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A.V. Alferov, E.Y. Kustova
Piatigorsk, Russie,
L’Université Linguistique d’Etat de Piatigorsk
ale-alfyorov@yandex.rulenakustov@yandex.ru
PRINCIPES INTERACTIONNISTES DE L'ANALYSE
CONVERSATIONNELLE
L’article «Principes interactionnistes de l'analyse conversationnelle» porte sur les aspects différents
de l’analyse conversationnelle dite « interactionniste » qui sont présentés par les auteurs comme paradigme de principes concernant l’idée de négociation entre interlocuteurs sur plusieurs nivaux
hiérarchisés. En premier lieu les interlocuteurs confrontent leurs attitudes propositionnelles sur le
réfèrent et par là essaient d'influer sur leurs croyances respectives. L'échange de paroles porte alors principalement sur les modalités d'énoncés, qui déterminent à tout moment comment les agents de
la communication situent ce qu'ils disent par rapport à la vérité, la fausseté, le doute ou la certitude.
L'échange de paroles porte aussi sur les modalités d'énonciation qui correspondent à la relation
interpersonnelle entre les protagonistes de la communication. Car c'est leurs actes de parole que les
partenaires entreprennent de confronter leurs attitudes propositionnelles et de les influencer
mutuellement.
Les études sur la morphologie orale, menées d'après des corpus, sont toujours
assez peu nombreuses. Bien qu’elles durent plus de 30 ans un peu partout dans le
monde, il reste encore beaucoup à faire pour décrire les différents usages du langage
parlé dans des différentes langues et habitudes linguistiques. Cette description ne peut
pas se faire entièrement dans le cadre unique: il suffît de penser que la délimitation de
la phrase n'a pas de stricts équivalents dans la langue parlée. On peut penser que la
recherche de nouvelles unités d’analyse et de nouvelles démarches pourra apporter un
renouvellement intéressant des études du discours, aussi bien écrit que parlé.
Par exemple, D. André-Larochebouvy [5] met en question les genres du langage
parlé et fait une typologie de modes conversationnels: interview, dialogue polémique,
conversation quotidienne, etc. Elle envisage un corpus varié et remarquable
d’interactions verbales en français et dont elle fait une analyse recherchée.
C. Kerbrat-Orecchioni et le groupe lyonnais [8;11] présentent les différentes
perspectives théoriques sur le fonctionnement des interactions, les outils
mailto:ale-alfyorov@yandex.rumailto:ale-alfyorov@yandex.rumailto:ale-alfyorov@yandex.rumailto:ale-alfyorov@yandex.ru
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méthodologiques dont on dispose pour les décrire, et les problèmes que l'on rencontre
en étudiant les variations culturelles des systèmes conversationnels.
E. Roulet [13], J. Moeschler [12] et le groupe de «Cahiers de linguistiquefrançaise» [7] envisagent surtout les fonctions argumentatives du discours.
Le discours peut être conçu comme négociation, ce qui permet de mieux en
saisir la structure et le fonctionnement. Cette conception mène à la construction d'un
modèle global de représentation du discours. Ce modèle développé par E. Roulet
(1985) et son équipe veut rendre compte du fonctionnement du discours en
construisant une représentation des liens entre les divers énoncés. La structure
construite tient compte de différents niveaux (interactions, structures, enchaînements)
et surtout des relations entre ces niveaux. L'ouvrage de Roulet comporte
essentiellement une série d'analyses de textes écrits (éditoriaux de journaux,
fragments littéraires). Un ouvrage complémentaire est celui de Moeschler (1985), qui
choisit comme support de description des conversations authentiques de genres
différents (interview radiophonique, interaction en librairie, débat politique,
conversation de table). Ces discours sont interrogés sous l'angle de leurs propriétés
structurales (envisagées à partir des unités définies par Roulet) et argumentatives (par
l'examen du rôle des marques argumentatives et de leur fonction structurante), mais
aussi sous leur aspect dynamique (comment clore un échange, comment poursuivre
l'interaction en différant sa clôture, comment revenir à un thème abandonné).
Cette théorie de l'argumentation s'est essentiellement consacrée à l'étude des
opérateurs et connecteurs argumentatifs comme presque, puisque, même, mais,
d'ailleurs, justement, eh bien et d’autres, qui ont pour propriété d'une part de
connecter les actes de langage, ou en tout cas des unités de nature pragmatique, et
d'autre part de réaliser des actes d'argumentation, c'est-à-dire des actes obligeant
l'interlocuteur à interpréter les énoncés comme autant d'arguments pour conclusions,
généralement implicites, visées par le locuteur.
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II pose que l'analyse de discours a pour objet principal de décrire la structure
hiérarchique de la conversation, en termes des unités conversationnelles qui la
composent (échange, intervention, acte de langage) et des différentes relations oufonctions (illocutoires et interactives) entre ces unités. Il lui apparaît dès lors qu'une
analyse pragmatique du discours authentique interroge une conversation à partir des
questions suivantes [12: 18] :
(1) Quels sont les types d'actes de langage réalisés dans une conversation ?
Comment sont-ils réalisés ? Quels sont les enchaînements et les conditions posées sur
l'enchaînement de ces actes ?
(2) Quels sont les actes d'argumentation réalisés dans la conversation et
comment sont-ils réalisés ? Quel rôle joue l'implicite argumentatif dans la com-
préhension des enchaînements de discours ?
(3) Quelle est la structure hiérarchique de la conversation ? Quelles sont ses
conditions de poursuite et de clôture ?
Dès lors que l'on s'intéresse au discours oral, il devient indispensable de le
considérer comme un processus interactionnel. C'est-à-dire, chaque fois qu'on
communique, il y a une interaction entre les (inter)locuteurs, d'un côté, et entre le
locuteur et la situation, de l'autre, car le locuteur est obligé de formuler ses pensées
compte tenu du fait où il parle, à qui il parle et dans quels buts, ainsi que de réagir à
tout changement des paramètres constituant les contraintes communicatives.
Nombreuses sont les études qui sont ces toutes dernières années consacrées au
problème de la "compétence conversationnelle". Certaines tentent de dégager les
règles très générales qui définissent un bon usage de l'échange verbal, d'élaborer une
sorte de code déontologique auquel on est censé se conformer si l'on veut
honnêtement jouer le jeu dialogique. D'autres études s'efforcent de formuler, voire de
formaliser les règles qui déterminent plus précisément la cohérence dialogique, tantôt
elles n'excèdent pas les limites du couple question-réponse, tantôt elles prétendent
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rendre compte de la mise en séquence de la totalité de conversation (voir p. ex.,
[2;3]).
Il arrive enfin que l'analyse fonctionne successivement à deux niveaux. Ainsi,François Flahaut [9] a montré à l'aide de nombreux exemples, qu'à un niveau
relativement superficiel une conversation fonctionne comme un tout cohérent (chacun
apportent sa contribution, essaye de dire "son mot") et que l'on peut procéder à une
sorte de typologie des répliques (acquiescement — quand on dit oui, contestation -
quand on dit non, esquive - quand on fuit la réponse directe, manoeuvre dépréciative
et d'autres) mais à un tout autre niveau et ce n'est plus alors du fonctionnement du
dialogue qu'il s'agit, mais de sa fonction - quel est finalement le véritable enjeu de
l'échange verbal? demande de reconnaissance? désire d'avoir raison? ou d'avoir raison
de l'autre? Pour Flahaut, l'essentiel se joue dans le rapport de places, c'est-à-dire les
relations interpersonnelles qui se constituent dans le dialogue et par le dialogue.
L'influence réciproque est le component indispensable de l'interaction verbale.
La psychologie distingue trois types d'influence:
• activation (inciter, stimuler les actions de l'interlocuteur);
• interdiction (cessation de force de l'activité de l'interlocuteur);
• déstabilisation (une sorte de sabotage des activités de l'interlocuteur).
Ces trois types de régulations du comportement humain se réalisent
nécessairement au cours de l'interaction verbale. Ainsi on est en présence de la
division de répliques en :
• répliques informatives (qui informent sur un certain état de
choses) et
• répliques régulatrices (ordre, question, etc, qui influe le comportement de
l'interlocuteur).
On peut considérer chaque énonciation comme possédant cette faculté
intrinsèque d'informer soit sur un état de choses, soit sur les intentions du sujet
parlant ou sur ses attitudes envers ce qui l'entoure: ses émotions, ses états d'âme, etc.
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Mais sur le fond le but de renonciation c'est quand même la régulation: faire faire,
interdire de faire, ruiner les efforts de son vis-à-vis - voilà grossièrement le but de
l'interaction verbale. Evidemment, toutes ces démarches s'effectuent par des moyenslinguistiques, c'est-à-dire la réalisation de ces trois démarches régulatrices demande
l'emploi de telle ou telle forme grammaticale, tel ou tel acte de parole, telle ou telle
trope ou jeu linguistique. C'est assez difficile de les lister.
Par contre, on peut présenter le corps de répliques existant en trois espaces:
• les actes de parole qui servent à l'orientation thématique d'un dialogue qui
constituent l’espace informatif de l'interaction verbale;
• les actes de parole aux fonctions régulatrices qui influencent mutuellement les
interlocuteurs et déterminent les relations interpersonnelles et qui constituent l’espace
illocutoire, liée aux aces tels que ordre, déclaration, affirmation, contestation,
question, requête, etc.) et l’espace interpersonnel qui implique les rôles et les
positions sociaux psychologiques des interlocuteurs au cours de l'échange verbal:
• les énonciations ou interventions qui servent au maintien d'un dialogue en tant
qu'interaction verbale et qui constituent l’espace discursif, c'est-à-dire la construction
du texte oral au cours de l'interaction verbale.
La réalisation du discours dans ces trois espaces qui s'entremêlent donne un
modèle dynamique reflétant les stratégies interactionnelles, interactives et
interprétatives mises en œuvre par les interlocuteurs. Le caractère cohésif du discours
conversationnel est déterminé par:
- condition thématique (le constituant réactif ne doit pas introduire de
changement de thème) ;
- condition de contenu propositionnel (il doit exister une relation sémantique
entre le constituant réactif et le constituant initiative) ;
- condition illocutoire (le constituant réactif doit avoir une fonction illocutoire
qui dépend de celle du constituant initiative) ;
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- condition d'orientation argumentative (le contenu sémantique du constituant
réactif doit être en accord avec sa fonction interactive) ;
- condition de co-orientation interpersonnelle (les rôles interpersonnels socio- psychologiques doivent être coordonnés);
- condition de cohésion discursive (les répliques doivent être liées, accordées et
complémentaires les unes aux autres).
Le terme d'interaction suggère, dans son étymologie même, l'idée d'une action
mutuelle, en réciprocité. Appliquée aux relations humaines, cette notion oblige à
considérer la communication comme un processus circulaire où chaque message,
chaque comportement d'un protagoniste agit comme un stimulus sur son destinataire
et appelle une réaction qui, à son tour, devient un stimulus pour le premier.
La notion d'interaction rassemblerait toutes les influences qu'un individu peut
avoir ou subir par rapport au comportement langagier ou I non — on distingue les
interactions verbales et non verbales — d'un autre individu ; elle est définie comme
«les influences réciproques que les partenaires exercent sur leurs actions respectives
quand ils sont en présence physique les uns des autres» (E. Goffman) ou comme «à la
fois coopération et défense, respect du territoire propre, mais aussi de l'autre, afin de
ne pas risquer le sien » [10].
La notion de discours se rapporte à tout ce qui est expression verbale d'un
individu dans un cadre situationnel donné; on peut distinguer dans tout discours
conversationnel la forme de la fonction. Par définition, une conversation, s'inscrivant
dans une interaction verbale, présuppose l'existence d'au moins deux participants, et
en plus une ou plusieurs contributions de ceux-ci. Elle a un aspect dialogal et
s'oppose ainsi au discours monologal va termes du nombre de participants et de leurs
contributions. Un examen plus attentif du discours oblige à prendre en compte, en
plus de sa forme, sa fonction, qui dépend du nombre d'intentions argumentatives non
complémentaires. Un discours dialogal peut très bien être caractérisé comme une
suite de contributions de locuteurs distincts s'assimilant à un même énonciateur. Et
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rien n'empêche qu'un discours monologal simule, implicitement ou explicitement,
une situation de conversation (par exemple le discours polémique). Pour qualifier la
fonction du discours, on peut avec E .Roulet opposer dialogique vs. monologique(structure d'échange vs. structure d'intervention ; plusieurs intentions argumentatives
distinctes vs. une seule intention argumentative). Ainsi un enfant ne peut d'abord
produire un récit que grâce à un étayage dialogique de questions, ce n'est que dans un
deuxième temps qu'il parviendra à construire de façon monologal un texte narratif
cohérent. Certains articles de presse ont en fait une structure de dialogue, soit qu'ils
constituent une intervention au sein d'un échange dont les autres constituants sont
implicites, soit qu'ils simulent une structure d'échange. Un discours peut donc être, en
regard de sa forme et de sa fonction dialogal et dialogique (conversations, débats),
dialogal et monologique (commis par plusieurs personnes présentant une autorité
supérieure: par exemple instructions préfectorales données au nom de l'État),
monologal et monologique (poème, réflexion personnelle, narration), monologal et
dialogique (éditorial de journaux, lettre ouverte). La conversation serait à la fois une
interaction verbale et un discours dialogal et dialogique; elle obéirait aux contraintes
d'enchaînement, structurelles et interactionnelles des échanges qui la constituent.
Dans son livre "La représentation de soi dans la vie quotidienne", E. Goffman
développe d'une manière systématique l'idée que la vie (du langage) est un théâtre. La
vie sociale ressemble à un répertoire de situations types, et les interlocuteurs
cherchent avant tout à "représenter un rôle". Les conversations les plus banales,
d'après Goffman, représentent en fait de petites luttes symboliques. "L'interaction
n'est pas une scène d' harmonie, mais une disposition permettant de poursuivre une
"guerre froide": si la société n'est pas une guerre de tous contre tous, ce n'est pas
parce que les hommes vivent en paix mais qu'une guerre ouverte est trop coûteuse"
[10].
Une des premières tâches de toute rencontre sociale est la définition de la
situation, qui comporte une certaine distribution des places et rôles occupés par
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chacun et une certaine forme de l'action; ces éléments peuvent être donnés dès le
départ parce qu'ils résultent du contexte ou des rencontres antérieures. Ainsi le patron
et sa secrétaire savent en arrivant chaque jour au bureau que leur relation sera fondéesur un rapport hiérarchique; ils peuvent aussi faire objet d'un consensus temporaire
(le même patron rencontrant sa secrétaire chez des amis peut proposer, avec sa
complicité, une nouvelle définition de leur relation comme amicale). Ce consensus
est nécessaire pour que les acteurs puissent déterminer avec suffisamment de sécurité
quel rôle ils ont à tenir pour la mise en scène de la vie quotidienne et quel scénario
minimal guide leurs rapports.
Chaque acteur cherche, dans la rencontre, donner une image valorisée de lui-
même et va s'efforcer d'organiser une "mise en scène" de son Moi qui aille dans ce
sens. C'est ce que Goffman désigne par la notion de face, image de soi exposée à
l'autre, dans le but de défendre son propre territoire (face négative) et de proposer de
soi une image valorisante (face positive), et qui définit comme étant la valeur sociale
positive qu'une personne revendique effectivement à travers une ligne d'action.
Le rituel veut que les partenaires de l'échange coopèrent pour confirmer la
"face"que chacun revendique à travers sa tenue (à condition qu'elle ne s'impose pas
aux dépens des autres). Cependant faire connaître une image positive de soi n'est pas
le seul enjeu de l'interaction. Il s'agit de permettre le contact lorsque celui-ci est
mutuellement souhaité.
Or, l'instauration (l'interruption) d'une relation est un moment délicat dans la
mesure où il comporte le risque d'une intrusion dans le territoire d'autrui, et par là
même d'un rejet. La fonction de l'acte de langage rituel est de faciliter ce
rapprochement avec le minimum de risque pour la face des interactants. Le rituel doit
aussi permettre d'interrompre un échange sans que cette interruption puisse être
ressentie comme une offense par l'un des partenaires. C'est pourquoi le
rapprochement et la séparation, l'ouverture et la fermeture de la communication, les
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demandes et les offres de service, les invitations, les présentations et les départs sont
des moments particulièrement ritualisés.
Ce jeu de faces dans la conversation présente une sorte de négotiation pour avoir du profit interactionnel:
face positive: - coopérer (laisser aller l'interlocuteur)
- respecter le territoire d'autrui
face négative - protéger son territoire à soi
- intervenir (sur le territoire de l'interlocuteur)
Le travail des faces entre en jeu surtout en vue des actes menaçant à l'intégrité
du territoire :
• du locuteur même
• de l'interlocuteur
Le but de l'analyse linguistique interactionnelle est d'établir une liste voire
l'hiérarchie des stratégies conversationnelles visant l'aspect interpersonnel de
l'interaction verbale.
Les actes qui contribuent à maintenir le dialogue, on peut ranger toutes les
actions des participants du dialogue qui visent à régler la question de savoir qui
parlera et qui écoutera. Sur ce point on demande aux interlocuteurs- quelle que soit
leur divergence d'opinions- une certaine coopération. Car même la discussion la plus
passionnée n'est possible que si un seul participant tient le rôle de locuteur à un
moment donné. La contribution au dialogue doit marquer une certaine étape dans le
déroulement du dialogue - étape qui, à son tour, sera dépassée par une contribution
ultérieure qui aura tenu de ce qu’on vient de dire. Cela signifie que la notion de
"dialogue" ne suppose pas seulement un échange de paroles entre deux ou plusieurs
interlocuteurs mais aussi un lieu thématique et interactionnel entre la contribution
d'un locuteur et celle d'un autre qui l'a précédée.
Il y a, dans presque tous les dialogues, des émissions verbales ou sonores de la
part d'auditeurs - émissions qui accompagnent le discours d'un locuteur actuel, le
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commentent sans exiger de prendre la parole. Ces signaux d'auditeur comme on peut
les appeler, confirment le droit à la parole du locuteur actuel. Ce sont "oui", "mhm",
"très juste", "quelle horreur !", etc. (voir [1; 4]).On voit que ces signaux peuvent remplir différentes fonctions communicatives:
ils peuvent signaler au locuteur que l'on a compris ce qu'il dit, qu'on sait déjà ce dont
il parle ou bien si l'on est d'accord avec lui. Grâce à ces signaux le locuteur sait si ce
qu'il dit est accepté, et comment. On les appelle parfois marqueurs du "feed-back"ou
de la rétroaction informative.
Attachons-nous à la manière dont s'ouvre le dialogue. Celui-ci ne se noue dans
son moment référentiel qu'à partir du moment où une certaine question obtient le
consensus des interlocuteurs. Cette question initiale ne surgit donc de nul part dans la
conversation. Elle est introduite par des répliques préliminaires au cours desquelles
les participants explorent l’arrière-plan de leurs croyances communes. La question
qui a le statut textologique de question initiale appelle une suite pour laquelle elle
ouvre un espace et donne une direction. L'espace dialogique est celui où va s'inscrire
toute l'enquête référentielle. Le sens de la question est la direction dans laquelle seule
peut s'effectuer la réponse si elle veut être une réponse significative. Mais quelle suite
appelle-elle? La conversation des présupposés d'existence et d'unicité est un critère
qui permet de reconnaître le moment référentiel d'un dialogue. Il est clair qu'un
dialogue à dominante polémique n'admet pas de tels critères. L'art de questionner
dans un dialogue, c'est l'art de continuer à questionner. Appartenir à un certain
dialogue retient d'abord à pouvoir entrer dans un cadre sémantique défini par la
compatibilité logique avec les présupposés de la question initiale. Toute parole
échangée subit donc une double contrainte: elle est liée par une condition formelle de
compatibilité et une condition matérielle d'informativité, puisqu'elle doit apporter une
information médite, ou du moins la discuter.
Donc, le dialogue est un texte dont la formation est soumise à certaines règles.
Parmi ces règles certaines sont sémantiques, elles concernent le cadre sémantique et
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l'objectif du dialogue. D'autres sont pragmatiques: elles concernent les phrases en tant
qu'elles sont émises dans une certaine situation d'interaction verbale.
Les répliques précédant la question initiale comportent habituellement desadverbes révélateurs tels que "à coup sûr", " certainement' - morphèmes qui avaient
pour fonction d'accréditer les présupposés, de les présenter comme une quasi-
évidence et en fin de compte de solliciter l'adhésion à leur égard. C'est que la stratégie
du dialogue référentiel écarte toute procédure ironiste d'insinuation ou d'implicite.
Par ex., "je me demande si" exprime un doute et "je vous demande s/" exprime
une question. Dans la première expression le verbe concerne la façon dont le locuteur
entend situer son énoncé par rapport à la certitude - il introduit ce qu'on appelle une
modalité d'énoncé (aspect sémantique). Et dans le second cas nous avons affaire à un
verbe qui porte sur la relation entre le locuteur et l'allocutaire, qui introduit une
modalité d'énonciation (aspect pragmatique).
On distingue selon cette division le dialogue référentiel qui a pour but d'informer
et porte sur un certain contenu et l'échange régulateur ou rituel qui remplit
uniquement des fonctions pragmatiques
Il y a, donc, deux aspects complémentaires dans le déroulement d'un dialogue
référentiel. En premier lieu les interlocuteurs confrontent leurs attitudes
propositionnelles sur le réfèrent et par là essaient d'influer sur leurs croyances
respectives. L'échange de paroles porte alors principalement sur les modalités
d'énoncés, qui déterminent à tout moment comment les agents de la communication
situent ce qu'ils disent par rapport à la vérité, la fausseté, le doute ou la certitude.
Ce premier aspect interfère avec un autre. L'échange de paroles porte aussi sur
les modalités d'énonciation qui correspondent à la relation interpersonnelle entre les
protagonistes de la communication. Car c'est leurs déclarations, leurs questions, leurs
réponses, leurs objections, etc. que les partenaires entreprennent de confronter leurs
attitudes propositionnelles et de les influencer mutuellement.
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On va maintenant chercher à mettre en évidence la fonction illocutoire de
chaque élément d'un échange ainsi que les fonctions interactives qui lient les
constituants de chaque intervention, dans le cadre d'une analyse fonctionnelle. Ondistinguera parmi les interventions celles qui ont une fonction illocutoire initiative de
celles qui ont une fonction illocutoire réactive; les premières donnent des droits ou
imposent des contraintes à l'interlocuteur (assertion, demande d'information, demande
de confirmation, retraite, offre, invitation, relance, etc.) tandis que les secondes sont
positives ou négatives selon qu'elles satisfont ou non la fonction illocutoire de
l'intervention précédente. Seules les interventions de clôture d'échange ne comportent
qu'une fonction illocutoire réactive ; les autres sont à la fois réactives de l'intervention
antérieure et initiatives de la suivante. Les fonctions interactives permettent, dans le
cas d'interventions complexes, d'expliciter le rôle argumentatif d'un constituant
coordonné à l'acte directeur (justification, commentaire, explication, concession). Les
marqueurs argumentatifs ont ici un rôle important dans la détection de la fonction
interactive pertinente : certes introduit une concession, car, parce que, puisque - des
justifications ou des explications, donc, par conséquent - des conclusions, mais - un
contre argument. Ils indiquent en outre si la fonction interactive en question est plus
ou moins marquée.
On distinguera quatre degrés possibles: 1) pas de marque, 2) implicite
conversationnel (introduit, pour une demande, par un marqueur ambigu comme est-ce
que), 3) implicite conventionnel (marqueur univoque: s’il vous plaît) ou 4) explicite
(marqueur dénominatif de la fonction comme je demande) (voir [1]).
Alors, dans les études envisageant le déroulement de l'interaction verbale, tous
les linguistes accordent une place centrale au concept de négociation. Communiquer,
ce n'est pas seulement interagir avec des interlocuteurs, présents ou potentiels, c'est
entreprendre avec eux une véritable négociation, et ceci à plusieurs niveaux:
opinions, sens des mots et des énoncés, tours de parole, rapports de places et de faces.
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Dans cette perspective, on peut poser, d'un point de vue pédagogique,
qu'apprendre à communiquer en une langue étrangère, ce n'est pas seulement
apprendre à “jouer" aux “questions et réponses", mais apprendre à négocier à l'aidede certaines formes et structurés linguistiques [2].
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et al. – ern: Peter Lang, 1985. -272 .
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