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Transport artisanal, esquisse de bilan pour la mobilité durable
Xavier GODARD
INRETS, Dest, France
godard@inrets.fr
RESUME :
Le transport artisanal est très présent dans de nombreuses régions du monde. Il présente des
atouts dans sa contribution à la mobilité durable, d’un point de vue économique, social et
environnemental dès lors qu’on le considère comme une composante partielle en
complémentarité avec les transports de masse organisés à travers des entreprises structurées.
Mais il nécessite un encadrement par une autorité organisatrice qui fait souvent défaut, pour en
tirer le meilleur parti.
ABSTRACT:
Informal (non corporate) transport has an important role in many developing cities to meet travel
needs. It offers some advantages from the point of view of economic, social and environmental
criteria if one considers it as a partial component of system where it is complementary with mass
transport operated by structured companies. But one needs to insert it in a framework managed
by an organizing authority, to get the higher efficiency.
Introduction
Le discours dominant dans les milieux internationaux porte sur la priorité à accorder au transport
public au détriment de la voiture particulière. Le postulat implicite ou explicite est que le
transport collectif doit être assuré par de grandes entreprises, et l’on retrouve d’ailleurs de plus
en plus de grands groupes internationaux parmi les opérateurs. Mais la réalité du transport public
est aussi faite du transport artisanal, souvent qualifié d’informel (informal, paratransit ou non
corporate en anglais), qui a fait preuve d’une grande dynamique dans de nombreuses régions du
monde, quelle que soit d’ailleurs la taille des agglomérations (Godard, 2005).
On s’attache dans cette communication à synthétiser la contribution potentielle du transport
artisanal au développement durable, aux côtés des modes individuels d’une part et des transports
de masse assurés par de grandes entreprises d’autre part. On s’interroge en particulier sur les
potentiels d’efficacité énergétique et environnementale du transport artisanal par comparaison
avec chacune des autres familles de modes de transport. Il présente à priori des aspects positifs
dans la recherche d’une mobilité pour un développement durable mais présente des défauts en
termes énergétiques et environnementaux avec les technologies actuellement mobilisées, ainsi
que de sécurité. Ces réflexions s’inscrivent dans un paradigme de complémentarité entre formes
de transport, qui était déjà esquissé lors de la conférence Codatu IV à Jakarta. La communication
s’appuie notamment sur les travaux d’un séminaire de recherche organisé à Aix en juin 2007 sur
le transport artisanal en Méditerranée (Inrets, 2008).
Définition et réalité multiple du transport artisanal
Le transport artisanal désigne l’exploitation à une échelle individuelle de véhicules de transport
public dont la propriété est atomisée, c'est-à-dire répartie entre de nombreux propriétaires. Cette
exploitation peut s’intégrer dans des règles collectives plus ou moins contraignantes élaborées
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par des organisations professionnelles. Il peut y avoir une certaine concentration de la propriété,
de sorte que le cœur de la définition doit reposer sur les modalités d’exploitation des véhicules
dont la responsabilité est confiée largement au chauffeur, qui apparaît aussi comme un
gestionnaire de terrain dans les cas nombreux où ce n’est pas le propriétaire qui conduit son
véhicule.
L’exploitation artisanale coïncide avec l’utilisation de véhicules de taille et capacité réduites
(Godard 2004), sauf exception. On observe selon les régions du monde le recours aux divers
types de véhicules motorisés suivants :
- Automobile utilisée en taxi individuel, avec compteur ou non,
- moto-taxi (1-2 seats),
- tricycle (3-8 places)
- taxi collectif (4-6 places),
- microbus (9-15 places)
- minibus (16-25 places)…
- midibus (25-45 places)
Il faudrait ajouter les véhicules non motorisés, routiers (cycle-rickshaws, calèches…) et fluviaux
(pirogues, que l’on retrouverait aussi dans les modes motorisés…) pour avoir une liste complète.
Importance du transport artisanal dans des contextes divers
En Afrique au sud du Sahara, le transport artisanal domine la scène des transports urbains, de
façon quasi exclusive dans de nombreuses villes (tableau 1), à travers l’exploitation de minibus,
mais aussi dans certains cas de taxis collectifs. Il s’est développé à la faveur de la crise du
transport institutionnel qui a vu la disparition de nombreuses entreprises d’autobus mais il a été
présent dès les débuts de l’urbanisation (Godard, 2002).
Tableau 1 : Répartition modale de la mobilité mécanisée dans quelques villes africaines
Part modale (en %)
Mode
individuel
Transport collectif institutionnel Transport
artisanal
Autre
Ville Année Population
(millions)
Voiture
particulière,
taxi, moto
Total
institutionnel
Métro,
train
Autobus Total
artisanal
MinibusTaxi
collectif
Abidjan 1998 3,5 28 28 N 28 44 26 18 N
Alger 2004 2,8 32 12 2 10 56 53 3
Accra 2002 ? 15 11 N 11 74 51 23 N
Addis Ababa 2002 2,6 14 24 N 24 62 62 – –
Casablanca 2004 3,2 50 29 N 29 18 N 18 3 Tnm
Dakar 2000 2,4 18 4 1 3 72 58 14 6
Dar Es Salam 2000 2,2 11 2 N 2 81 81 nd 7 Tnm
Nairobi 2000 2,1 20 24 N 24 55 55 N 1
Niamey 1997 1 59 7 N 7 30 N 30 4 Tnm
Ouagadougou 2000 1 75 1 N 1 6 N 6 18 Tnm
Tshwane 2007 2,4 52 15 7 8 32 32 N 1
Tnm : transport non motorisé
N : nul ou négligeable
Source : Godard (2005)
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En Méditerranée et Moyen Orient, la place du transport artisanal est importante dans de
nombreuses villes tout en coexistant avec des entreprises structurées peu performantes, à
l’exception notable de la Tunisie où les louages de type minibus sont cantonnés aux liaisons
interurbaines et périurbaines (Codatu, 2008).
Tableau 2 : Part des transports artisanaux dans les déplacements motorisés, Région MMA
Alger
2004
Le Caire
2001
Casablanca
2004
Damas
1998
Téhéran
2004
Taxis collectifs 3% - 21,5% - 16,5%
Minibus 53% 25% 46% 18%
Total 56% 25% 21,5% 46% 34,5%
Source Codatu 2008
En Asie, on observe des situations contrastées avec des villes où le transport artisanal est plutôt
absent (Bangkok, Delhi, Hanoi, Ho Chi Minh Ville…) mais les statistiques officielles sont
parfois trompeuses, et d’autres villes où il est très présent (Dakka avec ses rickshaws, Manille
avec ses jeepneys…).
Tableau 3 : Répartition modale au sein du transport collectif
Répartition des déplacements en transport collectif (en %)
Transport institutionnel Transport artisanal
Ville
Autobus Rail Total Minibus Taxi
collectif
Autres Total
Total
Afrique
Abidjan 1998 37 N 37 33 24 67 100
Alger 2004 3 3 6 77 4 13 94 100
Le Caire* 39 9 48 52 N N 52 100
Capetown* 10 64 74 26 nd N 26 100
Casablanca* 72 – 72 28 nd N 28 100
Dakar (2003) 3 2 5 74 17 95 100
Tunis (2000) 72 28 100 N N N N 100
Amérique latine
Mexico* 13 14 27 48 25 N 73 100
Sao Paulo* 77 23 100 nd N N – 100
Asie
Bangkok* 94 6 100 – – – nd 100
Delhi (2000) 92 N 92 N N 8 8 100
HCMC* 55 45 100 N N nd nd 100
Jakarta* 64 2 66 34 N nd 34 100
Manille* 21 3 24 73 N 76 100
Teheran* 44 - 44 27 29 N 56 100
N : nul ou négligeable
Nd : indéterminé
* : base Uitp, 1998, Source : Godard (2005)
En Amérique latine, le transport artisanal organisé en coopératives selon un modèle
volontairement atomisé (un seul véhicule par propriétaire) a dominé la scène durant plusieurs
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décennies à l’exception du Brésil qui avait imposé des entreprises d’une taille suffisante. La
situation a ensuite évolué vers des rééquilibrages entre types d’opérateurs : des initiatives de
transport de masse ont été introduites dans de nombreuses villes, dont l’expérience de Bogota est
emblématique avec son BRT ; mais le Brésil a connu à l’inverse une extension du transport
artisanal à partir des années 90, il s’agit souvent de transport clandestin avant une période de
reconnaissance partielle et de légalisation dans plusieurs cas. Des expériences d’intégration en
complémentarité avec les entreprises ont ainsi été mises en place dans certaines villes (voir leur
relation dans plusieurs papiers de la conférence Codatu X à Lomé (Godard, Fatonzoum, 2002).
L’évaluation des performances, multiplicité des paramètres et question de la situation de
référence
Les différentes analyses du transport artisanal indiquent que, par son adaptabilité et ses
meilleures fréquences, il paraît mieux adapté dans les zones de faible densité de demande où à
évolution rapide du fait de l’urbanisation. Lorsque les densités s’accroissent, les nuisances de
congestion et de pollution deviennent contreproductives et le transport de masse devient le plus
efficace à l’évidence. La complémentarité devrait donc se déployer sur le terrain selon la densité
de la demande, ce qui ne résulte pas d’ajustements spontanés mais doit être orienté par une
autorité organisatrice.
On sait que le transport artisanal est dénoncé pour de multiples coûts externes, dont la congestion
et la pollution que ses véhicules provoquent (ces deux externalités étant liées). La pollution est
causée par la combinaison de multiples facteurs où figurent à la fois :
- le type de véhicule et leur ancienneté qui fait que les nouvelles normes
environnementales sur les moteurs ne sont pas intégrées ;
- l’entretien défectueux des moteurs du point de vue de la carburation ;
- l’usage de carburants de mauvaise qualité ;
- la densité des arrêts et redémarrages pour charger les clients au gré de la demande sur
voirie.
Tous ces facteurs ne sont pas inéluctables et on peut trouver des contre-exemples limitant la
portée de ces coûts externes : là encore, la diversité des situations doit inviter à éviter les discours
simplistes. Le cœur des appréciations sur ces nuisances devrait reposer sur l’adéquation des
véhicules à la densité de la demande.
Le transport artisanal peut être considéré dans certains cas comme bien plus attractif pour les
utilisateurs potentiels de modes individuels (voiture, moto) que le transport institutionnel surtout
lorsque celui-ci offre un service d’une qualité médiocre (méfions nous de nouveau des
généralisations alors que l’on sait la diversité des situations et des contextes). On peut donc
arguer que le transport artisanal contribue partiellement à préserver un équilibre favorable au
transport collectif face à la pression en faveur des modes individuels. Cet argument au niveau du
partage modal se retrouve lorsque l’on considère le critère des consommations énergétiques et
des émissions de gaz à effet de serre (GES), comme le suggèrent les tableaux 4 et 5 à partir de
données simplifiées.
Le premier niveau des indicateurs d’efficacité concerne les véhicules dont le bilan des
consommations et émissions de carbone est donné dans le tableau 4. Le mérite de ces données
est d’intégrer les émissions de carbone liées à la fabrication des véhicules (et des carburants). On
peut discuter des chiffres, issus d’observations, alors que de multiples paramètres concourent à
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ces résultats, variables d’un contexte à l’autre, en particulier les conditions de circulation et la
vitesse commerciale, ou la nature et la qualité du carburant utilisé.
Tableau 4 : Emissions de carbone par les divers modes (gC/veh-km)
Mode Fabrication
véhicule
Carburant
Sans amont
Carburant avec
amont
Total au véhicule-
km
VP urbain 11 41 47 58
VP périurbain 11 50 58 69
Autobus 17 436 - 452
Minibus 18 122 - 140
2RM 50 cm3 5 18 - 23
2RM -125 cm3 9 33 - 42
Source Jancovici (2007)
Note : il s’agit ici de carbone et non de CO2, qui s’obtient avec un coefficient multiplicateur de
l’ordre de 2,4 (essence) à 2,9 (diesel)
La considération de ces indicateurs relatifs aux véhicules-km ne suffit pas, il convient
naturellement de passer aux indicateurs relatifs aux passagers-km. Le facteur clef de la
performance devient alors le taux de remplissage à côté des performances énergétiques
intrinsèques des véhicules. Ce taux d’occupation moyen exprime la charge instantanée du
véhicule en ligne mais doit intégrer aussi les parcours à vide, … On remarquera d’ailleurs la
difficulté à établir des données détaillées sur cet indicateur car autant on peut connaître assez
aisément le nombre de passagers, autant il est difficile d’estimer leur parcours moyen et donc les
passagers-km, ce qui relève de dispositifs d’enquête adaptés et complexes.
On livre dans le tableau 5 une simulation simplifiée de ces indicateurs sur la base d’hypothèses
plausibles mais modulables selon les situations : cet examen devrait être repris sous forme
paramétrée et soumis à des observations de terrain pour les taux d’occupation des véhicules. On
peut montrer néanmoins que, autour d’un seuil de remplissage de 35 passagers dans un autobus,
de 20 passagers pour un minibus, et de 11 passagers pour un microbus, les performances sont
équivalentes c'est-à-dire que le transport artisanal n’est pas moins performant que le transport
institutionnel par autobus. Rappelons que tous les opérateurs sont confrontés au problème de la
dissymétrie des flux qui fait que les véhicules sont obligés de rouler à faible charge dans un sens
ce qui diminue la performance. Mais les transporteurs artisanaux tendent à réduire cet obstacle
avec leur pratique de recherche de remplissage maximum. De plus le cahier des charges des
autobus impose des services en heure creuse où le taux de charge est faible.
Au bout du compte on peut trouver des situations où le minibus artisanal affichera les meilleures
performances d’émission de carbone, contrairement à certaines idées reçues. Même avec des
hypothèses favorables, le taxi collectif demeure un peu plus émetteur de carbone que l’autobus,
mais il est intrinsèquement plus avantageux que la voiture particulière. Il en va de même pour le
taxi-moto. Cette analyse, qui reste à affiner, devrait conforter le schéma de complémentarité.
Tableau 5 : Comparaison des efficacités énergétiques des modes de transport
Consommation
unitaire
(l/100km)
Capacité
Nbre places
Taux moyen
d’occupation
Nbre passagers
Consommation
Gep
Passager-km
CO2/
passkm
Emissions
Carbone
Passager-km
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2RM (moto) 2 1 1,2 15 36 19VP individuel 7 5 1,2 58 152 54Taxi co artisanal 8 5 3,5 22 57 18,5Microbus artisanal 12 15 11 11,5 33 12,7Minibus artisanal 14 25 19 8 22,5 7,5Bus institutionnel 40 100 35 12 35 12,8
Le cas particulier des taxis-motos
Le taxi-moto peut paraître le comble de l’inefficacité du transport public de masse puisque les
ratios classiques de productivité sont au plus bas comparés aux modes de transport collectif de
type autobus : un seul passager par véhicule (parfois davantage… jusqu’à 3 ou 4 personnes), un
passager pour un chauffeur… Ces ratios ne paraissent pas soutenables d’un point de vue
économique dès lors que le coût de la main d’œuvre est élevé, comme c’est le cas en Europe, en
Amérique du nord ou dans certains pays asiatiques. Mais ils deviennent supportables dans des
milieux où le chômage et la pauvreté sont présents de façon structurelle, permettant des faibles
niveaux de rémunération compatibles avec cette activité.
C’est pourquoi la tendance est à leur développement plus qu’à leur disparition. Outre plusieurs
villes africaines (Cotonou, Douala, Lomé…) on peut citer Phnom Penh (125 000 motodubs) ou
même Bangkok (100 000 rub jongs) en Asie et on en signale de plus en plus dans les villes
latino-américaines.
D’un point de vue des consommations d’énergie et des émissions de GES (tableau 5), le taxi-
moto peut paradoxalement faire jeu égal avec l’autobus si celui-ci est considéré dans des
situations de faible occupation des véhicules et de forte consommation de carburant (45 à 50
litres/100km), telles qu’on les observe dans un certain nombre de villes, loin du schéma idéal de
forts taux d’occupation des autobus.
La dimension sociale de l’emploi
La dimension sociale dans laquelle s’inscrit le transport artisanal est essentielle, car elle
correspond à l’une des dimensions du développement durable : non seulement le transport
artisanal offre des opportunités de mobilité que les entreprises ne sont pas à même d’assurer pour
de nombreux groupes de population, mais il mobilise aussi un grand nombre d’emplois qui
permettent une insertion urbaine à plusieurs catégories de travailleurs dans un contexte de
chômage important.
Tableau 6 : Estimation des emplois générés par le transport artisanal dans quelques villes
Abidjan
1998
Conakry
2004
Cotonou
2000
Dakar
2000
Douala
2004
Parc Moto-taxis - - 60 000 - 22 000
Parcs Taxis 13 200 5 000-6 000 na 12 000 6 000-7 000
Parc Minibus 2 700 1 200-1500 na 4 000 300-400
Emplois Directs 37 000 20 000 60 000 28 000 43 000
Population (millions) 3,2 1,5 1 2,4 2
Sources diverses
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Si l’on admet qu’un actif peut faire vivre une famille d’au moins 4 à 5 personnes, mais parfois
bien plus, on voit que le nombre de personnes vivant de ce secteur peut être important à l’échelle
d’une ville, de l’ordre de 10% de la population. Cette dimension est trop souvent négligée, du
fait sans doute de la prégnance du modèle économique du monde développé.
Le schéma de complémentarité, statique et dynamique
Le schéma de complémentarité associe plusieurs types d’opérateurs de transport, artisanat et
entreprises. Déjà en 1982 le schéma de complémentarité était développé dans l’analyse du cas de
Bamako (Marchand, 1982). Dans le cas de Dakar le schéma de complémentarité a fait son
chemin comme en témoignent l’analyse et les propositions qui en étaient faites dans les années
90 (Teurnier, Mandon, 1994) et la consolidation de ce schéma, observée après bien des
vicissitudes (Godard, 2007)
Pour une vision dynamique des évolutions possibles du transport artisanal, on pourra toujours se
référer à l’ouvrage pionnier de Peter Rimmer publié en 1986 et dont le titre résume cette vision
dynamique d’une évolution technologique du transport artisanal vers des formes modernes avec
les innovations du transport de masse : Rikisha to Rapid Transit. Mais si l’on s’abstrait de
l’évolution technologique, pour se centrer sur la forme artisanale, il nous faut citer notre schéma
d’évolution en spirale établi en 1987 (Godard, 2008) donnant l’idée d’une évolution vers la
complexité combinant artisanat et entreprises.
Cette vision de complémentarité longtemps minoritaire a quelques adeptes : elle était développée
par Talvitie (2004) et on la retrouve à titre d’exemple, dans les scenarios du transport urbain
durable proposés par le Pew Center en Afrique du sud, qui rejoignent notre approche puisque la
tendance à l’extension de la part de l’automobile est contrée dans le scenario « volontariste » à la
fois par les transports collectifs institutionnels (surtout le rail), et par les minibus : ceux-ci sont
annoncés en légère régression par rapport à 2000 mais avec une part plus importante que dans le
scenario tendanciel (tableau 7). Par rapport à ce que l’on sait de la dynamique des minibus, à
travers l’exemple de Tshwane (ancienne Pretoria), il apparaît d’ailleurs que ces données sur la
part des minibus pourraient être sous-estimées.
Tableau 7 : Scenarios d’évolution en Afrique du sud selon Pew Center (2002)
carburant Référence
2000
Scenario 2020
volontariste
Scenario 2020
tendanciel
VP 1,2 1,3 1,2
Minibus (taxi) 4,5 5 4,5
Minibus jitney 15,5 19,6 15,5
Passagers/
véhicule
Bus 44,9 54 44,9
VP essence essence 48 46 57
Minibus essence essence 3 2 2
Minibus Jitney essence 32 8 25
Minibus Jitney diesel 0 21 0
Total minibus 35 31 27
Bus diesel 12 10 8
Rail 5 13 8
Répartition
modale (%)
total 100 100 100
Total pass-km 211 325 400
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Figure : Schéma d’évolution des formes de transport urbain
Source Godard 1987 cité dans Godard (2008)
Conclusion
Par rapport aux trois dimensions classiques du développement durable, le transport artisanal
présente de l’intérêt comme nous avons essayé de l’argumenter :
- Pour des raisons sociales et de contribution à la mobilité, le transport artisanal doit être
considéré comme une composante de la mobilité durable, non pas en soi et seul mais en
articulation avec d’autres modes selon les configurations urbaines variables dans le
monde en développement. Sa contribution à l’emploi est essentielle dans un contexte de
chômage structurel.
- D’un point de vue économique le transport artisanal présente de l’intérêt dans les zones
de demande réduite ou diffuse. De manière générale il a l’avantage de ne pas faire appel
(ou peu) au financement public, ce qui n’est pas un critère absolu mais un argument
partiel lorsque les financements publics sont défaillants.
- Enfin du point de vue de l’environnement (local et mondial) le transport artisanal peut
présenter des performances moins défavorables que l’image qui en est donnée. Il peut
avoir un effet positif par rapport aux modes individuels.
Une difficulté méthodologique majeure se pose dans tous ces raisonnements d’évaluation des
modes de transport dans la mesure où les raisonnements oscillent entre l’introduction de schémas
normatifs caractérisant les modes de transport dans des conditions optimales et l’observation
d’une réalité mouvante qui s’écarte de ces schémas, dans des conditions éventuellement
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dégradées. On ne peut que relever l’insuffisance d’attention et de recherche consacrée à ces
transports artisanaux. Mais toutes ces analyses n’ont de sens que si elles sont insérées dans des
approches systémiques considérant la multimodalité, c'est-à-dire le fonctionnement de multiples
modes de transport au sein d’un même système de mobilité urbaine : c’est alors une autre source
de difficulté méthodologique.
Ce sont ainsi des schémas de complémentarité qu’il faut pouvoir analyser et promouvoir dans les
politiques mises en place, avec un nécessaire encadrement de ce secteur d’activité. On sait que
les obstacles sont alors politiques, à la fois pour la constitution d’autorités organisatrices (conflits
de pouvoir entre entités publiques) et pour l’encadrement du transport artisanal (grand pouvoir
de lobby des syndicats, du fait du nombre d’emplois du secteur).
Les actions doivent chercher à tirer parti des zones d’efficacité de chaque mode mais l’approche
systémique et dynamique impose d’élargir l’analyse aux formes urbaines liées aux modes de
transport (l’artisanat participe à la périurbanisation) ainsi qu’aux évolutions technologiques en
cours intégrant l’industrie des véhicules et les modes de propulsion/carburant. De même les
technologies de communication qui touchent toutes les villes en développement (comme
l’indique l’usage des téléphones portables) devraient faire évoluer tôt ou tard les modalités
d’organisation de ce secteur.
Références
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Méditerranée
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Prud’homme Nouvelles perceptions et nouvelles politiques, transport urbain dans les pays en
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Talvitie, A. (2004), Does urban transport have future? In Codatu, Proceedings de la Conférence
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Teurnier, P, Mandon-Adolehoume B. (1994) L’intégration du transport artisanal dans un
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Recommended