavor, which is why beer aficionados prefer their brew warmer than it's often served. Likewise, chilling a white wine can be easily overdone – most white wines are best cool but not icy. And that's why even foods that are supposed to be "cold," like salads, benefit from sitting at room temperature for a while; they have much more flavor than they do straight from the refrigerator.
Let's go back to neural pathways for one last point. Other neurons in the "taste pathway" respond to and convey information on the intensity of any given taste, the temperature of the food, "mouthfeel" and sometimes pain at the same time the taste cells convey their information about salty, sour, sweet and bitter. These other stimuli are also responsible for the fact that tastes seem to originate from the entire surface of the mouth, and not from just the papillae that contain the taste buds. Thus, while in theory we can talk about "pure" taste sensations, in practice it's much more difficult to isolate them. This is especially true for taste and our sense of smell.
THE OLFACTORY SENSE
Anyone who's ever had a bad head cold knows how much our olfactory sense contributes to what we think of as taste, as does anyone who's ever tried to enjoy dinner while seated near someone with overpowering perfume or cologne. When all you can smell is gardenia blossoms or Old Spice, it's hard to taste your potatoes or cauliflower.
While we can discern only a small handful of different tastes, our sense of smell is much more sensitive. The average person can identify thousands of different odors and discern about ten intensities of each of those. Roughly a thousand different types of olfactory receptors are located on a small patch in the upper part of the nasal cavity.
We sense smells when odor molecules reach the receptors and dissolve; because the receptors are located above the path that air follows when we breathe normally, we can smell odors better if we sniff, drawing the air up to the receptors. The odor molecules can reach the receptors either through the nose or up through the pharynx, the passage connecting the mouth with the nose, which is why one of the best ways to detect the aromas of our food is to exhale with the mouth closed as we're eating – it forces the air up through the pharynx.
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The connection between the mouth and the nasal passage accounts for the fact that taste and smell combine so thoroughly to produce the phenomenon we think of as flavor. The passage of odor molecules through the pharynx also accounts for the fact that although holding or plugging your nose will greatly diminish the flavor of your food, it will not completely eradicate it (an onion will not taste like an apple). It takes pretty severe nasal congestion to do that.
All substances, including foods, release more odor molecules when warm or hot than when cold, so their smells are much stronger. That's the reason garbage is so much more revolting on a hot day and the reason warm or hot foods tend to smell so much stronger than cold foods.
NATURAL AND ARTIFICIAL FLAVORS
Maybe you've heard wine geeks talk about flavors of berries, oak, apples, melon, toast, pepper and even grass in various wines. Wait a minute, you say, wine is nothing but grapes and yeast, so how can it have all those other flavors? That's where the molecules come in. As wine ferments and ages, it goes through a lot of chemical changes, which result in all sorts of tastants and, especially, odor molecules being produced. Some of these molecules are very close to the odor molecules in other fruits or even vegetables, spices and grass, so they trigger the same receptor cells that the actual fruits, vegetables and spices do. We thus perceive the wine as smelling and tasting like all those other substances.
Some researchers spend their time delving into the molecular structure of the foods we eat in order to isolate the molecules responsible for various flavors (they have, in fact, isolated more than 4000 such flavor compounds). They can then concentrate them and add them to other foods as "natural flavors." But they can also go one step further and analyze the concentrate with a chromatograph to see how the molecules are actually put together. With such an analysis, researchers can then sometimes reproduce the compounds artificially and use them to create such monstrosities as buttered-popcorn-flavored jelly beans.
The problem with either natural or artificial flavors, the reason they never quite taste like the original, is that foods have numerous molecular compounds responsible for their characteristic flavors (fruits, for instance, can have hundreds of such compounds). Researchers necessarily focus on a few that seem to provide the most recognizable flavor and aroma, but they can't reproduce them all, so the resulting flavoring is fairly one-dimensional. Technology is improving in this area, though, so who knows? Maybe someday watermelon candy will actually taste like watermelon.
THRESHOLDS AND DESENSITIZATION
All of our senses react best to changes in stimuli. Studies with infants show that they quickly become bored watching the same scene; their interest increases whenever a new element comes into view and then fades if the object stays in view for long. Similarly, we can usually "tune out" a constant, unchanging noise without much effort, but our ears will still perk up at the sound of anything new and different.
It's the same with taste and smell. We get used to odors and flavors pretty quickly if they don't change much, and it takes stronger and stronger concentrations of the taste or odor molecules to elicit the
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same reactions. That's why some people wear so much perfume or cologne, especially if they've been wearing the same scent for a long time – they've adapted to the smell, so they keep dousing themselves with ever-increasing amounts to be able to detect it.
Likewise, someone who uses a lot of salt regularly will require more and more of it in order to notice it; that person's salt threshold has increased. It doesn't even take long-term exposure to a certain taste to become desensitized; depending on the taste, we can start to adapt quite quickly. As we'll see in the next section, it can happen with chemosensory irritants as well, such as the capsaicin in chile peppers.
TASTERS, NONTASTERS AND SUPERTASTERS
So far, I've been working on the basis that everyone's sense of taste and smell is exactly the same -- that we all taste the same things with the same intensity. But this is not true. Certain medical conditions can affect our gustatory and olfactory senses, and some physiological factors also affect our sense of taste.
If you're old enough, you might remember a day in science class when the teacher passed out little slips of paper and told you all to put them on your tongues. She then sat back and watched, probably with some amusement, while some of the class sucked on them for minutes with nothing but a puzzled expression and others immediately spat them out, violently and with looks of betrayal. Those little slips of paper were coated with PROP (6-n-propylthiouracil), or PTC (phenylthiocarbamide), chemicals that taste extremely bitter to some people but are tasteless to others. It turns out there's a genetic component to how strongly we taste things. In technical terms, the ability to taste these chemicals is determined by whether one has a particular dominant gene: those with two recessive "taste" genes are known as "nontasters," those with one recessive and one dominant are "tasters" and those with two dominant genes are called "supertasters." Overall, about a quarter of the population are nontasters, one quarter supertasters, and the remaining half are tasters.
Supertasters have a significantly higher number of taste buds than tasters, and both groups outnumber nontasters for taste buds. The averages for the three groups are 96 taste buds per square centimeter for nontasters, 184 for tasters, and a whopping 425 for supertasters. Not surprisingly, then, supertasters tend to taste everything more strongly, not just those two chemicals from science class. Sweets are sweeter, bitter things more bitter, and salty things saltier. I've heard more than one supertaster report that pickled foods taste like ammonia. Supertasters are less likely to enjoy the taste of alcohol as well.
When I first started reading about this phenomenon, I thought, "I want to be a supertaster -- it sounds so refined, so superior." Alas, I concluded, I'm not. Then, as I continued to read up on the subject, I realized that it might not be so great to be a supertaster. Not only do many foods taste unpleasantly strong to them, but also (since our taste buds also convey information on temperature, pain and mouthfeel) the bite of chiles, mustard and ginger is unbearable and very hot or cold foods can be practically unpalatable. Foods with a high fat content seem unpleasantly greasy. Thus, supertasters tend to be very picky eaters. Nontasters will eat damn near anything, neither greatly liking nor disliking what they eat. Tasters, the least homogeneous group, vary a great deal in their likes and dislikes, but overall they tend to genuinely enjoy the widest variety of foods.
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So, we've looked at the way we perceive the basic tastes on the cellular level. Now, on to a more general look.
THE BIG FOUR (OR IS IT FIVE?)
Sweet
We're born with an affinity for sweet tastes, one of the few instincts we have and apparently the only taste preference we have from birth. From an evolutionary standpoint, it makes perfect sense: sweet foods are energy-rich foods. Even though most of us in the developed world don't lack for calories, we still like sweet foods, at least to some degree. Many of us, however, lose some of our love of purely sweet foods as we grow older; we prefer our sweets tempered with a touch of acid or even bitterness.
As an element of flavor, sugar and other sweeteners often have the effect of softening or rounding out sharper flavors, which is why a sweet ingredient pairs so well with acidic or bitter ones. But eating sweets can temporarily skew your taste buds so that mildly acidic foods will taste very sour. That's why only the sweetest of wines can match well with desserts. And heavily sweet foods also have a tendency to deaden the palate somewhat, which is one reason that very sweet drinks and foods are usually served after meals.
Sugar also has an interesting effect on some other flavors, allowing us to perceive tastes we wouldn't otherwise. Researchers in England had their subjects chew mint-flavored gum, which was sweet, until the flavor had gone. The molecules responsible for the smell and thus the flavor of the mint were still present, but the volunteers could no longer perceive them. However, when they added a pinch more sugar to the gum, they once again smelled and tasted the mint.
Salty
As a rule, our love of sugar only barely edges out our fondness for salt. Most of us start to develop a liking for salty things between four and six months of age. Salt being an essential mineral for life, it's no wonder we seek it out. Add to that the fact that it's an excellent preservative for food, and it makes even more sense, from an evolutionary standpoint, that salty foods appeal to most of us.
If sugar rounds and softens flavors, salt heightens and perks them up, often without really making its presence explicitly known. If you've ever eaten pasta cooked in unsalted water or bread made without salt, you know what I mean here. They're incredibly bland, compared with the versions cooked with salt. But the pasta and bread cooked with salt don't taste salty, so much as they just taste like something. Any time I make a dish that seems one-dimensional, flat or boring, my first remedy is almost invariably to add a pinch more salt. It's not always the answer, but in most cases, it's a good guess.
Sour
It takes most children much longer to develop a fondness for sour foods than either sweet or salty foods. Some of us never really take to purely sour foods, although most of us grow to enjoy mildly acidic ingredients, since acids are as much of a flavor booster as salt can be.
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But the tang of citrus or vinegar perks up flavors in a different way from salt. I describe the difference by saying that salt heightens flavor, while acid sharpens it. Acidic ingredients make us salivate, which, as we've seen, means that more tastants reach our taste buds. So while sour ingredients make their own presence known, they also make other flavors come forward. Sometimes when you're tasting a dish and it's a bit "flat," it's difficult to tell if it needs more salt or more acid. If you think you've added enough salt to a dish but it's still not quite right, try a squeeze of lemon or a splash of vinegar to see if that's what's missing.
While sugar and salt are nutrients we need for survival, acid does not appear to be. So why, then, can we distinguish sour as one of the basic tastes? The reason isn't entirely clear, but it may have been beneficial for our ancestors to be able to gauge the pH level of the water they drank. Or perhaps the ability to reject unripe fruits, which tend to be sour, made for fewer stomach aches and less gastrointestinal distress.
Just as important as their taste is the role that acids play in mouthfeel, and we'll investigate that aspect of them in the next section.
Bitter
The last of the "big four" tastes is bitter. Although we can detect bitter tastes early in our development, we don't tend to enjoy them; instead we do our best to avoid them. A liking for bitter tastes develops very late in life compared with the other three; indeed, some people never develop a taste for bitter foods at all (very generally speaking, Americans tend to shun bitter foods more than other cultures). That's probably the reason that the bitter foods we do eat are often looked upon as sophisticated and "grown-up." Coffee, dark chocolate, quinine (tonic) water, beer, bitter alcoholic aperitifs, bitter salad greens like arugula – we speak of them as "acquired tastes."
And it's no surprise that bitter foods are scorned by so many. In the wild, bitter things are usually trouble -- they make us sick or kill us. In terms of evolution, we probably developed the ability to detect bitterness so we could spit out the offending plants before we swallowed them. So why on earth do some people develop a liking for something so initially repelling? Part of the reason is that bitter foods, like spicy foods, make our taste buds stand up and take notice, so to speak. They provide novelty, which we've already seen is something we need if we want to avoid becoming desensitized. Think of bitterness (in small doses) as nature's palate cleanser.
Umami
Earlier, we took a quick look at what researchers have found about glutamate and how it results in the flavor known as "umami" (often described as "savory" or "broth-like"). We saw that they aren't agreed on whether it counts as a basic taste.
On the one hand, the Japanese have long regarded umami as a quality separate from the "big four" of sweet, salty, sour and bitter. And it's true that current research suggests that glutamate triggers taste cells in a completely different way from the tastants that trigger the other four tastes. Two researchers from the University of Miami have isolated a receptor that binds glutamate and proposed that it underlies the umami taste.
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Empirically speaking, it's possible to measure the glutamate levels in foods and thus determine their umami level. Generally, protein-rich foods like cheese, meat, seafood and mushrooms contain significant amounts of glutamate. Aging, curing and fermenting enhance umami, as does ripeness (a ripe nectarine, for example, has more glutamate than an unripe one). Monosodium glutamate (MSG), which occurs naturally in many foods and is used as an additive in others, is the form of glutamate we're probably most familiar with.
But that's not the whole story. Part of the problem stems from the wide variety of foods that are high in glutamate. Although many of them can be accurately described as "savory," some of them, like grapefruit or green tea, don't seem to fall into that category as neatly. It's thus not always easy to recognize the umami "taste" in the same way we can recognize the other four tastes.
To complicate matters further, Japanese chefs (and now some Western chefs as well) seem to use the term umami metaphorically rather than literally. That is, chefs will speak of the umami of any food, meaning the best or perfect specimen of that particular food. They don't seem to be talking about glutamate levels; they almost seem to be speaking of what, given my philosophy background, I would call Platonic forms.
Whichever sense of the term umami people mean, though, it's clear that whatever it is, taste or sensation or Platonic form, it's not easy to talk about, at least not for non-Japanese. Even the experts have a hard time defining it. One sensory psychologist at Monell Chemical Senses Center in Philadelphia (the place for taste research) described it as "that meaty, mouth-filling, savory sensation" -- not what I'd call the most precise definition.
But even though the psychologist's response was not ideal, it says one thing loud and clear to me. She doesn't call umami a savory taste, she calls it a "sensation" -- more specifically, a "mouth-filling" sensation. I assume that most taste researchers are pretty precise when talking about this sort of thing, so when she said it was a sensation she no doubt meant it.
From my experience as well as my research, I think umami is not so much a taste as it is a cutaneous sensation. Or, more precisely, it seems to me that we experience glutamate simultaneously in two ways: as a unique combination of taste and sensation. And further, I think it's the sensation part, the textural element, that we experience most strongly, and thus I'll talk about umami again in the section on texture and mouthfeel.
There is one undeniable effect of umami on our sense of taste, however, so let me mention it before we go. Foods high in umami (glutamates) intensify many other flavors. They do this in ways we don't quite understand. One theory is that the presence of glutamates makes certain taste molecules adhere to our taste cells longer than they would otherwise, so their taste is more intense. Whatever the exact mechanism, though, the food industry has counted on the flavor boosting qualities of MSG and other glutamates for years. And so have countless cooks who use fermented foods, mushroom essence or aged cheeses to enhance their menus. Food scientists and chefs might not know precisely how it works, but they know it does.
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THE FOUR TASTES IN COMBINATION
For the most part, the basic tastes don't occur in foods solo. We've seen that our sense of taste reacts best to changes in stimuli, so perhaps it's no surprise that we like foods that excite more than one type of taste reaction. Because sweetness, salt, acid and bitterness are the foundation of our entire experience of flavor, the balance among the basic tastes can make or break a dish, even if we don't consciously realize it. Experiencing and studying the ways these tastes combine and balance each other, then, is one of most basic and crucial steps in analyzing dishes and learning to cook.
Sweet and Sour
Lemonade, sweet and sour pork, the perfectly ripe orange: all of these share, to varying degrees, a balance of sweetness and acidity. Probably the first example of the sweet and sour combination that most of us taste and enjoy is the flavor of fresh fruit. We often talk as if ripe peaches, strawberries and pears are sweet, period, but actually their sweetness is balanced with a slightly tart element. Oranges and tangerines might display their acid more obviously, but virtually all ripe fruit has a sour edge that holds that sweetness in check.
It's a two-way street with sweet and sour ingredients. On the one hand, sweetness is full and round, but by itself, it can be cloying and overwhelming. Sour ingredients by themselves are sharp and "cutting." Add a bit of something sour to your sweet base, and you get the best of both worlds -- round, full flavor with a sharp edge that cuts through the cloying sweetness. Add more acid so that sour is your primary taste, and you still have the softening effect of the sweet ingredient to hold the tang in check. It's a match made in heaven.
Bittersweet
No, wait, the match made in heaven is the bittersweet one. Sweetness does have an affinity for both the sour and the bitter; it's a toss-up which is the more sublime combination.
We've seen that purely bitter foods are rarely eaten alone; most often the bitter is balanced by sweetness. Bitter aperitifs all contain a hefty dose of sugar or other sweetener, as does tonic water. The bitter edge to coffee is something many people prefer to soften with sugar.
But looked at from the other direction, the sweet is also balanced by the bitter. Like acid, a touch of bitterness can cut the cloying quality of purely sweet foods. That cola you're drinking? You might not notice it, but it's got a fairly strong bitter kick to it. Even the sweetest milk chocolate contains a bitter undertone, and few sweets are more popular than chocolate.
Sweet and Salty
Maybe this coupling is not as obvious as sweet and sour or bittersweet, but sweetness and salt do a lot for each other as well. A pinch of salt can add amazing depth to caramel or custard, even though you don't really taste anything salty. Likewise, a tiny bit of sugar in a savory dish can bring together the flavors in a way that salt alone cannot.
But the match-up between salt and sugar goes further than merely supporting the other's feature role. While French and Italian cuisines rarely use a noticeable sweet element in savory dishes, this combination is very common in Asian cuisines. British and American cooks make use of it as well, in
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such dishes as lamb with mint jelly or roasts served with Cumberland sauce. And think about the snacks we eat – salty popcorn and a soda. Honey roasted nuts. Salted nuts in caramel. We enjoy a lot of sweet and salty combinations.
Unlike bittersweet or sweet and sour combinations, though, sweet and salty elements seem to balance each other in a different sense. While bitter and sweet (or sour and sweet) combine so thoroughly as to almost be a single new taste, sweet and salty combinations don't really lose their duality. It's as if our taste buds keep themselves entertained by switching back and forth between the two tastes without ever really reconciling them.
Salty and Sour
Since salt and acid are both sharp, it's perhaps surprising that combining them would work. But, on reflection, of course it does. Almost everything pickled is packed in a combination of salt and vinegar, and even when salt is the sole ingredient added (as is the case with cabbage to make sauerkraut), acid is a byproduct of the fermentation process. But this combination is not universally liked. I mentioned earlier that supertasters often report that pickled foods taste like ammonia, and I know plenty of people who don't seem to like anything pickled. Me? I could eat a whole jar of pickles or olives standing in front of the refrigerator. (They have to be really good pickles, though.)
Many cookbooks will tell you that acid will help an oversalted soup or stew. Research, however, shows that the story is not that simple. The tests aren't very conclusive, but in small amounts, acid seems to enhance salty flavors; in larger amounts, some, not all, acids do seem to diminish the salty flavor. I find that the amount of acid necessary to counteract too much salt in, say, chicken broth, will make the broth overtly sour, which may not be an improvement.
Salty and Bitter
Now, this may not seem like a combination we'd ever strive for, but salt actually helps to cancel the bitterness of foods. A couple of years ago I heard Harold McGee, a food scientist and author, report on an experiment he participated in wherein the subjects added salt to tonic water. They used a salt other than sodium chloride, one that didn't taste "salty," so they didn't have that taste to contend with. McGee said that given enough salt, the tonic water eventually tasted just sweet, not bitter at all.
If you add table salt to tonic water, you can start to taste this effect, but it will begin to taste salty before it stops tasting bitter, which can be confusing. If you're interested in another way to test this phenomenon, though, try adding a little extra salt to a salad dressing for bitter greens and see if it doesn't help to temper the bitterness.
Sour and Bitter
Nope, not by themselves. I can't think of a single food or dish that combines only these two elements, or at least not one I'd want to eat. But with a sweet element, it can work. Think of cranberry juice -- not only are cranberries sour, they also have a bitter edge. Add sugar and the juice is surprisingly refreshing. Likewise with grapefruit juice; it may be mostly sweet and sour, but a little bitterness is there too.
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Taste Triads
The sour-bitter-sweet combination is also common in cocktails. And, if you add a bit of salt, you have the basis for one of the classic cocktails: the margarita. A well made margarita is a good mix (some might say the perfect combination) of all four elements: you have sweetness from the triple sec, sourness from the lime juice, which also has a definite bitter side, and the salt on the rim.
I'm getting ahead of myself here. However, it does lead me to the next level -- that is, combining more than two of the basic tastes. As I've just mentioned, we do it occasionally, although we might not realize it. A chocolate lover who eats orange filled truffles is combining sweet, sour and bitter flavors. Sweet pickles are not only sweet and sour; they're also salty. Likewise for some vinaigrettes. Generally speaking, when three of the basic tastes are present, one appears as a mere background note, not as prominent as the other two.
Threesomes, you see, are tricky. No, I didn't mean it that way, but now that you mention it, it's not a bad analogy. Even leaving aside the menage à trois types of relationships, friendships among three friends typically require a lot more balancing and effort than do friendships between two people. It's the same with basic taste elements. Adding a third one to a twosome inserts a whole new dynamic; it can be a brilliant success, or a dismal failure.
OTHER FLAVOR CATEGORIES
Now I'm going to venture out past the four basic tastes. We're on much shakier scientific ground here, because researchers don't write about flavor categories the way they do they do about the sense of taste. Chefs and cookbook authors are not much help either. Generally when they mention categories of flavor, they don't offer much in the way of explanation; rather, they assume we know what they're talking about. And even those authors who do explicitly mention flavor categories are not in agreement on what they are. One book lists 14 elements of taste ranging from "bulby" to "spiced aromatic" to "oceanic." Another lists such flavors as "pungent" and "puckery" and other less helpful categories as "intense."
I'm not disparaging these authors' efforts, honestly. It's tough going when you try to categorize flavors. Although I've tried to stick with the sorts of terms that show up regularly in cookbooks, reference books and restaurant reviews, my list is somewhat subjective as well.
Why group flavors into categories at all? Well, it's because we're all human here (I assume) and that's what humans do -- we categorize things. It's the way we learn about the world. So you probably categorize foods without even really thinking about it. Listing some basic categories and analyzing how our foods fit into them is simply a way to harness that usually unconscious process and improve upon it, enhance it, sharpen it.
What follows here is not exhaustive; it's not definitive, but it's a starting point. Keep in mind that not every food falls into one of these categories, and many foods fall into more than one:
• Earthy: Think mushrooms. Also carrots and other root vegetables, which often also have a sweet dimension as well.
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• Fermented: Wine and beer obviously fall in here, but also sour cream, yogurt, cheese, buttermilk. Some breads, especially sourdough. Soy sauce and fish sauce are both fermented, but the salty taste partially masks the fermented flavor.
• Herbal: We'll look at herbs and spices in detail in the second part of the course, but for now just think of the clean, "green" scent and flavor of dill, parsley, basil and the like.
• Meaty: This term is so often used to describe a texture that it's difficult to isolate it as a flavor alone, but that's what I'm aiming for here. So mushrooms, although they can have a "meaty" texture, do not always or even often have a meaty taste.
• Nutty: Nuts, obviously, but also some grains and cheeses and even avocados have a hint of nuttiness about them.
• Poultry: No, everything does not taste like chicken, but most of the birds we eat fall into this category. Apparently, so does a mushroom called chicken of the woods.
• Seafood: The natural name for this category would be "fishy," but that term has such negative connotations that I hesitate to use it. It's used to describe old fish. But fresh seafood and fish do have a common element in their flavor, and that's what I mean by "seafood." (Freshwater fish, although generally milder, also fit in here.)
• Spicy: This one's tricky. We often use the term to mean "hot" in the sense of chile peppers or horseradish, but as we'll see in the next section, "hot" is not a flavor, it's a chemosensory irritation. So think about "spicy" as what's left over after you remove any of those sensations: usually somewhat bitter, often musty, and always fragrant.
• Starchy: This is one of those terms that have elements of both taste and texture. Since there's a whole group of foods we commonly refer to as "starches," it's not hard to identify this taste. It's what's common to potatoes and some other root vegetables, rice and corn, to name a few. We'll talk again about starch when we get to textures.
• Vegetal: Here I'm thinking mostly of green vegetables, and not of the culinary vegetables that are botanically fruit, such as tomatoes, peppers, and squash. Likewise, I wouldn't include roots and tubers like potatoes and carrots here.
• Toasted/Roasted: Think about the difference between a slice of bread and a slice of toast, or the difference between raw almonds and roasted ones. Basically we're talking about the flavor effects of browning here.
• Smoked: Cheese or meats, fish or fowl, these foods get their flavor from the smoke they're cured in. They generally also have a salty side, as the curing process usually involves brine or salt.
FLAVOR AND BEYOND
So, now that we have a starting list of flavor categories, what do we do with it? Along with the information on basic tastes, use it to begin analyzing the foods that you cook and eat. As you taste a dish, ask yourself which basic tastes it has, and which flavor categories it belongs to.
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"Why?" you may ask, "what's in it for me?" First, if you like to cook, analyzing foods in terms of tastes and flavors (and, as we'll see, textures) can provide you with a lot of knowledge about substituting ingredients and improvising in the kitchen. For instance, suppose I have a recipe that calls for beets and I don't like them. To come up with a workable substitute, it helps a lot to know that beets are sweet, starchy and slightly earthy. What other foods have those attributes? Maybe sweet potatoes. Maybe rutabagas. The point is, I've got a place to start.
Second, the better you get at analyzing at tastes and flavors, the better you'll be at figuring out what's in dishes that you like (or those you don't like, for that matter). Maybe this has happened to you: you're at a restaurant eating dinner. That sauce on your prawns is delicious and you'd really like to know what's in it. Let's face it, you're probably not going to get a recipe from the chef, but if you know your flavors, you can do some experimenting and probably be able to come up with at least a close approximation.
What's even more amazing is that with enough practice, you may even be able to tell not only what's in a dish, but what's missing from it. Suppose you're trying your hand at cooking something new, and it's blander than you expected, or it just needs something. If you've had practice tasting critically and thoughtfully, your chances of figuring out just what that "something" is are much better than if you haven't. You'll be able to think back to similar dishes that did taste good and isolate what those dishes had that your current dish lacks -- garlic, or lemon juice, or salt, or a pinch of sugar. Spices, perhaps. And believe me, if you can rescue bad tasting food, or make average food good, you've got an enviable skill.
So now that you’ve made it through the theory, it's time to practice a little. Take some time to try at least some of the experiments that follow. Start to analyze what you eat and drink. After that, we’ll turn to texture, mouthfeel and chemosensory irritations, but we’re hardly leaving taste and flavor behind. They’ll be coming along for the ride.
EXPERIMENTS
None of these experiments are very difficult or time consuming; most require only a couple of common ingredients to perform. As you read through them, they may, in fact, strike you as terribly simple and obvious. Indeed, they are simple. But to get the most out of them, they do require two things: thought and concentration. If you're going to perform them, take the time to really think about your sensations as you do. You may want to take notes, if that helps you to concentrate.
Temperature and Flavor
Buy two cans or bottles of any one type of juice drink or soft drink, preferably not something with a lot of carbonation. Leave one at room temperature while you chill the other as cold as you can get it (if it's just starting to get a little slushy around the edges, that's perfect). Taste them both and compare. Does the warmer drink taste sweeter? Can you taste other flavors (good or bad) that seem to be missing in the ice-cold drink?
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Salt
This requires a kitchen scale. Gather as many different kinds of salt as you can: iodized table salt, non-iodized salt, kosher salt and, if you can find it, at least one of the specialty sea salts: Fleur de Sel, or the gray salt from Brittany or something similar (most of them are French).
By weight, measure out equivalent amounts of each. It's crucial to measure by weight and not by volume, because the different grain size and shape in the various salts result in vastly different amounts of salt per unit of volume. You won't need much, so use the smallest measurement you can. Mix each kind of salt with enough hot water to make a 2 or 3% solution.
Let the solutions cool and taste them. It helps to have some unsalted crackers and some water with a little lemon squeezed in it to "cleanse" your palate between tastes. Can you tell the difference? If so, what is the difference?
Now taste the various salts sprinkled on top of tomato slices. What differences do you experience this time?
Umami
First, run out and buy some monosodium glutamate. The most widely available form of MSG that I know of is Ac'cent; you should be able to find it at any grocery store. (I know, you're thinking, "MSG? Is she serious?" Yes, I do know about everything written concerning MSG. I've read the scary stories. The deal is, it's really difficult for the average consumer to isolate glutamate any other way, and I honestly think a little monosodium glutamate in the diet is not harmful. However, if you're concerned or you think otherwise, by all means skip this experiment.) Next, dissolve a small amount into a cupful of hot water (hotter than tepid, but cool enough to sip without scalding your tongue). Say, half a teaspoon of Ac'cent to a cup. Sip it and think about it. What's it taste like? What's it feel like on your tongue?
Sweet and sour:
First, make a simple syrup with sugar and water. In a small saucepan, add one cup water and two cups sugar. Heat to dissolve and bring to a boil. Simmer for a couple of minutes and let cool. Meanwhile, squeeze a couple of lemons.
Mix two tablespoons of syrup with one cup water. Taste the mixture. Now, add one tablespoon lemon juice and taste again. What does the addition of the lemon juice do to the sugar water?
Next, start at the other end. Mix two tablespoons of lemon juice with one cup water, taste, and then add one tablespoon of syrup. (You'll have the opposite proportions, obviously.) What do you think of that mixture? Try different proportions and think about the balance of sweet and sour. What proportions do you like best?
Bittersweet
Get as many chocolates of different sweetness levels as you can find. Many chocolates are now labeled by levels of cocoa mass and cocoa butter. For instance, a chocolate labeled "70 percent" contains that amount of cocoa, with the remaining 30% being sugar and other ingredients (milk chocolate will have the lowest percentage of cocoa and will also contain milk solids). Include
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unsweetened chocolate (sometimes called "baking" chocolate) as well. Starting with the least sweet, taste them and compare. If you start with unsweetened, it will probably be almost unbearably bitter. As you taste, think about the level of sweetness you prefer.
Now, for part two, get some caramels or caramel sauce. Taste the chocolates again, this time with a small bite of caramel accompanying each taste. How does the additional sweetness alter the chocolate? Do you find your previous favorite too sweet with the addition of the caramel?
Salty and Sour
Scoop out the flesh from a ripe avocado and mash it up. Taste a small bite as a basis for comparison. Divide the remaining avocado into three portions. To the first, add a pinch of salt. To the second, add a squeeze of lemon juice.
Taste the first sample. Now add a squeeze of lemon to the salted avocado. How does it change the flavor? Is the salt more or less pronounced, or is it unaltered?
Taste the second sample (the one with only lemon juice). Add a pinch of salt and taste again. How does the salt affect the acid? Does it make the lemon flavor more pronounced?
Now add enough salt to the third portion to make it taste noticeable salty to you (this could vary quite a bit depending on your tolerance for salt). Add a squeeze of lemon and see if that diminishes the salty flavor.
Sweet and Salty
Make a small batch of popcorn. Divide it into three portions. Sprinkle one with salt, one with sugar, and one with a combination of salt and sugar. Taste the three samples and concentrate on the way the salt and sugar affect each other.
Another way to experiment with salt and sugar is add a pinch of sugar to a savory sauce, such as tomato sauce, and see how it changes the flavor. Or add a pinch of salt to a sweet sauce such as caramel or a custard and see if it intensifies the flavor.
PART TWO: TEXTURE
INTRODUCTION
A friend of mine spent quite a bit of time in Cambodia over the space of several years. On her last trip back, her hosts held a banquet in her honor, which featured, among other things, fried crickets. Being a gracious guest, she summoned up her resolve and tasted one. When she was back in the states relating this tale, I asked her what they tasted like. Her response: "The legs were sharp and stickery, the outside was really hard and crunchy, and the insides were squishy."
The reason I'm starting out with this story is not to disgust anyone, nor to make a point about cultural food choices. It's this: if you read her description carefully, you should notice something. (Pause.) Did
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you get it? That's right -- her description says absolutely nothing about the taste of that cricket. It's all about texture. Sharp, stickery legs, hard carapace, squishy insides. Texture terms, every one. She's not alone in confusing taste and texture. For instance, if you read the copy on boxes of crackers or chips, chances are pretty good you'll see something about the "crispy" or "crunchy" taste. (Note to ad people: "crunchy" is not a taste.)
Another example, this one from a cookbook. In The Elements of Taste, authors Gray Kunz and Peter Kaminsky describe one of their fourteen basic "tastes" as "Picante." "Peppery heat does have nerve endings on the tongue just like sweet, sour, salty and bitter, but they're not taste buds per se," they write. Continuing, they state, "Even if science doesn't recognize picante as a taste, try and tell that to a chef in Lima, Peru or Lafayette, Louisiana." With all due respect to these talented chefs, I still have to say, "Sorry guys, you can call 'picante' a taste until the world ends, but it's no more a taste than 'crunchy.'"
Why do so many people mistake textures for tastes? In Part One of this class, I described how the same neural pathways that convey the basic tastes convey additional sensory information about the feel and temperature of what we're eating. Thus, we tend to experience all those sensations - the actual tastes and flavors and the way our food feels in the mouth - as part of one indivisible whole. It takes a moment or two of introspection to separate the various components of the sensory experience, and many people never take the time and effort to do so. Texture for them remains so invisible that they confuse it with taste. Yet texture is absolutely crucial in any gustatory experience, and concentrating consciously on texture as a separate element from taste is the second, very necessary step in analyzing the foods we cook and eat.
We've seen (in Part One) that our sense of taste is limited to only a handful of true tastes. Of course, when you add in our olfactory sense, we can detect hundreds of flavors, but most of us actually experience a pretty limited range of flavors in our lives. In many cases, what provides the most variety in our food is texture.
Other food cultures, including many Asian cuisines, treat texture more directly. They revel in some foods simply because of their texture. And often, the textures they love are textures that the typical Western palate finds unpleasant. I remember assisting a Chinese cooking instructor who was describing a certain mushroom he was adding to a dish. He translated the name as "slimy mushroom" and rather apologetically explained that the Chinese word for "slimy" just didn't have the negative connotations that we associate with the term.
But while Americans might not consciously think about the texture of our foods, we care deeply about it. Take a look at any restaurant review, and count the number of words used to describe texture, compared with descriptions of taste. Crispy, crunchy, brittle, chewy, sticky, hard, soft, squishy, creamy, silky, slimy, oily, moist, succulent, dry and juicy are just some of the words you'll likely find that are all about texture, not taste.
Don't believe me? Here's a sample, from the San Francisco Chronicle's online publication, sfgate.com: "The ravioli in cream sauce had an unpleasant grainy filling, the gnocchi were leaden and doughy, and fusilli in pink sauce was, well, fusilli in pink sauce. A braised veal shank was overshadowed by its accompaniment, toothsome strands of homemade tagliolini. The porcini cream sauce was good, but the mushrooms were sandy. There's nothing worse than grit in a sauce that's supposed to be buttery
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and smooth (italics all mine)." Not only do all the italicized terms describe texture, but also if you read carefully, you'll notice that no terms in the paragraph say anything directly about taste or flavor.
Look more closely, and you'll discover another thing about texture. In many cases, what we like and dislike about the texture of our food is a direct result of what we expect from a particular food. "Chewy," for example, is a textural feature that we like when we're talking about caramel or beef jerky, but not when we're talking about steak or biscuits. Or, as another example, think about the texture of custard compared with that of scrambled eggs. Many people enjoy both, but few would want the former with the texture of the latter.
From a very informal survey (okay, sitting around talking over drinks with a bunch of food-oriented friends), I think, too, that the textures we like - even more so than the tastes we like - are dependent on the foods we grew up with (which, of course, color our expectations of food for most of our lives). Okra is a perfect example. Of all the times I've heard people talk about okra, two things stand out. First, no one ever talks about the taste. Second, almost without exception, Southerners like it, Northerners say it's gross and slimy. Something tells me that it's no slimier in the North than in the South, so it seems likely that the difference lies in what the two groups grew up eating.
CATEGORIES OF TEXTURE
"Texture," of course, is a very broad term, referring to different types of sensations. So what is texture, exactly? In the broadest sense, texture refers to the way food feels in the mouth, rather than how it tastes or smells. There are texture terms that describe the way foods feel against the teeth or how they coat the mouth, terms that refer to sensations of pain caused by some of the foods we eat, terms that describe the moisture content. Let's take a quick look.
Toothy Terms
Mention texture to the "person-on-the-street," and chances are very good he or she will think of the way food feels and breaks against the teeth. "Crunchy," "crispy," and "chewy," which might well be the three most commonly used texture terms, obviously refer to such sensations, as does the Italian term "al dente" (literally, "to the tooth"). (Interestingly, the term "toothsome" is not primarily about texture; its first dictionary meaning is "agreeable" or "palatable." However, restaurant reviewers seem to have kidnapped the term to stand in for "al dente," so I feel compelled to mention it here.)
Obviously, since humans are born toothless, we don't start out liking chewy or crunchy food. We start out eating pureed food and gradually work our way up to foods that require more and more chewing. Because of this, soft foods can play an interesting psychological role for some of us -- many of our so-called "comfort foods" are soft, such as custard, hot cereal, Jello, or mashed potatoes. On the other hand, other people seem to develop an aversion to soft foods, which only illustrates how complex the human animal can be.
As adults, most of us like the feel of crunching down on food, of biting into something that snaps against our teeth. Yes, we may like a perfectly silky pureed soup, but too much smooth, soft food soon begins to feel like a diet for an invalid or a toddler. Oftentimes, we'll incorporate a crunchy or crispy element into our softer foods for contrast: think of the topping on a gratin, toasted nuts sprinkled over
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ice cream, or the crust on a crème brulee. From an evolutionary point of view, a propensity for crunchy food is certainly valuable: it helps to protect our dental health.
And what about "chewiness" as a texture? Good or bad? In this case, it's especially true that it depends on our expectations. We certainly like some chewy foods: caramel, for instance. Beef jerky and other dried salted meats may have been a nutritional necessity to our ancestors, but many modern folks now eat it voluntarily. Nothing else can explain the popularity of gum. Still, there's generally a limit to the amount of chewing we want to do, and our tolerance varies with the type of food we're eating.
More than crunchiness, our liking for chewy foods varies from culture to culture as well as from individual to individual. Americans have the reputation for liking softer food than many European cultures: think of the typical American sandwich of soft bread, lunch meats and soft cheese, compared with a French baguette topped with some chewy ham and Gruyere. Of course, American preferences are changing, as witnessed by the burgeoning popularity of "artisan" breads -- denser and much chewier (as well as more flavorful) than the breads we ate in the 50's and 60's.
Moisture Level
Perhaps fewer texture terms we use refer to the moisture content of our food, but those we do use show up frequently. Descriptions of fruit and meat, for instance, almost always include some mention of the moisture level -- juicy oranges, succulent chicken, dry steak. Baked goods are also evaluated, at least partly, in terms of their moisture content, although the more straightforward term "moist" is the one most often applied to cakes and pastries.
When we eat foods that are not intrinsically moist, we often add moisture: plain potatoes, bread, or pasta are not foods most people choose over the sauced, buttered and otherwise lubricated versions. Children dip their cookies into milk; adults dip their biscotti into wine or coffee. Since, as we saw in Part One, taste molecules have to be dissolved for our sense of taste to be effective, it's no wonder we prefer moisture in our foods. But we don't want all our foods laden with moisture. Again, we have to get back to expectations here. If something is supposed to be crisp or crunchy and it isn't, we don't say it's "moist," we say it's "soggy." Now, it may seem as if I'm splitting grammatical hairs, but my point is that to most of us, some foods are supposed to contain moisture, and some aren't, and never the twain shall meet.
Density
Much human ingenuity has gone into leavening. Cooks have used numerous methods including chemical reactions (baking powder or yeast) and physical structure (whipping cream or eggs) to lighten the texture of foods from breads to mousse to cakes to souffles. Of course, we can only manipulate the density of certain foods -- those that require mixing. Baked goods, desserts and sauces are the serious contenders for playing with texture. Meat and vegetables, for example, keep pretty much the same density level regardless of what we do to them.
It may seem that as far as density goes, the lighter, the better, but this is not always so. Sometimes we want our desserts dense -- think of fudgy style brownies or flourless chocolate cake. Sometimes we like a dense, chewy bread rather than a light and fluffy Parker House roll. Sometimes we want clotted cream instead of whipped cream, or a quiche instead of a souffle.
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CHEMOSENSORY IRRITATION
It might sound odd to talk about the burn of chiles as a texture. Certainly, this and other chemosensory irritations are categorically different from the kinds of textures we've been talking about so far. Yet all the burns and tingles we experience from mint, ginger, mustard and the like are non-gustatory, physical sensations directly caused by the foods we eat, and in that sense they fall into the broad category of texture.
I began this class with a passage from Kunz and Kaminsky's book, in which I chided them for calling "picante" as a taste, but it's really not a surprising mistake. It seems bizarre to separate, for example, the taste of horseradish from the sinus-clearing, eye-burning sensations we experience when we eat it. Mint wouldn't be mint without the tingle; chiles aren't chiles without the burn. The fact is that we eat these foods much more for the irritation factor than for the taste or smell. Not that they don't have recognizable tastes and odors, but those are secondary to the feelings the foods cause.
The big question about chemosensory irritations is this: Why do we seek them out? Why voluntarily eat things that irritate our mouths, eyes, throats, and, in some cases, our entire gastrointestinal tracts? There are various possibilities. Physically, it seems that capsaicin may increase the secretion of saliva and gastric juices, which would aid in digestion. Ginger, which has its own, albeit milder, heat, also aids in digestion and helps to prevent nausea. Chiles (as well as other spices and herbs) inhibit the growth of pathogens in food, which is a boon from an evolutionary standpoint.
Other reasons are more psychological. Paul Rozin, a psychologist who has written about food-related behavior, posits that we do it in the same spirit that we ride roller coasters. That is, regulated doses of fear or pain excite our brains and bodies, and we like that. These mild irritations also provide a break for the palate; by momentarily capturing our attention, they give us a chance to pause (figuratively at least, and sometimes literally) before continuing on with our eating. And, as we saw in Part One with bitter foods, although we start out avoiding foods that are unpleasant (whether because of a bitter taste or irritating sensations), coming to like them is a measure of growing up for many people. One Thai cooking instructor I know told the story of visiting her niece and being greeted with the young girl's excited announcement that she now liked chiles. She was proud of the fact that she was becoming more adult in her tastes.
Here's a look at some of the most common irritants we learn to enjoy.
Capsaicin
Various peppers have been embraced by virtually every cuisine in the world, from the fiery chiles used in Thai or Indian cuisine, to the myriad fresh, dried and smoked peppers used in Mexican and South American cuisines, to the paprika that defines so many Hungarian dishes. Capcaisin is the alkaloid compound responsible for their burn, whether mild or searing.
Capsaicin is probably the most studied of the substances in food that cause chemosensory irritations. Researchers have isolated five "capsaicinoid" compounds, three of which cause "rapid bite sensations" in the back of the palate and the throat, and two of which cause a longer, lower-intensity burn on the tongue and mid-palate. Variations in the proportions and amounts of these compounds account for the different sensations we get from different chiles.
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If you eat peppers much, you'll pretty begin to develop a tolerance for them. As we saw in Part One with strong flavors and odors, our threshold for various foods are not static; this is particularly true for capsaicin. Like any other type of pain we experience regularly, we grow accustomed to the burn of chiles, and it takes more and hotter varieties of them to excite the same sensations. That's a big reason that two people can have such a different perception of how hot a particular chile-infused dish is -- what's mild for a chile-head can be brutal for a novice. (Lest you heat freaks start to get cocky about your tolerance, though, just remember that if you stop eating them for a while, your tolerance will decrease and you'll be back where you started.)
Mustard, horseradish and wasabi
Mustard gets its heat from the reaction of the enzyme myrosin with glucosides in mustard seeds, which produces a very volatile oil, called (not surprisingly) mustard oil. Actually, there are several so-called mustard oils, but we can ignore that for now. The reaction only occurs when the mustard seeds are crushed and mixed with liquid, which is why you can take a big whiff of whole mustard seeds and feel nothing. Once they're crushed and moistened, though, only a tiny bit will cause watering eyes and irritate the nasal passages, as anyone who's inadvertently taken a big bite of Chinese mustard can attest. Mustard has been used in medicine as well as cooking for a couple thousand years, both in tinctures and applied externally to reduce inflammation. (Mustard oils, like capsaicin and other "counterirritants," work in this way by drawing blood to the surface of the skin and away from the deeper, inflamed areas.)
Horseradish and wasabi are similar to mustard in both cause and effects. When grated, they form mustard oils as well. Much of the power of the mustard oils dissipates with heating, which is why dishes cooked with horseradish can be relatively mild, with only a hint of raw horseradish's bite. Although mustard, horseradish and wasabi can be staggeringly powerful, their "heat" is entirely different from that of chiles. Fist of all, we feel their effect primarily in the nasal passages rather than in the mouth. Second, although they can clear out your nasal passages faster than any decongestant, their effects are comparatively brief. As soon as your eyes stop watering from too much horseradish, you're ready for more.
Other irritants
The active oil in peppermint (and, to a lesser degree, in spearmint), menthol, is uniquely refreshing. At low concentrations, it temporarily raises the surface temperature of our skin, making our mouths feel cool and cool liquids feel downright cold. (If you're going to have your temperature taken, don't suck on peppermint candies -- your temperature will be artificially raised, as I discovered one time when I was giving blood.) In higher concentrations, it can be used as an anesthetic, or as a counterirritant like mustard oil.
The active ingredient in clove oil, eugenol, has fast acting and powerful anesthetic qualities. In addition to their culinary uses, cloves have been used for thousands of years to freshen the breath and numb the mouth. Clove oil is still widely used for toothache.
Carbonation
The tingly feeling we get when drinking carbonated drinks is also caused by a chemical reaction. One of our many enzymes, carbonic anhydrase, which creates acid from carbon dioxide and water,
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has been shown to play a big role in our sensing this "tingle." (Some medications given to glaucoma patients inhibit this enzyme; they can significantly alter the patients' experience of carbonation.)
But unlike the other irritants I've been discussing, carbonation also has a physical side - all those bubbles physically alter the feel of the carbonated drinks. They keep the liquid from lying on the tongue for long; they pop and make the liquid "fizzy." Flat soft drinks taste sweeter and feel thicker without the "scrubbing bubble" effect of carbonation. Cheap sparkling wine (not that any of you would drink it) might be bearable when freshly opened, but all those off-flavors become painfully obvious after the carbonation dissipates, when all the wine can do is lie on your tongue and linger.
Carbonation has an additional benefit: it can serve to cut through the heavy texture of rich and fatty foods. Since we're just about to turn to the subject of "mouthfeel," we'll be seeing carbonation again soon.
MOUTHFEEL
Chances are, if you're familiar with the term "mouthfeel," you associate it with descriptions of wine. Wine geeks always seem to go on about mouthfeel, which can seem extremely silly to wine novices. What is mouthfeel, you might ask, and why should you care about it?
Good questions. One way to think about mouthfeel is this: take away all the other textural elements I've discussed, and what's left is mouthfeel. Okay, that's not terribly helpful, is it? Mouthfeel, then, involves the way foods coat or don't coat the mouth, whether they seem to linger or disappear immediately, whether they increase your saliva flow (lemon juice) or dry it up (tannins), whether they're smooth and silky or rough and "sharp" against the tongue. With liquids (beverages and sauces, primarily), mouthfeel includes the "body" or viscosity (how thick or thin the liquid is).
Now let's see why we should care about mouthfeel. In the case of wine, beer, and other beverages, it's easy to see why mouthfeel plays such a big role in our descriptions. Without anything to crunch into or chew on, mouthfeel is very apparent. With food, some elements of it are more obvious than others. For instance, we tend to immediately tune into how smooth certain foods are or are not -- we notice right away if our hollandaise is lumpy or our ice cream is grainy. Overall, though, compared with all the chewing and crunching we do, with the various irritations we sense, and the density and moisture level of our foods, mouthfeel is pretty subtle. It can get lost among the other textural elements.
But it's there in the background, and it very likely makes a difference in the way you perceive your food, even if you don't realize it. Most of this "subtext" mouthfeel involves how lasting, how rich, and how cloying our food is, which depends in large part on the fat level of the foods we're eating. Fats and oils, of course, influence the moisture content of our foods, but they also do a couple other things. They can lend viscosity to sauces and help make them smooth and "creamy." They cause food to linger on the tongue and in the mouth, providing a longer "finish" than foods without as much fat. They soften the feel of highly acidic or astringent foods, making them less "rough."
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Maybe you've seen the ice cream commercial where the little kids are trying to read the ingredients listed on the labels. They stumble over all the multi-syllabic chemicals, and then turn to the advertised brand, which contains only "natural" ingredients. If, like I did, you run a Google search for "food," texture," and "mouthfeel," most of the results will be either wine descriptions or scientific treatises on the various chemicals used to create and maintain a smooth and rich mouthfeel. I'm not about to get into the argument about whether such additives are good or bad. The only point I want to make here is that many, probably most, of them are not added for flavor. They're there for texture.
Like it or not, it's difficult to produce an ice cream that stays smooth, rich feeling and creamy for days, much less for weeks. And if it's difficult with a full-fat ice cream, it's virtually impossible with a non-fat version. That's the problem with low-fat versions of foods that are ordinarily fatty -- they may not taste that different from the regular versions, but they just don't feel the same. Since the low-fat craze hit, food manufacturers have spent millions of dollars on ways to make non- and low-fat foods feel like their full-fat cousins.
Because, despite all our concern with "healthy" foods, the fact remains that we like the feel of fats and oils in our foods. If we don't get that feeling from at least some of our food, we notice the lack, and our gustatory experience is less satisfactory because of it.
Fat, acid, and astringency
But too much of a good thing, in this case, is not so great. Too much rich food can coat the mouth and tongue too thoroughly, feeling unpleasantly heavy and cloying. Most cooks understand this at some level, even if they can't articulate it or don't even consciously think about it. We use a variety of techniques to cut through the heavy mouthfeel of foods high in fats and oils. Whipping cream, for instance, introduces thousands of tiny air bubbles into the cream, which physically lift it from the tongue, giving it a lighter, less cloying feel than plain cream.
Mostly, though, we rely on two very different categories of ingredients to counter the heaviness. First, a touch of astringency serves to cut through high-fat dishes. Certain foods and their components are naturally astringent, meaning that they dry out the mouth. This seems like something unpleasant, and too much of it often is. But a little astringency can work to (figuratively) scrape out the mouth, refreshing the palate by giving it a stopping point, so to speak. Sometimes the astringent ingredient is in the dish itself - a bed of arugula, for instance, working as a foil to a richly sauced beef. More often, it's in the beverages we choose to drink with rich foods - think about the hops of beer and tannins of red wine cutting through the fat in such dishes as fish and chips or roast lamb. Or a cup of tea with rich pastries.
The other major technique for balancing the rich mouthfeel of high-fat foods is to add some acid. We saw in Part One that acid balances sweetness; just as it cuts through the cloying taste intensely sweet foods, it also acts to cut through the cloying feel of fatty and oily foods. Think of salad dressings without vinegar, a beurre blanc without the wine reduction, or Hollandaise without the lemon juice. They'd be too much on the palate without the touch of acid. Introducing a tart sorbet between rich courses in a many-coursed meal was a common technique that's making a comeback. And, of course, we can also get our acid in our beverages, just like we do our astringency. Most white wines get their palate cleansing qualities from their acid, not from tannins.
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It generally takes very little of an astringent or acidic ingredient to counteract the fat in many dishes. Too much acid or astringency is just as unpleasant as too much fat. It's all about balance. Let's look at a simple salad of greens dressed with a vinaigrette. In most American restaurants and many homes, plain lettuces have given way in salads to mixtures of greens, many of which are mildly astringent and bitter. At the same time, Americans seem to have tended toward more and more acidic vinaigrettes, compared with their European counterparts. It's easy, given these two trends, to go overboard and end up with a salad that's unbalanced. In most cases, all it takes to bring it back into balance is a bit more oil in the dressing, or a bit of cheese. The additional richness makes the acid dressing and astringent greens behave themselves.
Umami and mouthfeel
We saw in Part One that the umami, or savory, taste is, most certainly, a real taste. But as I mentioned then, umami has a textural element that's even more important (I think) than its taste. Foods that are high in glutamates have a richness and a depth that's lacking in foods without them. Remember the researcher who described umami as that "mouth-filling" sensation? That pretty much sums it up.
Ingredients that are naturally high in glutamates contribute a quality of richness to the dishes where they appear. For instance, it's very surprising to many people, on eating their first Thai salad, to find that the dressing generally contains no oil -- the fish sauce provides the unctuous feeling they associate with oil. If you leave out the fish sauce, the salad will not only taste less complex, but it will also feel less satisfying.
Food manufacturers that add MSG (monosodium glutamate) to their products do it as much for mouthfeel as they do for flavor. If you tried the exercise at the end of Part One involving MSG, you probably noticed that the water with MSG not only tasted vaguely brothy, but it also felt fuller on the tongue than plain water. I unabashedly admit to adding a pinch of MSG to many dishes, especially soups with meat and poultry. I don't do it for the flavor, I do it for the mouthfeel.
You don't have to follow my lead, though. There are plenty of ingredients, like fish sauce, with natural glutamates. Experiment with mushrooms, aged cheeses, cured meats, Worcestershire sauce, or grapefruit to alter the mouthfeel of the dishes you cook or eat.
TEXTURE AND TASTE
So, now that we've separated texture from taste and we understand it a little better, let's turn around and put them back together (come on, you knew I would do this, didn't you?) They don't, after all, exist independent from each other; they're part of a package.
Texture can affect flavor in a couple of important ways, so let's start with that. First, the texture of the food we eat helps to determine how much of the surface area can interact with our taste cells. Think about the difference in flavor intensity between carrot chunks, grated carrot and carrot juice. Put a big chunk of carrot in your mouth, and you don't taste much until you crunch down on it and break it into smaller pieces. Taste a spoonful of grated carrot, and the flavor is much more apparent. Sip on a glass of carrot juice, and you get a blast of carrot flavor immediately.
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The length of time food spends in the mouth also obviously will affect how strong its flavor seems. We've seen that viscous liquids and rich foods coat the mouth; their tastants thus spend more time with the taste cells than thinner liquids and leaner foods, so they often seem more flavorful. Dense foods, likewise, come into contact with more taste cells than do aerated, lighter foods. Chewy foods take longer to break down enough to swallow than do softer foods, so we get more flavor from them.
Does this mean that we want to limit ourselves to those textures that promote the greatest flavor? No, not at all. If you've learned only thing from this class, I hope it's that variety makes the our culinary world go round -- contrasting and balancing textures is just as important to our gustatory pleasure as combining and balancing tastes and flavors. We're human; it's in our nature to embrace variety.
THE NEXT STEP
Building on all the practice you've had analyzing the flavor of your foods, now you can begin to combine that with an awareness of their textures. Concentrate on all the crispy, crunchy, soft, silky creamy, puckery, chewy, moist, hot, succulent, and tingly aspects of your foods, and I promise you'll get more out of your cooking and dining.
EXPERIMENTS
Noticing Texture
Pick out two or three restaurant reviews from your local paper. Go through them and underline all the words that describe or refer to flavor (salty, smoky, sour, flavorful, etc.). Then, go through them a second time, and circle all the words that describe texture. Some words may fall into both categories ("buttery," for example, often refers to the flavor of butter, but sometimes describes a texture. Likewise for "meaty"). Compare the number of underlined to circled words.
Texture and Flavor
This takes a few carrots. Puree one carrot into juice (or buy some carrot juice). Shred one, mince one, dice one, and cut one into large chunks. Taste the various forms of carrot. How does the texture affect the flavor?
Fat and Mouthfeel
Run out and buy small cartons of milk with differing fat contents -- non-fat, 1%, 2%, regular, and ideally, extra rich (4%). Also get a carton each of half and half, light cream, Umami and Mouthfeeland heavy cream (if you're not in the U.S., you may have different options, but the point is to buy as wide a variety as you can.)
Starting with the non-fat (or lowest fat) variety, take a sip of the milk, concentrating on how it coats your mouth -- how thick it feels, how long it lingers. Proceed through the rest of the samples, moving from least fat to most fat (you may want to pause every two or three for a drink of water or a bit of a mild cracker). How does the fat content influence the mouthfeel? Which one feels the most pleasant? The least pleasant?
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Umami and Mouthfeel
Repeat the umami experiment from Part One: dissolve a half-teaspoon or so of Ac'cent in a cupful of warm water. Taste the mixture. This time, compare it with a sip of plain water the same temperature and concentrate on the differences in the way it feels in the mouth. Does the MSG made the water feel richer? Does it feel as if it's coating your mouth?
Balancing Fat and Acid
You'll need oil and vinegar or lemon juice for this, plus a few leaves of lettuce. First, pour a little oil into a bowl, and a little vinegar or lemon juice into another. Mix vinaigrettes in the following proportions: one oil to two vinegar, one oil to one vinegar and two vinegar to one oil. Beginning with the plain oil and ending with the plain vinegar, dip a small piece on lettuce into each and taste it. Note how the mouthfeel changes as the acid increases. Which mixture works the best for you?
If you like, repeat the experiment using an astringent green such as arugula. Does your preference change?
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A.18. les séminaires de Gastronomie Moléculaire "du jeudi"
Tous les 3e jeudi du mois (depuis le 9 novembre 2000) ont lieu à l’Ecole Supérieure de Cuisine
Française136 des séminaires de Gastronomie Moléculaire animés par Hervé This. L’objectif de ces
séminaires est de réunir divers acteurs de la filière alimentaire (industriels, cuisiniers, scientifiques,
enseignants) afin d’étudier les procédés culinaires, d’en comprendre les mécanismes et de les
débarrasser de leurs scories (actes inutiles répétés « par tradition »). Chaque séminaire comprend
- la présentation et discussion des résultats obtenus sur les thèmes passés
- la mise en comment des réflexions et pratiques sur le thème du jour, avec répartition des
expériences à entreprendre
- la communication de points divers (manifestations, congrès, cours, associations, etc).
Ces séminaires se focalisent sur les techniques culinaires, mais on peut toujours évoquer les
conséquences nutritionnelles, diététiques, hygiéniques ou sanitaires des procédés employés. Chaque
thème proposé est systématiquement abordé en suivant l’ordre
1) discussion de la problématique
2) dictons et procédés rapportés
3) expériences réalisées et à réaliser.
Pour cette dernière partie, on essaye de définir clairement les objectifs et on veille soigneusement à
l’élaboration du protocole (précision, reproductibilité).
Les comptes-rendus sont disponibles sur de nombreux sites internet 137 . L’ensemble des thèmes
abordés depuis le premier séminaire est listé ci-après. J'ai de plus ajouté, pour exemple, le compte-
rendu du 50e séminaire.
136 Centre Grégoire Ferrandi, 28 rue de l’abbé Grégoire, 75006 Paris (http://www.egf.ccip.fr/direct.asp?table=presentation&site=e). 137 Consulter par exemple le site de la Société Française de Chimie (http://www.sfc.fr/seminaire/cr2.html).
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Liste (non exhaustive) des thèmes abordés depuis 5 ans
aux séminaires de Gastronomie moléculaire de l’ESCF
1. Blancs en neige 2. sel sur la viande 3. Cuisson du chou fleur 4. les soufflés 5. cuisson des asperges 6 les macarons 7. cuisson des artichauts 8. les ustensiles en cuisine 9. omelette de la mère Poularde 10. cuisson des champignons sauvages 11. le flambage des vins de cuisson 12. la crème anglaise 13. l’onctuosité des béchamels 14. les dénominations 15. la cuisson en croûte de sel 16. battage de la viande 17. tranchage des veloutés crémés 18. salage et saumurage viandes et poissons 19. les bisques 20. cuisson à la vapeur
21. les caramels 22. sabayon 23. béarnaise
24. sauces liées à la farine 25. mayonnaise 26. à propos de « cuire » 27. fruits rouges 28. fruits confits/ confire 29 cuisson des pâtes 30 pâte feuilletée 31 cuisson de la viande 32 conduction métallique des casseroles 33 trempage/cuisson dans du lait 34 cuisson du bouillon 35 les meringues 36 les fruits confits 37 cuisiner avec des additifs, des colorants.... 38 le brunissement des oignons 39 le beurre noisette
40. pommes de terre soufflées
41. vannage des sauces
42. acidité des coulis de tomate
43. marinades
44. génoises
45. crêpes 46…….
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Compte rendu du Séminaire INRA de gastronomie moléculaire N°50,
Octobre 2005
Thème : On dit que la carotte ou le sucre absorbent l’acidité dans une sauce tomate. On dit qu’une pomme de terre trempée dans une sauce trop salée en enlève le sel.
I. Examen du thème du mois : Reçu de Daniel Bocquet : La carotte est moins acide qu'une sauce acide. Le pH de la tomate est toujours inférieur à 4,5 et celui des carottes est entre 6 et 6,5. Donc l’ajoute de carotte à une sauce tomate remonte le pH de l’ensemble. De surcroît, les saveurs sucrées masquent la perception acide, mais ceci est du domaine du sensoriel. A noter qu’il existe des substances édulcorants plus masquants encore que le sucre : la « miraculine, par exemple, est extraite d’un végétal africain qui masque très bien les saveurs acides ; toutefois, cette substance n’est pas stable chimiquement, de sorte qu’elle n’est pas utilisée par l’industrie alimentaire. Dans le cas du sel, c’est une osmose qui expliquerait la réduction de la saveur salée. Christophe Lavelle a cherché des citations relatives au thème du mois sur Internet (Google) : avec les mots clés « tomate », « acidité », on trouve de très nombreux sites qui proposent de réduire l’acidité des sauces tomates par l’ajout de bicarbonate, de sucre, de carottes, de carottes coupées en deux ou râpées. Certains sites signalent également la « précision culinaire » relative à la pomme de terre et au sel. Les cuisiniers présents au Séminaire signalent pratiquer les deux précisions, à une forte majorité. Isaac Gani utilise également les carottes et le sucre pour corriger la saveur des concentrés de tomates (effet également signalé par Martine Albertin). Un participant signale que la carotte ajoute un goût de carotte. Il lui est répondu que les sauces tomates contiennent déjà de la carotte. H. This rappelle que l’acidité perçue est bien différente de l’acidité mesurée par le pH : le même vinaigre sera acide ou sucré, selon qu’on y a ou non ajouté du sucre, pourtant son pH n’est pas modifié par le sucre. Camille Duby discute l’analyse de D. Bocquet : la question est de savoir si la carotte ou le sucre diminuent l’acidité perçue ou le pH. Odile Renaudin mentionne que, si les hydrocolloïdes réduisent le goût, on pourrait faire l’expérience de les ajouter à une sauce tomate acide pour voir si l’acidité est réduite. Elle a testé quatre coulis de tomate (150 g de coulis de tomate, divisés en lot : lot témoin ; lot de 45 g de coulis avec 5 g de sucre ; lot de 49.5 g de coulis avec 0.5 g d’agar agar ; lot de 49 g de coulis avec 0.5 g d’alginate de sodium et 0.5 g de sucre. Le résultat est le suivant : l’ajout d’hydrocolloïde masque l’acidité et modifie la texture. Avec l’agar, l’acidité est très diminuée, mais la texture est un peu sableuse. Avec l’alginate, résultat très satisfaisant : l’alginate masque l’acidité, et donne de l’onctuosité. Christophe Lavelle prévoit de refaire l’expérience, et les participants discutent de la sauce tomate à réaliser. On propose 10 pour cent de sucre, mais la quantité est discutée, en raison des différences de qualité des tomates. On évoque l’ajout de 30 g de carottes pour 100 g de coulis, et de 10 g de sucre pour 1 kg de coulis. Les cuisiniers de Dalloyau sucrent à moins de 5 pour cent, mais ils contrôlent surtout en goûtant, et adaptent la dose nécessaire à la qualité des tomates. Ils signalent que le sucre adoucit l’acidité, mais relève aussi le goût. Le chef de la Délégation du Québec utilise 10 pour cent de sucre au maximum. Juan Valverde a testé l’utilisation du bicarbonate de sodium : la texture est modifiée. A ce propos, Marcel Fraudet indique qu’il en ajoute parfois au vin. Pour les tests de la précision culinaire évoquée, Camille Duby signale qu’il faudra prendre garde aux accoutumances. Il faudra faire des essais préalables, et déterminer le protocole en fonction des résultats de ces essais. Il est prévu que les tests soient faits à l’ESCF. Pour la question de la pomme de terre, un chef de Dalloyau signale qu’il a ajouté 200 g de pomme de terre à un sauté de bœuf trop salé (avec 200 g de viande). La cuisson des pommes de terre a éliminé du sel de la sauce.
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On évoque l’effet potentiel d’une tranche de pain : le pain étant salé, en fin de cuisson, il devrait avoir enlevé du sel en excès. On évoque l’hypothèse de l’amidon, qui capterait le sel. Robert Méric signale qu’il st sans doute utile de couper les pommes de terre en rondelles, afin d’augmenter la surface de contact. Il propose une expérience qui consisterait à peser des matières sèches. Martine Albertin signale que l’ajout de pomme de terre modifie gustativement le goût de la sauce. Denis Voll évoque l’hypothèse selon laquelle l’amidon, en s’empesant, capterait du sel. Les participants discutent pour savoir si l’absorption est sélective, en faveur du sel. Est alors faite l’expérience (par Yolanda Rigaut) de peler et couper des pommes de terre, qui sont ensuite lavées, et cuites dans deux casseroles emplies de la même quantité d’eau ; l’une est bien salée (quantité pas mesurée, dosage en goûtant) et l’autre contient environ quatre fois plus de sels, et est trop salée. La cuisson est démarrée à l’eau froide (souvent, le démarrage se fait à chaud). On décide d’attendre la cuisson des pommes de terre (4 rondelles, soit une pomme de terre), soit 20 min. Lors de l’expérience, la question du protocole est discutée : sans couvercle, la concentration en sel risque de changer en raison de l’évaporation différente de l’eau. On décide, pour cette expérience tout à fait préliminaire, de porter les deux casseroles à ébullition, afin d’évaporer de façon la plus proche possible. La sauce peu salée montre peu de différence, avec ou sans pomme de terre. La sauce trop salée également. L’effet prétendu n’est donc pas visible, dans les conditions de cette expérience préliminaire. Lors de la discussion entre les participants, s’impose la question essentielle : le sel de l’eau de cuisson, lors de la cuisson des pommes de terre à l’anglaise, entre-t-il dans les pommes de terre ? Autrement dit, est-il utile de saler l’eau de cuisson des pommes de terre cuites à l’anglaise ? Il est surprenant qu’aucun participant, cuisinier ou scientifique, n’ait de réponse à cette question ! Marc Bernard propose de faire l’expérience qui consistera à cuire des pommes de terre dans de l’eau salée ou non, et à séparer (et goûter) l’intérieur et la périphérie, après lavage rapide. La question évoquée est poursuivie par une autre question : dans l’eau qui empèse un grain d’amidon, le sel entre-t-il ? Grain d’amidon gonflé : absorbe le sel ? II. Résultats d’expériences relatives aux thèmes des Séminaires précédents.
II. 1. A propos du vannage : H. This a comparé le vannage et le fouettage au microscope optique. Voici le compte rendu (à noter que
ce type de compte rendu est systématique au sein du Groupe INRA de gastronomie moléculaire ; les cases vides appellent des remplissages) : Compte rendu d’expérience : Vannage des sauces Objectif :
Chercher une différence éventuelle entre une sauce au vin (montée au beurre) vannée ou fouettée.
Observations préliminaires, raisons de l’expérimentation :
Pierre Gagnaire avait signalé que le vannage de ces sauces les rend « plus brillantes » que quand elles sont fouettées. On supposait que la différence (éventuelle) résultait de l’introduction de bulles d’air par le fouet, ce que l’expérience effectuée au Séminaire de Septembre 2005 semblait montrer
Nom de l’expérimentateur :
Hervé This
Date :
26/09/2005
Réactifs (bp, sécurité, pureté, provenance, etc.):
Du beurre (Président) : M1 = 63.8520 g ; M2= 61,873 Du vin (Bordeaux, Vin Le Galion) : on prend 100 mL dans les deux cas (mesurés bécher) De la gélatine alimentaire : m1= 6,283g ; m2=6,0082
Matériels :
Balance de laboratoire Horeau 0.0001 g Casserole (toujours la même) Plaque chauffante (réglée au maximum, et préchauffée (>15 min)
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Méthode :
On pose la casserole contenant le vin sur la plaque, on ajoute la gélatine, on chauffe pour la dissoudre, puis on ajoute le beurre et, selon les cas :
- on fouette (Exp. 1) - on vanne (Exp. 2)
Résultats qualitatifs :
1. Pas de différence manifeste de couleur 2. Différence d’apparence de surface (un peu de gras qui flotte dans Exp. 2) 3. Au microscope, on voit des gouttes beaucoup plus grosses 4. Très peu de bulles d’air, proportion analogue dans les deux cas. …
Résultats quantitatifs :
La taille des gouttes de matière grasse est mesurée : Exp. 1 : distribution entre 0,2 et 2.1 Exp. 2 : distribution entre 0.2 et 9.5 Attention : il faudra prendre une photo et faire une distribution.
Estimation des incertitudes :
Précision de la mesure au microscope (environ 1/100 de la taille des gouttes)
Observations pendant l’expérience :
Etonnamment, le vannage suffit à émulsionner le beurre
Calculs (interprétations, modélisations, etc.)
A faire
Discussion (explication des résultats, étude du pourquoi) :
A faire après les calculs
Evaluation :
Expérience à reproduire
Conclusions :
Après la reproduction et les calculs
Propositions pour améliorer la technique et les résultats :
Photographie du champ au microscope, analyse d’image pour déterminer des distributions de diamètres de gouttes de matière grasse
Signature (pour attester des questions de priorité scientifique et brevets) :
Marcel Fraudet signale que le vannage s’applique surtout à la crème anglaise, que l’on refroidit en vannant. Au mixer, elle est plus liquide (un chef s’en aperçoit immédiatement). Le vannage s’impose pour le goût, et non la brillance : la crème anglaise est « meilleure » quand elle est vannée que quand elle est mixée. Juan Valverde signale une recette basque de brandade de morue. On cuit le poisson avec la peau dans une poêle, avec de l’huile d’olive ; le vannage assure l’émulsification (la peau libèrerait des tensioactifs : le collagène ?).
II. 2. A propos de pommes de terre soufflées : Des participants de ce séminaire N°50 qui n’ont pas assisté à la démonstration de Georges Roux posent
des questions déjà évoquées. Certains doutent du résultat ; on les renvoie au Compte rendu du séminaire où G. Roux est venu faire sa
démonstration.
326
III. Points divers :
III. 1. Odile Renaudin rapporte l’annonce de la journée « A la découverte des additifs », au Palais de la découverte :
Pendant la Semaine de la science, H. This a organisé, au Palais de la Découverte, une réunion nationale des animateurs d’Ateliers de gastronomie moléculaire. Cette manifestation a été l’occasion de mentionner le projet européen Inicon, de transfert technologique, et d’annoncer (par des expériences, notamment) la journée « A la découverte des additifs culinaires ».
Une des expériences a consisté à fouetter des blancs d’œufs en neige pendant 1 min ; la mousse formée
a été divisée en trois parties égales. Dans une partie (10g), on a ajouté 10 g de sucre ; dans une autre partie, on a mis 1 g de xanthane ; dans
une troisième partie, on a mis 1 g d’alginate. On a montré une différence de fermeté, mieux avec les additifs qu’avec du sucre. Le lendemain, seule la mousse contenant du sucre avait drainé. La tenue était très bonne avec la gomme
xanthane, un peu inférieure pour l’alginate. A la dégustation, les résultats étaient bons dans les trois cas.
Odile Renaudin rapporte la genèse de la manifestation envisagée : l’idée de cette manifestation est née lors du Séminaire extraordinaire 2005 : « Peut-on cuisinier avec des additifs ? Peut-on cuisiner avec des colorants ? Peut-on cuisiner avec des compositions odorantes ? ». Il est apparu qu’il serait intéressant d’inviter des cuisiniers en formation à utiliser les nouveaux ingrédients. Une commande groupée d’échantillons a alors permis à des participants du Séminaire de faire des essais. La Journée se fera de la façon suivante : les personnes souhaitant y participer devront le signaler à Odile Renaudin (par email : redaction@sciencesetgastronomie.com), qui leur fera envoyer par la poste des échantillons (et des fiches produits, incluant des protocoles d’utilisation) en quantité suffisante pour faire des essais. Les essais les plus originaux (par catégories : élèves de Première et Terminale de Lycées professionnels, élèves ingénieurs, professionnels…) seront sélectionnés entre le 15 février et le 15 mars, pour une restitution publique le 31 mars. Sont déjà inscrits : les étudiants de Licence Biochimie alimentaire et gastronomie moléculaire de l’Université Paris VI, le Lycée hôtelier Jean Monnet de Limoges.
III. 2. Une pétition pour réintroduire les enseignements de cuisine à l’école : Christophe Lavelle signale que H. This est à l’origine d’une pétition visant à réintroduire des
enseignements culinaires dans le cursus scolaire (premier degré). Cette pétition se trouve à l’adresse : http://www.la-cuisine-collective.fr/petition/lettrepetition.asp III. 3. Cinquante Séminaires : L’Ecole supérieure de cuisine française invite les participants présents à boire une coupe de champagne, afin de fêter l’anniversaire du Séminaire INRA de gastronomie moléculaire : c’est le N°50 ! IV. Thème du prochain séminaire : Juan Valverde propose d’étudier l’idée selon laquelle les abricots deviennent plus acides quand on les cuit. La proposition est repoussée jusqu’à la saison des abricots. On retient plutôt la question suivante : La marinade attendrit-elle les viande ?
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A.19. les chroniques d’Hervé This
Hervé est l’auteur de nombreuses rubriques mensuelles, notamment dans Pour la Science et dans la
Cuisine Collective. Les premières présentent (sur une page) l’analyse scientifique d’une observation
culinaire ; les deuxièmes sont en général présentées en rapport avec les séminaires de gastronomie
moléculaire de l’ESCF (cf annexe précédente), ou plus généralement sur des questions "brûlantes" des
métiers de la restauration. Ce sont deux exemples de ces chroniques que je transcris ci-dessous (parues
respectivement en février 2002 et janvier 2006 dans la Cuisine Collective), occasion pour le lecteur de
découvrir d'une part une remise en cause d'un principe fermement ancré dans l'enseignement
traditionnel et, d'autre part, une question essentielle en cuisine : comment donner de l’amour ?…
LES THEORIES DE CUISSON REMISES EN QUESTION
(La Cuisine Collective, février 2002)
La plupart des cuisiniers ont l'habitude de saisir la viande jusqu'à obtenir une sorte de croûte en
surface. Cela permettrait d'obtenir un rôti bien juteux et goûteux à l'intérieur. Un autre truc
consiste à démarrer la viande bouillie à l'eau froide de façon à en faire sortir les sucs et
parfumer ainsi le jus de cuisson. Ces idées, qui remontent très loin dans l'histoire, sont tellement
ancrées dans la culture professionnelle qu'elles sont enseignées dans les écoles et les lycées
hôteliers. Or ces théories sont fausses. Hervé This est en partie responsable de cette remise en
question. Il a mené des expériences suite à la lecture d'un livre référence dans la profession. Il
revient aujourd'hui sur ces sujets convaincu que l'enseignement doit se reformer culturellement
en se basant non pas sur des intuitions mais sur les acquis scientifiques les plus modernes.
Le branle-bas de cuisson. Vous vous souvenez que je vous ai promis de faire ici le compte rendu des
Séminaires de gastronomie moléculaire. Plusieurs mois de suite, j'ai dû déroger, mais, le mois dernier,
j'y suis parvenu, et je vous ai raconté comment les professionnels de divers horizons qui se retrouvent
à l'Ecole Supérieure de Cuisine Française, chaque troisième jeudi du mois, ont exploré les odeurs de
cuisson du chou-fleur. Ce mois-ci, ma promesse voudrait me pousser à vous raconter un autre
séminaire, mais les événements en ont décidé ainsi : la rédaction de La Cuisine Collective a entendu
parler d'un bouleversement de l'enseignement culinaire dont j'étais en partie responsable, et elle m'a
demandé de ne pas laisser les lecteurs de la revue à l'écart de cet événement. Donc, je repousse le
compte rendu de séminaires et je raconte ce que je dois.
Tout a commencé avec mes expériences sur la cuisson des rôtis. J'avais lu dans un livre intitulé La
cuisine à l'usage des familles, par la Société des cuisiniers de Paris (le livre de la profession), Eyrolles,
Paris (sans date), p. 414 : " Les viandes noires demandent à être saisies, c'est-à-dire soumises à l'action
d'une chaleur assez vive pour se trouver rapidement enveloppées d'une couche rissolée et résistante qui
forme barrière et s'oppose à la sortie du jus. Ce résultat obtenu, l'intensité calorifique doit être
328
diminuée pour faire place à une chaleur moins forte, mais soutenue, à une chaleur pénétrante, qui,
progressivement, s'insinue dans les couches intérieures de la viande. Si la chaleur de début était
maintenue, l'enveloppe rissolée se transformerait en une croûte brûlée, qui ferait obstacle à cette
pénétration. L'extérieur de la pièce serait carbonisé, et l'intérieur resterait à peu près cru. Dans un rôti
bien conduit, il se produit le même phénomène que dans une viande grillée : la chaleur périphérique
gagne en profondeur par étapes successives, refoulant le jus vers l'intérieur, jusqu'à ce que celui-ci,
frappé de tous côtés, s'échauffe et devienne à son tour un agent de cuisson. Il n'en est pas de même en
ce qui concerne les rôtis de viandes blanches, dont les sucs existent à peine ou se présentent sous
forme de jus gélatineux ".
Description périmée ? En tout cas, c'est à peu de choses près ce que l'on trouve dans les livres actuels,
d'enseignement ou à l'attention du grand public. Par exemple, un grand cuisinier actuel (que j'admire
sincèrement, mais pas pour cette phrase) écrit dans un de ses livres : " Pour tenter d'échapper à la
chaleur de cet instrument de torture [il s'agit du four], le sang reflue vers le cœur du morceau. " Et
puis, ne parle-t-on pas de cautérisation des viandes saisies ? De croûte qui retiendrait le jus ? Par
exemple, le grand Auguste Escoffier écrit dans La cuisine (page 395, pour ceux qui voudront vérifier)
que le rissolage " a pour but de former autour de la pièce une sorte de cuirasse qui empêche les sucs
intérieurs de s'échapper trop tôt, ce qui transformerait le braisé en bouilli ". Et puis encore, ne fait-on
pas reposer le rôti après le rôtissage afin que les jus qui ont afflué à cœur puissent se redistribuer dans
l'ensemble de la viande ?
D'autre part, à propos du bouillon, on écrit que la viande doit être cuite dans l'eau froide, sans quoi,
l'albumine coagulant en surface, les jus ne pourraient passer dans le bouillon, qui aurait peu de goût.
Là encore, je préfère ne pas citer le cuisinier français contemporain (trois étoiles) qui a récemment
écrit : " Mettez toujours votre viande dans l'eau froide, car l'eau bouillante empêche les sucs contenus
dans la viande de se marier à l'eau. […] Au contact de l'eau bouillante, l'albumine coagule et
emprisonne les sucs. " Ces idées que propagent les praticiens figurent dans les manuels qui sont
utilisés par tous les jeunes cuisiniers en formation. Et c'est ainsi que l'on parle de cuisson par
concentration, cuisson par expansion ou par extraction (selon les auteurs), et de cuisson mixte. Oui,
mais…
Les insuffisances de l'intuition
…Mais pour un physico-chimiste, ces descriptions ne sont pas satisfaisantes. Dans le cas du rôti de
bœuf, le jus ne peut pas s'accumuler à cœur, car la viande est pleine d'eau, laquelle est incompressible.
Dans le second cas, celui du bouillon, même si une croûte se formait en surface, elle ne parviendrait
probablement pas à retenir les jus pendant les trois à six heures que dure la cuisson… et cette
prétendue croûte n'est pas imperméable, puisque même celle qui se forme autour d'un steak saisi ne
prévient pas la sortie des jus : la preuve, le steak nage bientôt dans une flaque de jus, quand il repose
329
après la cuisson. Et puis, toutes les explications qui sont ainsi données sont des intuitions qui n'ont pas
été mesurées. D'où la nécessité d'une recherche : c'est celle que s'impose la Gastronomie moléculaire.
Mettons donc les choses à plat, et regardons ce qui est dit dans les établissements d'enseignement
culinaire à propos de cuisson, c'est-à-dire - insistons - du cœur du métier de cuisinier. On enseigne
(pour encore peu de temps, j'espère) qu'il existe trois types de cuisson : la cuisson par concentration, la
cuisson par expansion (certains disent extraction), et les cuissons mixtes. Des expériences simples
montrent que cette théorie est fausse. Et c'est parce que je le répète dans les lieux les plus variés que le
milieu de la cuisine s'agite. Quoi, on enseignerait des choses fausses depuis des décennies ? On me
demande des comptes, je les donne, et la communauté des cuisiniers et des enseignants prépare un
changement merveilleux : se rapprocher des faits, des expériences, et laisser tomber les théories
périmées.
Pas de concentration de jus dans le rôti de bœuf
Evidemment, je dois à mes interlocuteurs des éclaircissements : on n'attaque pas une théorie séculaire
sans un minimum de justification. Et comme la meilleure justification est l'expérience reproductible
par tous, ce sont des expériences que je vous propose maintenant de faire. Si vous doutez de ce que
j'avance, n'hésitez pas : faites ces manipulations simples. Commençons par la cuisson dite par
concentration. La pièce de bœuf rôtie au four en est le prototype, et, dans les manuels d'enseignement
de la technique culinaire, on représente un cercle (le périmètre du rôti), avec quatre flèches dirigées
vers le centre du cercle. Dans certains cas, des phrases qui accompagnent le schéma disent que les
saveurs se concentrent dans la viande. Commençons par une précision : la saveur n'est pas le goût,
mais seulement la perception que donnent les papilles gustatives (on devrait dire " sapictives "), ces
zones rondes de la langue qui nous disent qu'un aliment est salé, par exemple.
Regardons-y maintenant de plus près. Tout d'abord, il n'y a pas de concentration des jus. La preuve ?
J'en ai plusieurs à vous donner. Premièrement, regardez la sauteuse où se trouve le rôti : un produit
brun y attache. C'est du jus qui est sorti de la viande en cours de cuisson, dont l'eau s'est évaporée, et
dont les molécules ont été chimiquement modifiées par la chaleur intense du four. Une autre preuve ?
Je vous ai dit que la viande était un corps plein d'eau (de jus, si vous préférez). Comme un ballon
d'enfant plein d'eau, ou une éponge pleine d'eau. Que se passe-t-il quand on presse une éponge ? L'eau
en sort. Et quand on cherche à comprimer un ballon ? Des protubérances se forment entre les doigts.
Car, je le répète, l'eau est incompressible (ce qui permet, tous les garagistes le savent, de faire
fonctionner les vérins hydrauliques). Donc le jus ne peut pas se concentrer. Une autre expérience
simple montre que les jus sortent de la viande en cours de cuisson : pesez la viande avant et après la
cuisson. La perte de masse résulte de la perte de jus. De plus, une expérience toute simple montre que
la viande perd du volume (son jus) en cours de cuisson : utilisez un récipient (par exemple un verre
doseur) où vous placez la viande, et mesurez la quantité d'eau à ajouter pour recouvrir la viande et
330
atteindre une graduation du récipient ; puis sortez la viande, cuisez-la et, une fois la cuisson effectuée,
remettez la viande dans l'eau : vous verrez qu'il faut alors ajouter de l'eau pour atteindre la graduation
choisie. C'est la preuve que la viande a moins de volume après qu'avant la cuisson. Et, enfin, pour les
très courageux bien outillés, il restera l'expérience compliquée qui consiste à doser la teneur en eau
d'un cœur de rôti de bœuf avant et après cuisson. L'expérience montre que, pour le cœur, rien ne
change.
Pas de concentration de goût ni de chaleur
Bon, me dit-on, d'accord, il n'y a pas concentration de jus, mais de saveur. Voire… La chaleur intense
du four provoque un brunissement de l'extérieur du rôti, lors de la cuisson dite faussement par
concentration. Pourtant ces molécules qui résultent de réactions chimiques variées n'entrent pas dans la
viande. La preuve ? Une fois la viande rôtie, éliminez la couche superficielle brunie, et goûtez la partie
interne : elle n'a pas ce goût de viande rôtie (pour la même raison, le sel n'entre pas dans un steak que
l'on grille). Ah, voilà qui est désolant. Qu'est-ce qui pourrait donc se concentrer ? Ceux qui
s'accrochent à la vieille théorie, qui ont abandonné (à regret) l'idée d'une concentration de jus ou de
saveur, trouveront bien quelque chose d'autre : les flèches, c'est la chaleur, disent-ils. Hélas, ils ne s'en
tireront pas ainsi. Une substance est concentrée quand il y en a beaucoup dans un petit espace. Et la
chaleur dans la viande ? Cette fois, il suffit d'un thermomètre qui mesure la température de la viande à
cœur : elle atteint péniblement 60 °C, alors que la température du four est supérieure à 150 °C. Donc,
pas de concentration de chaleur dans le rôti de bœuf.
Finalement, pas de concentration de goût, pas de concentration de jus, pas de concentration de chaleur.
Il n'y a concentration de rien, dans la cuisson par concentration. Il est temps d'abandonner ce terme qui
fausse les idées des cuisiniers, et les empêche de bien penser la cuisine qu'ils font, afin qu'ils la fassent
encore mieux. Et, surtout, il est très urgent de cesser d'enseigner des choses fausses aux jeunes : si
nous voulons faire demain un monde meilleur, c'est en aidant les jeunes à aimer leur métier, un métier
facile à comprendre, un métier raisonnable, un métier sain, parce que sainement enseigné, non ?
Pas d'expansion de la viande
Venons-en maintenant au deuxième type de cuisson : la cuisson dite par expansion, ou par extraction.
Je commence par observer qu'expansion et extraction n'ont pas le même sens : expansion signifie que
quelque chose occupe plus de volume, et extraction signifie que l'on extrait quelque chose. Le
prototype de ces cuissons est celui de la viande bouillie. Les manuels dessinent un morceau de viande
sous la forme d'un cercle, mais avec, cette fois, quatre flèches dirigées vers l'extérieur. Et, là encore,
les expériences montrent que les deux termes sont fautifs. Autrement dit, la théorie est fausse.
Reprenez par exemple l'expérience de mesure du volume donnée précédemment pour de la viande
bouillie, et vous constaterez que la viande bouillie occupe moins de volume après qu'avant cuisson.
331
Donc il n'y a pas d'expansion de la viande qui est bouillie. D'ailleurs, il est exact que le bouillon est
enrichi du jus sorti de la viande, mais ce jus a changé, lors de la cuisson : ce qui caractérise cette
cuisson, c'est le fait que le jus dilué a réagi chimiquement et a pris un goût intéressant. La preuve ?
Comparez l'eau obtenue par dissolution puis filtration à partir de viande hachée, et le bouillon obtenu
par cuisson de la même viande hachée : rien à voir ! Ce n'est donc pas l'extraction qui est importante,
mais la réaction chimique qui fait le bon goût du bouillon.
Et puis, enfin, chacun peut tester la théorie de l'albumine qui coagulerait en surface : il suffit de
prendre deux casseroles identiques, d'y mettre la même quantité d'eau dans chaque. On porte à
ébullition la première casserole, et on laisse froide la seconde. Puis on plonge la même quantité de la
même viande dans chacune des casseroles, et on pèse la viande toutes les minutes, pendant la première
heure, puis toutes les dix minutes ensuite, pendant la durée réglementaire de la cuisson du bouillon.
Selon la théorie de l'albumine qui coagule en surface, la viande qui est mise dans l'eau bouillante
devrait peser plus lourd que l'autre… mais l'expérience prouve que c'est l'inverse.
La théorie de l'albumine qui coagule à l'eau bouillante est fausse
Il est étonnant que cette théorie de l'albumine ait survécu si longtemps, car tous les cuisiniers qui ont
cuit des viandes ont vu cellesci se rétracter à la cuisson. Et c'est ce qui explique le résultat
expérimenytal : dès que la viande est mise dans l'eau bouillante, elle se contracte, et ses jus sont
expulsés (pensez à ce que je disais de l'éponge, précédemment) ; pour la viande dans l'eau froide, il
faut attendre que l'eau s'échauffe pour que la viande se contracte et expulse ses jus. Après environ 100
minutes, les deux courbes se rejoignent : les deux morceaux pèsent la même masse, et il n'y a plus de
différence. Au gramme près ! Et pendant les 20 heures qu'a duré l'expérience ! Donc cette théorie est
fausse.
La cuisine peut devenir encore plus belle
Résumons-nous : pas de concentration dans les cuissons dites par concentration, et pas d'expansion ni
d'extraction dans la cuisson par expansion ou par extraction. Quelle est alors la différence - elle existe
vraiment - entre le bœuf rôti et le bœuf bouilli ? Il suffit de regarder sans faire d'interprétation
exagérée pour trouver la solution : dans le premier cas, la viande brunit en surface ; dans le second cas,
elle ne brunit pas. Serait-il plus difficile de parler de " cuisson avec brunissement " et de " cuisson sans
brunissement ". Ce n'est pas prétentieux, et c'est juste ! Bien sûr, on serait tenté de dire " avec
caramélisation " et " sans caramélisation ", mais attention : contrairement à ce qui a été dit, le
brunissement des viandes ne résulte pas d'une caramélisation, réaction chimique qui concerne les
sucres. Ici, c'est une réaction chimique entre les acides aminés et les sucres, une réaction très
différente, comme le montre l'expérience toute simple qui consiste à chauffer un sirop où l'on a mis un
cube de viande : la viande brunit avant le sirop, ce qui prouve que les deux réactions sont différentes.
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Il ne faudrait pas dire non plus " cuisson avec oxydation " et " cuisson sans oxydation ", car, là encore,
on irait si loin qu'on franchirait la frontière de l'exactitude. Non, restons simplement à ce brunissement
que l'on observe ou que l'on n'observe pas. Chacun a des yeux pour regarder, et les jeunes y trouveront
mieux leur compte.
Technique et art
Cette fois, j'ai fait mon devoir : j'ai donné aux lecteurs de La Cuisine Collective l'essentiel des
informations qui sont actuellement débattues, dans les lycées hôteliers, dans les groupes de discussion
culinaire d'Internet. J'ajoute que je n'ai rien à gagner, personnellement, d'une critique des théories
culinaires fausses. Ni argent, ni réputation. Seulement le plaisir de permettre à des jeunes d'apprendre
un métier enthousiasmant. Oui, je le clame, il est urgent que l'enseignement culinaire se réforme. Il est
temps que l'on réforme un vocabulaire qui date, sinon du Moyen-Age, du moins de la Renaissance, et
il est temps que l'enseignement culinaire se fonde non pas sur la répétition des théories anciennes,
mais sur les acquis de la science moderne. Je ne réclame pas, évidemment, que l'on aille résoudre des
équations pour cuire un poulet, et je ne suis pas insensé au point de penser que la technique culinaire
soit l'essentiel de la cuisine : la physique et la chimie n'ont rien à dire du choix que font de très grands
cuisiniers d'associer de la mangue à du pamplemousse, et du veau avec du saumon et de l'estragon, par
exemple. Autrement dit, je sais que la cuisine, l'art culinaire, c'est surtout cette forme de sensibilité
sublime qui conduit à des choix esthétiques, et aussi cet amour du prochain qui doit emplir le cœur de
celui qui cuisine. Oui, je le sais, mais la sensibilité ne perd rien à comprendre, et à juger sainement. Un
soufflé qui allierait artistiquement du pamplemousse et de la mangue ne serait pas un soufflé s'il ne
gonflait pas ; il resterait une crêpe minable ! Il faut que la technique soit bien établie pour que l'art
s'exprime, il faut que les doigts sachent tenir le pinceau pour que le peintre dessine les arbres, il faut
que le musicien sache poser ses doigts sur les touches pour qu'il exprime du sentiment quand il
exécute une œuvre. Une dernière remarque : la science risque-t-elle de faire perdre la poésie de l'acte
culinaire ? Ce n'est pas parce que l'on sait pourquoi la lune brille que l'on est moins amoureux quand
on va se promener au clair de lune.
Et c'est ainsi que la cuisine est vraiment belle !
333
LA CATHÉDRALE NE S’ÉRIGE QUE SI LES PIERRES DE LA BASE TIENNENT BON
(La Cuisine Collective, janvier 2006)
La question du vannage des sauces, évoquée lors du dernier numéro de La Cuisine Collective, est
essentielle. Elle fait partie de ces questions apparemment futiles, mais qui font la grandeur de la
grande cuisine. C'est le soin, l'attention portée aux détails qui fait les grandes entreprises. Plus
exactement, je crois avoir perçu que tous les personnages de quelque envergure ont une
caractéristique: ils ont un plan d'ensemble, et un sens infini du détail.
La technique et l'amour
Chez mon ami Pierre Gagnaire, par exemple, tout compte. Tout ! Jusque, d'ailleurs, au vannage de la
sauce au vin montée au beurre. Cela ne méritait-il donc pas un séminaire entier ? Ce séminaire, qui
s'est tenu au mois de septembre, a été suivi par un séminaire consacré à ce que l'on nomme
imprécisément des dictons, tours de main, trucs, astuces… et que je propose de nommer plutôt des
" précisions culinaires ": en effet, ces précisions s'ajoutent aux " définitions " qui sont données par les
recettes. Par exemple, on prépare une sauce tomate en cuisant des tomates avec une garniture
aromatique: c'est la définition. Certains livres, certains cuisiniers… précisent qu'il faut ajouter une
carotte si la sauce est trop acide: c'est bien une précision, quelque chose qui n'est pas essentiel à la
réalisation de la recette, mais qui permet de mieux l'exécuter. Bref, le séminaire d'octobre avait pour
thème: la carotte enlève-t-elle l'acidité des sauces tomate trop acides? Une pomme de terre corrige t-
elle une sauce trop salée ? Avant de passer à l'examen de cette question, je veux signaler que, malgré
mes prises de position sur le nouveau référentiel de CAP cuisine, je suis sans doute plus préoccupé du
bon développement de la cuisine française que ceux qui aboient dans les journaux, radios et
télévisions. Et c'est pourquoi je salue ce nouveau référentiel. Mieux encore: je crois que le référentiel
devrait changer tous les ans… parce que la cuisine ne cesse d'évoluer. D'autre part, je tiens à signaler
que, dans un texte confié à l'Académie nationale de cuisine, il y a deux ans, j'ai demandé aux membres
de l'Académie de me dire ce que nous pouvions changer, dans la cuisine française, et ce que nous
devions conserver absolument: aucune réponse! C'est atterrant: à croire que les cuisiniers ne savent
que rouspéter ? A moins qu'ils ne se désintéressent de leur métier ? Ou qu'ils considèrent la cuisine
française comme aboutie ? Ou qu'ils ne me jugent pas digne de leurs réponses ? Peu importe, dans le
fond. Les chiens aboient et la caravane passe. Puisque, notamment, j'ai bien compris que la cuisine,
c'est cette technique merveilleuse qui vise à donner du bonheur, de l'amour, aux hôtes, je me suis lancé
sans attendre des réactions qui ne viendront peut-être pas dans l'étude de ce don d'amour. Et c'est ainsi
que je suis heureux d'annoncer aux lecteurs de La Cuisine collective que le Séminaire extraordinaire
2006 (un séminaire qui dure une journée entière, au lieu des deux heures habituelles) aura pour thème:
l'Amour! Oui, l'amour: comment le donner quand on cuisine? Comment cuisiner de sorte que les hôtes
sentent qu'on les aime? Comment organiser la dégustation des mets de façon que les hôtes se sentent
aimés? Difficiles questions, que nous ne serons pas de trop, à cent ou plus, à analyser. Ce séminaire
334
aura lieu le troisième jeudi d'avril (à noter que le séminaire de février se tiendra exceptionnellement le
2, et non le troisième jeudi de février). Je compte vivement sur des réactions des cuisiniers, afin que
nous puissions, par nos travaux, préparer le prochain référentiel, qui devrait intégrer une partie
explicite sur l'amour. L
La carotte dans les sauces et coulis de tomate
Revenons au présent: ces petits détails qui font tout, notamment dans les sauces tomate. La question a
été décidée, comme toujours, par les participants du séminaire, mais elle était " piégée ", car on sait
depuis longtemps que l'acidité perçue n'a rien à voir avec l'acidité mesurée. L'acidité est en effet
quelque chose que les chimistes ont l'habitude de mesurer par le pH,un nombre compris entre 0 et 14.
De l'acide chlorhydrique (ne le buvez pas !) dans de l'eau fait, quand il est concentré, une solution très
agressive, très acide. L'acide acétique du vinaigre est, lui, moins acide, ce qui signifie qu'il attaque
moins facilement des molécules. Rien à voir avec la sensation d'acidité en bouche. La preuve? Un
verre de vinaigre est imbuvable, tant il est acide (en bouche). Son pH est fréquemment de 3, environ.
Si l'on ajoute du sucre, le pH ne change pas, car le sucre n'interagit pas avec l'acide,qui continue
d'attaquer les autres molécules. Pourtant, en bouche, le vinaigre sucré est très admissible. C'est aussi ce
qui différencie les vins blancs, ou les fruits. Par exemple, le citron, l'orange, le pamplemousse, la
tomate… En effet, la framboise semble douce, mais son pH est en réalité très bas ; c'est son sucre qui
la rend gustativement admissible. A noter que le sel, également, modifie la perception de l'acidité. Au
total, la bouche est à la fois un mauvais et un excellent juge de l'acidité. Mauvais juge, parce qu'elle ne
nous dit rien de la véritable acidité d'un mets. Excellent, parce que c'est toujours elle, en cuisine, qui a
raison. C'est elle que le cuisinier doit satisfaire, par la mesure du pH. Dans le cas de la sauce tomate,
du coulis, il y a nécessairement cet effet, parce que la tomate est plus ou moins acide (en réalité), et
plus ou moins sucrée. Il est donc évident, a priori, que le sucre libéré par la carotte modifie l'acidité de
la sauce tomate. La réponse est donnée avant d'être posée… Mais la question débouche sur une foule
d'autres questions. Il y a d'abord cette phrase trop rapidement écrite : " le sucre libéré par la carotte
modifie… ". Du sucre libéré par la carotte ? Plus exactement les sucres, car une carotte qui cuit libère
du saccharose, ou sucre de table, mais aussi du glucose, du fructose. Et, évidemment, ce sucre agit
comme agirait du sucre ajouté à la sauce. La remarque débouche sur diverses propositions : aurait-on
des résultats différents si, dans un coulis de tomates trop acide,on ajoutait du glucose, ou bien du
fructose, ou bien du saccharose ? Notons aussi que la carotte donne un goût de carotte que les divers
sucres ne donnent pas. D'autre part, puisque l'acidité en bouche reste fondée sur de l'acidité réelle,
pourrait-on utiliser du bicarbonate de sodium, afin de neutraliser l'acidité apportée par la tomate ? Il
est clair que l'ajout d'un tel composé provoquera la formation d'une mousse (pour vous amuser, une
fois, ajoutez du vinaigre à du bicarbonate, et vous verrez la formation d'une mousse, en raison du
dégagement de dioxyde de carbone), mais il est également clair que l'ajout de bicarbonate fera
remonter le pH vers la valeur fatidique de 7, qui est celle de la neutralité de l'eau. Pis encore, si l'on
ajoute trop de bicarbonate, le pH pourra dépasser 7 et monter vers 14, dans la région " basique ",
335
opposée à l'acide. Là, le goût me déplaît : on dirait du savon… mais peu importent mes goûts; seuls
comptent ceux du cuisinier, qui, par conséquent, sera obligé de faire ses propres essais !
Le sel et la pomme de terre
La question des sauces trop salées diffère un peu de celle du sucre dans les sauces, mais, j'ignore
pourquoi, les participants du séminaire ont décidé que les deux questions seraient traitées ensemble.
D'ailleurs, je profite de cette remarque pour indiquer que les participants des séminaires ont voté pour
un changement de structure de ces derniers: au lieu de commencer par l'évocation de points divers,
avec ensuite un compte rendu des expériences réalisées à propos des thèmes évoqués précédemment,
et enfin la discussion du thème du mois, nous commençons maintenant par une expérience afin de bien
comprendre la question du mois, nous rapportons ensuite les résultats obtenus depuis le dernier
séminaire, et, enfin, quand il reste du temps,nous évoquons des points variés. La seconde question,
pour y revenir, se pose très précisément de la façon suivante : est-il exact que le sel d'une sauce trop
salée peut être retiré de cette sauce par trempage d'une pomme de terre? Cette précision culinaire est
souvent propagée, mais est-elle avérée? C'est un des objectifs de ces séminaires que de tester
rigoureusement les précisions culinaires. Evidemment,nombre de cuisiniers sont gênés que nous
n'acceptions pas leurs déclarations comme parole d'Evangile, et que, au contraire, nous soumettions
leurs savoirs à des tests rigoureux. Lors du séminaire, des cuisiniers professionnels ont ainsi fait état
d'expériences culinaires où ils avaient retiré du sel d'une sauce en y cuisant une pomme de terre, mais
nous avions besoin de précisions: quelle quantité exacte de pomme de terre enlève quelle quantité
exacte de sel de quelle sauce? Pour les premiers tests, que je vous invite à répéter, nous avons utilisé
une sauce qui n'était que de l'eau pure, avec une quantité de sel ajoutée délibérément, soit juste, soit en
excès, et nous y avons ajouté des pommes de terre en quantité précisément déterminée, qui ont été
cuites de façon bien définie, également. Dans ces expériences, tout se pèse à mieux que le gramme
près, tout temps se détermine à la seconde, tout se compare par un témoin. Il ne s'agit pas de faire la
cuisine, mais de savoir. Et le premier test n'a pas été probant, tout comme l'expérience du mois
précédent à propos de vannage des sauces. Pis encore, nous sommes sortis de ce séminaire pleins
d'idées d'expériences à faire, mais aussi plus riches de questions qu'en y entrant. Par exemple, aucun
cuisinier n'a pu nous jurer que l'ajout de sel dans l'eau de cuisson des pommes de terre conduisait
toujours à ce que les pommes de terre soient salées ! Au XXIe siècle! On envoie des sondes sur Mars,
mais, au fond, on n'est pas bien sûr que le sel serve à quelque chose dans l'eau de cuisson des pommes
de terre. Finalement, la réponse ? Je reviens sur le début du paragraphe précédent : nous sommes sortis
du séminaire, plus riches de questions. Oui, plus riches de questions, parce que ce sont les questions
qui nous feront avancer, qui nous conduiront à faire les expériences qui, finalement, si elles sont bien
faites, sans œillères, répondront aux questions posées. Je me méfie de tous ceux qui ont des certitudes:
en matière technique, en matière artistique, en matière scientifique… comme en matière pédagogique,
j'y reviens pour conclure: qui peut savoir, à lui tout seul, ce qui est bien pour la formation des jeunes
cuisiniers ? La discussion s'impose, et c'est cette discussion qui fera que la cuisine sera belle !
336
A.20. additifs alimentaires138
Les additifs alimentaires sont définis par un décret du 18 septembre 1989 :
« On entend par additif alimentaire toute substance habituellement non consommée comme
aliment en soi et habituellement non utilisée comme ingrédient caractéristique dans
l'alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l'adjonction intentionnelle aux denrées
alimentaires, dans un but technologique au stade de leur fabrication, transformation, préparation,
traitement, conditionnement, transport ou entreposage, a pour effet, ou peut raisonnablement être
estimée avoir pour effet, qu'elle devient elle-même ou que ses dérivés deviennent, directement ou
indirectement, un composant des denrées alimentaires. »
Les additifs alimentaires ont connu un développement important, notamment avec les nouvelles
gammes de produits allégés. Mais certains d'entre eux sont connus et utilisés depuis longtemps,
comme le sel, le vinaigre ou le salpêtre (nitrate de potassium). Les additifs sont des substances
naturelles ou synthétiques ajoutées aux aliments ou aux boissons pour faciliter leur fabrication
et leur conservation, mais aussi pour améliorer leur flaveur (goût, odeur), leur couleur ou leurs
qualités nutritives.
Origine
Les additifs sont soit dérivés de la houille ou du pétrole, soit extraits de tissus animaux (carmin de
cochenille), d'algues (alginates et carragheenates, etc.) ou de végétaux (chlorophylles, farines de
graines de caroube, de tamarin, etc.). La plupart des épaississants sont extraits des végétaux. D'autres
encore sont synthétisés par des micro-organismes, comme ceux qui transforment les sucres du chou en
acide lactique, lors de la préparation de la choucroute.
Nomenclature
Le nombre d'additifs actuellement autorisés est très variable d'un pays à l'autre. Il en existe près de
3 000 aux États-Unis, 827 en Europe et 354 en France. Un certain nombre d'entre eux sont considérés
comme allergènes. Une réglementation européenne sur l'étiquetage des produits destinés à
l'alimentation a été instaurée en 1972. Chaque additif est désigné par un code à une lettre indiquant sa
provenance (E pour la Communauté européenne) suivi de 3 chiffres indiquant sa nature (E 100 pour
les colorants, E 200 pour les conservateurs, E 300 pour les antioxydants, E 400 pour les
émulsifiants et les épaississants, etc.). Ainsi, E 260 correspond à l'acide acétique, ou vinaigre, agent
de conservation des oignons et des cornichons, E 220 correspond à l'anhydride sulfureux, qui s'oppose
138 Les informations regroupées ici sont issues du site du CNDP (http://www.cndp.fr/accueil.htm). On pourra aussi consulter le site perso extrêmement complet http://sm.coppier.free.fr/additifs/index.php3 ou, comme d’habitude, l’entrée correspondante dans Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_d%27additifs_alimentaires.
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sélectivement au développement des bactéries et des moisissures tout en laissant indemnes les levures
responsables de la fermentation du vin.
Diversité
Il existe une grande variété d'additifs alimentaires, classés, selon leur mode d'action, en 25 familles,
par les directives de la Communauté européenne. Parmi celles-ci, on distingue :
- les colorants qui peuvent être naturels (comme le carmin de cochenille extrait d'un insecte) ou
de synthèse. Ils modifient la couleur, mais aussi parfois la saveur, l'odeur et la texture de
l'aliment ;
- les conservateurs qui inhibent le développement des micro-organismes pathogènes et/ou
réduisent la quantité d'eau disponible pour leur développement ;
- les antioxydants ou antioxygènes qui empêchent la formation de radicaux libres d'oxygène et
ralentissent les réactions d'oxydation à l'origine du rancissement ou du brunissement des fruits et
légumes. Certaines de ces molécules existent à l'état naturel, comme la vitamine C (acide
ascorbique) contenue dans les fruits ou la vitamine E présente dans les huiles ;
- les émulsifiants, les gélifiants et les stabilisants : les deux premiers augmentent la viscosité de
la préparation ; les stabilisants comme les polyphosphates sont utilisés en charcuterie.
D'autres additifs, utilisés à des fins diététiques, renforcent les qualités organoleptiques des aliments :
- les arômes artificiels utilisés en raison du coût élevé des arômes naturels. Ce sont des
molécules produites par synthèse, soit identiques à celles des arômes naturels, soit nouvelles
comme l'éthyl-vanilline (arôme vanille) ;
- les édulcorants, substances à fort pouvoir sucrant. On en distingue deux grandes catégories :
- les édulcorants massiques ou polyols qui sont obtenus par hydrogénation à partir de sucres
simples (sorbitol, xylitol, lactitol, isomalt, etc.) ou à partir de différents produits de
l'hydrolyse de l'amidon (maltitol, lycasins). Ces substances sont largement utilisées dans
la fabrication de produits sucrés comme les bonbons, les chewing-gums, les crèmes
glacées et les chocolats ;
- les édulcorants intenses naturels ou de synthèse ;
- les exhausteurs de goût sont des substances qui ne modifient pas le goût des aliments, mais
accroissent l'intensité de la perception olfacto-gustative. Le plus utilisé est le monoglutamate de
sodium (MSG) ;
- les renforçateurs de goût sucré comme le sorbitol et le glycérol ;
- les acidulants comme les acides citrique et gluconique.
338
Effets sur la santé
Les additifs alimentaires ne sont généralement pas nocifs pour la santé dans les conditions d'utilisation
spécifiques autorisées. Cependant, un certain nombre de colorants et de conservateurs sont suspects ou
dangereux et il convient de les éviter. Certains additifs sont allergènes ou/et cancérigènes. Parmi les
conservateurs et les émulsifiants, certains agissent sur l'appareil digestif en provoquant des irritations
du tube digestif ou des ralentissements de la digestion ; d'autres ont une action sur la fixation de la
vitamine B1 ou sur le taux sanguin de cholestérol.
Réglementation
Une liste des additifs autorisés a été établie après de nombreux tests sur l'animal. Pour un certain
nombre d'additifs alimentaires, les recherches ont permis de définir une dose journalière admissible
(DJA) ; elle est exprimée en mg/kg de masse corporelle. Une DJA de 1 signifie qu'un individu de
60 kg peut absorber 60 mg par jour d'un additif sans risque pour sa santé. En France, 28 additifs
alimentaires sont interdits (PDF, 11 Ko) (9 colorants, 15 conservateurs et 4 émulsifiants). Dans la
Communauté européenne, 8 colorants ont été supprimés de la liste des additifs autorisés à partir du 1er
janvier 1977.
Sont listés ci-après les principaux additifs et leur usage potentiel dans l'industrie agro-alimentaire.
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342
343
344
A.21. complément de blibliographie
A.21.1. Quelques bookmarks de plus…
A La Cuisine! Molecular Gastronomy Resources
Additifs (CNDP)
Additifs alimentaires
Alginates
Alimentació i Ciència
Alliage, numéro 31, 1997
Association LC Maillard
Ateliers du gout (fiches H This)
Blog H This
Canalc2 (vidéo Hervé This)
chembytes e-zine 2003 - Cooking with chemistry
Chimie - Additifs alimentaires
Chimie des Aliments
Chocolate
Cours glucide
Cuisine Collective (articles H This)
Dairy Science and Technology Home Page
Discovery Channel
eG Forums - Course Catalog
eGullet Society for Culinary Arts & Letters
fiches d'information INRA
Flavour Technology Reseach Group
Food his passion, his science (article sur H This)
Food Science Department at Penn State
Food Science Experiments
food under the microscope
Futura Science (dossier H This)
Gagnaire & This
GROWTH AND STRUCTURE OF MEAT ANIMALS
Guardian Unlimited Search peter barham
Hervé This
IEHA
IHEGGAT
INA P-G
INICON
Institut de dégustation
ISAA
Journée Gastronomie moléculaire (Cergy-Pontoise, 2005)
La Gastronomie moléculaire par B Simon
La réaction de MAILLARD
laboandco
Lait
Le sucre
Les alchimistes aux fourneaux - ARTE
Licence pro génie culinaire
Maîtrise de Sciences et Techniques « Le Goût et son
Environnement »
Micro-Onde
Modifications biochimiques des constituants
alimentaires (payant...)
Molecular gastronomy - Wikipedia
Molecular gastronomy and kitchen chemistry (Martin
Lersh)
moleculargastronomy.org
Oeuf en cuisine (TPE)
Olfaction - A Review
PACOJET
Peter Barham
Petit traité culinaire et savant (france Culture, H
This)
Physique et Chimie (cuisine)
Productions Animales, INRA
Research Chefs Association
Réactions de Maillard
Science et cuisine
science et gastronomie (Odile)
Science of Cooking (Exploratorium)
ScienceDirect - Food Chemistry
SFC (compte-rendus sém GM)
Structure of ice cream
TEXTURAS Albert y Ferran Adrià
The Fat Duck
Trends in Food Science & Technology
University of Guelph - Food Science
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A.21.2. Liste139 des quelques 25 fac-simile d’ouvrages historiques à télécharger gratuitement (en format pdf) sur le site de la Bibliothèque Nationale (http://gallica.bnf.fr/) 1) Auteur(s) : Apicius (0025 av. J.-C.-0037?). Auteur du texte Titre conventionnel : [Art culinaire (latin). 1490] Titre(s) : Apicius in re quoquinaria [Document électronique] / praefatio Antonii Mottae Type de ressource électronique : Données textuelles Publication : 1995 Description matérielle : [86] p. Note(s) : Reproduction : Num. BNF de l'éd. de, Cambridge (Mass.) : Omnisys, [ca 1990] (Italian books before 1601 ; 171.7). 1 microfilmReprod. de l'éd. de, Mediolani : per Guilermum Rothomagensem, 1490 Autre(s) auteur(s) : Motta, Antonio (14..-15.. ; latiniste). Préfacier Autre(s) forme(s) du titre : - : In re quoquinaria Sujet(s) : Cuisine -- Rome 2) Auteur(s) : Parmentier, Antoine Augustin (1737-1813). Auteur du texte Titre(s) : Avis aux bonnes ménagères des villes et des campagnes, sur la meilleure manière de faire leur pain [Texte imprimé] / par M. Parmentier Publication : A Paris : de l'Impr. royale, 1777 Description matérielle : 108 p. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine (pain) -- Ouvrages avant 1800 3) Auteur(s) : Aymès, J. Titre(s) : Bazar provençal... tenu par J. Aymès... réunion des denrées du Midi et recettes de tous les plats les plus renommés de la cuisine provençale [Texte imprimé] Publication : Paris : impr. de Poussielgue, 1835 Description matérielle : 59 p. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine provençale 4) Auteur(s) : Vicaire, Georges (1853-1921) Titre(s) : Bibliographie gastronomique [Texte imprimé] : la cuisine, la table, l'office, les aliments, les vins, les cuisiniers et les cuisinières, les gourmands et les gastronomes, l'économie domestique... depuis le XVe siècle jusqu'à nos jours... / par Georges Vicaire ; préf. de Paul Ginisty Publication : Paris : P. Rouquette et fils, 1890 Description matérielle : XVIII-972 col. : fac-sim. ; 26 cm Note(s) : (J. Vicaire, n 25.) Autre(s) auteur(s) : Ginisty, Paul (1855-1932). Préfacier Sujet(s) : Livres de cuisine -- Bibliographie Gastronomie -- Bibliographie 5) Auteur(s) : Auricoste de Lazarque, Ernest (1829-1894) Titre(s) : Cuisine messine [Texte imprimé] / par E. Auricoste de Lazarque Publication : Metz : A. Béha, 1890 Description matérielle : XIII-255 p. ; in-18 Sujet(s) : Cuisine lorraine 6) Titre(s) : Dictionnaire général de la cuisine française ancienne et moderne ainsi que de l'office et de la pharmacie domestique [Texte imprimé] : ouvrage où l'on trouvera toutes les prescriptions nécessaires à la confection des aliments nutritifs ou d'agrément, à l'usage des plus grandes et des plus petites fortunes... Edition : 2e éd. Publication : Paris : Plon frères, 1853 Description matérielle : 635 p. ; in-8 Note(s) : 2e éd. de la Néo-physiologie du goût, qui est au faux-titre. Anonyme Autre(s) auteur(s) : Courchamps, Maurice de (1783-1841). Dédicataire Autre(s) forme(s) du titre : - Autre forme du titre (figurant sur le document) : Néo-physiologie du goût, par ordre alphabétique Sujet(s) : Cuisine française -- Dictionnaires
139 Trois éléments de cette liste sont encadrés (un dictionnaire, le « Gouffé » et le « Brillat-Savarin »): ceux sont à mon avis ceux à télécharger en priorité !
346
7) Auteur(s) : Beauvilliers, Antoine. Auteur du texte Titre(s) : L'art du cuisinier [Texte imprimé] / par A. Beauvilliers,... Publication : Paris : Pilet, 1814 Description matérielle : 2 vol. : pl. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine française -- 19e siècle 8) Auteur(s) : Butler, Marcel Titre(s) : La bonne cuisine pour tous, ou L'art de bien vivre à bon marché [Texte imprimé] / par Marcel Butler Publication : Paris : l'Omnibus illustré, 1885 Description matérielle : 288 p. ; in-16 Note(s) : 2e mille Titre alternatif : L'art de bien vivre à bon marché Sujet(s) : Cuisine 9) Auteur(s) : Cointeraux, François (1740-1830) Titre(s) : La cuisine renversée, ou Le nouveau ménage [Texte imprimé], par la famille du professeur d'architecture rurale, par la famille Cointeraux Publication : Lyon : impr. de Ballanche et Banet, an IV Description matérielle : 72 p. ; in-12 Titre alternatif : Le nouveau ménage Sujet(s) : Cuisine -- Ouvrages avant 1800 10) Auteur(s) : Delahaye, F. Titre(s) : La cuisine des petits ménages [Texte imprimé] / par F. Delahaye Publication : Paris : Hachette, 1882 Description matérielle : 180 p. : 11 fig. ; in-16 Sujet(s) : Cuisine 11) Titre(s) : La cuisine française [Texte imprimé] : l'art du bien manger / recueilli et annoté par Edmond Richardin ; préface d'André Theuriet,... ; estampes... expliquées par Gustave Geffroy.... suivi... des Aphorismes / de Brillat-Savarin. et contenant Les croquis gastronomiques / de Fulbert-Dumonteil,... Edition : Ed. rev. et augm. Publication : Paris : Nilsson, 1906 Description matérielle : XVI-960 p. : ill. ; in-16 Autre(s) auteur(s) : Richardin, Edmond (1850-19..). Éditeur scientifique Theuriet, André (1833-1907). Préfacier Geffroy, Gustave (1855-1926). Collaborateur Autre(s) forme(s) du titre : - : L'art du bien manger - Titre de couverture : 1600 recettes simples et faciles Sujet(s) : Cuisine -- France -- 19e siècle Écrivains -- Et la cuisine -- France -- 19e siècle 12) Titre(s) : La cuisine moderne illustrée [Texte imprimé] : comprenant la cuisine en général, la patisserie, la confiserie et les conserves, alimentation de régimes classées méthodiquement : le plus pratique des livres de cuisine renfermant, outre la classification des vins, les soins nécessaires à l'entretien d'une bonne cave : indispensable à la maîtresse de maison et à la cuisinière bourgeoise / par une réunion de professionnels Edition : Nouv. éd. ill. Publication : Paris : A. Quillet, [1927] Imprimeur / Fabricant : Compiègne (Oise) : impr. de Compiègne Description matérielle : 602 p. : fig., pl. en coul. ; 24 cm Sujet(s) : Cuisine -- 1900-1945 Auteur(s) : Bonnechère, Catherine de (18..-19..) 13) Titre(s) : La cuisine du siècle [Texte imprimé] : dictionnaire pratique des recettes culinaires et des recettes de ménage : deux cents menus à l'usage de tous / Catherine de Bonnechère Publication : Paris : P. Brodard, 1900 Description matérielle : 318 p. : ill. ; 19 cm Collection : Utile à tous Sujet(s) : Cuisine française -- 1900-1945 14) Titre(s) : La cuisinière des cuisinières [Texte imprimé] : de la ville et de la campagne : manuel complet de cuisine à l'usage de tous ceux qui se mêlent de la dépense des maisons
347
Edition : Nouv. éd. rev. par Mozard,... Publication : Limoges : E. Ardant et C. Thibaut, [1867] Description matérielle : 192 p.-[1] f. de front. ; in-12 Autre(s) auteur(s) : Mozard. Éditeur scientifique Sujet(s) : Cuisine -- 19e siècle 15) Auteur(s) : Petit, Alphonse Titre(s) : La gastronomie en Russie [Texte imprimé] / par A. Petit,... Publication : Paris : l'auteur : E. Mellier, 1860 Description matérielle : 208 p. ; in-12 Sujet(s) : Cuisine russe 16) Auteur(s) : Gilliers, Joseph. Auteur du texte Titre(s) : Le Cannameliste français, ou Nouvelle instruction pour ceux qui désirent d'apprendre l'office [Texte imprimé], rédigé en forme de dictionnaire, contenant les noms, les descriptions, les usages, les choix et les principes de tout ce qui se pratique dans l'office... par le sieur Gilliers,... Publication : Nancy : J.-B.-H. Leclerc, 1768 Description matérielle : [VIII]-238 p.-[13] p. de pl. gr. ; in-4 Titre alternatif : Nouvelle instruction pour ceux qui désirent d'apprendre l'office Sujet(s) : Cuisine -- Dictionnaires Cuisine -- Ouvrages avant 1800 17) Auteur(s) : Massialot, François (1660?-1733). Auteur du texte Titre(s) : Le cuisinier roïal et bourgeois [Texte imprimé] : qui apprend a ordonner toute sorte de repas en gras & en maigre,... : ouvrage tres-utile dans les familles,... à tous maîstres d'hôtels, & ecuïers de cuisine / [par F. Massiallot] Edition : Nouv. éd. rev., corr. & beaucoup augm., avec des fig. Publication : A Paris : Chez Claude Prudhomme, 1705 Description matérielle : [13]-502-[48] p. : pièces limin., fig. ; in-8 Sujet(s) : Cuisine -- Ouvrages avant 1800 Menus -- Ouvrages avant 1800 18) Auteur(s) : Viard, André (17..-18.. ; cuisinier) Titre(s) : Le cuisinier impérial, ou L'art de faire la cuisine et la pâtisserie pour toutes les fortunes, avec différentes recettes d'office et de fruits confits et la manière de servir une table depuis vingt jusqu'à soixante couverts [Texte imprimé] / par A. Viard,... Publication : Paris : Barba, 1806 Description matérielle : XII-459 p. ; in-8 Titre alternatif : L'art de faire la cuisine et la pâtisserie pour toutes les fortunes, avec différentes recettes d'office et de fruits confits et la manière de servir une table depuis vingt jusqu'à soixante couverts Sujet(s) : Cuisine française Gastronomie – France 20) Titre(s) : [Le cuisinier Taillevent] [Texte imprimé] Publication : [Lyon] : [Martin Havard], [ca 1495-1496] Description matérielle : [49] p. ; in-4 Note(s) : Car. goth. Sujet(s) : Gastronomie -- Ouvrages avant 1800 Cuisine française -- Ouvrages avant 1800 21) Auteur(s) : Gouffé, Jules (1807-18..). Auteur du texte Titre(s) : Le livre de cuisine [Texte imprimé] : comprenant la cuisine de ménage et la grande cuisine / par Jules Gouffé ; pl... dessinées... par E. Ronjat Publication : Paris : L. Hachette, 1867 Description matérielle : XI-826 p. : pl. en coul. et fig. ; in-8 Note(s) : Exemplaire numérisé en n&b Autre(s) auteur(s) : Ronjat, E.. Dessinateur Sujet(s) : Cuisine française -- 19e siècle 22) Auteur(s) : Bonnefons, Nicolas de. Auteur du texte Titre(s) : Les délices de la campagne [Texte imprimé] : suitte du "Jardinier françois", où est enseigné à préparer pour l'usage de la vie, tout ce qui croît sur terre et dans les eaux / [par Nicolas de Bonnefons] Edition : 2e éd. Publication : A Amsterdam : chez Raphaël Smith, 1655
348
Description matérielle : 384 p. ; in-12 Sujet(s) : Aliments -- Analyse sensorielle -- 17e siècle -- Ouvrages avant 1800 Cuisine -- 17e siècle -- Ouvrages avant 1800 23) Titre(s) : Manuel pratique de cuisine provençale [Texte imprimé] : recueil des meilleures recettes culinaires des principaux chefs de cuisine de Provence / [préf. signée : F. Foucou] Publication : Marseille : Samat, [19..] Description matérielle : 198 p. : couv. ill. ; 21 cm Autre(s) auteur(s) : Foucou, F . Préfacier Sujet(s) : Cuisine provençale -- 1900-1945 24) Auteur(s) : Lérue, Jules-Adrien de (1811-18..?) Titre(s) : La gastronomie [Texte imprimé] / J.-A. de Lérue Publication : Rouen : impr. de E. Cagniard, 1886 Description matérielle : 1 vol. (8 p.) ; in-8 Sujet(s) : Gastronomie 25) Auteur(s) : Brillat-Savarin, Jean Anthelme (1755-1826). Auteur du texte Titre(s) : Physiologie du goût [Texte imprimé] / par Brillat Savarin ; illustrée par Bertall ; précédée d'une notice biographique par Alp. Karr ; dessins à part du texte , gravés sur acier par Ch. Geoffroy, gravures sur bois , intercalées dans le texte par Midderigh Publication : Paris : G. de Gonet, 1848 Description matérielle : XXIII-416 p.-[1] f. de front. : portr., fig. et pl. ; in-8 Autre(s) auteur(s) : Bertall (1820-1882). Illustrateur Karr, Alphonse (1808-1890). Préfacier Geoffroy, Ch. (graveur). Graveur Midderigh. Graveur Sujet(s) : Gastronomie -- 19e siècle Savoir-vivre -- Table -- 19e siècle
349
Extrait des premières pages de « La physiologie du goût » (version 1848)
350
A.21.3. Liens autour d’Hervé This
Comme je le disais dans mon avant-propos, Hervé est omniprésent dans ce cours, soit directement par
la retranscription de ses réflexions et propos (annexes A.1, A.2, A.3, A.5 ; A.9, A.13 et A.14), soit
indirectement par le fait que sa fréquentation est responsable d’une bonne part de mon intérêt pour la
Gastronomie moléculaire ! Je me permet donc de glisser ci-dessous ses coordonnées (professionnelles,
bien entendu)140 ainsi que quelques liens qu’il propose141.
Hervé THIS ----------------------------------------- Groupe INRA de Gastronomie Moléculaire, Laboratoire de chimie des interactions moléculaires (prof. Jean-Marie Lehn) Collège de France. Groupe INRA de Gastronomie moléculaire, Ingénierie Analytique pour la Qualité des Aliments, IAQA, UMR 214 Laboratoire de Chimie Analytique Institut National Agronomique Paris Grignon (INA P-G) Conseiller Scientifique de la revue Pour la Science Adresse postale : Collège de France 11, place Marcelin Berthelot 75005 Paris tel : + 33 (0)6 86 49 89 01 ou + 33 (0)1 44 27 13 10 fax : +33(0)1 44 27 13 56 Email : hthis@paris.inra.fr ou herve.this@college-de-france.fr ou herve.this@inapg.fr Site : www.college-de-france.fr/chaires/chaire10/page_herve/recherche_herve.htm Blog : http://www.fblog.fr/HerveThis -------------------------------------------- Chaque mois, une idée de science et une recette qui l'utilise, par Pierre Gagnaire, à l'adresse : http://www.pierre-gagnaire.com/francais/cdmodernite.htm et aussi : Pétition pour la réintroduction de la cuisine à l'Ecole : http://www.la-cuisine collective.fr/petition/lettrepetition.asp Connaissez-vous l'Institut des hautes études du goût, de la gastronomie et des arts de la table (IHEGGAT)? Pour en savoir plus : http://www.iheggat.com/ Et le programme européen Inicon? http://www.inicon.net/contenido/cms/front_content.php Pour en savoir plus sur la gastronomie moléculaire, voir aussi : http://www.canalc2.fr/video.asp?idVideo=1994&voir=oui http://www.radiofrance.fr/reportage/dossier/index.php?rid=&aid=55000077&form Des articles : http://www.la-cuisine-collective.fr/dossier/this/articles.asp Les Ateliers expérimentaux du goût, dans l'Education nationale : http://crdp.ac-paris.fr/index.htm?url=d_arts-culture/gout-intro.htm Une conférence à l'Université de tous les savoirs : http://www.canalu.fr/canalu/affiche_programme.php?vHtml=0&programme_id=63 Les comptes rendus des Séminaires de Gastronomie moléculaire : http://www.sfc.fr/
140 S’il vous en vient l’envie, n’hésitez pas à le contacter (par mail, c’est sans doute le plus souple). Il répond toujours (mais pas forcément tout de suite ; une centaine de mails quotidien, ce n’est pas toujours facile à gérer). 141 On y trouve notamment deux liens vers des vidéo de conférences ; ce peut être un bon point de départ pour qui n’a jamais entendu parler ni Hervé ni de Gastronomie moléculaire.
351
A.22. Biographies
A.22.1. Cuisiniers et gastronomes
Jean Anthelme Brillat-Savarin
Gastronome français, né le 1er avril 1755 à Belley142 et décédé le 1er février 1826 à Paris. Brillat-
Savarin est probablement le plus illustre gastronome et épicurien (au sens proprement philosophique
du terme) français.
Formation
Il naît, à une époque où le Rhône sépare alors la France de la Savoie, dans une famille bourgeoise, qui,
de père en fils, servait la France dans la magistrature. Il étudie le droit, la chimie et la médecine à
Dijon et s'installe ensuite dans sa ville natale pour pratiquer le droit.
Rôle politique en France
Maire de Belley, il est envoyé comme député aux États généraux, participe à la Constituante puis à
l'Assemblée nationale en 1789, au début de la Révolution française, il se fait connaitre en grande partie
grâce à un discours public sur la défense de la peine de mort. À la dissolution de l'Assemblée
Nationale, il revient à Belley pour reprendre sa fonction de maire. Mais Girondin, il doit fuir devant
les Montagnards dominant.
Exil
Il passe en Suisse, demeure à l’hôtel du Lion d’Argent de Lausanne – dans sa Physiologie, où il y a de
tout, de la philosophie, des recettes et des souvenirs, on trouve le tableau d’un plaisant repas en ce lieu.
De là, il part pour les Pays-Bas, puis les États-Unis nouvellement créés, pendant trois ans ; il y gagne
sa vie en donnant des leçons de français, et en jouant du violon ; il est à une époque premier violon au
Park Theater de New York. Il séjourne également à Philadelphie et à Hartford.
Magistrature en France
En 1797, il est de retour en France aux Armées du Rhin, secrétaire d’Augereau. Et, brusquement, il est
nommé conseiller à la Cour de cassation. C’est au sein de cette assemblée docte et paisible qu’ignorant
désormais les tempêtes politiques, indifférent aux rumeurs de Paris et aux bruits de la bataille qui
secouent toute l’Europe, rêvant, méditant, écrivant, Brillat-Savarin va devenir le législateur et le poète
de la gourmandise. Il adopte son second nom de famille après la mort d'une tante nommée Savarin qui
lui lègue toute sa fortune à la condition qu'il adopte son nom. Il reste célibataire, sans être étranger à
142 Belley doit une renommée à son fils illustre, et les touristes s’y rendent volontiers, durant l’été, depuis Aix et Chambéry. Brillat-Savarin y possède sa statue, sa rue ; on montre la gentilhommière de sa famille.
352
l'amour, qu'il considère comme le sixième sens : « le génésique, ou amour physique, [est le sens] qui
entraîne les sexes l'un vers l'autre, et dont le but est la reproduction de l'espèce. »
Peu après la publication de la Physiologie du goût, le célèbre gastronome, ayant pris froid dans les
caveaux de Saint-Denis, à la cérémonie expiatoire en l’honneur de Louis XVI à laquelle il assistait en
qualité de conseiller à la Cour de cassation, fut emporté dans une pneumonie. Il repose au cimetière du
Père-Lachaise à Paris.
Œuvre
Il publie plusieurs travaux de droit et d'économie politique. Mais sa publication la plus célèbre est la
Physiologie du goût, éditée sans nom d'auteur en décembre 1825, deux mois avant sa mort. Le titre
complet est Physiologie du Goût, ou Méditations de Gastronomie Transcendante; ouvrage théorique,
historique et à l'ordre du jour, dédié aux Gastronomes parisiens, par un Professeur, membre de
plusieurs sociétés littéraires et savantes.
Le succès dépassa toute attente. À peine le livre avait-il paru qu’on le plaçait à côté des Maximes de
La Rochefoucauld et des Caractères de La Bruyère: « Livre divin, écrivait Hoffmann, qui a porté à
l’art de manger le flambeau du génie. » Et Balzac lui-même de ratifier ce jugement. Quand au public,
il ne s’y est pas trompé; il a gardé toute sa faveur à cet écrivain dont l’expression a tant de saveur et de
spontanéité. Les aphorismes, comme les maximes, comme les proverbes, s’appliquent à des réalités
qui sont aussi vieilles que l’humanité ; ils n’inventent rien, mais condensent en une formule définitive
une sagesse millénaire, c’est pourquoi Brillat-Savarin a pris sa place parmi les grands classiques.
Ses écrits, bien que souvent verbeux et excessifs, mêlant avec impertinence humour, insolence et
dérision, sont restés extrêmement importants et n'ont cessés d'être ré-analysés à travers les ans depuis
sa mort. Dans une série de méditations qui doivent quelque chose aux essais de Montaigne, Brillat-
Savarin discourt des plaisirs de la table, qu'il traite comme une science. Ses modèles français sont les
stylistes de l'ancien régime : Voltaire, Rousseau, Fénelon, Buffon, Cochin et d'Aguesseau sont des
auteurs préférés. En plus du latin, il connaît cinq langues vivantes, qu'il est enclin à employer quand
l'occasion le permet. En tant que moderniste, il n'hésite jamais à emprunter un mot, comme le sip
anglais (« boire à petite gorgée »), lorsque le français ne lui suffit pas.
Le critique littéraire Roland Barthes lui rend encore hommage : « le livre de Brillat-Savarin est de bout
en bout le livre du « proprement humain », car c'est le désir (en ce qu'il se parle) qui distingue
l'homme. »
La véritable philosophie d'Épicure se retrouve derrière toutes les pages ; le plus simple des mets
satisfait Brillat-Savarin, tant qu'il est confectionné avec art : « Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent
ne savent ni boire ni manger. »
Le fromage Brillat-savarin fut nommé en son honneur.
353
Citations
• Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es.
• Attendre trop longtemps un convive retardataire est un manque d'égards pour tous ceux qui
sont présents.
• Celui qui reçoit ses amis et ne donne aucun soin personnel au repas qui leur préparé, n'est pas
digne d'avoir des amis.
• Heureux chocolat, qui après avoir couru le monde, à travers le sourire des femmes, trouve la
mort dans un baiser savoureux et fondant de leur bouche.
• De toutes les qualités du cuisinier, la plus indispensable est l'exactitude.
• La découverte d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte
d'une étoile.
• La maîtresse de maison doit toujours s'assurer que le café est excellent ; et le maître, que les
liqueurs sont de premier choix.
• La table est le seul endroit où l'on ne s'ennuie jamais pendant la première heure.
• Les animaux se repaissent ; l'homme mange ; l'homme d'esprit seul sait manger.
• Prétendre qu'il ne faut pas changer de vins est une hérésie ; la langue se sature ; et après le
troisième verre, le meilleur vin n'éveille plus qu'une sensation obtuse.
• Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil.
• Mettez un homme fatigué devant un repas copieux, il va manger avec effort et se sentira peut-
être mieux. Donnez-lui un verre de vin ou d'alcool, il va immédiatement revenir à son meilleur
état : vous le voyez revivre sous vos yeux.
354
A.22.2. Scientifiques
LC Maillard
Biochimiste français
Sa vie :
1878 - Naissance à Pont à Mousson (Meurthe-et-Moselle)
1896 - Licencié ès sciences physiques
1899 - Licencié ès sciences naturelles
1899 - Prix Ritter, pour la démonstration des ions libres sur les êtres vivants
1915 - Doctorat ès Sciences
1916 - Légion d'honneur, pour avoir participé à la guerre 14/18
1936 - Mort à Alger, d'une intoxication dûe à une expérience
Ses travaux
- L'indoxyle urinaire et les colorants qui en dérivent (1903)
- Le métabolisme des substances azotées (1913)
- Le soufre colloïdal et le métabolisme du soufre
- La synthèse des peptides
- La genèse des matières protéiques et des matières humiques (dont la réaction de Maillard)
- Le dosage du titane dans les milieux biologiques
On peut relater 150 publications de LC Maillard
355
A.23. Glossaire anglais/français - français/anglais143
143 Extraits en partie de http://www.provencebeyond.com/food/index.html. Pour de simples lexiques français, consulter http://www.saveursdumonde.net/lexique/lexique.htm.
albacore liche - a fish
alevin nonat : alevin, fry, young fish
alevin poutine : alevin, fry, young fish
almond amande
anchovy anchois - a fish
anchovy purée anchoyade : Provençal purée made with garlic and olive oil
angelic angélique
angler-fish baudroie : (monkfish, frog-fish, sea-devil) also called lotte de mer
angler-fish lotte de mer : (monkfish, frog-fish, sea-devil) baudroie
anise, aniseed anis étoilé : (anis étoilé; badiane) the anise plant; its dried star-shaped fruit.
anise, aniseed badiane : (anis étoilé; badiane)
apple pomme :
- pomme de risoul et pointue de Trescléoux = a regional apple
apricot abricot
aroma, flavor arôme : (arôme = aroma; goût = taste; parfum = flavor of ice cream;
artichoke artichaut
asparagus asperge :
- botte d'asperges = bundle of asparagus
- pointe d'asperges = asparagus tips
aspic jelly aspic
avocado avocat : (avocado pear)
bake in the oven cuire au four
baker boulanger
baker's yeast levure de boulanger
bakery boulangerie
baking powder levure chimique : One "sachet" (11g packet) is about 2 teaspoons.
baking soda bicarbonate de sodium : Available from pharmacies.
banana banane
barley orge
basil basilic
basket panier : usually a wicker basket.
bayleaf laurier : (also laurel leaf)
bean haricot
beef boeuf
beef stew daube
beer bière
beet, beetroot betterave
beet, white blette : [Tourte de Haute-Provence]
bell pepper poivron : bell pepper (green, red, or yellow) [poivron farci]
bell pepper, green poivron vert : bell pepper (green, red, or yellow)
bell pepper, red poivron rouge : bell pepper (green, red, or yellow)
beverage, drink boisson
bitter acerbe : (bitter; tart) to the taste
bitterness amertume
blackberry mûre : blackberry, brambleberry, mulberry
- mûrier noir = fresh blackberry
blackberry bush ronce : wild, with thorns. The briar patch.
blackcurrant cassis : The red groseille is a red currant. The black groseille is called "cassis".
blackcurrant liqueur cassis, creme de
blanch blanchir : boil the water, dip the food quickly, for a few minutes only
357
blanchaille blanchaille : very tiny fish from the Mediterranean; used in Pissala.
boiled bouilli
boiled corn polenta jaune
boiling ébullition
bone marrow moelle
bottle bouteille
bowl bocal : deep bowl with narrow top
braised braisé
bran bread pain de son : similar to whole wheat bread (pan complet)
bread pain : [Pain à l'Ancienne]
bread crumbs chapelure
bread stick baguette : a long narrow cylindrical loaf of white bread weighing 250 g. "Baguette" is the name for anything long and skinny, including drum sticks, strips of wood, etc.
broccoli brocoli
to brown à revenir : (to soften - cake)
to brown, singe à roussir
brussels sprout chou de Bruxelles
buckwheat sarrasin
buckwheat blé noir
buckwheat bread pain de sarrasin
burned, singed brûlé
butcher shop boucherie
butter beurre :
cabbage chou :
- chou-blanc: white cabbage; chou-rouge: red cabbage; chou pointu de Châteaurenard: a regional cabbage
cake gâteau
cantaloup melon : (cantaloup de Cavaillon) [Cavaillon]
capers câpres
capon chapon : a young castrated and fattened rooster
caraway carvi
cardoon cardon : an edible thistle, related to the artichoke, with edible root and leafstalks; leafstalks used as a garnish for some meat dishes
carrot carotte
cashew cajou : (noix d'acajou)
cauliflower chou-fleur
celery céleri
celery fougère musquée : celery
celery salt sel de céleri
cheese, blue moulded bleu de Queyras : a regional blue-moulded cheese
cheese, goat fromage de chèvre
cheese, grated fromage rapé
cherry cerise
chervil cerfeuil
chestnut marron : from the Châtaignier; the nuts from the marronnier are inedible
chick pea pois chiche
chicken poulet
chickpea pancake panisse : Provencal thick pancake made with chickpea flour.
chicory endive : also known as white leaf.
chicory lettuce chicorée frisée :
- (chicorée frisée; endive frisée)
chicory lettuce endive frisée :
- (chicorée frisée chicorée frisée)
chili pepper poivron pimenté
358
chilled rafraîchi : or cooled
chives ciboulette
to chop à détailler
chunks en dés
cilantro : coriandrum sativum - coriander, Chinese parsley; herb with aromatic leaves and seeds resembling parsley.
cinnabar cinabre : a bright-red pigment for coloring
citronella citronnelle : applies to various plants with a lemon scent: verbena, lemon balm, melissa, etc.
citrus fruit agrumes
clove girofle
clove, pod gousse : clove (of garlic); pod (of bean or pea)
cocktail snack amuse-gueule : (amuse-gueule; amuse-bouche)
coconut noix de coco
coconut milk lait de noix de coco
cod, salt morue - a fish :
- fresh codfish = cabillaud
codfish, fresh cabillaud :
- salt cod = morue
colander passoire : une passoire conique (conical colander) is used to "filtrer au chinois"
cold cuts charcuterie
conger eel congre
conger eel fiélas (congre)
cooked rare bleu : (blue), but not a rare as saignant.
cooked very rare saignant
cooked well done bien cuit
to cool à réfroidir : or chill.
coriander coriandre
cork bouchon : a bottle stopper, made from the bark of the cork oak (chêne liege)
cork liege : the material; the bark of the cork oak (chêne liege)
corked bouchonné : wine that's gone off, with the taste of its cork
corn maïs : (American corn = English maize; English corn = American grain)
corn-bread pain de mais
cotton candy barbe-à-papa : (grandpa's beard) English, also: candy floss
country bread pain de campagne : usually a large, round loaf, dusted with flour.
cranberry airelle rouge : Airelle is a general name applied to the "Vaccinium" berry shrubs. Airelle is used for the British bilberry (whortleberry) or the American blueberry (huckleberry) as well as the cranberry ("airelle rouge").
crayfish, crawfish écrevisse
cream crème
cream, full-fat crème fraîche : used for making butter, sauces, etc.
to crumble à émietter
to crush à écraser : écrasé: crushed or flattened
crushed broyé : (crushed, ground, pounded)
cuckoo wrasse labre - a fish
cucumber concombre
cumin cumin
currant, red groseille : The red groseille is a red currant. The black groseille is called "cassis".
to cut up à tronçonner : (into sections or lengths)
cuttle-fish seiche :
dandelion pissenlit : used in some old-time Provencal cooking [Tourte de Haute Provence]
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to dice à dés :
- couper en gros dés = to dice; cut into chunks
dill aneth : similar to fenouil
doe biche : (female deer)
dogfish emissole : Mediterranean, smooth dogfish, shark fish.
doughnut beignet : (beignet, doughnut, fritter)
drain égoutter : drain off (water); strain (cheese)
drumstick pilon : drumstick, leg of poultry
eel anguille
egg oeuf
egg white blanc d'oeuf
egg yolk jaune d'oeuf
egg, boiled oeuf à la coque : steak or hamburger topped with a fried egg
egg, fried oeuf dur le plat
egg, hard-boiled oeuf dur
egg, poached oeuf à la moelle : with a white-wine and bone barrow sauce
egg, poached oeuf poché
eggplant aubergine : [aubergine farcie]
eggs, scrambled oeufs brouillés
endive scarole
ewe brebis : female sheep
fennel fenouil
fig figue :
- figue de Tarascon
filet mignon filet mignon : the small choice end of tenderloin of beef (or of veal or pork)
filled fourré : filled, stuffed, creamed
finger bowl rince-doigts : [Camargue]
fish poisson
flavor saveur : (arôme = aroma; goût = taste; parfum = flavor of ice cream;
flour farine :
- farine de sarrasin = buckwheat flour
food alimentation : (food, groceries, nourishment, nutrition)
food nourriture
four spices quatre-épices : a blend of ground cinnamon, cloves, nutmeg, pepper.
french toast pain perdu
to froth à écumer : (to foam)
fry alevin : bait (tiny fish)
game gibier : pheasant, boar, etc.
garlic ail :
- gousse d'ail = clove of garlic
garlic powder ail semoule :
- gousse d'ail = clove of garlic
garlic salt ail semoule :
- gousse d'ail = clove of garlic
geranium géranium odorant
giblets abattis : poultry giblets
gilthead daurade royale - a fish
gingerbread pain d'épice
goose oie
grape raisin
grapefruit pamplemousse
grated râpé : or shredded.
green beans haricot vert
360
green pasta pâte verte
ground beef steak haché
grouper mérou - a fish
Guinea-hen pintade
gurnard griofle : (gurnard, gurnet = griofle, grondin)
gurnet grondin : (gurnard, gurnet = griofle, grondin)
haddock stockfish - a fish
ham jambon
to hang à faisander : (game, for aging)
herbal tea infusion
Herbes de Provence Herbes de Provence
hog-fish rascasse : used for bouillabaisse
honey miel
hot épicé :
infusion tisane : an infusion of herbal tea
jam confiture
jar bocal : glass (or earthenware) jar for canning preserves.
jujube jujube : (from thejujube tree)
- jujube de Provence
juniper genièvre (genévrier) : juniper; gin; geneva
kidney rognon
kidney beans haricot rouge
to knead à malaxer, pétrir : (dough); to work (butter)
to knead à pétrir, malaxer : (dough)
knuckle of ham jambonneau :
ladle louche
lamb agneau
lamb leg gigot : Leg of lamb or leg of mutton, usually roasted
lamb, dried moutounesso
laurel leaf laurier : (also bayleaf)
lavender lavande
to leaven à levain : (the "raising" compound in bread) see leveure (yeast)
leek poireau
leftovers rogatons : slang for the leftovers of a meal.
lemon citron
lemon balm mélisse : melissa; lemon balm
lettuce laitue
lettuce salade
licorice réglisse
light cream crème fleurette : a low-fat cream used in cooking, in place of crème fraîche; also "crème liquide"
liver foie
lobster langouste : spiny lobster or rock lobster; also called crawfish.
macaroni macaroni
mace fleur de muscade : (spice; also called macis
- fleur de muscade = mace spice
- noix de muscade = nutmeg
maize maïs : (American corn = English maize; English corn = American grain)
mango chutney chutney mangue
361
marbled marbré : (also persillée for blue cheese)
marjoram, sweet marjolaine : sweet marjoram; see also oregano (wild marjoram)
meal repas
meat viand
meat chunks viande en dés :
- figue de Tarascon
medlar fruit nèfle du Japon
to melt à fondre
melted fondu
mild doux
milk lait
to mince à émincer : sliced thinly (meat or onions); shredded (vegetables).
minced beef steak haché
mint menthe
morel morille : a tasty mushroom; dark brown conical cap, pitted with cavitites.
mortar mortier : heavy bowl for grinding with a pestle; pilon = pestle
moulded moulé
mullet muge - a fish
mushroom champignon
mussel moule
mussels moules :
- moules marinières = mussles cooked in white wine with onion or shallots
mustard moutarde
mutton mouton :
nasturtium capucine
nettle ortie : used in some old-time Provencal cooking [Tourte de Haute Provence]
noodle nouille
nutmeg muscade : Nutmeg is "noix de muscade", often just called "muscade".
nutmeg noix de muscade :
oats avoine : (flocon d'avoine = rolled oats; gruau d'avoine = porridge, oatmeal.
octopus poulpe
oil huile
old, aged vieux
olive olive
olive oil huile d'olive
omelette omelette
onion oignon : [oignon farci]
orange orange : orange de Nice; blonde de Nice
orange-flower water eau de fleur d'oranger : Distilled from orange blossoms, especially the Bigaradier orange of Provence, and used in cuisine in Provence and North Africa. It's also used in some health/beauty products. The only on-line source (think) we've found is: Cassell-Wood/Londons; $14; http://cassell-wood.com/shopcassell-wood/
oregano origan : wild marjoram; sometimes called marjolaine (sweet marjoram)
oven four :
pandora, red pageot : larger than sea bream (dorade) and less delicate flavor; also called "rosseau"
pandora, red rosseau : larger than sea bream (dorade) and less delicate flavor; also called "pageot"
paprica paprika
parmesan parmesan
parsley persil
parsnip panais
362
paste paté
peach pêche :
- pêche sanguine de Manosque = a local variety
peanut cacahouète :
- pêche sanguine de Manosque = a local variety
pear poire :
- poire crémesine et martin-sec = a regional pear
peas petit pois
to peel à éplucher
to peel à peler
peel zeste : peel (of lemon, orange)
pepper poivre
peppermill moulin à poivre
persimmon kaki muscat de Provence : [see flora]
pestle pilon : short thick club for pounding substances in a mortar
pickled saumuré
pie tarte
pie, covered tourte
pimento piment : pimeinto, red pepper, hot pepper, capsicum
pine nut pignon : [from the pin parason]
pineapple ananas
pistachio pistache
plate assiette
plum prune
pomegranate grenade :
- grenade de Provence
pomme apple
poppy, wild red coquelicot : the wild red, or corn poppy, petals are used in salads, and in Provencal jelly
pot faitout, fait-tout : stew-pan, cooking pot
- (faittout, marmite)
potato pomme de terre :
- pomme de risoul et pointue de Trescléoux = mid-season potatoes
- pomme de terre de Pertuis = mid-season potatoes
potato pancake paillasspm : thin pancake made with shredded potatoes.
powder en poudre
to press à fouler : (force with a pistul)
prune pruneau
pumpkin citrouille
pumpkin potiron :
quarter quart :
- un quart de vin = a carafe with 25 cl of wine
quiche quiche
quince coing de Provence : for jams
radish radis
raisin raisin sec : (dried grape)
ravioli ravioli : stuffed pasta
raw vegitables panier de crudités : served whole or chopped, in a basket; eaten by hand, with or without "dipping".
recipe recette
red mullet rouget : small red fish used in Provencal cooking; also applies to goatfish or surmullet.
red mullet rouget de roche - a fish
red scorpion fish rascasse rouge : chapon de mer fish (for bouillabaisse)
red-eye rotengle : also called gardon rouge, or rud; (freshwater)
363
ribsteak entrecôte (steak)
rice riz : [Camargue]
rind ecorce : fruit rind; fruit peel; rice husk
rind, skin counne : example: "couenne de porc" is porc rind
ripe mûr
roast rôti
roast rôti : meat roast; "rôti de porc": pork roast; "rôti de dinde": turkey roast.
to roast à rôtir
rocambole rocambole : aka Spanish garlic; a large wine coloured bulb that is used similarly to shallots; grown in the South of France
rock salt gros sel : also suggested: coarse salt, sea salt, kosher salt. Gros sel is used for cooking; sel fin is used as table salt.
roll petit pan
to roll flat à étendre au rouleau : (dough)
rolled roulé
rosemary romarin
rye bread pain de seigle
rye bread pain de seigle :
saffron safran
sage sauge
salt sel
salt pork petit salé : salt pork, or salt chine of pork
salt, pepper sel, poivre
salted salé
sandwich bread pain de mie : white, sliced bread
sardine sardine
sauerkraut choucroute
savory sarriette
to scald à échauder
scalded ring cake brassadeau
scale écaille : fish scale
scallion ciboule : (scallion; welsh onion)
sea bass loup - a fish
sea-bream dorade - a fish
sea-urchin oursin violet
to seed à épépiner : (remove the seeds)
seed grain : seed (grape, mustard); bean (coffee)
seed graine : (of a plant)
to seer à saisir : Begin the cooking by seering the outer surface hot and fast: put a small amount of oil in a pan, bring it up to a high temperature, put in the food, spread out, to quickly brown the surface, turn to brown the other side(s).
shad alose : a silvery fish, smaller than a herring
shallot echalote : scallion; welsh onion
shark requin - a fish
to shell à écailler : (crabs), scale
sherbert sorbet
shrimp crevette : scallion; welsh onion
sieve tamis
to simmer; cook slowly à mitonner : simmer, stew slowly, with low heat, in water or bouillon (also mijoter)
- prepared very carefully (Mitonnée aux Cinq Légumes)
- cook long and slowly (ragoût)
sirloin steak faux-filet (steak)
skate raie : or ray
snipe becassine
to soften à ramollir
364
sorrel oseille
soup soupe
sour aigre
sour cream crème aigre
spaghetti spaghetti
spicy relevé : or seasoned.
spinach épinard
spoonful cuillerée
to spread à étaler : (spread out evenly)
spring onion ciboule : (scallion; welsh onion)
sprinkled arrosé : moistened; basted
squash courge
squid calmar
squid encornet
starfruit carambola : The carambola, or starfruit, is a large elongated yellow green fruit that is star shaped when cut across the bias; when they start to go a deep golden yellow they taste absolutely fantastic. [thanks, Chric Hockley]
starling sansonnet : étourneau sansonnet = Sturnus vulgaris, common starling, a bird, and sometimes delicacy in Provencal and Corsican dishes.
steak steak
steam vapeur
stew ragoût
to stir slowly à remuer : also to toss (a salad); mix
straw paille
strawberry fraise :
- fraise de Carpentras; frais du Plan de Carros
stuffed Guinea-hen pintade farcie
stuffed vegetables farci : (légumes farcis)
sugar sucre
sulphur soufre
sweet-and-sour aigre-doux : (bitter-sweet)
sweetbreads ris : of calf, lamb or kid goat.
to tail à équeuter : (a fruit)
tail queue
tangerine mandarine : manderin orange or tangerine.
tarragon estragon : tarragon
taste goût : (arôme = aroma; goût = taste; parfum = flavor of ice cream;
to taste à goûter
tea thé
tenderloin steak filet (steak)
thick cream crème èpaisse
to thin à délayer : (a sauce)
thyme thym : - wild thyme is serpolet
tomato tomate : [Tomate farci]
truffle truffe : [Truffles - Searching for the Black Diamond]
- truffe noire d'hiver = winter black truffle
tuna thon - a fish
tunny thon rouge - a fish
turbot turbot - a fish
turkey dinde :
- dinde: hen turkey hen; dindon: tom turkey; dindonneau: young turkey
turkey filet filet de dinde :
- truffe noire d'hiver = winter black truffle
to turn sour à aigrir : (wine or milk)
turnip navet :
365
umber fish ombre commun : or freshwater grayling
veal veau : calf's meat
vegetable légume
vermicelli vermicelles
vervain verveine
vinegar vinaigre
virgin vierge :
- huile d'olive vierge = pure cold-pressed olive oil
walnut, nut noix
warmed réchauffé : or re-heated.
water eau
watermelon pastèque
welsh onion ciboule : (scallion; welsh onion)
wheat blé :
- germe de blé = wheatgerm
wheatgerm germe de blé
whipped cream crème chantilly
white blanc :
- fromage blanc = white cheese; vin blanc = white wine
white beans haricot blanc
white beet bette
whiting merlan - a fish
whole wheat bread pain complet : similar to bran brad (pain de son)
wild thyme serpolet
wine vin
woodcock bécasse
worn usé : red wine that has faded in quality because of age.
yeast levure :
- levure chemique = baking powder
- levure de boulanger = baker's yeast
yogurt yaourt :
zucchini courgette : [Courgette farcie]
zucchini flower fleur de Courgette :
366
abaisse : a thin layer of pastry, undercrust
abats : organ meats (other than poultry giblets)
abattis giblets : poultry giblets
abricot apricot
acerbe bitter : (bitter; tart) to the taste
agneau lamb
agrumes citrus fruit
aïgo bouido : Provençal garlic soup served over
pieces of bread
aïgo-sau d'iou : Provençal fish soup made with
"water and salt"
aigre sour
aigre-doux sweet-and-sour : (bitter-sweet)
à aigrir to turn sour : (wine or milk)
ail garlic :
- gousse d'ail = clove of garlic
ail semoule garlic powder :
- gousse d'ail = clove of garlic
ail semoule garlic salt :
- gousse d'ail = clove of garlic
aillé : flavoured with garlic
aïoli : a Provencal garlic mayonaise sauce, served
as part of the aïoli complet [photo]
airelle rouge cranberry : Airelle is a general name
applied to the "Vaccinium" berry shrubs. Airelle is
used for the British bilberry (whortleberry) or the
American blueberry (huckleberry) as well as the
cranberry ("airelle rouge").
alevin fry : bait (tiny fish)
alimentation food : (food, groceries,
nourishment, nutrition)
alose shad : a silvery fish, smaller than a herring
amande almond
amer : bitter (also acerbe
amertume bitterness
amuse-gueule cocktail snack : (amuse-gueule;
amuse-bouche)
ananas pineapple
anchois anchovy - a fish
anchoyade anchovy purée : Provençal purée
made with garlic and olive oil
aneth dill : similar to fenouil
angélique angelic
anguille eel
anis étoilé anise, aniseed : (anis étoilé; badiane)
the anise plant; its dried star-shaped fruit.
apple pomme
apron : a fish from the Rhône river, related to
perch
aromate : aromatic plant; herb; spice
arôme aroma, flavor : (arôme = aroma; goût =
taste; parfum = flavor of ice cream;
arrosé sprinkled : moistened; basted
artichaut artichoke
asperge asparagus :
- botte d'asperges = bundle of asparagus
- pointe d'asperges = asparagus tips
aspic aspic jelly
assiette plate
aubergine eggplant : [aubergine farcie]
avocat avocado : (avocado pear)
avoine oats : (flocon d'avoine = rolled oats;
gruau d'avoine = porridge, oatmeal.
badiane anise, aniseed : (anis étoilé; badiane)
à badigeonner : paint on a coat [of egg white, for
example]
baguette bread stick : a long narrow cylindrical
loaf of white bread weighing 250 g. "Baguette" is
the name for anything long and skinny, including
drum sticks, strips of wood, etc.
banane banana
banon : Provencal goat cheese wrapped in
chestnut leaves, from Banon [Banon village]
barbe-à-papa cotton candy : (grandpa's beard)
English, also: candy floss
barbouillade : stuffed eggplant or eggplant stew
(Provençal)
basilic basil
367
baudroie angler-fish : (monkfish, frog-fish, sea-
devil) also called lotte de mer
bavette (steak) : minute steak; the top or skirt of
beef
baveux : moist, runny
bécasse woodcock
becassine snipe
beignet doughnut : (beignet, doughnut, fritter)
berlingot de Carpentras : candy
bette white beet
betterave beet, beetroot
betterave rouge de Gardanne : a regional red beet
beurre butter
bicarbonate de sodium baking soda : Available
from pharmacies.
biche doe : (female deer)
bien cuit cooked well done
bière beer
bigarreau Pélissier : a regional cherry
biscotin d'Aix : cookie
blanc white :
- fromage blanc = white cheese; vin blanc = white
wine
blanc d'oeuf egg white
blanchaille blanchaille : very tiny fish from the
Mediterranean; used in Pissala.
blanchir blanch : boil the water, dip the food
quickly, for a few minutes only
blé wheat :
- germe de blé = wheatgerm
blé noir buckwheat
blette beet, white : [Tourte de Haute-Provence]
bleu cooked rare : (blue), but not a rare as
saignant.
bleu de Queyras cheese, blue moulded : a
regional blue-moulded cheese
blonde de Nice : a regional orange of Nice
blondir : cook [onions] only until transparent, not
quite browning
bocal bowl : deep bowl with narrow top
bocal jar : glass (or earthenware) jar for canning
preserves.
boeuf beef
boisson beverage, drink
boucherie butcher shop
bouchon cork : a bottle stopper, made from the
bark of the cork oak (chêne liege)
bouchonné corked : wine that's gone off, with the
taste of its cork
bouillabaisse : a fish soup
bouilli boiled
boulanger baker
boulangerie bakery
bourride : Provençal fish soup, prepared with
tomatoes, garlic, onions, herbs and olive oil, and
served with aïoli sauce.
bouteille bottle
braisé braised
brassadeau scalded ring cake
brebis ewe : female sheep
brocoli broccoli
brouillade : a Provençal type of scrambled eggs
brousse du Rove : fresh goat-milk cheese, from a
goat raised for meat rather than dairy products
brousse du Var : fresh sheep-milk cheese from the
Var department
broyé crushed : (crushed, ground, pounded)
brûlé burned, singed :
cabillaud codfish, fresh :
- salt cod = morue
cacahouète peanut :
- pêche sanguine de Manosque = a local variety
cachaille : cheese-product mixture
cade : Nice-Toulon pancake
cajou cashew : (noix d'acajou)
calisson d'Aix : almond-paste candy
calmar squid
câpres capers
capucine nasturtium
carambola starfruit : The carambola, or starfruit,
is a large elongated yellow green fruit that is star
shaped when cut across the bias; when they start to
go a deep golden yellow they taste absolutely
fantastic. [thanks, Chric Hockley]
368
cardon cardoon : an edible thistle, related to the
artichoke, with edible root and leafstalks; leafstalks
used as a garnish for some meat dishes
carotte carrot
carvi caraway
cassis blackcurrant : The red groseille is a red
currant. The black groseille is called "cassis".
cassis, creme de blackcurrant liqueur
cébette : like a leek; in Provence it's shredded for
salads or eaten raw
céleri celery
cerfeuil chervil
cerise cherry
champignon mushroom
champoléon : moulded raw cheese
chapelure bread crumbs
chapon : crust rubbed with garlic
chapon capon : a young castrated and fattened
rooster
chapon de mer : rascasse rouge fish (for
bouillabaisse)
charcuterie cold cuts
Chateaubriand : a thick fillet of grilled tenderloin
steak, especially from the fat cattle in Brittany
around the town of Chateaubriant.
chevreau de lait : milk goat (kid)
chichi-frégi : a beignet
chicorée frisée chicory lettuce :
- (chicorée frisée; endive frisée)
chique : candy
chou cabbage :
- chou-blanc: white cabbage; chou-rouge: red
cabbage; chou pointu de Châteaurenard: a regional
cabbage
chou de Bruxelles brussels sprout
chou-fleur cauliflower
choucroute sauerkraut
chutney mangue mango chutney
ciboule scallion : (scallion; welsh onion)
ciboule spring onion : (scallion; welsh onion)
ciboule welsh onion : (scallion; welsh onion)
ciboulette chives
cigale de mer : shellfish
cinabre cinnabar : a bright-red pigment for
coloring
citre : a regional vine plant (Citrullus lanatus)
related to the watermelon, used for making jam
citron lemon
citron de Menton : a regional lemon
citronnelle citronella : applies to various plants
with a lemon scent: verbena, lemon balm, melissa,
etc.
citrouille pumpkin
coco rose : small bean, white with pink veins
coing de Provence quince : for jams
compote : compote (eg. applesauce)
concombre cucumber
confit : preserved, jelly: confit de canard is filleted
duck cooked and preserved in its own fat; confit de
[fruit] is candied, jellied or crystallized fruit.
confiture jam
confiture d'agrumes : citrus-fruit jam
confiture de genièvre : juniper-berry jam
congre conger eel
coquelicot poppy, wild red : the wild red, or corn
poppy, petals are used in salads, and in Provencal
jelly
coriandre coriander
counne rind, skin : example: "couenne de porc" is
porc rind
courge squash
courgette zucchini : [Courgette farcie]
craqueliln de Carpentras : one of the "berlingot"
candies of Carpentras
crème cream
crème aigre sour cream
crème chantilly whipped cream
crème èpaisse thick cream
crème fleurette light cream : a low-fat cream
used in cooking, in place of crème fraîche; also
"crème liquide"
crème fraîche cream, full-fat : used for making
butter, sauces, etc.
crevette shrimp : scallion; welsh onion
croquant : brioche cake
cuillerée spoonful
369
cuire au four bake in the oven
cumin cumin :
daube beef stew
daurade royale gilthead - a fish
à délayer to thin : (a sauce)
à dés to dice :
- couper en gros dés = to dice; cut into chunks
à détailler to chop
dinde turkey :
- dinde: hen turkey hen; dindon: tom turkey;
dindonneau: young turkey
dorade sea-bream - a fish
doux mild :
eau water
eau de fleur d'oranger orange-flower water :
Distilled from orange blossoms, especially the
Bigaradier orange of Provence, and used in cuisine
in Provence and North Africa. It's also used in some
health/beauty products. The only on-line source
(think) we've found is: Cassell-Wood/Londons;
$14; http://cassell-wood.com/shopcassell-wood/
ébullition boiling
écaille scale : fish scale
à écailler to shell : (crabs), scale
echalote shallot : scallion; welsh onion
à échauder to scald
ecorce rind : fruit rind; fruit peel; rice husk
à écraser to crush : écrasé: crushed or flattened
écrevisse crayfish, crawfish
à écumer to froth : (to foam)
à éffiler : cut into thin strips; strip the stringy part
from string beans; flake almonds.
égoutter drain : drain off (water); strain (cheese)
à émietter to crumble
à émincer to mince : sliced thinly (meat or
onions); shredded (vegetables).
emissole dogfish : Mediterranean, smooth
dogfish, shark fish.
en dés chunks
en poudre powder
encornet squid
endive chicory : also known as white leaf.
endive frisée chicory lettuce :
- (chicorée frisée chicorée frisée)
à enfourner : to put into the oven
entrecôte (steak) ribsteak
entremets : sweet desserts and sweet side dishes.
The word origin is from "in-between dishes" served
between courses at Middle-Ages banquets while the
minstrels entertained.
à épépiner to seed : (remove the seeds)
épicé hot
épinard spinach
à éplucher to peel
à équeuter to tail : (a fruit)
estragon tarragon : tarragon
à étaler to spread : (spread out evenly)
à étendre au rouleau to roll flat : (dough)
à faisander to hang : (game, for aging)
faitout, fait-tout pot : stew-pan, cooking pot
- (faittout, marmite)
farci stuffed vegetables : (légumes farcis)
farine flour :
- farine de sarrasin = buckwheat flour
faux-filet (steak) sirloin steak
favouille [favouïo] : small green crab
fenouil fennel
fève
févette
fiélas (congre) conger eel
figue fig :
- figue de Tarascon
filet (steak) tenderloin steak
filet de dinde turkey filet :
- truffe noire d'hiver = winter black truffle
filet mignon filet mignon : the small choice end
of tenderloin of beef (or of veal or pork)
fleur de Courgette zucchini flower
fleur de muscade mace : (spice; also called macis
- fleur de muscade = mace spice
- noix de muscade = nutmeg
foie liver
à fondre to melt
370
fondu melted
fougasse : a type of bread
fougassette : an enriched bread
fougère musquée celery : celery
à fouler to press : (force with a pistul)
four oven
fourré filled : filled, stuffed, creamed
fraise strawberry :
- fraise de Carpentras; frais du Plan de Carros
fromage blanc : a soft white cheese like a thick
yogurt
fromage de chèvre cheese, goat
fromage rapé cheese, grated
fruit Confit d'Apt : candied fruit
galinette : a fish
gâteau cake
genièvre (genévrier) juniper : juniper; gin;
geneva
géranium odorant geranium
germe de blé wheatgerm
gibier game : pheasant, boar, etc.
gigot lamb leg : Leg of lamb or leg of mutton,
usually roasted
girelle : a fish
girofle clove
gnocchi : A small Niçoise dumpling made from
potato paste. [photo]
gousse clove, pod : clove (of garlic); pod (of
bean or pea)
goût taste : (arôme = aroma; goût = taste; parfum
= flavor of ice cream;
à goûter to taste
grain seed : seed (grape, mustard); bean (coffee)
graine seed : (of a plant)
grenade pomegranate :
- grenade de Provence
griofle gurnard : (gurnard, gurnet = griofle,
grondin)
grondin gurnet : (gurnard, gurnet = griofle,
grondin)
gros sel rock salt : also suggested: coarse salt, sea
salt, kosher salt. Gros sel is used for cooking; sel fin
is used as table salt.
groseille currant, red : The red groseille is a red
currant. The black groseille is called "cassis".
haricot bean
haricot blanc white beans
haricot coco rose d'Eyragues : small local bean,
called "coco rose" ( small white bean with pink
veins)
haricot rouge kidney beans
haricot vert green beans
Herbes de Provence Herbes de Provence
huile oil
huile d'olive olive oil :
infusion herbal tea :
jambon ham
jambonneau knuckle of ham
jaune d'oeuf egg yolk
jujube jujube : (from thejujube tree)
- jujube de Provence
kaki muscat de Provence persimmon : [see flora]
labre cuckoo wrasse - a fish
lait milk
lait de noix de coco coconut milk
laitue lettuce
langouste lobster : spiny lobster or rock lobster;
also called crawfish.
langoustine : Dublin Bay prawn; Norwegian
lobster.
laurier bayleaf : (also laurel leaf)
laurier laurel leaf : (also bayleaf)
lavande lavender
légume vegetable
à levain to leaven : (the "raising" compound in
bread) see leveure (yeast)
levure yeast :
- levure chemique = baking powder
- levure de boulanger = baker's yeast
371
levure chimique baking powder : One "sachet"
(11g packet) is about 2 teaspoons.
levure de boulanger baker's yeast
liche albacore - a fish
liege cork : the material; the bark of the cork oak
(chêne liege)
lotte de mer angler-fish : (monkfish, frog-fish,
sea-devil) baudroie
louche ladle
loup sea bass - a fish :
macaroni macaroni
maïs corn : (American corn = English maize;
English corn = American grain)
maïs maize : (American corn = English maize;
English corn = American grain)
à malaxer, pétrir to knead : (dough); to work
(butter)
mandarine tangerine : manderin orange or
tangerine.
mange-tout : "eat-everything", tiny little fish
marbré marbled : (also persillée for blue cheese)
marjolaine marjoram, sweet : sweet marjoram;
see also oregano (wild marjoram)
marmite : cooking pot
marron chestnut : from the Châtaignier; the nuts
from the marronnier are inedible
mélisse lemon balm : melissa; lemon balm
melon cantaloup : (cantaloup de Cavaillon)
[Cavaillon]
menthe mint
merlan whiting - a fish
mérou grouper - a fish
mesclun Niçois : mixture of different lettuces
miel honey
à mijoter : simmer, stew slowly, with low heat;
prepare with great care or love (also mitonner)
Mitonnée aux Cinq Légumes
à mitonner to simmer; cook slowly : simmer,
stew slowly, with low heat, in water or bouillon
(also mijoter)
- prepared very carefully (Mitonnée aux Cinq
Légumes)
- cook long and slowly (ragoût)
moelle bone marrow
morille morel : a tasty mushroom; dark brown
conical cap, pitted with cavitites.
mortier mortar : heavy bowl for grinding with a
pestle; pilon = pestle
morue cod, salt - a fish :
- fresh codfish = cabillaud
moule mussel
moulé moulded
moules mussels :
- moules marinières = mussles cooked in white
wine with onion or shallots
moulin à poivre peppermill
moutarde mustard
mouton mutton
moutounesso lamb, dried
muge mullet - a fish
mûr ripe
mûre blackberry : blackberry, brambleberry,
mulberry
- mûrier noir = fresh blackberry
muscade nutmeg : Nutmeg is "noix de muscade",
often just called "muscade".
navet turnip
navette : a boat-shaped cookie (Marseille;
Provençal)
nèfle du Japon medlar fruit
noix walnut, nut
noix de coco coconut
noix de coquilles Saint-Jacques : the white flesh of
the scallop
noix de muscade nutmeg
nonat alevin : alevin, fry, young fish
nougat blanc : white nougat candy
nougat noir : dark nougat candy
nouille noodle
nourriture food :
oeuf egg
oeuf à cheval : steak or hamburger topped with a
fried egg
372
oeuf à la coque egg, boiled : steak or hamburger
topped with a fried egg
oeuf à la moelle egg, poached : with a white-
wine and bone barrow sauce
oeuf à la neige : a dessert of beaten egg whites
poached in milk and served i a caramelized valilla
custard
oeuf dur egg, hard-boiled
oeuf dur le plat egg, fried
oeuf poché egg, poached
oeufs brouillés eggs, scrambled
oie goose
oignon onion : [oignon farci]
olive olive
ombre commun umber fish : or freshwater
grayling
omelette omelette
orange orange : orange de Nice; blonde de Nice
oreillette : a sweet fritter (beignet)
orge barley
origan oregano : wild marjoram; sometimes
called marjolaine (sweet marjoram)
ortie nettle : used in some old-time Provencal
cooking [Tourte de Haute Provence]
os, à la : on the bone
oseille sorrel
oursin violet sea-urchin :
pageot pandora, red : larger than sea bream
(dorade) and less delicate flavor; also called
"rosseau"
paillasspm potato pancake : thin pancake made
with shredded potatoes.
paille straw
pain bread : [Pain à l'Ancienne]
pain bouilli : a regional rye bread
pain complet whole wheat bread : similar to bran
brad (pain de son)
pain d'Aix : a regional raised bread
pain d'épice gingerbread
pain de campagne country bread : usually a large,
round loaf, dusted with flour.
pain de mais corn-bread
pain de mie sandwich bread : white, sliced bread
pain de sarrasin buckwheat bread
pain de seigle rye bread
pain de seigle rye bread
pain de son bran bread : similar to whole wheat
bread (pan complet)
pain perdu french toast
pamplemousse grapefruit
pan bagnat : A large round sandwich from Nice,
with lettuce, anchovies, tuna fish, black olives, etc.
Popular in the summer from beach-side stalls and
terrace cafés.
panais parsnip
panier basket : usually a wicker basket.
panier de crudités raw vegitables : served whole
or chopped, in a basket; eaten by hand, with or
without "dipping".
panisse : fried beigne of chick-pea flour
panisse chickpea pancake : Provencal thick
pancake made with chickpea flour.
paprika paprica
parmesan parmesan
passoire colander : une passoire conique (conical
colander) is used to "filtrer au chinois"
pastèque watermelon
paté paste
pâte verte green pasta
patience : cookie
pavé (steak) : a thick piece of prime grilled steak
pêche peach :
- pêche sanguine de Manosque = a local variety
à peler to peel
persil parsley
persillée : marbled or blue-veined (for blue
moulded cheese)
petit épeautre : a regional wheat
petit pan roll
petit pois peas
petit poisson de roche : small rock fish
petit salé salt pork : salt pork, or salt chine of
pork
petite friture : tiny fish
à pétrir, malaxer to knead : (dough)
373
pétrissage : kneading
pieds et paquets : sheep tripes
pignon pine nut : [from the pin parason]
à piler : to grind, crush (in a mortar)
pilon drumstick : drumstick, leg of poultry
pilon pestle : short thick club for pounding
substances in a mortar
piment pimento : pimeinto, red pepper, hot
pepper, capsicum
pintade Guinea-hen
pintade farcie stuffed Guinea-hen
pissala : a sauce
pissaladière : onion quiche
pissenlit dandelion : used in some old-time
Provencal cooking [Tourte de Haute Provence]
pistache pistachio
pistou : a Provencal garlic-basil sauce (see
Basil); sometimes used to mean basil (basilic)
poire pear :
- poire crémesine et martin-sec = a regional pear
poireau leek
pois chiche chick pea
pois mange-tout : "eat-everything" peas (small
young pea pods; you eat the peas and the pod)
poisson fish
poivre pepper
poivron bell pepper : bell pepper (green, red, or
yellow) [poivron farci]
poivron pimenté chili pepper
poivron rouge bell pepper, red : bell pepper
(green, red, or yellow)
poivron vert bell pepper, green : bell pepper
(green, red, or yellow)
polenta jaune boiled corn
pomme apple :
- pomme de risoul et pointue de Trescléoux = a
regional apple
pomme de terre potato :
- pomme de risoul et pointue de Trescléoux = mid-
season potatoes
- pomme de terre de Pertuis = mid-season potatoes
pompe à l'huile : an enriched bread
pompe de Noël : an enriched bread
potimarron : pumpkin variant, with slight chestnut
flavor
potiron pumpkin
poulet chicken
poulpe octopus
poutargue de Martigues : fish egg
poutine alevin : alevin, fry, young fish
praline : an almond-sugar mixture used as a filling
in some pastries and candies; this is not the same as
the American or Belgium chocolate praline.
[Brioches aux Pralines]
prune plum
pruneau prune :
quadrillage : a criss-cross topping on a tart (with
strips of pastry) or pizza (with anchovies)
quart quarter :
- un quart de vin = a carafe with 25 cl of wine
quartier : a segment or quarter of orange, lemon,
melon, etc.
quatre-épices four spices : a blend of ground
cinnamon, cloves, nutmeg, pepper.
queue tail
quiche quiche :
radis radish
rafraîchi chilled : or cooled
ragoût stew
raie skate : or ray
raisin grape
raisin sec raisin : (dried grape)
à ramollir to soften
râpé grated : or shredded.
rasade : full to the brim.
rascasse hog-fish : used for bouillabaisse
rascasse rouge red scorpion fish : chapon de mer
fish (for bouillabaisse)
ratatouille : a Provencal vegetable stew
ravioli ravioli : stuffed pasta
recette recipe
réchauffé warmed : or re-heated.
à réfroidir to cool : or chill.
réglisse licorice
374
relevé spicy : or seasoned.
à remuer to stir slowly : also to toss (a salad);
mix
repas meal
requin shark - a fish
à revenir to brown : (to soften - cake)
rince-doigts finger bowl : [Camargue]
ris sweetbreads : of calf, lamb or kid goat.
riz rice : [Camargue]
riz de Camargue : rice from the Camargue
[Camargue]
rocambole rocambole : aka Spanish garlic; a
large wine coloured bulb that is used similarly to
shallots; grown in the South of France
rogatons leftovers : slang for the leftovers of a
meal.
rognon kidney
rognon blanc : white meat from the testicle.
romaine : lettuce with long, crispy leaves.
romarin rosemary
ronce blackberry bush : wild, with thorns. The
briar patch.
rondelle : thin, round slice (such as thin slices of
cucumber).
rosseau pandora, red : larger than sea bream
(dorade) and less delicate flavor; also called
"pageot"
rotengle red-eye : also called gardon rouge, or
rud; (freshwater)
rôti roast
rôti roast : meat roast; "rôti de porc": pork roast;
"rôti de dinde": turkey roast.
à rôtir to roast
rouget red mullet : small red fish used in
Provencal cooking; also applies to goatfish or
surmullet.
rouget de roche red mullet - a fish
rougette : lettuce with small reddish leaves,
popular in Provence.
rouille : Provencal spicy red sauce (literally
"rust"); like a garlic "aîoli" sauce with chilli pepper.
roulade : stuffed meat or fish, rolled and sliced.
roulé rolled
à roussir to brown, singe :
safran saffron
saignant cooked very rare
saint-pierre : a flat fish
à saisir to seer : Begin the cooking by seering the
outer surface hot and fast: put a small amount of oil
in a pan, bring it up to a high temperature, put in the
food, spread out, to quickly brown the surface, turn
to brown the other side(s).
salade lettuce
salade de mesclun : a salad of lettuce, dandelion,
chicory, watercress, herbs and rocket
salade mixte : lettuce and tomato salad
salade niçoise : a salad of lettuce, tomatoes, olives,
anchovies, tuna fish, bell peppers, hard-boiled eggs,
etc.
salé salted
sansonnet starling : étourneau sansonnet =
Sturnus vulgaris, common starling, a bird, and
sometimes delicacy in Provencal and Corsican
dishes.
sard : a fish
sardine sardine
sarrasin buckwheat
sarriette savory
saucisse aux herbes ou au chou : meat-
vegetable/herb fresh sausage
saucisson d'Arles : dry sausage
sauge sage
saumuré pickled
saveur flavor : (arôme = aroma; goût = taste;
parfum = flavor of ice cream;
scarole endive
seiche cuttle-fish
sel salt
sel de céleri celery salt
sel, poivre salt, pepper
semence : seed (that you sow)
serpolet wild thyme
socca : Nice-Toulon chick-pea-flour pancake
[Socca de Nice]
sorbet sherbert
375
soufre sulphur
soupe soup
spaghetti spaghetti
spigol : a spice similar to safran
steak steak
steak - bavette : minute steak; the top or skirt of
beef
steak - entrecôte : beef ribsteak; cut from the front
ribs and wing-end ribs
steak - faux-filet : sirloin steak
steak - filet : tenderloin steak
steak - filet mignon : the small choice end of
tenderloin of beef (or of veal or pork)
steak - pavé : A thick piece of prime grilled steak
steak haché ground beef
steak haché minced beef
steak tartare : finely ground, raw lean beef mixed
with raw egg yolk and garnished with chopped
onion, capers and parsley.
stockfish haddock - a fish
suce-miel d'Allauch : honey paste
sucre sugar :
tamis sieve
tarte pie
taureau de Camargue : beef from the Camargue
[Camargue]
telline : shellfish
terrine : varnished earthenware jar
thé tea
thon tuna - a fish
thon rouge tunny - a fish
thym thyme : - wild thyme is serpolet
tisane infusion : an infusion of herbal tea
tomate tomato : [Tomate farci]
tomme : moulded raw cheese
tomme d'Arles : moulded raw cheese
tourte pie, covered
tourton : vegetable pie, without pastry
à tronçonner to cut up : (into sections or lengths)
truffe truffle : [Truffles - Searching for the Black
Diamond]
- truffe noire d'hiver = winter black truffle
turbot turbot - a fish :
unilatéral : one-sided (saumon à l'unilatéral =
salmon grilled only on one side)
usé worn : red wine that has faded in quality
because of age.
vapeur steam
veau veal : calf's meat
vermicelles vermicelli
verveine vervain
viand meat
viande en dés meat chunks :
- figue de Tarascon
vierge virgin :
- huile d'olive vierge = pure cold-pressed olive oil
vieux old, aged
vin wine
vinaigre vinegar
violet : shellfish
violette de Tourette : candied flower
yaourt yogurt :
zeste peel : peel (of lemon, orange)
376
Index
377
BONUS
Pour finir, j'ai regroupé en bonus quelques publications comprenant:
3 dossiers thématiques (le sens du goût, la digestion, la nutrition)
un article d'Hubert Richard et al sur les "Flaveurs et procédés de cuisson"
un article de Gil Morrot et Frédéric Brochet sur "Cognition et vin" (paru dans la Revue
des œnologues, 2004)
un article d'Harold McGee "Taking stock of new flavours" (paru dans Nature, 1999)
un article d'Hervé This "Molecular Gastronomy" (paru dans Nature Materials, 2005)
QspqLcpseme
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Le sens du goût.
ue serait le goût sans la vue, la mémoire, la enteur, le plaisir ? Lorsqu’on parle du goût, on ne ense pas toujours à l’ensemble des sensations ui permettent d’identifier ce que l’on mange. ’aspect, l’odeur, la saveur, l’arôme, la texture, le roquant… sont autant de paramètres qui articipent à l’appréciation d’un aliment. Tous nos ens conditionnent les goûts que nous percevons t envoient au cerveau une multitude de essages destinés à nous faire reconnaître ce qui st bon.
Une infinité de saveurs.
Grâce à la salive, les aliments libèrent des molécules sapides qui se fixent sur les récepteurs chimiques de la langue. Ces bourgeons du goût sont constitués d’un nombre très variable de cellules. Chacun d’eux peut capter plusieurs dizaines de molécules sapides distinctes et il n’est pas spécialisé dans la perception d’une seule saveur. Dans le même temps, il réagit différemment à l’arrivée d’un aliment en fonction du nombre de cellules excitées. Les goûts sucrés et amers, pourtant antinomiques, peuvent être perçus par les mêmes récepteurs et procurent pourtant une sensation bien différente. Les neurobiologistes ont ainsi découvert que nos papilles ne se limitent pas à transmettre quatre saveurs sucrée, salée, acide et amère. Nous percevons en réalité un continuum gustatif qui résulte de nombreuses saveurs mais nous disposons de peu de mots pour exprimer leur diversité. Le langage ne permet pas de décrire toutes les sensations gustatives d’autant que d’une personne à l’autre, la sensibilité du goût varie considérablement.
l existe une saveur très connue des asiatiques : l’umami. Ce goût articulier, mi-sucré, mi-salé provient d’un acide aminé (glutamate) ue l’on trouve dans la sauce soja, les viandes, les poissons et ertains légumes. Un morceau de viande n’est ni sucré, ni acide, ni mer, ni salé (si on n’en ajoute pas). Ce ne sont donc pas ces aveurs qui procurent le plaisir qu’on en tire. De même, il est ifficile de ranger parmi les quatre saveurs de base le goût réglisse ui est vraiment unique et spécifique.
Dossier Enseignant « A Table » Cap sciences 2004.
« Les sens » du goût
Dans le langage courant le sens du goût est seulement attribué à la langue. La saveur d’un aliment est une sensation qui naît sur la langue au niveau des papilles. Mais nous sommes aussi sensibles aux odeurs et à d’autres sensations gustatives. Quand un aliment est mâché dans la cavité buccale, des molécules odorantes se dégagent et circulent dans l’arrière gorge. Elles arrivent dans la cavité nasale et stimulent les récepteurs olfactifs. Cette voie rétro-nasale permet la perception de l’arôme de l’aliment qui est responsable de 90% de la sensation du goût ! L’odorat, joue donc un rôle prépondérant dans la sensation gustative : un gros rhume fait perdre presque tout son goût à la nourriture et des expériences de dégustation ont démontré que le « goût » de nombreux vins est essentiellement olfactif. La langue dispose aussi de récepteurs sensibles à la température, à la pression, aux propriétés tactiles des aliments. Les dents transmettent aussi des informations mécano-réceptrices lors de la mastication et engendrent des informations nerveuses qui amplifient le message gustatif : lorsqu’une dent est dévitalisée, la perception des saveurs diminue.
Goûter un aliment c’est le reconnaître par tous les sens.
3/ Dans la cavité buccale, les saveursapportées par les molécules sapides sontcaptées par les bourgeons du goût. Desrécepteurs non gustatifs intègrent aussides informations sur la texture et latempérature des aliments.
1/ La vue est le premier sens qui nousrenseigne sur ce que nous mangeons :l’aspect est très important, il agit surl’acceptation ou le refus de l’aliment.
4/ Le goût est essentiellement perçu parl’olfaction rétro nasale. Les arômes libérésdans la bouche par la masticationremontent vers la cavité nasale et stimulentles cellules nerveuses de l’odorat.
2/ L’olfaction directe qui précède la mise enbouche renseigne sur l’odeur ou le fumetdes aliments. L’odorat est aussi un senstrès déterminant dans nos choixalimentaires et dans la sensation du goût.
L’odorat par la voie directe et la voie rétro-nasale est responsable de 90% de notre sensation gustative.
Dossier Enseignant « A Table » Cap sciences 2004.
La chaîne sensorielle et l’analyse du message gustatif.
Le goût est donc un sens très complexe qui fait intervenir l’aspect de l’aliment perçu par les yeux, l’odeur reçue directement par le nez, la saveur captée par la langue, l’arôme libéré par la mastication, les sensations tactiles et thermiques de la bouche. Les papilles de la langue ne sont que les points de départ de la chaîne gustative mais ce n’est pas à leur niveau que se forme le goût. Le signal de chaque cellule est acheminé par les nerfs gustatifs vers le cerveau. Le goût se forme dans différentes zones cérébrales qui décodent et analysent les informations sensorielles transmises par les capteurs de la langue. Dans le cortex, la façon dont sont interprétés les messages sensoriels n’est pas encore bien comprise. Puisqu’il n’y a pas de capteurs spécifiques à une saveur donnée, il n’existe pas une cartographie de la langue pour les saveurs. Il faut raisonner en terme de population de récepteurs activés pour expliquer leur distinction : selon la substance sapide, différents groupes de récepteurs sont activés. Une molécule X va agir sur un nombre x de récepteurs et une molécule Y sur un nombre y. Il y aura un certain nombre de récepteurs communs mais jamais superposition exacte. Cette différence du nombre de capteurs activés par une molécule permet de reconnaître un grand nombre de saveurs avec seulement 10 000 bourgeons du goût. Dans le nerf gustatif, la configuration des fibres nerveuses parcourues par des influx est caractéristique d’une saveur particulière. Plusieurs nerfs crâniens acheminent l’information des capteurs sensoriels jusqu’au cerveau. Comme pour les nerfs olfactifs, les ramifications du nerf gustatif suivent des parcours différents. Le message sensoriel se dédouble au niveau du tronc cérébral pour emprunter deux voies qui conduisent simultanément: vers le système limbique, sous le
cortex cérébral, où les informations prennent une connotation émotionnelle. En suivant ce chemin, les messages passent dans l’hypothalamus, la zone cérébrale de plaisir inconscient puis dans l’hippocampe où l’information est mémorisée et comparée avec les souvenirs. vers le thalamus le message
gustatif se conjugue avec les sensations de l’odorat et du toucher de la langue. C’est le centre conscient de l’analyse logique de l’olfaction et du goût qui traite l’intensité et la nature du message.
Dossier Enseignant « A Table » Cap sciences 2004.
Il y a ainsi dans le cerveau la formation d’images mentales distinctes issues de différentes sources sensorielles. Les messages hédoniques de la mémoire confèrent à la perception gustative une coloration supplémentaire. L’ensemble des informations et finalement acheminé et traité au niveau les lobes frontaux du cortex où émergent la conscience de l’aliment reconnu et la sensation de plaisir procuré par la nourriture.
Chaque individu dispose d’une sensibilité gustative qui lui est propre et on s’interroge sur la perception subjective des saveurs et d’odeurs. Si les gènes interviennent dans notre sensibilité, il semble de plus en plus probable que le goût est en grande partie construit socialement par l’environnement et le mode de vie : plus on est soumis tôt et régulièrement à une saveur, plus il est facile de la détecter.
La langue.
Dossier Enseignant « A Table » Cap sciences 2004.
La langue est le muscle le plus sophistiqué du corps humain. Sa surface est couverte de papilles qui lui donnent un aspect rugueux. Les bourgeons gustatifs en forme de citrons sont pourvus d’un pore à leur extrémité. Ils renferment des cellules chimio-réceptrices qui peuvent libérer des messagers chimiques neurotransmetteurs. Ceux-ci vont exciter les neurones qui se trouvent à la base du bourgeon. Dix mille bourgeons du goût peuvent distinguer une centaine de saveurs différentes : - les papilles fongiformes en forme de champignon se situent surtout sur la
pointe et les bords de la langue. Chacune d’elles renferme entre un et cinq bourgeons.
- Les papilles filiformes ont la forme d’un cône et tapissent la langue formant une surface spongieuse imbibée de salive. Elles informent sur la température et la consistance des aliments.
- Les papilles caliciformes placées à l’arrière de la langue sont peu nombreuses mais renferment plusieurs centaines de bourgeons du goût. Elles constituent la dernière barrière avant l’œsophage et permettent de détecter toute saveur suspecte d’un aliment et notamment l’amertume qui est souvent un signe de toxicité.
Les sensations trijéminales.
Le cinquième nerf crânien, le nerf trijumeau est formé de trois ramifications principales : Le nerf lingual innerve la cavité
buccale et une partie de la langue ; Le nerf ethmoïde innerve la cavité
nasale. Le nerf ciliaire innerve les yeux.
Pour les 2/3 de la langue le nerf lingual transmet les sensations de température, de texture des aliments et de douleur. Ces informations somesthésiques ne concernent pas les saveurs mais participent à l’élaboration du goût. Les messages transmis par la branche ethmoïde apportent des informations indépendantes des sensations olfacti- ves. Le menthol par exemple stimule ce nerf pour donner une sensation de frais et agit simultanément sur les récepteurs de la langue activés par le froid : un effet rafraîchissant est aussi transmis par le nerf lingual. Ce sont les cellules thermo-réceptrices de la bouche qui sont sensibles au menthol et non les bourgeons gustatifs c’est pourquoi, même chaud, un thé à la menthe rafraîchit.
Dossier Enseignant « A Table » Cap sciences 2004.
Le piment fort à l’inverse du menthol provoque une sensation de brûlure. Il contient un alcaloïde, la capsaïne qui stimule les capteurs sensibles à la douleur sur la langue. La sensation de chaleur ne disparaît pas en buvant de l’eau car la capsaïne n’est pas soluble. Tous les enfants quel que soit leur pays ont une préférence pour les produits sucrés. Ils ont un goût plus sensible que celui des adultes et apprécient rarement les goûts très prononcés des épices, de l’ail, des oignons… Ils font la grimace en mangeant des aliments ayant des saveurs acides ou amères. Ce sont des réflexes ataviques qui ont évité à l’espèce humaine de consommer des poisons quand elle se nourrissait directement des produits de la nature.
Dossier Enseignant « A Table » Cap sciences 2004.
La digestion, c’est la transformation des aliments en nutriments assimilables par l’organisme. Dans le tube digestif, les aliments subissent une série de dégradations mécani- ques et chimiques qui découpent les éléments nutritifs. Les nutriments résultant de la diges- tion sont suffisamment petits pour traverser la paroi poreuse de l’intestin. Ils passent dans le sang et dans la lymphe : c'est l'absorption. Le sang apporte les nutriments à tous les organes du corps. Ils pénètrent dans les cellules où ils sont utilisés comme éléments de construction ou comme source d’énergie. Les aliments non digérés, sont rejetés sous forme d’excrément au niveau de l’anus. En fonction de la nature des aliments consommés, le processus de digestion dure entre 24 et 72 heures. Le cheminement des aliments dans notre organisme permet de passer en revue les différents organes de l’appareil digestif et les glandes annexes qui s’y rattachent. En suivant le parcours qui commence par la bouche et se termine par l’anus, notre nourriture est soumise à deux processus :
Les aliments commencent à subir une transformation mécanique au niveau de la bouche et de l’estomac. Ils sont réduits en bouillie par mastication, broyage et malaxage.
Le seconde transformation est surtout
chimique et se déroule au niveau de l’estomac puis des intestins. Les sucs digestifs constitués d’acide et d’enzymes jouent le rôle de ciseaux moléculaires pour produire des nutriments.
La bouche. Dans la bouche les aliments sont mastiqués, coupés en petits morceaux et écrasés par les dents. Ils sont en même temps imprégnés de salive et humidifiés. Cet amalgame de bouchées liées par la salive s’appelle le bol alimentaire. Il est poussé par les mouvements de la langue vers le fond de la bouche pour être avalé.
La digestion.
Le trajet des aliments dans l’appareil digestif.
Dossier Enseignant « A Table » Cap Sciences 2004.
L’œsophage. C’est un tube creux qui relie la bouche à l’estomac. Dans la partie supérieure, le pharynx oriente et contrôle le passage des aliments. Ceux-ci descendent pendant une quinzaine de secondes dans l’œsophage par péristaltisme : les contractions progressives de la paroi de l’œsophage font avancer les aliments et contribuent à leur brassage mécanique. A la base, un clapet s’ouvre sur l’estomac.
L’estomac. L’estomac est une poche entourée de muscles épais et puissants. Dans ce réservoir, le bol alimentaire est brassé pendant 3 ou 4 heures. Les ondes de contrac- tions produisent un malaxage qui réduit les aliments en bouillie. En même temps, les cellules qui tapissent la paroi interne de l’esto- mac, sécrètent les sucs gastriques (acide chlorhydrique et enzymes). Ces sécrétions pouvant atteindre 2 litres par 24 heures provoquent une dégradation chimique du bol alimentaire dans un milieu très acide.
L’intestin grêle. Cet intestin est un tube replié dans l’abdomen qui mesure sept mètres de long chez un adulte. Ses parois ont une structure assez proche de celle de l’estomac et la bouillie alimentaire (le chyme) est poussée en avant par péristaltisme. On distingue plusieurs segments dans ce long tube: le duodénum (≈ 50 cm ), le jéjunum (≈ 5 m) et l’iléon (≈ 1m) C’est dans l’intestin grêle que se déroule la partie la plus importante de la digestion. A la sortie de l’estomac, les cellules de l’intestin sécrètent le suc intestinal et le duodénum reçoit les sucs digestifs provenant du pancréas et de la vésicule biliaire. Les réactions chimiques de ces enzymes avec le chyme produisent les nutriments. Ces éléments passent dans le sang : c’est le phénomène d’absorption. La fine paroi intestinale interne est entièrement recouverte de micro villosités richement vascularisées. Elle offre ainsi une grande surface d’absorption pour les nutriments.
Le gros intestin. Le gros intestin mesure 1,5 mètre de long. Il fait suite à l’intestin grêle. Ce qui n’a pas été absorbé parvient dans le colon qui renferme des milliards de bactéries Cette flore intestinale permet la fermentation des aliments non digérables. Cette réaction produit des gaz et la réabsorption de l’eau permet la formation des matières fécales qui sont rejetées au niveau de l’anus.
Dossier Enseignant « A Table » Cap Sciences 2004.
BOUCHE
GLANDES SALIVAIRES
OESOPHAGE
PANCREAS
DUODENUM
ESTOMAC
VESICULE BILIAIRE
GROS INSTESTIN
INTESTIN GRELE
RECTUM
ANUS
FOIE
PHARYNX
LES ORGANES DE L’APPAREIL DIGESTIF
Les transformations chimiques des aliments nécessitent trois réactions:
les protides ou protéines (polypeptides) sont fragmentés en acides aminés. les lipides ou graisses (glycérol + acide gras) sont émulsionnés et
convertis en acides gras. les glucides ou sucres (polysaccharides) sont transformés en sucres
simples assimilables comme le glucose ( monosaccharides).
Les sucs digestifs et leurs enzymes. Une enzyme est une protéine capable de déclencher une réaction chimique sans modifier les produits finaux. Ce sont des catalyseurs biologiques fabriqués par les êtres vivants. Les enzymes agissent à très faible dose mais on les retrouve intactes à la fin de la réaction. Elles sont actives dans des conditions plus ou moins strictes de température et d’acidité. La pepsine par exemple présente un maximum d’efficacité à 40ºC dans une solution aqueuse de PH égal à 2. Une enzyme est spécifique d’une réaction chimique déterminée et elle n'agit que sur un type de substrat. Le rôle des enzymes digestives est de découper les aliments en substances de plus en plus petites : elles favorisent une hydrolyse c’est-à-dire, une décomposition sous l’action de l’eau. Les enzymes digestives sont donc des hydrolases.
Macromolécule alimentaire + eau molécules assimilables = nutriments enzyme La salive Dans la bouche, la salive provenant des glandes est mélangée aux aliments. Nous produisons environ un litre et demi de salive par jour. C’est un liquide visqueux facilitant la déglutition et composé à 99% d’eau. Chez l'homme, la salive contient une enzyme appelée amylase. Elle a une action chimique sur l’amidon (polysaccharide) qu’elle scinde en deux sucres plus simples. (Disaccharides : dextrine et maltose.)
Hydrolyse enzymatique de l'amidon. n ( C6 H10 O5 ) + n H2O n ( C12 H22 O11) Les sucs gastriques Le brassage énergique des aliments dans l’estomac conduit à la formation d’une bouillie alimentaire, le chyme, contenant des éléments solides de 1 millimètre environ. La présence de nourriture dans l’estomac déclenche la sécrétion du suc gastrique et du mucus qui se mélangent au bol alimentaire. Le suc gastrique est un liquide incolore fortement acide (PH = 1) contenant de l’eau, de l'acide chlorhydrique et des enzymes qui décomposent les aliments : la lipase gastrique
Les transformations chimiques des aliments.
Dossier Enseignant « A Table » Cap Sciences 2004.
agit sur les graisses (agrégation des gouttes), la pepsine découpe les grosses protéines comme l’albumine, la présure fait coaguler les protéines du lait. La pepsine et la présure deviennent actives en milieu acide. Le mucus se dépose sur les parois de l’estomac pour le protéger des acides et des enzymes. Il y a aussi une absorption d’eau, de sels minéraux et les éléments prédigérés passent graduellement dans l’intestin grêle par le pylore à la base de l’estomac. Les sucs intestinaux. Dans le duodénum, la partie supérieure de l’intestin grêle, les éléments prédigérés déversés par l’estomac, subissent l’action de trois sucs digestifs puissants : le suc pancréatique, le suc intestinal et la bile. C’est dans cette partie du tube digestif que se déroule l’étape la plus importante de la digestion chimique et l’hydrolyse complète de la plupart des aliments. Le transit dure environ 5 heures durant lequel il y a absorption des nutriments et réabsorption d’eau. Le suc intestinal renferme de l'entérokinase qui active des enzymes : des saccharases, des maltases, des lactases et des peptidases. La première enzyme duodénale, la sécrétine neutralise l’acidité gastrique qui permet l’action digestive du suc pancréatique. La deuxième enzyme sécrétée est la CCK qui provoque les contractions de la vésicule biliaire, la bile arrive dans le duodénum par le canal cholédoque. Le suc pancréatique arrive à l’intestin grêle par différents canaux. La sécrétion est stimulée par la consommation de protéines et de graisses. Le pancréas est une glande annexe de l’appareil digestif qui produit environ 2 litres de suc par jour. Ce liquide incolore au PH neutre est le plus important pour la digestion. Il contient plusieurs enzymes : deux protéinases (la trypsine et la chymotrypsine) découpent les protéines, une lipase décompose les graisses, l’amylase achève l’hydrolyse de l’amidon en maltose qui sera ensuite transformé en sucres simples assimilables (glucose et fructose). La bile est synthétisée par le foie et stockée dans la vésicule biliaire. La présence de graisse dans l’estomac et dans le duodénum provoque la sécrétion de bile dans l’intestin grêle. Les sels biliaires (glycocholate et taurocholate de sodium) jouent un rôle important dans la digestion et l'absorption des graisses. En se combinant avec les lipides, la bile forme des micelles solubles dans le sang. Sans la bile les lipides ne sont pas digérés. La flore bactérienne. Le gros intestin ne produit pas d’enzymes mais renferme une flore bactérienne très importante et variée qui participe à la digestion. Ces bactéries transforment l’urée en ammoniac et participent à la fermentation des glucides non absorbés au niveau de l’intestin grêle. Dans cette partie terminale du tube digestif, il y a une absorption de l’eau qui provoque une concentration des matières fécales. Après cette déshydratation des selles, il ne reste que les substances non digérées et la cellulose au niveau du colon. Dossier Enseignant « A Table » Cap Sciences 2004.
La digestion des glucides. La digestion des glucides commence dans la bouche et se poursuit dans l’intestin. L’amidon, le composant principal des féculents, est une molécule de réserve énergétique. Ce glucide complexe est une macro molécule formée de molécules plus petites (plusieurs centaines de molécules de glucose). L’amidon insoluble dans l’eau est découpé par l’amylase salivaire puis par l’amylase pancréatique pour produire des disaccharides (maltose.) Ces sucres sont encore dégradés dans l’intestin pour former du glucose soluble. ( mono-saccharide) Il est absorbé par les cellules intestinales et passe directement dans la circulation sanguine. D’autres sucres comme le lactose et le saccharose, présents dans notre alimentation, sont dégradés au cours de la digestion. Les fibres alimentaires sont aussi constituées de sucres complexes. Le principal constituant est la cellulose mais l’homme ne possède pas l’enzyme, la cellulase, pour la dégrader. Les fibres fermentent au niveau du gros intestin en produisant des gaz , des acides gras volatils nécessaires au bon état de l’intestin et elles facilitent le transit des selles.
La digestion des protéines. La dégradation chimique des protéines qui sont constituées par de très longues chaînes d’acides aminés, débute dans l’estomac. Grâce à l ‘acidité, les tissus conjonctifs autour de la viande sont dissous et la pepsine, une enzyme protéase, débite les grosses molécules protéiques en peptides. En sortant de l’estomac, ces peptides sont hydrolysés dans le duodénum par les enzymes du suc pancréatique : les peptidases découpent les peptides en acides aminés ou peptides plus petits. La caséine par exemple est une protéine du lait. Elle est hydrolysée par la trypsine, la pepsine et la chymotrypsine en polypeptides qui sont à leur tour hydrolysés en acides aminés par les peptidases.
La digestion des lipides. Les lipides de l’alimentation humaine sont en grande partie constitués de triglycérides, de phospholipides et de stérols. Les lipides ont la propriété d’être hydrophobes, ils sont très peu solubles dans l'eau. Leur absorption au niveau de la barrière intestinale est résolue de manière particulière : ils doivent être émulsionnés comme les gouttes d’huile dans une vinaigrette pour être assimilées par l’organisme. Dans le duodénum, la digestion permet de former des micelles, c’est-à-dire des gouttelettes minuscules de 0.5 micron en suspension dans le milieu aqueux du tube digestif. Cette émulsion est amorcée par brassage mécanique et les sels biliaires assurent la formation complète des micelles de triglycérides. Les lipases et les phospholipases produites par le pancréas hydrolysent ensuite les lipides avec un maximum d’efficacité. La réaction catalysée par la lipase se fait par étapes : Triglycéride + eau diglycérides + acide gras Diglycéride + eau monoglycérides + 2 acides gras Monoglycéride + eau monoglycérides + 3 acides gras Les monoglycérides, sous l'action de la lipase, se décomposent en glycérol et en acide gras. La digestion des lipides aboutit dans l'intestin à un mélange de monoglycérides, de di et de triglycérides non encore complètement hydrolysés, de glycérol, d'acides gras, de phospholipides et de cholestérol. Lorsqu’elles sont suffisamment petites, les micelles sont absorbées par les parois de l’intestin.
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L’intestin grêle est l’organe principal de l’absorption des nutriments. Ce processus est facilité par la longueur de l’intestin grêle et par les villosités qui développent une surface d’échange très importante estimée à plus de 250 m2. Un réseau très dense de vaisseaux sanguins et lymphatiques est présent dans les micro villosités. Les cellules de la paroi intestinale permettent le passage des produits de la digestion vers le milieu interne de l’organisme. L’absorption peut se faire de manière spécifique vers le système sanguin ou vers le système lymphatique. Le sang draine tous les nutriments solubles dans l’eau comme les minéraux, les vitamines, les sucres simples, les acides aminés, le glycérol, les acides gras à chaîne courte. Les vaisseaux lymphatiques transportent les molécules solubles dans les graisses. Le passage de l’eau et de certains ions minéraux se fait de manière passive mais le transport se fait de manière active pour le glucose, les acides aminés, les ions sodium. L’absorption est plus ou moins sélective en fonction des besoins de l’organisme. Les membranes cellulaires de nature lipidiques sont hydrophobes et imperméa- bles à la plupart des molécules polaires (chargées électriquement.) Grâce à cette propriété, elles empêchent la plupart des composants hydrosolubles de s’échapper de la cellule. Pour ingérer des substances nutritives essentielles et excréter les déchets métaboliques, les cellules ont dû développer des systèmes particuliers pour transporter des molécules hydrosolubles à travers leurs membranes.
L’absorption des nutriments.
MICROVILLOSITES
cellules épithéliales
artériole chylifère veinule lymphatique
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Ce transport actif de molécules hydrosolubles à travers la membrane cellulaire est possible grâce à des protéines transmembranaires spécialisées. Les ions, les oses, les acides aminés, les nucléotides utilisent chacun des protéines de transport membranaires particulières. Ces molécules transporteuses utilisent de l’énergie par dégradation de molécules d’ATP. Le transport actif permet ainsi au glucose de passer à travers la paroi du tube digestif même si sa concentration dans l'intestin est très faible. Les molécules de sucre doivent entrer dans les cellules de la membrane et les traverser pour en sortir. Le glucose utilise son transporteur moléculaire spécifique qui lui permet de traverser la membrane en même temps que deux ions sodium. Ils entraînent le glucose contre son gradient de concentration tant que la concentration en sodium dans la cellule demeure inférieure à celle dans l'intestin. Le glucose qui a pénétré dans la cellule avec le sodium en ressort de l'autre côté par transport passif. Le transport passif se fait par la différence de concentration entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule. Les glucides pénètrent dans les vaisseaux qui les conduisent vers le foie. Pour les lipides, les micelles ont une enveloppe formée par les sels biliaires et elles contiennent au centre les composés lipidiques insolubles. Ainsi structurées dans le duodénum, les micelles sont absorbées dans le jéjunum par endocytose, un mécanisme de transport complexe de grosses molécules vers l'intérieur de la cellule. Les micelles une fois endocytées sont désorganisées. Les acides gras à courte chaîne, relativement hydrosolubles, sont déversés dans le sang où ils sont associés à l'albumine pour être véhiculés jusqu'aux cellules. Les produits moins hydrosolubles comme les acides gras à longues chaînes rentrent dans les cellules épithéliales (milieu interne), perdent les sels biliaires et vont être réorganisés en vésicules lipoprotéiques qui sont des modules de transport des lipides hydrophobes. Ils sortent ensuite de la cellule pour rejoindre les capillaires lymphatiques où ils forment avec l’eau un liquide laiteux. Ces lipides rejoignent le système sanguin au niveau de la veine cave supérieure. Les sels minéraux et les vitamines indispensables ne subissent aucune transformation. En solution dans l’eau, ils sont absorbés intacts et passent dans le sang. Une grande quantité d’eau est nécessaire pour la digestion : 7 litres d’eau doivent circuler chaque jour dans le tube digestif. Comme nous buvons en moyenne un litre et demi d’eau par jour et que les selles en contiennent peu (0,1 litre) une grande partie est réabsorbée et réutilisée dans les processus digestifs.
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Le corps humain est une unité fonctionnelle très structurée, constituée de nombreux systèmes travaillant en constante interaction. A la manière des poupées russes, chaque niveau se combine dans un ensemble englobant les niveaux précédents. Les éléments de construction d’un organisme sont, en allant du plus complexe vers le plus simple : L’organisme, les systèmes ou appareils, les organes, les tissus, les cellules. La cellule est l’unité élémentaire de vie. Moyen
d’observation Structure organique
Ordre de grandeur
œil
système
Entre 1 et 10-1 mètre L’appareil digestif est l’ensemble des organes qui assurent une fonction de digestion. Il comprend le
tube digestif et les organes indispensables à la digestion : glandes salivaires, pancréas, vésicule
billiaire et foie.
loupe
organe
Entre 10-1 et 10-2 mètre
Un organe est une structure anatomique constituée de différents tissus, qui exerce une fonction organique ou physiologique déterminée. Par exemple, l'estomac est
un organe et sa fonction est la digestion.
microscope
tissus
Entre 10-3 et 10-4 mètre
Un tissu est formé par des cellules différenciées et constitue une association locale et fonctionnelle.
La peau est un organe composé de plusieurs tissus : épiderme, derme, endoderme…
microscope
cellule
Entre 10-5 et 10-6 mètre
La cellule est la plus petite unité capable de manifester les propriétés du vivant : elle se nourrit en
utilisant les éléments du milieu extracellulaire, elle croît, se multiplie et meurt. Toutes les cellules
contiennent le matériel génétique (ADN).
Différents niveaux d’organisation structurale.
Quelques repères sur l’échelle du vivant.
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Les aliments (viandescomplexes qui renfermedigestion est une transfoà la production de ces nniveau de l’intestin grêcellules de l'organismeéléments indispensablesLes nutriments sont répa
les glucides les lipid
Aliments et nutrim
Dans chacune de ces 5composés sont indispende l’oxygène, nos alimenl’on trouve dans les prquatre vitamines liposolpas les produire, nous d La valeur énergéti
Certains nutriments d'énergie importante putilise cette énergie podu corps et assurer daliments transformés enune source d’énergie chl’organisme en énergie mLa valeur énergétique den Calories puis converla valeur énergétique duun calorimètre puis on lchaleur libérée au coursC6H12O6 + 6O2 ---> 6C
La nutrition.
a nutrition est une science qui étudie les multiples elations de l’être humain avec la nourriture. Elle concerne e nombreuses disciplines scientifiques et s’intéresse otamment aux processus biologiques entourant’utilisation des nutriments, à la santé alimentaire, aux esoins nutritifs des populations, à l’étude des omportements et aux productions agroalimentaires.
, céréales, légumesnt des éléments de barmation mécanique eutriments assimilable
le, ceux-ci passent d l'énergie nécessaire à leur métabolisme, rtis en 5 catégories :
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catégories, il existe dsables à la croissancets doivent obligatoire
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constituent une sour le corps. L’orgaur maintenir la tempées processus vitaux
nutriments constituenimique qui est converécanique et thermiques nutriments est me
tie en Joules. Pour m glucose, on le place
e fait brûler pour mes la réaction suivante : O2 + 6H2O + chaleu
Dossier Enseignant « A Tab
, fruits...) sont des substances se qu'on appelle les nutriments. La t chimique des aliments qui aboutit s et nécessaires à l’organisme. Au ans le sang et apportent à toutes pour leur fonctionnement et les leur réparation et leur multiplication.
les vitamines
les sels minéraux
es substances différentes. Certains et à la santé. En dehors de l’eau et ment fournir huit acides aminés que gras, dix vitamines hydrosolubles, raux. Notre organisme ne pouvant notre alimenta ion.
ts.
ource nisme rature . Les t donc tie par e. surée
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le » Cap Sciences 2
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004.
Cette réaction d'oxydation libère totalement l'énergie contenue par le glucose car les produits de la réaction (H2O et CO2) ont une énergie nulle. Dans cette équation, une mole de glucose (180 g/mol ) libère 2860 Kj donc 1 gramme de glucose donne 2860/180 = ~ 17 kJ. En faisant de même avec les protides et les lipides on aboutit au tableau suivant: Par définition, une calorie est la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1° Celsius la température de 1 gramme d’eau de 14,5°C à 15,5° C. L’unité internationale d’énergie mécanique est le Joule ( 1 cal = 4,18 J ).
1 g de glucides 17 kJ 4 kcal.
1 g de protides 17 kJ 4 kcal.
1 g de lipides 38 kJ 9 kcal.
Le rôle des nutriments.
Les glucides.
Les glucides sont présents en grande quantité dans notre alimentation et fournissent environ 60% de l’énergie dont nous avons besoin. L’amidon et les sucres sont d’origine végétale. Leur dégradation aboutit à la formation de glucose qui représente l’étape finale de la digestion des glucides, C’est le principal combustible de notre organisme. Le glucose absorbé par l’intestin grêle passe dans le sang. Sa concentration, la glycémie, y est régulée en permanence. Une fois entré dans la cellule, le glucose peut être : - Utilisé directement par la cellule pour fournir de l’énergie. La respiration
cellulaire permet de « brûler » ce sucre pour fournir l’énergie nécessaire à la contraction musculaire.
- Stocké dans les cellules du foie et des muscles sous forme de glycogène afin de servir de réserve d’énergie. L’insuline transforme le glucose en glycogène, le glucagon fait la transformation inverse.
- En cas d’excès, l’organisme peut aussi transformer le glucose en acides gras (triglycérides.) Ceux-ci sont stockés dans les tissus adipeux, prêts à être consommés si l’apport alimentaire devient trop faible.
Les aliments riches en glucides Les aliments contenant des glucides fournissent aussi des protides, des lExemples : le pain, les céréales, lesemoule), les racines tubéreuses ( caharicots, lentilles). Les aliments à base de sucre raffindiététique. Ils sont riches en calorienutritifs. Exemples : la confiture, le ch
Dossier Enseign
complexes sont énergiquement riches et ils ipides, des vitamines et des sels minéraux. s féculents ( pommes de terre, riz, pâtes, rottes, betteraves), les légumes secs ( pois,
é sont moins intéressants du point de vue s mais pauvres pour les autres éléments ocolat, les pâtisseries, les boissons sucrées.
ant « A Table » Cap Sciences 2004.
La séparation classique entre sucres rapides et sucres lents n’est pas exacte : certains aliments contenant de grosses molécules se digèrent très rapidement (le pain par exemple). Aujourd’hui les nutritionnistes classent les glucides selon l’index glycémique c’est-à-dire la rapidité avec laquelle ils font monter la glycémie.
Les protides. Les protides ou protéines constituent plus de la moitié en poids sec du corps humain. Ce sont de très grosses molécules formées par une succession d’acides aminés. Il existe des milliers de protéines différentes mais seulement vingt acides aminés dans tout le monde vivant. On distingue : - les protéines de structure, qui consti
d’actine et de myosine des muscmatériaux de construction des cellules
- les enzymes sont des protéines qui fad'autres molécules. Ce sont des ageElles ont un rôle actif comme catl’organisme (par exemple, les enzanticorps qui nous protègent contre le
Les protides se trouvent en grande quanou animale. Ils sont dégradés par des efournir les acides aminés indispensablespeuvent pas être synthétisés par l’orl’alimentation. Un régime alimentaire doessentiels dans des proportions spécifiqud’en eux vient à manquer, les autres acmétabolisme et sont transformés en comrégime trop riche en protéine le surpénergétique. Les aliments riches en protides A l’exception de l’huile et du sucre, preprotéines en quantité et en qualité variariches en protéines et contiennent tous poissons, œufs, fromages,…). L’associatrecommandée. La consommation doit secorporelle soit pour un adule de 70 kg unjour. Les qualités nutritionnelles de ces aaussi des vitamines et des éléments mcuivre ...)
Dossier Enseignant « A
tuent nos tissus (par exemple les fibres les). Elles ont un rôle passif comme . briquent, transforment ou reconnaissent
nts de communication entre les cellules. alyseurs de réactions chimiques dans ymes participent à la fabrication des s microbes ou les virus.)
tité dans les aliments d’origine végétale nzymes digestives, les protéases, pour . Parmi les vingt acides aminés, huit ne
ganisme et doivent être apportés par it donc comporter ces 8 acides aminés es pour la croissance et la santé. Si l’un ides aminés ne sont pas utilisés par le posés énergétiques. Dans le cas d’un
lus est dégradé et stocké en réserve
sque tous les aliments contiennent des ble. Les aliments d’origine animale sont les acides aminés essentiels. (Viandes, ion de protéines animale et végétale est situer autour de 0,8 g par kilo de masse apport de 56 grammes de protéines par liments sont importantes car ils apportent inéraux ( fer, calcium, phosphore, zinc,
Table » Cap Sciences 2004.
Dans les régimes végétariens, il est conseillé de manger des œufs cuits pour limiter les carences en protéines. (L’ovalbumine crue n’est pas assimilable par l’organisme.) Chez les femmes et les enfants, le manque de viande et de poissons peut entraîner des carences en fer à l’origine d’anémies et de fatigues importantes. Il faut alors opter pour des légumes riches en fer, tels que les légumes secs. Avec le végétalisme, qui exclut tout produit d’origine animale, un régime alimentaire correct est très compliqué. Il faut trouver un équilibre entre les légumes et les céréales. Il peut être difficile de poursuivre longtemps de tels régimes car il y a risque de carences multiples (vitamines, minéraux et protéines.)
Les lipides
Les lipides fournissent une quantité d’énergie deux fois supérieure à celle des glucides et des protides. Ils sont facilement stockés par l’organisme et constituent des réserves. Une personne de 65 kg dispose de 8 à 10 kg de lipides, soit 72 000 à 90 000 calories disponibles. Les lipides sont apportés par l’alimentation, mais l’organisme peut en fabriquer à partir des glucides surabondants. Dans les pays industrialisés où la nourriture est généralement abondante, l’excès de graisses est devenu un véritable problème sanitaire. Le besoin journalier de lipides est variable selon les individus mais ne doit pas dépasser 30 à 35 % des calories quotidiennes. Les lipides sont des graisses qui se trouvent dformes : les triglycérides qui ont essentiellemenphospholipides formées à partir de diglycérides quniveau des membranes cellulaires. Les glycécontiennent des acides gras. Il existe une autre famlaquelle on trouve le célèbre cholestérol. Ce sont ade certaines hormones (les stéroïdes) et de eucaryotes. La digestion dégrade les lipides, la bacides gras des triglycérides et des phospholipideà la constitution des cellules, au métabolisme du ch En fonction de leur structure chimique, on distingsont principalement d’origine animale et les ainsaturés et poly-insaturés). Parmi les insaturés,indispensables pour l’homme : l’acide linoléique sont dits essentiels car l’organisme ne peut les apportés par alimentation (dans la viande et le lait d Dossier Enseignant « A Table » Cap
ans l’alimentation sous deux t un rôle énergétique et les i ont un rôle physiologique au rides et les phospholipides ille de lipides, les stérols dans
ussi les composants essentiels la membrane cellulaire des ile et les lipases séparent les s. Ceux-ci sont indispensables olestérol.
ue les acides gras saturés qui cides gras insaturés (mono-
on trouve deux acides gras et l’acide alpha-linoléique. Ils synthétiser et ils doivent être es ruminants).
Sciences 2004.
Les bons et les mauvais Acides Gras.
En dehors de leur qualité énergétique, les acides gras ont un
-
-
L Liafc Lclmdcp Lssd
rôle structurel essentiel car ils sont incorporés dans les phospholipides des membranes cellulaires. Ils permettent d’assurer la fluidité membranaire et de maintenir l’équilibre entre les échanges externes et internes de la cellule. Les propriétés des acides gras sont directement liées à leur forme :
Les acides gras saturés ont une forme linéaire. Ils sont généralement solides à température normale. Les principales sources sont les aliments d'origine animale : viande, volaille, produits laitiers. Ces molécules forment des structures compactes qui ont tendance à rigidifier les membranes cellulaires et à limiter les échanges. Les graisses saturées circulant dans le sang augmentent aussi le taux de cholestérol.
Les acides gras insaturés ont une forme en V ou en U qui favorisent la fluidité membranaire car l’empilement des phospholipides est moins compact. Les acides gras polyinsaturés sont généralement liquides à la température de la pièce et se retrouvent principalement dans les huiles végétales (maïs, soja, tournesol, noix, lin). Ils permettent de réguler le taux de cholestérol dans le sang et sont indispensables à la croissance de l’enfant, à la régénération des tissus de la peau.
e cholestérol.
e cholestérol ne fournit aucune énergie mais c’est un composé lipidique ndispensable à la vie. On le trouve au niveau du cerveau, de la moelle épinière insi que dans certaines hormones. Il joue un rôle essentiel dans le onctionnement du système nerveux, entre dans la formation des membranes ellulaires et intervient dans la fabrication de sucs digestifs.
a majeure partie du cholestérol de notre organisme est fabriquée par le foie. Le holestérol présent dans les aliments tels que les oeufs, les abats, le beurre, le
ait entier est donc un élément dont le corps peut se passer car il en fabrique lui-ême. Si l'apport alimentaire en cholestérol est élevé, une partie n'est pas igérée et est rejetée directement. On ne peut pas parler de bon ni de mauvais holestérol alimentaire, cette distinction ne s'applique qu'au cholestérol produit ar le corps humain, le cholestérol endogène.
e cholestérol circule dans le sang mais c’est une substance lipidique, qui ne peut e déplacer sans aide dans un milieu aqueux. Il est transporté par des protéines pécialisées dans le transport du gras : les lipoprotéines. La nature de celles-ci étermine ce qu’on appelle un « bon » et un « mauvais » cholestérol :
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- Les lipoprotéines à basse densité ou LDL constituent le "mauvais" cholestérol. Elles vont chercher le cholestérol au foie, la manufacture principale, pour le transporter vers les cellules. Lorsque la quantité de cholestérol transportée par les LDL est excessive, les surplus collent à la paroi des artères. Ces dépôts donc peuvent provoquer des troubles cardio-vasculaires.
- Les lipoprotéines à haute densité ou HDL représentent le "bon" cholestérol.
Car elles ramassent l'excès de cholestérol présent dans le sang et les cellules, et peuvent même s'attaquer au cholestérol collé aux artères. Elles le ramènent au foie qui se charge alors de l'éliminer par la bile. Plus le taux sanguin de HDL-cholestérol est élevé, plus le risque d’artériosclérose est faible. Le HDL uni aux acides gras essentiels des huiles vierges est assimilable par l'organisme.
Le traitement chimique des huiles par l'adjonction de produits anti-oxydants forme des acides gras saturés, c'est-à-dire à structure chimique "fermée". Ces molécules se combinent mal avec le cholestérol présent dans les artères sous forme de dépôts lipidiques appelés athéromes. A l'inverse, on parle d'acides gras insaturés lorsque, en raison de leur structure chimique ouverte, ils sont avides, par affinité, de s'unir à d'autres substances, principalement le cholestérol, de manière à former un nouveau composé toujours assimilable. Les personnes ayant un taux de cholestérol élevé peuvent grandement limiter les risques d’incidents cardiovasculaires en veillant dans leur alimentation à : 1. Choisir des produits laitiers moins gras, des viandes plus maigres et des aliments préparés avec peu ou pas de matières grasses. 2. Choisir des margarines molles plutôt que des margarines dures. 3. Manger moins d'aliments contenant des graisses et huiles partiellement hydrogénées. 4. Substituer les gras saturés pour des gras mono et poly insaturés en variant l’origine des graisses et des huiles, et en faisant preuve de modération. 5. Consommer des aliments d'origine végétale plutôt qu'animale (aucun cholestérol dans les produits d'origine végétale tels que fruits, légumes, céréales, noix et graines). 6. Maintenir un poids désirable en faisant de l’exercice physique. 7. Manger des aliments riches en glucides complexes ou fibres alimentaires, particulièrement en fibres solubles. La consommation d'aliments riches en fibres alimentaires est recommandée pour abaisser la cholestérolémie. Les aliments riches en lipides Les acides gras saturés se trouvent dans les graisses animales ou dans les graisses végétales après saturation par hydrogénation. (beurre, margarine, graisse d’oie, saindoux) Les lipides d’origine végétale sont plus riches en acides gras insaturés. On les trouve dans les huiles (huiles d’olive, de soja, d’arachide,…), mais aussi dans les poissons gras (maquereau, hareng, saumon, sardine, thon, truite) ainsi que dans les fruits secs (noix, noisettes, cacahouètes etc..) Les fruits et les légumes ( sauf l’avocacontiennent pas de lipides.
Dossier Enseignant « A Table » Cap Sciences 2
t et les fruits secs) ne
004.
Les sels minéraux. Les sels minéraux ne constituent pas une source énergétique, mais ils sont indispensables à la vie. Ils entrent dans la composition des tissus, participent à la conduction de l’influx nerveux, au fonctionnement musculaire, aux réactions enzymatiques. Ils sont présents en quantités importantes dans le corps humain dont ils représentent 4% du poids. Ces éléments sont éliminés régulièrement au niveau des reinchaque jour des quantités suffisantes. Ominéraux : - les éléments principaux dont l’organism
sodium, le potassium, le magnésium, le- les oligo-éléments (oligo = peu, en g
quantité : le cuivre, le zinc, le manganèle sélénium.
Les oligo-éléments. Ces substances minérales se trouvent danUne carence d’un de ces éléments miessentiels pour la santé mais on ne connadans l’organisme. L’iode est nécessaire à la synthèse des hoDes millions de personnes dans le monde qui provoque des goitres et des retards met le zinc sont importants pour la formationles dents protège contre les caries. L’eau C’est la seule boisson indispensable à la être complété en buvant régulièrement auboire en moyenne 1,5 litres d’eau par joueaux minérales sont riches en calcium evarier les sources.
Dossier Enseignant «
s et notre alimentation doit en apporter n distingue deux catégories de sels
e a grandement besoin : le calcium, le fer et le phosphore. rec) qui sont nécessaires en petites
se, l’iode, le chlore, le fluor, le cobalt et
s l’organisme en très petites quantités. néraux montre cependant qu’ils sont ît pas encore précisément leur fonction
rmones de croissance par la thyroïde. souffrent encore d’une carence en iode entaux chez les nourrissons. Le cuivre des enzymes et le fluor présent dans
vie. L’apport en eau des aliments doit cours de la journée. Il est conseillé de r pour un adulte sédentaire. Certaines t en magnésium et il est conseillé de
A Table » Cap Sciences 2004.
Les principaux éléments minéraux.
SELS
MINERAUX
FONCTION POUR L’ORGANISME SOURCES
Calcium 90% du calcium est stocké dans les os dont il assure leur solidité. C’est un régulateur de l’excitabilité nerveuse et un constituant cellulaire.
Lait et produits laitiers, jaune
d'œuf, légumes secs.
Sodium
Elément minéral le plus important dans tous les liquides extracellulaires et notamment le sang. Il régule l'équilibre osmotique de la cellule. Une alimentation trop riche en sel favorise une élévation de la pression artérielle.
Sel de cuisine, œufs, viandes,
conserves, eaux minérales, lait,
charcuterie, poisson.
Potassium
A l’inverse du sodium, c'est le principal élément minéral intracellulaire. Il est nécessaire à l'activité musculaire et au muscle cardiaque. Une carence en potassium entraîne parfois des crampes.
Fruits, légumes secs, banane,
poissons, viandes, chocolat.
Magnésium
Il est indispensable au métabolisme cellulaire, et au potentiel électrique des cellules musculaires et nerveuses. Un manque de magnésium peut entraîner des faiblesses musculaires, des crampes, de crises de tétanie ou des troubles digestifs.
Chocolat, légumes secs, fruits de mer.
fruits.
Fer
Un des constituants fondamentaux des globules rouges (hémoglobine.) Il est aussi important pour la respiration cellulaire. Le fer est indispensable pour traiter et prévenir les anémies, mais un excès de cet élément peut être dangereux pour le cœur. Le thé et le café diminuent son absorption intestinale.
Abats, foie, viandes, jaune d'œuf, fruits,
chocolat, légumes secs, vin.
Phosphore
Avec le calcium, il est indispensable à la constitution du tissu osseux. Il intervient aussi dans le métabolisme énergétique pour la transformation des nutriments. Une carence en phosphore est exceptionnelle.
Pratiquement présent dans tous
les aliments, notamment le lait, les produits laitiers, le jaune d'œuf, le
pain et les légumes secs.
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Les vitamines. Les vitamines sont des substances organiques nécessaires à l'organisme et présentes en très petite quantité. Elles sont toutes indispensables à l'entretien des tissus. Certaines d’entre elles se comportent comme des hormones ou se conjuguent avec les sécrétions des glandplus nombreuses jouent le rôle d’enzymes activant lbiochimiques de l'organisme. Elles ont une action très importavie cellulaire. Elles interviennent dans le métabolisme libération et l'utilisation de l'énergie fournie aux cellules paglucides et les lipides seraient bloquées si ces substances veil s'agit bien de facteurs vitaux.
Les différentes vitamines. On range les vitamines en 2 groupes :
- les vitamines liposolubles ou solubles dans les corps gras- les vitamines hydrosolubles ou solubles dans l'eau : C et c
VITAMINES
LIPOSOLUBLES
FONCTION POUR L’ORGANISME
A
Elle est indispensable à la vision et à la croissance de certains organes et tissus. (Os, peau.) La vitamine intervient dans la synthèse de certaines hormones et dans les mécanismes immunitaires. Sa carence entraîne des problèmes de vision et des lésions oculaires pouvant aller jusqu'à la cécité.
Présle
anmtho
caro
D
Elle agit comme une hormone, régule l'absorption du calcium et du phosphore. Elle joue un rôle essentiel dans la minéralisation des os. Pour être utilisable par l'organisme la vitamine D a besoin de l'action des rayons ultraviolets du soleil. Elle est en effet modifiée au niveau de la peau par les UV. Chez l'enfant, la carence en vitamine D entraîne le rachitisme.
Lesfoie
surt
E
Elle a un effet protecteur pour des cellules de l'organisme. (rôle d’antioxydant.) Elle intervient dans la synthèse des globules rouges. Les carences en vitamine E sont très rares.
oléa
K Nécessaire à la coagulation du sang. Produite dans l'organisme par les bactéries intestinales et apportée par l'alimentation. Les besoins en vitamine K sont largement couverts par l'alimentation.
Cho
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es endocrines. Les es transformations nte au niveau de la
des nutriments, la r les protéines. Les naient à manquer :
: A, D, E, K. elles du groupe B
SOURCES
ente uniquement dans s aliments d'origine imale, surtout le foie ais aussi le beurre le n, jaune d’œuf … Le tène est transformé en vitamine A dans
l’organisme.
œufs, le beurre et le , le poissons gras et
out les huiles extraites du foie de certains poissons (morue).
Huiles de graines gineuses, germes de blé, margarine.
ux, épinards, tomates.
Dans les pays riches, l’alimentation permet généralement de couvrir tous les besoins en vitamines. A part la vitamine D, elles ne sont pas synthétisées par notre corps et doivent être présentes dans nos aliments. Des apports insuffisants en vitamines provoquent des perturbations biologiques plus ou moins graves. Il ne suffit pas de savoir que tel aliment contient des vitamines, encore faut-il qu'elles ne soient pas entièrement détruites par la cuisson ou l'oxydation. Les transformations font perdre des vitamines aux fruits et aux légumes. Pour limiter cette perte et conserver des vitamines présentes dans les aliments, on a intérêt à éviter une cuisson prolongée et à utiliser la plus petite quantité d’eau possible.
VITAMINES
HYDRO SOLUBLES
FONCTION POUR L’ORGANISME SOURCES
C
Elle est nécessaire à la synthèse des vaisseaux sanguins et des muscles, favorise l'absorption du fer présent dans les aliments, intervient dans plusieurs mécanismes hormonaux. joue un rôle dans l'élimination des substances toxiques et a des propriétés anti-oxydantes. Une déficience en vitamine C peut diminuer la résistance aux infections. La carence grave se traduit par une maladie appelée le scorbut : fatigabilité extrême, douleurs, altération des gencives.
Cassis, poivrons crus, agrumes,
fruits.
B
La vitamine B1 intervient dans la dégradation des sucres et dans l'utilisation des réserves énergétiques de l'organisme. La carence grave en vitamine B1 provoque le béribéri que l'on trouve dans des pays en développement. La vitamine B2 est nécessaire à la fabrication de nombreuses enzymes. Les dérivés de cette vitamine interviennent dans la dégradation des acides gras, des acides aminés et des protéines. Il n'existe pas de maladie due à la carence en vitamine B2. La vitamine PP ou B3 intervient dans la dégradation du glucose. Sa carence entraîne une maladie appelée la pellagre avec des problèmes cutanés, digestifs et nerveux. La vitamine B6 joue un rôle important dans la synthèse des lipides et des protéines comme l'hémoglobine. Sa carence provoque des signes cutanés, des dépressions, des anémies et des problèmes immunitaires. L'acide folique B9 intervient dans le métabolisme des acides aminés. La carence chez l'homme entraîne une anémie et peut parfois conduire à l'anorexie ou à la dépression. La vitamine B12 intervient dans de nombreuses réactions chimiques de l'organisme. Sa carence entraîne principalement une anémie
Céréales, légumes secs,
viande de porc et œufs sont riches en vitamine B1.
Viandes, poissons, abats
légumes secs, certains fruits,
café torréfié sont riches en vitamine
PP.
Viandes, poissons et crustacés.
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> Qualité & Environnement
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L a qualité du vin est un para-mètre non mesurable et donc
très difficilement manipulable car il est, par définition, non quan-titatif. La somme des données résultant de l’analyse physico-chi-mique et de l’analyse sensorielle d’un vin ne nous renseigne que très peu sur sa qualité. Pourtant, qu’ils soient producteurs, négo-ciants, chercheurs, économistes, sommeliers ou œnologues, de nombreux professionnels du vin trouveraient avantage à une quantification de la qua-lité. Cette démarche implique-rait d’une part une explicitation des différentes composantes de la qualité et d’autre part une connaissance approfondie des outils de mesure de ces diffé-rentes composantes. C’est ce dernier aspect qui sera abordé ici en nous focalisant sur un outil particulier : l’homme.Le monde du vin véhicule un certain nombre d’idées reçues plus ou moins fantasmatiques quand aux capacités des « ex-perts ». Nous avons eu l’oc-casion en 1999 de « tester » certains sommeliers des plus grands restaurants parisiens, sommeliers réputés et particu-lièrement entraînés. Qu’il nous soit donné ici l’occasion de les remercier, puisqu’ils ont accepté notre proposition sachant perti-nemment qu’ils avaient plus à perdre qu’a gagner en se prêtant à ce type d’exercice.
Discrimination olfactiveNous avons en premier lieu comparé les capacités stricte-
ment sensorielles de ces ex-perts avec celles de novices dans le domaine du vin. Les novices étaient des étudiants n’ayant pas de connaissance particulière dans le domaine du vin et ne consommant que très rarement du vin. L’épreuve, strictement olfactive, consistait en un test triangulaire. Le prin-cipe de ce test est de proposer trois verres de vin aux sujets en leur indiquant que deux verres contiennent le même vin. Le sujet doit, après avoir senti les trois verres, désigner le verre contenant le vin différent des deux autres. Ce test présente l’avantage de ne pas impliquer d’analyse descriptive verbalisée des vins. Le choix résulte d’une perception olfactive globale. Les aspects culturels associés à la dégustation des vins (connais-sance des vins, méthode d’ana-lyse, vocabulaire, etc.) n’étant pas
requis dans cette épreuve, on peut considérer que ce test donne accès aux capacités de discrimination strictement sensorielles des sujets.Sur l’ensemble des sujets ayant participé à ce test (professionnels et non professionnels), le nombre minimum de fautes a été de 3 sur 27 plateaux présentés. Ce simple résultat montre que la discrimination olfactive des vins est en elle-même un exercice complexe pour lequel l’être humain se trouve à la limite de ses capacités.Cependant, les résultats obtenus sur l’ensemble des sujets (figure 1) montrent que les vins sont différenciés significativement par rapport au hasard. Il faut néanmoins avoir recours à la statistique pour juger de la significativité de ces différences.La comparaison des résultats obtenus entre professionnels et novi-ces ne montre pas de différences significatives et nous permet de conclure que l’apprentissage et l’entraînement n’ont pas d’influence sur nos capacités de discrimination olfactive.
Reconnaissance de l’origine des vinsNous nous sommes ensuite intéressés à la capacité des experts à reconnaître l’origine régionale d’un vin uniquement sur des bases chimio-sensorielles. 18 vins ont été proposés aux experts (10 par-ticipants à cette épreuve) sous forme de verres numérotés. Il leur a été demandé de regrouper ces vins en fonction de leur région d’ori-gine et de nommer cette région. Les vins pouvaient être vus (verres à dégustation classiques) sentis et goûtés.Les 18 vins proposés se ventilaient en 6 grandes régions : Sud-Ouest (Appellations Gaillac, Bergerac, Madiran), Bordeaux (Appellations
Cognition et vin
Gil MorrotChercheur CNRS/INRA - UMR « Sciences pour l’œnologie » - Montpellier - France.Frédéric BrochetFonction.
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Figure 1 : Test triangulaire réalisé par 9 sommeliers différents (D) et par 6 novices (A).
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Médoc, Margaux, Pessac-Léognan, Bordeaux), Rhône (Saint-Joseph, Côtes du Rhône Villages), Loire (Saumur, Touraine), Bourgogne (Irancy, Bourgogne) et Languedoc (Corbières, Faugères).Les « scores » des dégustateurs peuvent êtres mesurés avant toute analyse en comptant le nombre de vins attribués correctement ou incorrectement par dégustateur sur les 18 vins proposés (figure 2). Une valeur de 13 erreurs d’attribution sur 18 vins proposés peut être considérée comme proche de la moyenne du groupe.Si on considère les vins regroupés en fonction de leur origine (ta-bleau 1), on observe que le nombre d’attributions correctes n’est si-
gnificatif que pour les Bordeaux et les Bourgognes. Les valeurs obtenues sont proches de 50 %. En d’autres termes, un vin sur deux provenant de ces deux ré-gions est correctement identifié. Comme on peut le voir, le nombre d’identifications correctes pour les autres régions n’est pas sta-tistiquement significatif.
Jugement hédonique des vinsNous avons finalement proposé aux experts de classer les vins par ordre de préférence. Les dégus-tateurs ont été placés en face de 18 verres de vins numérotés. Les vins pouvaient être vus (verres à dégustation classiques) sentis et goûtés. 8 dégustateurs ont parti-cipé à ce test. Les résultats sont présentés dans le tableau 2.On observe qu’aucun classe-ment n’est identique : chaque
sujet possède son propre profil de préférences. Si on considère le nombre de fois qu’un vin est classé à une place donnée, on observe qu’un vin donné n’est jamais placé plus de trois fois à la même place par des dégusta-teurs différents et on peut donc considérer qu’il n’y a jamais de consensus majoritaire (puis-qu’on ne franchit pas la barre des 50 % d’avis communs). Le décalage dans le classement des vins peut être total : un vin classé premier par l’un et der-nier par l’autre, soit 18 rangs de décalage (c’est le cas du vin 18) alors que le décalage moyen est de 12,6 vins.Parmi les 18 vins proposés, 17 peuvent être considérés comme « haut de gamme », en se basant d’une part sur leur appellation et d’autre part sur leur prix. Le vin numéro 15 est par contre un vin de table de consommation cou-rante, généralement considéré comme « bas de gamme » dans le monde du vin. Il est intéressant de constater que ce vin, même s’il occupe principalement la partie basse du tableau, n’a pas été sorti du lot par les experts. En absence de toute information contextuelle, ce « petit vin » trouve sa place au milieu de crus réputés. Il atteint même la 7e place du classement pour un dégustateur.L’ensemble de ces résultats n’est, bien entendu, pas destiné à dis-créditer la profession de somme-lier mais permet d’illustrer l’ap-parente faiblesse des capacités humaines en terme d’analyse chimio-sensorielle. Il est pour-tant indéniable que l’homme est capable de manipuler cette in-formation chimio-sensorielle. Le but de nos études est de mieux comprendre la nature exacte de cette information ainsi que les stratégies cérébrales mises en jeu en vue de son utilisation.
Construction de la perception chimio-sensorielle
Dans l’approche cognitive, l’ob-jet (aliment) n’est considéré qu’à
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Figure 2 : Répartition du nombre d’erreurs d’attribution parmi les experts. Pour les 10 dégustateurs, le nombre d’erreurs d’attributions est compris entre 8 à 18 pour 18 vins.
Tableau 1 : Attribution régionale des vins présentés à l’aveugle, réalisée par 10 sommeliers. Le nombre total de réponses pour chaque région est inscrit entre parenthèses dans la 1re colonne.
VinsPris pour…
Bordeaux Sud-Ouest Loire Bourgogne Rhône Languedoc AutresBordeaux (40) 18 4 5 2 6 4 1Sud-Ouest (30) 10 3 7 3 3 4 0Loire (20) 0 1 6 3 3 3 4Bourgogne (30) 0 3 3 16 3 0 5Rhône (20) 7 1 2 0 4 3 3Languedoc (30) 5 1 1 5 7 6 5
Tableau 2 : Classement hédonique des vins (numérotés 1 à 18) présentés à l’aveugle, réalisé par 8 sommeliers (D1 à D8).
ClassementDégustateurs
D1 D2 D3 D4 D5 D6 D7 D81 18 12 11 12 10 10 11 122 1 8 6 8 14 14 12 73 4 10 7 4 7 16 14 114 9 14 5 10 16 2 3 105 7 2 12 16 12 7 4 46 10 6 2 2 17 12 2 97 12 7 15 14 2 3 17 28 14 11 3 3 4 8 6 39 17 17 8 9 6 11 10 1410 16 1 18 11 8 13 5 111 15 3 14 6 11 6 7 812 11 4 9 18 9 18 8 1313 3 9 10 17 13 4 9 1714 8 15 13 1 3 17 13 1515 6 16 4 7 1 15 15 616 2 5 1 5 15 1 1 1617 13 13 17 13 18 9 16 518 5 18 16 15 5 5 18 18
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travers sa perception. Cette der-nière intègre l’objet, le sujet (con-sommateur) et le contexte. En cela, l’approche cognitive est fondamentalement différente de celle de l’analyse sensorielle dont le but est d’aboutir à la des-cription de l’objet.Malgré sa durée très courte (quelques dizaines ou centai-nes de millisecondes selon la modalité sensorielle utilisée), la perception est un acte au cours duquel un grand nombre de processus sont réalisés. Au cours de l’acte perceptif, l’infor-mation sensorielle initiale est totalement reconstruite à partir d’éléments pouvant provenir des autres modalités sensoriel-les mais également des propres représentations de l’individu. Une fois l’acte perceptif réalisé, l’objet perçu est non seulement détecté mais également sémantiquement et émotionnellement catégorisé. La sensation effectivement « vé-cue » par le sujet est postérieure à l’acte perceptif.L’ensemble des processus réali-sés au cours de l’acte perceptif conditionne aussi bien le compor-tement immédiat du sujet (recon-naissance, acceptation ou rejet, fuite devant un danger,…) que toute analyse réalisée par la suite sur l’objet. C’est en particulier le cas de l’analyse descriptive. La description des caractéristiques sensorielles d’un aliment est to-talement conditionnée par la ca-tégorisation de l’aliment réalisée par l’individu au cours de l’acte perceptif.L’acceptabilité d’un aliment est donc déterminée au cours de l’acte perceptif par intégration d’informations d’origines très variées (sensorielle, hédonique, contextuelle, émotionnelle, cultu-
relle, physiologique, etc.). Cet état de fait est aujourd’hui accepté intuitivement et largement utilisé en marketing. Chaque élément participant à la construction de la perception ne peut, s’il est considéré séparément, expli-quer l’acceptation ou le rejet d’un produit alimentaire par les consommateurs. La compréhen-sion des mécanismes menant aux processus de décision du con-sommateur passe donc par une étude de l’intégration des diffé-rentes composantes impliquées dans la construction d’un tout : la perceptionBien qu’il s’agisse d’un aliment bien particulier, le vin est l’ali-ment que nous utilisons le plus fréquemment dans nos expéri-mentations. Les composantes culturelles et contextuelles qui lui sont associées sont parfois telles qu’elles modifient profondément sa perception chimio-sensorielle. De plus, les informations prove-nant des autres modalités senso-rielles (notamment la vision) mo-difient également sa perception chimio-sensorielle. C’est donc un outil de choix pour l’étude des in-teractions des différentes compo-santes intervenant dans la cons-truction de la perception.
Illusion perceptive odeur-couleur
Dans le but de mieux comprendre la construction de la perception, nous avons traité par l’analyse lexicale les commentaires de dégustation de vins de quatre professionnels du monde viti-vinicole.Cette analyse, réalisée par la méthodologie Alceste (1), nous a permis d’extraire des classes (mondes lexicaux) représentant
des prototypes de vins (figure 3).On observe que le nombre et la nature des prototypes sont différents pour chaque dégustateur. Bien qu’utilisant la même méthode d’ana-lyse des vins, chaque dégustateur possède donc sa propre stratégie discursive. Ce résultat permet d’expliquer l’importance des différen-ces interindividuelles constatées dans ce type d’exercice.Un point commun de l’organisation des quatre corpus est que la première segmentation produite par le logiciel Alceste sépare les mondes lexicaux en deux groupes cohérents : un pour les vins rou-ges et un pour les vins blancs (figure 3).Si on traite les trois corpus écrits en français comme un seul corpus, on obtient seulement deux mondes lexicaux. Un pour les vins rouges et l’autre pour les vins blancs. Ce résultat montre d’une part qu’au niveau lexical tous les dégustateurs utilisent la même stratégie pour différencier les vins blancs et les vins rouges et souligne d’autre part que pour tout le reste leurs stratégies sont différentes.Le fait que les dégustateurs utilisent un vocabulaire différent pour décrire les vins rouges et les vins blancs est relativement surprenant. En effet, des expériences réalisées en verres noirs montrent qu’il n’est pas aisé de discriminer un vin blanc d’un vin rouge sans l’aide de la vue et que l’utilisation de deux registres lexicaux différents n’est
(1) Alceste est un logiciel développé au CNRS en 1986 par Max Reinert. L’analyse lexicale réalisée par la méthodologie Alceste permet de traiter des textes de grande dimension et d’en extraire les idées fortes sous la forme de champs lexicaux. Il est alors possible d’accéder aux « points de vue » des énonciateurs, aux représentations qui leur servent de référents. Ces points de vue sont une représentation des représentations personnelles qui, en s’intégrant de façon inconsciente à la perception, lui associent un contenu sémantique. Ce type d’analyse est donc susceptible de fournir des renseignements sur les processus cognitifs impliqués dans la construction de la perception.
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Figure 3 : Dendogrammes résultant de l’analyse lexicale des 4 corpus réunissant les commentaires de dégustation de vins d’un vigneron français (F), de Robert Parker (P), du guide Hachette (H) et de Jacques Dupont (D).
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Figure 4 : L’expérience est réalisée au cours de deux séances.
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donc pas justifiée. L’examen attentif des descripteurs spécifiques des vins rouges ou des vins blancs nous a permis de comprendre l’origine sémantique de cette différence (Morrot et al., 2001 (2)). Elle concerne les descripteurs olfactifs.À la différence des autres modalités sensorielles, il n’existe pas pour l’olfaction de vocabulaire spécifique des odeurs. Une odeur est dé-signée par le nom de l’objet qui possède cette odeur. On observe dans les quatre corpus étudiés que les odeurs d’un vin sont repré-sentées par des objets qui ont la couleur de ce vin. Un vin rouge est caractérisé par des arômes de cassis, de pruneau, de mûre, etc. tandis qu’on trouvera des odeurs de miel, de noisette, de coing, etc. dans un vin blanc.Existe-t-il vraiment des odeurs d’objets rouges dans les vins rouges et des odeurs d’objets blancs dans les vins blancs ou, hypothèse plus vraisemblable, la couleur du vin modifie-t-elle notre percep-tion olfactive ?Nous avons confronté cette dernière hypothèse à l’expérimentation par la voie de la psychophysique (figure 4). Nous avons réuni au cours d’une première séance, 54 étudiants en œnologie pour la dégustation comparative d’un vin blanc et d’un vin rouge. Chaque sujet nous a remis, pour chacun des deux vins, une liste de descripteurs olfac-tifs. Nous avons pu effectivement constater que la grande majorité des descripteurs utilisés par les sujets étaient représentés par des objets ayant la couleur du vin. Une semaine plus tard, au cours de
la deuxième séance, les mêmes sujets ont été réunis et chacun s’est vu remettre sa propre liste de descripteurs établie au cours de la première séance. Il a alors été proposé aux sujets de ca-ractériser un vin blanc et un vin rouge en utilisant uniquement les descripteurs de cette liste. Le vin blanc était le même que celui de la première session et le vin rouge était le même vin blanc coloré en rouge par des antho-cyanes sans saveur ni odeur (con-dition confirmée avec le même panel par test triangulaires en verres noirs).On observe (figure 5) que, dans leur très grande majorité, les des-cripteurs attribués au vin blanc au cours de la première session sont à nouveau attribués au vin blanc de la deuxième session mais que ces mêmes descrip-teurs sont refusés au vin blanc coloré en rouge. Par contre, et ceci également dans leur très grande majorité, les descrip-teurs attribués au vin rouge au cours de la première session sont refusés au vin blanc mais attribués à ce même vin coloré en rouge.Il suffit donc de colorer un vin blanc en rouge pour qu’il ait une odeur de vin rouge et que de plus, il perde son odeur de vin blanc.Cette expérience est une illus-tration frappante du fait qu’il
(2) G. Morrot, F. Brochet, D. Dubourdieu. The Color of Odors. Brain and Language, 2001, 79, 309-320.(3) J. P. Royet, O. Koenig, M. C. Gregoire, L. Cinotti, F. Lavenne, D. Le Bars, N. Costes, M. Vigouroux, V. Farget, G. Sicard, A. Holley, F. Mauguiere, D. Comar and J. C. Froment, Functional anatomy of perceptual and semantic proces-sing for odors, Journal of Cognitive Neuroscience, 1999, 11, 94-109.
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Figure 5 : Chaque signe sur la figure correspond à l’attribution d’un descripteur « vin blanc » (white wine descriptors) ou d’un descripteur « vin rouge » (red whine descriptors) au vin B2 (vin blanc) ou au vin R2 (même vin blanc coloré en rouge).
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Figure 6 : Représentation transparente des activations obtenues par IRM fonctionnelle pour une tâche d’identification d’odeur.
n’existe pas une relation directe entre un stimulus et sa percep-tion. Dans le cas de l’olfaction, des informations visuelles sont intégrées aux processus cognitifs conduisant à la construction de la perception. Comme on peut le voir, l’influence de ces informa-tions est loin d’être négligeable puisqu’elles modifient totalement la perception olfactive. La couleur est intégrée de façon implicite à la détermination des arômes.Dans le cas de l’illusion per-ceptive odeur-couleur décrite ci-dessus, on observe que la vision prend le relais de l’olfac-tion dans une tâche de perception consciente : l’identification des odeurs. Cette tâche implique un traitement sémantique impliquant lui même une phase de verbali-sation. On peut donc penser que c’est au cours de cette phase de verbalisation que s’établit le re-lais entre olfaction et vision. En accord avec cette hypothèse, une mesure d’activation cérébrale par TEP (Tomographie à Emission de Positons) montre que le traite-ment de niveau supérieur des informations olfactives induit l’activation de l’aire V1 du cor-tex visuel primaire (Royet et al., 1999 (3)). Cette zone est impliquée dans le traitement précoce des informations visuelles et activée lors de l’identification des objets et de la formation des images visuelles mentales. Les auteurs
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suggèrent que le traitement de l’information olfactive implique une identification visuelle des objets évoqués par les odeurs. Si tel est le cas, on peut penser que l’adjonction d’une informa-tion visuelle telle que la couleur puisse induire la formation de l’image visuelle mentale d’un objet de cette couleur. L’identi-fication d’une odeur résulterait alors de l’identification visuelle de cette image visuelle mentale. Cette interprétation permettrait d’expliquer à la fois l’influence
de la couleur sur la verbalisa-tion des informations olfactives et le fait que les sujets sont plus performants en absence qu’en présence de couleur.
D’une façon plus générale, cette interprétation permettrait d’ex-pliquer l’absence chez l’être hu-main de vocabulaire spécifique de l’odorat. En effet, si l’identi-fication des odeurs repose sur un processus visuel, il apparaît logique que la description d’une odeur utilise un identifiant visuel
(le nom de l’objet qui possède cette odeur). Nous avons reproduit ce résultat au laboratoire en utilisant l’IRM fonctionnelle.Le résultat présenté sur la figure 6 a été obtenu par soustraction d’une tâche de détection olfactive à une tâche d’identification olfactive. De ce fait n’apparaissent que les activations spécifiquement liées à la tâche d’identification olfactive. On observe effectivement que le cortex visuel est activé (partie occipitale des hémisphères cérébraux localisée au-dessus du cervelet).
En conclusion, il apparaît bien que l’objet perçu (ici l’odeur identifiée par le sujet) n’est pas l’objet réel. Cet objet perçu a été totalement reconstruit par le cerveau à partir d’informations non olfactives. On peut également montrer que des informations contextuelles (renom-mée, prix, etc.) vont modifier la perception des odeurs (Brochet et Morrot, 1999 (4)). De façon plus générale, il apparaît que toute per-ception résulte d’une construction cérébrale mettant en commun des informations d’origine multiple et qu’il est impossible d’isoler de cette image perceptive globale, la contribution d’une modalité sensorielle particulière.
(4) F. Brochet et G. Morrot. Influence du contexte sur la perception du vin. Implications cognitives et méthodologiques, Journal International des Sciences de la Vigne et du Vin, 1999, 33(4), 187-192.
© 1999 Macmillan Magazines Ltd
Thirty years ago, in a celebrated FridayEvening Discourse at the Royal Insti-tution entitled “The Physicist in the
Kitchen”, Nicholas Kurti deplored the sci-entific neglect of cooking, an “insufficientlydignified” activity that nevertheless nour-ishes and gives daily pleasure to much ofhumankind. “I think it is a sad reflection onour civilization that while we can and domeasure the temperature in the atmosphereof Venus, we do not know what goes oninside our soufflés.”1 In May, at the fourthmeeting* of a gastrophysical workshopfounded by Kurti and named in his memory,scientists and chefs gathered to explore whatgoes on inside food and its consumers to gen-erate the all-important sensation of flavour.
The workshop (directed by H. This, Pourla Science, Paris) follows an unusual formatof Kurti’s devising: open discussion amongbasic scientists, food scientists from industryand universities, and professional cooks, seasoned with brief lectures and informalexperiments. The agenda is to analyse andhelp advance the fine art of cooking as it is practised in domestic and restaurantkitchens.
Flavour is the quality that most often dis-tinguishes excellent from ordinary foods.The summit of the chef ’s art is to conceiveand realize a multicourse meal that progress-es through a series of flavours without repeti-tion (S. Hill, The Merchant House, Ludlow,Shropshire). However, the flavour of eventhe simplest dish presents a tremendouschallenge to scientific analysis. A given foodcontains hundreds or thousands of chemi-cals that stimulate either the tongue’s tastereceptors or the nose’s olfactory receptors,some in parts per billion. Diners have differ-ent receptor ensembles and different neuralcircuitries for reporting and integrating theiroutputs. Much of the workshop was devotedto sampling these chemical and biologicalcomplexities.
An essential culinary preparation is themeat stock, a water extract of meat, bones,vegetables and herbs that is often concen-trated by boiling off much of its water — andpresumably many of the volatile compoundsthat contribute to aroma. Why is the reduc-tion often more flavourful, not less? Boiling
drives off some flavours but generates others.A portion of veal stock was boiled down toone-third of its original volume, both thestock and its rediluted reduction wereanalysed by gas chromatography, and then asimilar stock and rediluted reduction wereserved to participants (A. Blake, Firmenich,Geneva). Both stock and reduction were full-flavoured, but the prominent vegetal aromasin the stock were replaced in the reduction bya less easily dissected intensity. The complexgas-chromatograph trace of the reductionshowed a loss of several plant-derivedvolatiles (cinnamaldehyde, eugenol, g-ter-pinene, humulene) but augmented di- andtrisulphides, probably from the shallots,which reinforce the important sulphurouscomponents of meat flavour. Differentflavour balances result when stock is concen-
trated by freezing or by successive additionsof fresh extractables, as in the marmite perpetuelle, or immortal stew. Volatiles lostduring the boiling of stocks and jams couldbe retrieved with a simple (but probably illegal) distillation apparatus.
Pure samples of individual volatiles werepresented for sniffing, many of them sugges-tive of whole foods. Benzaldehyde conjuredcherry; eugenol, clove; g-terpinene, carrot;z-nonenal, cucumber; and 3-N-butylidenephthalide, both celery and walnut (F. Benzi,Firmenich, Geneva). Chemists suggestedthat chefs could use such concentrates andextracts the way a painter mixes colours on apalette, quickly fine-tuning a dish with noneed for the original flavouring materials ortheir lengthy preparation. For example, adrop of hexanal, the fugitive ‘green’ note inmany vegetables and fruits, restores theimpression of freshness in a cooked dish.Chefs replied that such a prospect is intrigu-ing, but extracts are not yet a match for goodfresh ingredients, and it is easier to modulateflavour with handfuls than serial dilutions.Freshness can be restored to asparagus soupby adding a purée of the raw tips just beforeserving (F. Blank, Deux Cheminées,Philadelphia). Participants readily distin-guished two experimental ratatouilles pit-ting fresh thyme and bay laurel against theirextracts, probably by differences in bothflavour qualities and concentrations (A. M.De Gennes, Le Boudin Sauvage, Orsay).
Flavour perception is a dynamic process,especially in the eating of raw foods whosecomposition undergoes rapid change. Massspectrometry capable of time-resolvedanalysis of nostril air flow (50 samples perbreath) reveals that the flavour of raw tomatoevolves during the course of chewing as vari-ous enzyme systems are activated by tissuedisruption (R. Linforth, Univ. Nottingham).Endogenous aromatics (isobutylthiazole)reach the nose first, followed after about 30seconds by hexanal and other oxidationproducts of unsaturated fatty acids, and thenby the corresponding alcohols. Savouringfood thus both prolongs the sensation offlavour and enriches it.
Interactive effects complicate the sensa-tion of taste and odour mixtures. The bitter-ness of quinine in bittersweet tonic water was abolished by a small dose of sodium; inan aroma mixture dominated by cinnam-aldehyde (cinnamon), the initially imper-ceptible vanillin (vanilla) emerged once thecinnamaldehyde receptors had adapted totheir high dose (G. Beauchamp, Monell Center, Philadelphia). Taste sensations canalso influence aroma perception. In a modelsystem of chewing gum, sugar and mintvolatiles, mass spectrometry shows that theactual nostril concentration of volatilesremains high during chewing, whereas theimpression of mintiness declines along withthe washing-out of sugar (either slowly or
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Taking stock of new flavoursHarold McGee
What’s in a taste? Chemists can isolate the components of flavours, andbiologists have begun to explain how our bodies enjoy them, but cookerywill remain more art than science for a while yet.
Figure 1 The Cook, an engraving by HubertFrançois Gravelot. The verse below reads “Newcooking every year, because every year tasteschange; and every day there are new ragouts; sobe a chemist, Justine”. Courtesy of the Museumof Fine Arts, Boston, Sargent Collection.
*International Workshop on Molecular Gastronomy N. Kurti, Erice,
Sicily, 6–10 May 1999.
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rapidly depending on the gum design). Thisis why children learn to revive spent gum by rolling it in the sugar bowl (UK partici-pants).
Thanks to genetic and developmentaldifferences in receptors and associated neur-al circuitry, individual humans inhabit dis-tinct flavour worlds. These remain largelyunexplored, and their mapping will be fur-thered by the new Centre Européen des Sci-ences du Goût at Dijon (C. Masson, CNRS).The inability to detect an aroma can some-times be overcome through repeated expo-sure. This has been shown for androstenone,a steroidal volatile present in truffles, porkand celery, which proved to be aroma-less forhalf the participants (including a Michelinthree-star chef), and either pleasantly earthyor disgustingly rank to the rest. Althoughgeneral consensus recognizes the involve-ment of several hundred distinct receptors inthe olfactory system and just five in taste,some controversial discrimination studiessuggest a taste space of ten or more dimen-sions (A. Faurion, Ecole Pratique des HautesEtudes, Massy). Following the recent cloningof putative mammalian taste receptors2,chefs should soon find out whether they will
have undreamt-of tastes to work with.In a French engraving of 1759, a young
woman at the stove is told that times andtastes are changing; every day there are newstews: “… so be a chemist, Justine” (Fig. 1;ref. 3). Professional cooks did become inven-tively systematic, and the result was what wenow call classic French cuisine. Today, chem-istry is changing even faster than tastes andstews, and seems likely to accelerate theirevolution. Will this give twenty-first-centurygastronomers another great cuisine, ofunprecedented subtlety and diversity? Orwill it mean the triumph of receptor-ticklingvirtual food? Or both at once?
One whiff: because they both containtraces of barnyardy indole, a flavourist urgedchefs to try combining jasmine flowers andpork liver. Certainly there will be interestingpuddings to prove!Harold McGee is at 838 La Jennifer Way, Palo Alto,California 94306, USA. He is the author of On Foodand Cooking: The Science and Lore of the Kitchen,and The Curious Cook (Scribner, Collier).e-mail: hjmcgee@alumni.caltech.edu1. Kurti, N. Proc. R. Inst. G. Br. 42, 451–467 (1969).2. Hoon, M. A. et al. Cell 96, 541–551 (1999).3. Wheaton, B. Savoring the Past 198 (Univ. Pennsylvania Press,
Philadelphia, 1983).
about because of the increased vibrationamplitudes of atoms around their positionsin the crystal lattice, as the temperature rises.At room temperature the thermal expansioncoefficient, a, is roughly constant and usual-ly ranges from 10 2 1016 to 20 2 1016 K11.All Invar alloys are magnetic, so that a is onlyalmost zero below the magnetic-orderingtemperature TC (the Curie temperature) andrises to a higher value for temperaturesabove TC. This behaviour made it clear that magnetism must be entangled in theexplanation of Invar behaviour.
The first theory pointing in this directioncame from Richard Weiss, who proposed theso-called 2g-state model4. He assumed thatthere were two different magneticallyordered states, a ferromagnetic ground stateg1 (with magnetic spins aligned parallel)having a larger volume, and an antiferromag-netic state g2 (with magnetic spins alignedantiparallel) with a smaller volume, but at aslightly higher energy. As the temperaturerises, the g2-state becomes thermally excited,so that the smaller volume of this state com-pensates for the ever-present vibrationalthermal expansion. This leads to the lowthermal-expansion coefficient. Above themagnetic-ordering temperature TC, wherethe system becomes paramagnetic (that is,with magnetic spins randomly oriented), nofurther magnetic compensation for the ther-mal expansion is possible, so that a catchesup with the usual high value described above.
Although the 2g-state model gives a sat-isfactory explanation for the Invar phenom-enon, the microscopic nature of these twostates, if they actually exist in the proposedway, remains unclear. It was not until theadvent of quantum-mechanical calculationsof the electronic and magnetic structure ofmetallic solids that further insight becamepossible. During the past two decades therehave been a number of promising attemptsto illuminate these magnetic states. Whatmakes this new study so exceptionally differ-ent is the fact that the authors have includednon-collinear spin ordering in their simula-tions (that is, spins may be tilted at arbitraryangles to each other if such a configurationlowers the energy of the overall spin system).Their calculation shows (see their Fig. 1 onpage 47) that at large volumes (correspond-ing to low temperature) the ground state isindeed given by parallel (ferromagnetic)spin alignment. When they reduce the vol-ume (thus simulating increasing tempera-ture) the spins gradually depart from paral-lel alignment so that the spin directionsbecome increasingly disordered. To fullyunderstand the enormity of this result onemust recall that, in all magnetic materials,increasing the temperature leads to greaterdisorder of the spin alignment (in this sense,the magnetic-ordering temperature TC is the temperature where the disorder is com-plete, so that no net magnetic moment of
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On page 46 of this issue1 Mark vanSchilfgaarde, Igor Abrikosov andBörje Johansson present a quantum-
mechanical explanation for the strangebehaviour of a special class of ‘Invar’ alloys,so called because of their invariable volumewhen heated. The experimental findingdates back to 1897 when the Swiss physicistCharles Édouard Guillaume2 found thatface-centred cubic (f.c.c.) alloys of iron (Fe)and nickel (Ni) with a composition of rough-ly 35% Ni and 65% Fe exhibit almost zerothermal expansion over a broad temperaturerange. His discovery immediately foundwidespread application in the constructionof calibrated, high-precision mechanicalinstruments, such as seismographs. He alsodeveloped ‘Elinvar’, a material that has a neg-ligible change in elasticity when heated, andwhich for decades was used to make springsfor mechanical watches. Guillaume won aNobel Prize in Physics in 1920 for the discov-ery of these ferronickel alloys.
Today, Invar alloys are used in many tem-perature-sensitive devices, such as surveyingtapes, and perhaps most notably in shadowmasks for television and computer screens.The shadow mask prevents the outer edges ofthe electron beams from hitting the wrongphosphor dot on the screen. Any distortioncaused by heat from the beam would disturbthe positioning, producing loss of colour
purity and vertical definition. This can mosteasily be avoided by manufacturing the maskfrom Invar (Fig. 1). To celebrate a century ofInvar research, a symposium was held in1997 to review the experimental and theoret-ical results3.
The thermal expansion of matter comes
Materials science
A century of zero expansionPeter Mohn
Figure 1 Invar shadow mask. Shadow masksbehind computer screens are essential fordirecting the electron beam to the correctphosphor dot. An Invar alloy, such as Fe65Ni35, isthe material of choice for mask manufacturers,because its dimensions change very little withtemperature. This 100-year-old effect is nowexplained in microscopic detail by vanSchilfgaarde et al.1.
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