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Enqute documentaire et action didactique conjointe enseignant-lves
Teresa AssudeUMR ADEF (Aix-Marseille Universit & INRP)
Lintgration des technologies numriques dans lenseignement est lun des facteurs
rcents de changement curriculaire. Ce changement est surtout institutionnel puisquil
apparat dans le curriculum officiel mais, pour le moment, certains travaux (Assude
2007, Lagrange & Caliskan 2009, Imbert 2008, entre autres) montrent que le degr de
changement du curriculum rel nest pas encore en phase avec les injonctions
institutionnelles. En ce qui concerne lcole obligatoire, la matrise des technologies
dinformation et de communication est lun des sept piliers du socle commun des
connaissances et des comptences, et dans les programmes de mathmatiques il estexplicite que ces technologies doivent tre utilises pour les apprentissages
disciplinaires mais o en est-on ? Par exemple, la calculatrice qui est indique comme
lune des technologies utiliser avec les lves nest pas vraiment rentre dans les
classes de lcole primaire mme si elle est prsente dans les programmes depuis 20
ans. Des travaux montrent quun certain nombre de rsistances inhibent les usages dans
les classes (Assude 2007). Face ces injonctions institutionnelles (textes officiels), les
professeurs peuvent adopter plusieurs stratgies : certains les ignorent, dautres les
connaissent mais ne les mettent pas en pratique, dautres les mettent en pratique a
minima, dautres sinvestissent dans le changement attendu par linstitution. En France,
ces textes officiels ne sont pas toujours accompagns dautres types de ressources qui
permettraient plus facilement aux professeurs dimplmenter ces changements comme
cela existe dans dautres pays avec le curriculum matriel (Ruthven, chap.10). Et
pourtant le rle des ressources apparat comme lun des facteurs pouvant avoir une
influence positive sur cette intgration.
Nous allons nous intresser au travail documentaire de ces professeurs qui
essaient dintgrer les technologies numriques dans les classes, en prenant appui sur
des recherches propos de lintgration de logiciels de gomtrie dynamique dans
lenseignement primaire dans le cadre du projet MAGI (Mieux Apprendre la Gomtrie
avec lInformatique).
Le travail documentaire du professeur sera analys en relation avec laction
didactique conjointe professeur-lve. Nous essaierons de prciser ce travail partirdune de ses composantes - lenqute documentaire -, et de voir le lien entre types
denqute et contraintes de laction didactique, notamment des contraintes
mesogntiques, topogntiques et chronogntiques. Dans un premier temps, nous
prciserons notre positionnement thorique, et ensuite nous reprendrons le travail fait
dans le cadre des recherches indiques pour prciser comment le travail documentaire
du professeur est contraint par le jeu (Sensevy 2007), non seulement celui qui est
construit par le professeur a priori (partie 2), mais aussi celui qui est jou rellement
dans la classe (partie 3).
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1 Positionnement thorique et hypothses de dpart
1.1 Elments thoriques
Nous allons aborder le problme du travail documentaire du professeur en nous
plaant dans le cadre de la thorie de laction didactique conjointe professeur-lves
(Sensevy 2007). Chacun des termes de ce syntagme a son importance : le terme action insiste sur la dimension des acteurs et de leur agir dans le cadre
dinstitutions, le terme didactique insiste sur lenjeu de laction qui est celui
denseigner et dapprendre des savoirs, et le terme conjointe insiste sur le caractre
relationnel et coopratif de ces actions. Cette action conjointe peut tre caractrise
partir de la notion de jeu qui a le mrite de souligner les aspects affectifs de
laction (linvestissement dans le jeu) et ses aspects effectifs, pragmatiques (quand et
comment gagne-t-on ?) (p.19) Dautre part, cette action peut tre dcrite partir de
trois niveaux : faire jouer le jeu, construire le jeu, les dterminations du jeu (Sensevy
2007) en prenant le triplet des genses : mesogense, topogense,
chronogense (Sensevy, Mercier, Schubauer-Leoni, 2000) :
au sein du systme didactique, le professeur doit agir (dfinir, rguler,
dvoluer, instituer) pour :
- produire les lieux du professeur et de llve (effet de topogense) ;
- produire les temps de lenseignement et de lapprentissage (effet de
chronogense) ;
- produire les objets des milieux des situations et lorganisation des rapports ces
objets (effet de mesogense). (p.267)
Notre postulat de dpart est que si laction didactique est conjointe, elle est
conjointe relativement aux trois niveaux de description, et le travail documentaire peut
tre analys ces trois niveaux en lien avec laction didactique conjointe. Dans ce
chapitre, nous allons nous placer essentiellement aux deux premiers niveaux et voir
comment le travail documentaire du professeur est contraint par le jeu, non seulement
celui qui est construit par le professeur a priori, mais aussi celui qui est jou rellement
dans la classe. Ainsi nous montrerons comment llve, dans son jeu en classe mais
aussi hors de la classe, est prsent dans ce travail documentaire du professeur qui est fait
souvent hors de la classe.
Nous considrons le travail documentaire du professeur comme une enqute
documentaire. Nous entendons par enqute documentaire la recherche mthodique etsystmatique de ressources ou dinformations pour savoir quelque chose : par exemple
savoir ce quil faut faire pour intgrer des technologies numriques dans une classe. Lemot documentation utilis par Gueudet et Trouche (2008) possde un double sens deprocessus et de produit ; comme action de [se] documenter, il pourrait remplacer, par
son aspect de processus, le mot enqute mais il ninsiste pas assez sur le caractre
systmatique et mthodique de cette action. Cette recherche repose sur des problmes et
sur le rassemblement de ressources ou de fragments de ressources qui permettent
dapporter des lments de rponse ces problmes. Ces ressources peuvent tre
matrielles, humaines ou culturelles (Adler, chap.1).
Le rsultat dune enqute documentaire peut tre un savoir (ou une
connaissance) qui nest pas forcment un document. La distinction entre ressources et
document (Gueudet & Trouche, 2008) apparat comme pertinente pour distinguer la
fois lappropriation et la production de nouvelles ressources par le sujet. Par contre,nous navons pas ici les moyens de pouvoir tudier les processus de gense
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documentaire qui impliquent une identification des schmes dusage ou dutilisation des
ressources.
Nous allons nous borner montrer comment lenqute documentaire permet de
construire la rfrence du jeu pour llve (mesogense), de produire les diffrentes
positions institutionnelles du professeur et des lves dans la partage des responsabilits
(topogense) et de penser la gestion des diffrentes temporalits dans la classe(chronogense).
1.2 Contexte des recherches
Comme nous lavons dit en introduction, nous allons appuyer nos analyses sur
un matriel empirique issu de recherches dj termines qui portaient sur lintgration
de logiciels de gomtrie dynamique dans des classes de primaire. Nous allons relire les
donnes de ces recherches1 (corpus constitu par des entretiens denseignants, par des
observations en classe parfois sur le long terme, par des productions dlves ou des
productions de professeurs ou de chercheurs) du point de vue du travail documentaire et
des contraintes de laction didactique conjointe professeur et lves. En effet, certainsdes rsultats de ces recherches nous permettent de faire des hypothses qui seront la
base de nos relectures.
Avant de prciser ces hypothses, donnons quelques indications sur le contexte
de ces recherches. Nous avons travaill avec six enseignants dans deux projets
diffrents : deux (Marie et Marianne2) dans le projet Versailles et quatre dans le
projet Magi (Julie, Juliette, Jules et Louise). Les six enseignants sont tous des
enseignants expriments mais ils ne connaissaient pas auparavant des logiciels de
gomtrie dynamique et mme deux dentre eux navaient jamais utilis les ordinateurs
avec les lves. Nous pouvons dire que ces enseignants navaient pas de pratiques de
rfrence par rapport aux usages de ces logiciels et que le besoin de se documenter tait
plus quvident pour eux. Marie et Marianne travaillaient ensemble, et les quatre autres
travaillaient tout seuls, mme si trois dentre eux taient dans la mme cole. Tous les
enseignants avaient des classes de CM23 sauf lune qui a une classe de CP4. Nous allons
surtout utiliser les donnes correspondant Julie, Juliette et Jules.
1.3 Hypothses de travail
Les deux premires hypothses sont relatives la mesogense. Dans Assude,
Mercier et Sensevy (2007), nous avons considr le milieu comme le systme de
contraintes et de ressources, aussi bien matrielles que symboliques, dans lequel
voluent llve et le professeur (p.226) et nous avons pu mettre en vidence un
certain nombre de dynamiques des milieux. Une premire dynamique du milieu estrelative la dvolution dun rapport adquat au milieu qui se traduit non seulement par
lengagement de llve dans la tche mais aussi par lengagement du professeur dans
une analyse pralable des enjeux du jeu pour llve (en particulier dans une analyse des
tches proposer aux lves). Cet engagement peut tre un moyen dviter certaines
formulations floues (par exemple dans les consignes) qui impliquent un certain
rebondissement de la dvolution. Une premire hypothse (H1) peut tre formule de la
manire suivante :
1 Voir les publications sur ces recherches pour plus de prcisions : Assude & Glis 2002, Assude
2005, Assude 2007
2 Noms fictifs.3 Elves de 10 ans.4 Elves de 6 ans.
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H1 : Lenqute documentaire est oriente vers la recherche de tches pour leslves et pas forcment vers les enjeux de savoirs sous-jacents ces tches. La
reprise de lenqute peut avoir lieu si le milieu savre un milieu flou et quil
ait fallu plusieurs rebondissements de la dvolution.
Une deuxime hypothse concerne encore la dynamique des milieux. La
rgulation du milieu peut se faire par des processus de rduction et dexpansion (par
exemple, rduire les objets ou la complexit conceptuelle des rapports aux objets, ou
alors largir le milieu en introduisant des objets problmatiques) qui permettent de grer
lincertitude des lves face au jeu quils ont jouer. Ce rsultat permet de formuler la
deuxime hypothse (H2) de la manire suivante :
H2 : Le type denqute documentaire influence le type de rgulations du milieu
dans la classe. Une enqute documentaire lgre ne donne pas forcment lesmoyens didactiques au professeur de grer cette dialectique de la
rduction/expansion du milieu.
Une troisime hypothse concerne la topognse. Le partage topogntique peut
influencer le jeu de llve et tre aussi modifi par ce jeu. Les lves et le professeur
nassument pas toujours de la mme manire la position qui est la leur. Par exemple, le
professeur peut assumer une position basse et tre proche de la position lve
lorsquil veut accompagner le travail de llve ou il peut aussi assumer une position
haute lorsquil veut assumer une position dobservateur. En outre, le topos de
llve nest pas toujours de mme paisseur selon le jeu prvu par le professeur.
Par exemple le topos de llve (ce quil doit faire et assumer comme responsabilit en
tant qulve) peut augmenter ou diminuer en fonction du nombre et de la nature des
tches prvues par le professeur. Ces rsultats nous permettent de formuler une
troisime hypothse (H3) :
H3 : le potentiel dune ressource peut tre analys en termes non seulement du
topos de llve mais aussi du topos du professeur, notamment en ce quiconcerne les modes et le degr dintgration des technologies numriques.
Nous parlons de degr dintgration des technologies numriques (Assude 2007)
pour indiquer lensemble des dimensions prises en compte lors dusages des
technologies en classe, la manire dont elles sont prises en charge (les modes
dintgration) et les relations entre ces modes. Nous prenons en compte ici seulementdeux de ces modes. Le mode dintgration instrumentale est la manire dont la
dimension instrumentale est prise en charge : initiation, renforcement, exploration,
symbiose, et Imbert (2008) a ajout le mode dtournement . Le mode dintgration
praxologique est la manire dont le travail mathmatique de llve est organis en
relation avec plusieurs indicateurs : types de tches, techniques et thorisations
(Chevallard 1999), relations entre les tches et les techniques dans les diffrents
environnements. Nous prciserons ces modes lorsque nous en aurons besoin pour les
analyses.
La quatrime hypothse concerne la chronogense. Notre travail (Assude 2005)
sur les diffrentes temporalits dans la classe, nous a permis de dfinir la notion de
rythme dune sance comme le rapport entre le temps didactique et le capital-temps.Nous avons pu identifier un certain nombre de stratgies dconomie temporelle. En
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outre, dans un autre travail (Assude & Mercier, 2007), nous avons pu identifier le
phnomne suivant : la gestion temporelle dans la classe est faite en estimant la valeur
temporelle des situations de manire conomiser le maximum de capital-temps tout en
faisant avancer le temps didactique. En dautres termes, le rythme dune sance ne doit
tre ni trop lent ni trop rapide. Nous pouvons formuler la quatrime hypothse (H4) de
la manire suivante :H4 : lors des enqutes documentaires, le choix des ressources est influenc parlconomie temporelle prvue ou effective dans la classe.
Ces hypothses sont la base sur laquelle nous allons relire nos donnes et ensuite
nous discuterons sur les influences des types denqute documentaire sur laction
conjointe professeur-lve ainsi que sur les influences des contraintes de laction
didactique conjointe sur le choix ou la production de ressources.
2 Type denqute documentaire et construction du jeu de llve
Comme nous lavons dit, la position des six professeurs est celle dun novice par rapport aux usages des logiciels de gomtrie dynamique. Cette position a
conditionn le type denqute documentaire pour la construction du jeu de llve. Dans
notre cas, les professeurs nont pas un document principal (Margolinas & Wozniak
2008) qui sert de rfrence pour ce type de problme, cest--dire quil ny a pas un
document auquel le professeur se rfre abondamment, que nous avons appel
document principal. (p.3) Cest plutt le manque de documents (nous dirions plutt de
ressources) que les professeurs indiquent dabord comme lun des premiers obstacles
pour les usages didactiques des logiciels. Ce manque de ressources peut tre vu comme
un problme de la profession (Chevallard, chap.2)).
Nous avons identifi deux types denqute auprs des six professeurs. Le
premier type denqute documentaire est orient vers lartefact, et le deuxime vers les
tches pour les lves.
2.1 Enqute documentaire oriente vers lartefact
Pour le premier type denqute documentaire, quatre des six professeurs ont
dabord suivi une formation rapide de trois heures propose par lun des chercheurs.
Cette formation na pas provoqu le mme type de posture. Nous allons nous intresser
deux de ces professeurs. Lors des entretiens la fin de lanne, Julie et Jules ne
mettent pas laccent sur les mmes lments.
Julie : il ma manqu des choses que je nai pas comprises dans la formation. En
sortant de la formation je nai pas tout compris, et ensuite jai d faire un grosinvestissement en temps pour pouvoir faire les sances. Jai besoin de passer
par des sances diriges, cest un tremplin pour faire ensuite un travail
personnel. La comprhension vient quand tu as repris les choses ensuite. Jai drefaire mme si javais compris les grandes lignes. Ensuite il y a eu le
problme : quest-ce que je vais faire faire maintenant mes lves ? Par quoi je vais commencer ? Il y a le problme de monter les sances. Comment
imaginer des situations ? Jules :
Aprs notre premire runion, jai commenc tout de suite manipuler lelogiciel, mme avant la formation mais a ntait pas clair le statut des points,
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le point sur deux objets . Jai fait beaucoup de choses seul et force de faire
des choses on se met en situation de recherche et ensuite je suis plus laiseavec les lves. Se mettre la place des lves a allait bien. La formation, a
ma apport des rponses, a ma ouvert des perspectives et jai compris que le
statut des points est important.
Comparons les deux postures de Julie et de Jules. Le point de dpart de lenqute
documentaire oriente vers lartefact nest pas le mme. Pour Julie, le point de dpart
est donn sous la direction du formateur qui prcise le milieu en indiquant les objets
dtude et les rapports ces objets (mesognse). Lhorizon de lenqute est donn par
la formation puisque le travail personnel de Julie consiste reprendre ce qui a t fait en
formation. Pour Jules, le point de dpart est donn par lui-mme qui commence
explorer le logiciel et se poser des questions. Lhorizon de lenqute est ouvert, et la
formation vient lui apporter des rponses et lui ouvrir des perspectives. Nous pouvons
dire que si lenqute documentaire (au sens ici de recherche dinformations sur les
diffrentes fonctionnalits du logiciel) est bien dans les deux cas oriente vers lartefact,
elle montre deux rapports diffrents lartefact. Jules se met dans une positiondenquteur actif qui explore un continent ignor et qui ne sait pas o lexploration
lamnera. Il se laisse saisir par ce quun lve peut prouver face lignorance. Julie
par contre se laisse guider dans son premier contact avec le logiciel. Elle se place dans
une position denquteur passif. La production des lieux pour le professeur
(topognse) nest pas la mme.
En outre, mme si Julie dit quelle a pass beaucoup de temps sinitier au
fonctionnement du logiciel, elle indique tout de suite que ce qui la proccupait tait
lorganisation du travail de llve et le montage des sances : que faire avec les
lves ? Lorientation principale de lenqute documentaire se dplace alors de
lartefact la tche de llve. La question professionnelle pour Julie est alors :
Comment imaginer des situations ? Nous reviendrons plus loin sur la reprise de
lenqute de Julie.
Nous allons montrer certains liens que peuvent avoir ces deux enqutes
prliminaires avec la construction du jeu de llve.
Julie a cherch sur internet des sances dinitiation au logiciel Cabri-gomtre
puisque, selon elle, les ressources de la formation ntaient pas directement utilisables
avec les lves. Elle a propos aux lves deux sances dinitiation partir de fiches
tlchargeables sur le site de lacadmie de Grenoble. Les types de tches cabri sont
les suivants : crer et dplacer un point, crer et dplacer une droite, crer et dplacer un
cercle, crer un segment partir de deux points, nommer des points. Voil un exemple :
Dplacer un point : approchez le curseur (en forme de croix cette fois)le plus prs possible du point dplacer, le curseur apparat sous forme
dune main avec un doigt pointant et le message ce point apparatjuste ct du point. Cliquez alors sur le bouton gauche de la souris et
maintenez-le enfonc. Dplacez la souris : le point suit de dplacement ducurseur (en forme de main autour du point).
Les lves doivent lire une fiche et faire toutes les actions qui sont indiques :
ces actions sont des sortes d algorithmes suivre. Il na pas eu
dinstitutionnalisation collective de connaissances instrumentales mais le dplacement
est prsent. Les diffrents statuts des points ne sont pas mis en vidence et le fait quon
puisse utiliser le dplacement pour contrler les constructions nest pas soulign. Dans
ces sances dinitiation proposes aux lves, le type de tche est un type de tche Cabriqui a pour but dapprendre construire et dplacer certains objets mathmatiques.
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Nous sommes ici en prsence dun mode dintgration que nous avons appel initiation
instrumentale (Assude 2007).
Ces deux sances sont trs guides par le biais des fiches qui indiquent pas pas
toutes les actions de llve. Nous pouvons voir ce guidage fort comme ayant un lien
avec lenqute prliminaire de Julie qui par ce moyen contrle dune manire prvisible
les actions de llve. Le professeur na pas une pratique et une aisance dans lemaniement du logiciel, ce quelle a affirm de la manire suivante : a me rassurait
que vous soyez l, vous auriez pu me dpanner . Le topos de llve est dlimit et
ferm par des types de tches fermes et guides, et lenseignante tout en ayant une
position haute dobservateur se donne ainsi des moyens de gestion sans prendre de
risques trop forts. En contrlant finement le travail de llve elle se donne les moyens
de ne pas tre confronte des difficults ou des questions auxquelles elle ne saurait pas
rpondre.
En outre, malgr le fait que dans certaines ressources de la formation on ait
insist sur la spcificit de la gomtrie dynamique, notamment le rle du dplacement
(par exemple pour invalider certaines constructions) et la distinction dessin/figure, Julie
ne va pas dans les sances dinitiation mettre en vidence cet aspect pourtant essentiel.Sans pouvoir laffirmer dune manire certaine, il nous semble que Julie na pas pris
conscience (au moins tout au dbut de lanne) du rle du dplacement pour lintgrer
lors de la construction du jeu de llve.
Jules a construit un jeu pour les lves diffrent de celui de Julie. Il construit les
sances en prenant une tche mathmatique que les lves doivent aborder avec le
logiciel. Linitiation au logiciel est faite partir de ces tches mathmatiques qui
permettent aux lves de rencontrer les diffrentes fonctionnalits du logiciel. Voila un
exemple :
LA MEDIATRICE
Trace le segment ABTrace une mdiatrice D du segment AB
Place le point M milieu du segment AB
1. Saisis le point A et fais le bouger :
a. Est-ce que le point M reste au milieu du segment AB ? Prouve ta rponse avec
les fonctions du logiciel Cabri.
b. Est-ce que le segment AB et la mdiatrice D restent perpendiculaires ? Prouve
ta rponse avec les fonctions du logiciel Cabri.
2. Saisis le point B et fais-le bouger :
a. Est-ce que le point M reste au milieu du segment AB ? Prouve ta rponse avec
les fonctions du logiciel Cabri.
b. Est-ce que le segment AB et la mdiatrice D restent perpendiculaires ? Prouveta rponse avec les fonctions du logiciel Cabri.
3. Saisis le point M et fais-le bouger :
a. Que constates-tu ?
4. Anime ta figure. Que constates-tu ?
Les lves nont pas rencontr auparavant la notion de mdiatrice : dailleurs
cette notion ne fait pas partie du programme de lcole lmentaire. Le professeur
prsente une tche nouvelle pour les lves qui ne connaissent pas ce quest la
mdiatrice dun segment. Lobjectif du professeur est la rsolution de problmes : ici,
les lves doivent faire des hypothses sur ce quest la mdiatrice dun segment partir
des manipulations avec Cabri. Les lves dcouvrent aussi par l comment crer un
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segment, la mdiatrice de ce segment, le milieu de ce segment en explorant les
commandes du logiciel. En leur demandant aussi de prouver les rponses quils
donneront, le professeur amne les lves rencontrer dautres connaissances
instrumentales, par exemple mesurer un segment ou vrifier si une droite et un segment
sont perpendiculaires. Nous avons appel ce mode dintgration exploration
instrumentale , du fait que le rapport au logiciel se construit en explorant des tchesmathmatiques.
Jules a ainsi construit un jeu pour les lves limage de ce quil a fait
personnellement : explorer le logiciel en rsolvant des problmes mathmatiques. Cette
exploration instrumentale peut avoir ses limites si le professeur un moment ou un
autre ninstitutionnalise pas certaines connaissances instrumentales car celles-ci restent
la charge prive des lves. Mais nous soulignons le fait que le rle du dplacement
est mis en vidence car il est un moyen pour voir des phnomnes gomtriques.
Jules a aussi utilis les ressources de la formation pour construire le jeu de llve,
notamment en prvoyant des tches comme les botes noires . Il affirme :
jai trouv trs intressant les botes noires puisquil faut comprendre le
mcanisme, la hirarchie de la construction. Est-ce que le point appartientdabord la droite ou au cercle ? Il faut se creuser la tte. Jai propos
quelques botes noires. Je voulais que les lves travaillent sur le
raisonnement. Lenqute documentaire personnelle mene par Jules, dabord avant la formation, tout
seul, en se confrontant aux diffrentes fonctionnalits du logiciel, lui a permis de saisir
dans la formation certaines rponses (par exemple celle concernant le statut des points),
de saisir la spcificit de la gomtrie dynamique en prvoyant que les lves utilisent le
dplacement pour voir des proprits et de saisir de nouvelles tches qui peuvent
tre proposes aux lves.
Nous voulons montrer par ces deux exemples que le rapport lobjet de
lenqute documentaire est une variable essentielle dans le type denqute et dans les
liens possibles entre ces enqutes et la construction du jeu. Nous ne gnralisons pas
nos rsultats et nous nous plaons dans le cas de professeurs novices par rapport aux
usages des logiciels de gomtrie dynamique sans tre novices dans le mtier.
Dans lhypothse 3, nous avions dit que le potentiel dune ressource pouvait tre
analys non seulement du point de vue du topos de llve mais aussi du topos du
professeur. Le potentiel dune ressource au moment t1 (par exemple la formation aux
usages de logiciels de gomtrie dynamique et toutes les ressources quelle-mme
comporte) a t activ plus par Jules que par Julie. Lenqute personnelle de Jules avant
la formation lui a permis de trouver des rponses des questions quil sest poses
avant, et lui a permis de voir la spcificit de la gomtrie dynamique. Le topos delenseignant est plus tendu, ce qui permet plus facilement au professeur de construire
un jeu pour llve qui tienne compte de cette spcificit. Le rle du dplacement
apparat donc plus nettement dans les jeux construits par Jules. Ceci ne veut pas dire
forcment que, lorsque llve joue vraiment le jeu, il utilise et comprenne ce rle tout
de suite.
Le rle du dplacement apparat comme un lment important saisir lors des
enqutes documentaires orientes vers lartefact (ici logiciels de GD). Une enqute
rapide comme celle de Julie (de plus oriente rapidement vers les tches des lves)
autour seulement de quelques fonctionnalits du logiciel rduit le topos du professeur
existant dans le potentiel de la ressource. Et finalement rduit aussi le topos de llve,
en lui prsentant une fiche de travail, trs dirige, sans mettre laccent sur ledplacement. Ainsi lenqute documentaire est un lment pour produire les lieux du
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professeur et de llve. La topogense varie en fonction du rapport du professeur
lobjet de lenqute et du type denqute.
Cependant les lieux du professeur et de llve peuvent voluer en fonction du
temps et des reprises de lenqute documentaire. Lors de lun des entretiens, Julie
identifie quatre types de difficults qui sont la construction des sances, la dure des
sances, le niveau conceptuel des situations et le manque de ressources. Le topos duprofesseur est enrichi par lidentification de ces difficults puisquelles permettent de
reprendre une enqute documentaire en ayant comme guide ces questions. Voyons
maintenant la reprise de lenqute documentaire oriente vers la tche de llve.
2.2 Enqute documentaire oriente vers la tche de llve
Nous avons dit que Julie a chang assez rapidement lobjet de lenqute : de
lartefact la tche de llve. Lune de ses proccupations a t la mise en place dun
milieu pour llve : que faire faire llve ? Sur quels objets travailler ? Julie va
reprendre lenqute documentaire, et nous allons comparer cette enqute avec celle
mene par Juliette.
Julie et Juliette sont dans la mme cole mais ne travaillent pas forcmentensemble. Pourtant elles ont cherch ensemble des ressources sur internet. Dans un
premier temps, lenqute documentaire mene par Juliette est proche de celle de Julie.
Toutes les deux ont utilis une mme fiche de travail pour initier les lves au
fonctionnement du logiciel. Elles ont cherch dautres ressources qui pourraient
correspondre ce quelles taient en train de faire dans leurs classes de CM2 mais elles
nont pas trouv forcment de ressources adaptables leurs classes. Julie et Juliette
divergent dans lenqute oriente vers la tche de llve. Juliette a trouv deux fiches
sur la symtrie axiale qui sont au dpart destines aux lves de sixime, et elle dcide
dutiliser ces fiches. Julie ne travaille pas sur la symtrie axiale, elle ne veut pas utiliser
ces ressources. Elle dcide alors de revenir au manuel quelle utilise avec les lves, non
pas pour y trouver une tche utilisant le logiciel (elle sait que dans le manuel il ny a
rien ce propos), mais pour adapter lune des tches en tenant compte des contraintes
du logiciel.
Julie construit deux sances sur les polygones, lune sur le carr et lautre sur les
triangles particuliers. Juliette construit dabord deux sances sur la symtrie avec le
logiciel et ensuite elle ajoute une troisime sance en papier-crayon (pour plus de
dtails, voir Assude 2007).
Julie ne retrouve rien dans les ressources existantes qui rpondent aux
contraintes quelle simpose lors de la construction du jeu (il faut dire qu lpoque il y
avait trs peu de ressources sur la gomtrie dynamique pour lcole primaire). Lune
de ces contraintes est celle de pouvoir revisiter des savoirs anciens qui ne semblent pasavoir t acquis par certains lves. Ainsi elle veut que le logiciel puisse permettre aux
lves de revisiter les proprits du carr et celles des triangles rectangle, isocle et
quilatral.
Face au manque de ressources (existantes ou conformes son projet) lors de son
enqute documentaire, Julie ne trouve pas de rponses toutes faites et dcide alors
dadapter des tches appartenant son document principal pour en faire un
document gnrateur (Margolinas & Wozniak 2008). Les tches proposes aux
lves ne sont pas des tches fermes comme ctait le cas dans les sances dinitiation.
Au temps t2, Julie largit le topos de llve en lui permettant de rencontrer des tches
anciennes avec de nouveaux outils qui lui font rencontrer la ncessit de connatre les
proprits pour pouvoir construire le carr. En outre, Julie largit le topos du professeurcar la gestion de tches ouvertes, plus difficile, permet au professeur de rencontrer des
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problmes lis au logiciel et du coup de reprendre lenqute pour pouvoir rsoudre ces
problmes.
Juliette construit un autre type de jeu pour les lves. Lobjectif de ces sances
tel quil est indiqu par lenseignante est la dcouverte de la notion de symtrie
axiale avec le logiciel. Le travail propos suit le schma suivant : un trs fort guidage
pour construire des objets gomtriques, guidage qui dcrit la technique de constructionque les lves doivent mettre en uvre ; demande dobservation dun phnomne
gomtrique (par exemple une proprit de la symtrie axiale) ; ensuite formulation de
cette proprit en donnant des phrases complter (par exemple : Complte : Le
symtrique dun segment est un de mme .. ).
Les tches sont fermes car les lves doivent suivre des consignes crites dans
une fiche. Cette fermeture des tches a permis lenseignante de contrler finement le
travail des lves. Lorsquon ne domine pas encore trs bien le logiciel ni ce quon peut
faire avec, lun des moyens de contrle est de faire travailler les lves individuellement
(ou en binme) sur des tches trs cadres o les rponses et les ractions des lves
peuvent tre prvisibles (ce qui est moins le cas lors de situations ouvertes). Un guidage
fort du travail des lves peut dnoter une difficult grer le rapport au logiciel. Autemps t2, par rapport au potentiel des ressources, Juliette non seulement rtrcit le topos
de llve mais elle rtrcit aussi le topos du professeur. Cependant ce rtrcissement est
lune des conditions pour que cette enseignante puisse commencer utiliser un logiciel
de gomtrie dynamique dans la classe.
Pour construire le jeu de llve, lenqute documentaire oriente vers la tche
de llve apparat comme lune des tapes importantes mais cette enqute nest pas
forcment dirige sur les enjeux du jeu pour llve. Ce fait est visible dans le choix de
Juliette de proposer des tches simples, fermes, dcoupes en sous-tches qui
permettent de guider fortement le travail de llve mais finalement celui-ci ne se rend
pas compte des enjeux du travail. Cela va dans le sens de notre premire hypothse :
une enqute oriente vers la tche de llve nindique pas forcment que les enjeux du
jeu sont clairement identifis. Cela peut ensuite avoir des consquences sur le jeu jou
effectivement par llve en classe. Nous en donnerons un exemple dans la troisime
partie.
Cependant le type denqute documentaire peut voluer en fonction des
questions quon se pose, de la disponibilit trouver des rponses dans les ressources
existantes, de la rencontre de problmes lors de laction didactique en classe. Jules, en
ayant dj des questions, a pu trouver des rponses dans les ressources apportes par la
formation. Julie a repris lenqute en se laissant orienter par des problmes
professionnels (la construction des sances, la dure des sances, le niveau conceptuel
des situations) et a su adapter les tches dun manuel au lieu de mettre en oeuvre un prt--utiliser qui ne convenait pas au travail mathmatique de sa classe. Ce nest
pas encore (au moment de nos observations) le cas de Juliette qui sinvestit dans
lintgration par la mise en uvre dun prt--utiliser destin aux lves de sixime.
Ce prt--utiliser nest pas adapt aux lves mais il est surtout adapt la position
du professeur dans sa gestion de la classe et de lusage du logiciel.
3 Enqute documentaire et jeu de llve : contraintes chronogntiques etmesogntiques
Nous allons nous intresser ici aux liens entre les enqutes documentaires et
laction conjointe professeur-lve dans la classe, en nous focalisant sur les contraintes
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chronogntiques et mesogntiques. Nous allons aborder cet aspect partir de deux
exemples pris dans les classes de Julie et de Juliette.
3.1 Difficults des lves et reprise de lenqute5
Dans un systme didactique comme la classe, il existe diffrentes temporalits
que lenseignant doit pouvoir grer. Le temps didactique (dcoupage dun savoir dans
une dure) est lun des moyens pour que lenseignant puisse rguler lordre et
lavancement du savoir. Lors de la premire anne dintgration dun logiciel (par
exemple Cabri), il est difficile pour un enseignant de matriser le temps didactique,
cest--dire de savoir exactement lordre et lavancement de ce savoir, et de prvoir
certaines des difficults des lves. Lors dun entretien, Julie parle de deux de ses
difficults : la construction des sances et la dure des sances. Elle indique : jai eu
beaucoup du mal me mettre la place des lves, je narrivais pas envisager lesdifficults des lves. Du coup je me suis dit quil serait intressant de partir de
difficults que javais repres dans la classe par rapport aux polygones. Surtout quenous navons pas trouv d activits intressantes sur internet.
Deux facteurs concourent ce que Julie produise un document professionnel qui
sera une ressource pour les lves. Le premier facteur est le manque de ressources
(existantes ou conformes) sur les usages de logiciels de gomtrie dynamique. Ce
manque de ressources fait que les difficults des lves ne sont pas forcment
rpertories, do la difficult de pouvoir les anticiper. Le deuxime facteur est le choix
de la reprise de savoirs anciens, et la dcision de travailler sur les proprits du carr et
des triangles particuliers. Ce choix permet dinsrer le travail du logiciel dans une
contrainte faible : la dpense de capital-temps est faite pour reprendre des savoirs
anciens sous une forme nouvelle. Les lves qui ne connaissent pas encore ces
proprits pourront les retravailler ; les lves qui les connaissent pourront tre aussi
motivs car ils pourront utiliser ce quils savent sans avoir limpression quils font la
mme tche et quils perdent leur temps. Mme si le temps didactique navance pas, le
temps dapprentissage peut avancer.
Il apparat alors quune des contraintes dans le choix des tches est la valeur
temporelle de ces tches. La ralisation des tches peut-elle avoir lieu dans une dure
limite (par exemple une sance dune heure) ? Les tches proposes permettent-elles
de faire avancer le temps didactique ou une autre temporalit ?
3.2 Synopsis dune sance
Partons dun exemple pour voir le rapport entre les difficults des lves et le
besoin pour lenseignante de reprendre lenqute.
La premire sance a concern le type de tche suivant : T1 - construire un carr
partir de deux droites perpendiculaires. Ce type de tche a dabord t problmatique
pour les lves, ce qui a amen lenseignante intervenir : dans un carr, quoi peutcorrespondre ces droites perpendiculaires ? . Un lve a rpondu : les diagonales ,et lenseignante : a peut tre les diagonales et puis a peut tre quoi ces droites ? .Un autre lve a rpondu : a peut tre deux cts et lenseignante en faisant des
gestes a dit: utilisez ces deux droites, a peut tre des cts ou des diagonales et arajout : on dirait que vous navez pas fait de carrs dans votre vie .
Ce premier type de tche a alors t dclin en deux autres types de tches :
5 Nous sommes l dans une perspective proche de Trgalova (chap.15).
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T2 - construire un carr partir de deux cts,
T3 - construire un carr partir des diagonales.
Les lves ont dabord (sauf un binme) commenc par la tche T2 et ils ont
utilis, pour la plupart, des techniques perceptives. Des difficults instrumentales sont
alors apparues : comment tracer des droites perpendiculaires, comment faire en sorte
que deux segments aient la mme mesure de longueur, comment efface-t-on ? Unconstat dun lve souvent le carr se transforme en rectangle- a amen
lenseignante faire une premire mise en commun au tableau. Les dessins carrs
construits par les lves ne rsistent pas au dplacement, et la difficult essentielle est le
report des mesures. La mise en commun a surtout mis laccent sur les deux types de
tches. Au tableau, lenseignante a fait le dessin suivant :
et un lve du seul binme qui a essay de faire le type de tche T3 est venu faire la
figure suivante au tableau :
En ce qui concerne les difficults instrumentales, lenseignante a indiqu que dans
tous les cas il faut placer des points sur les droites ( plusieurs reprises, lorsquun
lve lui a pos une question dordre instrumental, lenseignante a rpondu : vous
cherchez dans les icnes ). Lenseignante sest retenue ici dapporter les informationsncessaires au dpassement de ces difficults instrumentales. Cest cette indcision qui
nous indique que le renforcement instrumental nest pas vraiment mis en uvre.
Cette mise en commun a amen la plupart des lves lautre type de tche : ils
sont ainsi passs de la tche T2 la tche T3. Ce changement a peut tre t d au fait
que les figures au tableau ne donnent pas les mmes informations. Ainsi la premire
figure indique seulement les deux droites de dpart, mais aucune technique nest
envisageable partir de l tandis que la deuxime figure est suggestive car elle permet
aux lves denvisager une technique de construction. Or ils se sont heurts au
comment faire que les diagonales aient la mme longueur. Un seul binme a utilisle cercle et la matresse a fait une nouvelle mise en commun. Maxime a dit jai fait lesdiagonales mais les points bougent. Comment on arrive avoir la mme distance ici et
ici ? et la matresse a rpondu par une question : est-ce quon a une figure qui
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permet de reporter des segments ? , un lve a parl du cercle et la matresse a fait lafigure du cercle au tableau tout en disant essayez dutiliser le cercle, utilisez cette
proprit du cercle . La plupart des binmes ont fini la sance en ayant construit unefigure du type :
Ces deux types de tches T2 et T3 ont t reprises en papier-crayon, et cette
technique utilisant le cercle a t rutilise en papier-crayon en ce qui concerne T3. Par
contre, la technique utilise pour accomplir le type de tche T2 nutilise pas le cercle
pour reporter les mesures de longueur car les lves ont utilis la rgle gradue comme
ils avaient lhabitude de faire. Ce type de tche T2 nest pas repris avec le logiciel.
3.3 Adaptations et rgulations
La tche de dpart dans le manuel est un problme de portrait dune figure :
je possde des droites perpendiculaires, suis-je un carr ? Les lves sont endifficult face cette tche mais cette difficult est prvisible vu que la rponse dpend
du milieu auquel se rapporte cette tche. Cest une tche inhabituelle pour ces lves.
Lenseignante va transformer cette tche didentification de proprits dune figure en
une tche de construction dans un milieu qui comporte le logiciel Cabri. Cette nouvelle
tche est encore problmatique pour les lves. Laction conjointe du professeur et des
lves par le biais de questions-rponses va permettre une rduction du milieu en
prenant les tches de construction plus prcises T2 et T3.
Pourquoi les lves arrivent-ils trouver une technique pour accomplir T3 et
narrivent-ils pas en trouver une pour T2 lorsquon voit que la plupart des binmes
(sauf un) ont commenc traiter la tche T2 ? Cest encore laction conjointe de
lenseignante avec un lve qui va dplacer lattention des lves de T2 T3 puisquilsinduisent une technique ancienne qui est celle que les lves connaissent en papier-
crayon. Dans le cas de T2, la technique ancienne nest pas proche de la technique Cabri,
et ainsi la difficult est plus grande. La tche T2 est ensuite reprise en papier-crayon o
ils utilisent la rgle pour avoir des segments isomtriques.
Il y a trois types de difficults des lves qui ne sont pas prises en compte de la
mme manire par lenseignante. Le premier type est la difficult dans la dvolution de
la tche T1. En posant des questions aux lves, lenseignante prcise le milieu qui
apparat flou pour les lves. Ainsi llve va tre confront deux types de tches
de construction dun carr : partir des cts et partir des diagonales. Les lves
peuvent alors sinvestir dans laccomplissement dune des tches. La rgulation se fait
par rduction du milieu concernant les tches mathmatiques.
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Le deuxime type concerne des difficults lies des connaissances
instrumentales : comment tracer deux droites perpendiculaires ? Comment reporter des
longueurs ? Pour traiter ce type de difficult, lenseignante utilise deux stratgies : elle
renvoie les lves aux menus de Cabri (par exemple pour la perpendicularit) ; et, avec
laide dun lve, elle va induire une technique pour la tche T3 qui est proche de celle
en papier-crayon. Le milieu avec Cabri va tre enrichi par le lien avec cette techniquepapier-crayon. Or cela nest pas fait par rapport la tche T2 qui finalement va tre
seulement accomplie en papier-crayon. Le fait de mettre laccent sur la tche T3 dont la
technique est plus proche dune technique ancienne et dabandonner la tche T2 dans
lenvironnement Cabri, indique que lenseignante a plus de moyens pour grer T3 que
T2 (technique qui implique plus de manipulations, et en plus ncessite de cacher des
objets ).
Lors de lanalyse de cette sance, Julie nous a dit quelle ne savait pas comment
mettre en vidence les erreurs lors de la construction dun lve : les lves ont
construit une figure qui semblait un carr et jtais un peu dmunie pour mettre endfaut cette construction . En outre, la non intervention de lenseignante face des
difficults des lves notamment par rapport la tche T2 nous amne dire quil y aencore des lments sur lesquels elle a besoin denquter pour pouvoir rpondre aux
lves. Elle nous a encore dit : il y a des choses que je ne sais pas faire avec Cabri,
par exemple un segment perpendiculaire un autre : ce nest pas dans les menus .
Pour elle, une reprise de lenqute oriente vers lartefact apparat encore comme
ncessaire et elle profite de la prsence des chercheurs pour enquter.
Si nous revenons notre hypothse H2, nous observons que les types denqutes
orientes (vers lartefact, vers les tches mais aussi vers les enjeux du jeu) permettent
aux enseignants davoir des moyens de rgulation du travail de llve. Ces moyens
peuvent tre utiles dans la construction du jeu et dans la gestion du temps didactique par
la prvision des difficults des lves, et ils peuvent tre aussi utiles dans les rgulations
du jeu de llve pendant laction didactique in situ.
3.2 - Difficults des lves, milieu pauvre et valeur temporelle
Juliette a choisi de travailler sur un savoir nouveau dans la classe cette anne-l
qui est la symtrie axiale. Pour elle, le logiciel est un outil pertinent pour ladcouverte, a me parat naturel de faire comme a et ensuite le papier-crayon permet
de vrifier. Comme nous lavons dit, elle a choisi de faire travailler les lves avec
une fiche trs guide. Les lves suivaient pas pas la fiche propose mais ils ont eu
beaucoup de difficult identifier les proprits et remplir les phrases trous pour
formuler ces proprits. Ce fort guidage qui donne la technique de construction limineun certain nombre de difficults instrumentales a priori mais le guidage ne permet pas
aux lves de se confronter au problme de la technique de construction et aux
connaissances instrumentales et mathmatiques ncessaires. Le paradoxe est que le fort
guidage par des sortes d algorithmes ne rend pas forcment les lves autonomes
face un problme semblable. Ainsi la matresse pendant la deuxime sance sur la
symtrie va dire : il y a plein de consignes que je nai pas dtailles en pensant quil
ny aurait pas de problme, ce qui nest pas le cas.
Plusieurs difficults sont apparues aux lves en ce qui concerne les points et la
dsignation des points. Dans la deuxime sance, les lves doivent construire un cercle
de centre A passant par B. La technique donne est alors : Pour cela, place les points
puis slectionne loutil Cercle dans la bote Cration. Approche le curseur de A : cliquequand le message ce point comme centre apparat. Clique et dplace alors la souris
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jusquau point B (le cercle se construit). La construction sera termine lorsquen
tapprochant du point B, le message passant par ce point apparat. Or il y a des
lves qui, comme il nest pas crit dans la technique de nommer les points, ne le font
pas, ce qui amne la matresse dire Quest-ce que vous faites ? O est A, o est B ?
Un binme dlves, la question 5 o ils devaient tracer et mesurer les segments [AE]
et [AE], vont placer deux nouveaux points quils nomment A et E sans utiliser lespoints A et E quils avaient dj sur leur figure. Ceci peut tre expliqu par le fait que
les lves ne voient pas lactivit dans son ensemble ni son enjeu mais suivent pas pas
une fiche sans faire le lien entre ce quils doivent faire et ce quils ont dj fait.
La prise de conscience par la matresse des difficults des lves, inattendues car
elle sattendait ce que les lves fassent la fiche rapidement, a fait quelle a repris cette
fiche en classe. Ainsi elle est oblige de rajouter une troisime sance en classe sur les
mmes fiches. En raison du type de tches choisi, lutilisation du logiciel devient non
pertinente pour la dcouverte de la notion de symtrie axiale.
Dans le cas de Juliette, les lves ne sont pas rentrs dans le jeu du savoir mme
sils ont t actifs. Le choix dun guidage fort qui permet de contrler finement le
travail des lves sest avr improductif car il a fallu quelle ajoute une sance, donc ducapital-temps, pour reprendre les fiches sur la symtrie axiale. Le temps didactique na
pas avanc pendant les sances avec Cabri mme si le choix dun savoir nouveau avait
t fait a priori. Le rythme total a t lent car le rapport entre le temps didactique et le
capital-temps tait faible.
Si nous revenons sur lhypothse H4, dans une enqute documentaire le choix
des ressources est influenc par lconomie temporelle prvue ou effective dans la
classe. La valeur temporelle prvue pour des tches trs guides peut tre assez
importante mais il peut arriver que cette valeur baisse dune manire importante
lorsquon ralise ces tches en classe. Les difficults des lves peuvent faire en sorte
que le temps didactique navance pas, et que le professeur soit oblig dinvestir plus de
capital-temps que celui quil avait prvu au dpart.
4 - Conclusion
Le potentiel dune ressource peut tre analys partir des lments suivants :
- le topos de llve (par lensemble des types de tches, des techniques possibles,
et plus gnralement par des praxologies ) ;
- le topos du professeur par le biais des moyens de dvolution, de rgulation et
dinstitutionnalisation ;
- la rfrence (enjeux de savoir mathmatiques mais aussi instrumentaux) ;
- lconomie temporelle (en estimant la valeur temporelle des tches, et le rythmedes sances ou des squences).
Les enqutes documentaires menes par le professeur sont orientes vers ces
lments ou vers lun ou lautre de ces lments. Selon lorientation de lenqute et sa
position face lobjet de lenqute, le professeur ne va pas avoir la mme
disponibilit pour recueillir les rponses qui peuvent exister dans le potentiel dune
ressource. Le manque de ressources peut tre aussi un moyen pour que le professeur
adapte des ressources existantes et produise des documents professionnels qui sont des
ressources pour les lves.
Le type denqute documentaire peut influencer dune manire plus ou moins
forte la manire dont le professeur construit le jeu de llve et la manire dont le jeu est
jou mais lenqute elle-mme dpend de la vision du professeur. Les problmesprofessionnels rencontrs par le professeur, et les questions quil se pose apparaissent
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comme des lments dclencheurs de nouvelles enqutes souvent cibles sur un autre
aspect qui faisait dfaut pendant les enqutes prcdentes. Les difficults des lves
sont aussi lun des facteurs dclencheurs de nouvelles enqutes documentaires. Ces
processus peuvent tre un moyen de dveloppement professionnel du professeur mais
cet aspect ne peut pas tre trait dans ce chapitre.
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