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Résumédel’ActeV:
Malgré sesabsencesprofessionnelleset lavolonté farouched’AndrewdepréserverKatde toutepublicité, leur relation devient plus forte.Andrew se révèle prévenant et passionné, prenant ainsiKattotalement au dépourvu quand il lui annonce brutalement que leur histoire est terminée. En quelquesminutes, la vie de Kat s’effondre et elle décide de faire table rase de son passé. Elle déménage etdémissionneduPeninsula.
Alorsqu’elledécidedereprendresavieenmain,loindutumultedeBlakeMedias,etqueDanielréapparaît dans sa vie, Kat comprend finalement pourquoi Andrew l’a quittée et refuse de se laisserabattre.Sonmeilleuratout?Nathan!
CHAPITRE23
Lecombinécontremonoreille,j’entendisNathangrogner:–Kat?Maisbonsang!Quelleheureest-ilàNewYork?–Pasloinde3heuresdumatin.–Quand jedisaisdansmesmessages«Rappelez-moiquandvousvoulez», j’auraispeut-êtredû
préciser:«Àuneheuredécente!»–Désolée,m’excusai-jerapidement.C’étaiturgent.–J’espèrequevotreurgenceestunmalencontreuxaccident…ouuneamnésietemporaire!Çafait
desjoursquejetentedevousjoindre.–Jesais,avouai-je.J’aibesoindevoirAndrew.–Jenecroispas…–Cen’étaitpasunesuggestion.Jedoislevoir.Ilyeutunsilenceunpeutenduetj’entendisdumouvementderrièreNathan.Jecomprisqu’ildevait
êtreentraindesortirdesonlit.–Kat,lasituationn’apaschangé.–Jemefichedelasituation.J’aiunvolquiarriveraàSanFrancisco,demainà9heures.–Jeprésumequ’ils’agissaitlàencored’unesimpleinformation?–Nathan,jen’arriveraipasàentrersansvous.Sij’arriveàpasserlepremiercontrôledesécurité,
j’auraisdéjàdelachance.–Vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train deme demander ? s’écria brutalement
Nathan.–Jesais.Mais…–Peuimporte.Detoutefaçon,iln’estpasàsonbureaudemain.Jepestaicontremonimpulsivité,espérantquemesbilletsétaientaumoinsremboursables.–Endéplacement?tentai-je.–Chezlui.–C’estencorepire,gémis-je.Jamaisilnemelaisseraentrer.–9heures,c’estça?s’enquitNathan.–9heures.–Bien.Jevaismedébrouiller…Etsouscrireuneassurancevie,plaisanta-t-il.–Merci.Mercibeaucoup,Nathan.Jeraccrochaidansl’instantetfilaisousladouche.Dormirétaitdorénavanttotalementexclu.Avec
unvolà6heures,j’avaisletempsdemerendretranquillementàl’aéroport.
***
Levol,évidemment,futinterminable.J’étaisanxieuseetenthousiasteàlafois.J’avaisleslettres,etj’envisageaidem’enservircommeargument.Andrewnepourraitplusniercequinousliait.Ilseraitdenouveauàmescôtés.Mebattrepourlui,voilààquoiserésumaitcevoyage.
Nathanm’accueillitàl’aéroport,unimmensesourirebarrantsonvisage.–Nemeditespasquejesuisradieuse,soufflai-jeenarrivantverslui.–Jenesuispasunadeptedumensonge,dit-ilenprenantmonsac.Vousrestezcombiendetemps?–Aucuneidée…Vousvoulezl’optionoptimisteounon?–Vous savez que c’est du suicide, n’est-ce pas ? Il n’a pas changé d’avis à l’hôpital, pourquoi
voulez-vousqu’illefassemaintenant?–Parcequejemebats,murmurai-je.–Çanemarchepastoujours.–Ilsuffitd’avoirlesbonnesarmes,ripostai-jeencomprenantsonallusion.Ilmefitunsouriretriste,commes’ilprenaitconsciencequejesavaiscequileliaitàLynne.Ilme
guidajusqu’àsavoiture,unsomptueux4×4noir,rutilant.–J’aiditàAndrewquejevenaislevoirpourundossierurgentà10heures.–Merci,Nathan.J’apprécievotreaide.Aufait,avez-vouspriscettefameuseassurancevie?–Non…Apparemment,lemeurtreestuneexclusiondegarantie.Jesourisdesaplaisanterie,avantd’avoiruneidée.–J’aiencoreunserviceàvousdemander.–Dieuduciel…Jecomprendsqu’Andrewvoustrouveàsongoût,vousêtesaussitêtusetexigeants
l’unquel’autre!–Nerâlezpas!J’aibesoind’uneescorte.Lasemaineprochaine,àNewYork.–Unesoirée?–LemariagedeLynne.Sonvisageserefermaetsespoingssecrispèrentsurlevolant.Jelefixai,cherchantàsonderson
visage.Jen’auraissudires’ilétaitencolère,ousimplementtriste.–Latortureestunautredevospointscommuns,railla-t-il.–Nathan!suppliai-jepresque.Jesaisqu’elleest…attachéeàvous.–«Attachée»?ricana-t-il.Ons’attacheàunchien,Kat.–Vousn’êtespasprêtàvousbattrepourelle?m’enquis-je.–Vouspensezêtre forte,n’est-cepas? riposta-t-il,unpeunerveux.Vouspensezpouvoir le faire
flancher…Cequevouscroyezêtrede laforce,de l’envieoude larage,personnellement j’appelleça«l’énergiedudésespoir».JesuisdéjàpasséparlàavecLynne.
–Çavamarcher,affirmai-jepluspourm’enconvaincrequepourNathan.–Jenesupporteraipasdelavoirsemarieravecunautre.Jevousairacontél’histoiredecetaureau
quim’apiétiné?–Oui.–Ehbien,cen’étaitrienencomparaisondeLynne.Riendutout!Etvoussavezcequ’ilyadepire
danstoutça?C’estquejeneluienveuxmêmepas.Kingstonestunsacréveinarddel’avoir!J’acquiesçai, prenant conscience que l’histoire entre Lynne et Nathan semblait vraiment
compromise.Elleavaitsûrementréagitroptard.J’espéraisquemarelationavecAndrewn’étaitpassi…moribonde.
Nathan s’annonça et le portail électrique coulissa pour nous laisser entrer. Lamaison d’Andrewapparutderrièrequelquesarbres.Jepenchailatêtepourl’admirerunpeuplus.Commentpouvait-ilvivreseullà-dedans?
–Quelestleplan?demandai-jealorsqueNathancoupaitlecontact.–Onentreensemble.Lucinda,lafemmedeménage,nevouslaisserapasypénétrerseule.Elleva
sûrementannoncermavisiteàAndrew,etensuitevousprendrezlamain.–Etvous?–J’attendraiunpeu…Etsijevoisquevousneressortezpasdanslescinqminutes,j’estimeraique
vosarmessontvraimentmeilleuresquelesmiennes.Jedescendisde lavoitureet lesuivis jusqu’à l’entrée imposantede lamaison.Jecamouflaimes
mains tremblantesdans lespochesarrièredemon jeanet ravalai l’angoissequime rongeait.Soudain,cetteidéemesemblaitvraimentmauvaise.J’étaisàpeuprèscertainequ’Andrewallaitmemettredehorsaussitôt.
–Bonjour,Lucinda,lançaNathanavecunsourire.JedoisvoirAndrewpourundossierurgent,ilestaucourant.
–JevaisprévenirM.Blake,réponditlajeunefemmeavecunfortaccenthispanique.Elle s’effaçaet j’entraidans lehall.Lamaisonétait lumineuseet lesmursd’unblanc immaculé.
Nathansurpritmonregardébahietétouffaunrire.–Çafaitçaàtoutlemonde!plaisanta-t-il.–Cettemaisonestsuperbe!–Cen’estpasunemaison…C’estuneespècederefuge,doubléd’unblockhaus,qu’Andrewrefuse
devendre!–Pourquoivendrait-il?m’enquis-je.–Pourquoiàvotreavis?Mon cœur se serra avant de comprendre. C’était la maison qu’il avait achetée avec Eleanor.
Lucindainterrompitmespenséesenseraclantlagorge.Ellenousinvitaàlasuivre,nousfaisanttraverserunlongcouloir.
–Çaira,Lucinda,lacongédiaNathanavecdouceur.Ellenouslaissaet,brutalement,monventresetorditdansunedouleurfulgurante.Nathanmefixa,
devinant aisément que j’étais en train de paniquer. Je sortis les mains de mes poches, les frottantnerveusementl’unecontrel’autre.
–Vousdevriezentrer,suggéraNathanendésignantlaportesurmagauche.–Ilnevapasêtreheureuxdemevoir,n’est-cepas?–Jepensequesi…Ilnevitpastrèsbienlasituation.Cequirisquedelecontrarier,c’estquevous
avezétéplusfutéequelui.–Àquelsujet?–Ehbien,vousavezsonadresse,etjecroissavoirqu’iln’atoujourspaslavôtre!Un sourire s’imposa sur mes lèvres et Nathan m’encouragea de nouveau à entrer. Je soupirai
lourdement,memotivant à tenir le coup et àmemontrer forte. J’étais décidée à ne pas sortir de cetendroittantquejen’arriveraispasàmesfinsavecAndrew.Jepoussailaportedoucementetmefaufilaidanslebureauavantdelarefermerderrièremoi.
Andrew me tournait le dos, les yeux rivés sur un écran d’ordinateur. Ses mains pianotaientdoucementsurleclavieretilsemblaitconcentré.
–Laisse-moideuxsecondes,Nate,jefinisça!lâcha-t-ilsansprendrelapeinedesetourner.–J’aitoutmontemps,répondis-jed’unevoixforte.
Andrewseraiditautomatiquementetcessad’écrire,avantdepivoterlentementsursonfauteuil.Unbureau de bois sombre se dressait devant lui. Il était impeccablement rangé, et seul trônait, près d’unstylo,unmugdecaféfumant.Sonregardpénétrantmefixaavecintensitéetsesmâchoiressecrispèrent.Jereculaid’unpas,pascertainedesaréaction.
–Quefais-tuici?demanda-t-ilenselevantdesonfauteuil.–Je…Jesuisvenueteparler.–Charmanteintention.Laplupartdesgenss’annoncent…ouappellentmonassistantepourfixerun
rendez-vous.–J’aitoujourscruquetunemeconsidéraispascommelaplupartdesgens.Ilosaunpetitsourireetcontournalebureaupours’yappuyer.Lesbrascroiséssursapoitrine, il
patienta,ensilence,avantdem’inviteràpoursuivre.–Maintenantquetueslà,jet’écoute.–J’aidémissionné,avouai-jebrutalement.–Jesuisaucourant,répondit-iltranquillement.J’avançai vers lui, espérant qu’il ne me rejette pas. De nouveau, il me fixa, son masque
d’indifférenceparfaitementvissésursonvisage.Moncœurfrappaitàunecadencehallucinante,maisjenesavaisplussic’étaitàcaused’Andrewoujusteàcausedelapeurquimerongeaitdel’intérieur.
–Jet’aivuaujournal…Leweek-enddernier.TuétaisavecMeghan,ajoutai-jealorsqu’ilnecillaitpas.
–Eneffet.Meghanaétéunedélicieusecavalière…Çam’arappelédevieuxsouvenirs,précisa-t-ilenmelançantunregardsanséquivoque.
–Commentétait-ce?demandai-jesansreleverl’allusion.–Plutôtbien.Sansgrandeoriginalité,maislasoiréeatenutoutessespromesses.–Finalement…jevaisleprendrecommeuncompliment,ironisai-je.Andrew fronça les sourcils et décroisa les bras. Apparemment, il ne comprenait pas mon
raisonnement.Ilsemblaitlégèrementstupéfaitets’approchafinalementdemoi.–Detouteévidence,risquerlaviedeMeghansignifiequ’elleestcertainementmoinsprécieuseque
lamienne,expliquai-je.–Es-tuvenueicipour…tedéfouler?–Jesuisvenueicipourtoi.Pourtedirequetutetrompessurnous.–Nousavonsdéjàeucetteconversation,soupira-t-il.Tudoist’éloignerdemoi,affirma-t-il.–Non.–«Non»?–Non.Quoiquetudises,çaseranon.Jerefusedefaireça.–Iln’estpasquestiondechoix,ici.–Si.Jedevaisêtreàcettesoirée!Il passa une main sur son visage et je l’entendis souffler d’exaspération. Au moins, j’éveillai
quelquechosechezlui.–C’estquoiaujuste?Unescènedejalousie?Queveux-tusavoir?Sij’aicouchéavecelle?–Jeveuxsavoirpourquoitufaisça!Pourquoitum’asrepousséesansmedemandermonavis?–Tusaispourquoi,éluda-t-il,etilseréinstalladanssonfauteuil.–Pourmasécurité?Ilmelançaunregard,acquiesçantensilence.Jesentismoncœurseserrer.Commentfaisait-ilpour
semblersiindifférentàmesarguments,quandjesavaisqu’ilsouffraitprobablementautantquemoi.–Jemefichedemasécurité,sijenesuispasavectoi.
–Etmoijesaisquetasécuritéestlachoselaplusimportantequisoit.–Plusimportantequequoi?m’écriai-je.Plusimportantequenous?–Kathleen,tunecomprendspas…–Jenecomprendspasquoi?Quejesuisdevenueuneespècedefantômesanstoi?Quejesuis…
désespérée…Quejeprétendsallerbienalorsquejen’aijamaisautanteulatrouilledetoutemavie?Ilrelevalesyeuxversmoietsesmâchoiresseserrèrentunpeuplus.Jesentisleslarmesmepiquer,
maisjerefusaidemelaisseraller.Lemasqued’Andrewcommençaitàserelâcher.Imperceptiblement,sestraitss’affaissaientunpeu.
–Jeneveuxpasqu’ilt’arrivequoiquecesoit.–Quepourrait-ilm’arriverdepirequed’êtresanstoi?leprovoquai-je.–Jesaiscequipourraitt’arriver,etc’estuneexpériencequejenetienspasàrenouveleravectoi.–MaisavecMeghan,si?– Meghan n’a rien à voir avec toi ! Tu as raison, il fallait le prendre comme un compliment.
Commentpeux-tucroireunseulinstantquej’accepteraisderisquertavie?–Jerisquemaviechaquejour,Andrew…Ceraisonnementeststupide.–C’estnon!Je songeai furtivement à ses lettres. Elles étaient dansmon sac, dans le coffre de la voiture de
Nathan.Jepouvaistoujoursm’enservir.Ellesseraientmadernièrearme.–Jesaisquetunelepensespas,affirmai-jeavecunregaind’énergie.Jesaisquetuesaussimal
quemoi…–Jevaistrèsbien,mentit-ilendirigeantsonattentionsurundossier.–Tuesseul…Et triste…Commemoi.Saufque…jeneveuxpasfinirainsi.Jeneveuxpasêtre
rongéeparl’amertumeoulesregretsparcequejen’auraispasessayé.–Tucroisquec’estsimplepourmoi?demanda-t-ilfinalement.–Non.Jesaisqueçanel’estpas…Maistu…noussommesensemble…Etjenemesuis jamais
sentieaussifortequedanscesmoments-là.–Voilàcequinousdifférenciealors.Il se relevade son fauteuil et reprit sapositionarrogante, assis sur lebordde sonbureau. Ilme
toisa, cherchant sûrement à me faire flancher. Je le fixai en retour, épuisée de constater qu’il merepoussaitencoreunefois.
–Onpeutlefaire,l’attaquai-je.–Non.–Andrew,jenepartiraipasd’ici,répétai-jeaveccalme.–C’esthorsdequestion!répondit-ilavecrage.Ilyauntype,là,dehors,quiajurémaperte,argua-
t-ilencriant…Etmaperte…Maperte,c’esttoi!Jenesuispasfortavectoi,jesuisletypeleplusfaibledumonde.Dis-moicequejeferaiss’ilt’arrivaitquelquechose?
–Dis-moicequejefaissanstoi?hurlai-jeàmontour.–Tuvis.–Jesurvis.Etpastrèsbien,àvraidire.Denouveau,lemasqueimperturbablesefendilla.Sonregardtrahissaitsonenvieetsonbesoinde
moi.Ilbaissalesyeuxetsepinçal’arêtedunez,perduenpleineréflexion.–Jenesaisplusquijedoiscroire,murmurai-jeenm’approchantdelui.Tum’assuppliéedenepas
te laisser quand j’ai eu ces coups de téléphone étranges, tum’as dit que tu ferais tout pourmoi…Etmaintenant,tuchoisisdem’abandonner?
–Kathleen,s’ilt’arrivaitlamoindrechose,siunfoufurieuxavaitsimplementl’audacedevouloirtetoucher…jenesaispascequejedeviendrais.
–Maistudonnesraisonàcetype!Tudonnesraisonàlapersonnequinousharcèle!J’approchai de nouveau et Andrew releva les yeux vers moi, me fixant avec cette intensité
désarmantequejeconnaissaisparcœur.–Cen’estpasunebonneidée,murmura-t-ilcommepours’enconvaincre.– Il nem’arrivera rien, promis-je. Je serai avec toi…Quelmeilleur garde du corps pourrais-je
espérer?tentai-jedeplaisanter.Il risqua un sourire, mais je compris qu’il n’était toujours pas convaincu parmon plaidoyer. Je
soupirai doucement, à bout de forces, et à court d’idées pour le faire flancher. Il semblait en pleineréflexion,luttantentrecequ’ildevaitfaireetcequ’ilavaitenviedefaire.
– Tu me demandes l’impossible, dit-il finalement, alors que je fixai mes pieds. C’est tropdangereux,troprisqué…
–Jeprendslerisque.–Kathleen,râla-t-ilcontremonentêtement.–Jeprends lerisque,répétai-je.Parcequeçapeutfonctionneretquecerisquen’est riendutout
comparéànous.–Risquertavien’estpasrien.– Je t’enprie,Andrew, suppliai-je.Laisse-moi jugede ceque jepeux faireounon !Laisse-moi
prendrelerisque,parcequedernièrement,sanstoi,jemesuissentieplusmortequevivante.Ses yeux se voilèrent et je décidai de jouer la franchise. Mes arguments, mes promesses, mes
suppliquesnel’avaientfaitquefrémir,jemedevaisd’essayer,encoreetencore.–J’ai toutfaitpourtesortirdemavie.Tout!J’airendularobe, lesboucles, j’aidéménagé, j’ai
démissionné, jemesuis…coupéedumonde.Maismalgrétoutça, tues toujours…quelquepart.Tuesdansmespensées lematinauréveil,parceque je regrettedenepaspouvoir t’amener lecafé,et tuesdansmespenséeslesoir,parcequej’aimeraisterefairefairelacuisine.Toutletemps,Andrew.
Jeluilaissailetempsdedigérer,etreprismonsouffle.Ilserralespoingsetsecoualatête.–Jesaisquetuespartipourmasécurité,pourmeprotéger.Jecomprendspourquoituasfaitça!Et
jelecomprendsd’autantplusquejet’aimeetquej’auraissansaucundoutefaitlamêmechosepourtoi.J’entendis sa respiration s’accélérer et me félicitai presque d’avoir enfin obtenu un signe de
faiblessedesapart.– Je t’aime…Et je trouve que c’est suffisant pourme faire prendre tous les risques dumonde.
Commentpeux-tudirequetun’aimespaslemensongeetvouloirmefairecroirequejen’airienétépourtoi?soufflai-je.
–Jet’interdisdepenserça.Jevoulaisquetut’éloignes,quetuprennestesprécautions,contra-t-il,lesmâchoiresserrées.
–Ettuascruquecelafonctionnerait?m’étonnai-je,incrédule.Tuascruquejemelaisseraisfaire?–Bonsang,tuestellement…têtue!–Jenesuispastêtue,Andrew.C’esttoiquipersistesàvouloiravoirraison.Quandjepensequetu
t’espavanéavecMeghan!râlai-je.Ilmefixa,unepointed’incrédulitédansleregard.Lesmusclestendus,jesoutinssonregard,avant
demedécideràluidémontrerquejen’étaispasidioteaupointdemefairemanipuler.–Meghanaétéparfaite,sourit-ilavecarrogance.–Est-cequetucherchaisàmerendrejalouse?–Jen’aidoncpasledroitdesortiravecMeghan?Elleestplutôtjolie,etintelligente…
–Etsansemploijeprésume?raillai-jetandisquelasurprisesepeignaitsursonvisage.Parcequejemesouviensparfaitementdecequetum’asdit,Andrew:tunecouchesjamaisavectesemployées.
–Eneffet.Son visage s’affaissa doucementmais, très vite, lemasque réapparut. Il se racla la gorge, avant
qu’unsourireamusénesedessinesurseslèvres.–Kathleen,tues…stupéfiante.–J’aiétéàbonneécole,ripostai-je.Sesyeuxsevoilèrent,etjereculaid’unpas,incertainedepouvoirgérersacolère.Ilavançavers
moietjecontinuaidereculer,meretrouvantacculéecontreunetablederrièremoi.–Et tues incroyablementculottée…D’abord tume résistespendantdes semaines,et tu finispar
débarquerici.–Tunem’aspaslaissélechoix.–Jene laisse jamais lechoix,Kathleen.Mais jecroisque tuesunedes rarespersonnesàavoir
cettecapacitéàmesidéreràchaquefois.Séparésdequelquespas,nousnoustoisâmespendantdelonguessecondes.Moncerveausemblait
s’êtredéconnectéetseulsmesyeuxagissaient,dévorantsonvisageparfait.–Jusqu’oùes-tucapabled’alleraujuste?demanda-t-il.–C’esttoiquimepoussesàprendredesmesuresextrêmes.–Jen’aipaspourhabitudequ’onmedictemaconduite,Kathleen.Etc’estcequiesttroublant.–Vraiment?–Vraiment.Jemènele jeu, jeprendslesdécisions.Laseulechosequej’attendsdesautres,c’est
qu’ilsopinentduchef.Jedéglutislourdement,comprenantquej’avaiscertainementététroploin.Malgrétout,jelefixaiet
tentaidecontenirmapeine.–Tesabusdepouvoirnefonctionnentpasavecmoi.–Etcelamedésespère,souffla-t-ilenréduisantl’espaceentrenous.–Jeseraiprudente,murmurai-je.–Çanesuffirapas.Tun’espasassezraisonnablepourrespecterlesrègles.Surtoutlesmiennes.Samainseposasurmajoueetjesentismoncorpsseraidirviolemment.Ilrepoussamescheveux
surmonépauleetpromenasonpoucesurmabouche.Jerésistaiàl’enviedelecapturerentremeslèvres,l’appeldelaluxureétantpourtantdéfinitivementplustentantquen’importequelleconversation.
–Andrew,murmurai-je,essoufflée.Sesyeuxplongèrentdanslesmiens.Sesirisvertsbrillaientdecettelueurdedésir.–Suivras-tumesinstructions?m’interrogea-t-ilavecsérieux.–Passiellessontdéraisonnablesetqu’ellesvontànotreencontre.–Pourquoiétais-jecertaind’avoircetteréponse?sourit-il.–Parcequejeteconnais!Etparcequetesrèglessontidiotes,répondis-je.Ilréprimaunrire,appréciantsûrementmaréponseavecbonnehumeur.Ilapprochaencore,soudant
son front contre lemien.Cenouveaucontactme tiraungémissement, et le corpsd’Andrewépousa lemien.Jemecramponnaiàlatablederrièremoi,pascertained’êtreendroitdeletoucher.
–Tuasraison,avoua-t-il,lesyeuxclos.Tun’espasla«plupartdesgens».Jesouris,ravied’entendrecetaveudefaiblessedesapart.Jem’étaismiseànudevantlui,jelui
avaisditque je l’aimais–avecdésespoir, certes–, etunepartiedemoivoulaitqu’il en fasseautant,qu’ilselivreunpeu.
–Turestesdéfinitivementmaseuleexception,murmura-t-ilavecunsourireheureux.
–Etturesteslamienne,répondis-jeenretourenposantmesmainssurseshanches.Il remuaunpeu, lesyeux toujourscloset,quelques secondesplus tard, ses lèvresétaient sur les
miennes.Encoretendueparnotreaffrontement, j’hésitaiàmelaisseraller.Andrewavaitcettecapacitéincroyableàsoufflerlechaudetlefroidenunedemi-seconde.
Je reculai légèrement, remontantmes paumes sur son torse. Sa poitrine se soulevait à un rythmeeffréné.Ilsepressaunpeupluscontremoi,sesmainsenserrantmatailleavecfermeté.
–Tudoismepromettrequetuvassuivremesinstructions.–D’accord,murmurai-je.Maistuvasdevoirapprendreàm’entendredire«non».Ilme souleva et jeme retrouvai assise sur la table derrièremoi. J’étouffai un cri de surprise et
sentislecorpsd’Andrews’installerentremesjambes.–Soit,ilvadoncfalloirquejetrouveunmoyendetefairetaire,répondit-ilenplongeantsonregard
danslemien.Sesmainsglissèrentsurmescuisses,puisremontèrentlentementparl’intérieur.Lesoufflecourt,je
tentaidegarderlecontactavecsonregardbrûlant.–Jeparviendraiàfaireensortequetutepliesàmesordres.–Ici?murmurai-jeenespérantqu’ilaccepte.–Ici.Etmaintenant.Ilretrouvameslèvreset,cettefois,jecédaiàsonbaiser.Moncorpsétaitenmanquedeluidepuis
des jours,et leretrouvermaintenant,après toutecette tension,étaitmadélivrance.J’enroulaimesbrasautour de sa nuque, le gardant au plus près de moi. Son baiser fut dévastateur. Sa langue dansaitlangoureusement contre la mienne, me faisant gémir et m’embraser. Ses mains remontèrent sur meshanchesetglissèrentsousmonhaut.
–Tellementchaude,murmura-t-ilenenfouissantsatêtedansmoncou.Ilmordillamapeauetjebasculailatêtepourluilaisserlibreaccès.Lesmusclesdesontorsese
tendirent sousmespaumeset j’entreprisdedéboutonner sachemise.MaisAndrewfutplus rapidequemoietrepoussamesmainspourl’ôterlui-même.
J’admirais son torse quelques instants, sentant mon sang bouillir dans mes veines. Mon cœurpalpitaitàunecadencefolledansmapoitrine.J’attendis,envain,qu’ilretireaussisonpantalonmais,àlaplace,ilagrippaleborddemonhautetmelefitpasserpar-dessuslatête.Sonregardnaviguasurmoietilrepritsapositionentremesjambes,capturantmabouchepourunbaiserviolent.
Sesmainsremontèrentjusqu’àmapoitrine,caressantmesseinsgonflésdedésir.–Andrew,murmurai-je,haletante.–Encore,m’intima-t-il en passant ses deuxpouces simultanément sur les pointes érigées demes
seins.–Andrew!criai-je.–Chut…, souffla-t-il en posant son index surmes lèvres. Tu ne voudrais tout demême pas que
Lucindas’inquiète.Lecorpsenfeu,jeluilançaiunregardnoir.Cen’étaitpaslemomentdemedemanderd’êtrecalme.
Jeprissonindexdansmaboucheetlesuçaidurementsanslelâcherdesyeux.Andrewfronçalessourcilsetgrimaça,masquantsonplaisirévident.
–Tellementtêtue,chuchota-t-ilenretirantsondoigt.Ilfittraînersonindexlelongdemabouche,puisdansmoncou,avantdegagnerlesillondepeau
entre mes seins. Je plaçai mes mains derrière moi pour gagner en appui. Légèrement cambrée et lapoitrinebombée,Andrewfinitsonvoyagesurmonnombril,avantdepassersurmonjeanetdecaressermonentrejambe.
Sabouchesuivitlemêmechemin,mordillantmeslèvres,avantdecavalersurmoncou,messeins,monventre,etdefinirparposerunbaiserfurtifsurmonintimité.Quandilrelevalesyeuxversmoi,alorsquesonvisageétaitàquelquescentimètresdemonsexe,jecomprisqu’ilressentaitlamêmechosequemoi.Lemanque,l’envie,lacolère,lacrainte…Toutsemêlait.
Ilseredressaet,d’ungesterapide,repoussalesbretellesdemonsoutien-gorgeetfitglisserlesous-vêtementautourdemataille.
–Tum’asmanqué,chuchota-t-ilàmonoreille.–Toiaussi,haletai-jeensentantsesmainsattaquerleboutondemonjean.–Jeferaitoutpourteprotéger,promit-il.–Jeveuxjusteresterprèsdetoi.Tudoismefaireconfiance.Ilm’embrassadenouveau,sontorseappuyécontremapoitrinedénudée.Iltiramonjeanetparvintà
m’en débarrasser. Je posai mes mains sur sa ceinture et Andrew reprit possession de mon corps,embrassantlehautdemapoitrine,avantdetitillerundemesmamelons.
Jegémis,maisrestaiconcentréesursaboucle.Ellecédafinalementetjedéfisassezviteleboutonetlezip.
– À croire que tu as fait ça toute ta vie, constata Andrew en se débarrassant du reste de sesvêtements.
–Tun’espaslepremierhommequejedéshabille,ironisai-je.–J’auraisaimél’être…Çam’auraitfacilitélatâchepourtedompter.Il reprit sa position, nu contremoi. Instinctivement,mamain se posa sur son sexe érigé et je le
caressai.Ilgrognacontremapeau,tirantmonbassinunpeupluscontrelesien.J’entouraiseshanchesdemesjambes,gémissantdeplaisir.Jelevoulais.
–Maintenant,soufflai-jeenamplifiantmescaressesautourdesonmembre.Andrewmelançaunregardsombre,etfonditsurmeslèvres.Sesdoigtspassèrentsousmaculotteet
ilcaressamesplisavecrudesse.Jecriaisousl’assaut,monexcitationprenantlepansurtoutlerestedemoncorps.
–Redis-le,m’ordonna-t-il.–Andrew,soufflai-jed’unevoixaffaiblieparlesprémicesdel’orgasme.Ilenfonçaundoigtenmoi,etsa respiration lourdeethachéemeparvint. Je le libérai, jetantmes
mains en arrière pour me maintenir. Je rouvris difficilement les paupières, cherchant son regard. Jevoulaislevoir,jevoulaisquelemasquetombedéfinitivement.Maissesyeuxétaientdirigésverslebas,admirantsûrementletravaildesapequ’ilmenaitsurmoncorps.Jemeredressaietmeserraicontrelui,plantantmesonglesdanssondosmusclé.
Contre touteattente,Andrewdétachamesmainsetse recula.Sonregardbrillait toujoursdecettelueurd’excitation.
–Tourne-toi,ordonna-t-il.Jeleconsidéraissanscomprendre,avantdedescendredubureauetdeluitournerledos.Andrewse
pressacontremondosetsonsexeduretgonflésefrottacontremesfesses.–C’esttellementbonquandtum’obéis.–Jepeuxrespectercertainsdetesordres,soufflai-jealorsqu’ilmeplaquaitcontrelatable.J’étouffaiuncridesurprise,moncorpsbrûlantn’appréciantquetrèsmoyennementlecontactglacé
de la table. La main d’Andrew parcourut mon dos, longeant lentement ma colonne vertébrale. Il sedébarrassadéfinitivementdemonsoutien-gorgeetunedesesmainscaressamesfesses.
–Nousauronscettediscussionplustard…Là,j’aid’autresidéesentête.–Comme?souris-jeensentantsonsexemefrôlerdangereusement.
–T’offrirtoutuntasdelingerie!Lenoirseraparfaitsurtapeau.De nouveau, samain effleuramon dos,me faisant frissonner. Je frottaimes jambes l’une contre
l’autre.L’orgasmequ’ilm’avaitfaitentrevoirétaitentraindes’éloigner,etmoncorpsnesupportaitpluslaprivation.Cettefois,ilpassasurmesfessesetfinitsurmonintimité.J’écartailesjambes,luilaissantunaccèsprivilégié.
Jemeredressai,luttantcontresonpoids.Andrewgrognaunpeumais,trèsvite,ilmeserracontrelui,unemainsurmonsexe,pendantquel’autremalaxaitundemesseins.Iltaquinamonclitorisgonflé,mefaisantgémirlourdement.
–Commeça?demanda-t-ildansmoncou.–Continue,soufflai-je.Mamainrejoignitlasienneetj’imposailerythme.Ilfallaitquej’évacuecettetensiondanstoutmon
corps,quejeluiappartiennepourdebon.–Unjour,jet’attacherai,promit-ilendégageantsamain.Tuesbientroptransgressive.Jegémisdefrustration.J’étaissurlepointdejouirsursamain,desoulagertoutecettenervosité,et
ilsemoquaitdemoi.–Transgressiveettêtue.Couche-toi.Denouveau,jemepenchaisurlatable.Etenfin,jesentisAndrewenmoi,écartantlégèrementmes
jambesavecsonpied.–Maisc’estainsiquejet’aime,murmura-t-ilens’enfonçantlentement.Mon cœur frappa dans ma poitrine et ma respiration se coupa. Il m’aimait. Rien qu’avec cette
simple déclaration, j’aurais pu jouir dans la seconde. Mais Andrew s’immobilisa, avant de bougerlentement.Ilposasesmainsprèsdemoi,secalantluiaussicontrelatable.Jecriaisonprénometilmerappelaquejedevaisrestersilencieuse.
Jebougeailesfesses,espérantqu’ilcomprennequejen’enpouvaisplus.L’orgasmequ’ilm’avaitrefusépardeux foisétait en traindemeconsumeret je savaisqu’il seraitdévastateur.Alors il reprit,bougeantenmoilentement,allantetvenant,commeunedoucetorture.
– Andrew, murmurai-je, la voix rauque de désir. Je… Je… Je ne vais pas… tenir, articulai-jepéniblement.
Ilredoublad’effortetmoncœurmanquaunbattement.Larespirationcoupée, jecriai lourdement.L’orgasmedéferlaenmoietmefitoublierenuninstanttoutelafatigueaccumulée.Andrewgrognasouslasensationetbutaaufonddemonventreenmurmurantmonprénom.
À son tour, je le sentis jouir. Mes jambes tremblèrent, et je remerciai le ciel que la table memaintiennedebout.Andrews’effondrasurmoi,soutenanttoutdemêmelepoidsdesoncorpsàlaforcedesesavant-bras.Ilembrassalecreuxentremesépaules,mefaisantdenouveaufrémir,seretirademoiavecdouceuravantdemefairemeretourner.
Seslèvresexigeantesreprirentpossessiondesmiennesetledésirresurgit,violentetdiffus.–Dis-moiqueturestes,demanda-t-ilenmeprenantdanssesbras.–Seulementquelquesjours.–Çamelaissedutempspourtedompter.Jerelevailesyeuxverslui,pasraviedelevoirsisûrdelui.Ilritdoucementetembrassamonfront.–Viens,jetefaisvisiter.NousnousrhabillâmesrapidementetAndrewpritmamainpoursortirdesonbureau.Jerestaipieds
nus, commeAndrew, et prismes chaussures à lamain.Nous croisâmesLucinda dans le couloir et jebaissailesyeux,presquegênée.Lachemised’Andrewétaitàpeineboutonnéeetmonhautétaitfroissé,nelaissantainsiquepeudedoutessurnosdernièresactivités.
–Lesacdemademoiselleestdanslehall,monsieur,dit-elleavecunepointed’agressivitédanslavoix.
–Tuasprisunsac?m’interrogeaAndrew.–Jet’aiditquejen’allaispaspartird’ici.Seslèvress’étirèrentdansunsourirestupéfait,puisilembrassamescheveuxeninspirantfortement.–Tudeviensprésomptueuse,murmura-t-il.– Je ne crois pas. Si je l’étais vraiment, j’aurais suivi le conseil de Gregory et je me serais
contentéed’apparaîtrenuedevanttoi.Jerisquaiunsourirearrogantetmeperdisdanssonregardsombre.–Lucinda,dit-ilsansquittermesyeux,prenezlesacdeMlleDillonetinstallezsesaffairesdansma
chambre.–Votrechambre,monsieur?s’étonna-t-elle.–Lamienne,oui.L’instant suivant, Andrew serra un peu plus fort ma main dans la sienne et nous montâmes les
escaliersverslepremierétagedelamaison.–Labibliothèque,commenta-t-ilenouvrantlapremièreporteàgauche.–Tuasunebibliothèque?m’exclamai-je.–Eleanorytenait.Jen’yvaisquetrèsrarement…Maissi tuveuxteservir,faiscommecheztoi,
proposa-t-ilenallumantlalumière.Jejetaiunœilàlapièce.UngrandcanapéChesterfieldenveloursavaitétéinstalléetunelampe
trônait derrière.Les rayonnages étaient parfaitement rangés.Un épais tapis blanc chatouillamespiedslorsque j’entrai.Les fenêtresétaientobstruéesparde lourds rideaux, isolant lapiècede la lumièredujour.
–Jepeux?l’interrogeai-jeendésignantlesrideaux.–Jet’enprie.Je repoussai le lourd tissu, laissant le faible soleil pénétrer la pièce. Je dégageai ainsi les deux
fenêtres,donnantsurlacouroùNathans’étaitgaré,etmonregardnaviguasurleslivres.–Jenevienspassouventici,s’excusaAndrew.C’étaitplutôtsonlieuàelle.–Oh…Onpoursuitlavisite?demandai-je,finalementdésireusedesortirdecetendroit.Jequittailabibliothèque,découvrantAndrewsurleseuild’uneautrepièce.–Lachambred’amis.Il ouvrit une porte et j’eus le temps de distinguer une pièce, immense, dans des tons bleus. Il la
refermaetsedirigeaverslaprochaineétapedenotreexploration.–Lesalon.–Àl’étage?m’étonnai-je.–Lerez-de-chausséeestplutôtréservéàmontravail.Ilyaaussiunsalon,maispourlesréceptions
professionnelles.–D’accord,soufflai-je,épatéeparlatailledecettemaison.Lapièceétaittoutàfaitàl’imaged’Andrew:unmélangedecuiruséetdebois.Monregardfixaun
fauteuilclub,postéprèsde la fenêtre. Il semblaitvraimentdateret jepassaimesmainssur lamatièrestriéeparendroits.
–Tonfauteuil?demandai-jeàAndrew.–Eneffet,sourit-ilalorsquejem’yasseyais,laissantmesmainstraînersurlesaccoudoirs.Jecaressailecuir,pendantqu’Andrewmefixait,avecdenouveaucetteétrangelueurdansleregard.
M’asseoirdanssonfauteuilétaitsûrementunenouvelletransgressiondanssonmonde.Ilpassaderrière
moi et posa sesmains surmes épaules. Jeme tendisunpeu,mais, trèsvite, sesdoigtsdécrivirent depetitscerclessurmapeauetjemerelaxai.
–Àquoipenses-tu?l’interrogeai-jepourromprelesilence.–Àlasous-utilisationdecefauteuil.J’étouffaiunrire,tandisquelesmainsd’Andrewglissaientlentementmaissûrementverslehautde
mapoitrine.–J’aimetonrire,commenta-t-ild’unevoixchaude.–Etj’aimetessous-entendus!m’esclaffai-je.Soudain,jesentislesouffled’Andrewdansmoncouetilsemblaquelapiècerapetissaitsurmoi.–Unsous-entendu?murmura-t-ilcontremoncou.Je tentaidemeredresserpour lui faire face,mais ilmeplaquacontre le fauteuiletembrassama
peau.Jeposaimesmainssurlesaccoudoirs,enfonçantmesdoigtsdanslecuir.– J’envisage de t’attacher sur ce fauteuil. Je ne sais pas encore comment mais, crois-moi, je
trouverai.–Toujourspleinderessources,monsieurBlake,dis-jeensentantseslèvreseffleurerlacourbede
monépaule.–Toujoursavectoi.Andrew embrassa de nouveau ma peau, rallumant aussitôt le désir et l’envie que je tentais de
dissimuler.Jebasculailatêteenarrièreetmonamantdégagealescheveuxdemoncoupourlepicorer.Son parfumm’enivra et je perdis totalement le contrôle en sentant sesmains passer sousmon haut etcaressermesseins.
Jegeignislourdement,lecorpsenfeu.MaisAndrewseredressaetmelibéra.–Plustard,promit-il.Jen’airienpourt’attacherici.Jegrognaidefrustration,réajustantmesvêtements,tandisquejepestaicontrel’incroyablecapacité
derésistanced’Andrew.–Oncontinue?proposa-t-ilenmetendantlamain.Jemeredressaiavantd’arpenterlapièceensilence.Deuxcanapéssefaisaientface–toujoursdes
Chesterfield et toujours dans ce vieux cuir tanné et usé – et entouraient une petite table basse. Ladécorationétaitassezminimalistemais,trèsvite,jetombaisurunephotod’Eleanor.Unephotodeleurmariage.
Je passai dessus rapidement, me dirigeant vers l’espace où se trouvaient la télévision et unéquipementderniercrimultimédia.Justeaprès,ilyavaitlepiano,noir,magnifique.Jem’installaidevantlestouches,effleurantl’instrument.Andrewmefixait,silencieux.Jerelevailesyeuxversluietluisouris.
De nouveau, il vint versmoi etme tendit samain pourm’encourager à ne pasm’attarder.Noussortîmesdusalonetilmedésignalacuisine,petiteetfonctionnelle.Noustraversâmesunnouveaucouloiretarrivâmesdevantunenouvelleporte.
–Findelavisite,annonçaAndrew,machambre.–Etcetteporte?demandai-jeendésignantunepiècepluslointaine.–Monanciennechambre.Jen’ymetspluslespiedsdepuisEleanor.J’imaginaisquelapiècen’avaitcertainementpaschangédepuislamortdesafemme.Lachambreactuelled’Andrewétaitdanslestonsblancsetécrus.Ilrefermalaportederrièrenous
et,denouveau,melaissadéambulerpourquejedécouvrel’endroit.Son smoking était suspendu derrière la porte, fraîchement revenu du nettoyage, si j’en croyais
l’odeur.Jepassailamaindessus,repensantàcequej’avaisvudelasoiréedegala.–Meghanétaitlàpourfairedistraction,lâchaAndrewdansunsouffle.Jevoulaisteprotéger.
–Jesais.Maiscequetuasdit…–Kathleen,ceque j’aidit, c’étaitpour ta sécurité.Riend’autre. Jevoulais tepréserver.Tun’as
aucundouteàavoirsurMeghanetmoi.Ellevoulaitmontrerqu’elleallaitbien.–Ellenem’aimepas,dis-jeunpeutriste.–Elleestjustesurladéfensive,elles’inquiète.Laisse-luiunpeudetemps.J’acquiesçai et approchai de la fenêtre, admirant la vue sur l’océan. Je reconnus la photo que
l’inconnum’avaitfaitparveniretcelamefitsourire.–Qu’ya-t-ildesidrôle?demandaAndrew.–Rien…C’estjusteétranged’êtreici,mentis-je.–Jesuisheureuxquetusoisvenue.Lasalledebainsestjustelà,situasbesoin,dit-ilenfaisant
coulisseruneporte,quasimentinvisibleàl’œilnu.–Pasdepiscine?l’interrogeai-jeenriant.–Ausous-sol.Tuveuxallertebaigner?–Non…Non,jemedemandaisjustesitoutétaitconforme.Jeposaimeschaussuresausoletmedirigeaiverslelit.Surlatabledechevet,troislivresétaient
poséslesunssurlesautres,dansunéquilibreprécaire.Jem’assis,lematelass’enfonçantdoucementsousmonpoids.Ensilence,Andrews’installaàmescôtésetportamamainàsabouchepourl’embrasser.
–Combiendetempsrestes-tu?m’interrogea-t-il.–Deuxoutroisjours…Ensuite,jedoisaiderLynnepoursonmariage.Andrewsefigeaetfronçalessourcils.–Àcesujet, jenevaispaspouvoir t’accompagner…JedoisêtreàWashingtonpournégocierun
contrat.–Tantpis…Jetrouveraisbienunautrecavalier!–Àmahauteur?– Les prérequis sont simples : savoir danser, m’offrir son bras, me retenir si je glisse sur mes
talons…Lepauvrehommedevraaussim’aideràremonterlezipdemarobe!–JevaisdécommanderWashington.Jemedébrouilleraipourêtrelà.–Tuestellementprévisible,ris-jeenm’étalantsurlelit.Trèsvite,lecorpsd’Andrewrecouvritlemienetsabouchetrouvalamienne.Ilm’offritundeses
baisersdévastateurs,melaissantpantelante.–Cen’estpasremonterlezipquim’intéresse…–Oh…,murmurai-jeensentantlesmainsd’Andrewsurleboutondemonjean.–Jeteveux.Maintenant.–Maintenant,acquiesçai-jesurseslèvres.
***
Àmonréveil,lesoleiln’étaitplusaussihautetlapièces’étaitassombrie.J’étaisseuledanslelitd’Andrew,lecorpsencoreendoloriparnosretrouvailles.Jemeredressai,enroulantledrapautourdemapoitrine.Lamaisonétaitsilencieuseetavoirtantd’espaceavecsipeudevieétaitpresqueangoissant.
Brutalement, les lettresme revinrent à lamémoire.SiLucinda avait vidémon sac, elle les avaitsûrement rangées dans un des placards. Jeme précipitai vers le dressing, essentiellement rempli descostumes d’Andrew. Je retrouvai mes jeans et mes deux pulls remisés dans un coin. Mon sac étaitsuspenduet,parmiracle,leslettresétaienttoujoursàleurplace,danslapocheavant.Monaffolementse
calmapeuàpeu.Jen’avaispasencoretrouvélemoyendedireàAndrewquej’étaisMarie.Et,aprèslesrécentsévénements,jecraignaisqu’ildoutedemonhonnêtetés’ill’apprenait.
Mesaffairesd’aujourd’huiavaientdisparuetjeprisdoncunjean,dessous-vêtementsetundesT-shirtsd’Andrewavantdefairecoulerl’eau.Soncontactmefitunbienfou,maisrévélaunpeupluslesmarquesqu’avaitlaisséesmonamant.Moncouétaitrougietlehautdemapoitrineportaitquelquestracesdesuccion.
Aprèsmadouche, jedéposaiquelquesgouttesduparfumd’Andrewdansmoncouet jequittai lachambre. Après m’être assurée qu’il n’était pas dans le salon, je descendis à son bureau. Je toquaidoucementàlaporte,avantdepasserlatêteparl’entrebâillement.
CHAPITRE24
Andrew,letéléphonevisséàl’oreille,mefitsigned’entreretrepritsaconversation.Jeparcouruslapièce,admirantlesreproductionssuspenduesaumur.
–Non…Non…Décalezmesrendez-vousdelundi.Tous.Poursamedi,vousmeprenezunvolpourD.C.Jeveuxunevoituredelocationàmonarrivée,jepasseraileweek-endàNewYork.
Andrewsetournaversmoietm’adressaunpetitsouriresatisfait.–Nathanseraavecmoi.Ilvousdonneralesconsignesdesécurité.Avez-vousdesnouvellesausujet
demonancienneligne?Bien,parfait.Ilraccrochaetmerejoignit,alorsquej’étaisenpleinecontemplationd’unMatisse.–Jeseraiaumariageavectoi.–DoncjedécommandeNathan?plaisantai-je.–TuasdemandéàNathandet’accompagner?s’étonna-t-il.–Jevoulais…optimiserseschancesavecLynne.Etj’aipenséjoindrel’utileàl’agréable.–Nathanetlesfemmeshorsdeportée…–Techniquement,j’étaiscélibataire,corrigeai-je.–Jeveuxbienl’admettre.Maistuétaistoutdemêmehorsdesaportée.Jeviendraiaumariageavec
toi,assura-t-il.–Andrew,râlai-je,jepeuxyallerseule…–Kathleen,tuaspromisdesuivremesinstructions.Jeviendrai…Quecelateplaiseounon.Ileffleuramabouchedesonindexavantdedescendresurmonmentonetdefinirsurl’espaceentre
mesclavicules.Jefrémislégèrement,sentantlebrasierreprendredansmonventre.–Etnetentepasdemefairecroirequecelaneteplairaitpas,commenta-t-il,narquois.–Tonegoesttellement…imposant!Parfait,viensaumariage!abdiquai-je.Jerisdoucement,avantdem’installerdanssesbras,latêtecaléecontresapoitrine.Ilpassasamain
dansmescheveuxetembrassamonfront.–Est-cequ’onpeutdiscuter?demanda-t-il.–Biensûr.Dequoiveux-tuparler?–Est-cequequelqu’unsaitquetuesici?Lynnepeut-être?–Non.Iln’yaqueNathanquisoitaucourant.Çaaétéunedécision…impulsive.– Pour l’instant, je veux que tu gardes le silence là-dessus. La meilleure façon de préserver ta
sécuritéestdecachernotrerelation.Mon sourire s’effaça. L’idée de rester cachée ici ne me réjouissait pas. Et l’idée de jouer les
femmes éplorées et dévastées àNewYorkme plaisait encoremoins. Je baissai les yeux, cherchant à
comprendresonraisonnement.–Maistuvastoutdemêmem’accompagneraumariagedeLynneetPhilip?–Commetuledisaiscematin,jesuissûrementlemeilleurgardeducorpsquetupuissestrouver.Il
net’arriverarienavecmoi,assura-t-il.–Çanerésoutpasleproblèmedesrumeursetdesjournalistes.–C’estvrai.Alors,jecroisquelameilleurefaçondelesfairetaire,c’estdeleurdonnercequ’ils
veulent.–Jetedemandepardon?m’exclamai-je,incertaine.–J’autoriseraiunephotoofficielle.Justetoietmoi.Pasdecommentairessurnous.–Andrew,çarevientàleurdonnertabénédiction!–Peut-être.Maisj’airepenséàcequetum’asditcematin:jeneveuxpasdonnerraisonautype
quinousmenace.Etfairefaceestencorelemeilleurmoyendelutter.Soudain,undétailmerevint.Sonalliance.Jemereculaietprislamaind’Andrewdanslamienne.–Jenel’aipasgardée,avoua-t-il.–Etoùest-elle?–Quelquepartdansl’océan,jeprésume.Jepassaimonindexsurlapetitemarquesursondoigt.Sapeauétaitlisseetdouce,travailléeparle
frottementdumétal.Ilfermalesyeux,visiblementremué,etj’interrompismongeste.–Quelestleprogramme?l’interrogeai-jepourchangerdesujet.–Veux-tudîner?Monventreréponditpourmoi,grognantlégèrement.–Allons-y.Ensuite,j’aienvisagéplusieursoptions,sourit-ild’unairentendu.–Vraiment?TusaisquejenesuisplusemployéeauPeninsula, répliquai-jealorsquesesdoigts
dessinaientdescerclesdanslecreuxdemamain.Techniquement,jen’aiplusàexécutertesordres!–J’aime lesdéfis,Kathleen.Tes«non»nesont jamaisquede la transgression…Tabouchedit
«non»,toncorpsdit«oui».Ma respirationdevintdifficile etAndrew relâchamamainpouragrippermanuque. J’étouffaiun
gémissement,sentantsonpoucepassersurmagorge.Sesyeuxplongèrentdanslesmiens,noirsdedésiretd’envie.Toujourspantelante,jefermaimespaupières,espérantqu’ilmettefinàsadélicieusetorture.
–J’avaisoubliéàquelpointtoncorpsétaitréceptif,commenta-t-il.Ilrelâchasaprisesurmoietmepoussacontrelemur,m’embrassantàenperdrehaleine.Jesentis
sonenviefrottercontremonintimité,maisjedécidaidelerepousserdoucement.Jepouvaismenerlejeusijelevoulais.–Toujoursaussiprésomptueux,lançai-je,fièredemaretenue.– Quel stratagème vais-je devoir trouver pour te soumettre ? Mes moyens de pression sont
désormaislimités…Tonuniformeenpolyesteravaitaumoinscetavantage.–Est-cequ’ilvousmanque,monsieurBlake?demandai-jed’unevoixchaude.–Jevaisregretternotrerelationprofessionnelle:tuétaisàmonservice,prêteàtout.Désormais…
ilfautquejetrouveunautremoyendeprofiterdetoi.–Pourquoinepassimplementdemander?–Tropsimple…Ettunecraqueraspascontreuncadeauhorsdeprix,detouteévidence.Jepourrais
tefaireattendre,maistum’asprouvéaujourd’huiquetuétaisdugenretêtu.–Déterminé,corrigeai-je.–Têtu!
Nous nous toisâmes, une étrange lueur amusée brillant dans ses yeux. Il se rapprocha demoi etm’embrassafurtivementsurleslèvres.J’étaisétonnéequ’Andrewn’aillepasplusloin.Ilnem’avaitpashabituéeàêtreraisonnable.Jeluilançaiunregardetillevalesmainsdevantluiensignededéfense.
–Qu’est-cequetumecaches?demandai-je,soupçonneuse.–Rien.Jeneveuxquetonbien,sourit-ilaveccetairagaçantetpéniblequejeneconnaissaisque
trop.Allonsdîner!
***
–Jenetecachepasquejen’attendaispasvraimentdelavisite,commenta-t-ilalorsquej’ouvraisleréfrigérateur.
–Depuisquandn’as-tupasfaitdecourses?–C’estLucindaquis’enoccupe.Ellecuisinepourmoiensemaine,etgénéralementlesweek-ends,
jemedébrouille,répondit-ilenhaussantlesépaules.Andrew ouvrit une bouteille de vin pour nous servir deux verres. Puis, il prit son téléphone et
commandaàdîner.Italien,évidemment.–C’estcequetuappelles«tedébrouiller»?raillai-je.–J’attendsquetutiennestesengagements!riposta-t-ilaussitôt.Jesecouailatêtesanscomprendre.– Me faire à dîner le soir… J’avoue que cet argument, à lui seul, a eu raison de toutes mes
résistances.–Lesvaleurséculées,souris-je.–Exactement.Etconnaissantdéjàtoutletalentqu’ontcesdivinesmains,jen’aiaucundoutesurta
cuisine.–Donc,sijerésume…jecuisinependantquetutravailles?Ilopina,ravidudéveloppementdenotreconversation.Jeréfléchisrapidement,cherchantunmoyen
decontournersonraisonnement.–Etsijeveuxtravailler?– C’est comme tu veux. Je peux t’embaucher pour un de mes titres. Mais tu seras alors en
contradictionavectonretentissantcoupletsur«jenecouchepasavecmonpatron».–J’aidonclechoix:soitjetrouveuntravail,soitjecuisinepourtoi?– Tu trouves un travail – et je serais ravi de t’en fournir un – et, dans ce cas, j’embauche une
nouvellecuisinière.–Aurais-jemonmotàdiresurlacuisinière?– Non. Puisque tu travailles. Je ferai en sorte qu’elle soit douée, elle aussi, de ses mains, me
provoqua-t-ilenportantsonverredevinàseslèvres.De nouveau, son fantastique sourire arrogant apparut. Il était en train de me piéger, titillant ma
jalousie,etiljubilaitdemevoircoincée.Ilpassaderrièremoietenroulasesbrasautourdemataille,nichantsatêtedansmoncou.
–Jegagnetoujours,Kathleen,murmura-t-il.–Je…Jen’aipasencore…choisi,haletai-jeensentantsesmainspassersousleT-shirtetcaresser
monventre.–Quandcomprendras-tuquec’estmoiquidécide?–Lescuisinest’inspirent,visiblement,murmurai-jeausouvenirdenotredernièresoiréechezmoi.–Tum’inspires,corrigea-t-ilenempaumantmesseins.
Il frottasonérectioncontremes fesseset jeme laissaiallerdanssesbras,alanguieetempliededésir.Andrewm’anesthésiait,etsesmainspourtantsemblaientréveillermoncorpsendormi,œuvrantàembrasermapeauetàmesoumettreàsamerci.
Ilmecaressalonguement,embrassanttouràtourmoncou,lehautdemesépaulesetlalignedemesmâchoires.Puis,brutalement,ilserecula,melaissantdansunétatd’excitationinnommable.Lecorpsenfeu,ilmelançaunregardfier,tandisquejemeliquéfiais.
–Notredînerestarrivé,annonça-t-il.Je n’avaismêmepas entendu la sonnette !Définitivement, cet homme seraitmaperte. Il prit son
portefeuilleetensortitquelquesbillets.–Songeseulementàtoutcequenouspourrionsfairesitucuisinaispourmoi,murmura-t-il.–Je…Que…–Pasd’interruptionintempestive,pasdecuisinièreintrusive…Justetoietmoi.Ilpassaunemainsurmesfessesetdisparutpourrécupérernotre livraison.Sacourteabsenceme
permit de reprendre mes esprits. Je bus mon verre d’un trait, chassant mes idées peu chastes et memorigénai.Àsonretour,Andrewposalesdeuxsacsdenourrituresurl’îlot.
–Oùveux-tudîner?demandafinalementAndrew.–Lesalon?tentai-je.–Lesalonalors.AssisdansundescanapésChesterfield,nousdînâmesendiscutantessentiellementdel’organisation
delasemaineàvenir.Sij’étaisd’accordpourtairenotrerelation,nousdevionstoutdemêmenousmettred’accordsurunfonctionnement.Soudain,Andrewposalaquestionquejeredoutais:
–Etaprèslemariage?–Ehbien,jeprésumequ’ilsaurontbeaucoupd’enfants,plaisantai-je.–Kathleen…Tusaiscequejeveuxdire.Queferas-tuaprèslemariage?–Toutdépend.Jeluifisunpetitclind’œilamuséetilsoupira,avantdereposersapannacottasurlatablebasse.–Vienslà,m’intima-t-ilenouvrantsesbras.Àmontour,jeposaimondessertetm’installaicontresontorse,sesmainssemêlantauxmiennes.Il
cala sa tête sur mon épaule et je sentis mon cœur frapper lourdement dans ma poitrine. Si Andrewm’avaitvraimentmisedanstousmesétatsaujourd’hui,jecomprisquecetteconversationn’avaitrienàvoiraveclesexe.
–Toutdépenddequoi?demanda-t-il.–Detoi.–Demoi?Kathleen,toutatoujoursdépendudetoi.Aucuneraisonqueçachange.Jemetournaiverslui,luilançantunregarddubitatif.Andrewfronçalessourcils,puissoupira.–Queveux-tudemoi?s’enquit-il,incertainalorsquejemeréinstallaicontrelui.–Jenesaispas…Peut-êtrequej’aimeNewYork.–Plusquemoi?s’étonna-t-il.–Peut-être,répétai-je.Jememordislalangue,cherchantàretenirlesourirequisedessinaitsurmeslèvres.Andrewjouait
avec mes doigts, cherchant visiblement un stratagème pour me faire flancher. Mais cette fois, j’étaisdéterminéeàresterforte.Ilnem’auraitpasavecundesespiègestordus.
–Situesprêtàfairedesallers-retours,jepeuxm’enaccommoder.– Tu peux ? s’étonna-t-il de nouveau. Je croyais que nous avions déjà eu cette conversation
d’ailleurs.
–Tuappellesçauneconversation?C’étaitunabusdepouvoir,Andrew!–J’exploitetespointsfaibles,nuance!–Medemanderdevivre avec toi pendant quenous faisons l’amourn’est pas…commentdire…
fair-play.–Kathleen, je n’ai jamais été fair-play avec toi. Ça ne fonctionne pas, et je doute que…Oh…
Attends,j’aicompris:tumetestes?mequestionna-t-il.–Pasvraiment,m’amusai-je.Ilseraclalagorge,mi-hilare,mi-sérieux,etplantasonregardéblouissantdanslemien.–Kathleen,veux-tuvenirvivreiciaprèslemariagedeLynne?–Avecplaisir,Andrew,soufflai-jeendéposantunlégerbaisersursabouche.Jemereculai,maisilagrippamonvisageentresesmainsetm’attiradenouveaucontreseslèvres.
Salangueenvahitmaboucheet,trèsvite,j’oubliail’idéedefinirmondessert,pourmeconcentrersur…lui.Lemeilleurdessertdumonde.Jel’entendisgémircontremeslèvres,alorsquejebougeaissurlui,mepositionnantàcalifourchonsursescuisses.
Il sedétachademoi, àboutde souffle, et j’enprofitaispour retirermonT-shirt,me retrouvantàmoitiénuedevantlui.
–Nue,c’estbiençatapréférence?m’enquis-jeendéfaisantlespremiersboutonsdesachemise.–Toi,nue…Définitivement.J’embrassaisontorse,remarquantsarespirationchaotiqueetlourde.–Jet’aime,soufflai-jeenremontantversseslèvresentrouvertes.Ilagrippames fesseset,par surprise,me fitbasculerpourm’allongersur lecanapé. J’éclataide
rire,sentantsabouchecaresserlapeaudemoncou.Ilseredressa,mefitunsourireheureuxetlibéré.–Jet’aimeaussi,murmura-t-il.Je fermai lesyeux,sentantmoncœurfairedesbondsétrangesdansmapoitrine.L’instantsuivant,
j’étaisperduequelquepart,dansunroyaumeoùn’existaientqu’Andrewetsesmainsnaviguantsurmoi.
***
Lelendemainmatin,jemeréveillaiseuledanslachambre,unefoisencore.Jem’étirailonguement,écoutantlesilenceperturbantetomniprésentdecetteimmensemaison.
Je me souvenais vaguement qu’Andrew et moi étions parvenus, entre deux baisers fiévreux, àretrouversonlit.
Jeme rappelai sonvisageextatiqueetparfaitementdétendu,alorsque jem’appliquaisà lui fairecomprendrelesvertusdelasoumissionetdelaréciprocité,glaçonsinclus.
Jeme rappelai aussi sesmotsmagiques surma peau, son torse collé àmon dos, ses promessesfarfeluesetsonsouffleerratiquequandjeprononçaissonprénom.
Jemeredressaietsourisenvoyantl’étatdelachambre:lamajeurepartiedenosvêtementsétaitéparpilléeausol,deuxoreillersavaientétéexpédiésàl’autreboutdelapièceetlacouetteavaitglissé,melaissantavecleseuldrappourmecouvrir.Surlechevet,jerepéraiunmotécritdelamaind’Andrewet,denouveau,jemesurprisàsourire.L’écritureparfaitedel’inconnu…
Pourunefois,faiscequejetedemande,etnesorspasdecelitavantmonretour.Andrew.
Jeremontaislacouette,heureusedeluiobéir,etenfonçailatêtedanssonoreiller.Àmoinsquecelanefûtlemien…Nosdeuxparfumsétaientmêléssurletissu.Jefermailesyeux,melaissantemporterpar
lesommeil.
***
–Bonjour,Kathleen,murmuraAndrewàmonoreille.Jesentissamaincaressermondos,repoussantdumêmecouplacouettequimegardaitauchaud.Je
râlaiunpeu, la sensationde fraîcheurme faisant frissonner.Mais trèsvite, ses lèvres remplacèrent samain,embrassantmanuqueenmurmurantmonprénom.
–Petitdéjeuner,ajouta-t-ilalorsquejemecachaisdansl’oreiller.–Maintenant,c’esttoiquimel’amènes?souris-jeentournantfinalementmonvisageverslui.–J’aitrèsclairementretenutonlaïussurlaréciprocité.–Jepensaispourtantavoirlimitétaconcentrationàcemoment-là.Jefissemblantdeboudertoutenmemettantsurledos.–Aucontraire,tuavaistoutemonattention!Ilm’embrassadoucement.Jem’assisdanslelitetils’installa,avecleplateau,prèsdemoi.–Tuaseuletempsd’allerfairedescourses?m’enquis-jeenvoyantleplateauextrêmementbien
garniparrapportàl’étatdesonréfrigérateur.–Nathanpeutêtretrèsefficaceauréveil.–Tuexagères,legrondai-je.Je pris un croissant et le fourrai dans ma bouche. Andrew but son habituelle tasse de café en
m’observantavecplaisiralorsquejedévoraiscequ’ilm’avaitpréparé.– Je dois travailler cematin,mais je passerai ensuite la journée avec toi, dit-il après quelques
instants.–Tutravaillesundimanche!m’exclamai-je.–Jen’avaisriendemieuxàfaire…avanttonarrivée.Maisjesuiscertainquetutrouverasdequoi
t’occuper.J’aiprislalibertédefairechangertonvolpourlundi,reprit-ilenmetendantunbillet.–Enclasse«affaires»?m’étonnai-jeenportantmoncaféàmeslèvres.–Monassistanteafaitlaréservation.Jeluiaijustedemandédeprendrelederniervoldirectpour
NewYork.J’oseespérerquejen’auraispasàluiredemanderunbilletpourtoiàtonprochainpassageici.
–Andrew, je t’aiditque j’étaisd’accord.Aucasoù tu l’auraisoublié, jenesuispasdugenreàchangerd’avis!
Il y eut un silence et je bus une nouvelle gorgée de café. Andrew me regardait toujours, et ilrepoussalescheveuxquimasquaientpartiellementmonvisage.Jesongeaiàcequ’ilvenaitdedire.Jemedemandaissij’arriveraisàchasserlesouvenirtenaced’Eleanor,etsij’arriveraisàmecontenterd’êtrela«femmede».
–Jesuiscontentquetusoisvenue,murmura-t-il.–Tun’avaispasl’airsiraviqueçapourtantenmevoyantarriver,souris-je.–Jesuisunhommed’affaires,Kathleen, j’apprendsàgérermesémotions.Et teconcernant,c’est
vraiment,vraimentcompliqué.–Jecroisquec’esttoiquin’espashabituéàrencontreruneformederésistance.– Possible. Il y a tout de même un mystère que je n’ai pas réussi à percer, répliqua-t-il avec
amusement.–Oh…Ça,çadoitvraimentt’agacer,plaisantai-je.
– Assez, oui. Je pense donc que je vais, une fois n’est pas coutume, suivre ton mode defonctionnement.
Jeposaimoncafé,retenantunnouveausourire,etmetournaiverslui.Ilpritmamaindanslasienneet la porta à ses lèvres pour l’embrasser. Ce simple geste me fit frissonner et je me perdis dans lacontemplationdesesyeux,avantdemereprendre.
–Puisque tum’asamené lepetitdéjeuner, jepenseque je suisprêteà sacrifierundemespetitssecrets!Queveux-tusavoirdemoi?Manouvelleadresse?Comments’appelaitmonpremierpetitami?Sijeressembleplutôtàmonpèreoumamère?
Unsourireéclairasonvisageetilresserrasaprisesurmamain.–Pourl’instant,j’aimeraisjustesavoircommenttuasatterriauPeninsula.Je libéraimamain et sentis le sang quittermon visage.Mon cœur s’emballa. Je ne voulais pas
replongerlà-dedans.Etsurtout,jenevoulaispasqu’Andrewmevoieainsi,fragileetdésarmée.Pourtant,ilpritleplateaudenotrepetitdéjeuneretleposaausol,avantdereprendremamaindanslasienne.
–Tuconnaistoutdemoi,souffla-t-il.J’aienviedesavoircommentunefillebrillantecommetoiapufinirconciergedanscethôtel.
–Çan’ariendedégradant,medéfendis-jevivement.–Çan’est pas ce que je dis.Kathleen, tu as unœil pour être journaliste. Je l’ai vu quand tu as
analyséPowerfull.Tuesdéterminée,medit-ildansunsourire,etintelligente.Etj’aibeauchercheruneexplicationvalable,jen’entrouveaucune.
–Jen’aipaseulechoix,murmurai-je.–Kathleen,toi,plusquequiconque,saitquec’estfaux.Tum’asditqu’ont’avaitpousséeàpartir,
maispourquoinepasavoircherchéailleurs?NewYorkregorgedetitres…–Jenepouvaispas,lecoupai-je.Jenepouvaisplus.Hormis Gregory, personne ne connaissait vraiment ma vie avant le Peninsula. Mais Andrew
méritaitdesavoir.–QuandleDailym’aoffertunposte,jen’aipasvraimentcherchéànégocier.Jesortaisdelafacet
c’était…inespéré.–Alorsquoi?–Alors,j’aipeut-êtreeutropd’ambition.Contrairementàcequetupenses,lesfemmesdoiventbien
enfairedeuxfoisplus.J’avaisdesdoutessurcertainsmarchéspublicsetjevoulaisfairemespreuves.–DesmarchéspublicsàNewYork?–EtàWashington.Certainschantiersétaientaccordésvraimentrapidement,parfoislelendemainde
laclôturedesappels.Alorsj’aicommencéàfairedesrecherches.JemetournaiversAndrew,ilm’encourageasilencieusementàcontinuer.– Mon enquête a duré des semaines, j’ai trouvé des informateurs, et j’ai mis le doigt sur des
transactions étranges. Des membres du Congrès partaient en vacances gratuitement, leurs femmesportaientdesbijouxhorsdeprix.Çan’avaitpasdesens.
–Cesontdesgenspuissants,commentaAndrew.– J’ai cru que ça ne changerait rien. Au contraire, j’ai œuvré à démonter leur mode de
fonctionnement.Leproblème,c’estquejen’avaisaucunnom.Finalement,j’airéussiàtrouverquiétaitderrièrecesentreprises,cellesquigagnaient lesappelsd’offres,unesortedeholding lesadministrait.C’estlàqueleschosesontvraimentchangé.
–Pourtoi?–Pourmonboulotetpourmoiaussi.J’airédigémonenquêteetjel’aisoumiseàmonpatron.J’ai
gardélespreuvespourmoi,enattendantsonretour.J’aiétéconvoquéelelendemainetmonarticleaété
refusé.Pendantlanuit,monbureauaétéfouillé,ledisquedurdemonordinateuraétéarraché.Je sentais les larmes monter à mes yeux, mais de nouveau Andrew m’encouragea en silence à
poursuivremonrécit.–Etcethommedonttum’asparlé?–Bradley…Ontravaillaitensemble.Enfin,ilétaitrédacteuradjoint.Onavitesympathiséetcette
relationestvitedevenue…autrechose.–Tonamant?–Oui,avouai-jeenmefustigeantd’avoirétéaussibête.J’aid’abordcruqu’ilallaitmesoutenir.Mavoixsemitàtremblerlégèrementet,unefoisdeplus,jemetournaiversAndrewpourtrouverla
forcedepoursuivre:– Après le premier refus de mon patron, j’ai soumis mon projet à Bradley. J’espérais des
explications…et j’aicruqu’il forcerait leschoses.Mais iln’a rien fait.Quand je luiaidemandésonavis, ilm’a justedit que la politiquen’était pasundomainepourmoi.En clair, je devaisme taire etlaisserfaire.
–Tonarticleallaitsûrementfairedesravages,commentaAndrew.–Probablement.Quelquessemainesaprès,j’aidécouvertquej’étaissuivie.Bradleym’aditqueje
devenaiscomplètementparanoïaque,limitefollefurieuse.Une boule atroce se formait dans ma gorge. Même si j’avais fait une croix sur mon métier,
réapprendre à faire confiance à un homme avait été difficile après Bradley. Ses remises en causeperpétuellesm’avaientfaitplusdemalencorequel’indifférencedemonrédacteurenchef.
–Etpuis,monappartementaétésaccagé.Bradleym’aquittée.Monpatronm’adenouveaudemandéd’abandonner,disantquetoutavaitététroploin,tropvite…J’airefusé.
–Évidemment,souritAndrew.– J’ai expédié une partie des preuves chezmon père, espérant une accalmie. J’ai été bien trop
naïve…Jecroyaisquelajusticeoulamoraleétaientimportantes.Jemesuistrompée.–C’estimportant!C’estjustequetun’aspaschoisilemeilleurentourage,corrigeaAndrew.–Monappartementaétéravagéunefoisdeplus.–Quelqu’undevaitchercherlespreuves!–J’aidûappelerlapolice,etc’estcommeçaquej’airencontréGregory.IlasoupçonnéBradley.
L’histoiredevaitêtreplusjuteusequecequejecroyais!Àpartdestransactionsétrangessursoncomptebancaire,Gregoryn’arientrouvé.
Jesoupirailourdement,songeantavecémotionàtouteslesrépercussionsdecetteaffairesurmavie.Leslarmesmenaçaienttoujours,maisjerefoulaimesangoissesetmapeinepourfinir.
–Bradleyanié,maisilconnaissaittoutel’histoire.Ilavaitlul’article,consultélespreuves.–Ilestdevenuunesortedetaupe?–Jen’ensuispascertaine.Maisj’aipoursuivimonenquêtesurleholding,parcequejesavaisque
c’étaitlaclédel’histoire.Maisjemesuisheurtéeàunmur.Iln’yavaitaucuneinfo.Cetteboîten’existaitnullepart…Justeunécrandefumée.Et lesmenacesontcommencéle jouroùj’airencontréunnouvelinformateur.
–Quelgenredemenaces?– Des lettres, des coups de fil… J’ai cru que ça ne s’arrêterait jamais.Mon patronm’a donné
d’autressujets.Gregoryavoulum’aidermais,s’agissantd’uneaffaireàWashington,ilaétébloquéparsajuridiction.Plusieursfoisj’aichangédeligne,maisçan’ajamaiscessé.
Cettefois,meslarmescoulaient.Replongerdanscesdouloureuxsouvenirsquejetentaisderefoulerdepuissilongtemps,c’étaitinsupportable.
–C’estpourçaquej’aicraqué…Autéléphone,expliquai-je,quandj’aieucescoupsdefilpournous.
–Jecomprends.Tuasfinipardémissionner?– Je n’ai pas eu le choix…Mon patron a fini par débarquer chezmoi, un soir, etm’a sommée
d’arrêter mes recherches et de lui remettre mon dossier. J’ai refusé et pendant la nuit, je me suisintroduitedanslesbureauxduDaily.
–Tusoupçonnaistonpatron?s’étonnaAndrew.–Bradleyétaitimpliquéetn’avaitpasréussiàtrouvercequ’ilcherchait.J’aipenséqu’ilavaitvisé
plushaut.S’ilm’avaitpousséeàcessermesinvestigations,cen’étaitsûrementpasparpuraltruisme.Ilsubissaitcertainementdespressions.Maisjen’airientrouvé…Lapoliceadébarquéetj’aiétéarrêtéepourviolationdepropriété.
–Etdonc…–J’aidémissionné.Leschargesontétéabandonnéesdanslafoulée,maismaréputationaétéfaite
danstoutlemétier.–EttuasfiniauPeninsula?–Aprèsquelquesmoissanstravail,j’aidûmerendreàl’évidence:macarrièredanslejournalisme
étaitfinie.Gregorym’aparlédeceboulot,ilvenaitdeprendreenchargelasécurité.–Iladémissionnéluiaussi?–Oui.Lapolicedespolicesneluiapasfaitdecadeaux.J’aipassél’entretienauPeninsulaetj’ai
étéprise.Leharcèlementafiniparcesser.Bradleyaétéretrouvé,pendudanssonappartement.–Unsuicide?–Jen’yaijamaiscru.Ilétaitbientropfierdeluipours’avouervaincu.L’enquêteaétéboucléeen
troisheures.JesoupiraidenouveauetmetournaiversAndrew.Ilpritmonvisageencoupeetessuyameslarmes
avecsespouces,avantdem’embrasserdoucementsurleslèvres.–Jesuisdésolé,murmura-t-il.Jenevoulaispas…–Non.Aucontraire,jesuiscontentequetusoisaucourant.–Etoùenestcetteaffairemaintenant?s’enquit-ilenmelibérant.–Jeprésumequ’elleprendlapoussièredansundesplacardsdemonanciennechambre.Avoirun
pèreflicpeutavoirdesavantages,souris-jeavecamertume.–J’espèrequ’ilserendcomptedelachancequ’ilad’avoirunefillecommetoi.Andrewenroulasonbrasautourdemesépaulesetm’attiracontrelui.Cen’estqu’àcemomentque
jem’autorisaidenouvelleslarmes.Cen’étaitplusvraimentdelapeine,plutôtdusoulagement:jen’étaisplus seuleàportermonpassé.Nous restâmesde longuesminutesplongésdans le silence. Je finisparessuyermesjouesetmeredressai.
–Es-tucontentd’avoirrésolulemystère?demandai-jeàAndrew,lesyeuxencorehumides.–Oui…Enpartie.L’autrepartiedemoivoudraitexterminercesgensquit’ontfaitdumal.Peut-être
vaudrait-ilmieuxquenousoubliionsnospassésrespectifs,murmura-t-il.–SanslePeninsula,jenet’auraispasrencontré.Etjemesenslibéréedetel’avoirdit.Andrewm’accueillitdanssesbraset,pendantdelonguessecondes,jerestaiainsi,heureused’être
protégéeparcethomme.–Es-tusûrededevoirrentreràNewYork?demanda-t-ildoucement.–Illefaut…pourlemariagedeLynne.–J’auraispréférétegarderici,avecmoi.Jen’aimepasl’idéedetesavoirseulelà-bas.
–Jenerisquerien,Andrew,assurai-je.Hormismourirengloutieparlasoieetletaffetas,plaisantai-jeenm’écartantdelui.
–Jepeuxtefourniruneprotectionrapprochée.Kathleen,jeneveuxpas…–Chut,soufflai-jeenposantmamainsursabouche.Andrew,jeteprometsquejesuisensécurité.
Monpasséestderrièremoi,etjeveuxmeconsacreràunsujetd’étude,nettementplusintéressant.Jeremplaçaimamainparmeslèvres.Andrewm’entouradesesbrasetnousfitbasculersurlelit.
Jeluifisprestementretirersesvêtementsetsoncorpsvintparfaitementépouserlemien.–Jepensequejevaisavoirdumalàmepasserdelafantastiquebouillottequetues,sourit-ilen
caressantmesflancs.Jemecambraicontreluietilglissasamaindansmondospourmeserrercontresoncorps.– Toujours aussi réceptive,murmura-t-il avant d’embrassermon sein droit. Que vais-je faire de
toi?–Commesitun’avaisaucuneidée,ironisai-jeavantdesentirAndrewpincermonautresein.–Ohsi,j’aiuneidée…Destasd’idées,promit-il.Etenquelquesminutes,Andrewmeportaauxprémicesdel’orgasme.Noscorpspressésl’uncontre
l’autreétaientavidesdecaressesetdepromesses.Trèsvite,monbas-ventresecrispaet ilmesemblaquemoncorpsexplosaitenmilliersdeconfettisdeplaisir.
***
Commeprévu,ilrejoignitsonbureauuneheureplustard.Jeprofitaidesasalledebainsetdesonincroyable baignoire, repensant à cette facilité avec laquelle j’avais parlé à Andrew de mon passé.J’avaistoujoursvolontairementéludélesujet–mêmeavecmonpère–maisj’étaisheureusequ’ilsacheetqu’ilnemejugepas.
Aprèsm’êtrehabillée,jedécidaidenouspréparerundéjeunerléger.Letempsétaitmagnifiqueetjevoulaisprofiterdel’airmarinavecAndrew.J’étaisenpleineséancedepainperdu,quandAndrewmesurprit.
–Kathleen?Jemetournaiverslui,lecœurbattantdesurprise,avantdedirigermonattentionsurlajeunefemme
blondeàsescôtés.–JeteprésenteJanet.Mabelle-sœur,ajouta-t-il.Janet,voiciKathleen.Un sourire tendre s’étira sur ses lèvres. Il n’avait nullement besoin de préciser qui j’étais pour
qu’ellecomprenne.J’approchaiettendismamainpourlasaluer.–Andrewm’abeaucoupparlédevous,commenta-t-elleavecchaleur.Ellepritmamaindanslasienneetmesalua,unsourireravisurleslèvres.Sapaumeétaitchaudeet
ellemerelâcharapidementavantdesetournerversAndrew.–Jenesavaispasquetuavaisdelavisite.Tuasdessecretspourmoimaintenant?plaisanta-t-elle.–Kathleenest…spontanéeetpleinedesurprises.–Oh…VousavezmisAndrewdevantlefaitaccompli?Trèsastucieuxdevotrepart!–Ilnem’apaslaissélechoix.Ilesttellementborné!râlai-je.–Pleinedesurprisesethonnête!remarqua-t-elleavecmalice.Andrewme fit un nouveau sourire, avant de lever les yeux au ciel. Il n’appréciait sûrement pas
d’êtrelecentredenotreconversation.–Voulez-vousresterpourdéjeuneravecnous?proposai-je.–Ohnon…Non,jepenseque…vousserezmieuxseuls.
–Nedispasdebêtises.Davidestchezsonpère,tupeuxrester.–Mais…–J’aifaitdupainperdu,ajoutai-jeenespérantvraimentlafairerester.Avecsesparents,Janetsemblaitêtrelaseulefamilled’Andrew.Cequiétaitd’autantplusétrange
qu’elleétait lasœurdesafemmedisparue.Grâceàsaprésence, j’espéraispouvoirensavoirplussurl’homme qui partageait ma vie. Je retournai vers le piano de cuisine et entendis Janet accepter dedéjeuneravecnous,avantdejurerdenouslaisserseulspourl’après-midi.Andrewinstallalatableet,alorsquejefinalisaismondéjeunerimprovisé,jesentissesbrasentourermataille.
–Mercideluiavoirproposé,murmura-t-il.–Cettemaisonmanquedevie,dis-jeavecunsourire.Etj’oseespérerqu’ellemedévoileral’unde
teshonteuxsecrets.Ilglissaunbaiserdansmoncouetsedétachademoipourquejedresselesassiettes.LedéjeunerfutcalmeetJanetnousparlaessentiellementdesonfils,légèrementturbulent.–Etcommentvasacheville?demandaAndrew.–Toujoursenrééducation,soupira-t-elle.–Sacheville?répétai-je.–Davids’estcassélacheville,ilyaquelquessemaines.J’aidûl’amenerencatastropheàl’hôpital.Andrewfronçalessourcilsetsonvisagesevoilad’inquiétude.–As-tufinalementpuavoirl’assurancepourlesfrais?–Non.J’aidûtoutrégler…Maisc’estsansimportance.–Jeteferaiunchèque.As-tubesoindequoiquecesoit?l’interrogea-t-il.Janetmejetaunregardetjelavisrougir.Malàl’aise,elleremuasursachaise,avantd’acquiescer.
J’empilailesassiettes,tentantdefairecommesijen’avaisrienremarqué,avantdeproposerunesaladedefruits.
–Jevaischerchermonchéquier,indiquaAndrewavantdeseleverdetable.Jeservisledessert,unsilencepesants’installantentreJanetetmoi.–C’estvraimentgênant,dit-ellefinalement.Vousdevezcroirequejeprofitedelasituation.–Non.Andrewestgénéreux…autantqu’ilestexcessif,jepense.S’ilvouslepropose,c’estqueça
neluiposepasdeproblème.–Jesuiscontentequ’ilvousaitrencontrée.Ilnetaritpasd’élogesàvotresujet.–Commejeledisais,ilestexcessif!souris-je.Désirez-vousuncafé?–S’ilvousplaît.Ilyeutuncourtsilencepuisellecontinua:–Ilvousaime.Je me figeai et me décidai à m’activer à faire ce café. Je n’étais pas certaine de vouloir cette
conversation finalement. Je savais qu’Andrewm’aimait…Mais l’entendre de la bouche de quelqu’und’autredonnaitunaspectsurréalisteà lasituation.Je lançai lamachineàexpresso,etmeréinstallaiàtable.
–Çasevoit…Ilvousregardecommes’ilcraignaitdevousvoirdisparaîtredanslaseconde.–Jeprésumequec’estliéàsonpassé,murmurai-jeentriturantmesdoigts.–Eleanorvousvoulezdire?J’opinaidoucement,espérantleretourd’Andrewauplusvite.–Cen’estpasAndrewlefautif,expliqua-t-elle.Eleanorn’apassu…réagirconvenablement.–Vousétiezaucourant?l’interrogeai-je.
–Poursonamant?Évidemment!Jenecautionnaispas,parcequ’Andrewestuntypebien,maisjepensesincèrementqu’elleétaitmalheureuseaveclui.
–Vraiment?m’étonnai-je.Mais…–Ellenelemontraitpas.Andrewetelles’aimaient,biensûr,maislorsqu’ellevoyaitcethomme,
ellerevenaitchaquefois…différente.Alors,non,jenecautionnaispas,maisjeneluireprochaispasnonplus.
–Ellenel’aimaitplus,assénai-jeaveccolère.–Peut-êtrepascommeelleauraitdûaimersonmari.Toutn’estpasblancounoir.Eleanorétaitjuste
insatisfaitedesavie,persuadéed’avoirloupéquelquechose.SamortaététerriblepourAndrew.–Mêmequandilaapprislavérité?demandai-je.–Surtoutquandilaapprislavérité…Eleanorn’étaitpluslàpourrépondreàsesquestions.Parfois,
neriensavoir,c’estpirequetout.–C’estvrai,admis-je.J’aimeAndrew,soufflai-je.–Jesais.Jelevois.Elle me fit un sourire et je compris alors qu’elle m’offrait sa bénédiction. Elle approuvait ma
relationaveclui.Etmêmesijen’enavaispasbesoin,savoirquelasœurd’Eleanorvoyaitd’unbonœilmarelationavecAndrewmerassurait.Jen’avaispasfranchementenviedememettrelafamilleàdos.
–Vousêtesbienpourlui,ajouta-t-elle.Jevousdemandejustedeprendresoindelui.–C’estplutôtluiquiatendanceàprendresoindesautres,non?–C’estvrai,s’esclaffa-t-elle.–Jetentedelerendre…raisonnable.–C’estpeineperdue.Ça fait des annéesque j’essaye !Et avecDavid, c’est encorepire…Vous
verrez,quandvousaurezdesenfants!promit-ellegentiment.Denouveau,jem’immobilisai.Évidemment,lesenfants…Eleanoretluienvoulaient,logiquement,
lesujetallaitfinirparsurgirentrenous.–Je…Euh…Ce…Disonsquenousn’avonspasencore…parlédeça.–C’estunpeutôtdansvotrerelation,non?–Qu’est-cequiestunpeutôt?demandaAndrewenrevenantversnous.–Envisagertadescendance,plaisantaJanet,tandisquejemeliquéfiais.Andrew me jeta un regard et alors que je sentais mon cœur s’emballer, pris dans une panique
incroyable,ils’avançaversmoietm’embrassalehautdelatête.–Pourlemoment,jeveuxjusteprofiterdeKathleen,souffla-t-il.Jeluisouris,pleinedegratitudedem’avoirsortiedeceguêpieravecélégance.Jecroisaileregard
bienveillantdeJanetet,trèsvite,elledétournalesyeuxverssasaladedefruits.–Jeneferairienquetuneveuillesfaire,murmura-t-ilàvoixbasse.–Jen’aipasditquejen’envoulaispas,contrai-je.–Tues…sidérante,sourit-il.Peut-êtreaurons-nouscetteconversationunpeuplustard.Ilmelibéraetserassitprèsdemoi.Ilremplitunchèqueet letenditàJanet,enluiassurantquecen’étaitrienpourlui.Ellerougitde
nouveau,avantdeleplieretdeleglisserdanssonsacàmain.Unevingtainedeminutesplustard,JanetquittalamaisonetjeproposaiàAndrewdesortirpourunebalade.Ilacceptaet,justeavantdequitterlamaisonpourrejoindrelecheminprivatifquimenaitauborddemer,ilposaunlourdgiletenlainesurmesépaules.
–Couvre-toi,dit-ild’unevoixchaude.
Nosdoigtssemêlèrentet,ensilence,nousgagnâmeslaplage.Andrewsemblaitréfléchir.Detouteévidence,ilvoulaitaborderunsujetavecmoietnesavaitpascomment.
–Qu’ya-t-il?demandai-jefinalement.Tuasl’airperdudanstespensées.–As-tutrouvéçabizarre?Jeveuxdire…Janet,précisa-t-ilenvoyantquejenecomprenaispasde
quoiilparlait.–Tuveuxdire,tonamitiéavecelle?–Meghanditquec’estpresquemalsain.– Je ne vois pas en quoi. Tu as le droit d’avoir des amis…Même s’il s’agit de la sœur de ta
femme!Denouveau,ileutunsilence.Jeconcentraimonattentionsurlesablesousmespiedsetappréciai
l’airvivifiantdel’océan.Jejetaiuncoupd’œilàAndrew,avantdecomprendre.–Avez-vousétéplusquedesamis?l’interrogeai-jeenm’arrêtantdemarcher.–Non!s’écria-t-il.Pasvraiment.–C’est«non»,ouc’est«pasvraiment»?–C’étaitaprèslamortd’Eleanor,j’étais…tristeetdésespéré.Ellem’arepoussé.–C’estunefillebien!commentai-je,moqueuse,enreprenantmamarche.Je tentai de réprimer le sourire qui ornaitmes lèvres,mais c’était trop tentant. J’étais satisfaite,
heureusequ’ellel’aitrepoussé.–J’espèrequevousvousentendrezbien.–J’ensuiscertaine.Elleetmoiavonslemêmeobjectif!–Pourquoijesensquecelaaunrapportavecmoi?–Parcequetupensesêtrelecentredel’univers!ripostai-je.–Kathleen,jesuislecentredetonunivers.Etcrois-moi,cen’estpasprèsdechanger.Illibéramamainetenroulasonbrasautourdemataille.Ilpressamoncorpscontrelesien,etnous
reprîmesnotremarche.–Alors,cetobjectif?–Terendreheureux,murmurai-je.–Jesuisheureux,acquiesça-t-il.–Mêmeaveccesmenacesautourdenous?–Jegèretoutça,Kathleen.Net’inquiètepas.J’assuretasécurité.–C’estlatiennequim’importe,contrai-je.Ilnousfitarrêterdemarcheretsemitfaceàmoi.Sonregardincandescentseplantadanslemien,et
j’auraispujurerquemêmelebruitdesvaguess’étaitamoindri.–Jeteprometsquejefaistoutcequ’ilfautpourattrapercemalade.Jetelepromets,répéta-t-ilen
prenantmonvisageentresesmains.Ilposaunchastebaisersurmeslèvresettentaunsourirerassurant.Jesourisfaiblementàmontour,
pasfranchementtranquilliséeparsapromesse.J’aimaisêtreaveclui,maisjen’étaisjamaistotalementlibérée.Monpassémerendaitencoreplusméfiante.Jecraignaislesinconnus,maisjecraignaisencorepluslesgensquejecôtoyais.
–Sinousparlionsd’autrechose?proposa-t-ilpourmedistrairedemespenséessombres.J’opinaifaiblement.MaisAndrewpritrapidementledessus,meproposantenvracdelisterlespays
que j’aimerais visiter, puis d’énumérer toutes les choses improbables que je voulais faire. Dans laplupartdescas,ilapprouva.
À la tombéedu jour,nous fîmes le trajet retour.Dansunsilencepresqueabsolu, ilmepromitdevisitertouscespaysetdem’emmenerfaireduskidanslesRocheuses.
Deretourdanslamaison,ilretournaàsonbureau,medemandantdeluiaccorderunevingtainedeminutes.
–Çatedérangesijevaisdanslabibliothèque?demandai-je.–Biensûrquenon.Faiscommecheztoi.Enfranchissantleseuil,j’eusdenouveaucettesensationoppressante.J’allumailalumière,espérant
estompercetteimpressiondésagréable.Jeretiraimeschaussures,pleinesdesable,etmeplantaidevantla première étagère. Les goûts d’Eleanor semblaient hétéroclites, passant facilement des polars à deshistoires plus légères. Les absences d’Andrew, qu’elle avait si souvent regrettées, l’avaient sûrementaidéeàparfairecettecollection.
Jeparcouruslesrayons,nesachantpasvraimentcequejecherchais.Jen’avaispasparticulièrementenviedelire,maiscettepièce,depuisqu’Andrewmel’avaitmontrée,mehantait.Elleétaitunesortederefletdelapersonnalitéd’Eleanor.Decellequivoulaittoujoursplus,toujoursmieux,sanscomprendrequ’ellel’avaitdéjà.
Jeprisunpremierlivreetfisjouerlespagesentremesdoigts.L’odeurdel’encreetduvieuxpapiermefrappalesnarines.Ils’agissaitd’unevieilleéditiond’unromand’Hemingway.Jelereposai,avantdefaire lamême chose avec un deuxième, puis un troisième livre. J’allai jusqu’à une petite vitrine,manaturecurieusedejournalistereprenantledessus.Maisiln’yavaitriendevraimentremarquable.
Finalement, un dernier livre retintmon attention. Il aurait largement pu passer inaperçu, noyé aumilieudesautres,maislesimplefaitqu’iln’étaitpaspositionnénormalementsursatranche–lespagesmefaisantface–mepoussaàleprendrepourleretourner.
Denouveau,jefisdéfilerlespagesentremesmains,avantqu’unpapiernevirevoltejusqu’ausol.Jeleramassaiset,àl’épaisseurdupapierentremesmains,jecomprisqu’ils’agissaitd’unephoto.Jelatournai,avantdemefigeretd’étoufferuncridansmamain.
–C’estimpossible,murmurai-jepourmoi-même.Impossible.Jem’effondrai sur le canapé en velours, fixant, sans vraiment la voir, la photo entremesmains
tremblantes.–Impossible,répétai-je.
CHAPITRE25
Lesmainsencoretremblantes, jerisquaidenouveauunregardverslaphoto.Eleanor,rayonnante,heureuse,hilare…L’archétypeparfaitde la femmeépanouieet libreet,prèsd’elle, cethommeque jeconnaissais. Le regard sombre, le sourire qu’on devinait éclatant, ses lèvres plaquées sur la peau deporcelained’Eleanor.
Daniel.C’était lui, son amant, l’homme qui la rendait heureuse et différente. Je retournai de nouveau la
photo, cherchant une date,mais ne trouvant que l’écriture d’Eleanor :Dan, novembre 2009. Unmoisavantsamort.Jerecherchaidansmamémoire laphotofloueetvoléed’Eleanoravecsonamant.CettesilhouettetrapueetcescheveuxsombrescorrespondaientparfaitementàDan.
Hagarde,jerepoussaileclichéetfrottaimonvisage.SiAndrewapprenaitqu’ilavaitétél’amantdesafemme,illepulvériserait.
Danavait-ilcompris la relationétrangeentreAndrewetmoi?Était-ilsortiavecmoi,ensachantquejeplaisaisàAndrew?
Espérait-il une forme de vengeance ? Ou peut-être juste une riposte, dont lui seul savourait leseffets?Sedoutait-ilquej’allaistomberamoureused’Andrew?
LesmotsglacésetemplisdecolèredeDanmerevinrentàl’esprit,grossissantleflotdequestions.Les images du Peninsula, d’Andrew, de ma relation courte et pourtant marquante avec Daniels’entrechoquèrent.J’avaiscruquesarageétaitdirigéecontremoimais,aveclerecul,jeprisconsciencequ’ilenvoulaitàAndrew…Etpasquepourmoi,surtoutpourEleanor.
Ilvafairedetoiunefemmesansâme.Petitàpetit,tuneserasplustoi-même.Oualors,danslemeilleurdescas,ilsedésintéresseradetoi,dujouraulendemain.
Pendant tout ce temps, il ne s’agissait pas de moi, mais d’elle… Dan l’avait aimée, et l’avaitperdue.ToutcommeAndrew.Laseuledifférence,c’estqu’Andrewétait,auxyeuxdetous,leseulhommedanslavied’Eleanor,leseulautoriséàpleurersamort.
JemedemandaissiDanavaitraison:est-cequ’Andrews’étaitdésintéresséd’elle?Jenepouvaispasmerésoudreàycroire.Andrewl’aimait,iln’avaitseulementpasvuEleanors’éloignerdelui.
Toujoursàlarecherchedemieux,deplus–d’elle-mêmeaussisûrement–,elleavaitrencontréDan.Etilluiavaitrendulatendresse,laprésence,lesattentionsqu’Andrewneluioffraitplus.
Tu n’es qu’un pion dans son univers. Il t’écrasera, sans même que tu t’en rendes compte. Etquand ilauraréussià tecouperdumonde,à tevider totalement,alors tucomprendrasque j’avaisraison.
Et évidemment, il parlait toujours d’Eleanor. Pas de moi. D’Eleanor, seule dans cette grandemaison,occupéeàmenerunecarrièrequ’ellen’avaitmêmepaschoisie.
Elle avait dû s’épancher, dire àDan que sonmari la délaissait.Ou peut-être l’avait-il lui-mêmeconstaté?
Unenouvellevaguedequestionssurgit,encoreplusfortequelesautres.Jemelevaiprécipitammentdu canapé, presque effrayée par l’image obscène quime traversait l’esprit.Dan etEleanor dans cettebibliothèque…Oupeut-êtremêmedansleurlitconjugal.Jegrimaçai,écœurée,comprenantfinalementlesentimentambivalentd’Andrewausujetdesafemme.Ill’aimaitet,pourtant,unepartiedeluidevaitladétester.Laveille,lorsdelavisitedelamaison,j’avaiscrunaïvementquec’étaitlesouvenird’Eleanorqui l’avait poussé à déserter leur chambre. Je me doutais maintenant que c’étaient le dégoût etl’amertume.
Jeregardailaphoto.Elleparaissaitsiheureuse.Janetdisaitqu’elleavaitl’airdifférente…Etellel’était.Simplementradieuse,alorsqueDanielsemblait laregardercommesielleétait lachoselaplusprécieuseaumonde.J’avaistoujourseuuneidéeasseznégativedeceshommesetcesfemmesentretenantune relation clandestine.Mais en les observant, si heureux, si joyeux, une réalité autreme frappa : ill’aimaitetellel’aimait.
CettepenséeapaisamacolèreenversEleanor.Personnenepeutdécemmentdéciderderefuserdetomberamoureuxdequelqu’und’autre.Andrewavaitsurgidansmaviesanscriergare,provoquantuneenvie,undésiretunmanqueque jen’avais jamaisconnusavant lui. J’espéraisqu’Eleanoravaiteu lamêmeexcuse.
Jodiem’avaitparléàdemi-motdecetterelationdifficileavantdemerencontrer.Eleanorétaitmortedepuistroisans,jenepouvaispascroirequeDann’avaitvupersonneentre-temps.CommeAndrew…Jeparcouraismessouvenirs,àlarecherched’unélémentdupassédeDan.
CommentEleanoretluiavaient-ilspuserencontrer?Ilsnefréquentaientabsolumentpaslemêmemonde.
Jeleconnais,lui,etlestypesdanssongenre.J’arpentai lapièce,agitant laphotoentremesmains,perturbéepar ladécouvertede l’identitéde
l’amantd’Eleanor.Mêmesiaudépartj’avaismenémesrecherches,j’avaistoujoursenvisagéunvisageanonyme, un homme sans charme quim’aurait permis de cataloguer Eleanor comme peste ou ingrate.CommedisaitJanet,toutn’étaitpasblancounoir…
Etleseulélémentquimerevenaitsanscesse,c’étaitlesilencedeDaniel.Pourquoiavoirentretenule mystère sur ce passé ? Pourquoi ne pas m’avoir dit qu’il avait côtoyé Andrew, même de façonindirecte?Cetterage,cettejalousie:personnenecachesonpassésansavoirunebonneraison.
L’idéequ’ils’étaitrapprochédemoidansunbutdésintéresséétaitimprobable.Jesecouailatête,cherchant à chasser les pensées farfelues qui fleurissaient dansmon esprit.Andrew…Andrew devaitpasseravantmesréflexesdejournaliste.
Jereplaçailaphotodanslelivre,espérantquelesecretresteraitintactpourlui.Lerendreheureux,c’étaitaussilepréserver.
La porte s’ouvrit alors que je remettais le livre sur son étagère. Andrew passa la tête parl’entrebâillementetmeproposad’allerdîner.Jedécidaiderangercequejevenaisd’apprendredansuncoindematêteetdelegarderpourmoi.Jeplaquaiunsouriresincèresurmeslèvresetprislamainqu’ilmetendit.
***
Lelendemainmatin,c’estlebruitdeladouchequimesortitdusommeil.Ilétaitàpeine7heuresetAndrew apparut quelques instants plus tard, cheveux humides et sourire rayonnant, vêtu d’un simpleboxer.
–Tupeuxresteraulit,lança-t-ilens’asseyantdessus.–Non…Jecroisplutôtquejevaisallercourirsurlaplage.–Passeule,Kathleen!–Veux-tutejoindreàmoi?–Cen’estpasl’enviequimemanque.Maisj’aiuneréunionavecunedemeséquipeséditoriales
dansvingtminutes.–Donc,çaseraseule!conclus-je.–Horsdequestion!–Andrew,jenevaispasrestercloîtréeicienattendantdepouvoirtevoiravantmondépart.Ilfronçalessourcilsetsoudainlapaniquemesubmergea.Jemeredressaietcalailedrapcontrema
poitrine.–Jevaisbientevoiraujourd’hui?l’interrogeai-je,incertaine.– Dans l’après-midi, me rassura-t-il. Je t’accompagnerai à l’aéroport. Je ne veux pas que tu te
sentes«cloîtrée»ici,soupira-t-il.–Cen’estpascequej’aivouludire…Unefoisencore,tuesexcessif!–C’estdelaprudence,Kathleen.Uniquementdelaprudence.Ilm’embrassa sur les lèvres, alors que je boudais. Je n’aimais pas la tournure que prenait notre
relation.D’autantplusqu’àmoinsdetrouveruntravail,j’allaispasserleplusclairdemesjournéesici.–Unevoitureviendraterécupérericivers11heures.Ondéjeune,onpassel’après-midiensemble
etjet’amèneàl’aéroport,annonça-t-ilenconsultantsontéléphone.–Etenattendant?–Enattendant?Jetetrouveuncompagnondefooting!Ilrangeasontéléphoneportableetcomposaunnumérosurlepostefixeinstalléprèsdenous.Jele
regardai,craignantdenouveauqu’ilprennedesmesuresextrêmespourmepréserver.–Oui,Andrew?résonnalavoixlointainedeNathan.–Oùes-tu?–Surl’autoroute.Unproblème?–Pasvraiment.Tondernierfootingremonteàquand?–Euh…Environquatreans.–Çaira,souritAndrewenmejetantunregard.Jem’effondraisurlelit,râlantcontreluietsescontinuelsabusdepouvoir.–Passeàlamaison.J’aiunemissionpourtoi,luiordonna-t-ilavantderaccrocher.–Andrew,tuexagèresvraiment!Jen’aipasbesoin…d’ungardeducorps.–Jesuistongardeducorps,mecorrigea-t-ilimmédiatementenrevenantversmoi.–Alorsquoi?Nathanestunesortede…baby-sitter?–C’estNathan…Oujet’enfermedansmoncoffre-fort.Àmoinsquetupréfèresquejenet’attache
aulit?proposa-t-ilens’allongeantsurmoi.Parcequej’avouequecetteidéeestvraimenttentante.Ilenfouitsonvisagedansmoncouetenattaqualapeauavecseslèvres.Jegémiscontrelui,luttant
pourluirésister,maisjesavaisdéjàqu’ilavaiteuraisondemavolonté.Dégageantledrapcouvrantmoncorps,ilpassasamainsurmescôtes.Jegémisdenouveau,avantd’enroulermesbrasautourdesanuque.
Nosbouchesseretrouvèrentet,trèsvite,Andrewsecalaentremesjambes,sefrottantcontremoi.Je passai mes mains sous son boxer et l’en dégageai. Quand enfin nos corps s’unirent, je criai son
prénom,moncorpsrépondantinstinctivementausien.Ilaccéléra,melaissantàboutdesouffle.Nosbassinsbougeaientenrythme,allantàlarencontrede
l’autre. Et finalement, un orgasme violent et puissant me traversa. Je m’effondrai sur le lit, le corpsd’Andrewtenduau-dessusdumien,sonvisageextatiqueetparfaitàportéedemeslèvres.
–Tuvasmemanquer,murmura-t-ilensedégageantdemoipourmeprendredanssesbras.–Toiaussi,dis-jeavecuneémotionnondissimulée.–Aurais-jedroitàdeslarmesaumomentdenosadieux?sourit-ilunpeunarquois.–Jen’aipasledroitd’êtretriste?demandai-jeenmesoulevantpourluifaireface.–Si,si,évidemment.Jedoisvraimentyallermaintenant,souffla-t-il.Ilselevaetj’eustoutleloisirdevoirsondélicieuxfessiersedandinerdevantmoi,pendantqu’il
récupéraitsonboxer.–Quepourrais-jefairepourtefairerester?tentai-je.–Pourmefairerester,ilfautqueturestesaussi,riposta-t-ildansunsouriresatisfait.Mavolonté à le faire céder aux sirènesde la luxure retombaaussitôt. Jen’avais aucunargument
pourcontrerlesien.JenepouvaisdécemmentpasmanquerlemariagedeLynne.–Jegagnetoujours,Kathleen!railla-t-ilenvoyantmonvisagedéfait.Jeme levai, entièrementnue, etmepavanai devant lui. Il se contentademe regarder, appréciant
visiblementlespectacle,tandisquejemedirigeaisverssondressing.–Qu’est-cequetufais?–J’aidesbaskets,maispasdeshortpourallercourir.Çat’ennuie?– Sers-toi, dit-il avant deme rejoindre pour prendre une chemise.De toute façon, j’envisage de
résoudreceproblèmedeprêt-à-porterdansl’après-midi.Je le fixai, espérant obtenir une explication. En vain. Andrew prit un pantalon gris, l’enfila, et
attrapaunecravateavantdelanouerautourducou.–Commentça«résoudreceproblèmedeprêt-à-porter»?m’agaçai-je.–Oh…Pendantdeuxdélicieusesminutes,j’aicruquetun’allaispasrâler.–Jenerâlepas,jem’informe!ripostai-je.–Laisse-moiprendresoindetoi,murmura-t-il.Son regard pénétrant eut raison demon léger agacement, et j’abandonnai.Au-delà du fait que je
n’aimais pas ses excès, je craignais aussi de les perdre, et de le perdre, lui. Subir son absence unesecondefoisétaitimpossibleàimaginer.Jeluisourisetl’aidaiànouersacravate.
***
Environ dix minutes plus tard, j’accueillis Nathan. Ce dernier m’embrassa avec chaleur. Ilm’observaquelquessecondes,alorsquej’étaisvêtued’unshorttropgrandetd’undébardeurhabilementnouépournepastomber.
–Jecomprendsmaintenantenquoivosarmessontmeilleuresque lesmiennes ! ironisa-t-ilalorsquenousnousdirigionsverslebureaud’Andrew.
–N’avez-vouspasvotreanciennetenuedecow-boydansundevosplacards?–Jenel’aiplus…Peut-êtredevrais-jeinvestir!–Lynnefiniraparcéder,Nathan,lerassurai-je.–Àmoinsd’unesemainedumariagedusiècle?Vousdélirez,Kat!–JetrouvepourtantquedébouleraumariagedeLynne,aumomentoùleprêtredemandesipersonne
nes’opposeàl’union,auraitquelquechosede…
–…suicidaire,finit-ilpourmoi.Jerisdoucement,maislesouriredeNathans’estompaaussivitequ’ilétaitvenu.Jetoquaiàlaporte
d’Andrewetentendissavoixfortenousintimerd’entrer.–Nathan,tesclés!luiintimaAndrewsansleverlenezdesonécrand’ordinateur.–Mais…Andrew!–Tesclés!Mavoitureestaugarageet…jesuisdéjàenretard,ajouta-t-ilensetournantversmoi
avecunelueurd’amusementdansleregard.–Ettonhistoiredefooting?– Pasmoi ! Kathleen veut faire du footing, tu es prié de veiller sur elle comme si elle était la
prunelledetesyeux.–Ellel’est!railla-t-il.Sijeperdscettefameuseprunelle,jeperdsmonsalaire…–Etvotretenuedecow-boy,ajoutai-jedansunrire.–Aussi!Le regardd’AndrewnaviguaentreNathanetmoi, totalementperdu. Il secoua la tête, renonçantà
comprendreetselevapournousrejoindre.IltenditlamainetNathanluidonnalesclésdesavoiture.Ilm’embrassasurlajoue,merecommandantd’êtreprudente.
–Tuesvraimentsexyavecmesvêtements,ajouta-t-ildansunmurmureàpeineaudible.–Passeulementquandjesuisnuealors?Ils’écartademoi,leregardbrûlant,etmefitunsourireentendu.Pendantunbrefinstant,j’oubliai
mêmelaprésencedeNathan,espérantqu’Andrewmerepousseraitdenouveausurlatablederéunion.–Nathan,prendssoind’elle.Kathleen,fais-luiregretterd’avoirreprislacigarette.–J’aiarrêté,contraNathan,presquevexé.–Jesaisquetufumesencachette!–Parcequetum’exploitesoutrageusement!–Vutonsalaire,onsedemandequiexploitel’autre!ripostaAndrew.Nathanrâla,pluspourlaformequeparréellecolère,etAndrewquittalapiècequelquesminutes
plustardenmefaisantunclind’œil.–Jecroisqu’Andrewaunepairedebasketslà-haut!–Ya-t-ilseulementunechancequej’arriveàvousfairechangerd’avis?–Aucune.Allezvouschanger!luiintimai-jegentimentensortantdubureau.
***
Aprèsquaranteminutes,ilmesemblaitqueNathanétaitauborddel’apoplexie.Lesmainssurlesgenouxetlesoufflecourt,ilmesuppliadem’arrêter.J’acceptai,prisedepitié.
–Vous…Vous…Vousvoulez…metuer?exhala-t-ilpéniblement.–Lacigarette,hein?–C’estpouralleraveclatenuedecow-boy!grogna-t-il.J’éclatai de rire avant de lui proposer de rentrer. De toute évidence, il n’était plus capable de
courir.Jeprofitaide lamarche jusqu’à lamaisonpourdiscuterdeLynne, l’encourageantàpoursuivre.MaisNathansemblaitrésoluàneplusriententer.
–Vousvousrendezcomptequevousêtescoincéavecmoiici?luifis-jeremarquer.–Jesais.Jevaisappelerlegaragepourvoirsionpeutrécupérerlavoiture.–Uneprised’initiativeàl’encontredesinstructionsdeM.Blake!memoquai-je.
–Andrewaunbolide…Untrucmonstrueux,décapotable,etquifaitgémirlesfemmesrienqu’avecleklaxon.
Aprèsunedouche,jerassemblaimesaffairesdansmonsacetenfilaiunjeanavecunedeschemisesd’Andrew.CommedisaitNathan,toutestunequestiond’armes.Jerécupéraimontéléphonesurlechevet,faisanttomberaupassageleslivresd’Andrew.Jelesramassai,remarquantavecunsourirequ’ilyavaitle livre que j’avais offert à l’inconnu. Andrew avait corné certaines pages et cette simple marqued’attentionme fit sourire de nouveau. Il était temps de lui avouer la vérité et de lui dire que j’étaisderrièreleslettresdeMarie.
J’appréhendais l’annoncemais, d’un autre côté, je savais que notre relation n’en serait que plusforte et plus intense.Quelque part, je croismême que je ressentais une forme de jubilation : pour lapremièrefoisdepuisqu’Andrewétaitentrédansmavie,j’avaisuncoupd’avancesurlui.JemepromisdetoutluidireaprèslemariagedeLynne.
En repassant devant la bibliothèque, j’eus un pincement au cœur.Après une courte hésitation, jerentraidanslapetitepièceetrécupérailaphotod’Eleanorpourlamettredansmonsac.
JerejoignisNathandans lesalon.Aprèssadouche, ilsemblaitenmeilleurétat,mais ilavaitcesmarquesrougessurlesjouesquitrahissaientuneffortphysiquetropimportant.
–J’aiappelélegaragepuisAndrew,etonvarécupérerlavoiture.–Siseulementvousaviezcettetenuedecow-boy,j’auraisétéàdeuxdoigtsdecraquerpourvous!–Cequiauraitsûrementscellémonsort.Andrewn’aimepasqu’onconvoitecequiluiappartient.–Jenesuispassavoiture,rétorquai-je.–Jesais…Etcroyez-moi,illesaitaussi!Vousl’avez…transformé!Je haussai les épaules, éludant volontairement le sujet. Je n’avais pas changéAndrew, je l’avais
justesortidelatorpeurdanslaquelleilétaitplongédepuislamortd’Eleanor.Nathanpritsasacocheetmedésignal’entrée.
–Letaxiestlà,déclaraNathanenouvrantlaportedelamaison.–Etgalantavecça,raillai-je.–VousdevriezlerappeleràLynne.–Jeluidirai,comptezsurmoi!Parcontre,jetairaivosperformancessportives!–Vousfilezunmauvaiscoton,Kathleen!VousparlezcommeAndrew!Allonsrécupérerlavoiture
dumaître.–Elleétaitenpanne?demandai-jepourfairelaconversation.–Cettevoiturenepeutpastomberenpanne!Elleestentretenuequasimenttouslesmois!Nathanmontadansletaxietjelesuivis,m’installantprèsdeluisurlabanquette.Ildonnal’adresse
au chauffeur et passa une main sur son visage fatigué. De toute évidence, Nathan avait besoin devacances.
–Ilestduravecvous,constatai-je.–S’ill’étaitvraiment,j’auraisdémissionné.Andrewn’estpassiterrible,ilestjustetrèsexigeant.–Jevaisluidemanderdevousdonnerdescongés.–Impossiblepourlemoment…UnegrossetransactionnousattendàNewYorketavectoutesces…–Lesmenaces,terminai-je.Andrewm’aditquetoutétaitsouscontrôle.–Vraiment?s’étonna-t-il.Ilvousaditça?–Ilm’amenti?–Oh…Non…Cen’estpascequej’aivouludire,repritNathanavecunsourired’excuse.Andrew
faittoutpourassurervotreprotection,maisilestinquiet,évidemment.–Évidemment,répétai-jeenfixantlepaysagequidéfilaitsurmagauche.
Andrewassuraitmaprotection,maisquiassuraitlasienne?Nathanavaitraisonsurunpoint:riennepourrasefairesereinementtantquelapersonnequinousvoulaitdumalétaittoujoursenliberté.Notrebulledebonheurn’étaitpasassezhermétique,pasassezsolidepoursupporterunnouveaudrame.
–Donccettevoiture,repris-jeaprèsuncourtsilence,touslesmois?m’étonnai-je.–Andrew…est très…maniaqueau sujetde savoiture. Il avaitpayéune fortunepour s’offrir la
mêmevoiturequeJamesBond,lançaNathan,avantquesavoixnes’éteigne.–Avait?répétai-jepourl’encourager.–Eleanor…Eleanoravaitprissavoiture.Après cette nouvelle incursion dans la vie de l’ex-femme d’Andrew, le trajet en taxi fut calme.
Nathan etmoi échangeâmes surtout sur des aspects pratiques, cherchant à faire coïncider l’emploi dutempsd’AndrewavecledécalagehorairedeNewYork.Jeréprimaiplusieursbâillements,queNathannemanquapasderemarquer.
–Ilyauncaféenfacedugarage.Vousdevriezyallerpendantquejerécupèrelavoiture.Jesortisdutaxiettraversail’avenuepourtrouvermonsalut:lacaféine.Jem’installaiàunepetite
table donnant sur la route, observant au loin la silhouette de Nathan s’engouffrer dans le garage. Lecappuccinoétaitbrûlant,etjelefistournerentremesmains,enpensantàEleanoretàDaniel.
La choseme semblait toujours aussi surréaliste. Surtout, je ne comprenais toujours pas pourquoiDannem’avait riendit.Effectivement, ilm’avaitmisengardeànotre rupture,mais…pourquoiavoirattendu?Pourquoi avoir tu lemystère ?Çan’avait aucun sens.S’il voulaitmeprotégerd’Andrew, iln’avaitqu’àmeprévenir.
Jeportailatassefumanteàmeslèvres,reportantmonattentionsurlegarage.Masquéparquelquesarbres, jedevinaislecorpsmassifdugaragisteprécédantNathansurleparking.Ilssedirigeaientversunevoiturenoire,décapotable.JesourisenrepensantàladescriptiondeNathan.
Jel’observaiécouterattentivementlegaragiste.Cedernier,dedos,agitaitsesmains,seplongeantsûrementdansdesexplicationstechniques.Contournanttouslesdeuxlavoiture, legaragistesoulevalecapotetilsexaminèrentensemblelemoteur.
Puis,àl’instantoùlecapotclaquasurlavoiture,levisagedugaragistem’apparutenfinnettement.Jerecrachaimoncaféetmonsourires’effondra.
Ma tassevacillaentremesmainset, tandisque JimetNathanse serraient lamain, lespiècesdupuzzle,lesmorceauxdelavied’Eleanors’assemblèrentsousmesyeux:
legaragiste était lepèredeDaniel.Lavoiture était le seul lienqui expliquait le chocdumonded’EleanorcontreceluideDaniel.
***
Nathans’installaauvolantde lavoitureetmanœuvrapour segarerdevant lecafé.Aprèsm’êtreassuréequeJimn’étaitplusàl’extérieur,j’ensortis,titubante,stupéfaiteetpresqueanesthésiéeparmadécouverte, et rejoignis le siège passager. L’esprit encore perturbé, j’entendis à peine Nathan medemander si je voulais de lamusique. J’opinai, absente,me demandant étrangement commentAndrewauraitréagienapprenantqu’ilconfiaitsavoitureaupèredel’amantdesafemme…Peut-êtremêmequeDanielavaittravailléici.
–Nathan?l’interpellai-jeauboutdeplusieursminutesdesilence.–Oui?–J’aimeraisquevousmeparliezd’Eleanor,lâchai-je.
Nathansetournaversmoi,presquehorrifié,etlavoituredévialégèrementdesatrajectoire.Ilrepritlecontrôled’unhabilecoupdevolantetseraclalagorge.
– Je la connaissais àpeine.Pourmoi, elle était juste la femmed’Andrew.Une fille sympa, sansplus.
–Etl’accident?tentai-je.–JemesouviensqueMeghanm’aappeléenpleinenuit.J’étaisàHouston,chezmesparents.Jesuis
rentré,Andrewétaiteffondré.J’aicruqu’iln’allaitjamaiss’enremettre.–Etensuite?Jeveuxdire…l’enquête.–Iln’yavaitpasbesoind’enquête,souffla-t-il. Ilyavaitduverglas.Eleanorn’étaitpasunefille
spécialement prudente. Elle a déboulé trop vite dans un virage. La voiture était dans un sale état, cen’étaitpasétonnantqu’ellenes’ensoitpassortie.
–Jecomprends,marmonnai-je.C’estunejolievoiture,commentai-jepourchangerdesujet.– N’est-ce pas ? Et Andrew est hyper méticuleux avec sa voiture… Croyez-moi, si vous lui
cherchezunpointfaible,vousl’aveztrouvé.Nathan contourna le building de Blake Medias et nous gara au sous-sol, à la place réservée
d’Andrew.Ensortantduvéhicule,mesyeuxtombèrentsuruneautreplaquedeparking.Celled’Eleanor.Comme si Andrew espérait son retour. Nathan me rejoignit et comprit immédiatement où mes yeuxs’étaientposés.
–Çafaitdessemainesqu’Andrewdemandeàl’enlever.–Oh!fis-je,unpeuperdue.–Ilarevendulavoitured’Eleanor,aprèsl’accident,maisilamisdesmoisàsedécideràenlever
cetteplaque.Venez,ilnousattend.
***
Lebureaud’Andrewétaitauhuitièmeétage.L’ascenseur,extrêmementsilencieuxetultramoderne,s’ouvritsuruncouloirenparquet.Nouspassâmesdevantplusieursbureaux,dontceluideNathan,puisdeMeghan,avantd’entrerdansunespaceentièrementvitré.Unepetitefemmebrunelevalatêteversnousetunsourirefrancapparutsursonvisage.
–Bonjour,monsieurEvans.–Emily.JevousprésenteKathleenDillon…Kathleenest…–Jesaisquielleest, lecoupa-t-elleenm’adressantunsourirechaleureux. Jesuis raviedevous
rencontrer.–Lepatronestdanssonbureauouoccupéàbesognerensallederéunion?–Lepatronestderrièretoi!Ettudevraisbesognerensallederéunion!lançalavoixd’Andrew
derrièrenous.Jeme tournai vers lui tandisqu’il avançait.Meghanétait à ses côtés.Ellem’adressaunbonjour
lointain, accompagné d’un sourire forcé. Je la saluai à mon tour, un peu plus chaleureusement. TrèschastementAndrewm’embrassasurlajoue.
–Trèsjoliechemise.Surtoutsurtoi.–Merci,murmurai-jeenrougissant.–Merci,Nathan,ditAndrewenmefixantdroitdanslesyeux.Visiblement,ilaprissoindetoi.–Jecrainssurtoutd’avoirréduitl’espérancedeviedetoncollaborateur.–Lacigarette,pestaMeghan.–J’aicruqu’ilallaitcracherunpoumonsurlaplage!plaisantai-je.
–As-turamenélavoiture?demandaAndrew.–Ta précieuse est au garage, parfaitement entretenue, lustrée, et elle ronronne commeun chaton,
commentaNathanenluitendantlesclés.–Ilaététrèsprudent,assurai-jeàAndrew.–Pourunefoisqu’ilneselaissepasdistraire!semoquaMeghan.–Hey!Jen’yétaispourrien.J’interrogeaiAndrewduregard.Ilsouriaitlargement,jouantavecsontrousseaudeclés.–Nathanaemboutisadernièrevoiture.–Ilétaitautéléphone,précisaMeghanenriant.Jedoisvouslaisser,j’aiuneweb-conférenceavec
NewYork,expliqua-t-elleenregardantsamontre.–Sécurité?demandaAndrew.Ellehochalatêteetj’entendisNathanglousserprèsdemoi.Meghansetournaverslui,dégainantdu
mêmecoupsonglossetretouchantsonmaquillage.–Uncommentaire,Nate?–Aucun!sedéfendit-ilenlevantlesmainsdevantlui.Meghansepinçaleslèvresetreplaçaunemèchedecheveux.ElleparlaàAndrewpendantunbref
instant de repousser une date de signature, mais il refusa catégoriquement, ajoutant qu’il signerait lasemaineprochaine,commeprévu.
–Lepauvrehommen’aaucunechance,mesoufflaNathanàvoixbassetoutenfixantMeghan.–Qui?chuchotai-je.–LebougrequiestàNewYorketquivadevoirregarderMeghandanslesyeuxpendantuneheure.– Qu’est-ce que vous complotez tous les deux ? Nous coupa Andrew pendant que Meghan
s’éloignait.–Meghan,ditsimplementNathanenladésignantdumenton.Je fixai la silhouette de la collaboratrice d’Andrew.Meghan était superbe, gainée dans une jupe
courtenoireetrehausséedetalonsaiguilles.Nathanavaitraison,lepauvrehommen’avaitaucunechancederéussir.
–Peut-êtredevrais-tuprévenirGregory,meconseillaAndrew.–Ellearendez-vousavecGregory?m’exclamai-je.–Dommage,c’étaitunmecsympa,selamentaNathan.Andrew étouffa un rire, avant de me proposer d’aller déjeuner. Seuls évidemment. Nous nous
éclipsâmespendantqueNathanprenait sesmessagesauprèsd’Emily.Au loin, j’entendis leprénomdeLynneetjesavaisdéjàqu’elleseraitlapremièreàêtrerappelée.
***
Andrewetmoidéjeunâmesdansunbistrot,discutantdesesprojetsàvenir.Ilavaitréservélasalleprivativepournousdeux,nouscachantainsidesregardscurieux.NewYorkétaittoujourssapriorité.Lesujet que j’avais vu au journal unpeuplus tôt dans la semaineme revint à lamémoire, et il s’étonnamême que j’aie retenu autant d’informations sur ses projets immobiliers. Mais très vite, les sujetsprofessionnelsfirentplaceàd’autrespluspersonnels,etjeletaquinaimêmesursavoiture.
–Nathanexagère…Jenesuispasobsédéparmavoiture.–Non?–Iln’yaquetoiquim’obsèdes…Etcrois-moi,c’estvraiment…vraimentdel’obsession.–Vas-tusurvivresansmoipendantquelquesjours?
–Uniquementenmedisantquejepourraiensuiteprofiterdetoi.Jevaistâcherdemettrecetempslibreàprofitpourtrouverunmoyendet’attacheràmonfauteuil.
Ilm’embrassafurtivementetpritmamaindanslasienne.–JevaisdevoirrevendremonappartementàNewYork,soufflai-je.–Tudevraislegarder…Çanousferaitunpied-à-terre.–JecroyaisquelePeninsulaétaittonpied-à-terre?raillai-je.–Cethôtelarécemmentperduuneemployéedevaleur,etjen’aipastrèsenvied’êtreaccueillipar
quelqu’unquineserapasaussi…docilequetoi.–C’estvraimentcequetuveux?Quejesoisdocile?–Aumoinscetaprès-midi.Viens,onyva.Malgrémessuppliques,monchantageausexeetmonmanqueévidentdemotivation,Andrewrefusa
de changer ses plans. Mais évidemment, il était difficile de lui en vouloir. Passer son après-midi àessayerdestenuesluxueuses,àsepavanerdevantlui,etàsentirsonregardbrûlantsurmoin’étaitpassiterrible.
Ce qui était assez terrible, c’était le regard en biais de la vendeuse, lorgnant ostensiblement surAndrew. La jalousie me gangrenait. Andrew le savait, il avait remarqué mes attentions plus quechaleureusesenvers lui, et apprécié, sansnuldoute,demevoir essayerune tenuevraiment sexy, justepourleplaisirdeluidemanderdem’aideràlaretirer.
JenesuscombienAndrewavaitdépensépourmoicejour-là.Sûrementunesommeastronomique.Àl’aéroport,jeluifispartdemonsentimentambivalentsurlesujet.
–Ilvafalloirquetut’yhabitues.L’argentrendleschosesplusfaciles.–Jenesuispascertainedevouloirvivrecommeça.J’ail’impressiond’être…entretenue.–Oh…Maiscommejeledisais,tupeuxtoujoursbosserpourmoi!Unsouriresatisfaits’étirasurseslèvresetjecroisailesbrassurmapoitrine.–Jemesouviensdetonprojetsurlacuisinière,râlai-je.–Ah!Moi,jemesouviensd’autrechose…Tusais…Lepatron,oul’époux.–Tun’espasàgenoux!ironisai-jeententantdecachermapaniquegrandissante.–Tun’espasprête.J’entendsd’icitonpoulsquifrappeplusfort.Sonsourires’éteignitetjem’envoulaispresquedeluifaireautantdemal.J’étaiscertainedubien-
fondédenotrerelation,maismemarieraveclui…C’étaittroptôt,tropirréfléchi.J’approchaideluietentouraisatailledemesbras.
–Jet’aime,murmurai-je.–Moiaussi.Tonavionvadécoller.Il s’écarta demoi et posa ses lèvres sur lesmiennes.De nouveau, ilm’offrit un de ses baisers
dévastateursetpleinsdepromesses.M’aurait-ildemandédel’épouserdanslafouléequejel’auraisfait,tellementj’étaisétourdieparlemouvementdesalanguecontrelamienne.Ilpressasoncorpscontremoiet,àboutdesouffle,finitparromprelebaiser.
–Jeterejoinspourlemariage.Etjeprometsdetoutfairepourquetuattrapescesatanébouquet.–Jevaism’entraîner,plaisantai-je.–Entraîne-toiàdire«oui,jeleveux».Parcequecesontlesprochainsmotsquejeveuxentendre
sortirdetaboucheàNewYork.–J’attendsdevoirlefameuxdiamant!–Nemetentepas,Kathleen!–N’es-tupasunhommededéfi?
–Si…Maisjeprometsque,laprochainefoisquenousenreparlerons,jenetelâcheraipastantquetun’auraspasditoui.
Ilm’embrassadenouveau,plus tendrement,avantdeposersonfrontcontre lemien.J’entendis ledernierappelpour l’embarquementdemonvolretentir.Andrewm’accompagnajusqu’auxportiquesdesécurité,merecommandantd’êtreprudente.Jeretinsmeslarmes,commepromis,maisjesentismoncœurtressauterdecettefaçonsihabituellemaintenant.C’étaitpresquedouloureux.JelaissaisAndrewàSanFrancisco, et j’avais le sentiment, en m’éloignant dans le couloir d’accès, que la semaine allait êtrevraimentlonguesansluietsesabusdepouvoir.
L’avion décolla peu de temps après. Le nez collé contre le hublot, je regardai San Franciscos’éloigner,maudissantpresqueLynnedemaintenircemariagedepacotille.
Jepensaià toutceque j’avaisapprispendantmonséjour là-bas :Andrewétaitdenouveauavecmoi,Nathanetsonmanquedesouffle, lamaniaqueriedemonamantausujetdesavoiture, sonécouteattentivependantquejeluiracontaismonpassé,Janetetsabénédiction.
J’étais heureuse et nous serions heureux. Je songeai furtivement à Eleanor, à son absence sipalpable,auxdernièrestracesdesaprésencedanslavied’Andrew,àlafaçondontilavaitpréservésamémoire,luipardonnantmêmed’avoireuunamant.
EleanoretDaniel,etlelienétrangeentreAndrewetlepèredeDaniel…Est-cequeJimsavaitquesonfilsavaitétél’amantd’Eleanor?
Ilsétaientamoureux,c’étaitd’uneévidenceabsolue,etelleavaitfiniparquitterAndrew.Etelleenétaitmorte.Jemedemandaisielleavaithésitéavantdepasseràl’acte.Etcombiendetempsavaitdurécette liaison?Andrewm’avait avouéqu’Eleanor avait fait chambreàpart avant juillet…Presque sixmois.SixmoisoùAndrewavait tentéde recoller lesmorceaux.SixmoisoùAndrew lui avait fait unenfant.
Jesoupirailourdement,espérantunjourneplusêtrehantéeparcettefemme.Jedoutaisd’yarriver.Cetteseulemaisonreprésentaitleurmariage.Àl’imaged’Andrewquiauraitaimémedompter,j’auraispresquepréféréqu’Eleanorn’aitpasexisté.Toutauraitététellementplussimple.
Jeconsultaimonagenda,toutengrignotantlacollationquel’hôtesseavaitposéedevantmoi.Lynneavaitbesoindemoipour lesessayages,et jedevaisaccueillirmonpèreà l’aéroport lesamediaprès-midi, juste avant le dîner de répétition. La semaine allait être chargée. Ce n’est qu’en fermant monagenda,enpleinesturbulencesaériennes,qu’undéclicsefit.
LelienentreDanieletEleanor.C’étaitlavoitured’Andrew.Le souvenir de la conversation avecmonpère resurgit vivement.Et soudain, j’eus la nausée.Le
cœur au bord des lèvres, et la respiration hachée, je m’agrippai au siège. L’hôtesse, surprenant monregardperdu,vintmerassurersurlacourteduréedesturbulences.Maiscen’étaitpasçaquimerendaitmalade…
Maintenant,toutétaitcohérent:lesilencedeDanielsursarelationavecEleanor,l’accidentdecettedernière, lamaniaquerie d’Andrew…De nouveau, la nauséeme prit etmon corps semit à tremblerfortement.Lavoixdemonpèrerésonnaitencoredansmatête:lespneusétaientlisses.
Commentunhommeaussiprécautionneuxausujetdesavoitureauraitpu laissersa femmerouleravecunevoitureauxpneuslisses?
Brutalement,laconversationavortéeavecNathanmerevint,fulguranteetnauséabonde.Lavoitureenmiettesétait…ÀAndrew.Savoiture…Etleseulmotquimevintàl’espritfutleprénomdeDaniel.Sessilences,sesmystères,sarage.Il
détestaitAndrew.J’avaismalinterpréténotredernièreconversation:ilrevivaitsarelationavortéeavec
EleanoretAndrewétaitdenouveausursonchemin.Je récupéraiunsacenpapieretvomismondîner.Les larmesvinrentdans la foulée,brûlanteset
amères. Daniel avait accès à la voiture…Et il avait Eleanor. En avait-il eu assez d’attendre qu’ellevienne à lui ? Si leur liaison avait duré six mois, il avait dû se montrer impatient. Elle l’avait faitattendre,donnantuneultimechanceàsonmariage.
De nouveau, la nausée. Cette fois, je sentis la bile remonter dans ma gorge : ce n’était pas unaccident.
Daniel avait craqué et, las d’attendre un geste d’Eleanor, il avait fini par trafiquer la voitured’Andrew.CedernierétaitabsentavantNoël.Peut-êtreavait-ilconfiésavoitureàDanieldansl’espoirdelaretrouverparfaitemententretenueàsonretour?Danielavaitalorssaisisachance,espérantquelamétéol’aidedanssonentreprise.
Eleanor n’aurait pas dû prendre cette voiture, elle n’aurait pas dû rouler aussi vite, fuir aussibrutalement. Et c’était certainement la seule chose que n’avait pas prévue Daniel dans son pland’élimination:Eleanorétaitl’accident.
Lecorpsencoresecouéparlestremblements,jedemandaiàl’hôtessedequoiécrire.Évacuercesidées horribles,me libérer de l’angoisse et du dégoût qu’elles provoquaient enmoi. L’hôtesse revintquelquesinstantsplustard,metendantunbloc-notesetunstylodelacompagnieaérienne.J’yjetaimesidées,traçantdesflèchespourrelierleséléments.
Jebusunpeud’eau,espérantestomperlegoûtdelabilequitapissaitmonpalais.Jeprisuninstantpour fermer lesyeuxet réfléchir calmementà la situation.Andrew…Daniel…Eleanor. Je sentismonsouffles’accélérer,maismespenséesmemenèrentaumêmeetuniqueraisonnement.
DanielavaitvouluéliminerAndrew.Eleanorétaitmorte,etjen’avaisaucuneidéedecequeDanielressentait.La peine, la haine, la colère, la jalousie devaient semêler en lui, provoquant les réactionsdébordantesdontj’avaisététémoin.
Jepassaileresteduvoldansunétatsecond,cherchantlesommeilsansletrouver.Jepassaid’unextrême à l’autre,me fustigeant pourmon imagination trop débordante, avant de revenir àma logiqueinitialeetd’entourerleprénomdeDaniel,unefoisencore,surmoncalepin.
Quand l’hôtesse annonça lesmanœuvres d’approche surNewYork, j’en étais presque soulagée.Être dans cet espace restreint accentuait mon angoisse. Toujours un peu comateuse, je descendis del’avionsansréellementfaireattentionauxgensautourdemoi.Quandj’atteignisenfinlasortie,jetombainezànezsurGregory.
Jesoupirai.Andrewetsesexcès.–Nedisrien,luiordonnai-jeenpassantàsescôtés.–Jedoisteraccompagnercheztoi,expliqua-t-ilenmesuivant.Sansriendire,ilattrapamonsacquej’avaiscalésurl’épauleetleporta.Gregorymedésignaune
desportesaccédantauxparkingssouterrainsetjeleprécédai.–As-tufaitbonvol?m’interrogea-t-ilenouvrantmaportière.–Pasvraiment,marmonnai-je.Gregory jetamon sac sur la banquette arrière et s’installa derrière le volant. J’étais au bord de
l’implosion.EntreDanielquivenaitderévélerunefacettepeuavenantedesapersonnalité,etAndrewquine juraitqueparmasécurité, j’étaisàboutdenerfs.Jecalaimatêtecontre lavitreetsoupiraidenouveau.
–Blaketenaitàcequejet’escorte,Kat.–Jesais.J’aipromisàAndrewd’agirdanssonsens.–Andrew,hein?melançaGregoryavecunsourireentendu.
–Greg,jesaisquetusais!Necomptepassurmoipourteracontercequeluietmoicherchonsàtoutprixàpréserver.
–Jesaiscequejedoissavoir.Labombeatomiquem’afaitunbriefing…Unechancequ’ellesoitmignonnepourquej’accepteuneréunionà6heuresdumatin!
–Outch…J’avaisoubliéledécalagehoraire,fis-jevraimentdésoléepourlui.–Pasgrave!–Alors…tucomptestoujourslafairetomberàtespieds?plaisantai-jeenespérantmechangerles
idées.Gregorysecoualatête,claquantsalanguecontresonpalais.Sonsourires’estompalégèrement,sans
toutefoisdisparaître.–Cettefille…Disonsqu’onnejouepasdanslamêmecatégorie.Elleestdugenreglacial,option
grossetêteethermétiqueauxcompliments.–C’estvraiqueMeghanestdugenre…5étoiles!–Exactement.Etjen’aimêmepasréussiàlafairerire!pestaGregory.–Ignore-la.–Quoi?–Ignore-la!répétai-je.Cettefilleaimeêtrelecentredumonde.Elleaimedéciderdequielleveut,
etdequielleneveutpas.–Tuesentraindedirequec’estperdud’avance?–Jesuisentraindedirequ’elleal’habitudedeprendrelesdécisions.Laisse-lavenirverstoi.–Etjefaisçacomment?–Nu,çaaide!souris-jeenrappelantàGregorysaproprethéorie.–Kat,sij’enlèvemesvêtementsdevanttoi,tuvasquitterBlakedanslaseconde.Etjen’auraisplus
ladélicieusetâchedesuivretonappétissantderrièrependantdesheures.–Appétissant?rigolai-je.–Ensuite,ton«Andrew»,reprit-ilenmimantlesguillemets,voudramebotterlesfessesjusqu’àce
que j’atterrissedans laprochainegalaxie.Évidemment, tupleurerasmadisparitionet labelleMeghanérigerasûrementuneespècedestatueenbronze,afindemevénérerunculteinfinitoutentemaudissantd’avoirprovoquémaperte.
J’éclataiderire,tandisqueGregorymelançaitunclind’œil.–Çaressembleà…l’apocalypse,articulai-jeentredeuxéclatsderire.–Jevaisprendreçapouruncompliment,plastronna-t-il.J’étaisànouveauhilare,essuyantleslarmesquibordaientmesyeux.Gregoryavaittoujourseucette
capacitéàmefairerireendeuxphrases.C’étaitlecasaumomentdenotrerencontre,etmaintenantc’étaitdevenuunmodedefonctionnemententrenousdeux.
Mais,trèsvite,mespenséessebraquèrentdenouveausurAndrew.Gregorysegaradevantchezmoiet,àl’instantoùjeposaimamainsurlapoignéepoursortir,safortepoigneagrippamonavant-bras.
–Attends,souffla-t-il,l’airsérieux.–Quoi?Tuveuxm’accompagnerjusqu’àlaporte?plaisantai-je.– Non, non… Écoute-moi deuxminutes, s’il te plaît. L’hôtel a encore reçu des menaces, qui te
concernentessentiellement.Jerelâchailapoignéeetm’enfonçaidanslesiègepassager,fixantletableaudeborddevantmoi.La
peurpaniqueétaitdevenueunecompagnefamilière.Maiscettefois,c’étaitpire.Avant,jen’avaisjamaiseu peur que pourmoi,maintenant, le nombre de gens impliqués et susceptibles d’être pris pour cible
m’effrayait. Je sentismoncœur frapper lourdementdansmapoitrine,m’avertissantde laproximitédudanger.
–Soisprudente,d’accord?Onnesaitpascequeveutcetype,mais…–Maisquoi?dis-je,unpeuagacée.–Ilesttrèsbieninformé.Toutcequetufais,ilestaucourantdetout.Etj’aivraimentpeurpourtoi.Jemetournaivivementverslui,croisantsonregardsombreetprofessionnel.Jen’aimaispasleton
ni le visage inquiet de Gregory. Ce n’était pas dans son habitude, et l’angoisse que j’avais réussi àcanaliserrevintquasimentimmédiatement.
–C’estbienAndrewquit’aenvoyéàl’aéroport?luidemandai-je.–Oui.Maiscrois-moiquejeseraisvenusansqu’ilaitbesoindemeledemander.Cetypesaittout,
il a frappéMeghanetavaitdoncaccèsà l’hôtel. Il saitque tuasdémissionné. Il connaît tonancienneadresse.IlsaitpourlesrosesqueBlaket’envoie,mecoupa-t-ilavecvigueur.
Jelefixaiétrangement.Ilhochalatête,commepourappuyersondernierargument.Denouveau,moncœur s’emballa, et des tremblements s’emparèrent de mon corps. Encore cette peur panique de toutperdre.PerdreAndrew,perdretoutcequenoustentionsdeconstruire.
–Ilsait,répétaGregoryd’unevoixplusdouce.–Jenesuispasvisée,mentis-jepourlerassurer.–Évidemmentquenon.C’estBlakelacible,maiss’ilt’arrivaitlamoindrechose…La voix deGregory s’éteignit et rien qu’en une phrase, jeme rendis compte que ce que j’avais
découvert dans l’avion n’était que la partie émergée de l’iceberg. Jem’enfonçai un peu plus dans lesiège,canalisantmestremblements,gardantmesmainscaléessousmescuisses,toutenm’assurantd’unerespirationconvenable.Maisl’angoisse,irrationnelleetgalopante,étaitplusfortequemavolonté.
Le souffle court, je regardais la route devantmoi. J’étais de nouveau hagarde, perdue dansmesréflexions,tentantderefoulerlalogiquehorriblequisedéroulaitdevantmoi.
L’accèsauPeninsula,madémission.Je plaquai une main contre ma bouche, retenant un cri d’effroi. Mais les larmes coulèrent. La
panique,l’hystérieavaientgagné.Monregardpapillonnasurlesvoituresgarées,lesgensquidiscutaientsur le trottoir et même un voisin, à sa fenêtre, fumant une cigarette. Tout me semblait si étrange ettourbillonnant.
Maviedécortiquée…Lesfleurs…Lesimagessesuccédaient,lasensationdepaniques’estompapourfaireplaceàl’incompréhension.
Pourtanttoutcoulaitdesource,logique,implacable.Jecherchaisuneexplicationrationnelle,uncontre-argument, un indice m’indiquant que je faisais fausse route. Mais malgré tout… Peut-être parcequ’Eleanormehantait,ousûrementparcequeDanielenvahissaitdemanièredésagréablemespensées,j’eusuneffroyabledéclic.
Daniel.Lesouvenirdenotrerelationm’étreignitetjesentiscettevaguedouleuraucreuxdel’estomac.Je
retrouvaislegoûtameretinfectdelatrahison.Ilm’avait touchée,nousavionsfait l’amour,maisseulel’impressiontenacedemalaiseperdurait.
Ilsavaittoutparcequ’ilétaitdansmavie.Etlepire,c’estquejel’avaismoi-mêmeintroduitdansmavie.Jeluiavaisouvertl’accèsàmonappartement,jem’étaisconfiéeàlui.
–Kat,est-cequetoutvabien?fitlavoixinquiètedeGregoryprèsdemoi.Il posa une main sur ma jambe, la faisant arrêter son mouvement frénétique. Les larmes
redoublèrent,violentesetincontrôlables.Lanauséequim’avaitsurprisedansl’avionréapparut.Mêmesi
j’avais correctement assimilé son rôle dans l’accident d’Eleanor, comprendre maintenant qu’il étaitsûrementàl’originedetoutescesmenacesétaithorrible.L’atmosphèredansl’habitacledelavoitureétaitsoudainementétouffante,aussij’ouvrislaportièreetsortisprécipitamment.
Gregorysortitàsontour,etcontournalevéhiculepourapprocherdemoi.L’airfraisnocturnemefitdu bien et je sentismon visage se colorer de nouveau.Gregoryme fit relever les yeux vers lui. Lestremblementsdemoncorpsnecessaientpasetjevismonamifroncerlessourcilsfaceàmoi.
–Kat,jevaisveillersurtoi,jet’assureque…–C’estDaniel,lecoupai-jedansunmurmure.Gregorymerelâchaetmefixaavecuneintensitérare.–C’estDaniel,répétai-je.Lesmenaces…Lafemmed’Andrew…C’estlui.
CHAPITRE26
Leslarmesmegagnèrentl’instantsuivantetmesjambesflageolantescédèrent.LesbrasdeGregorym’entourèrent et il ouvrit prestement la portière de la voiture pourm’y faire asseoir.Après quelquesinstants,etaprèsavoirattenduquejemereprenne,Gregorys’agenouillaprèsdemoietmeregarda.
–Daniel?Letypeavecquituessortie?–IlconnaîtAndrewdepuislongtemps.Jeme lançai alors dans une explication courte et précise de ce que j’avais appris pendantmon
voyageàSanFrancisco.Gregorym’écoutaattentivement,mecoupantseulementpourclarifierquelquesaspectsdel’histoire.
–Ettucroisqu’ilestàl’originedesmenaces?medemanda-t-il.–IlaaccèsauPeninsula,ilsaittoutdemavie,ilsaitpourlesfleurs…EtildétesteAndrew!Ille
hait.–Kat,jecroisquetuvasunpeutropvite…Rienneditque…–Ilagardé lesilencesursonpassé, ilnem’a jamaisrienditpourEleanor.Pourquoim’aurait-il
cachécetterelationsicen’étaitpaspourseservirdemoi?J’étaissonaccèsversAndrew!Gregoryreplongeadanslesilenceetseredressa.Jen’avaispaslasensationdel’avoirconvaincu,
maisj’avais,moi,cetteprofondeconvictionqu’ilétaitderrièretoutça.–Rentretesjambes!m’ordonna-t-il.Jem’exécutai dans laminute etmon ami claqua la portière avant de se réinstaller au volant. Je
descendislavitre,savourantl’airglacéetvivifiant.M’êtreconfiéeàGregorym’avaitsoulagée.Portercesecretseuleétaitimpossible.
–Qu’est-cequetufais?luidemandai-jealorsqu’ilredémarraitlemoteur.–Tuvasdormirchezmoi.Ettunerâlespas.OnvaappelerAndrewet…–Non,surtoutpas!m’écriai-jevivement.Ilva…Ilvaêtrefoufurieux!bégayai-je.Ilva…ilva
vouloirletuer…–Etilauraraison.Kat,tuviensdemedirequecetypeavaitprobablementtuésafemme!–Maisc’étaitunaccident!gémis-je.–Tunevasquandmêmepasprendresadéfense?s’écria-t-ilavecconsternation.Ilaccéléra,et jemeretrouvaiplaquéecontrelesiège,m’agrippantcommejelepouvais.Gregory
maugréaitdanssabarbe.–OnvaappelerBlake,répéta-t-il.– Je t’en supplie,nedis rienàAndrew…J’aiencoredesdoutes, et aucunepreuve.S’il teplaît,
Greg.S’ilteplaît…Laisse-moiquelquesjours.Tuasétéflic,tusaisquepersonnenetesuivrasurune
simpleintuition.La voiture s’arrêta à un feu, et il me regarda, effrayé et inquiet. Je ravalai ma salive, espérant
l’avoirconvaincudeneriendireàAndrew.Illefallait,aumoinspourluiéviterunchoctropbrutal.–S’ilteplaît,gémis-jedenouveau.–Tun’esquandmêmepasentraindemesuggérerdetelaisserfairetapropreenquête?–Gregory,jesaisquejepeuxlefaire…–C’estcequetum’asditpourleDaily!s’énerva-t-ilenfrappantsurlevolant.Kat,jetepréviens,
jenetelaisseraipasfaire.–Tun’aspaslechoix!Montre-moiledébutd’unepreuveausujetdeDaniel!–Jevaislefaireparler!assura-t-il.–Comment ?Gregory, tu ne saismêmepasdequoi il est capable… Il a trafiqué les pneus, il a
agresséMeghan…–Justement,jeneveuxpastefairecourirderisques.–Jenecrainsrien!Ilnesaitpasqu’onlesoupçonne…Jeveuxjustelefaireparler.Je lui jetai un regard en biais. Gregory soupira, avant d’écarquiller les yeux. Je n’aimais pas
franchementmonidée,maisjesavaisquec’étaitlaseuleexploitable.–C’esthorsdequestion,Kat!–Jepeuxlefaire,Greg.–Coucheravecluisignifiequejedoistelaisserseuleaveclui,etça,c’estimpossible!–Jenevaispascoucheraveclui…Juste…luifairecroirequej’enaienvie!–Jamaisilnetecroira!–Danscecas,tuvasdevoirm’aider.Gregory redémarra brutalement et fonça dans les rues quasi désertes de la ville. J’observai sa
poitrinesesoulever trop rapidement.Si j’avaiseudesdoutessurmacapacitéà leconvaincredemonhistoire farfelue avecDaniel, je n’en avais plus aucunmaintenant. Il me croyait et était décidé àmeprotégerencoreplusqu’Andrew.
–Jetelaissejusqu’àlafindelasemaine,abdiqua-t-ilfinalement.–EttunedisrienàAndrew?l’interrogeai-je.–Jeneluidirairien…Maiss’ilt’arrivelamoindrechose,s’iltoucheàundetescheveux,jejure
quejefaisdébarquerBlakelui-mêmeicipourqu’iltebottelesfesses.Jesuisclair?J’opinai, souriant largement à la menace de Gregory. J’étais à peu près certaine que, même si
Andrewvoulaitmebotterlesfesses,ilnelelaisseraitpasfaire.–Tumecouvres?demandai-jeàGregory.–Toujours,mabelle.Toujours,toiettonappétissantderrière!répondit-ilavecunclind’œil.–Jevaisdevoir…m’éloignerd’Andrew.–Ilnevapasaimer.–Jesais.Maisjen’aipaslechoix.Jeregardailesruesdéfileràtraverslavitre.PourconfondreDaniel,jedevaisredevenirprochede
lui.Etpourredevenirprochedelui,jedevaiscouperlespontsavecAndrew.Êtreseule,sanslui…Fairecroireàunerupturedéfinitive.
***
UnefoischezGregory, jemesentismieux.Plus légère,parcequejeneportaispluscettehistoiretouteseule.Monamimeservitunverred’eauetmepréparalachambredesinvités.Assisesurlecanapé,
jefixaimontéléphone,m’interrogeantsurmacapacitéàcacherlavéritéàAndrew.–Veux-tuquejeleprévienne?demandaGregoryens’installantprèsdemoi.–Dis-luiquejesuischezmoi…Pourlemoment,jedoiséviterdeluiparler.–Tuessûredetoi?–Oui,mentis-je.Gregorys’éclipsadanslapièceàcôtéet j’entendisvaguementdesbribesdeleurconversation.Il
assurait à Andrew que j’allais bien et qu’il veillait sur moi. Techniquement, ce n’était pas un vraimensonge,mais j’étais certaine que d’ici quelques heures,Andrew chercherait une explication àmonsilence.
QuandGregoryréapparut,ilmetendituneenveloppe.Jelafixai,sanscomprendre.–LaboîteduPeninsula,expliqua-t-il.L’inconnu…Enfin,Andrew. Encore une chose à laquelle je devrais renoncer. Je ne pouvais pas
imaginerm’écarterd’Andrew, toutendemeurantencontactavec lui,parces lettres.Maschizophrénieavaitseslimites.MettredeladistanceentreAndrewetmoipassaitaussiparl’arrêtdeceslettres.
Jeme rendis compte alors que je plongeais dans une des rares choses qu’Andrewne pardonnaitpas : lemensonge.Même en songeant que je faisais ça pour son bien et pour nous assurer un avenirexemptdenouvellesmenaces,jedoutaisqu’ilcomprennemesmotivations.
Au mieux, il me pardonnerait et, très probablement, me reprocherait mon imprudence et monentêtement.
Aupire,ilm’envoudraitetjeruineraisnotrerelation.Mais c’était un risque à prendre. Je mis l’enveloppe dans mon sac et me couchai dans un état
nauséeuxetlecœurenmiettes.JeregrettaispresquedenepasêtrerestéeàSanFrancisco.Êtredanssesbrasauraitcertainementétéapaisant.
***
Àmonréveil,lepremiermessaged’Andrewarriva:
Tavoixm’amanquéhiersoir…Etpasquetavoix.Appelle-moi.A.
Il s’inquiétaitdéjà. J’effaçai lemessage,ainsique tous lesautresqu’Andrewm’avaientenvoyés.MacouvertureavecDanieldevaitêtreirréprochable.Leconvaincredemonpotentielretourdeflammen’allaitpasêtreévidentet,connaissantmaintenantsaragecontreAndrew,jedevaism’assurerd’êtreunepetiteamieexemplaire.
Aprèsavoirprisunedouche,jemechangeai.Ilmefaudraitfaireunpassagechezmoipourgarnirmagarde-robe…Pourl’instant,jen’avaisquelesacquej’avaisfaitpourSanFrancisco.Ensortantmonjean,lalettred’Andrewtomba.Jelafixaidelonguessecondes,avantdemedécideràl’ouvrir.
Prendredurecul,mettredeladistance…Leprotéger.
ChèreMarie,Plusd’unesemainesansnouvellesdevotrepart.Jem’inquiète.Vousqui,habituellement,merépondezsirapidement…J’aireluvotredernièrelettre,etjesaisquecethommevousafaitdumal.Maisjesaisquevousêtesforteetd’uneincroyabledétermination.J’aienviedecroirequesivousnem’écrivezpas,c’estjustementparcequevousêtesaveclui…Etrienquepourça, jevousenvie.Maviearetrouvédesasérénité.Parcequ’elleest là,quelquepartchezmoi,àmepréparerledînerpendantquejevousécris.Encoreunefois,vousaviezraison,luiparlerétait laseulechoseraisonnableàfaire.Nous l’avonsfait, j’aiécoutésesarguments,elleacompris lesmiens.Maintenant,noustentonsdefairefonctionnertoutça…
N’est-cepascequiestleplusdifficilefinalement?Lesrelationshumainessontàlafoisfortesetfragiles.Unesourcedeconfianceet,enmêmetemps,untourbillondedoutes.Jenesaispassi jeréussiraiunjouràluirendrecequ’ellemedonne.Etjenesaispassijeréussiraiunjouràvousrendretoutcequevousmedonnez.Jevousaidéjàditquevousétiezimportantepourmoi…Jecroisquejesuisloinducompte.Cethommene mesure pas la chance qu’il a de vous avoir dans sa vie. Mais, j’aimerais, malgré tout, que notrerelation ne s’éteigne pas. Égoïstement, je dois dire que j’ai besoin de vous dansma vie… comme j’aibesoind’elle.Etvouslirememanque.NemeforcezpasàlancerdesrecherchesdanstoutNewYork,àvoussupplierdemerépondre.Parcequejepeuxlefaire…J’aiunenettetendanceauharcèlement,figurez-vous.Àmoinsquevousnesoyezentraindemefuir…Notrerelationdépassemêmeletermede«relation».Noussommesamis,jeprésume?Prochesdumoins.Etplusjevousécris,plusj’ailasensationétrangequelehasardnevousapasmisesurmaroutepourrien.Ilyauneformedeconnexioninexplicableetmagiquequisecréequelquepartentrevousetmoichaquefoisquejelisunedevoslettres.J’espèrequevouslaressentezvousaussi.Répondez-moi.JevousembrasseVotreinconnu.
Je tremblais en relisant sesmots. Jeme rassis sur le lit, épluchant les possibilités quim’étaientoffertes.La têteentremesmains, jeprisconscienceàquelpointces lettresavaientété trop loin.Tropfortes,troppuissantes.J’avais,moiaussi,eubesoindel’inconnupourreprendrepied.Maismaintenantquejesavaisquiilétait,jesentaismoncœurseserrerencoreplusfort.Cetressautementsiparticulierquej’avaisressentiàchacunedeslettres,cemêmetressautementavecAndrew.
J’étaisamoureused’Andrew.Desesexcès,desonarrogance,desafaçondemefairerire.Etj’étaisamoureusedel’inconnu.Desafragilité,desonmanquedeconfiance,desafaçondeparler
delafemmequ’ilaimait.–Tupeuxencorechangerd’avis,fitlagrossevoixdeGregorydevantmoi.Jerelevailesyeuxverslui.Adosséauchambranledelaporte,lesbrascroiséssursespectoraux,il
y avait de l’urgence et de l’inquiétude dans le regard. Je repliai la lettre,me promettant de faire uneréponsedanslamatinée.
–Non.Çaira,assurai-je.JedoisvoirLynnedansl’après-midi,j’enprofiteraipourtenterdeparleràDaniel.
–Commentcomptes-tuaborderlachose?–Jenesaispastrop…IlétaitinquietdemarelationavecAndrew.Jevaissûrementcommencerpar
ça.–Trèsbien.Jeresteraidanslecoinpourtesurveiller.–Mesurveilleroumeprotéger?ironisai-jeavecunlégersourire.–Tesurveiller!Jeteconnais,Kat,quandtuasuneidéedanslecrâne…Ilme sourit largement et jeme sentismieux après quelques instants.Gregoryme protégerait. Je
risquaiunsourireconfiantetilhochalatêteavantdedécollersoncorpsdumur.–JevaisauPeninsula.Faiscommecheztoi.J’entendisGregoryme souhaiter une bonne journée, puis la porte claqua. Je prisma lettre etme
dirigeaivers lesalon.Aprèsquelquesminutesdefouille, je trouvaiunefeuilleblanche.Jem’installai,fixant le papier vierge devantmoi. J’avais écrit toutes ces lettres avec une incroyable facilité, et là,assisedanslesalon,j’hésitai.
IgnorerAndrew,sesappels,sesmessages…Toutcelaétaitsimple. Ilmesuffisaitdecoupermonportable,devivrechezGregory.
IgnorerAndrewet ses lettres superbesque jen’avaisaucunmoyend’éviter réellementallait êtrepluscompliqué.Enrompantcettecorrespondance,lasensationdetrahisonn’étaitqueplusforte.J’allais
brisersaconfiance,brisernotrelien…
Cherinconnu,Pardonnezmonsilence.J’avaisjustebesoindefairelepointsurmavieetsurcethomme.Jesuisheureusepourvous.Heureusedevoirquevotreviesembleenfincomplète.Votrelettrerespirele bonheur et, croyez-moi, je vous envie pour ça. Je suis, pour l’instant, dans une sorte d’équilibreprécaire.Jenesaisplustropoùj’ensuis,oumêmequijedoiscroire.Nospassésrespectifs,àcethommeetàmoi,sont encore trop présents dans nos vies. Peut-être avons-nous été trop vite, peut-être avons-noustentédecroirequetoutiraitpourlemieux.Pourlemoment,j’ail’impressiondevivredansuneillusionunpeutropparfaite,etcelamemetmalàl’aise.Etpuis ilyavous…Toutesvos lettres, toutesmesconfessions, tousvostourments.J’avouequevousavez sûrement pris une place plus grande que je ne l’imaginais. J’aime notre relation… J’aime vousconnaîtresiintimementetqu’enretourvousvousinquiétiezpourmoi.Maisleslignessontbrouillées.J’aitoujourscruquenotreéchangeserait…facile,évidentetsansconséquences.Aujourd’hui,vousmeparlez de connexion, de magie, et je m’aperçois que les choses sont allées trop loin. Je voulaissimplementvousaider.Jecrainsquevousnemedonniezunrôletropimportant.Jen’aifaitquevousdirequoifaireouquoidire.Etmêmesansmoi,jesaisquevousyseriezparvenu.Votre annonce parlait d’une belle âme. Vous en êtes une, mais je doute d’être à la hauteur de vosprétentions.Pourlemoment,j’aibesoinderecul,besoindemettredeladistance,besoindefaireletri.Vous pouvez interpréter tout cela comme une fuite. Ça l’est sûrement et celame fait dumal…Unepreuvedeplusquemonattachementpourvousestbientropfort.Vivezvotrevie,jevivrailamienne…Iln’yapasdemagiedanstoutça,pasdeconnexion,pasdechimie.Riendetoutcelan’existe.IlyajusteuneNew-Yorkaisequiaécritàuninconnu.Aussijecroisqu’ilesttemps pour nous deux de passer à autre chose, de classer avec bonheur et nostalgie cettecorrespondance.Jevoussouhaitelemeilleuretvousembrassechaleureusement.Marie.
Jerelusmalettrerapidement,ravalantlabouled’émotionquiseformaitdansmagorge.Jedevaisêtre forte et tenir mes résolutions. Je la repliai, avant de fouiller dans le bureau de Gregory, à larecherched’uneenveloppe.Quandenfinjelatrouvai,j’ymislalettreetlaglissaidansmonsac.
Lafindelamatinées’écoulalentement,etjereçusdenouveauunmessaged’Andrew:
Jecommenceàm’inquiéter.Rappelle-moi.A.
Jel’effaçai,commepourlepremier,etdécidaidequitterl’appartement.JepostaimalettredevantlePeninsula,avantderejoindreLynnedanssonbureau.Letéléphonevisséàl’oreille,ellefitungestepourm’inviteràm’asseoir.Ellecalait lesdernières informationspourungroupede touristes fortunés.Quand, finalement, elle raccrocha, je me forçai à arborer le visage le plus ravagé possible. Ce qui,finalement,nefutpastrèscompliqué,ilmesuffisaitderepenseràmaséparationcourtemaisdouloureused’avecAndrew,etàcequej’étaisentraindeprovoquer.
–Commentvas-tu?medemandaLynne.–Jepensequec’estplutôtàmoideteposerlaquestion…Lemariageapprocheet…–Tusaiscequejeveuxdire,Kat.J’aicherchéàtejoindretoutleweek-end.–Oh…J’avaisbesoindefairelevide,mentis-jeavecuneétonnantefacilité.–Andrewencore?–Encore,oui.Jesoupirailourdement,espérantqueLynnenedétecteraitriendemamiseenscène.J’auraispréféré
lamettredanslaconfidence,maisgarderlesecret,mêmeenverselle,étaitlachoselaplussûreàfaire.Jenetenaispasàmeperdre,enjonglantavecmesmensongesetmessemi-vérités.Mentiràtoutlemondeétaitleseulmoyendenepasmetrahir.
Lynnemefixa,puiscontournalebureaupours’asseoirprèsdemoi.Ellepritmamain,dansungesteaffectueux,presquematernel,etlaserradanslasienne.
–Jesuisdésolée,Kat,murmura-t-elle.Jesaisàquelpointtuétaiséprisedelui.–Jelesuistoujours,Lynne.Rienn’achangé.–Rien,sauflui,contra-t-elle.J’auraispréférémetrompersursesintentions.–J’auraispréféréaussi.Désormais, lemalest fait.Tuavais raison,cen’étaitpas…unehistoire
saine, hésitai-je.Mais j’ai décidé d’aller de l’avant.Et, pour ça, je vais avoir besoin d’une lettre derecommandation,sicelanetedérangepas.
–Aucunproblème.Jesuiscontentequetuenvisagesleschosesainsi.Ellemelibéraetrepritsaplacederrièresonbureau.Sousunamasdefeuilles,sontéléphonesemit
àvibreretellemejetaunbrefcoupd’œilavantdeprendrel’appareil.Jemesentisbouillonner,partagéeentreleressentimentetl’incrédulité.J’avaistoujourscruqueLynnemesoutiendrait,quoiqu’iladvienneavecAndrew.
–Net’enfaispaspourça,larassurai-je.Cen’estpasparcequeçan’apasfonctionnéavecAndrewquetudois…cesserdeparleravecNathan.
–C’estunami,sedéfendit-elle.Elle lut lemessageetunsourire francs’étirasurses lèvres.Elle répondit rapidement, sesdoigts
tapotant sur son clavier avec une rapidité extrême. Je soufflai doucement, songeant que Lynne étaitvraimentaveugle.Ellemeréconfortaitpourunchagrind’amourimaginaire,alorsqu’elleseperdaitdanssespropressentiments.
–C’esttoiquiavaisraison,lâchai-jealorsqu’ellenotaitmarequêtesursonbloc-notes.–Àquelsujet?–Lesrelationsamoureuses…Philip,Nathan,Andrew…– La sécurité, Kat. Une relation longue, réfléchie et sérieuse avec un homme que tu apprends à
connaître,iln’yapasdesecret.Jesourisintérieurement.Au«longue,réfléchieetsérieuse»,jepréférais,deloin,lebrindefolieet
la passion qui m’animaient quand j’étais avec Andrew. Mon ventre se tordit un peu et je me sentisblêmir : ilnefallaitsurtoutpasquejepenseàluialorsquej’étaisentraindetrahirnotrerelation.Lesentiment de colère reprit aussitôt le dessus. Je serrai les accoudoirs à m’en faire mal, cherchant àreprendrelecontrôledemesémotions.
–C’est certain, soufflai-je avec crispation. La prochaine fois, jem’attaquerai à un homme àmaportée.
–Toutàfait!AndrewBlaket’afaitsuffisammentdemal.Tuasraisondenepastemorfondrepourlui.
–Jel’aimetoujours,Lynne,ripostai-je,surladéfensive.–Voisquelqu’und’autre.Ilfautquetusortes,quetul’oublies.Tusaiscequ’ondit:undeperdu…–Pitié,Lynne,gémis-jeenattrapantunmagazineprofessionnelsurlatable.Cachée derrièrema revue dont je tournais un peu trop rapidement les pages, je tentai surtout de
camouflermanervositéetmesmensonges.–Allez,tuesjoliecommetout,etenplus,loind’êtrestupide…Tuveuxquej’organiseundîner?–Lynne,jenesuispasàlarecherched’unhomme,grognai-je.–Quiparled’unhomme?Jeparled’uncavalierpourlemariage!–Lynne,s’ilteplaît…C’esttroptôt.–Kat,j’aivudansquelétatiltemettait.Toutecetteexcitation…Ilt’amêmechangée,tun’étaisplus
lamême.
Unpeusurpriseparsonaveu,jerelâchailemagazine,lecalantsurmesgenoux,etcroisailesbrassurmapoitrine.Detouteévidence,unepointed’amertumepersistanteflottaitentreelleetmoi.Ellem’envoulait,maisjenesavaispassic’étaitàcausedemarelationavecAndrew,ouàcausedesanon-relationavecNathan.
–Est-cequetum’enveux?demandai-jefinalementenravalantmarage.–Tuasété…difficiledernièrement.Onnepouvaitmêmeplusteparlersansque…–Sansquequoi,Lynne?– Sans que tu t’énerves comme tu es en train de le faire actuellement,me coupa-t-elle avec une
sombreénergie.J’étouffaiunriresarcastique,avantdelatoiser.Entempsnormal,jel’auraisenvoyéebalader,elle
etsabonneconsciencedefemmeprochainementmariée.–Crois-moi,c’estunebonnechosequetarelationavecAndrewn’aitpasévolué.–Quelleincroyablesincérité,sifflai-jedeplusenplustouchéeparsesremarques.–Kat,cequejeveuxdire,c’estqu’ilt’attiraitdanssonmonde.Tudevenaiscommelui,arrogante
et…sèche.Cen’estpaslaKatquejeconnais.–LaLynnequejeconnaisn’auraitjamaisjugémarelationavecunhomme,rétorquai-je,glaciale.Elle recentra son attention sur l’écran de son ordinateur, laissant un silence pénible et lourd
s’installerentrenous.Lecorpstendu,jemeretinsd’exploserdevantelle.Àsesyeux,jedevaisêtrelavictimed’Andrew.
–Tuassansdouteraison,acquiesçai-jefinalementdansunnouveaumensonge.Elle me fit un sourire, alors que je sentais les larmes sur le point de déborder de mes yeux.
Comment osait-elle ? Je devais être là, à écouter ses inepties, à l’entendre dénigrerma relation avecAndrew, sans rien dire… J’étais devant une des conséquences imprévues et douloureuses de monmensonge:lafranchisedésarmanteetbrutaledeLynne.
Maisj’encaissais,parcequejesavaisqu’ellen’étaitpaselle-même.Philip,petitàpetit,avaitmenésonœuvreàbien,transformantLynneenjeunefemmesanscœur.
–Trouve-toi un hommede confiance et dont l’humeur ne fluctue pas en fonction des cours de laBourse!
–Bonneidée!Secontenterdecequiestabordable,soulignai-je.Lynnepivotaversmoi,maisnenotapaslesarcasmedansmavoix.Jeluifisunsourireetsoudain,
sesyeuxs’illuminèrent.– Je pense que tu devrais inviter Daniel pour le mariage, proposa-t-elle avec une logique
foudroyante.–Daniel?m’étonnai-je.–Cetypesepâmed’amourpourtoi,alorseffectivement,iln’estpeut-êtrepasenmesuredet’offrir
unerobedecréateur,maisbon…–…C’estmieuxquerien,finis-jepourelle.–Mieuxquerienet,enplus,ilnetetournerapasledoscommeBlakel’afait.Denouveau,l’espritultra-pragmatiquedeLynnem’effraya.Toutn’étaitquelogiquemathématiqueet
calculéechezelle.Ilmefallaituncavalier,ellepensaitàDaniel.Ilmefallaitunhommesûr,ellepensaità Daniel. J’avais la sensation désagréable d’être son pâle reflet, elle me poussait à reproduire seserreurs.
Maisjenepouvaism’empêcherdepenserqu’inviterDanielaumariageétait,aprèstout,unebonneidée,unebonnefaçonderenouerlelienaveclui.Évidemment,ilmefaudraitévitertoutcontactunpeu
trop chaleureux : ce qu’il avait tenté de faire à Andrew était trop horrible pour que je lui laisse lapossibilitédemetoucher.
–Ledînerderépétitionseradonnévendredisoir,peut-êtrepeux-tuluienparler?L’essayagedelaroben’estpasprévuavantunebonneheure,tuasletemps.
–Lynne,jenesaispastrop…Çasemble…Enfin,ilrisquedeprendretoutçacomme…–…unerouedesecours?tenta-t-elle.–C’estunpeuça,oui.–Kat,j’aiétéunerouedesecoursavecPhilip.Etregardeoùj’ensuis?Tudevraistentertachance
avec Daniel. Au pire, il te dira non, mais quelque chose me dit qu’il ferait n’importe quoi pour terécupérer.
Commetuerlemaridelafemmequ’ilaimait?Commechangerlespneusdesavoiturepourfairecroireàunaccident?Commesortiravecmoidanslebut,sansdoute,desevengerdelui?Jesecouailatêteetreprismonrôleavecautantdeconvictionquepossible.–Jevaisallerluiparler,promis-jeenmerelevantdemachaise.–Parfait.Jeterejoinsdanstrenteminutesetoniraàlaboutique.Je sortis du bureau de Lynne, laminée. Quand elle pensait qu’Andrew avait eu une mauvaise
influence sur moi, moi je pensais plutôt que c’était le caractère de Philip – ultra-déterminé etmanipulateur – qui transpirait d’elle. En très peu de temps, elle avait réussi àme faire douter demarelationavecAndrew–doutesviteeffacés,maistoutdemême–puisàmefaireinviterunautrehomme,Daniel.
Je me retrouvai dans le hall, m’interrogeant sur le bien-fondé de mon action. Je frissonnai ensongeant à ses mains qu’il avait posées sur moi, et à cet aspect dominateur et revanchard qui lecaractérisait. Sam, à son pupitre, discutait avecGregory.Ce dernierme suivit du regard, et, quand ilcompritquejemedirigeaisverslebar,s’excusaauprèsdeSametm’emboîtalepas.
–Jevaisallerluiparler,confiai-jeàGregory.–Trèsbien.Jevaism’installerderrière.Aumoindregestedetravers,jedébarque.–Toutirabien,assurai-je.Gregorypritunjournalmisàdispositionpourle lireet lefeuilleta.Jefusunpeurassuréeparsa
présenceet,légèrementtremblante,jem’installaiaubar.Danielservaitunclient,luisouriantlargement.Quandfinalementsesyeuxsedirigèrentversmoi,sonsourires’effaçaetsonvisages’assombrit.
Ilvintversmoi,lepaslourd.Ilfaisaitvisiblementuneffortpourveniràmarencontre.–Bonjour,lançai-je,unpeutimide.–Kat,mesalua-t-il.Veux-tuboirequelquechose?–Jeveuxbienuneeaupétillante,avecunpeudecitron,s’ilteplaît.Ilmeservitrapidement,etjeplaçaimesmainsautourdemonverre.Danielsedésintéressademoi
aussitôtetsemitàessuyerquelquesverres,etàlesrangerméticuleusement.–Vas-tum’ignorerjusqu’àlafindestemps?tentai-jealorsqu’ils’éloignaitdemoi.–Jenet’ignorepas,jetravaille.Etcommepourasseoirsespropos,ilsortitunebouteilledevinetladébouchadevantmoi.J’essayai
decaptersonregard,maisDanielm’évitaitcomplètement.Jedécidaialorsdejouerlejeu,etd’allerdanssonsens.
–TuavaisraisonpourBlake,murmurai-jeavecunetristessefeinte.Ilrelevalesyeuxversmoi,mefixa,puisjedétectail’ombred’unsourire.–Écoute,Dan…Jesaisquenotrehistoiren’apasétésimple…
–Elle était simple. Tu as choisi de la rendre compliquée, lâcha-t-il, amer. Enfin, disons qu’il achoisi…Peudegensrésistentàl’argentfacile.
J’ouvris la bouche, prête à riposter, avant de me souvenir de mon objectif. Braquer Danielmaintenant était synonyme d’échec. Ilme lança un regard, évaluant un potentiel rejet ou une nouvellerebuffadedemapart.
–J’aidûmelaisser…éblouir,acquiesçai-je,lecœurauborddeslèvres.–Tusaismaintenantl’effetqueçafaitd’êtrepiétinée.Jesoupirailourdement.LesattaquesdeLynne,froidesetpernicieuses,avaientrongéunepartiede
ma résistance. Je savais que celles deDaniel ne feraient que la ruiner complètement.De nouveau, jedécidaidejouerprofilbas,etmelevaidemontabouretpourm’installerfaceàlui.JesentisleregarddeGregoryderrièremoi,etcetteprotectioninvisiblemerassura.
–Daniel,j’admetsavoirfaituneerreuraveclui.Est-cequemarelationavecluisignifiequenousnedevonsplusêtreamis?
–Tarelationoutonanciennerelation?demanda-t-il,soupçonneux.–Anciennerelation…Nejouepassurlesmots!–Avouerquetuaseutortnechangerapasgrand-chose.–J’espéraisquetumelaisseraisunechancedemeracheter.De nouveau, il me fixa, le regard sombre et visiblement perdu. Assise devant lui, j’avais la
sensationdenageràcontre-courant,demebattrepour rien, sicen’estpourêtreentraînéeencoreplusdanslesprofondeurs.Maistrèsvite,Danielrepritsatâche,lustrantlebardéjàpropre.
–Jenecroispasquecesoitunebonneidée,murmura-t-il,lesmâchoiresserrées.–Pourquoi?gémis-je.–Dèsqu’ilvarevenir,lecirquereprendra.–Jeveuxjuste…–…Êtremonamie,j’aicompris,Kat.Jememordis la lèvre, cherchant à gagner sa confiance. Je fouillai dansmamémoire, tentant de
retrouverdesbribesdesouvenirsheureuxavecDaniel.Mais ilmesemblaitqu’Andrew, flamboyantetultra-confiant,avaittouteffacésursonpassage.Commesimavie,avantlui,n’avaitpasexisté.
–Jesaisquejet’aiblessé,repris-jeaprèsuncourtsilence.–Quelheureuxeuphémisme,railla-t-il.– Daniel, s’il te plaît…On a partagé des instants sympas, lançai-je en priant pour qu’il neme
demandepasd’exemplesprécis.–Avantqu’ilapparaisse,oui.–Jecomprendsquetusoisfâchécontremoi,maispourquoicontrelui?–Parcequ’ilt’aeue,rétorqua-t-ilquasimentimmédiatementavecuneragerenouvelée.Jefrissonnai,pensantfurtivementàlaphotod’Eleanoretlui.Ilavaittoujourscettecolèrefolleet
froideenlui.Jesoutinssonregard,avantd’interceptersamainetd’effleurersesdoigts.–Etilnem’aplus,soufflai-je.Jevoudraisjuste…unechance,Dan.–Pourêtreamis?Non,merci,Kat.–Onpeutêtre…amispourcommencer.Il retira samain, et son regard changea.De la colère, il passa à la stupéfaction.De nouveau, le
visaged’Eleanorsedessinadansmonesprit.Danielavaitun tempéramentprotecteur.Si jemenaismabarquecorrectement,sijeparvenaisàjouerlerôledelavictimed’Andrew,peut-êtreparviendrais-jeàletoucher.
–Quecherches-tuàfaire,Kat?
– Juste à recoller lesmorceaux. Jeme suis trompée au sujet deBlake, et, quelquepart, tu avaisraison.
–Àquelsujet?–Jen’étaispassiheureuse,mentis-je.–Est-cecensémesurprendre?railla-t-il.Cetypesesertdesgensautourdelui.–Bien, j’admets…Peut-êtreque j’ai juste étéunamusementpour lui.Çane faitpasdemoiune
garce,medéfendis-je,unpeuagacée.J’aijusteété…faible.–Commentaurais-tupurésisterdetoutefaçon?Ilétouffadenouveauunrireetsecoualatête.L’amertumeetlacolèredepuislamortd’Eleanorne
devaientpasl’avoirquittéuneseuleseconde.–Toutlemondefaitdeserreurs,repris-je.–AndrewBlakeestplusqu’uneerreur,renchéritDanielavecfiel.Je sentismon corps se crisper. Je savais que j’étais en train d’atteindremes limites, que ce que
j’encaissaisdepuistoutàl’heureausujetdemarelationavecAndrewétaittropviolent.Lesjugements,les critiques, les interprétations à son sujet montraient à quel point les gens se fiaient à l’imagemédiatiqueetlointainequ’ilaffichait.Andrewn’étaitpascommeça.Saprévenanceextrêmeavaitmêmefaillisonnerleglasdenotrehistoire.
–Ilest…particulier,approuvai-jedansunnouveaumensonge.Dugenre…maniaque.–Onl’excuseparcequ’iladupouvoir,rétorquaDaniel,mauvais.–Pasmoi.Jen’appréciepasqu’onmemarchesurlespieds.–Libreetindépendante?Iln’apasdûapprécier!–C’estlemoinsqu’onpuissedire!Cettefois,leriredeDanielfutnormal,presquejoyeux.Ilriaitdecettebonneblaguefrauduleuse.Je
riaisaussi,songeantquejenem’étaisjamaissentieaussilibrequ’avecAndrewàmescôtés.Danielmefixa,toujoursunepointedesoupçondansleregard.
–Ettut’enesaperçue…commeça?medemanda-t-il.Parcequeladernièrefoisquenousavonsdiscuté,c’étaitquasimenttondieupersonnel.
Etill’esttoujours,pensais-je.Leseulhommequejechercheàprotégerplusquemoi-même.–Lapérioded’euphorieestviteretombée.–Aussivitegagnée,aussiviteabandonnée?–Jesuisunefemme,Dan…Peut-êtrequej’aivraimentbesoinqu’onsesouciedemoi.–Oh…tuneveuxdoncpasêtreunsimpleaccessoireetqu’ont’exhibe.–Dan,s’ilteplaît,gémis-je.Jen’attendspasdetoiqueturemueslecouteaudanslaplaie.–Effectivement…Qu’attends-tualorsdemoi,Kat?Je me tortillai sur mon tabouret, cherchant les arguments clés qui le feraient flancher. La
victimisationn’avaitpassibienfonctionné,etDaniel,déjàéchaudéparsarelationavecEleanor,n’allaitsûrementpasaccepterdejouerlerôledesecondchoix.
–Peut-êtrepouvons-nousêtresamis,etvoiroùleschosesnousmènent.–Kat, je ne veux pas être ton ami. Je n’ai jamais voulu l’être. Je ne veux pas être l’épaule sur
laquelletuvienspleurerquandçat’arrange.–Cen’estpascommeçaquejevoyaisleschoses.Jereposaimamainsurlasienne,lapressantpourgagnerunpeudesaconfiance.Cettefois,ilnela
retirapas.Encouragéeparcettepremièreminusculevictoire,jeluioffrisunsourireheureux,tentantdedécontractermoncorpscrispé.
Derrièremoi, j’entendisGregory tousser doucement. Je retirai alorsmamain, tandis queDaniel,ignorantmongardeducorpsimprovisé,mefixait.
–Alors?murmurai-je.Qu’est-cequetuenpenses?–Jenesaispas,Kat.Leschosesnesontpassisimples.–Jesais…Jesaisquetuasdéjàvécuça,ajoutai-jeavantdemerendrecomptedelaportéedemes
mots.Devantmoi,Danielsetenditetjecherchaiunmoyendemereprendre.Sonregards’assombritetil
metournaledospours’intéresserauxverresdevantlui.–C’estcequeJodiem’adit,précisai-jeprécipitamment.–Jodiedevraitlafermer,grogna-t-il.Ellet’aditquoiaujuste?–Justeça…Quetusortaisd’unehistoiredifficile.–Çaaétéplutôtcompliqué,admit-ilensetournantdenouveauversmoi.–Est-cequetuveuxenparler?proposai-jepleined’espoir.–Non.Tunecomprendraispas.–Tunemefaisplusconfiancealors?–Pasici.Il désigna le décor autour de lui, et le souvenir demapremière soirée, dans cemêmebar, avec
Andrew,me revint.Ce soir-là,Daniel avait été le spectateur impuissantdudébutdenotre relation.Etmêmesiàl’époque,jetentaisdefairecroireàtoutlemondequ’AndrewBlakenem’attiraitpas,j’étaisdéjàconquise.
–Danscecas,quedirais-tud’allerdînerquelquepart?Jevoudraisjustefaireensortedemériterunpeudetaconfiance.Andrewetmoi,c’estterminé,jet’assure!
–J’aidumalàycroire.–Cetype,c’estjusteunmythe.Iln’arienderéel.Danielme fixaétrangement, commesi jevenaisd’avoueruncrimeatroce. Je soutins son regard,
espérantqu’ilnedétecteraittoujourspaslatensiondansmesmembres.– J’avais peur qu’il te détruise, lâcha-t-il finalement. Il ne se préoccupe pas des sentiments des
autres.–Jel’aiconstaté,dis-jeenmeforçantàpenseràmarupturenocturneavecAndrew.Cetteeffroyablefacilitéqu’ilavaiteueàmequitter,mêmesijesavaismaintenantquecen’étaitque
factice,m’avait terrifiée. Il était tellement sûr de lui, tellementAndrewBlakemagnat de la presse ethommedepouvoir…
–Etmaintenant,situlecroisesici,ilvat’ignorer,continuaDaniel.–Jenetravailleplusici.Sarésistancesemblaitsefendillerdevantmesyeux.Sespremierssourires,raresetfurtifs,laissaient
maintenantplaceàdessourirespluslargesetfrancs.–Undîneralors?s’enquit-il.–Undîner.–Cheztoi?–Unrestaurantplutôt?Jeviensdedéménager,etmonappartementestdansunétatapocalyptique!–D’accord.Je soufflai lourdement, sentant mes muscles se détendre progressivement. Il avait avalé sans
sourcillermonexcusepourdînerà l’extérieur.Hormis lefaitque jenevoulaispasqu’ilmette lepiedchezmoi,jesouhaitaisaussietavanttoutêtreenpublicpourévitertoutdébordement.
–Tumerejoinsici?
– Plutôt au restaurant. 20 heures, ça te va ? m’assurai-je en descendant de mon tabouret. Jet’enverrail’adressedansl’après-midi.
Ilacquiesça.Moncorpsengourdietcrispédepuisvingtminutesserappelaàmoi,etjegrimaçaiensentantunecrampedésagréablesepropagerdansmajambe.
–Tuesprête?fitlavoixdeLynnederrièremoi.–Oui,j’arrive.Montéléphonevibradansmapocheetjelesortisprécipitamment.Ducoindel’œil,jevisDaniel
froncerlessourcils.Àl’apparitionduprénomd’Andrew,jecoupailasonnerieetdéviail’appelversmamessagerie.
–C’estmonpère,m’excusai-je, faussement exaspérée. Il stressepour lemariage, ajoutai-jepourLynnequim’observaitbizarrementelleaussi.
–Ilajusteàmarcher,commenta-t-elle.–Jesais…Maislui,sontruc,c’estplutôtdepourchasserlesméchants!– Eh bien, ça lui fera des vacances, sourit-elle. Il faut qu’on y aille, reprit-elle en regardant sa
montre.–Àtoutàl’heure,Dan!–Àplustard,Kat.Lynneetmoisortîmesdubar,etmonamiemedonnaunviolentcoupdecoudedanslescôtesavecun
airentendu.–Jet’avaisditqu’ilétaittoujoursmordu.Mon portable vibra de nouveau. Cette fois, je l’ignorai complètement, tandis que mon cœur
tambourinaitdansmapoitrine.
CHAPITRE27
Les essayages de la robe de Lynne ressemblaient plus à une corvée qu’à un moment de plaisirpartagéentrefilles.J’auraisaimécroirequeLynneétaitheureuse,maisjedoutaismêmedufaitqu’elleétaitamoureuse.LafaçonmêmedontPhilipl’avaitdemandéeenmariage–unsoir,commeunautre,justeaprès être rentré du travail – était assez révélatrice de l’importance qu’il donnait à leur relation.Toutefois,dansl’intérêtdeLynne,j’optaipouruneconversationdiplomate:
–CommentvaPhilip?demandai-jependantqueLynnesetenaitimmobilesurl’estradedevantmoi.–Bien.–Seulementbien?répétai-jeunpeusurprise.–Commentveux-tuqu’ilaille?–Jenesaispas.D’habitude,tuesplusprolixe!Elleme jeta un regard et souffla lourdement. Son regardme semblamoins heureux brutalement,
presqueperdu.–Qu’ya-t-il,Lynne?–Tun’asjamaiseucetteimpression…commentdire…denepasfairepourlemieux?Jeveuxfaire
pourlemieux,tusais.Jevoudraisquetoutsoitparfaitetquelesinvitéssedisent:«C’étaitvraimentunsuperbemariage.»
–Lynne,jesuiscertainequetonmariageseraparfait.Ellelevalesyeuxauciel,visiblementirritée.Jeréprimaiunsourire,songeantqueletravaildesape
deNathanavaitpeut-êtreenfinportésesfruits.Elledoutait.Au-delàdufaitquejeconsidéraisLynneetNathancommeunesortedecoupleidéal,jevoulaissurtoutqu’ellecomprennequePhilipn’étaitpaspourelle.
–Enquoineserait-ilpasparfait?m’enquis-je.–Jenedevraispast’enparler,répondit-ellefinalement.Elle jeta un regard en direction de son sac, et finalement je compris. Elle attendait un signe, un
appel, ou unmessage. Elle sembla reprendre ses esprits, répondant tranquillement à la couturière quiajustaitsarobe.
–Pourquoituneveuxpasm’enparler?–D’unepartparcequeturisquesunefoisdeplusdemediredeschoseshorribles…–…Horribles,maisnécessaires,Lynne!–Etd’autrepart,parceque…Andrewettoi…–OK…J’admets,jenesuispasuneprofessionnelledelarelationamoureuse.Maisjepeuxêtreà
l’écoute.
Denouveau,ellemelançaunregard,commesiellejaugeaitmacapacitéréelleàpouvoirl’écouter.J’avaislasensationétrangedegarderlessecretsdetoutlemonde,etceladevenaitétouffant.MaisLynneétait mon amie, et je ne pouvais pas lui tourner le dos maintenant. Elle resta silencieuse, et semblaréfléchirsurlebien-fondédecetteconversation.Plusieursfois,elleouvritlabouche,maissonhésitationpritlepassurlereste,ellesemuradanslesilence.Jehaussailesépaules,refusantdemelancerdansunnouveaudébatstérile.C’étaitàLynned’aborderlesujet.
Aprèsunlongsilence,jecomprisqu’ellen’endiraitpasplus,etmeplongeaidanslalectured’unmagazinespécialisédanslemariage.Soudain,letéléphonedeLynnesonna,etjelavisdescendredesonpupitreetmanquerdesebriserlachevillepourseruersursonsac.J’abaissaimonmagazine,l’observantsedébattreaveclecontenudesonsac,avantd’ensortirsontéléphone.
Ellefixal’écran,unéclatderires’échappantdesagorge.Ellesecoualatête,répondantaumessage,avantderemettrelepetitappareildanssonsac.Jeluilançaiunregard,tandisqu’elleregagnaitsaplace,levantlégèrementlesbraspourajusterlarobesurelle.Jefermailemagazine,attendantuneexplicationdesapart.
–Jecontinuedeluiparler,murmura-t-elle.–Jevoisça!–C’est…jenesaispas, jen’arrivepasàm’enempêcher.Chaquesoir, jemeprometsdecesser,
mais…Jen’yarrivepas,Kat.–Ilfautpeut-êtreêtredeuxpourcegenrededécisions,proposai-je.–C’estcequejemesuisdit.Donc,jeluiaidemandéd’arrêter.Unpeusurprise,j’attendaislafindel’explicationdeLynne.–Etill’afait.Saufquejen’aipastenu.–Tues…droguée?souris-je.MaisLynneneréponditpasàmonsourireet,àlaplace,jevisleslarmesperleràsesyeux.– Je veux me marier, Kat… Je t’assure que j’aime Philip, mais… on ne peut pas aimer deux
personnesenmêmetemps.JefixaiLynne,soncorpsfrêleperdudansunerobedemariéehorsdeprixd’unetaillemonstrueuse.
À l’imagedecemariage,cette robe,pourtant sublime,était en trainde l’engloutir.Elle s’yperdaitet,bientôt,notreamitiédisparaîtraitàsontour.
–Lynne,n’attendspasdemoidetedirequoifaire.Tuconnaismonavissurlesujet.–Jesais,jesais.–Vousnevousêtespasrevusdepuis…lebaiser?murmurai-je.–Non.Mais depuis ça, c’est comme si tout avait changé. Ilm’a envoyé des fleurs,Kat. Sais-tu
depuiscombiendetempsPhilipnem’apasenvoyédefleurs?Lajeunecouturières’excusaetLynneenprofitapourdescendredesonestrade.Elles’assitprèsde
moietmaintenantquej’avaissonvisagesiprèsdumien,jevoyaisàquelpointelleétaittourmentée.Jepris samaindans lamienne et l’encourageai àmeparler. Je ne savais pas siLynne aurait le couraged’allerauboutdesaréflexion.Nathanavaittellementattendu.
– Nathan connaît mon livre préféré, et peut-être même ce que j’aime manger le soir devant latélévision.
Elleétouffaunsanglot,maisleslarmescoulèrenttoutdemêmesursonvisage.–Quevas-tufairealors?–Jenesaispas.Jelibéraisamain,lassedelavoirsedébattre.Alorsquejemebattaispourpréservermarelation
avecAndrew–au risquede leperdreunpeuplusà chaqueminutequipassait–,Lynne saccageait la
chancedebonheurquiluiétaitofferte.–Tum’enveux?demanda-t-elled’unepetitevoix.–Pourquoijet’envoudrais?–Ehbien,tuviensderompreavecAndrew,etmoi…jet’étalemarelationbizarreavecNathan.–Jenet’enveuxpas,Lynne,larassurai-jeensortantmonportabledemapoche.Trois nouveaux messages et deux fois plus d’appels en absence. Andrew, à chaque fois. Je les
effaçai rapidement, avant de couper définitivementmon portable. Près de vingt-quatre heures sans luiparler,etj’étaisdéjàdansunétatdemanqueviolent.Lasensationtoujoursplustenacequej’étaisentraindedétruirenotrerelationmetaraudait.
–Tupensesquejedevraisarrêter?– Je pense que tu ne peux pas jouer sur les deux tableaux éternellement. Je veux dire que… la
franchise, l’honnêteté, dans un couple, c’est… la base, non ? Si tu constates que Nathan a pris plusd’importancequePhilip,ilfautquetuenparles.Aveclesdeux!
Avecironie,jesongeaiàquelpointmondiscoursétaithypocrite.J’auraisdûparleràAndrew.Pourlui,pourmoi,etpournotrehistoire,ildevaitsavoir.
Eleanor l’avait quitté, et rien que pour cette simple raison, il devait cesser de lui pardonner sesécarts.Ilcomprendrait,merépétai-je.IlcomprendraitpourquoijeneluiavaisrienditàSanFrancisco.Parcequ’àsonimage,parcequ’ilavaitdéteintsurmoi,jevoulaisleprotégerdumondeetconserverlabullehermétiquequinousentouraitquandnousétionsensemble.
Après cette conversation,Lynne reprit sa place sur le podium,mais je ne vis plus aucun sourires’affichersurseslèvres.Jesavaisqu’elleréfléchissaittoutentripotantnerveusementletissudesarobe.
***
Je passai le reste de l’après-midi à regarder ma montre, redoutant chacune des minutes quipassaient.
Pourtant,laprésencedeGregoryàmescôtésmerassurait.Évidemment,ilavaitrâléàproposdematenue.J’avaisrécupéréquelquesaffairessurlecheminduretouràsonappartement,notammentlarobequejeportaislorsdemasoiréeauthéâtre.
UnepartdemoiétaitainsiavecAndrew,hantéeparlessouvenirsdenotrepremièrenuitensemble.EnmemaquillantdanslasalledebainsdeGregory,jeréfléchissaisàcequejedevaisfaire.Faire
parlerDanieln’allaitpasêtresimple. Ilétait ferméet tellementsecret sur sonpassé.Gregoryétaitdeplusenplusinquietdemoncomportement.LuiaussiavaitdûmentiràAndrew,l’informantquej’avaisperdumontéléphoneportable.
–Cette excuse ne fonctionnera pas longtemps,me prévintGregory tout enm’aidant à enfilermaveste.
–Jesais,soupirai-je.–Jedoutequetonplanfonctionne.Sicequetucroisestvrai, iln’yaaucuneraisonqu’ilcraque
maintenant.–Jeveuxjustelemettreaupieddumur.–Ilniera,m’avertitGregory.–Jenecherchepasàobtenird’aveux…Jeveuxjustequ’ilcomprennequesonsecretn’enestplus
un.–Aussiefficacequetecolleruneciblesurlefront!
Jenerépondispas,perduedansmessouvenirs:Daniel,lorsdenosétreintes,s’étaitmontrébrutaletdominateur.Jeredoutaiscequ’ilpouvaitfaire,acculéetaudésespoir.IlavaitvoulutuerAndrew,etrienquepourça,rienquepouryavoirpensé,ilméritaitd’êtrepuni.
GregoryavaitbesoindepasserauPeninsulapoursonrapportdesécuritéhabituel. Jedécidaidel’attendre dans la voiture, verrouillée, dans le parking.Quand il réapparut, vingt bonnesminutes plustard,sonvisageétaitlivideetsonfrontluisant.Jeluiouvrislaportièredel’intérieur,inquiètedelevoirsimal.
–C’estpourtoi,lâcha-t-ilenmelançantunepetiteboîte.–C’estouvert,constatai-je.–Mesuresdesécuritédel’hôtel.Laplupartdescolissontouverts.En soupirant, je soulevai le carton. J’y trouvai un téléphone portable flambant neuf, ainsi qu’une
notemanuscrited’Andrew:
Tusemblesenavoirbesoin.Appelle-moi,quandtuveux.Tumemanques.A.
–Jet’avaisditquecetteexcusenefonctionneraitpaslongtemps,lâchaGregory,mécontent.J’allumai le téléphone avec le code fourni par Andrew. Il l’avait judicieusement choisi pour sa
symbolique:ladatedenotrepremièrenuitensemble.Àpeineallumé,letéléphonecarillonnaentremesmains.Jechangeailesparamètres,optantpourle
silenceetladiscrétion.Unmessaged’Andrewapparutaussitôtsurl’écran:
Tavoixmemanque.Tumemanques.Jenesupportepluscesilence,appelle-moi.A.
Prisede remords, j’envisageaiunecourte secondede le rassurer,de luidireque toutallaitbien.Maisj’avaisl’impressiondem’enfoncerencoreplusdansunmensonge.Jen’allaispasbien,etcommentaurais-jepulerassurerquandj’étaisauborddelapaniqueàl’idéededîneravecunhommequiavaitcomplotépourletuer?
– Kat, il est vraiment à bout de nerfs. Je ne sais pas si j’ai bien fait de te suivre là-dedans,commentaGregoryennousconduisantverslerestaurant.
–Jenesaispasnonplus.Jerangeailetéléphoned’Andrewdansmonsacàmain,toutprochedeceluiquiavaitprétendument
disparu.Surlaroutedurestaurant,jem’efforçaid’oubliermessentimentspourAndrew.Jefaisaistoutçapourlui.
***
Danieletmoidevionsdînerdansunrestaurantfréquenté.Notretabledonnaitsurl’extérieur,etGregdevait rester à nous observer dans sa voiture. Il n’en était pas ravi, rappelant que les « planques »nocturnesétaientcequiluimanquaitlemoinsdesacarrièredanslapolice–lesplanquesetlesdonutstropgras.
J’arrivaidanslerestaurantavecunpeud’avance.Enregardantverslarue,jedistinguailavoituresombre deGregorygarée juste en face. Je commandai un verre de vin, uniquement dans le but demedétendre,tandisquejetordaismaservietteentremesmains.
QuandDanielarrivafinalement,jemecrispai,totalementfigéesurmachaise.–Bonsoir,Kat.Tuestrèsjolie,commenta-t-ilavantdem’embrassersurlajoue.–Merci…Tuestrèsélégant,toiaussi,murmurai-je,hésitante.
–C’estpourtoi.Ilmetendituneroseblanche,etenl’acceptant,jecomprisqu’ilétaitentraindemetester.Jesentis
labileremonterdansmagorgeetlafulguranteenviedelegiflermesaisit.LavoixdeGregory,forteetinquiète,merevintenmémoire:ilsaitpourlesfleurs.Danielmefixa,jaugeantcertainementleseffetsdesaprovocation.Jemesavaispâle,carbrusquementlatêtemetourna.
–Mer…merci,balbutiai-jeenmerasseyant,unpeutitubante.Hagardeettremblante,jeposailafleursurlatable,làoùjesavaisqueGregorylaverrait.–Est-cequetoutvabien?s’inquiétaDanielens’asseyantfaceàmoi.–Je…Euh…oui.Disonsque…–Tun’aimespaslesroses?–Si,si,approuvai-jeprécipitamment.Letondudînerétaitdonné.Danielnemelaisseraitaucuneéchappatoire,etsij’avaiscruavoirun
quelconqueavantagesurlui,celaserévélaitmaintenantêtreunemonumentaleerreur.Nousbûmesnosapéritifsrespectifs,perdusdanslacontemplationl’undel’autre.Dumoins,c’estce
que je tentaisde lui faire croire. Jedevais le faireparler, le faire explosermême, et je savaisque ledétonateurseraitAndrewetnotrerelation.Parunheureuxcoupdusort,Daniellançalui-mêmelesujet:
–Ilt’offraitdesroses,n’est-cepas?s’enquit-ilenlorgnantsurlafleurposéesurlatable.–Je…Oui,avouai-je.C’étaituneformederituel,expliquai-jed’unevoixneutre.Tunepouvaispas
savoir!–Non.C’estvrai,admit-il.C’estjustepénibled’arriveraprèslui.–Tuétaislàavantlui,lecorrigeai-je.Danielrelevalesyeuxversmoi,semblantméditersurcequejevenaisdedire.Commeunsignedu
destin, jesentismonportablevibrer.Jemejetaisurmonsac,mefustigeantdenepasavoirsongéàlecouper.
Andrew.Encore.Je déviai l’appel vers mon répondeur. À chaque nouvel appel, à chacun de ses messages que
j’ignorais,jemesentaisdeplusenplusmal.Danielsuivaitmesgestesdesyeuxet,rapidement,jebalayailesujet:
–Justemonpère,dis-jedelamanièrelaplusdétachéequisoit.–Ils’inquiètepourtoi.–Toujours.Surtoutquandils’agitdemaviesentimentale.Ilatendanceàcroirequ’aucunhommene
luiarriveàlacheville.–PasBlakeentoutcas!Jen’arrivepasàcroirequ’ilaitrompuavectoi…–Daniel,luietmoi,nousnesommespasvraimentdumêmemonde.Ilyavaitpeudechancesque
celafonctionne.– Ce que je veux dire, c’est que c’est étrange de sa part… Avoir tout fait pour t’avoir, pour
ensuite…–…melarguer,finis-jepourluisuruntonacide.Crois-moi,iln’yapasétédemainmorte!Jeportaimonverreàmeslèvres,heureusedebaissermonvisage.Jedoutaisdeparveniràmentir
toute la soirée. Toutefois, le souvenir du départ nocturne d’Andrew après l’agression deMeghanmesaisitetjefrissonnaiensongeantàlapeinequej’avaisressentie.Jen’avaispasvoululeperdrecesoir-là,etjelevoulaisencoremoinsmaintenant.
Jeglissaimontéléphonedansmonsac,defaçonàpouvoirlevoirsansqueDanielneleremarque.L’écrandemonportables’illumina,commeàchaquenouvelappeld’Andrewquejerejetais.Unmessagesûrement.
–Çanem’étonnepasdelui,repritDaniel.–Tuenparlescommesituleconnaissais.–Jeparlaisdemanièregénérale,tusais…Leshommesdepouvoir.Cetypesepavanecommesile
mondeentierdevaitseprosterneràsespieds.–C’estunpeuréducteurcommeimage.–Réducteur,maisvrai…–Dan, si j’ai choisi d’être avec lui, pendant un temps, c’est qu’il nedevait pas être si horrible.
Quandtulemetsencause,lui,tumemetsencause,moi.C’est…déroutant.–Excuse-moi,cen’étaitpasmonintention.Jepersistejusteàcroirequ’iln’aaucunemorale.–Tuconfondsleméprisetl’immoralité,suggérai-je.Danielmefixaétrangementet,pendantunecourteseconde,jecrusqu’illisaitenmoi.Jepaniquaiun
peu,espérantpouvoirmesortirdeceguêpier.–Quoi?fis-je,tandisquemesyeuxregardaientpartout,saufDaniel.–Tuasraison.Jeleméprise,parcequ’ilestimmoral.Nosplatsarrivèrentenfin,etc’estpresqueavecsoulagementquejeplantaimafourchettedansmon
saumon.Qu’est-cequim’avaitprisdefoncerdanscettehistoire?J’étais partagée entre incrédulité et envie de hurler.Mais je m’attelai à ma tâche, espérant tout
retenirpourfaireuncompterendudétailléàGregory.Danieldégustasaviandesilencieusement.Aprèsm’avoirfixéedelongsinstants,jecrusqu’ilallait
parler,mais ilme laissamener la conversation. Jen’aimaispas ça.PlusDaniel se renfermait sur lui-même,pluslesecretseraitdifficileàdévoiler.
–Jenecomprendspasquetuledéfendestoujours,lâcha-t-ilfinalement.–Etjen’aijamaiscompristonméprisenverslui.Andrewapeut-êtredesquantitésdedéfauts,mais
tunepeuxpasluireprocherd’avoiraimésafemme.LecouteaudeDanieldérapadanssonassiette,etjevissapommed’Adamtressauterdanssagorge.
Ilpâlissaitàvued’œilmais,trèsvite,sesémotionss’effacèrentpourlaisserplaceàunsourirefactice.–Alorsc’estça?Lemytheduveuféploré?plaisanta-t-ilens’essuyantlaboucheavecsaserviette.–Tulesavaisalors?demandai-je,stupéfaite.–Biensûrquejelesavais…Jenecomprendsmêmepascommenttuaspucroirequ’ilétaittoujours
marié.Cettehistoiredefemmequ’ilestcenséregretternesertquesonimage!–Tun’ycroispasalors?Tunecroispasqu’ilaaimésafemme?– Je crois que les choses changent ! Les couples que l’on croit parfaits ne le sont pas vraiment
finalement!–Parle-t-ontoujoursd’Andrewoudetoi?luiassénai-je,dépasséeparmonagacement.Danielposasescouvertsetmefixaaveccetteintensitéétrangeeteffrayantequiluiétaitpropre.La
têtecaléesursesmainsjointes,ilprituneprofondeinspirationetselança:–Onparlede tout lemonde,Kat.Tu idéalisesuncouple,alorsque tuneconnaisqu’Andrew.Et
encore,àpeine!–Doncc’estellequiétait…coupable?proposai-jefautedetrouverdesmotsplusadéquats.–Non,déclara-t-ilfermement.Jecroisplutôtquec’estlui.Ilpassesontempsauxquatrecoinsdu
pays,commentpouvait-elleêtreheureuse?Cen’estpascommeçaquelaviedecoupleseconçoit,Kat.–Tuasraison,admis-jefinalementpourcalmerlejeu.J’imaginequ’effectivement,çanedoitpas
êtresimpled’attendretoujoursquelqu’un.Danielrepritsescouverts, ignorantmadernièreremarque.Jegrimaçai légèrement,déçuequ’ilne
fonce pas tête baissée dans le panneau. Je dégustai un peu de poisson, avant de tenter une dernière
pirouette:–Larumeurditqu’elleavaitunamant,lançai-jeaveclégèreté.–Peux-tujustemedirepourquoinouspassonsnotredîneràparlerdeBlake?–Daniel,onnevapasfairecommes’iln’avaitjamaisexisté.–J’aimeraisautant!–Tumereprochesd’avoirétéaveclui,quandjechercheseulementàallerdel’avant.J’aimerais
justecreverl’abcès.Danielsoupiraettoutsoncorpss’affaissabrutalement.Ilétaitentraind’abdiquer.–Soit…Crevonsl’abcès,répéta-t-ilenlevantlesyeuxauciel.Tudisais?– Jedisais que tu avais raison sur les couples imparfaits… la rumeurdit que sa femmeavait un
amant.–Elleasûrementtrouvéailleurscequ’ilneluioffraitpas.Son regard s’assombrit et il se concentra de nouveau sur sa viande,mastiquant rapidement pour
éviterdeparler.Ensilence,jefinismonpoisson.
***
Aprèsquelaserveuseeutdébarrassénosplats,jem’éclipsaiverslestoilettespourreprendredesforces. Seule devant le miroir, je m’encourageai à poursuivre, alors que tout me poussait à fuir parl’étroitefenêtrequidonnaitdansuneruelle.
Mon téléphonevibradenouveau.Le rythmedesappelsd’Andrews’étaitaccéléré,chacundesesappelsétaitdésormaisespacédetrenteminutes.L’envied’entendresavoix–dem’expliqueraussi–étaitforte.Aussi,jemeclaquemuraidansunedescabines,etcomposailenumérodemonrépondeur.
14nouveauxmessages.
J’allaidirectementaudernier,espérantqu’ilnesaborderaitpaslepeud’énergiequ’ilmerestait.–Kathleen,jenesaispascequ’ilpasse,maisjejurequejesuisentraindedevenirfoufurieuxici.
Turefusesmesappels,nerépondspasàmesmessages.Gregorym’aditquetuavaisperdutonportable,maisdanscecas,pourquoisonne-t-iltoujours?Tusaisàquelpointjesuisattachéàlaloyautédansnotrerelation,situasquelquechoseàmedire,j’aimeraisautantquetujoueslafranchise.
Jeplaquaiunemainsurmabouche,retenantl’effroyablesanglotquiavaitmenacédes’enéchapper.Mesépaulestressautaient,maisjeréussisfinalementàretenirmeslarmes,alorsquelesouffleerratiqued’Andrewmeparvenaitdanslecombiné.
–Tuastoujoursétémonexception,Kathleen.Jedoisadmettrequesurcepoint,çanechangepas.Rarementquelqu’unnem’avaitautantdéçuquetoi.
Jecoupaiunenouvellefoismontéléphone,ravalantmonchagrin:jedevaistenir,aumoinsjusqu’àlafindudîner.
Jem’autorisaiàliresesmessages.TroisdepuisqueDanielétaitarrivéaveccetterose.
Jesuisinquiet,etnepassavoircequisepassemerenddingue.Appelle-moi.A.Jejuredeprendrelepremiervoldemain,situnerépondspasimmédiatement.A.N’écoutepasmonderniermessage,j’étaisencolère.Jejurederemuercieletterrepourteretrouver.Oùquetusois.A.
Jefixail’écrandelonguesminutes,tentantdésespérémentdecontenirtouteslesémotionsétrangesetcontradictoires qui se saisissaient de moi. Détachant mon regard du téléphone, j’observai la petite
fenêtre,plustentantequejamais.Maisunejeunefillepénétraalorsdanslapetitepièce,et,priseaupiège,jen’eusd’autrechoixquederetourneràtable.
***
NosdessertsavaientétéservisetDanielétait,luiaussi,entraindeconsultersontéléphone.Enmevoyant,illereposaetm’offritunsourireheureux.
–C’étaitmonpère,rit-il.Àcroirequ’ilssesontpassélemot!–Commentva-t-il?luidemandai-jeendégustantmacrèmebrûlée.–Bien.Mêmesisonmédecinluiademandéderalentir.Iladesproblèmescardiaques!–Oh…Iltravailletoujours?–Oui.Ilaimesonmétier,iladumalàfreiner.Peut-êtrequetoitupourraisleconvaincre?– Je ne crois pas avoir ce genre d’influence sur lui, plaisantai-je. Cautionne-t-il aumoins notre
relation?–Jen’aijamaisattendul’avisdemonpèresurcesujet.–Quelquechosemeditquel’avisdeJodieestplusimportant,non?LepremiervraisouriredeDanielapparutàcet instant.Sesyeuxbrillèrentdejoieet ilsecouala
tête.–Jodieest…–…commetasœur?tentai-je.–Ohnon!Jenel’aijamaisconsidéréecommemasœur.Ilritlargement,melançantunregardsuggestif.Jemanquaidem’étoufferavecmondessert,songeant
qu’effectivementJodie,avantd’êtresonamie,étaitaussiunejoliefemme.–Oh…Jenesavaispasquevousaviezeu…unehistoire.–Pasvraimentunehistoire.Àvraidire,ils’agissaitplusd’unmalentendu.–Était-ceun«malentendu»…quiaduré?–Tuveuxsavoirsionacouchéensemble?–J’aicommeundoutesurlaréponse,ironisai-je.Maisjenetesavaispasaussi…séducteur.Revenir surEleanor, sur sonpasséavec les femmes,étaitpeut-être le seulmoyende trouverune
failleenlui.–Jenetienspasdedécompte,medit-ildansunsourire.–Etcettefemme…Jeveuxdire,celleavantmoi?–Kat,grogna-t-il.Jeneveuxpasenparler…–Jet’aiparléd’Andrew,j’aimeraisvraimentquetumeparlesdetonpassé.–Enquoiest-ceimportant?–C’est juste…pourmieux teconnaître,balbutiai-je.Jeveuxdire,cettefilledevaitvraimentêtre
importante,sinontuenparleraisplusouvertement.–DoncAndrewétaitimportantpourtoi?–Cen’estpaslamêmechose,tuconnaisAndrew,argumentai-jeavantdememorigénerd’enavoir
peut-êtretropdit.–Connaîtreestunbiengrandmot!–Parle-moid’elle,soufflai-je.Daniel soupira et j’eus la sensation fulguranteque l’air se raréfiait. J’étais en traind’utiliser les
mêmes mots qu’avec Andrew. Les mêmes mots, pour la même femme. La nausée avait refait son
apparitionetjeprisdeprofondesinspirationspourmereprendre.Lemélangedenervositéetdepaniquenem’aidaitpasàtenirmonrôle.Maismonvis-à-vissemblal’ignorer,perdudanssesproprespensées.
–C’étaitunefillebien,lâcha-t-ilfinalement.Exubérante,jolie…Rieuse.–Et?–Etnousn’avionspastoutesleschancesdenotrecôté.Elleétaitmariée.–Oh…fis-je,faussementétonnée.Jem’enfonçaidansmachaise,unpeuchoquéemalgré toutd’entendreDanielparlerd’Eleanorde
cette façon.Ma phase de fascination à son sujet avait maintenant pris fin. Et je ne savais plus si jel’appréciaisounon.Ellesemblaitparfaiteauxyeuxd’AndrewetdeDanielet,pourtant,satrahisonmehantaittoujours.
–Çatesemblehorrible,c’estça?L’idéequej’étaisl’amantd’unefemmemariée?– Pour être honnête, ça m’étonne de ta part… Surtout après ton couplet sur le mépris et
l’immoralité!–Elleétaitmalheureuse.Sonmarin’étaitpas…vraimentattentionné.–Maispeut-êtreque…–Kat,nelajugepas.ElleétaitbienmeilleurequeBlake!Je tressaillis et j’eus la sensation de suffoquer. Il l’avait dit. Enfin… Daniel ne s’était pas
immédiatementrenducomptedelaportéedesesmots,etcen’estqu’enrelevantlesyeuxversmonvisageravagéqu’ilsereprit.
–Jeveuxdire…puisqu’onparledeluietdesafemme.–Onneparlaitpasdelui,ripostai-jerapidement.Onparlaitdetoietdecettefemme.–Jesavaisquejen’auraispasdût’enparler.–Daniel,jecherchejusteàtecomprendre.–Elle étaitmariéeàun sale typequin’avait aucuneconsciencede la fillequ’elle était.Voilà la
vérité, débita-t-il les mâchoires serrées. El… Cette fille était incroyable, elle me rendait heureux.Maintenant,c’estfini,etj’aimeraispasseràautrechose!
Brutalement,samains’abattitsur la table,mefaisantsursauter.Lesconvivesautourdenousnoustoisèrent,etilmesemblavoirlacarotidedeDanpalpiterdanssoncou.
–Ellet’aquitté?murmurai-je.–Eneffet.Uneserveusepassaalorsprèsdenous,etDanielluidemandal’addition.Ledînerétait terminé,et j’étaisépuiséed’avoirjouécerôle.Jen’avaispasatteintmonbut,mais
Daniel s’était laissé aller enma présence.C’était un début. Il régla la note en liquide,m’adressant àpeineunregard.
–Lesujetest-ilclosoumavietefascine-t-elleencore?–Cen’estpascequejevoulais.Jevoulaisjuste…partirsurdebonnesbases.Underniersourirecrispé,etDanielsedétenditenfindevantmoi.Danslafoulée,jeluipromisdene
plusaborderlesujet,espérantregagnerlaconfiancequej’avaisperduequelquesinstantsauparavant.Ilposasamainsurlamienneetselevadetable.
–Sortonsd’ici,m’intima-t-il.
***
Àlasortiedurestaurant, j’avaisunesensationdetrop-plein: tropd’informations, tropdecolère,tropdedétailsenapparenceinsignifiantsmaisquimerendaienthystérique.
J’étaissonnée,assomméeparl’ampleurdelatâche.Commesibrutalement,lavagueétaitbientrophauteetbientroppuissante.L’airfraismefrappalevisage, je tentaidedégagermamain,maisDanielresserrasaprise.
–Mercipourledîner,marmottai-jeenespérantfuirauplusvite.–Merciàtoi.J’aipeut-êtreétéunpeutrop…durcetaprès-midiavectoi.–Non,non,l’excusai-je.J’aisûrement…méritéça,articulai-je.J’aiétéidiote!–Tun’espasidiote.C’estjusteluiquiesttropstupidepournepasavoirsaisilachancequ’ilaeue
avectoi.–Jedoistelaisser.Jesuisunpeufatiguée,mentis-jeenjetantuncoupd’œilfurtifverslevéhicule
deGregory.–Pouvons-nousnousrevoirdemain?–Demain ?Euh…non… J’ai une quantité de choses à faire. Je voisLynne, notamment, pour le
mariage.Quedirais-tud’undéjeunerjeudi?proposai-jeavecmonplusbeausourire.Danielfronçalessourcils,préférantsûrementenvisagerundînerromantiqueàunbanaldéjeuner.–Oh…D’accord.Jeudialors!Ilyeutunsilencepesant.Danielm’attiracontreluietm’emprisonnadansuneétouffanteétreinte.Je
m’agrippai à sa veste, priant pour queGregory ne fasse pas un coup d’éclat.Quand finalement ilmerelâcha,j’étaistoujoursdansunétatsecond.
–Quit’accompagneaumariage?medemanda-t-ilfinalement.–Personne.–Jet’accompagneraialors,promit-il.Pétrifiéesurletrottoir,jesentismarespirationsecouper.J’étaisentraindeperdretoutcontrôlesur
moncorpsetsesréactions.Sil’idéed’inviterDanielaumariagem’avaitparuséduisantedeprimeabord,jelatrouvaismaintenantabsolumentrepoussante.
Cedînerm’avaitprouvéquej’avaistort.Jenepouvaispasagirseuledanscettehistoire.C’étaitunedécisionirréfléchieettotalementirrationnelle…Etsurtout,j’étaisentraindeperdreAndrew.C’étaitladernièrechosequejevoulais.
–Jevaisyréfléchir,éludai-je.–Jeprésumequ’ilyaundînerderépétitionvendredi?Lalueurperversequibrillaitdanssonregardnem’échappapas.Jesavaiscequ’ilespéraitdenotre
relation.–Jet’enreparlejeudi,approuvai-jeenregardantmamontre.Ilfautvraimentquejeparte!–Bien.Jeteraccompagne?–Çaira,jevaismarcher.–Commetuveux.Il me fixa intensément, attendant sûrement un geste attentionné de ma part.Mais c’était trop me
demandermaintenant.Moncorpsétaittellementtenduquej’étaisincapabledebouger.Alors,Danielfitcequ’ilavaitfaittoutelasoirée:ilpritlesdevantsetm’embrassasurlajoue.Jemesentispâlir,alorsqueseslèvrestraînaienttroplongtempssurmapeau.
Lasensationdebrûluren’avaitrienàvoiraveccequejeressentaisquandAndrewfaisaitlamêmechose.Là,iln’yavaitnifrustrationnienvie…Justelesentimentdésagréablededégoûtetdehaine.Jerefusaisqu’ilmetouchedenouveau.
–Rentrebien,Kat,murmura-t-ilàquelquescentimètresdemagorge.–M…Merci,balbutiai-jeendéglutissant.
Je lui tournai alors le dos, l’un demes premiersmouvements depuis que nous étions dehors, etmarchaiendirectiondelastationdemétro.Jejetaiplusieurscoupsd’œilderrièremoi,Danielmesuivaitduregard,s’assurantquejerentraiseffectivementchezmoi.Finalement,auboutdequelquesminutes,iltournalestalonsetpritsurlagauche,bifurquantversuneautrestation.
Ce n’est qu’en voyant la voiture de Gregory me dépasser pour se garer devant moi que marespirationsemblareprendreunrythmenormal.Sansriendire,ildescenditdelavoitureetm’agrippalecoudepourm’installersurlesiègepassager.Toujourshagarde,jemelaissaifaire,heureusedeneplusavoirvraimentconsciencedemesactesetdemesmouvements.
Gregoryredémarraet,dansunsilencedeplomb,nousrentrâmesàsonappartement.
***
Àpeineavais-je franchi laportede lachambreque j’occupaisque l’odeurdes rosesme frappa.J’allumai la lumière, tombantdevantunnouveaumagnifiquebouquet. J’étais tétanisée,nesachant si jedevaisvraimentouvrirlecarton.
–C’estd’Andrew,commentafinalementGregoryderrièremoi.C’estarrivéàl’hôtel,j’aidemandéàLeedelesamenerici.Ilalaclédechezmoi,ajouta-t-ilalorsquejemetournaisverslui,deplusenplusstupéfaite.
–Andrewsaitpourtantquejenetravailleplusàl’hôtel.–C’estleseulmoyenqu’ilatrouvépourtecontacter.Jeregardailesfleurs,sublimes,immaculéesettellementsymboliques.Délicatement,jeprislacarte
quiaccompagnaitlebouquetet,lesmainstremblantes,jel’ouvris.
Jet’aime.Andrew.
C’estàcetinstantprécisquejesentismoncorpsmelâcher.Lepetitcartonvolaausol,tandisquejem’effondrais sur le lit.Levisage cachédansmesmains, je tentai de refouler les larmesbrûlantesquimenaçaientdem’engloutir.J’avaislasensationhorribledetomberdansungouffresansfond,attiréeparl’obscuritédeDaniel,alorsqu’Andrewmetendaitlamain.
Je sentis le lit s’affaisser, puis le bras de Gregory entoura mes épaules. Il me serra contre lui,commeill’avaitdéjàfaitparlepassé.Soncorpschaudetmusclémerassura,etjemeforçaiàretrouverlecontrôle.JedevaisencoreluiracontermondîneravecDanielet,sijeflanchaismaintenant,jen’auraisplusnilaforcenilessouvenirsprécispourtoutluidireensuite.
–Dis-moiseulementquetun’aspasfaittoutçapourrien,lâcha-t-ilavecsérieux.–Jenesaispas,avouai-je.As-tuvulafleurqu’ilm’aofferte?–J’aivu,Kat.Jet’avaisprévenuequ’ilsavaittoutdetavie.Jeme levai, frottant nerveusementmon visage d’unemain. J’arpentai la pièce, cherchant par où
commencer.–Nousavonsparléd’Andrew,commençai-je.J’aitentédeleprovoquer,pourvoirsafureur.Pendant quinze minutes, Gregory écouta religieusement le récit de mon dîner avec Dan. Il
m’interrompitpourquelqueséclaircissementsetm’encourageaquandmesémotionsfaisaienttremblermavoix.
–IldétesteAndrew,murmurai-jeenguisedeconclusion.–Évidemment,maisjenepensepasqu’Andrewn’aitqu’unseulennemiencebasmonde.–Jesais.C’estpourçaquej’aidécidédecreuserunpeu.
JemerassisprèsdeGregory.Ilfronçaitlessourcilsetjeluiexpliquaimonplan.–IlfallaitqueDaniels’ouvreàmoi…Alors,j’aiprêchélefaux.–Kat,dis-moiquetun’aspasfaitça!s’exclamaGregoryenécarquillantlesyeux.Jeluirésumai lemomentdudînerdurant lequelDanavaitperdulecontrôle,où,pendantuncourt
instant,ilavaitparléd’Eleanor.–Çaneprouverien,commentaGregory.–Greg,j’aivusonregard.Etjenecherchemêmepasàprouverqu’ilétaitsonamant,jelesais!–Ettut’attendaisàquoi?Qu’iltedéballetoutcommeça?Je fixai Gregory pendant un long moment, avant de comprendre qu’il n’était plus de mon côté.
Quelquepart,aucoursdecettesoirée,ilavaitchangédecamp.–TuasparléavecAndrew?demandai-jeenconnaissantdéjàlaréponse.–Ilsesouciedetasécurité,ettoi…tu…tuprovoquescetype!–Jeveuxjusteavoirlefinmotdel’histoire.–Aupointd’ignorerBlake?Kat,ilestàdeuxdoigtsdedébarquerici!Jereposailesyeuxsurlesfleurs,songeantaucartonquilesaccompagnait.BienavantqueGregory
nem’enparle,jesavaisquej’étaisentraindeperdreAndrew.Jesavaisqu’ils’inquiétait,qu’ilimaginaitsûrementlepire.
–Jevaisluiparler,murmurai-je.–Tuauraisdûlefairedèsledépart,mesermonnaGregory.–C’estvrai.J’aicruquej’yarriverais,jevoulaisjuste…leprotéger.– Tu n’es pas seule dans cette histoire, Kat. Ce n’est pas un boulot de journaliste, Andrew est
impliqué…Etmêmemoi,jenesuispascertaindevouloirassumerça!–Veux-tuaumoinsentendrelafindel’histoire?Gregoryopinaetjemeforçaiàreprendremonrécit.LesderniersinstantsdemondîneravecDaniel
avaientétélespluspéniblesmaiscelui-cis’étaitfinalementouvertàmoietj’avaisterriblementbesoind’unavisextérieursursesrévélations.
JefixaiGregory,attendantanxieusementsonverdict.Ilrelevalesyeuxversmoietjediscernailespremierssignesdefatiguesursonvisage.Lespoingsserrés,ilselevadulitetposasesgrossesmainssurmesépaules.
–OK…Admettonsquetuaiesraison…–J’airaison,corrigeai-je.–IlfautprévenirAndrew.DanielaaccèsauPeninsula,ilteconnaît…Ilatouteslescartesenmain
pourcommettrelepire.Jeneprendraiaucunrisque.Kat,s’ilvenaitàêtreblesséoupireencore,jeneveuxpasêtreceluiquitel’annoncerait.Ilfautluidire.Ilalesmoyensdes’entourer,deseprotéger,etsûrementdemenersapropreenquête.
Je soupirai lourdement. Gregory avait raison, mille fois raison. Mais je craignais la réactiond’Andrew.J’avaispassélesdernièresvingt-quatreheuresàl’ignorer,etmaintenant,jedevaisenplusluidirequejeconnaissaisl’amantdesafemme,etquecetamantavaitaussivoululetuer.
– J’ai encore quelques amis dans la police, je vais leur demander de mettre Daniel soussurveillance.
–Danieletsonpère,précisai-je.–Tudevraisdormir.–EtAndrew?m’enquis-jecommesiGregoryallaitmedonnerlasolution.– Repose-toi d’abord. Demain, je te dépose chez toi le temps d’aller parler aux collègues. Tu
l’appellerasenm’attendant.
–D’accord,murmurai-je.Soudain,Gregorymeserracontrelui,m’étreignantavecuneforcepresquesurhumaine.Jeleserraià
montour,heureusequ’ilsoitlàpourmeguider.
***
Lelendemain,aprèsunenuitchaotiqueentremescauchemarsausujetdeDanieletmacraintedelaréactiond’Andrew,Gregorymedéposachezmoi.Ilm’assuraenavoirpourl’après-midietj’acquiesçai,sansriendire.
–Jeseraideretourenfindejournée,d’icilà,arrangeleschosesavecBlake.–OK,Greg.Jesortisdelavoiture,incertaineetgroggy.Lafatigueassociéeàmesnerfsentraindelâcherunàun
merendaientamorphe.Lesjambesencoton,jetitubaijusqu’autrottoir,avantquelavoixdeGregoryneretentissederrièremoi.
–N’ouvreàpersonne!Etjecomptesurtoipourrestertranquille,pasdenouvellesembrouilles!Jehochailatête,assurantàGregoryquejen’allaispasfaired’autresfolies.Jefranchislaportedel’immeubleetappelail’ascenseur.J’allumaimonportable,m’attendantàun
flotdemessagesd’Andrew.Maisrienn’arriva.Montéléphonerestasilencieuxetcelam’effrayad’autantplus.
Arrivée à mon étage, je sortis de l’ascenseur et me dirigeai vers mon appartement, prenantconsciencequejenel’avaisquerarementhabitédernièrement.Jefouillaidansmonsacàlarecherchedemontrousseaudeclésavantdereleverlesyeuxverslaporte.
Je frissonnaienconstatantqu’elleétaitdéjàouverte.Je la repoussaidoucement, lecœurfrappantavec violence dans ma poitrine. Mon appartement avait été ravagé, mis littéralement en pièces. Lecanapé, renversé, avait été repoussé au milieu du salon. Mes quelques cadres photo gisaient au sol,brisés.
JetentaidejoindreGregorymaistombaiaussitôtsursamessagerie.Merde!J’entraiprudemmentdansl’appartement,etinspectaichacunedespièces.Monlitavaitétérenversé,
lematelasdécoupéaucouteauetmesoreillerscrevés.De retour dansmon salon, je décidai deme calfeutrer et calai une chaise sous la poignée de la
porte.Jerepoussaimesaffairesausolduboutdupied,maudissantmonentêtementàvouloirtoutgérer.Unefoisdeplus,jeregrettaidenepasêtrerestéeàSanFrancisco.Parpureprécaution,jedécidaidenetoucher à rien. Il y avait peudechancesquedes empreintesoudes indices soient trouvés,mais jenevoulaispassaccagerlepeud’espoirquiexistait.
Jefouillaidansmonsac,récupérantleslettrespourlescacherdansundesrecoinsdemonmeubledebureau.Jeregardaimamontre,pestantcontrelesidéesdeGregory.Restericin’étaitpasunebonneidée. J’arpentai la pièce, toujours angoissée par l’idée de savoir que quelqu’un s’était introduit ici.Quelqu’un qui avait mon adresse et qui, visiblement, avait pris tout son temps pour réduire monappartementenmiettes.
Descoupsviolentsfrappésàlaportemesortirentdematorpeur.Jemepétrifiai,lesoufflecourt.Lapaniquesepropageadanstoutmoncorps,etjesentismesjambestrembler.
Lescoupsretentirentdenouveau,forts,lourds,enragés.Jemarchaisurlapointedespiedsverslacuisine,etprisuncouteau.Ilyavaitpeudechancesquejem’enserveréellementpourmeprotéger,maiscelamedonnaitducourage.
–Kat!Ouvre!criacettevoixfamilière.
Ledénouementestproche.TouteslesquestionsrestéesensuspenstrouverontleursréponsesdansledernieractedeDearyou,disponibledèslemoisprochain!
Tabledespersonnages
Kathleen–Kat–Dillon:Aprèsavoirabandonnésacarrièredejournaliste,Kathleen,jeunefemmede 25 ans, est devenue concierge de nuit dans un palace new-yorkais, le Peninsula. Romantique etprofondémentattachéeàl’importancedudestindanssavie,elleespère,unjour,sereconnaîtredansunedespetitesannoncesduNewYorker.Prenantconsciencedelamonotoniedesonexistenceethantéeparune annonce qui l’a bouleversée, elle finit par y répondre. C’est également au Peninsula qu’ellerencontre Andrew Blake, puissant magnat de la presse, client de son hôtel, un homme séduisant quitroublelaroutineprofessionnelledeKat.
AndrewBlake:ClientduPeninsulaetchefd’entreprisepuissant.Magnatdelapressesurlacôteouest,AndrewBlakeestaussiarrogantqueriche.Ilalimentelesrumeurs,attiselesconvoitises,maispeutsemontrerparticulièrementfragilequandons’attaqueàceuxqu’ilaime.
LynneHoffman : Collègue de Kat, en charge de l’événementiel, Lynne est très terre à terre etraisonnable.TroppourKatquiluireprocheunevieterneetsanspassion.FiancéeàPhilipKingston,elleprépareassidûmentsonmariage.
NathanEvans : Bras droit dévoué d’Andrew Blake, Nathan est un charmeur, bourré d’humour.C’estauPeninsula,àl’occasiond’unerencontrefortuiteetbrutale,qu’ils’éprenddeLynne,collèguedeKat.
EleanorBlake :Décritecommeétantenthousiasteetpétillanteparsonmari,Eleanorestdécédéedansunaccidentdevoiture,laissantAndrewdansl’incompréhensionetlechagrin.
Gregory :Ancienpolicier,GregaconnuKathleenquandelleétaitencore journaliste.DésormaisresponsabledelasécuritéduPeninsula,ilagitcommeungrandfrèreavecelle.
MeghanStanton:Belle,brillanteettoutàfaitconscientedel’être,Meghanpeutsembler,deprimeabord,glaciale,voiremêmepédante.ElleserévèlechaleureuseetsensibleaucharmedeGregoryaufuretàmesuredel’évolutiondelarelationd’AndrewavecKathleen.
DanielCooper:EngagécommebarmanintérimaireauseinduPeninsula,DanielserapprochetrèsvitedeKathleen.
JimCooper:PèredeDan.Jodie :Meilleure amie deDaniel depuis l’enfance.Elle est ravie de la relation qu’entretiennent
KathleenetDaniel,quitteàêtreintrusive.Walt Dillon : Père de Kathleen, policier. Éloigné géographiquement, il demeure pourtant très
protecteurenverssafille.Ilespèrelafairereveniràsonmétierdejournaliste.Sam:CollèguedejourdeKathleen,c’estluiquil’aforméeàsonposte.Ilssonttrèsamis.Lucinda : Femmedeménage d’AndrewBlake.Ouvertement désagréable avecKathleen, car elle
étaitproched’Eleanor.
Bradley :Ancien amant et collèguedeKat, quand cette dernière était encore journaliste.Mis aucourantdusujetsurlequelelleenquête,ilestfinalementretrouvémort.C’estsondécèsquipousseraKatàchangerdemétier.
Janet:Belle-sœurd’Andrew,sœurd’Eleanor.Elleaunfils,David.Malgrél’accidentquiacoûtélavieàEleanor,Andrewetellesontrestésproches.
HarlequinHQN®estunemarquedéposéeparHarlequinS.A.
Conceptiongraphique:AliceNUSSBAUM
©2013HarlequinS.A.
ISBN9782280300629
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