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La politique budgétaire et ses effets de seuil sur l’activité en Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)
Par Nasser Ary Tanimoune*
Jean-Louis Combes**
Patrick Plane**
* Faculté des Sciences Sociales, Université d’Ottawa (Canada). Au moment de la rédaction de la première version
de cet article, l’auteur était chercheur post-doctorant CNRS au Centre d’Etudes et de Recherches sur le
Développement International (CERDI).
** Université de Clermont 1, CERDI : UMR CNRS 6587, 65, bd François Mitterrand - 63000 Clermont-Ferrand
Adresse de correspondance : J-L.Combes@u-clermont1.fr.
La version originale de cet article a été présentée aux journées de l’Association Française de Sciences
Economiques organisées par le CERDI, à Clermont-Ferrand, les 19 et 20 mai 2005. Nous remercions les
participants pour leurs commentaires. Nous remercions également Sylviane Guillaumont et deux rapporteurs
anonymes d’ Economie et prévision. Les auteurs demeurent seuls responsables des erreurs et omissions
éventuelles.
2
La question de l’efficacité de la politique budgétaire comme instrument de régulation de
l’activité économique est posée en zone franc où l’on s’interroge sur la pertinence à
défendre l’équilibre budgétaire au risque de pénaliser l’objectif de stabilisation de
l’activité. Les pays membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine
(UEMOA) sont engagés dans une démarche d’harmonisation des politiques économiques
qui prolonge une coopération longtemps limitée à la monnaie et au régime de change. Les
pays constitutifs de cette union monétaire ont une monnaie commune, le franc CFA, dont
la gestion revient à un institut d’émission indépendant ayant la forme juridique
d’établissement public international: la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
La monnaie en circulation échappe au pouvoir discrétionnaire de chaque pays. Les
politiques budgétaires sont donc le principal instrument d’intervention de l’Etat dans la
vie économique. Des dérives budgétaires des années soixante-dix et quatre-vingt ont
résulté un endettement extérieur important et des arriérés de paiement significatifs. Les
déficits publics ont été préjudiciables à la croissance économique qui a fortement ralenti.
En revanche, dans les années quatre-vingt dix, les efforts déployés en faveur du
rééquilibrage budgétaire ont pu être un facteur de stimulation des produits intérieurs.
Institutionnellement, l’architecture de la zone franc s’est modifiée dans le sens d’une
meilleure coordination des politiques budgétaires. En 1999, la mise en place du Pacte de
Convergence de Solidarité et de Croissance en UEMOA a donné à cette coordination une
forme mieux aboutie. Le Pacte impose une double contrainte aux Etats : réduire la dette
publique jusqu’à un maximum de 70 % du produit intérieur brut et restaurer
structurellement l’équilibre du solde budgétaire de base.
L’objectif de cet article est d’évaluer l’impact de la politique budgétaire sur l’activité
appréciée par l’output gap, c'est-à-dire l’écart entre le produit intérieur "effectif" et le
produit "potentiel" que l’on mesure ici par utilisation d’une procédure de lissage à la
Hodrick-Prescott (HP). Le raisonnement se situe dans une ligne de réflexion qui met en
évidence les effets non linéaires de la politique budgétaire. On teste donc l’hypothèse selon
laquelle, en Zone Franc, il pourrait exister différents régimes budgétaires conditionnels au
taux d’endettement public. Pour un endettement inférieur à un seuil, le régime serait
keynésien : une contraction budgétaire aurait donc des effets récessifs sur l’activité. Pour
un taux d’endettement supérieur au seuil, le régime serait non-keynésien ou anti-
keynésien. Autrement dit, une contraction budgétaire serait neutre ou même favorable à
l’activité économique. Plusieurs explications ont été apportées, la plus importante
concernant les effets sur la demande repose sur l’existence d’un effet de signal
(Sutherland, 1997). C’est dire qu’en présence d’une dette jugée non soutenable, les agents
s’attendent à supporter eux-mêmes le poids des remboursements et augmentent leur
épargne consécutivement à un accroissement du déficit. On peut trouver également des
explications du coté de l’offre par un effet de composition de l’ajustement budgétaire.
Ainsi, lorsque le taux d’endettement est supérieur à un seuil critique, la contraction
budgétaire ne passe pas par un accroissement des impôts source de fortes distorsions mais
par une diminution des dépenses publiques et cela malgré le coût politique qui en résulte
(Alesina et Ardagna, 1998).
On teste l’efficacité de la politique budgétaire en UEMOA sur la période 1986-2002. On
adopte pour cela la méthodologie proposée par Hansen (1996, 1999). En d’autres termes,
on laisse la possibilité à un seuil de dette, déterminé de façon endogène, de marquer un
retournement de l’effet du solde budgétaire, ou plus précisément de sa composante
structurelle ou effort budgétaire, sur l’activité. Le principal résultat auquel on est parvenu
3
est l’existence d’un effet de seuil, pour un taux d’endettement public de 83 %, de l’effort
budgétaire sur l’output gap. Cet effet de seuil est notamment accepté à 90 % de confiance
pour un filtre HP de 400 qui correspond à la valeur de paramètre la plus couramment
utilisée pour des données annuelles. Le travail se prête à des approfondissements
méthodologiques en relation notamment avec la question de l’endogénéité du solde
budgétaire à la conjoncture économique. Par ailleurs, il devrait être possible de mettre en
évidence des effets différenciés de l’ajustement budgétaire en testant directement les effets
de composition : hausse des impôts versus baisse des dépenses publiques.
4
I. Introduction
La politique budgétaire permet-elle une régulation efficace de l’activité
économique ? Cette question continue de diviser les tenants d’une stricte orthodoxie
financière et les partisans d’un interventionniste public. En Europe, ces oppositions ont été
récemment mises en lumière par les discussions contradictoires autour de l’évolution de la
règle de déficit budgétaire inhérente au dispositif du Pacte de Convergence et de Stabilité.
Dans un contexte comparable d’union monétaire et d’intégration régionale, la question est
également posée en zone franc où l’on s’interroge sur la pertinence à défendre l’équilibre
budgétaire au risque de pénaliser l’objectif de stabilisation de l’activité.
Les pays membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine1
(UEMOA) sont engagés dans une démarche d’harmonisation des politiques économiques
qui prolonge une coopération longtemps limitée à la monnaie et au régime de change. Les
pays constitutifs de cette union monétaire ont une monnaie commune, le franc CFA, dont
la gestion revient à un institut d’émission indépendant ayant la forme juridique
d’établissement public international: la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(Guillaumont P et S, 1984, 1988). La monnaie en circulation échappe au pouvoir
discrétionnaire de chaque pays. Elle est principalement régulée en fonction de l’évolution
prévisible du PIB et d’une cible d’inflation comparable à celle des économies européennes,
gage du maintien de la parité du franc CFA envers l’euro. Les politiques budgétaires sont
donc le principal instrument d’intervention de l’Etat dans la vie économique, l’attribut
d’une souveraineté dont les gouvernements africains ont parfois usé avec excès.
Des dérives budgétaires des années soixante-dix et quatre-vingt ont en effet résulté
un endettement extérieur important et des arriérés de paiement significatifs. Devenus
chroniques, il est possible que les déficits publics aient été préjudiciables à la croissance
économique qui a fortement ralenti pour devenir négative dans certains pays. Dans les
années quatre vingt dix, il semble, en revanche, que les efforts déployés en faveur du
rééquilibrage budgétaire aient pu être un facteur de stimulation des produits intérieurs,
contribuant ainsi à cultiver le doute sur la capacité de l’Etat à influencer le rythme de
l’activité. Institutionnellement, l’architecture de la zone franc s’est d’ailleurs modifiée dans
le sens d’un verrouillage plus serré des initiatives budgétaires nationales, dans le sens
également d’une meilleure coordination intra-communautaire en ce domaine. En 1999, la
5
mise en place du Pacte de Convergence de Solidarité et de Croissance en UEMOA a donné
à cette coordination une forme mieux aboutie.
L’objectif de cet article est d’évaluer l’impact de la politique budgétaire sur le
rythme de l’activité en UEMOA. Le raisonnement se situe dans une ligne de réflexion
actuelle sur le policy mix de l’union monétaire. La littérature souligne en effet la difficulté,
mais également la nécessité, de promouvoir l’efficacité économique de ces unions à travers
une bonne combinaison des politiques monétaire et budgétaire (Devarajan et Walton 1994;
Semedo et Villieu 1997). La deuxième section revient sur les caractéristiques économiques
et financières de la zone monétaire, sur ses imperfections institutionnelles initiales qui ont
conduit, en 1999, à l’élaboration du Pacte de Convergence. Ce Pacte a donné une grande
importance à la question du désendettement et au besoin de renforcement des règles
budgétaires. Un double objectif a été assigné aux Etats : réduire la dette publique jusqu’à
un maximum de 70 % du produit intérieur brut et restaurer structurellement l’équilibre du
solde budgétaire de base.
La troisième section passe en revue les arguments théoriques traitant de l’impact
potentiel de la politique budgétaire sur le rythme de l’activité apprécié par l’output gap,
c'est-à-dire l’écart entre le produit intérieur "effectif" et le produit "potentiel" que l’on
mesure ici par utilisation d’une procédure de lissage à la Hodrick-Prescott. Dans cette
section, on porte plus particulièrement l’éclairage sur la complexité des effets entre ces
variables et notamment sur la possibilité d’observer des effets de seuil de la politique
budgétaire en fonction du niveau de la dette publique des Etats. Ces interrogations
prolongent, pour des économies africaines, des réflexions ayant pris pour référence un
certain nombre d’économies européennes. La quatrième section teste l’efficacité de la
politique budgétaire (1986-2002). On adopte la méthodologie proposée par Hansen (1996,
1999). En d’autres termes, on laisse la possibilité à un seuil de dette, déterminé de façon
endogène, de marquer un retournement de l’effet du solde budgétaire sur l’activité.
L’estimation économétrique du modèle ne rejette pas l’hypothèse d’un effet keynésien
jusqu’à un taux d’endettement de 83 %. La cinquième section revient en conclusion sur les
principaux résultats obtenus et leurs implications pour un meilleur fonctionnement du
policy mix en zone franc.
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II. Les repères institutionnels et le "policy mix" en UEMOA
La zone franc s’est constituée puis réformée dans les années soixante dix sur l’idée
que le mécanisme du contrôle monétaire suffirait à stimuler le développement dans le
maintien des grands équilibres. Jusqu’au début des années quatre vingt, le domaine
budgétaire a fait l’objet de peu de contrôle, sinon à travers la limitation des avances
statutaires de la Banque Centrale aux trésors publics, avances plafonnées à 20 % des
recettes budgétaires. L’idée a donc été de couper les autorités nationales de la possibilité de
capter le seigneuriage, ces prélèvements de ressources résultant de la monétisation des
déficits publics.
Avant le choc pétrolier de 1973, aucun des pays africains membres de cette Union
n’avait la capacité de mobiliser des crédits commerciaux longs auprès du système bancaire
international. L’essentiel des flux de capitaux extérieurs procédait de l’aide publique au
développement (APD) ou des flux d’investissements directs étrangers. Dans un contexte
d’inflation mondiale élevée et d’accès plus permissif à l’emprunt, les institutions de
l’Union Monétaire Ouest Africaine vont rapidement démontrer leur fragilité. Bhatia (1985)
a dressé un état des lieux des dérives budgétaires et des déséquilibres macro-économiques.
L’auteur met d’abord en avant le stock de dettes mobilisé par l’Etat ou les entreprises
publiques. En raison de la garantie de convertibilité illimitée du franc CFA que vient
assurer le Trésor français, mais également du prix très favorable des matières premières
exportées, les banques commerciales étrangères ont vu dans ces prêts une bonne
opportunité de recyclage des fonds pétroliers.
Les gouvernements ont donc été en mesure d’élargir leurs ressources financières par
l’endettement et par la parafiscalité imputable aux caisses locales de stabilisation du prix
international des matières premières exportées. De tels phénomènes ont été abondamment
rapportés. Devarajan et de Melo (1987) ont notamment décrit les implications du boom des
recettes d’exportation de café et de cacao pour la Côte d’Ivoire. Dans la seconde moitié des
années 70, ce boom a servi à la promotion d’un programme d’investissements publics au-
delà de la capacité d’absorption du secteur, phénomène prolongé par l’accumulation de la
dette au moment et après que les cours internationaux se soient repliés. Un scénario
comparable, mais avec des dépenses plus centrées sur la consommation publique, s’est
également produit au Sénégal avec la forte augmentation des prix du phosphate (1974-
1975) et de l’arachide (1974). Ici encore, le gouvernement a amplifié l’impact immédiat du
7
boom en mobilisant des concours extérieurs via les banques commerciales étrangères. Le
tableau 1 met en évidence le mouvement des prix d’exportation des principaux produits
concernant l’UEMOA. Il montre que la pertinence d’un tel effet s’est étendue à deux autres
pays : le Niger avec l’envolée des cours de l’uranium qui a été multiplié par 3 entre 1975 et
1983, mais également le Togo, par le jeu du prix du phosphate multiplié par 2,5 entre 1974
et 1975.
Tableau 1 : L’UEMOA et les chocs de prix des produits primaires (1973-1985)
Pays Produit Période de boom Indice du prix
mondial
Côte d’Ivoire Café 1976-1979 145
Côte d’Ivoire Cacao 1977-1979 242
Niger Uranium 1975-1983 305
Sénégal Phosphate 1974-1975 159
Sénégal Arachides 1974 305
Togo Phosphate 1974-1975 242
Source : la zone franc, Banque de France, Comité Monétaire de la zone franc, différentes
années L’indice du prix mondial est exprimé en CFA : 100 = moyenne 1970 –72.
De manière générale, les recettes induites par les chocs de prix ont entretenu des
comportements budgétaires procycliques quand la logique économique aurait commandé
aux Etats de gérer prudemment les "aubaines fiscales" pour éviter les phénomènes
structurels de "dutch disease" et déficits budgétaires non soutenables (Collier et Gunning,
1996). Selon Cooper (1991), les gouvernements ont fait l’hypothèse de chocs positifs
permanents et de chocs négatifs temporaires. De ces erreurs d’anticipations résulteront, dès
le milieu des années quatre vingt, une grande méfiance envers l’aptitude de l’Etat à réguler
la conjoncture et les instabilités auxquelles sont soumises les économies africaines.2 En
parallèle, avec l’installation de cette méfiance, les déséquilibres engendrés par l’économie
d’endettement suscitent un ralentissement de l’activité économique qui ne sera pas étranger
au besoin de réajustement de la parité du franc CFA en 1994. Entre 1986 et 1993, la
croissance moyenne de l’UEMOA n’a été que de 1,4 % si l’on raisonne sur une moyenne
8
des PIB nationaux (tableau 2). Ce pourcentage a été largement inférieur à la croissance
démographique (2 %). Parallèlement, les cours des matières premières se sont retournés
comme en témoigne une dégradation tendancielle des termes de l’échange au rythme de
2,3 % par an sur la période précitée. La baisse des prix d’exportation s’est conjuguée au
maintien et parfois à la hausse du prix des biens non échangeables de sorte qu’entre 1983
et 1993, le taux de change effectif réel s’est situé à des niveaux de surévaluation élevés.
Dans un premier temps, ces déséquilibres macro-économiques ont concouru à la
mise en place de politiques de stabilisation puis, au début des années 90, au lancement de
stratégies d’ajustement structurel au sein desquelles la dévaluation de 1994 a occupé une
place centrale. En jouant sur le taux de change effectif réel (cf. tableau 2), l’ajustement de
parité a contribué à dynamiser l’activité économique à coté des initiatives prises en matière
budgétaire.
Le Pacte de Convergence a manifesté la volonté politique de brider davantage
l’instrument budgétaire. Adopté en décembre 1999, le Pacte prévoit que le critère clé du
dispositif, à savoir le solde budgétaire de base, différence entre les recettes hors dons et les
dépenses hors investissements financés sur ressources extérieures, revienne à l’équilibre
d’ici à la fin 2005. Dans l’intervalle de cette phase de convergence, le niveau de la dette
publique sera progressivement ramené à un niveau inférieur à 70 % du produit intérieur. Le
choix du solde de référence a été l’objet d’importants débats ente les Etats. Certains lui
préféraient le solde global, dons compris, qui avait l’avantage d’être en lien avec les
variations de la dette, mais l’inconvénient d’entretenir la vulnérabilité envers une aide
extérieure difficilement prévisible. Le Pacte de convergence est donc marqué par le besoin
de prévenir les égarements passés et de "signaler" des changements dans les
comportements publics vers une plus grande rigueur budgétaire. L’idée sous jacente est
que la stratégie budgétaire à moyen terme doit pouvoir s’apprécier en distinguant ce qui est
imputable aux décisions discrétionnaires de ce qui procède du cycle des affaires, autrement
dit, des fluctuations auto-correctrices (Blejer et Chu, 1988 ; Heller et alii, 1986).
9
Tableau 2 : Situation macroéconomique des économies de l’UEMOA de 1986 à 2002
Taux de
croissance du PIB
(%)
Solde primaire de base
rapporté au PIB (%)
Indice des Termes de l’échange (1995 : base
100)
Taux de Change Effectif Réel ( 1995 : base 100)
Aide rapportée au PIB
(%)
Dette publique
extérieure rapportée au
PIB (%)
1986-
1993
1994-
1999
2000-
2002
1986 1993 1999 2002 1986 1993 1999 2002 1986 1993 1999 2002 1986 1993 1999 2002 1986 1993 1999 2002
Bénin 2,1 5,2 5,5 -2,5 2 4,2 1 78,1 77,3 86,9 73,7 123 121,9 100,6 105,9 10,1 13,7 8,8 8 66,2 66,4 71,9 48,1
Burkina Faso 2,6 4,8 5,2 0,7 -1,7 0,4 -2,5 73,6 84,2 86,1 81,4 163,9 135,6 102,5 101,8 13,3 19,9 14,2 15,1 31 35,8 55,3 45,5
Cote d'Ivoire 0,4 5,6 -0,8 6,5 -2,3 2,9 3,5 146,1 93,1 94,9 84 136,6 140,3 101,4 103,6 1,9 6,9 3,6 9,2 82,9 162,9 110,6 75,4
Mali 3,1 5,7 8,1 4,9 2,8 2,3 0,5 127,3 125,9 99,9 73,1 131,5 120,3 94,4 102,3 21,9 13,6 13,8 13,9 96,6 107,5 115,3 74
Niger 0,5 4,1 5 1,8 -4,2 -3,3 0,1 180,5 120,3 95,3 95,2 206,8 131,2 101,5 104,2 16,4 21,4 9,3 13,8 61 65 93,6 78,7
Sénégal 1,6 4,7 2,9 2,6 0,9 3 2,3 109,1 96,9 98,3 83,5 184,4 140,1 99,7 98,9 15,4 9,2 11,3 8,8 79,5 70,7 82,4 70,3
Togo -0,4 5,9 2 9,8 -9,2 0,3 1,9 138 91,1 114,8 98,8 142 117 104,2 105,6 16,1 7,9 5 3,7 93,9 94,5 98,7 87,2
UEMOA 1,4 5,1 4 3,4 -1,7 1,4 1 118,8 94,5 91,9 82 155,5 129,5 100,6 103,2 13,6 13,2 9,4 10,4 73 86,1 89,7 68,4
Sources : Les calculs ont été effectués à partir des bases de données suivantes : la Banque Mondiale, World Development Indicators (PIB et aide publique au développement : Official Development
Assistance et Official Aid, la Commission de l’UEMOA (solde budgétaire), les NIS/BCEAO (dette publique extérieure). Pour le taux de croissance, il s’agit du taux annuel moyen de la période. Le solde
budgétaire primaire de base = Recettes fiscales (hors dons) – (Dépenses courantes – Intérêts sur la dette) – Investissements réalisés sur ressources internes. Une augmentation du taux de change effectif réel
signifie une surévaluation de la monnaie. Ces taux sont calculés par une moyenne géométrique en considérant la structure des importations bilatérales sur la période 1999-2003. Les données brutes des taux
de change effectifs réels sont tirées des IFS-FMI.
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L’information du tableau 2 traduit l’évolution des principales variables macro-
économiques et notamment la détérioration persistante des termes de l’échange pour
l’ensemble des pays de l’UEMOA. La dévaluation est intervenue en 1994 à un moment où
le déficit budgétaire primaire demeurait important dans une majorité de pays membres.
Elle a eu pour effet mécanique d’alourdir le niveau de la dette publique extérieure qui s’est
ultérieurement contractée entre 1999 et 2002 tout en restant à un niveau élevé. Par ailleurs,
les années d’après dévaluation du franc CFA ont été le plus souvent caractérisées par des
excédents primaires de base. La croissance du produit intérieur, favorisée par
l’amélioration de la compétitivité, a retrouvé un niveau plus satisfaisant en regard de la
dynamique démographique, malgré un pourcentage d’aide publique qui reste en retrait de
son niveau du milieu des années 80. Comment interpréter l’évolution des soldes
budgétaires de l’Union dans leur rapport aux rythmes nationaux d’activité ?
III. La politique budgétaire et la conjoncture économique: arguments théoriques
S’agissant de l’impact de la politique budgétaire sur les fluctuations de l’activité
économique, toute une littérature a récemment conduit à considérer que celui-ci serait
conditionnel au niveau de la dette. Elle met donc en évidence des phénomènes de non
linéarité ou effets de "seuil". A la tradition keynésienne s’opposent ainsi les arguments de
la nouvelle économie néo-classique avec des effets non-keynésiens voire anti-keynésiens
si la réduction du déficit budgétaire peut susciter des stimulations plus que compensatrices
dans le secteur privé.
Les trois effets de la politique budgétaire
Dans une perspective keynésienne, la régulation de la croissance économique par
l’Etat passe par des actions budgétaires contracycliques. Cette orientation amène les
pouvoirs publics à soutenir l’activité dés lors que la demande des agents est déprimée et à
la freiner lorsque son emballement fait craindre des déséquilibres internes et externes. On
observera cependant qu’entre 1973 et 1982, les finances publiques africaines ont été
structurellement déficitaires, en contradiction avec la logique contracyclique d’intervention
de l’Etat. Jusqu’ici, peu d’Etats africains ont d’ailleurs été capables de lisser la dépense en
épargnant dans les moments de boom des matières premières et en désépargnant dans une
conjoncture défavorable. Sur la période d’observation, c’est à dire en aval de 1986, compte
11
tenu des déséquilibres de départ et de l’importance de la dette contractée, on peut donc
s’interroger sur la nature de ces effets keynésiens.
En partant de l’intuition initiale de Ricardo, Barro (1974) a contribué à réfuter la
thèse de l’efficacité de l’action budgétaire sur les variations conjoncturelles. Par le principe
de l’équivalence ricardienne, le secteur privé intègre dans son calcul économique la
contrainte budgétaire intertemporelle du secteur public. Si les agents s’attendent à
rembourser la dette consécutive aux déficits, l’action de l’Etat produit un effet "non
keynésien" dans la mesure où il n’affecte pas le produit intérieur. En effet, l’anticipation du
remboursement de la dette suscite une diminution instantanée de la dépense privée et fait
du déficit public un simple transfert intertemporel. Le principe de l’équivalence ricardienne
repose toutefois sur des hypothèses restrictives, en particulier pour les pays en
développement où les marchés de l’assurance et du crédit sont imparfaits et les impôts
fortement distorsifs. Par ailleurs, en Afrique, les contraintes de liquidité limitent la
possibilité pour les agents de lisser leur consommation dans le temps.
Dans des contextes de fort endettement, des auteurs ont récemment renouvelé la
réflexion en postulant qu’une contraction budgétaire pouvait induire un effet positif "anti
keynésien" sur l’activité. Leur hypothèse procède de l’observation des expériences
contractionnistes conduites, dans les années quatre vingt, par certains pays de l’Europe du
Nord. Point commun à ces économies, la réduction de la dépense publique a été à la fois
forte, rapide et durable, mais également conjuguée à un effet expansif sur l’activité
intérieure (e.g. Llau, 1999).
Les effets de seuil de la politique budgétaire
La présence d’effets de seuil suggère la coexistence de différents régimes
budgétaires conditionnels à l’endettement public. Plusieurs explications, mutuellement non
exclusives, ont été apportées à ce phénomène. Les premières reposent plus
particulièrement sur des mécanismes de demande, les secondes sur des mécanismes
d’offre.
En ce qui concerne les effets de demande, ils ont été interprétés par Giavazzi et
Pagano (1990), mais aussi par Blanchard (1990), à travers un effet de signal dans des
situations d’endettement critique. Celui ci repose sur la solvabilité retrouvée des finances
publiques qui modifierait la formation des anticipations des agents privés. Une baisse
12
permanente des dépenses publiques annonce une baisse future des impôts. Elle est donc à
l’origine d’un effet de richesse positif. Un autre mécanisme, auquel est notamment attaché
le travail de Giavazzi et alii (2000), peut-être à l’origine de cet effet de signal. Il passe par
un accroissement des impôts annonçant que les agents supporteront dans l’avenir des
ajustements budgétaires moins sévères en relation avec l’allègement du service de la dette.
Que l’effet de signal se concrétise à travers la dépense ou par le biais de l’impôt,
dans les deux cas, il met la politique budgétaire en relation avec des effets de seuil, avec
un impact sur l’activité économique qui dépend du niveau d’endettement. Dans une
interprétation voisine de cet effet de signal, avec un modèle à générations imbriquées en
référence, Bertola et Drazen (1993) puis Sutherland (1997) ont montré qu’il pouvait exister
un seuil psychologique de dette publique rendant l’ajustement budgétaire inévitable.
Confrontés à un endettement public soutenable, les agents supposent que le remboursement
de la dette reposera sur les générations futures. Dans ce cas, un déficit a des effets
keynésiens. En revanche, en présence d’une dette jugée non soutenable, les agents
s’attendent à supporter eux-mêmes le poids des remboursements, de sorte que les effets du
déficit deviennent non-keynésiens ou anti-keynésiens.
L’importance du seuil de la dette se dessine dans ce courant de littérature, mais
également les hypothèses sur lesquelles les agents fondent la formation de leurs
anticipations, en l’occurrence le caractère non monétisable et non répudiable de la dette.
Ces hypothèses sont sans doute pertinentes pour les pays membres de la zone franc, encore
que des phénomènes de hasard moral puissent être présents par des anticipations de
moratoires ou de remises de dettes extérieures qui modifieraient les comportements privés.
La portée de ces phénomènes est toutefois à relativiser. La plus importante remise de
dettes, l’initiative envers les Pays Pauvres et Très Endettés (PPTE), a été à la fois récente et
exogène, suffisamment générale dans les pays en développement pour ne pas avoir été liée
à des situations financières et des comportements stratégiques particuliers à l’Union. Les
agents privés n’ont donc pas internalisé le principe de cette initiative pour former leurs
anticipations.
Pour ce qui concerne les effets d’offre, ils reposent sur deux hypothèses : d’une part,
l’ajustement par la baisse des dépenses publiques n’engendre pas les distorsions que peut
générer un accroissement des impôts et, d’autre part, la composition de l’ajustement
budgétaire dépend du niveau du taux d’endettement (cf. Alesina et Perotti, 1995 ; Alesina
13
et Ardagna, 1998). En situation budgétaire "critique", le gouvernement privilégie la baisse
durable des dépenses publiques, en particulier par la masse salariale, malgré le coût
politique de court terme que revêt cette mesure. Au contraire, en situation budgétaire
"normale", le gouvernement est porté à promouvoir un ajustement budgétaire
politiquement moins coûteux qui repose sur une augmentation des impôts.
Un autre effet d’offre a pu jouer en zone franc, en particulier par la concomitance
de la réduction des déficits budgétaires et de l’engagement des gouvernements à liquider le
problème des arriérés de paiement, c'est-à-dire le non paiement à l’échéance contractuelle
des factures par l’Etat. Dans le passé, les arriérés envers le secteur privé ou parapublic ont
constitué un moyen de relâchement instantané de la contrainte budgétaire publique. Si les
arriérés sont ultérieurement apurés, les créanciers subissent un impôt implicite, un manque
à gagner équivalent à celui d’une détention de titres publics non porteurs d’intérêt.
Lorsqu’en revanche les arriérés publics ne sont qu’en partie liquidés à terme, situation qui
fut courante en zone franc, la captation de l’Etat est plus importante. Elle est aussi plus
distorsive envers le système productif, car elle implique une discrimination arbitraire des
entreprises et le non-respect de la règle de droit.
Ces stratégies de financement public ont été très perturbatrices pour l’activité des
pays de la zone franc. De Boissieu (1985) en a montré le caractère pernicieux à travers les
effets de "report" et "d’imitation" qui ont eu de très mauvaises implications pour le
système financier local et la croissance économique, notamment pour les petites et
moyennes entreprises du secteur formel. Le Pacte a donc privilégié la transparence
budgétaire, préférant susciter la baisse des dépenses et parallèlement l’augmentation du
taux de pression fiscale plutôt que de maintenir la logique subjective et souvent spoliatrice
des arriérés publics. L’action simultanée sur les dépenses et les recettes publiques apparaît
nécessaire dans un contexte de transition fiscale qui rend difficile l’ajustement par la seule
augmentation des taux de prélèvement public.3 Ce changement de comportement en faveur
d’une meilleure gouvernance publique a pu être une source de stimulation de la croissance
économique sur fond d’engagement parallèle à réduire les déficits budgétaires. En d’autres
termes, la moindre stimulation budgétaire de l’activité a pu être compensée par un regain
de confiance des agents privés.
14
IV. La politique budgétaire et ses effets de seuils : tests économétriques
Dans la logique de ce qui précède, on fait l’hypothèse que l’impact de la politique
budgétaire sur l’activité diffère selon un niveau d’endettement à déterminer. Il existe deux
catégories de modèles permettant de modéliser un effet de seuil. Il y a les modèles dont le
seuil est fixé de façon exogène (Tsay, 1989). L’impact différencié des politiques
budgétaires a été alors diversement mis en évidence. Alesina et alii (2002) ont, par
exemple, évalué l’impact des chocs budgétaires sur l’investissement privé. Ils montrent
que la composition de l’ajustement budgétaire, dépenses versus recettes, est déterminante
pour l’évolution de l’investissement privé avec un effet de seuil non significatif. Giavazzi
et alii (2000) ont cherché à établir la corrélation entre le solde budgétaire et l’épargne
nationale. Leurs résultats font apparaître des relations non-linéaires généralement
significatives. Ces modèles à effet de seuil exogène ont la souplesse de la modélisation,
mais leurs caractéristiques ad hoc en atténuent la portée analytique. Dans cet article, notre
préférence va pour la mise en évidence de seuil(s) déterminé(s) de façon endogène selon la
méthode de Hansen (1996, 1999).
La modélisation suivant la méthode d’Hansen
Il s’agit d’une méthode de balayage suivant laquelle une équation de référence est
estimée pour différentes valeurs de la variable de seuil. En l’occurrence, on modélise
l’impact de la politique budgétaire, que l’on considère comme conditionnel au niveau
d’endettement, à partir de la relation entre un solde budgétaire primaire structurel de base
(SBS) et l’output gap (GAP)4 du pays i à l’instant t (équation 1).
5
( ) ( ) itititititiit DPEISBSDPEISBSXaGAP εγπγθβ +>+≤++= ... (1)
θ et π, sont les effets marginaux qui peuvent être différents suivant le régime de la
politique budgétaire. On distingue ainsi un régime "normal", lorsque le niveau
d’endettement mesuré par le rapport de la dette extérieure publique au PIB (DPE) est
inférieur ou égal au seuil ( )γ , et un régime "critique" lorsque celui-ci est supérieur. En
l’occurrence, ( )γ≤DPEI est égal à 1 lorsque γ≤DPE et 0 sinon. De façon similaire,
( )γ>DPEI est égal à 1 lorsque γ>DPE et 0 sinon.6 On retient ici que les agents
interprètent l’impact budgétaire en fonction de la dette courante dont le niveau suscite
15
potentiellement un changement de régime instantané. L’absence de décalage entre le
déficit budgétaire et DPE suggère que les agents forment des anticipations en utilisant
toute l’information disponible à l’instant t. Le seuil endogène ainsi déterminé n’a pas de
dimension normative. Sa valeur ne préjuge pas d’un niveau de dette optimal ou soutenable
dont le calcul nécessiterait de mettre le solde budgétaire primaire en relation avec la
croissance du produit et le coût réel de la dette.
L’impact du solde budgétaire sur l’output gap peut être négatif en régime "normal",
c'est-à-dire lorsque la dette est inférieure ou égale à un seuil endogène (effet keynésien,
0<θ ). En régime "critique", c'est-à-dire lorsque l’endettement est supérieur à ce seuil,
l’impact peut être nul (effet non-keynésien, 0=π ) ou positif (effet anti-keynésien, 0>π ).
Le vecteur X permet de contrôler pour l’action des variables d’environnement et de
politique économique autres que le solde budgétaire.7 La section II a montré la nécessité de
prendre ces variables en considération. Par ia , on désigne les effets spécifiques pays que
l’on considère comme des effets fixes. Cette hypothèse restrictive signifie que toute
l’hétérogénéité inobservable entre les pays est de caractère additif.8 itε est un bruit blanc
iid de moyenne nulle et de variance constante.
Détermination du seuil et tests sur la linéarité du processus
Dans une première étape, on cherche à déterminer un niveau de seuil optimal. On
utilise pour cela la procédure de "trimming" impliquant de balayer toutes les valeurs de la
série considérée pour l’effet de seuil après avoir éliminé 10 % des valeurs extrêmes de
chaque coté de la distribution. Cette procédure conduit à une partition des observations
laissant suffisamment de points dans chaque régime pour estimer les paramètres du
modèle. Ainsi, le niveau de seuil optimal ( γ̂ ), à la fois constant dans le temps et identique
pour tous les pays, est celui qui correspond à la valeur de γ qui minimise la somme des
carrés des résidus ( 1S ) :
( )γγγ
1minargˆ S= avec )(ˆ)(ˆ)(1 γεγεγ ′=S (2)
Dans une seconde étape, à la suite de l’identification du niveau du seuil optimal,
l’hypothèse de linéarité du processus est testée ( )πθπθ ≠= : versus: 10 HH . Dans
16
l’hypothèse nulle de la linéarité, la non identification du seuil interdit le recours aux
inférences usuelles. Pour remédier à ce problème, Hansen (1999) propose une statistique
de Fisher ( 1F ) qui permet de comparer les modèles avec et sans rupture. Soit 0S et 1S ,
respectivement la somme des carrés des écarts dans l’hypothèse 0H de linéarité et 1H de
non linéarité et 2σ̂ la variance estimée des résidus. Dans l’hypothèse 0H , nous avons :
2
10
1ˆ
))ˆ((
σ
γSSF
−= (3)
La distribution de la statistique 1F est obtenue à partir d’un bootstrap classique non
paramétrique qui permet de dériver une distribution de la statistique. Par ailleurs, Hansen
(1999) propose de construire un intervalle de confiance sur la base du ratio de maximum
de vraisemblance calculé pour tout γ afin d’établir un intervalle de "non-rejet" de la
significativité du seuil :
( )( )
2
111
ˆ
)ˆ()(
σ
γγγ
SSLR
−= (4)
Pour la valeur du seuil endogène identifié, c’est-à-dire γγ ˆ= , le ratio de maximum
de vraisemblance ( )1LR est nul et tend vers une variable aléatoire ξ dont la fonction de
distribution est ( )2
2exp1
−−=≤
xxP ξ . L’inversion de cette distribution permet de
dériver l’expression ( ) ( )αα −−−= 11log2c nécessaire à la détermination de l’intervalle
de confiance. Ce dernier correspond, pour un seuil de risque de %α , aux valeurs de γ
telles que : ( ) ( )αγ cLR ≤1 .
Les variables
La variable expliquée est l’output gap (GAP). Certes, on pourrait lui préférer le
produit par tête, mais celui-ci dépend de phénomènes de longue période qui ont peu de
chance d’être dans une relation comportant des effets de seuil avec la politique budgétaire.
Une autre solution, qui n’est pas plus satisfaisante en raison de la forte variabilité de cette
variable, consisterait à retenir le taux de croissance du produit comme variable expliquée.
17
Cette seconde solution ayant l’inconvénient de donner beaucoup de poids aux phénomènes
aléatoires, on en reste finalement à la notion d’output gap.
Ce dernier est mesuré par la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel
rapportée au PIB potentiel. De façon générale, le débat est non encore tranché quant à la
"bonne" méthode d’estimation du PIB potentiel (e.g. Burnside, 1998 ; Canova, 1998 ;
Rand et Tarp, 2002). Le lissage de Hodrick-Prescott (1980), ci-après noté HP, est
cependant couramment utilisé, en particulier par la Commission Européenne, qui le préfère
à des méthodes reposant sur l’estimation d’une fonction de production (Bouthevillain et
alii, 2001).9 Il permet d’éliminer une composante tendancielle stochastique qui évolue
lentement dans le temps et qui est indépendante de la composante cyclique. Le filtre HP
suppose que la série du produit (Y) se décompose en un cycle (C) et une tendance (T) qui
résulte du calcul d’optimisation suivant où λ est un multiplicateur de Lagrange,
représentant le paramètre de lissage :
( ) ( )( )∑=
+ ∆−∆+−N
t
ttttT
TTTY1
2
1
2min λ (5)
Autrement dit, on choisit la tendance de manière à minimiser la variance de la série
autour de celle-ci sous une pénalité qui limite les changements dans la variation de T. Le
filtre HP présente deux avantages principaux : la simplicité de mise en œuvre et la
possibilité de l’utiliser sans avoir à prolonger la série initiale. Il faut cependant reconnaître
ses limites : le calcul de la tendance présente un effet de bord, le cycle peut être bruité par
des phénomènes à haute fréquence. Par ailleurs, le choix du paramètre λ est entaché d’un
certain arbitraire (Ravn et Uhlig, 2002 ; Araujo et alii, 2004).
Le niveau du paramètre de lissage, qui permet de dériver la tendance d’une série,
est loin de faire l’unanimité chez les auteurs. Hodrick-Prescott recommandent des valeurs
de 1600 pour les données trimestrielles et 100 pour les données annuelles. Bouthevillain
(2002) suggère 30 pour des séries annuelles tandis que Baxter et King (1999) adoptent des
valeurs comprises entre 100 et 400. La réalité des cycles économiques est semble-t-il assez
différente dans les pays en développement à ce qu’elle est dans les pays industrialisés
auxquels se réfèrent les auteurs précités. Comme l’ont montré Rand et Tarp (2002), la
longueur des cycles est ici plus courte et plus volatile à cause des nombreux chocs d’offre
qui s’ajoutent aux instabilités importées de l’environnement international. Pour donner de
18
la robustesse à nos résultats, plusieurs valeurs du filtre de lissage de la composante
tendancielle ont été retenues. Le PIB potentiel a été calculé suivant 4 valeurs courantes du
filtre HP : 30 (Bouthevillain, 2002), 100 (Backus et Kehoe, 1992), 400 (Correia et alii
1992) et 500.10
La variable budgétaire d’intérêt est un solde primaire de base, c’est-à-dire, calculé
hors des paiements d’intérêts sur la dette publique. Ces derniers constituent des paiements
à des non résidents en relation avec des dettes contractées dans le passé. Ils ne sont donc
pas des dépenses destinées à agir délibérément et instantanément sur les PIB africains. Le
solde de base exclut les dépenses d’investissements réalisées sur ressources externes et les
dons que l’on a soustraits des recettes. L’exclusion des investissements financés sur
ressources externes affaiblit l’impact keynésien potentiel de la politique budgétaire.
Toutefois, depuis une dizaine d’années, le solde de base est la variable clef du Pacte de
Convergence de l’UEMOA (Ary Tanimoune et Plane, 2005). La non prise en compte des
investissements financés sur ressources extérieures se justifie par le traitement symétrique
des dons, lesquels sont exclus des recettes.11
Par un ajustement pour les effets mécaniques induits par les fluctuations de
l’activité économique, le solde budgétaire a été considéré pour sa valeur structurelle que
l’on détermine par la différence entre les soldes effectif et conjoncturel et que l’on assimile
à l’effort budgétaire. A défaut de disposer de budgets publics suffisamment désagrégés
pour le calcul des élasticités des différentes composantes budgétaires (Bouthevillain et alii
2001), le résidu économétrique du ratio du solde budgétaire sur l’output gap a été utilisé.12
Parmi les variables de contrôle du modèle, on introduit d’abord le ratio de la dette
extérieure rapportée au PIB que l’on note : DPE13
. Suivant les théories du surendettement,
la variable DPE influence négativement la variable endogène. En effet, lorsque
l’endettement dépasse les capacités de remboursement, les services de la dette découragent
les investisseurs et pénalisent la croissance (Krugman, 1988). Les termes de l’échange
(ITEC) sont également introduits. Ils saisissent l’incidence de l’environnement
international qui affecte fortement le prix relatif des produits de base. Les termes de
l’échange sont associés à des effets d’offre et de demande et leur évolution est supposée
être dans une relation positive à l’output gap. Il paraît également important de tester
l’influence potentielle des variations climatiques.
19
La variable RAIN mesure l’état de la pluviométrie.14
Celle-ci est retardée d’une
période pour tenir compte d’un décalage entre un choc climatique et ses effets productifs.
A coté de l’impact budgétaire, auquel ils ne contribuent pas, car non comptabilisés dans le
solde budgétaire de base, les flux d’aide rapportés au produit (AIDE) sont introduits
comme variable de contrôle pour leur effet potentiel sur l’output gap. Enfin, une variable
de rupture (RUPTURE) a été introduite pour saisir les changements de comportements
après la dévaluation de 1994. Le réajustement des prix relatifs, mais également les
réformes institutionnelles concomitantes, ont profondément modifié le fonctionnement des
économies sous une forme qui peut laisser présager une accélération de l’activité. On saisit
par RUPTURE l’ensemble des effets de politique économique étrangers au solde
budgétaire, notamment tous les impacts de la dévaluation du franc CFA.
Pour donner plus de flexibilité au modèle et neutraliser les conséquences des biais
d’omission de variables et de spécification de forme fonctionnelle, Hansen (1999)
recommande de tester l’impact non linéaire de ces variables de contrôle en les élevant au
carré et au cube. Nous avons adopté la même démarche à titre de test de robustesse.
Les résultats
L’équation est estimée sur des données annuelles d’un panel constitué de sept pays
de l’UEMOA sur la période 1986-2002.15
Selon les pays, les données sont très inégalement
disponibles pour la période antérieure. L’hétérogénéité inobservable par pays, supposée
constante dans le temps, est neutralisée par la transformation des variables en écart à la
moyenne.16
Comme il est établi dans l’annexe 2, l’hypothèse d’unicité du seuil
d’endettement conditionnant l’impact différencié de la politique budgétaire ne peut être
rejetée. Ce résultat est conforme à la théorie du seuil psychologique qui repose sur la
perception des agents et met l’accent sur la dichotomie entre un régime "normal" et un
régime "critique" de politique budgétaire.
Les résultats d’estimation de l’équation 1 sont reportés dans le tableau 3. Il apparaît
que l’introduction des variables de contrôle, élevées au carré et au cube, ne remet pas en
cause la validité du seuil estimé. Par contre, en relation avec des phénomènes de
multicolinéarité, leur prise en compte fait perdre de la significativité aux variables en
niveau sans accroître le pouvoir explicatif du modèle. Etant donné que la variable RAIN
20
est par ailleurs non statistiquement significatives, on ne commentera que les estimations 1,
2, 3 et 4.
21
Tableau 3 : L’impact budgétaire sur la conjoncture (GAP) : résultats d’estimation du
modèle de Hansen pour l’ensemble de l’UEMOA (1986-2002)
(1) (2) (3) (4) (1a) (1b) (2a) (2b) (3a) (3b) (4a) (4b)
Paramètre
HP
30 100 400 500 30 30 100 100 400 400 500 500
Seuil DPE% 83 83 83 83 83 83 83 83 83 83 83 83
Intervalle de
confiance du
seuil
[67 ; 128] [ 67; 94] [75 ; 94] [75 ; 94] [67 ; 128] [67 ; 128] [67 ; 94] [67 ; 94] [67; 94] [67 ; 94] [66 ; 94] [67 ; 94]
ITEC 0,002 0,002 0,002 0,002 0,002 0,002 0,002 0,002 0,002 0 0,002 0
(5,24)* (5,71)* (5,13)* (4,93)* (5.07)* (2,46)* (5,48)* (1,47)*** (5,00)* (0,12) (4,84)* (-0,09)
ITEC 2
0 0 0 0
(-0,01) (0,24) (0,2) (0,17)
ITEC 3
0 0 0 0
(-0,38) (0,19) (1,24) (1,44)***
DPE -0,092 -0,108 -0,146 -0,154 -0,108 -0,724 -0,124 -0,719 -0,15 -0,619 -0,154 -0,596
(-1,92)** (-2,06)* (-2,82)* (-3,01)* (-1,93) (-2,16)* (-1,96) (-1,94)** (-2,36)* (-1,62)*** (-2,47)* (-1,57)***
DPE 2 0,646 0,603 0,434 0,397
(1,89)** (1,58)*** (1,1) (1,01)
DPE 3 -0,207 -0,19 -0,132 -0,119
(-1,88)** (-1,55)*** (-1,04) (-0,95)
AIDE 0,122 -0,07 -0,375 -0,429 0,12 0,763 -0,076 1,035 -0,398 1,514 -0,456 1,633
(0,67) (-0,34) (-1,71)** (-1,96)* (0,61) (0,64) (-0,34) (0,65) (-1,61)** (0,82) (-1,84)** (0,88)
AIDE 2 -2,225 -5,966 -11,837 -13,099
(-0,23) (-0,46) (-0,79) (-0,86)
AIDE 3 1,299 10,621 24,147 26,942
(0,05) (0,33) (0,65) (0,71)
RAIN 0 0 0 0 0 0 0 0
(0,92) (1,07) (0,68) (1) (0,47) (0,83) (0,44) (0,78)
RAIN 2 0 0 0 0
(-0,93) (-0,80) (-0,62) (-0,57)
RAIN 3 0 0 0 0
(0,87) (0,71) (0,51) (0,46)
RUPTURE 0,087 0,111 0,153 0,162 0,092 0,104 0,116 0,129 0,155 0,166 0,164 0,175
(5,09)* (5,92)* (8,00)* (8,55)* (5,15)* (5,05)* (5,87)* (5,71)* (7,64)* (7,35)* (8,11)* (7,80)*
SBSinf -1,531 -1,9 -1,923 -1,861 -1,612 -1,74 -1,982 -2,124 -1,886 -2,003 -1,781 -1,896
(-3,90)* (-4,13)* (-3,76)* (-3,61)* (-3,57)* (-3,73)* (-3,77)* (-3,90)* (-3,25)* (-3,32)* (-3,06)* (-3,14)*
SBSsup 0,262 0,589 1,032 1,1 0,29 0,376 0,619 0,705 1,041 1,13 1,105 1,197
(0,66) (1,38) (2,48)* (2,69)* (0,76) (0,94) (1,5) (1,65)** (2,58)* (2,69)* (2,78)* (2,89)*
SBSinf et SBSsup : respectivement les variables de solde en dessous et au dessus du seuil. Les résultats sont présentés avec
correction de l’hétéroscédasticité. Les t-Student sont donnés entre parenthèses avec une significativité de :
* (95 %), ** (90 %) et *** (85 %)
R² (%) 34 39 50 52 35 37 39 40 49 50 51 53
Test sur l’hypothèse de nullité de la linéarité au seuil de 83 %
H0 θ = π θ = π F1
13,21 18,63 22 21,9 13,21 15.59
17,98 20,17 18,81
20,73 18,14 20,12
p-value
(simulation)
0,13 0,07 0,1 0,1 0,12 0,09 0,09 0,08 0,15 0,13 0,18 0,16
Nombre de
simulations
2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000
22
La valeur du seuil endogène suggère que le changement de régime intervient à un
niveau de dette correspondant à 83 % du PIB.17
Il apparaît que le seuil endogène
d’endettement de 83 % est remarquablement stable, quelle que soit la valeur du paramètre
de lissage adoptée. Le signe des variables exogènes reste inchangé sur les quatre équations
estimées. Les équations avec des filtres HP de 400 et de 500 minimisent la variance des
résidus. Sur les quatre premières régression du tableau 3, le test de Hansen permet de
rejeter, avec une erreur de première espèce comprise entre 7 % à 13 % selon les
spécifications, l’hypothèse nulle de linéarité pour le seuil d’endettement de 83 %.18
Par
ailleurs, le tableau 4 donne la répartition du nombre des observations au-dessous et au-
dessus du seuil endogène. Il apparaît que celle-ci est relativement équilibrée sur l’ensemble
de la période. Le nombre d’observations est donc suffisant pour identifier correctement les
régimes de politique budgétaire.
Tableau 4 : La répartition des observations dans les sous-échantillons
UEMOA/Périodes 1986-1993 1994-2002 1986-2002
Nombre d’observations du 1er sous-échantillon (DPE <= Seuil endogène de 82,89 %) :
37 32 69
Nombre d’observations du 2ème sous-échantillon (DPE > Seuil endogène de 82,89 %) :
19 31 50
Enfin, les graphiques 1, 2, 3 et 4 mettent l’éclairage, par le ratio du maximum de
vraisemblance, sur les intervalles de non-rejet de ce seuil et pour les différents niveaux du
ratio de la dette.
N.B. : sur chacun des graphiques, le trait horizontal indique le seuil de risque de 5 %
Graphique 1 : Intervalle de confiance du seuil endogene (avec GAP30)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
0,3
0,6
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
1,2
Taux d'endettement (% PIB)
Ra
tio
de
vra
ise
mb
lan
ce
RV30 Seuil
Graphique 3 : Intervalle de confiance du seuil endogene (avec GAP400)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
0,3
0,6
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
1,2
Taux d'endettement (% PIB)
Ra
tio
de
vra
ise
mb
lan
ce
RV400 Seuil
Graphique 2 : Intervalle de confiance du seuil endogene (avec GAP100)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
0,3
0,6
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
1,2
Taux d'endettement (% PIB)
Ra
tio
de
vra
ise
mb
lan
ce
RV100 Seuil
Graphique 4 : Intervalle de confiance du seuil endogene (avec GAP500)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
22
24
0,3
0,6
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
1,2
Taux d'endettement (% PIB)
Ra
tio
de
vra
ise
mb
lan
ce
RV500 Seuil
23
24
Le modèle vérifie la pertinence d’une rupture sur l’année 1994 qui concentre
d’importants changements économiques et institutionnels comme la dévaluation du Franc
CFA, mais également l’approfondissement du cadre d’intégration régional à travers la
signature des accords de l’UEMOA. Le coefficient de la variable RUPTURE s’est avéré
statistiquement significatif, tout comme celui des termes de l’échange, ce qui confirme
l’influence de l’environnement international sur l’activité. S’agissant du taux
d’endettement, le coefficient porte un signe négatif et significatif. On en déduit que le
niveau moyen de la dette extérieure publique freine l’activité économique de la zone. Par
contre, la variable AIDE s’avère non pertinente, sauf pour des valeurs élevées du
paramètre de lissage. Le signe négatif n’affecte pas les valeurs de seuil et procède en partie
d’appuis budgétaires français contra-cycliques, notamment dans la période 1986-1994.
La variable d’endettement conditionne également l’influence de la politique
budgétaire sur le cycle économique. Dans le régime "normal" d’endettement, qui
correspond à un taux d’endettement inférieur à 83 %, le coefficient du solde budgétaire est
négatif et significatif à 95 %. Il en résulte une situation budgétaire de type keynésien. En
régime d’endettement "critique", le coefficient est positif et significatif à 95 % dans
l’estimation avec un filtre HP de 400 et de 500, mais non statistiquement significatif pour
les autres valeurs du paramètre de lissage.
Le signe positif du coefficient d’impact budgétaire, au-delà du taux d’endettement
de 83 %, met en évidence un effet anti-keynésien. Ce résultat est conforme à l’observation
d’une certaine reprise de la croissance, à partir de 1994, concomitante au processus
d’assainissement des finances publiques. La dette publique extérieure a en effet augmenté
mécaniquement avec la dévaluation et les nouveaux financements d’ajustement obtenus
des institutions de Bretton-Woods. La situation d’après dévaluation a donc été caractérisée
par l’augmentation de la dette, mais aussi par l’accélération de la croissance du produit
intérieur et l’effort de redressement budgétaire (Collange et Plane, 1994).
25
V. Conclusion
La politique budgétaire en zone franc a été imparfaitement contrôlée et finalement
source d’endettement et de graves déséquilibres macroéconomiques jusqu’au début des
années quatre vingt. L’UEMOA a depuis posé des garde-fous sans pour autant s’interroger
sur l’efficacité de la politique budgétaire. Sur la période 1986-2002, cet article a souhaité
éclairer cette question. Le principal résultat auquel on est parvenu est l’existence d’un effet
de seuil de l’effort budgétaire sur l’output gap, impact conditionnel au taux d’endettement
public.
La méthode de détermination des seuils endogènes de Hansen a révélé qu’en
présence d’un taux d’endettement inférieur à 83 % du PIB, la relation entre l’effort
budgétaire et la conjoncture a été de nature keynésienne. Cet effet de seuil est notamment
accepté à 90 % de confiance pour un filtre HP de 400 qui correspond à la valeur de
paramètre la plus couramment utilisée pour des données annuelles. Pour un endettement
supérieur, la relation, plus incertaine, semble ainsi de nature anti-keynésienne ou non-
keynésienne. Autrement dit, une contraction budgétaire est favorable ou neutre sur l’écart
de produit. Ce résultat s’est avéré robuste aux différentes décompositions "cycle-tendance"
obtenues par le filtre de Hodrick-Prescott.
Un tel travail se prête assurément à des approfondissements méthodologiques en
relation notamment avec la question de l’endogénéité du solde budgétaire à la conjoncture
économique. Celle-ci peut procéder de l’existence des stabilisateurs automatiques ou de la
présence d’une fonction de réaction de l’effort budgétaire à l’activité. Si la première source
de biais a été résolue par le calcul de l’effort budgétaire, la seconde demeure susceptible
d’influence pour l’analyse de la politique économique sans pour autant remettre en cause
l’existence d’un effet de seuil. Par ailleurs, dans la mesure où les critères de convergence
portent à la fois sur un seuil minimum de pression fiscale et un seuil maximum de dépenses
salariales, il devrait être possible de mettre en évidence des effets différenciés de
l’ajustement budgétaire en testant directement les effets de composition : hausse des
impôts versus baisse des dépenses publiques.
26
1 L’UEMOA est composée du Bénin, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal, Niger, Togo, Mali et Guinée
Bissau. Ce dernier pays n’a pas été retenu dans l’analyse à cause de sa récente entrée dans l’Union (1997) et
du manque de données. 2 L’incapacité des gouvernements à s’opposer aux revendications sociales en période d’excédent budgétaire
ou d’endettement "facile" a pu engendrer ce que Tornell et Lane (1999) ont appelé un effet de voracité. Dans
un Etat faible, un choc positif sur les termes de l’échange provoque, en réponse à une demande des groupes
de pression, une augmentation excessive des dépenses publiques. Il peut en résulter un ralentissement de la
croissance. 3 Cette transition fiscale signifie le passage d’une fiscalité centrée sur les droits de porte à des prélèvements
fondés sur l’élargissement des revenus directs et indirects, notamment par la TVA (Chambas, 2005). 4 Adam et Bevan (2005), pour un ensemble de pays en développement, ont analysé la relation directe de non-
linéarité entre le déficit budgétaire et la croissance. 5 Selon un rapporteur rien n’assure que l’impact de la politique budgétaire puisse se résumer à deux régimes
en fonction de la valeur du ratio de dette. Pour répondre à cette objection, nous avons estimé l’équation par
les moindres carrés ordinaires en supposant, de façon séquentielle, la présence de 0, 1 puis 2 seuils. Nous
nous sommes limités à deux seuils au maximum en raison de l’étroitesse de l’échantillon. Selon les
statistiques F1 et F2, la seule hypothèse non rejetée est la présence de 1 seuil (cf. annexe 2). 6 L’un des rapporteurs suggérait d’introduire une hypothèse économique permettant de tester l’éventualité de
plus de deux régimes. Les références théoriques nous manquent pour pouvoir étayer cette démarche. Les
estimations proposées dans l’annexe 2 ne relèvent que d’un test de robustesse sur l’unicité du seuil. 7 L’estimation du modèle avec une spécification qui étend la possibilité de l’effet de seuil à l’ensemble des
variables exogènes (X) ne permet pas de rejeter l’hypothèse de linéarité. Cette spécification est cependant
restrictive dans la mesure où elle impose un seuil commun à toutes les variables. Cette perspective n’est pas
sous-tendue par des hypothèses théoriques de sorte qu’un effet de seuil nécessairement commun à l’ensemble
de variables n’a pas de raison d’être statistiquement significatif. 8 Nous remercions le rapporteur qui a attiré notre attention sur cette limite du modèle.
9 Dans le cas de l’UEMOA, Diop (2000) a utilisé différentes méthodologies. Il note que la méthode
d’évaluation à partir de la fonction de production comporte des insuffisances relatives à la mesure du stock
de capital et à la "difficulté à appréhender correctement le fonctionnement du marché du travail de
l'UEMOA". 10
La valeur de 500 correspond à une demande formulée par un des rapporteurs. Cette nouvelle valeur de
lissage contribue à réduire l’inévitable subjectivité attachée au choix de ce paramètre. 11
Pour une part significative, les investissements publics financés sur des ressources externes sont associés à
des dons et ne sont donc pas constitutifs d’un accroissement de la dette susceptible de modifier les
anticipations des agents. 12
On se rapportera à l’annexe 1 pour le mode de calcul du solde structurel. 13
Il aurait été préférable de retenir la dette totale mais les statistiques sur la dette intérieure sont largement
incomplètes. 14
Cette variable est issue de la "Global Precipitation Climatology Project (GPCP) database rainfall" :
[http://www.econ.berkeley.edu/~emiguel/data.shtml]. RAIN est une combinaison de relevés pluviométriques
et d’observations satellitaires sur la couverture nuageuse. Nous remercions l’un des rapporteurs pour nous
avoir indiqué cette source statistique. 15
Pour les estimations avec la variable de pluviométrie, la période de référence est 1986-2001. 16
Pour la variable dépendante du seuil, il y a lieu de préciser que la transformation " within" est appliquée
aux deux nouvelles séries déduites en fonction du niveau de seuil : Hansen (1999) : équation 3, p. 348. 17
Les statistiques de détermination du seuil endogène sont présentées dans l’annexe 3. 18
Comme le remarquait l’un des rapporteurs, mais sans que les auteurs soient en situation de pouvoir
expliquer le phénomène, l’erreur de première espèce n’est jamais inférieure à 5 %.
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Annexe 1 : Calcul de l’effort budgétaire selon différentes valeurs du paramètre de
filtrage
L’effort budgétaire ou solde budgétaire structurel de base ( SBS ˆ ) utilisé se réfère au
solde primaire de base ( SB ) corrigé des fluctuations conjoncturelles. Il est déterminé à partir
du résidu de l’estimation, contrôlée par les effets fixes individuels, du ratio de solde primaire
de base sur l’output gap. Le calcul de l’output gap a été effectué à l’aide d’un filtre de
Hodrick-Prescott pour des valeurs de lissage de 30, 100, 400 et 500 (respectivement GAP30,
GAP100, GAP 400 et GAP500). Autrement dit, on procède à la décomposition économétrique
du solde budgétaire en deux éléments : la partie induite par la conjoncture et l’effort
budgétaire, par hypothèse exogène à la conjoncture, que l’on assimile aux résidus de
l’estimation (Guillaumont et Guillaumont, 1988).
%40²
ˆ30)00.4(
15.0
=
+=
R
itSBSitGAPitSB
%41²
ˆ100
)14.4(
13.0
=
+=
R
itSBS
itGAP
itSB
%40²
ˆ400)89.3(
10.0
=
+=
R
itSBSitGAPitSB
%39²
ˆ500)81.3(
09.0
=
+=
R
itSBSitGAPitSB
(les t-de Student sont entre parenthèses)
Annexe 2 : Inférences statistiques relatives au second seuil endogène
La procédure de détermination de deux seuils endogènes ( )21 γγ < a été menée à
partir de l’estimation de l’équation suivante :
( ) ( ) ( ) ititititiit DPEISBSDPEISBSDPEISBSXaGAP εγδγγπγθβ +>+≤<+≤++= 2211 ....
En suivant Hansen (1999), la somme des carrés des résidus ( )21,γγS est calculée et les
valeurs des deux seuils ( )21,γγ sont celles qui minimisent ( )21,γγS .
En se référant à Bai (1997), on procède à une recherche séquentielle des seuils. Si F1
indique que l’on ne peut pas accepter l’hypothèse H0 de linéarité, alors la statistique F2
permet d’apprécier la possibilité d’avoir plus d’un seuil. Le test F2 est conduit sur la base de la
différence entre les sommes des carrés des résidus pour deux seuils. La significativité (p-
value) du ratio de vraisemblance F2 est calculée suivant la méthode de bootstrap et permet
d’inférer sur la validité statistique du second seuil. Dans un modèle à seuils multiples, l’auteur
montre que les estimateurs ont la même distribution asymptotique et les mêmes intervalles de
confiance que dans le cas d’un modèle à seuil unique. Dans l’application au cas qui nous
intéresse, le tableau ci-dessous rejette l’hypothèse d’un second seuil, quelle que soit la
spécification retenue.
GAP GAP GAP GAP GAP GAP GAP GAP
(1) (2) (3) (4) (1b) (2b) (3b) (4b)
Paramètre de lissage λ de HP
30
100
400
500
30*
100*
400*
500*
Test sur la nullité de la linéarité avec deux seuils endogènes Premier seuil endogène DPE
(méthode de Hansen) %
Intervalle de confiance à 5% [66 ; 94] [67 ; 94] [67 ; 94] [67 ; 94] [67 ; 94] [67 ; 94] [67 ; 94] [67 ; 94]
Second seuil endogène DPE
(méthode de Hansen) %
Intervalle de confiance à 5% [32 ; 128] [32 ; 128] [32 ; 128] [32 ; 128] [32 ; 128] [32 ;128] [32 ; 128] [32 ; 128]
H0 π = δ π = δ F2 5,67 6,34 6,66 6,64 6,45 7,38 6,88 6,64
p-value (simulation) 0,43 0,33 0,36 0,4 0,33 0,24 0,35 0,4
Valeur critique F2 à 10% 9,02 9,15 10,67 10,84 10,07 9,87 11,11 10,47
Valeur critique F2 à 5% 10,28 10,78 12,65 13,18 12,01 11,88 11,78 11,97
Valeur critique F2 à 1% 13,48 14,27 16,85 16,23 15,87 15,74 14,92 15,42
Nombre de simulations 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000 2000
* Spécification du modèle avec les termes quadratiques et cubiques
83ˆ =γ 83ˆ =γ 83ˆ =γ 83ˆ =γ 83ˆ =γ 83ˆ =γ 83ˆ =γ 83ˆ =γ
128ˆ =γ 128ˆ =γ 128ˆ =γ 128ˆ =γ 128ˆ =γ 128ˆ =γ 128ˆ =γ 128ˆ =γ
Annexe 3
Les statistiques de détermination du seuil endogène (DPE = 82,89 %)
Nombre d’observations : 119
12 Nombre d’observations exclues de la queue
inférieure de l’échantillon (premier décile) (premier décile DPE = 47,99 %)
12 Nombre d’observations exclues de la queue
supérieure de l’échantillon (dernier décile) (dernier décile DPE = 111,54 %)
Nombre de simulations 2000
Pas d’incrémentation 5 %
N.B : DPE représente le niveau d’endettement mesuré par le rapport de la dette extérieure
publique au PIB. Sur la colonne de droite figure le seuil de dette correspondant au premier et au
dernier décile de la distribution
Résumés
Les pays de l’UEMOA ont adopté, en 1999, un pacte de convergence, de stabilité, de
croissance et de solidarité. Le but premier du pacte est d’imposer des contraintes aux
politiques budgétaires nationales de manière à prévenir les déséquilibres macro-économiques
et préserver la crédibilité de la monnaie commune. Si les efforts budgétaires peuvent
entraîner une récession par la mise en jeu des multiplicateurs keynésiens, des effets de seuil
peuvent également exister dans la relation entre la politique budgétaire et l’activité.
L’objectif de cet article est de tester un modèle dans lequel les effets de la politique
budgétaire sont conditionnels au taux d’endettement public externe. En appliquant la logique
de modélisation des seuils endogènes, initialement développée par Hansen (1999), il apparaît
qu’en moyenne les Etats africains ont exercé une influence de type keynésien sur le produit
intérieur lorsque le taux d’endettement est inférieur à 83 %.
Classification JEL : O11, O55, E62
Mots-clefs : Politique budgétaire, effets de seuil, Zone Franc
Threshold Effects of Fiscal Policies on Economic Activity in UEMOA States
The countries of the UEMOA (West African Economic and Monetary Union) adopted in 1999,
a Convergence Pact. The first goal of the Pact is to impose constraints on the national fiscal
policies so as to prevent macro-economic imbalances and to preserve the credibility of the
common currency. If budgetary efforts can involve a recession through Keynesian
mechanisms, threshold effects may also exist in the relation between the budget policy and the
activity. The objective of this article is to test a model in which the effects of the fiscal policy
are conditional to the external public debt ratio. Endogenous threshold modelling is applied
from Hansen (1999). On average, African States exerted a Keynesian influence on GDP when
debt ratios are lower than 83 %
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