Point (Le) N° 1858 - 24/04/2008 - 55 · LES PRIX DES PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION Évolution...

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N° et date de parution : 1858 - 24/04/2008Diffusion : 375234Périodicité : Hebdomadaire Page : 98�LePoint_1858_98_55.pdf Taille : 95 %�Site Web : �http://www.lepoint.fr�

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1 / 5�

Micel-Edoresiaecler�

dent dug�Dupe

Leclerc�

8�

fi

à�

v�

»-

Wis�nt

d�

n�

José u�

pres'�de

,re� dedirecto� "�

carrefour�

Pour lutter contre l' inflation�,�

le gouvernement veut réformer le secteur�de la grande distribution .� Au menu:� liberté� des� prix et ouverture� denouvelles� grandes� surfaces .� Carrefour�

,�

Leclerc�,�

Auchan et les� autres se

frottent les� mains� et promettent de faire� baisser� les� prix .� Peut-on� les� croire?�

PAR� SÉVERINE CAZES�

C'

est� l' histoire des� «� Septmercenaires� »�

.� Ce film culte� où les� «� salauds� »�

deviennent des� gentils� .� Ce western�où sept as de la gâchette ,� jeunes ,�

beaux�et courageux� mais aussi� voyous et reprisde justice� ,� jouent les� chevaliers blancspour défendre les� récoltes d' un village�mexicain attaqué� par� d' ignobles pillards .�

A� bieny� regarder ,�

le scénario auqueltravaille� l' Elysée pour réformer de A�

à�Z�

la grande distribution alimentaire� et

,�

in

fine,�

rendre du pouvoir� d' achat� aux�

Français ressemble� fort à� ce chef-d'�oeuvre de la mythologie américaine .�

Dans le rôle des� «� Magnificient Seven� »�

(�

titre� original du film)�

,�

nos� septchampions� nationaux: Carrefour�

,�

Leclerc�,�

Auchan,�

Intermarché�,�

Casino,� Système U�

et Cora .� Ce sont eux� les� nouvelles� stars�

du projet de loi� de «� modernisation� del' économie »-la LME�

(�

voir encadré� page

102�)-dont l' objectif est� de «� faire� soufflerun vent de liberté� et de concurrence� sur�

l' économie française� »�

.� Cherchant� par�tous les� moyens à� tenir� ses� promesses�sur� le pouvoir� d' achat�

,�

Nicolas� Sarkozy�entend confier� aux� distributeurs� et aux�maxi-discounters une� mission� sacrée:�

«� écraser� les� prix »�

.�En échange� ,�

le

gouvernement fera sauter un calamiteuxtandem

:�la loi� Galland� et la loi� Raffarin

,�

les� deux verrous� législatifs� qui� ,� depuis1996

,�

interdisent� aux� distributeurs� defixer� librement� leurs� prix et restreignentl' ouverture� de toute� nouvelle surface�commerciale� de 300� mètres carrés et

plus .� Chères à� la

«� France du Sénat� »�

,�

ces�

deux lois malthusiennes� visaient à�l'

origine� à� protéger le petit� commerce,�

l'

artisanat� et les� PME� contre le poids� écrasantdes� distributeurs� .� Douze� ans� plus tard

,�

presque� toutle monde� en convient

,�

celles-ci� se sont retournées contre la volonté�du législateur� .� Elles� ont� généré davantage�

d' effets pervers� que� de bienfaits..� .� Lestatu� quo� est� aujourd' hui� intenable� .� Lavolonté� affichée de Sarkozy� de liquiderce legs chiraquien comble de bonheur�Carrefour�

,�

Leclerc� et leurs� petitscamarades� .�

En revanche,�

elle déclenche� la

colère des� agriculteurs ,�

des� industriels� et

des� quelque� 10 000� PME� françaises del' agroalimentaire� qui� accusent les�

premiers de se comporter� comme� des�

brigands ,�

et redoutent� que� la libéralisationn' aggrave� les� choses .� Ambiance.. .� Pour

comprendre leur inquiétude ,�

il faut se

plonger� dans ce que� certains comparent�à�

«� un aquarium rempli de requins� »�

.�

«�

C' est� l' omerta,�

je

ne peux pas� parler .�

»�

L' homme� qui� dit� cela n' est� pourtant pas�né de la dernière pluie� .� A�

la tête d' une�

PME� familiale� de 250� salariés,�

ce fils et

petit-fils d' industriels� travaille� avec la

grande distribution depuis des� lustres� .�

Les� acheteurs� des� centrales� d' achat�,�

le

«� triple net� »�

,�

les� «� marges arrière� »�

,�

la loi�

Galland� et l' interdiction de larevente�

à�

perte�(�depuis 1963

)�

,�

il connaît� tout cela

par� coeur� .� Pourtant,� impossible de lui�

extirper le moindre� nom� nile moindre�

témoignage sur� la manière� dont sedéroulent�

,�

une� fois par� an,�

les� négociations

YACAST

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2 / 5�

i�

t�

ROUX/�

SAGAPHOTO.COM-DESSONS�/�

JDD�/�

GAMMA-MEIGNEUX/�

SIPA-OLIVIER THOMAS-REUTERS/�

CORBIS-LEVV�/�

LSA�

LES� PRIX DES� PRODUITS DE GRANDE CONSOMMATION

Évolution� des� prix alimentaires par� rapport� à�l' inflation�

,�

base indice 100� en janvier� 1998

120�

lis�

110�

105�

100�

ter� janvier� 1999 ter� janvier� 2002 Mai� 2003 2004 Accord 2� août 2005 3� janvier� 2008

L' euro devient� Mise en circulation� Circulaire Sarkozy� entre� les� Loi� Dutreil� Il Loi� Chatel sur�

la monnaie� des� billets� et des� Dutreil� .� pouvoirs publics� ,�

en faveur la concurrence� .�

unique .� pièces en euros� .� les� fournisseurs etdes� PME� .�

116� ,62�les� distributeurs� .�

115�,4

Prix des� produits de

grande consommation

Indice des� prixà� la consommation

1998

Source:� INSEE�

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

commerciales avec les� hypermarchés .�

-Ne� dites� pas� dans quelle région je

suis,�

ne parlez pas� de mes� produits ,�

sinon� ils�

vont me reconnaître� et

je

serai�déréférencé� »�

,�

s' inquiète ce patron anonyme� .�

«� Déréférencement� »�

,�

lemot� barbare�

est� lâché� .� Voilà� ce qui� fiche� la trouille aux�

fournisseurs de la

«� grande distrib� »:la

menace que� leurs� produits soient retirés�

-temporairement� ou définitivement-desrayons des� enseignes� dans lesquelles les�

Français réalisent� 70 %% de leurs� courses�alimentaires

(�

voir graphique� )�

.� Motif�officiel?� «� Produit� trop cher »�

.�

«� Trop d'

invendus »�

.�

«� Pas� assez� de prêt-à-vendre� »�

,�

ces�

cartons� que� les� distributeurs� imposentaux� fournisseurs-à leurs� frais!-pour�minimiser� le travail� lors de la mise en

rayons .� Justifiés� ou non�,�

les� arguments�ne manquent jamais .�

Le problème est� que� ,� pour accéder�aux� fameux «� 60 millions de consomma

teurs� »�

,� plusieurs� milliers de producteurs�doivent� passer par� le goulet d'

étranglement des� cinq ou six� centrales�d'

achat�

qui� font la pluie� etle beau temps� ,�

enFrance

,�

sur� ce que� le consommateurpourra finalement acheter� .� Ces� centrales�d' achat� fonctionnent comme� un «� péage� »�

,�

dit� un autre� patron de PME�,� qui� dénonce�

,�

lui�,�

le

«� racket des� distributeurs� »�

.� A� l'

entendre,�

les� méthodes des� acheteurs� des�

centrales� sont «� musclées »: discussions�

expéditives� ,�

rendez-vous� annulés� à� la

dernière minute,� psychodrames en

présence d' un chef,� mensonges� ,� chantages..� .�

Tous les� procédés sont bons pour faire�

plier� le fournisseur� .�

Et notre� patron de PME� n' est� pas� le

seul à� vivre� cette� situation� infernale� .�

Olivier� Desforges� ,�

le président� de 1' Ilec,�

le lobby� qui� fédère les� fabricants de «�

grandes� marques� »�

(�

Danone,�

Nestlé,�

CocaCola,�

Bonduelle�)�

,�

est� catégorique: «� Auniveau national

,�

même le plus grosfournisseur� ne représente jamais plus de 1� %%

du chiffre� d' affaires d' une� enseigne .�A� l'

inverse�,�

une� enseigne pèse facilement le

quartdu� chiffre� d' affaires d' un fournisseur� .�

»�

Que� Michel-Edouard Leclerc�,�

le très

médiatique patron des� hypermarchés du

YACAST

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LA VICTOIRE «� HISTORIQUE »� DES� MARAICHERS

E�

lle� n' en a� pas� l' air�,�

mais Angélique�Delahaye est� une� femme..� .�

dangereuse!� Depuis des� années,�

cette�

Tourangelle� de souche,� présidente de

la Fédération nationale� des�

producteurs� de légumes� (�

FNPL,�

une� branche�de la FNSEA�

)�

,�

se bat� contre la

distribution .�

«� Les� maraîchers sont à� bout »�

,�

dit�

Angélique� Delahaye ,� qui� cultive�,�

avecson� mari et trente salariés

,�

des� salades�,�

des� endives� et des� choux-fleurs dansla ceinture verte� de Tours�

,�

enIndreet-Loire� .�

«� Les� ristournes représentententre� 3� et 5� %% de notre� chiffre� d' affaires .�

C' estautant�,�

voire� plus ,� que� notre� marge�de producteur!� »�

s' insurge-t-elle ,�

soulignant que� «� Casinoa�

totalement cessé�

de demanderdes� ristournes .� Cela prouveque� c' est� possible.. .�

»�

.�

Pour les� producteurs� de fruits et

légumes� ,�

il est� souvent� impossible derésister aux� exigences� des� supermar

chés .� Plus un produit� est� fragile� et

périssable,� plus celui� qui� le détient� se

trouve en position de faiblesse� .�

Angélique� Delahaye est� donc fière�d' avoir� remporté ,�

au nom� des� 7500

exploitations� sous serre� de la filière�,�

une�

première victoire «� historique »� devantles� tribunaux� .� Le 18 mars

,�

la cour d'

appel� de Caena�

condamné le groupeCarrefour�

,�

via� sa société� Interdis,�

à�

verser 1� million� d' euros� de dommages et

intérêts à� laFNPL pour «� contrats à� la

présentation fallacieuse� »�

et

«� opacité�[�

.. .�

]�

des� services d' orientation� des�

produits »�

.�En clair� ?� Carrefour� exigeait de

ses� fournisseurs qu'� ils� participent..� .�

aux� frais� d' approvisionnement� de ses�

différents magasins (�

Carrefour�,�

Champion ,� Shopi� ,�

8à Huit�,�

Ed,�

etc�)!

Craignant� une� «� jurisprudence� FNPL »�

,�

Carrefour�a� porté� l' affaire� en cassation� .�

Et se refuse à� tout commentaire� a�s�

.�c�

.�

Angélique� Delahaye,�

maraîchère à� Tours�,�

a� réussi à� faire� condamner� Carrefour�

même nom�,� puisse menacer� de bouter

hors de ses� magasins une� «� institution� »�

telle� que� La Vache qui rit ,�

comme� ce fut�

le cas� il

y�

a� quelques mois,�

voilà� qui� endit� long sur� l' énorme pression que�peuvent� subir� les� «� petits »� industriels� n' ayant�pas� la chance de fabriquer� un produit�aussi� apprécié des� consommateurs� .�

D' ailleurs,�

Michel-Edouard Leclerc� nelésine jamais sur� les� moyens pourattaquer ses� cibles .� Avec un budgetpublicitaire de 135,4� millions d' euros� entre�janvier� et septembre� 2007

(�

selon� l' institut

Yacast)�

,�

Leclerc� est� de loin le premier�annonceur� de la distribution

,�

devantCarrefour�

(�

101� millions d' euros� sur� la

même période�)�

.� Dans la pressequotidienne� régionale� ,�

dans les� médias et

jusque dans les� allées du pouvoir� ,�

MichelEdouard� Leclerc� est� donc un poids� lourd� .�

Pourtant,�

ce quinqua� toujours souriant,�

au style� décontracté�,�

aux� formules chocs�,�

qui� tient� une� tribune-blog sur� Internetbaptisée «� De quoi

je

me MEL� »�

,�

n'

a� pas�son� pareil pour dégainer une� vacheriecontre «� les� politiques qui� manquent de

courage� »..� .� Mais lorsqu'� ils' agit d'

évoquer� l' un de ses� concurrents�,�

chuuut.. .�

«� MEL� »� ne «� balance� »� pas� ses� petitscamarades�

,�

ou alors� rarement!� La véritéest� que� ,�

contrairement� aux� apparences ,�

les� distributeurs� forment� une� seule� et

même grande famille�,�

aux� intérêtscommuns� bien partagés .� La preuve?� Venus�

d' outre-Rhin au milieu des� années 90,�

les�

hard discounters� allemands� tels que� Lidl,�

Aldi ou Norma� n' ont� eu aucune peine� à�

intégrer le

«� club »� des� distributeurs�français ,�

la Fédération des� entreprises� ducommerce et de la distribution

(�

FCD�)�

.�

Présidée par� Jérôme Bédier�,�

un ancienhaut fonctionnaire�

,�

bon� connaisseur� de

Bercy�,�

la FCD� représente les� intérêts dela distribution face aux� pouvoirs publics�et aux� syndicats� .� S'

ils' agit d' une� puissante�

organisation patronale-ses� adhérents�

emploient� près de 650� 000� salariés-,celle-ci reste� cependant� bien moins�connue que� ne l' est� Michel-EdouardLeclerc� .�

«� MEL� »�

,� toujours un coup d' avance .�

En définitive,�

et malgré ses� nombreuxdétracteurs�

,�

«� MEL� »� demeure� le meilleuravocat de la corporation� des� marchands� .�

D' autant plus que� ce Lucky� Luke bretonde la distribution n'

a� pas� son� pareil pourallumer� des� contre-feux� là où on ne l'

attend pas� .� Les� lobbys industriels� s'

activent dans tous les� sens pour empêcherle gouvernement de pratiquer� la

libéralisation des� prix?� Lui� part en vacances à�

La Réunion�,� puis déclenche�

,�

sans crier�

gare ,�

une� nouvelle croisade contrele

monopole des� pharmaciens� ,�

comme� ille fit�

jadis� contre celui� des� pompistes� pour la

vente� des� carburants.. .� Les� Français ne

pensent� qu'� à� la

«� vie� chère� »? «� MEL� »� lance�

une� gamme� de produits équitables et

surfe� sur� la vague� du Grenelle de l'

environnement� pour faire� diversion� .� Toujoursun coup d' avance!�

Il n' empêche� ,� parfois� la justice� le

rattrape .� Ainsi�,�

en novembre 2005,�

la centrale�

d' achat� de Leclerc�,�

Galec�,�

a�été�

condamnée� par� le tribunal de commercede Nanterre à� verser une� amende civilede 500� 000� euros� et à� restituer� plus de23 millions d' euros� à� ses� fournisseurs .�

Ayant� constaté que� son� principal�concurrent

,�

Carrefour�,�

avait� bénéficié� deristournes supérieures� aux� siennes�

,�

Leclerc� a� à�

son� tour exigé� de ses� fournisseurs des�

réductions supplémentaires� ,�

de manière�rétroactive� et sans contreparties!D' habitude

,�

ces� marges arrière� sont cen�

YACAST

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PAS� DE CONCURRENCE� AU ROYAUME� DE L' HYPERMARCH�

L�

a� France a� inventé� l'

hypermar«� ché� .� Elle l'a�

tant aimé qu'�elle ena� mis� partout� »�

,� analyse� avec humourRobert Rochefort�

,�

chercheur� auCredoc et spécialiste� du commerce .�

A� bieny� regarder ,�

le

territoire est� «� maillé »:

la France compte 1�

hypermarché� pour 46 000�

habitants�,�

contre1� pour 51000�habitants� en Allemagne� ,�

1� pour 61000�habitants� au Royaume-Uni�et seulement� 1� pour130000 habitants� enItalie

(�rapport� parle�

mentaire d' Alain Fouchéde juin 2005

)�

.�

Premier� inconvénient:�«� Un hypermarché� créele vide autour de lui� »�

,�

dit� Robert Rochefort� .�

Adieu� boucheries,�

poissonneries� et

fromageries! Seules les�

boulangeries-pour�des� raisons� culturelles�-ont su résister à� la

les� villes petites� et moyennes ,�

ainsi�

que� dans les� «� quartiers� »� de banlieue .�

Nià� empêcher l' arrivée� des� hard

discounters� allemands� ou français ,� qui� ,�

pour contourner la loi� Raffarin,�

ont�

LA DISPARITION�

DES� COMMERCES� DE DÉTAIL

Évolution� du commerce de détail

depuis 1996,�

en nombre d' entreprises�

50000� Boulangeries,�

40 000�

33 584� Boucheries,�

charcuteries30 000�

20 000�

4� 000�

3� 000�

2000

45 Z56�patisseries�

3� 537�

Poissonneries�

2-4951852�

1000

0�

1996

1107

romag�produits laitiers

2000 2006

ouvert des� magasinsde moins� de 300�

mètres carrés!� Secondinconvénient:� l'

«�

hypermarché� roi� »� est�souvent� synonyme de

monopoles� ou de

duopoles locaux .� Selon�l' association� UFC-Que�choisir�

,�

la concurrence�entre� magasins ,�

auniveau local�

,�

n'

existerait que� sur� environ� un

quart� du territoire .� Sur�

les� trois� quartsrestants

,�

une� ou deux

enseignes� leaders� se

partageraient� le gâteau.. .�

«� Un Yalta� sur� les� prix »�

que� dénonce� Alain�Bazot�

,�

le président�d' UFC-Que� choisir� .�

Malheureusement�,�

«� dynamiter� les� hyper�

Source:� Insee�,� Répertoire des� entreprises�

et des� établissements .�

déferlante des� années 70 et 80 .� Si

,�

depuis 1996,�

la loi� Raffarin a�

indéniablement freiné l' ouverture� des� grandes�surfaces alimentaires

,�

cela n'

a�donc

pas� suffi� à� sauver les� commerces� dans

sées être la monnaie� d' échange� pour uncertain� nombre de services publicitaires�-des catalogues ,�

des� prospectus ,�

des�

têtes� de gondole� ,�

des� animations dansles� magasins ,�

etc� .� -que les� distributeurs�vendent� aux� industriels� afin de mieux�écouler� leurs� produits .� Pour pouvoir�vérifier la réalité� de cette� publicité� (�

encoreappelée� «� coopération� commerciale� »�

)�

,�

la

réglementation française� est� très stricte:toute� ristourne� du fournisseur� doit faire�

l' objet� côté distributeur d' une� facture� adhoc�

,�

correctement rédigée� .�

Or c'est�

là que� le bât� blesse .� Au fil� des�

ans�,�

la loi� Galland� et ses� multiples�tentatives de réforme-sept en douze� ans� !�

ont� rendu� la réglementation totalementillisible� et incroyablement complexe .� Une�

aubaine� pour les� distributeurs�,� qui� sont

passés maîtres� dans l' art� de rédiger� les�

factures .� Sauf que� ,�

bien souvent�,�

celles-ci�

marchés� existants� pour mettre à� la

place� des� supermarchés ,� plusnombreux

,� plus petits et plus concurrentiels,�

cela ne semble pas� très réaliste »�

,�

reconnaît� Robert Rochefort� a�s�

.�C�

.�

ne représentent que� du vent!� Autrement�dit�

,�

le fournisseur� a�été� racketté par� le

distributeur,�

mais avec les� apparencesde la légalité!� Pour l' administration

,�

la

vérification des� factures est� un travail� detitan� .� Pendant� des� années

,�

les� fins limiers�de la direction� de la concurrence� à� Bercy�(�

la DGCCRF)�

se sont montrés� bien peu�

pugnaces pour aller� chercher des� noisesaux� distributeurs� .� Mais

,� depuis 2004,�

l'

attitude de la DGCCRF a� changé .� La sévéritédes� juges� s' est� également� accrue .� Du coup ,�

les� amendes� pleuvent (�

voirencadré�,� page

100�)�

.� Pour la seule� année� 2005,�

on recense�101� condamnations� pénales� pour «�

nonrespect des� règles de facturation� »�

.� La pluslourde sanction jamais prononcée�concerne le distributeur Système U� ,� qui� ,�

en octobre� 2006,�

a�été� condamné pour

«� fausses� coopérations commerciales »�

à�

rembourser 77 millions d' euros� -tout� de

même!- à� quatre de ses� fournisseurs(�Yoplait� ,�

Nestlé,�

Danone et Lavazza�)�

.�

«� Les� distributeurs� sont des� boucs�

émissaires tout désignés .� Quand� les� prixmontent�

,�

c' est� nous!� Quand� le petit� commerce

disparaît� ,�

nous encore!� »� se plaint M�.� Flanc�

,�

propriétaire d' un hypermarché� U� à�

Rumilly� ,� près d' Annecy .� Pourtant,�

M�.� Flanc�

le reconnaît: «�

C' est� vrai,�

on peut dire que�les� distributeurs� ont� bien profité� des�

margesarrière� .� Mais les� industriels�

,�

eux�,�

ils�

s' en sont mis� plein� les� poches!� »� Les�

distributeurs� ont� donc beau jeu� depleurnicher� .� Mais il est� vrai que� ,�

malheureusement� pour les� industriels�,�

les� chiffresauraient plutôt tendance à� leur donnerraison .� Finalement

,�

les� plus grosprofiteurs du système� des� marges arrière� nesont peut-être� pas� ceux que� l' on croit..� .�

Si les� distributeurs� ont� vécu grâce� à� la

loi� Galland� quelques belles années à�

ripailler� sur� le dos� du consommateur,�

les�

industriels�,�

eux�,�

ont� carrément� vécu la

vie� de château!Depuis 1996

,�

les� industriels� se servent�de la loi� Galland� comme� d' un rempart�pour refuser� les� baisses� de prix que� leurdemande� la distribution .� Avec pour effet�de faire� systématiquement grimper� les�

prix ,�

notamment� en période� d' inflation�des� matières premières� agricoles� (�

blé�,�

lait,�

maïs,�

etc�)�

.�

«� Plus les� industriels�augmentent leurs� tarifs

,� plus les� marges arrière�

augmentent »�

,� explique le directeur�général� de Carrefour�

,� Jacques� Beauchet .�

«� Maislà

,�

nous sommes arrivés� à� une� limite »�

,�

«� Volet� distribution »� de la LME�Présenté en conseil� des� ministres� le 28 avril�

,�

le

projet de loi� de modernisation� de l' économie

(�

LME�)�

sera débattu� en urgence� à� l' Assemblée� et

au Sénat�,�

d' ici� au mois de juin .�

En faveur des� distributeurs�-� Liberté� de négociation� des� prix avec les�

fournisseurs et les� industriels� .�

-� Urbanisme� commercial:� le seuil� de 300� m2(�

loi�

Raffarin)� passerait� à� 1000 m2

,�

afin d' autoriser�

l' implantation de nouveaux magasins et de

développer la concurrence� entre� enseignes� .�

En faveur des� industriels�-� Maintien de l' interdiction de revente�

à� perte�

pour empêcher les� prix «� prédateurs »�.�

-� Réduction� des� délais de paiement (�

de 90 à�

60 jours� )� pour soulager latrésorerie des� PME� .�

-Création� d'une� Haute� Autorité de la

concurrence�,�

«� renforcée� et plus efficace »�

(�

fusion de la

DGCCRFet du Conseil� de la concurrence�

)�

-� Renforcement des� sanctions� envers les�

distributeurs�(�

amendes� dissuasives�)�

a�s� .� c� .�

YACAST

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LA DISTRIBUTION ÉCRASE LES� SALAIRES

on salaire? Environ� 900� euros�«� par� mois.. .�

»�

,� rouspète Bavhani�,�

hôtesse� de caisse à� Paris� .� Comme� 37 %%

des� 650000 salariés de la distribution,�

cette� banlieusarde travaille� à� temps�partiel� .� Dans son� cas�

,�

il ne s' agit pas�d' un choix� .�

«� 29 heures par� semaine� et

des� tendinites à� répétition ,�

c'est� moche-

,�

résume Bavhani� .� Sentant� venir� une�

nouvelle remise en question des�

exonérations de charges� sur� les� bas� salaires

(�

entre� 1�et

1�

,6

smic)�

,� appelées aussi�«� allégements� Fillon »�

,�

la distributiontente� de redorer� son� blason social .�

Carrefour�,�

Auchan et Casino se sontengagés� ,�

début� mars,�

à� promouvoir le

temps� complet� .� Plusieurs� enseignes�ont� concédé� des� hausses� de salaires

après� la grève� exceptionnelle des� cais

sières,�

leter� février� .� Du jamais-vu� depuis

le scandale provoqué ,�

en 2005,� par� les�

39 millions d' euros� d' indemnités de

départ offerts� à� Daniel Bernard�,�

l' ancienPDG� de Carrefour! Cependant� ,� pour le

ministère� du Travail�,�

la Fédération du commerce et de la distributionreste�

un mauvais� élève� .� Pendant� des� années,�

celle-cia� suspendu les� négociations

salariales de branche� pour défendreses� chers� «� allégements� Fillon »�

.� Selon�

la Cour des� comptes� ,�

le secteur� est� eneffet� l' un des� grands bénéficiaires� du

système� .� Avec près de 1�

,2

milliardd' euros� d' exonérations en 2004

,�

la

distributiona� empoché� plus d' aides� que�

son� poids� relatif� dans l' emploinational.. .� Et ce pour des� emplois� qui� nesont même pas� délocalisables!� a�

s� .� C� .�

ajoute-t-il� .�En effet�

,�

sur� certains produitscomme� la charcuterie�

,�

les� marges arrière�

peuvent� atteindre� 60 %% du prix facturé�

par� les� fournisseurs .�En moyenne� ,�

cellesci atteignent 37 %% en France,�

tandis qu'�elles� varient� entre� 10 et 15 %% chez nos�

voisins� .�

«� Pour que� la concurrence� fonctionneentre� les� industriels�

,�

il faut que� le

commerçant puisse jouer� son� rôle et comparerl' offre� de ses� différents fournisseurs »�

,�

conclut� Beauchet .� C' est� bien là tout le

sens de la suppression� de la loi� Galland�telle� que� l' envisage le gouvernement .�

Mais on comprend aisément que� celane plaise pas� du tout aux� industriels� de

l' agroalimentaire� ,� parfois� quelque� peu�«� endormis sur� leurs� marges »�

,�

comme� onle reconnaît� au ministère de l' Agriculture�

.� Grâce� à� la loi� Galland�,�

ces� derniersont� pu conserver� des� marges trèsconfortables

,�

sans pour autant investirbeaucoup d' efforts� en termes d' innovationet de recherche� de gains� deproductivité .� Quant� aux� plus gros et aux� plusmalins

,� typiquement� les� groupes� Nestlé,�

Unilever ou Danone,�

ils� ont� profité� decette� époque bénie� pour réduire� leurportefeuille de marques� et seconcentrer sur� les� produits les� plus rentables:les� yaourts� qui� font maigrir� ,�

ceux qui�luttent� contre le cholestérol� ou encoreles� petits pots pour bébé .� Finalementtrès peu� affectés par� la hausse mondialedes� cours� agricoles� ,�

les� géants de l'

agroalimentaire� ont� même réalisé� en 2007 une�

année� «� historique »�

,�

selon� Franck Riboud,�

le PDG� de Danone .� Malgré le doublementdu prix des� matières premières� depuis2005

,�

ces� grands groupes� continuent devoir grimper� en flèche leurs� margesopérationnelles..� .� Comme� le martèle�Luc� Chatel

,�

secrétaire d' Etat à� la

Consommation et à�l' Industrie�

,�

«�

le

consommateur est� devenu la premièrevictime� de la loi� Galland- .�

Et ce n' est� pas� tout!� Outre� des� effetsinflationnistes�

,�

la loi� Galland� auraitégalement� favorisé les� ententes entre�industriels�

,�

comme� le dénonce� un récentrapport� de Marie-Dominique� Hagelsteen ,�

l' ancienne directrice de la DGCCRF .� Bref,�

le système� actuela�

vécu .�Il est� devenu

«� absurde� »�

,�

«� complexe »�

et

«�

économiquement inefficace-� .� Seuls� les� industriels�

O� LES� FRANçAIS FONT-ILS LEURS� COURSES� ?�

rce� de dd

LM+� I�

+� 73 ,6'�9�

Marchés� ,� produ� eurs

6�

,5

Petites� urfaces�

4� ,9%%+�

-9

,�

Interne�l�

,�

catalo ue

0� ,3%% +� 50%%

Source:� Insee�,�

a� Les� Echos� ,�

En %% des� dépensesalimentaires

(�

2006)�

et évolution�

par� rapport� à�2001

L-1�

rechignent à� lui� offrir un enterrement� de

première classe .� Quant� à� Michel-EdouardLeclerc�

,�

lui�,�

il jubile .�Il évoque une� «�

avancée� très positive »� de la législation� et

promet que� «�

la négociabilité� des� prixpermettra� certainement de contenir les�

poussées inflationnistes� du moment »�

.� Ouf!Le gouvernement peut être rassuré: les�

distributeurs� s' engagent à� montrer� leurs�

gros bras et à� écraser� les� prix .�

Durcir les� sanctions� .� Toutefois�,�

bienconscient� du déséquilibre structurel qui�existe entre� les� «� petits »� fournisseurs dela distribution et les� gigantesquescentrales� d' achat�

,�

le gouvernement a� prévu�de mettre en place� quelques garde-fouspour les� industriels� .� Est-ce que� cela seraefficace?� Actuellement à�

l' étude� auConseil� d' Etat

,�

la loi� de modernisation�de l' économie prévoit� notamment� dedurcir les� sanctions� à�

l' encontre des�

distributeurs� et d' instaurer� une� Haute�Autorité de la concurrence� pour faire� la

chasse aux� pratiques� déloyales� .� Autre�

garde-fou� très important� ,�

laLME� va

réduire� les� délais de paiement en faveurdes� fournisseurs

,�

notamment� les� PME�.�

«� insuffisant� »�

,� rétorquent les� industriels�,�

qui� refusent d' abandonner aussi�

facilement la poule� aux� oeufs� d'or

et hurlent�

déjà au «� sacrifice� de l' industrie�agroalimentaire� »�

,�

comme� le dit� Jean-René�Buisson�

,�

le président� de la puissante�Association� nationale� des� industriesalimentaires .�

Qui� a�tort?� Qui� araison? «� Chaque fois

que� l' on modifie� la législation� ,�

cela génèredes� effets imprévus ,�

certains positifs ,�

d' autres moins-,�

met� en garde� l'

économiste Philippe Moati�,� professeur à�

l'

université Paris-VII� et chercheur� au Credoc .�

Lui� se dit� réservé� sur� les� effets d' un grand�big� bang dans la distribution:� «� Pour ce

qui� est� de faire� baisser� les� prix et de créer�

une� autorité unique de la concurrence� enFrance

,�

cela vaut le coup d' essayer� .� Enrevanche

,� pour ce qui� est� de l' avenir du tissu�

de PME� frança ises et de l' emploi,�

je

ne suis

pas� certain... »�

,� analyse� Philippe Moati� .�

A� en croire ce spécialiste� ,�

les�

distributeurs� ont� beau promettre� tout à� la fois le

beurre etl' argent du beurre.. .� méfiance!�

«� Vouloir� rendre du pouvoir� d' achat� enécrasant les� prix,�

c' est� bien joli,�

mais l'

exercice a� des� limites� »�

,� prévient PhilippeMoati� .� Ah bon? Tout ne se termine� pas�aussi� bien que� dans un western�hollywoodien avec Charles� Bronson� et

Yul� Brynner!?� a�

YACAST

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