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numéro 73 septembre/octobre 2010 Fréquence Banque 3 PARCOURS 2000 : doctorat en sciences de gestion. 2000-2004 : maître de conférences en sciences de gestion à l’Institut d’administration des entreprises de Rennes. Depuis 2004 : maître de conférences en sciences de gestion à l’IAE Paris et à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne. 2008 : co-auteur de Marketing et communication des associations, éditions Dunod. Membre du conseil scientifique de l’association Recherches et solidarités et membre de l’Association française des fundraisers. L’invité Qui sont ces Français qui donnent ? En valeur absolue, les plus favorisés et les plus âgés. Mais en proportion des revenus du foyer, ce sont les plus modestes qui investissent davantage. Les jeunes sont également nombreux à donner leur temps, leur sang ou de l’argent, de la main à la main, dans la rue. Au plan géographique, on repère une «dia- gonale de la générosité» du Pays basque à l’Alsace avec des pics en Île-de-France et en Bretagne. Cette plus grande empa- thie peut s’expliquer par l’âge élevé de la population dans ces régions, la dureté du climat et une identité régionale forte. De façon générale, les Français donnent en priorité pour la faim, la précarité, la recherche médicale, l’enfance et les situa- tions de crise. Qu’est-ce qui incite les Français à donner? À la base, un tempérament altruiste et une volonté de « faire le bien ». Certains donnent aussi par obligation sociale ou religieuse: plus on est croyant, plus on donne. D’autres, plus «intéressés», sou- haitent accéder à une reconnaissance publique, appartenir à un club, bénéficier d’une déduction fiscale pour l’ISF. Mais il semble que le dispositif de crédit d’impôt, pourtant plus favorable en France qu’à l’étranger, ne soit pas particulièrement incitatif. Contrairement aux prévisions, les dons des Français à des organisations caritatives ont encore progressé en 2009 : 397 millions d’euros. Éclairages de Sophie Rieunier, maître de conférences à Paris I-Sorbonne et spécialiste des comportements de dons. «L’urgence est le moteur de la moitié des donateurs. » Beaucoup de donateurs se constituent un « panier de dons » et donnent en moyenne à trois associations différentes par an. chiffre record du dernier Téléthon ou récol- ter tel montant pour rénover une école. La télévision et Internet, qui permettent de visualiser en direct l’évolution de la col- lecte, procurent au donateur une stimu- lante sensation de pouvoir. On observe aussi la nette augmentation des dons par legs. 10 % des Français n’ont pas de des- cendants et peuvent faire un legs à une association ou une fondation. Beaucoup de structures se professionnalisent donc sur ce marché potentiel évalué à 9 milliards d’euros (1 milliard en 2009). Pour autant, il demeure difficile de prévoir comment les dons, qui sont très sensibles aux catas- trophes les plus médiatisées, peuvent évo- luer. Sans oublier qu’il y a toujours un écart entre le déclaratif et le réel : tout le monde dit qu’il donne ou va donner mais le faire est une autre histoire ! Quel impact la crise a-t-elle eu sur les dons ? Elle ne les a pas diminués, bien au contraire. La moitié des donateurs réagit en effet dans l’urgence. Ils sont sensibles aux images médiatiques, comme celles du tsunami ou de la catastrophe d’Haïti, ce qui explique que les dons n’aient pas reculé en 2009 malgré la crise. Quant aux plus jeunes, ils donnent aussi plus qu’avant, via Internet et par prélèvement automatique. Cet outil a d’ailleurs trans- formé des donateurs occasionnels en dona- teurs réguliers et influence le montant global de la collecte. De manière générale, avec la professionnalisation des associa- tions, les manières de donner ont changé. Comment évoluent les comportements des donateurs ? Avant prévalaient les dons de proximité et les dons religieux. Aujourd’hui, on donne dans la durée par prélèvement ou de manière impulsive par SMS ou Internet. On peut aussi donner par le biais d’un ami, d’une entreprise ou d’une école. La notion de défi prend également une place nouvelle, que ce soit pour dépasser le SOPHIE RIEUNIER, maître de conférences à Paris I-Sorbonne et spécialiste des comportements de dons. GÉNÉROSITÉ www.recherches-solidarites.org www.fondationdefrance.org www.cerphi.org EN SAVOIR PLUS :

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numéro 73 septembre/octobre 2010 Fréquence Banque 3

PARCOURS

„2000: doctorat ensciences de gestion.

„2000-2004: maître deconférences en sciencesde gestion à l’Institutd’administration desentreprises de Rennes.

„Depuis 2004: maîtrede conférences ensciences de gestion à l’IAEParis et à l’université Paris I-PanthéonSorbonne.

„2008 : co-auteur de Marketing etcommunication desassociations, éditionsDunod.

„Membre du conseilscientifique del’association Rechercheset solidarités et membrede l’Association françaisedes fundraisers.

L’invité

Qui sont ces Français qui donnent?En valeur absolue, les plus favorisés et lesplus âgés. Mais en proportion des revenusdu foyer, ce sont les plus modestes quiinvestissent davantage. Les jeunes sontégalement nombreux à donner leur temps,leur sang ou de l’argent, de la main à lamain, dans la rue.Au plan géographique, on repère une «dia-gonale de la générosité» du Pays basqueà l’Alsace avec des pics en Île-de-Franceet en Bretagne. Cette plus grande empa-thie peut s’expliquer par l’âge élevé de lapopulation dans ces régions, la dureté duclimat et une identité régionale forte.De façon générale, les Français donnent enpriorité pour la faim, la précarité, larecherche médicale, l’enfance et les situa-tions de crise.

Qu’est-ce qui incite les Français à donner?À la base, un tempérament altruiste etune volonté de «faire le bien». Certainsdonnent aussi par obligation sociale oureligieuse: plus on est croyant, plus ondonne. D’autres, plus «intéressés», sou-haitent accéder à une reconnaissancepublique, appartenir à un club, bénéficierd’une déduction fiscale pour l’ISF. Mais ilsemble que le dispositif de crédit d’impôt,pourtant plus favorable en France qu’àl’étranger, ne soit pas particulièrementincitatif.

Contrairement auxprévisions, les dons des Françaisà des organisations caritatives ont encore progressé en 2009 :397 millions d’euros.Éclairages de Sophie Rieunier, maître de conférences à Paris I-Sorbonne et spécialiste des comportements de dons.

«L’urgence est le moteur de la moitié des donateurs.»

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Beaucoup de donateursse constituentun «panier de dons» et donnent en moyenne à troisassociationsdifférentes par an.

chiffre record du dernier Téléthon ou récol-ter tel montant pour rénover une école. Latélévision et Internet, qui permettent devisualiser en direct l’évolution de la col-lecte, procurent au donateur une stimu-lante sensation de pouvoir. On observeaussi la nette augmentation des dons parlegs. 10 % des Français n’ont pas de des-cendants et peuvent faire un legs à uneassociation ou une fondation. Beaucoup destructures se professionnalisent donc surce marché potentiel évalué à 9 milliardsd’euros (1 milliard en 2009). Pour autant,il demeure difficile de prévoir comment lesdons, qui sont très sensibles aux catas-trophes les plus médiatisées, peuvent évo-luer. Sans oublier qu’il y a toujours unécart entre le déclaratif et le réel : tout lemonde dit qu’il donne ou va donner maisle faire est une autre histoire!

Quel impact la crise a-t-elle eu sur lesdons?Elle ne les a pas diminués, bien aucontraire. La moitié des donateurs réagiten effet dans l’urgence. Ils sont sensiblesaux images médiatiques, comme celles dutsunami ou de la catastrophe d’Haïti, cequi explique que les dons n’aient pasreculé en 2009 malgré la crise. Quant auxplus jeunes, ils donnent aussi plusqu’avant, via Internet et par prélèvementautomatique. Cet outil a d’ailleurs trans-formé des donateurs occasionnels en dona-teurs réguliers et influence le montantglobal de la collecte. De manière générale,avec la professionnalisation des associa-tions, les manières de donner ont changé.

Comment évoluent les comportementsdes donateurs?Avant prévalaient les dons de proximitéet les dons religieux. Aujourd’hui, on donnedans la durée par prélèvement ou demanière impulsive par SMS ou Internet.On peut aussi donner par le biais d’unami, d’une entreprise ou d’une école. Lanotion de défi prend également une placenouvelle, que ce soit pour dépasser le

‰SOPHIE RIEUNIER, maître de conférences à Paris I-Sorbonne et spécialiste des comportements de dons.

GÉNÉROSITÉ

• www.recherches-solidarites.org

• www.fondationdefrance.org

• www.cerphi.org

EN SAVOIR PLUS:‰