La plac dee Magendie dans la physiologie expérimentale du

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La place de Magendie

dans la physiologie expérimentale

du système nerveux *

par Madame LEGÈE Georgette**

Agrégée de l'Université

En 1821, Magendie fut élu m e m b r e de l 'Académie des sciences dans la section de médecine et chirurgie . Il venait de publier , le 1 e r juillet, son célèbre formula i re pour l 'emploi et la p répara t ion de p lus ieurs méd icamen t s nouveaux.

L'année précédente , en 1820, il avait fondé son Journal de physiologie expérimentale et de pathologie dont le p remier n u m é r o p a r u t en 1821. C'est essentiel lement à pa r t i r de cette da te que Magendie commença ses recher­ches sur le système nerveux dont les résul ta ts furnt publiés dans son journa l puis dans les Comptes rendus de l 'Académie des sciences.

Ses p remières grandes découvertes furent celles des fonctions des racines rachidiennes (1822) puis celle de la sensibilité r écu r ren te de la racine anté­r ieure (1823), dont il ne t rouva l 'explication qu 'en 1839. Mais d 'aut res décou­vertes impor tan tes sont dues à Magendie et leur é tude nous p e r m e t t r a d'envisager sa place dans l 'évolution de la physiologie expér imenta le du système nerveux. Ses leçons sur la physiologie expér imenta le et la pa tho­logie du système nerveux, professées au Collège de France de 1837 à 1839, me t t en t c la i rement en évidence la r igueur de ses ra i sonnements et son habi­leté expér imentale . C'est là que Claude Bernard , p r épa ra t eu r de Magendie, puisa les pr incipes de sa médecine expér imentale . Il suffit p o u r s'en r e n d r e

* Communication présentée à la séance du 19 novembre 1983 de la société française d'histoire de la médecine.

** 24 bis, rue Tournefort, 75005 Paris.

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compte de compare r ces leçons à celles que Claude Berna rd fit, sur le m ê m e sujet, vingt ans après son maî t re . Il faut d'ailleurs reconnaî t re que, p lus ieurs fois, Claude Berna rd met en relief les découvertes et la mé thode expérimen­tale de Magendie, tout c o m m e ce dern ie r signale l 'habileté de son prépara­teur . Méthode commune , sujet c o m m u n ; mais év idemment Claude Berna rd cont inuant les recherches de Magendie ira plus loin dans ses résul ta ts , sur p lus ieurs poin ts .

Magendie commence pa r re je ter toutes les spéculat ions auxquelles le système nerveux se prê ta i t facilement. L'expérience sera son guide essentiel et les résul ta ts obtenus s t imuleront sa réflexion et feront na î t re la nécessi té de nouvelles expériences. La p remière expérience ne sera d'ail leurs pas fortui te , mais déjà basée su r des observat ions . Nous en donnerons des exemples précis .

Si Magendie fait avec force l 'apologie de l 'expérience : « Faites des expé­riences au lieu d ' impr imer des rêveries » (t. I, p . 105), ses expériences décou­lent logiquement de sa réflexion, elles ne sont pas des « expériences p o u r voir », comme on a p u le dire .

Dans u n p remie r temps , les recherches de Magendie (comme celles de Flourens) se s i tuent dans le sillage de celles de Haller. Il s'agit de découvrir quelles sont les par t ies sensibles du système nerveux, quelles par t ies é tan t excitées donnent naissance à une réact ion douloureuse . Il s'agit de déceler une propr ié té , comme le dit Flourens , qui fait ne t t emen t la dis t inct ion en t re p ropr ié té et fonction. Pour Magendie, cet te p ropr ié té est impor t an t e au point de vue expér imenta l . A plusieurs repr ises , il insiste sur l ' insensibilité du cerveau qu'il p o u r r a dé t ru i re sans faire souffrir l 'animal. Il ne mér i te pas les invectives des quaker s anglais ! Au cours de ses leçons, il m o n t r e d'ail­leurs l 'utilité de l 'expér imentat ion sur l 'animal. Le bu t de ses expériences c'est la clinique. Il répète que la pathologie est ia physiologie de l 'homme malade et que la physiologie expér imenta le éclairera la pathologie. Magendie fut toute sa vie u n r emarquab le médecin d 'hôpital . C'était une vocation profonde. Son désir de soulager la souffrance l'a guidé d u r a n t tou te sa vie, comme l 'a t teste son dévouement dans les hospices de vieillards (en par­t iculier à la Salpêtr ière) , puis à l'Hôtel-Dieu, ainsi qu 'au m o m e n t des épi­démies .

Aussi, chacune de ses leçons au Collège de France comporte-t-elle deux par t ies : l 'une de physiologie expérimentale , l 'autre d 'observat ions patholo­giques, confirmant les résul ta ts des expériences qui viennent eux-mêmes éclairer la pathologie p a r la compréhens ion des symptômes observés. La spontanéi té de ses expressions, le ton familier de ses leçons reflètent u n a m o u r de son enseignement et de sa profession de médecin, qu 'on ne re t rouve pas dans la p résen ta t ion plus intellectuelle, plus académique de Claude Ber­na rd . Magendie est vér i tablement le médecin physiologiste p a r vocation.

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Nous envisagerons successivement l 'apport de Magendie dans la connais­sance des fonctions du système nerveux cent ra l et de celles du système nerveux pér iphér ique (fonctions des nerfs) . Dans les deux cas Magendie me t en évidence les r appor t s plus ou moins impor tan t s , à son époque, en t re l 'anatomie et la physiologie du système nerveux. Pour le sys tème nerveux central , il déclare ne t t ement que l 'anatomie n'a pas d 'uti l i té pour la physio­logie, car il re je t te les idées de Gall sur les r appo r t s en t re subs tance b lanche et subs tance grise. Gall, pense-t-il, ne donne pas de preuves tangibles de son affirmation que la subs tance grise est la mat r ice de la subs tance blanche. Quant aux fibres nerveuses et à leurs t ra je ts , il se m o n t r e souvent sept ique : « C'est p lu tô t dans les dessins que dans la na tu r e qu 'on rencon t re de sem­blables disposit ions. » (t. I, p . 130-131). Mais, cependant , il fait des prévi sions su r le rôle que p o u r r a jouer en physiologie la connaissance de l'ana­tomie fine de l 'élément nerveux, et de sa chimie (t. I, p . 156). C'est, en effet, ce que p rouvera la naissance et le développement de l 'histologie de la cellule et de la fibre nerveuse, ainsi que l 'étude physico-chimique de l'influx nerveux.

Pour l 'anatomie macroscopique , Magendie cite Willis, Varole, Vieussens, Gall, Vicq d'Azir et su r tou t Fr iedr ich Arnold (1808-1890), professeur à Hei-delberg, dont il util ise les planches ana tomiques . E n ana tomie microscopique, il dénonce l ' incert i tude des résul ta ts et les discussions qui en découlent (par exemple, Eh renbe rg cr i t iqué p a r Tréviranus , Burdah , Valentin) . Et, cepen­dant , malgré ses cr i t iques, il se réfère encore aux théories régnantes sur les globules et m ê m e sur les fibres.

En chimie, il reproche à Berzélius de n 'avoir pas fait p rogresser l 'analyse de la subs tance nerveuse et de r a p p o r t e r seulement des analyses an tér ieures . 11 apprécie , au contra i re , Couerbe qui, en 1834, a p résen té la composi t ion chimique de la subs tance nerveuse donnée p a r Fourcroy, Vauquelin, John Gmelin, Kunh, et fait lui-même des analyses sur les subs tances grasses de la mat iè re nerveuse, et m ê m e m o n t r é que la p ropor t ion de phosphore d iminue chez les aliénés. Mais toutes ces recherches ne sont pas suffisantes p o u r expliquer la physiologie et Magendie déclare : « Presque tout est à t rouver quan t à la physiologie du système nerveux. » Une mul t i t ude de préjugés , de croyances hypothét iques régnent dans ce domaine qui s'y p rê t e facilement. « Sous le nom de phisolophie naturel le , tout est pe rmis . » Mais aussi : « P ré tendre expliquer les actes de l ' intelligence p a r des pr incipes de phys ique ou de chimie... ce serai t sor t i r sans aucun profit p o u r la science du cercle des observat ions physiologiques, et t omber dans l 'absurde. » (t. I, p . 30). Magendie dist ingue, en effet, dans l 'organisme, des phénomènes physiques (explicables p a r la physique, la chimie, la mécanique) et des phénomènes vitaux, mais auxquels la mé thode expér imentale peu t s 'appl iquer tou t aussi bien. L 'étude du système nerveux faite par Magendie est, dit-il, une é tude de phénomènes vitaux.

Les expériences originales de Magendie qui ont appor t é des résu l ta t s nouveaux concernent les corps str iés, les lobes opt iques ( tubercules quadri-jumeaux antér ieurs ) et les pédoncules cérébelleux, ainsi que la p ro tubé rance . Ayant extrai t les deux corps str iés d 'un lapin, l 'animal p a r t en avant d 'un

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mouvement irrésist ible (t. I, p . 248) ; dans une au t r e expérience, il saute m ê m e à la figure d 'un des aides, ce qui fait la joie de l 'audi toire (p . 280). Or, d 'après la physiologie de Kayser, j u squ ' à ces dernières années la physiologie des corps str iés est res tée obscure : « Leur par t ic ipat ion au contrôle de la pos tu re et du mouvement était a t tes tée par la r ichesse de la symptomato-iogie des t roubles mo teu r s résul tant , chez l 'homme, de lésions localisées à ces s t ruc tures . » Les expériences de Magendie prouvaient déjà ce rôle.

La section du pédoncule cérébelleux droi t fait t ou rne r le lapin latérale­men t de gauche à droi te . Ce mouvement est accompagné de s t rab isme. Si le pédoncule gauche est coupé, la ro ta t ion se fait vers la gauche. Magendie pense que l 'équilibre serait ré tabl i en coupant successivement le pédoncule droi t et le pédoncule gauche. L'expérience est faite et réussi t par fa i tement . Ainsi, les sections isolées ont fait na î t re chez Magendie l'idée d 'une nouvelle expérience m o n t r a n t l 'équilibre « des forces » droi te et gauche. La démarche de Magendie est donc bien méthod ique (t. I, p . 257-269). « Vous allez voir, dit-il, que la lésion du pédoncule sain ré tabl i t l 'équilibre, pourvu qu'elle soit faiie à la m ê m e hau teu r et à la m ê m e profondeur que celle du pédoncule pr imi t ivement a t te int . » (t. I, p . 267). Il é tabl i t aussi le r a p p o r t en t re les pédoncules cérébelleux et la p ro tubérance , et r e m a r q u e la cor respondance en t re la direction « des fibres » et celle des mouvement s observés.

Vers la m ê m e époque, Flourens découvrai t le rôle des canaux semi-circulaires de l'oreille in terne , et dans son r appo r t G. Cuvier lui conseillait de faire le r app rochemen t avec les résul ta ts ob tenus p a r Magendie, lors de la section des pédoncules cérébelleux. Quant aux tubercules quadr i jumeaux an té r ieurs , Magendie m o n t r e que leur ablat ion ent ra îne la pe r te de la vue. Il aborde peu les fonctions des hémisphères cérébraux, mais étudie, le pre­mier , le l iquide céphalo-rachidien et l'influence de sa pression sur le cerveau. Il établi t la s t ruc tu re véri table de l 'arachnoïde.

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L'apport le plus impor t an t de Magendie concerne le système nerveux pér iphér ique de la face, et p lus spécialement la découverte des fonctions de la c inquième pai re de nerfs crâniens ou nerfs t r i jumeaux, et de ses anasto­moses avec les au t res pa i res .

A propos du t r i jumeau, Claude Berna rd affirme que : « La physiologie de ce nerf n'est bien connue que depuis les t ravaux de Magendie. » E t il a joute : « Les expériences de Magendie appr i ren t que non seulement le t r i jumeau est un nerf sensitif, mais qu'il a encore une influence t rès r emarquab le sur la nu t r i t ion de la face et, pa r suite, sur les manifes ta t ions sensorielles. » (Cl. B., t. I I , p . 49-50). Nous envisagerons successivement les résul ta ts sui­vants ob tenus p a r Magendie :

1. le t r i jumeau donne la sensibilité à tou te la face ;

2. son influence sur les organes des sens se manifeste de trois façons : sur leur sensibili té générale, c'est-à-dire tactile, sur leur sensibili té spéciale, sur leur nut r i t ion .

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L' impor tance de la technique de Magendie est reconnue p a r Claude Ber­na rd qui défend la pr ior i té de son maî t re à p ropos des expériences de 1824. Il rappelle les expériences an tér ieures d 'Herber t Mayo (1796-1852), à Londres et de Michel Fodera, en I tal ie. E n 1823, Herbe r t Mayo avait coupé le triju­m e a u dans le c râne à des pigeons, sans avoir enlevé le cerveau ; Fodera, en 1823, coupa aussi le t r i jumeau dans le c râne en péné t r an t pa r le par ié ta l et en enlevant une pet i te por t ion du rocher ; il fit deux expériences à résul ta ts confus et incomplets , ca r les an imaux moura ien t . Claude Be rna rd déclare :

« Tout le mér i t e consiste dans l ' invention d 'un procédé qui p e r m e t t e de l 'exécuter et de conserver les an imaux vivants ; tout le mér i te de cette expé­r ience et des découvertes auxquelles elle a condui t revient à Magendie. » (p. 86).

Claude Bernard adop te ra la technique de Magendie (ne modifiant que légèrement le pet i t stylet coupant ) . La p répara t ion de l 'animal d 'expérience est ainsi décr i te pa r Magendie opéran t devant ses élèves :

« Voici un lapin auquel j ' enlève devant vous la voûte du crâne et les lobes cérébraux, opéra t ion que vous savez ê t re par fa i tement innocente pa r r a p p o r t aux mouvement s et à la sensibilité de l 'animal. Nous p o u r ro n s ma in tenan t sans difficulté nous adresser aux nerfs isolés avant leur sort ie du crâne pa r leurs canaux osseux respectifs . »

Les leçons de Magendie ne sont pas i l lustrées, mais les figures publiées vingt ans plus t a rd dans celles de Claude Bernard i l lustrent fidèlement les descript ion du ma î t r e .

La p répara t ion é tant faite sur un animal j eune (plus rés is tant ) doit ê t re suivie d 'un m o m e n t de repos , afin que les résul ta ts de l 'expérience ne soient pas pe r tu rbés p a r le choc opéra to i re . Les condit ions expér imentales sont donc déjà bien mises en évidence p a r Magendie.

Un au t re procédé uti l isé pa r Magendie et repr is également pa r Claude Bernard consiste à ne pas ouvrir le crâne, mais à in t rodui re le stylet coupant dans la fosse tempora le puis , en le faisant glisser le long de la face in terne du rocher , a t te indre le t ronc du t r i jumeau, technique exigeant une parfa i te connaissance de l 'anatomie et une g rande habi leté expér imentale . Enfin, dans un t rois ième procédé, Magendie remplace le stylet coupant pa r la morph ine .

Ayant p répa ré l 'animal (crâne et lobes cérébraux enlevés), le t r i jumeau est coupé dans le crâne, à gauche p a r exemple, la sensibilité tactile de la moit ié gauche de la face est abolie ainsi que celle des sens.

Puis Magendie, dans d 'autres expériences, va couper séparément chacune des trois b ranches du t r i jumeau. Ici la connaissance de l 'anatomie est indis­pensable . Avant d 'opérer une section, Magendie insiste sur l 'accord en t re la physiologie et l 'anatomie du nerf.

« Vous concevez, Messieurs, dit-il, quel in térê t est désormais a t taché à l 'anatomie fine du moindre filament nerveux. » Et il décri t avant de couper : « Je vois ma in tenan t assez d is t inc tement la pa t t e d'oie formée pa r les divi­sions de la c inquième paire . »

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Fig. 1. — Section de la 5e paire dans le crâne chez le lapin. Le crâne est ouvert et le cerveau enlevé afin de montrer les origines

des nerfs. G G' : tronc du nerf de la 5 e paire.

Du côté droit, l'instrument coupant a été représenté lorsque l'incision se fait par le côté latéral du crâne (second procédé de Magendie).

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Les b ranches ophta lmique , maxil laire supér ieure et maxil laire inférieure sont succivement coupées et la sensibili té est éprouvée dans les différentes régions de la face. Magendie fait a lors cet te r e m a r q u e impor t an t e qui m o n t r e que la physiologie peu t r endre des services à l 'anatomie :

« Nous savons donc p a r nos expériences, aussi bien que l 'anatomiste p a r son scalpel, quel est le rayon où se r épanden t les divisions de chaque nerf. Mais, de plus , nous apprécions les p ropr ié tés de ces nerfs... connaissance qui n ' appar t ien t qu 'à la physiologie expér imentale . » (t. I I , p . 136).

Si p a r section de la 5 e pa i re la sensibilité de la face est abolie, la motr i ­cité l 'est aussi et Magendie s'en é tonne car, à ce t te époque, la no t ion de réflexe est encore mal établie dans ses modal i tés .

E tud ian t la sensibilité spéciale des organes des sens, il m o n t r e que la section du t r i jumeau, comme celle du nerf opt ique , suppr ime la vision (avec des var iat ions consécutives au m o d e d 'en t recro isement des fibres des nerfs opt iques) , mais conserve par t ie l lement la sensibili té à la lumière (t. I I , p . 251-254).

Il expér imente le goût avec une décoction de coloquinte ex t rêmement amère . La sensibili té gustat ive est dé t ru i te à droi te p a r section de la c inquième pai re à droi te (t. I I , p . 256-257). L 'étude de l 'olfaction est part iculiè-

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Fig. 2. — Altération de l'œil après section de la 5e paire.

En haut : œil normal du côté non opéré.

En bas : œil malade du côté opéré : conjonctive injectée ; cornée terne et

convexité exagérée.

Nota ; Les figures sont extraites des leçons de Claude BERNARD.

r emen t in téressante . La suppress ion de la sensibili té olfactive (étudiée avec éther , a m m o n i a q u e et subs tances odorantes ) ne prouve pas , dit Magendie, que le siège de l 'odorat soit dans les b ranches de la c inquième paire , mais au moins elle p rouve que ces b ranches concourent à cet te fonction (t. I I , p . 259-260).

Claude Be rna rd cr i t ique les expériences de Magendie faites avec l 'ammo­niaque, mais il a joute : « Les expériences de Magendie semblera ient donc m o n t r e r que si le nerf olfactif prés ide à la sensibili té olfactive, ce n 'es t pas d 'une façon exclusive. » Or, c'est exactement ce que Magendie a conclu. Dans la Physiologie de Charles Kayser, nous lisons :

« Les te rminaisons venant de la b ranche ophta lmique et de la b ranche maxil laire supér ieure sont présentes au sein de la muqueuse olfactive. Res­ponsables des sensat ions douloureuses , elles répondent aux molécules odo­ran tes . E tendan t les résul ta ts d'Allen (1937) sur le chien, Tucker (1963) a pu m o n t r e r que tous les corps odoran ts sont actifs sur ces fibres trigémi-nales avec des seuils comparab les ou inférieurs à ceux qu 'on observe pour les m ê m e s corps sur les fibres olfactives. » Ces résul ta ts sont ceux de Magendie avec la not ion de seuil (not ion moderne ) en plus . Ils r éponden t aussi au désir de Claude Berna rd de refaire les expériences faites p a r Magendie avec des substances odoran tes .

A Magendie revient aussi le mér i t e d'avoir découvert l 'action de la cin­quième pai re su r la nu t r i t ion des organes des sens. Sur le chien co mme sur le lapin, après section des b ranches oph ta lmique et maxil laire supér ieure , il observe des ophta lmies (conjonctive injectée, boursoufflée, cornée blan­chât re) , une tuméfact ion de la m e m b r a n e pi tui ta i re , des a l té ra t ions de la langue dont cer ta ines , remarque-t-il , sont dues à l 'action des dents , la langue devenant insensible après ces sections.

Il répond à l 'objection de Gerdy à p ropos des ophta lmies que ce dernier a t t r ibue à l 'absence de sécrétion lacrymale due à la section. Magendie fait l 'ablation des glandes lacrymales chez un animal et l 'ophtalmie n 'appara î t pas .

L 'étude physiologique du nerf facial (sept ième paire) a pe rmis à Magendie de démon t r e r les r appo r t s physiologiques en t re le facial et le t r i jumeau, et d 'é tabl ir le rôle impor t an t des anas tomoses en t re nerfs crâniens .

« Le facial, dit-il, est le nerf de l 'expression, de la physionomie, comme l'a dit avec raison M. Ch. Bell. » Ce nerf se divise en trois b ranches .

Dans se& expériences, Magendie est guidé pa r l 'anatomie et l 'anatomie comparée . Avec A. Desmoulins, il a publié un ouvrage d 'anatomie comparée appl iquée à la physiologie, chez les Ver tébrés .

Pour perfect ionner l 'anatomie, il fait souvent appel à l 'habileté de Claude Bernard , son p r épa ra t eu r (p. 183 et 223). Les connexions du facial et du t r i jumeau lui pe rme t t en t de démont re r expér imenta lement que le facial t ient

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sa sensibilité de p lus ieurs r ameaux du t r i jumeau (expériences t. I I , p . 164-165). Il m o n t r e que chez le chien les trois b ranches du facial sont sensibles, a lors que chez le lapin la b ranche inférieure ne l'est pas (p . 196-197) et qu 'en général le t ronc du facial est insensible (p. 203). Il peu t m ê m e exister des var ia t ions individuelles (p . 216-218). L 'anatomie comparée lui pe rme t d'ex­pl iquer ces différences, pa r l 'existence ou non de certaines anas tomoses , et de choisir l 'animal d 'expérience.

Sur le lapin, la section de l ' anas tomose du facial avec le r ameau aur icula i re du t r i jumeau fait pe rd re la sensibili té de la b ranche moyenne du facial (p. 205-206). Claude Berna rd répète la m ê m e expérience et obt ient le m ê m e résul ta t sur un peti t chien (Cl. B., t. I I , p . 25-26), et il m o n t r e que cet te sensibili té est r écur ren te , comme Magendie l 'avait si b ien expli­qué (p. 199-200). L 'étude expér imenta le des anas tomoses enseigne à Magendie « qu 'un nerf peut devenir sensible après sa jonct ion p a r anas tomose avec un au t re nerf, mais ê t re insensible avant cet te jonct ion » (p . 285). Cette conclusion, dont il souligne l ' importance, résul te des observat ions recueil­lies au cours de nombreuses expériences dont cer ta ines s 'avéraient négatives.

Magendie é tudie encore expér imenta lement les anas tomoses en t re plu­sieurs au t re s nerfs crâniens V, VII, IX, X (encore hui t ième pa i re p o u r Magendie), XI , XI I . Il expér imente su r les nerfs de la langue et leurs anasto­moses . Il mon t r e , pa r exemple, l'influence de la b r anche maxil laire inférieure du t r i jumeau sur le goût en é tudiant l ' anastomose en t re le glossopharyn-gien (IX) et le lingual, r a m e a u de cet te b ranche . Il cite le r a m e a u de Jacobson issu du glosso pharyngien et qui commun ique avec le t r i jumeau pa r la voie de la b ranche aur iculo- temporale (p . 287). Ses t ravaux por t en t encore sur les r appor t s en t re le pneumogas t r ique (X) et le spinal ou accessoire de Willis (XI) et il r end compte des opinions de Bischoff (p . 287). Il s ' intéresse à la corde du tympan issue du facial. Toutes ces expériences seront cont inuées et de nouveaux résul ta ts seront ob tenus p a r Claude Bernard , en par t icul ier su r le pa rasympa th ique .

La relat ion ent re physiologie et pathologie est ex t rêmement impor t an te pour Magendie, nous l 'avons signalé lorsque nous avons par lé du plan de chaque leçon « Vous avez à chaque instant , dit-il, la preuve que la pa tho logie n'est au t r e chose que la physiologie de l 'homme malade ; p a r consé­quent , nos t r a i t ements doivent reposer en t iè rement sur la connaissance des faits pathologiques . C'est ce qui vous démon t re l 'utilité des expériences ; c'est aussi ce qui m'engage à persévérer dans le m ê m e mode d 'é tude et d 'enseignement . » (p. 251).

Magendie étudie les névralgies et les paralysies faciales.

L'observation des symptômes permet , grâce à l 'expérience, d'en déduire le nerf malade . A l'Hôtel-Dieu, il excelle dans la reconnaissance des maladies de la 5° pai re . Son é tude physiologique des anas tomoses en t re nerfs crâniens lui pe rme t de comprendre les symptômes des névralgies tournan tes (p. 234)

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et lui r e commande la p rudence en thérapeut ique . Il déconseille les sections de nerfs et util ise le galvanisme avec lequel il opère des guér isons. Son cours abonde en observat ions pathologiques qui viennent à l 'appui de ses résul ta ts expér imentaux. Les expériences faisant r éc ip roquement c o m p r e n d r e les symptômes des maladies .

Ainsi Magendie fut bien le modèle du médecin physiologiste pa r vocation.

Il fut un p ionnier en physiologie du système nerveux pér iphér ique de la facër II a t racé la voie à Claude Bernard , pa r sa technique expérimentale , p a r les sujets abordés , et p a r ses véri tables pr incipes de médecine expéri­menta le .

« Vous me verrez à l 'œuvre, dit-il à ses élèves. Vous saurez p a r quelle filiation d'idées et de c i rconstances on arr ive à de nouveaux faits, et commen t un résu l ta t tout à fait accidentel peu t m e t t r e sur la voie de décou­vertes qui aura ient échappé à toutes les prévisions théor iques . »

B I B L I O G R A P H I E

ARNOLD Friedrich (Friderici Arnoldi). — « Icônes Nervorum capitis », Heidelbergae, sumtibus J.C.B. Morhii, 1860 ( l r e éd., 1835).

BERNARD Claude. — « Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux », t. II, Paris, Baillière, 1858.

DESMOULINS Antoine. — « Anatomie des systèmes nerveux des animaux à vertèbres appliquée à la physiologie et à la zoologie », ouvrage dont la partie physiologique est faite conjointement avec F. Magendie, Paris, Maquignon-Marvis, 1825.

KAYSER Charles. — « Phvsiologie, t. I, système nerveux, muscle », Paris, Flammarion, 1976 ( l r e éd., 1963).

LEGÉE Georgette. — « François Magendie et la découverte de la sensibilité récurrente (1822-1839) », in Histoire et Nature, n° 11, 1977. « Evolution de l'histologie du système nerveux au XIX e siècle ; l'impulsion donnée par Camillo Golgi (1844-1926)», CU Medica, Amsterdam, vol. 17, n° 1, mai 1982.

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ROUVIÈRE Henri. — « Anatomie humaine descriptive, topographique et fonctionnelle », 11° éd. révisée et augmentée par A. Delmas, t. I et III, 1974.

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