38
© Shaheen Shariff, Ph.D. Cyberintimidation, cyberdiffamation ou cyberplaisanteries? Espace « public » et espace « privé » des conversations des jeunes dans le cyberespace. Shaheen Shariff, Ph.D. Professeure adjointe, Université McGill Montréal (Québec) Canada

Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

Embed Size (px)

DESCRIPTION

 

Citation preview

Page 1: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Cyberintimidation, cyberdiffamation

ou cyberplaisanteries? Espace « public » et espace « privé » des

conversations des jeunes dans le cyberespace.Shaheen Shariff, Ph.D.

Professeure adjointe, Université McGillMontréal (Québec) Canada

Page 2: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Peur sur le net : On ne sait jamais qui sont nos véritables amis

La police : « Il ne faut pas plaisanter avec les menaces proférées en ligne »

Manchettes récentes

Des enseignants

déclarent la

guerre à la

cyberintimidationInternet permet aux personnes

qui font de la cyberintimidation

de fourbir leurs armes invisibles

Un cadeau empoisonné : Les activités en ligne sont des sujets d’inquiétude

Cyberintimidation : Internet est

l’arme dernier cri de l’arsenal

des personnes qui font de la

cyberintimidationLa cyberintimidation des enseignants

Page 3: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Portrait d’une personne qui fait de la cyberintimidation

David Abitbol (28 ans);vit chez ses parents;Son identifiant : « David Darkiller »– Profère des menaces à d’anciens enseignants qui selon lui « méritent

de mourir »– Écrit : « la mort est la seule solution »– De la pornographie juvénile et cinq armes à feu, dont certaines ne

sont pas inscrites au registre, sont découvertes dans sa chambre– Craignant la visite nocturne de lutins, il dort avec ses armes– Accusé de menace d’agression criminelle, de possession d’armes à

feu non inscrites au registre et de possession de pornographie juvénile– Libéré sous caution

Page 4: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Il n’était prétendument pas dangereux

L’avocat d’Abitbol a plaidé que son client n’était pas dangereux

Son client ne faisait que « plaisanter » et s’amuser avec son ami virtuel

Sa libération ne représentait aucune menace à la sécurité du public

Page 5: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Caractère flou des distinctions entre comportements sociaux et criminels

• Une vidéo et des photographies montrant la scène d’un viol collectif d’une jeune Britanno-Colombienne de 16 ans, que des garçons avaient droguée, sont affichées sur Internet et se répandent par diffusion virale.

• Les gestes posés au rave constituaient sans conteste un acte criminel et les jeunes savaient pertinemment que le viol constituait un acte criminel.

• Faire ingérer de la drogue à la jeune fille à son insu constituait également un acte criminel.

• La question reste celle-ci : l’acte consistant à filmer la scène puis à afficher le vidéo sur Internet constitue-t-il un acte criminel?

Page 6: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Naviguer aux confins imprécis du cyberespace :

les limites à la liberté d’expression en ligne

1. La tolérance tacite des entreprises envers la cyberintimidation et d’autres formes de harcèlement exerce une certaine influence.

2. Aux yeux de la loi, les intermédiaires commerciaux sont des diffuseurs et non des éditeurs, c’est pourquoi ils ont la responsabilité minimale de retirer le contenu.

3. De quelle sphère, « publique » ou « privée », l’expression des idées et des opinions relève-t-elle?

4. Qu’est-ce qui constitue une « plaisanterie » et des « menaces véritables » (préjudice véritable pouvant être évalué objectivement par opposition à un préjudice ressenti, qui est subjectif)?

5. Quand les « plaisanteries » ou les « propos fallacieux » deviennent-ils calomnieux (cyberdiffamation)?

6. Quelles sont les limites de la surveillance à exercer et quelle est la responsabilité de l’établissement scolaire à l’égard des gestes d’intimidation en ligne entre les élèves hors des murs de l’école?

7. Quelle est la place de la loi et quel est le rôle de sensibilisation de la police?

Page 7: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Atteinte au droit à la vie privée

• Chez les adultes, mais surtout chez les enfants et les adolescents, la notion de vie privée évolue, évolution qui est attribuable au phénomène des réseaux sociaux, à Twitter, etc.

• La société est de plus en plus voyeuse (pensons par exemple au viol collectif commis à Pitt Meadows).

• La frontière entre l’espace public et l’espace privé du discours est imprécise.• Le législateur éprouve des difficultés à préciser les limites en raison de la rapidité

de l’évolution des technologies.• Les jeunes sont en voie de redéfinir complètement ce qui est public de ce qui ne

l’est pas, tant et si bien que dans à peine quelques générations, les notions actuelles de vie privée et publique seront sans doute caduques.

• Aspects subjectifs et objectifs de la vie privée.• Incidence sur le développement moral et naissance de nouvelles normes éthiques.• Le développement moral commence en bas âge.

Page 8: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Acte criminel ou comportement social

• Les services de l’ordre appliquent les lois sur la pornographie juvénile, mais aucune loi ne sanctionne directement le sextage.

• Il existe une diversité de motifs pour lesquels les jeunes fournissent de l’information sur Internet.

• Ils veulent parfois informer les autres, alerter d’une activité criminelle; dans ce dernier cas, la personne qui télécharge peut vouloir plaisanter.

Page 9: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Publicité

La publicité destinée aux jeunes fait parfois montre de tolérance envers la cyberintimidation

Les stratèges du marketing doivent prendre conscience de l’influence qu’ils exercent

Tout en vendant des téléphones, ils se doivent d’être responsables sur le plan social

Pensez aux publicités de : Rogers T-Mobile

Page 10: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Portrait de la cyberintimidation

1. Les commentaires au sujet des autres et contre les symboles d’autorité :– sont anonymes et permanents et peuvent être lus par un nombre infini

de personnes.

2. Supports : les textos, les sites de réseau social, les forums, les blogues, les salons de clavardage, les avatars, les journaux et blogues Xanga, le courriel, les téléphones cellulaires dotés d’un appareil photo et d’une fonction vidéo, le sextage de photos de nu ou quasi-nu à des amis.

3. Les commentaires en ligne contre les symboles d’autorité justifient davantage l’adoption rapide de mesures restrictives et des modifications aux lois régissant les technologies que la cyberintimidation.

4. De plus en plus de poursuites à l’échelle mondiale.

Page 11: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Plaisanteries et commentaires contre les symboles d’autorité

Dans la seule intention de faire rire les amis!

Sites de réseau social (Facebook, MySpace)– On y dénonce de faux cas d’attouchements sexuels en classe par des

enseignants.– On y qualifie des directeurs d’école de pédophiles.– On y échange des propos sur leur orientation sexuelle, leur hygiène, leur

méthode d’enseignement.– On y affiche des photographies peu flatteuses avec des commentaires

insultants et calomnieux.

Des sites de vidéos (YouTube)• Les élèves provoquent les enseignants puis filment leur réaction de

frustration. Les vidéos sont ensuite affichés sur YouTube.

Page 12: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Cyberintimidation, plaisanteries ouconversations privées?

Un élève ment en déclarant sur Facebook que son enseignante se masturbe en classe. • Dans une entrevue accordée à CBC, il se défend en disant qu’il plaisantait avec des

amis à l’occasion d’une conversation privée.

Des élèves d’une école de Montréal et de deux écoles en Ontario ont passé le même genre de commentaires sur leurs enseignants et leurs directeurs d’école.

• La politique de tolérance zéro interdisant ce genre d’actes a justifié leur suspension ou leur renvoi.

• Les étudiants ont invoqué l’atteinte à leur droit à la libre expression protégé par la Charte.

• Ils ont réfuté les accusations de cyberintimidation parce que les enseignants n’étaient prétendument pas directement ciblés.

• Selon eux, ils ne faisaient que converser ou « plaisanter ».

En 2008, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants a demandé que la « cyberintimidation » soit sanctionnée par le Code criminel. Or, il aurait fallu exiger la sanction de la cyberdiffamation envers les enseignants.

Page 13: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Cyberintimidation ou plaisanterie douteuse

Un enseignant de Foshan, dans le Guangdong, a trouvé sur le forum Foshan Daily un montage photographique de son visage sur 1) un corps humain nu; 2) un singe; 3) un poulet,

L’élève (Xioarong) auteur de ce montage a prétendu ne pas avoir

conscience qu’il agissait en infraction de la loi en faisant un montage à partir d’une photographie pornographique avec le logiciel Photoshop.

Le geste ne se voulait qu’une plaisanterie. • Il n’avait pas du tout l’intention de causer du tort à son enseignant. • Il voulait faire rire ses amis (Zhang et Wei, 22 juillet 2007).

Pour sa faute, Xiaorong a néanmoins écopé une amende de 500 $.

Page 14: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

Récentes décisions judiciaires américainesMenace, diffamation ou plaisanterie douteuse?

• D.C., musicien émergeant, ouvre une page web dans laquelle il décrit son apparence (« yeux bruns dorés ») et sa musique.

• Il y disait avoir été approché pour faire un film, avoir donné plusieurs prestations musicales et enregistré un CD qu’il voulait commercialiser en ligne.

• Son site Web comportait un carnet de visites dans lequel les visiteurs étaient invités à faire part de leurs commentaires.

• Certains des élèves fréquentant son école y ont inscrit les commentaires suivants :

« Pédé, je vais te tuer »,« T’es qu’un gros pédé... Je prendrais un malin plaisir à te tordre le cou ».« Je me réjouis de ta mort prochaine ».« Ta tête est maintenant officiellement mise à prix ».« Je vais décharger ma semence dans ces yeux bruns dorés » (D.C. et al c.

R.R. et al – Cour d’appel de l’État de Californie, motif du jugement à la page 15, le 15 mars 2010).

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Page 15: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

DÉCISION RÉCENTEMenace, diffamation ou plaisanterie douteuse?

Le plus troublant de tous les commentaires a été affiché par R.R., dont les propos ont été décrits par D.C. et ses parents dans leur procédure comme constituant la plus grave menace à la santé psychologique et physique de D.C. :

« Hé D.C., je veux arracher tes put...... de tripes et te les faire bouffer. J’ai écouté ta chanson pendant que j’amenais mon enfant à l’école et

depuis ce temps, je veux te tuer. Si jamais je te vois, je vais t’enfoncer un pic à glace dans le crâne.

Va te faire fout… espèce d’enc... Que ta vie devienne un enfer. » [propos de R.R.](D.C. et al c. R.R. et al – Cour d’appel de l’État de Californie, motif du jugement à la page 15, le 15 mars 2010).

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Page 16: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

D.C. c. R.R. et al (2010)

• D.C. a subi des dommages psychologiques et le service de police de Los Angeles lui a demandé de ne plus fréquenter son école pour sa sécurité personnelle.

• Sa famille a dû déménager dans un autre quartier et l’inscrire dans une autre école, ce qui a entraîné des dépenses importantes et perturbé toute la famille.

• Le projet de film a dû être remis à plus tard. • Même s’il n’était pas gai, les gens ont commencé à lui demander si c’était

bien le cas.• Il a dû être soigné, ses notes ont souffert et il a perdu confiance en lui.R.R.• A témoigné qu’il ne connaissait pas D.C. et qu’il était indifférent à l’orientation

sexuelle de ce dernier.• C’est à la suggestion d’un ami qu’il a visité le site Web.• L’arrogance et la description des « yeux bruns dorés » de D.C. l’ont agacé.

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Page 17: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

D.C. c. R.R. et al (2010)R.R s’est défendu en prétendant que :• Les autres visiteurs semblaient aussi agacés que lui.• Les commentaires se faisant de plus en plus étranges, il semblait évident que les

commentateurs ne cherchaient qu’à rivaliser d’outrance.• C’est sans arrière-pensée qu’il a décidé de se prêter au jeu.• Sa motivation n’avait rien à voir avec un quelconque jugement sur l’orientation

sexuelle de D.C..• Son message, qu’il décrit comme étant «  fantasque, hyperbolique, ludique et

provocateur », se voulait une réponse au ton «  pompeux, empreint de glorification personnelle et narcissique, et non par son orientation sexuelle » (p.10 et11).

• Il a expliqué que son autre motif était plus « pathologique » (p. 11), qu’il cherchait à gagner la compétition.

• Il tenait pour acquis que toute personne rationnelle comprendrait son aversion pour le style autopromotionnel de D.C. (pp. 10 et 11, motifs du jugement).

• Lui et ses parents ont déposé des affidavits indiquant que R.R. n'est pas violent et qu’il est végétarien et bouddhiste.

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Page 18: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

D.C. c. R.R. et al (2010)Décision de la cour d’appel :Libre expression, site Web public et propos calomnieux• L’hyperbole et les « simples plaisanteries » (p.18) sont des formes d’expression protégées

par le premier amendement, MAIS l’interdiction de « menaces sérieuses » n’est pas anticonstitutionnelle.

• Il n’est pas nécessaire que l’auteur de la menace ait une intention criminelle. Il est interdit « d’instiller la peur » (p.17).

• Imposer des restrictions aux menaces en ligne permet d’éviter « le passage à l’acte » (p.17).

• Plus le ton du discours s’écarte de la volonté de persuader, de dialoguer et d’échanger, moins il est protégé par le droit à la libre expression (p. 18).

• Il faut tenir compte de ce que l’on juge être une menace à la sécurité et de l’impact de la menace sur la victime et la famille.

• Les personnes raisonnables de l’entourage de D.C. ont cru les fausses rumeurs sur son orientation sexuelle, et du fait même, les propos de R.R. étaient de nature diffamatoire.

• D.C. n’était pas si connu au point que son site était véritablement d’intérêt public. Même si les commentaires et les plaisanteries d’élèves fréquentant la même école étaient accessibles au grand public, ils n’en demeurent pas moins qu’ils étaient de nature privée.

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Page 19: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

D.C. c. R.R. et al (2010)

Décision de la cour d’appel :• Il faut tenir compte de ce que l’on juge être une menace à la sécurité et de

l’impact de la menace sur la victime et la famille.

• Les personnes raisonnables de l’entourage de D.C. ont cru les fausses rumeurs sur son orientation sexuelle, et du fait même, les propos de R.R. étaient de nature diffamatoire.

• D.C. n’était pas si connu au point que son site était véritablement d’intérêt public. Même si les commentaires et les plaisanteries d’élèves fréquentant la même école étaient accessibles au grand public, ils n’en demeurent pas moins qu’ils étaient de nature privée.

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Page 20: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Cas de véritables menaces

Discours des élèves contre les symboles d’autorité (tribunaux américains)

(J.S., d'âge mineur, c. Bethlehem Area School District (2000))

Le site Web « Teachers Sux’ » (« les profs sont nuls ») :Pourquoi Fulmer devrait être viréeElle fait étalage de ses put... de grosses pattesC’est une garcePourquoi doit-elle mourir?Donne-moi 20 $ pour que je recrute un tueur à gages

Image de Mme Fulmer décapitée.

Page 21: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Forme d’expression protégée

Dis donc, tas de mer... de Green-Castle

Qu’est-ce que tu penses de moi maintenant que tu n’as plus de contrôle sur moi? Hein?

Ha ha ha, devine!!! À l’école, je vais montrer mes put... de piercings au grand jour et tu pourras rien y faire! Ha ha ha! Gros sal...!

Oh, en passant, félicitations à la personne qui a créé cette page, je suis pas mal certain de qui il s’agit.

Informe-toi. (Demande de l’appelant à la p. 69)

Le jour suivant, l’auteur de la page écrit : « crève . . . Gobert . . . crève » (Ibid., à la p.70).

A.B. c. State of Indiana, nº 67A01-0609-JV-372, 2007 Ind. App. LEXIS 694 (Cour d’appel de l’Indiana, 9 avril 2007)

rcbouchoux
L'auteur à copier et coller le texte directement du jugement et a omis d'enlever le mot Seperate de la phrase qui suit.
Page 22: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Sextage : pornographie publique ou chambre virtuelle privée?

Affaire de Philadelphie (pourvoi devant les tribunaux d’appel des États-Unis, cours du troisième circuit) :

Trois jeunes filles mineures sont accusées de diffusion de pornographie en contravention des lois de l’État de Pennsylvanie.

« Sextage »  : Affichage de photos de deux mineures âgées de 12 ans posant en soutien-gorge et d’une adolescente de 16 posant les seins nus.

• Le juge de première instance les condamne à suivre des cours de « réhabilitation ».

• Les procureurs de la défense ont invoqué une atteinte aux droits inscrits dans le premier amendement.

• Ils ont soutenu que les photographies avaient été affichées sur le réseau social privé à l’intention d’amis et NON en tant que pornographie.

Page 23: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

.

La réalité des jeunes filles

• Weber et Mitchell (2008) ont publié une étude sur l’usage des technologies par les jeunes filles dans laquelle ils constatent ce qui suit :

– Le réseau social permet aux jeunes filles d’acquérir leur autonomie et de forger leur personnalité grâce à des journaux intimes en ligne, qu’elles qualifient de journaux intimes « publics » (p. 28).

– Elles s’adressent en privé à leurs amis par le truchement d’un site Web public, d’où l’ambiguïté quant au caractère privé ou public de ces journaux et l’incertitude quant aux limites juridiques.

– Pour les adolescents, l’opinion de leurs amis est très importante.

Page 24: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

« Culture de la chambre », « chambres virtuelles » et

« intimité publique » L’expression « culture de la chambre » a été employée pour la première fois en 1976 dans

une étude sociologique sur les jeunes filles (McRobbie et Garber, 1976) :• Bien que la chambre à coucher des jeunes filles soit un espace privé, il s’agit d’un lieu

de rencontres sociales très animées (bavardage au téléphone avec des amis, affiches sur les murs, soirée en pyjama avec des amies, écriture de journal intime, écoute de musique).

L’expression a progressivement évolué et l’on parle maintenant de « chambre virtuelle » (Sefton-Green et Buckingham, **).

• L’expression désigne les sites virtuels où enfants et adolescents jouent, naviguent sur le Web, se joignent à un réseau social, mais elle désigne plus précisément les sites dédiés aux jeunes filles.

Weber et Mitchell (2008) ont réalisé une étude réalisée auprès d’une cinquantaine de jeunes Sud-Africaines ayant participé à un projet de création dune « chambre virtuelle » avec des photos numériques montées à l'aide du logiciel PowerPoint dans le cadre d’un cours de langue seconde. Les chercheurs ont pu constater ce qui suit :

Page 25: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

« Chambre virtuelle » et espaces « public » et « privé »

Ce projet livre « un aperçu de l’univers des jeunes filles, où la construction identitaire, l’espace et la technologie sont interreliés » (Weber et Mitchell, **:35).

Le fait pour les jeunes filles de choisir des photographies [prises dans un espace privé] et de prendre part à un projet réalisé dans un espace public constitue un acte à caractère social, non seulement du fait de choisir ce qu’elles veulent photographier, mais de choisir l’image qu’elles souhaitent présenter d’elles-mêmes à leurs camarades de classe et à leurs enseignants. En fait, ce qu’elles ont fait dans le cadre ce projet n’est pas différent de faire circuler des photos prises avec leur cellulaire ou de les afficher sur un site de réseau social. Le choix de l’image que les jeunes filles ont voulu projeter révèle des aspects fort intéressants de leurs personnalités privée et publique. (c’est nous qui soulignons, Weber et Mitchell, **:36).

Vu sous cet angle, le geste des jeunes philadelphiennes accusées de diffuser de la pornographie ne constituerait qu’une simple activité sociale consistant à montrer des photographies à des amis dans une « chambre virtuelle » sur le réseau social.

Page 26: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Intervention judiciaire en réactionà un vent de panique à propos du sextage

Floride, États-Unis :• Le jeune Philip Albert, âgé de 18 ans, est éconduit par sa petite amie, Jesse Logan.• Par vengeance, il transmet à 70 personnes, dont les grands-parents de la jeune fille,

des photos intimes d’elle qu’elle lui avait envoyées à titre confidentiel.• Jesse s’est suicidée.• Le jeune Philip a été reconnu coupable en vertu des lois sur la délinquance sexuelle

de la Floride et placé sous surveillance (Slane, 2009).

• L’avocat spécialiste des questions touchant le premier amendement et Internet, Lawrence Walters, a plaidé que même si l’acte consistant à diffuser les photos était répréhensible, il ne contrevenait pas aux lois sur la pornographie juvénile puisque :– a) ces lois visent à sanctionner les cas de sévices sexuels commis à l’endroit

d’enfants; et – b) le fait de punir un adolescent pour un acte pour lequel un adulte ne le serait

pas revient à imposer aux adolescents une norme de comportement plus stricte que pour les adultes (Slane, 2009 :).

Page 27: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Point de vue en droit canadien

Les tribunaux canadiens se sont penchés sur la question peu de fois :

• En 2007, un adolescent albertain accusé de diffusion et de possession de pornographie après avoir diffusé des photographies d’une jeune fille de 15 ans posant nue que celle-ci lui avait envoyées a plaidé coupable à une accusation réduite de « corruption des mœurs ».

• Au Québec, dans l’affaire Aubry c. Éditions Vice Versa, la diffusion d’une photographie à caractère privé a été assimilée à une atteinte au droit au respect de la vie privée protégé par la Charte des droits et libertés de la personne (Slane, **).– Le tribunal a tranché en faveur de la jeune fille de 17 ans, jugeant que, vu la

sensibilité notoire des adolescents aux railleries de leurs camarades, la diffusion était susceptible de causer un préjudice prévisible. En d’autres mots, la réputation de la personne prend le pas sur la liberté d’expression.

Page 28: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Cour suprême du Canada

CRITÈRE : Si une « personne normale » est susceptible d’accorder foi aux propos tenus en ligne, alors il s’agit de propos illicites visant à ternir la réputation de la personne :

[Une] bonne réputation… se rattache étroitement à la valeur et à la dignité innées de la personne. Elle est un attribut qui doit, au même titre que la liberté d'expression, être protégé par les lois de la société… Les démocraties ont toujours reconnu et révéré l'importance fondamentale de la personne… [U]ne réputation ternie par diffamation peut rarement regagner son lustre passé. Une société démocratique a donc intérêt à s'assurer que ses membres puissent jouir d'une bonne réputation et la protéger aussi longtemps qu'ils en sont dignes.

Église de scientologie de Toronto c. Casey Hill (1995)

Questions : Le critère de la « personne normale » peut-il s’appliquer uniformément aux enfants, aux adolescents et aux adultes? Peut-on également l’utiliser pour la diffusion de photographies de la même manière que pour des propos ou des commentaires écrits?

Page 29: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Liberté d’expression des élèveset obligations des

établissements scolairesLiberté d’expression dans le contexte scolaire :• Critère de Tinker : « l’apprentissage s’en trouve significativement ou

considérablement troublé »• Critère de Fraser : « si cela perturbe la mission éducative ».• Hazelwood et Garrity : Si l’enfant se sert du matériel de l’établissement scolaire.• Morse vs Frederick ou l’affaire « BONG » : S’il y a un lien avec l’établissement

scolaire.

Les critères du droit civil et des droits de la personne aux États-Unis et au Canada :• Davis vs. Munroe : Les établissements scolaires ne devraient pas créer « un contexte

d’apprentissage délibérément dangereux ».• Canada – Robichaud, Ross, Jubran : Les établissements ne devraient pas créer un

contexte d’apprentissage ou de travail toxique.

Page 30: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Le droit actuel tient-il compte de la convergence des cultures?

En septembre 2009, John Palfrey, professeur de droit de l’Université Harvard, s’est adressé au Congrès américain :

• Il a insisté auprès du législateur pour qu’il se penche sur le problème de la cyberintimidation et sur l’ensemble des problèmes liés à Internet et a rappelé de ne pas imputer le tort uniquement aux nouvelles technologies.

Tout d’abord, dans la vaste majorité des cas, les jeunes utilisent les technologies numériques de manière appropriée. . . La plupart des jeunes, du moins aux États-Unis, ne font pas la distinction entre leur vie virtuelle et leur vie normale. Ainsi, s’ils se comportent civilement dans leur vie normale, ils le feront dans leur vie virtuelle. Inversement, s’ils se comportent mal au quotidien, ils le feront également en ligne.

Page 31: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Réaction de peur

Bien que l’on constate, à la lumière des réactions du grand public sur les blogues, un certain équilibre :

La peur de perdre le contrôle subsiste :• Impression que les adolescents ont trop de pouvoir et sentiment de devoir imposer des

balises. • Panique à propos des dangers auxquels les jeunes filles sont exposées sur Internet (sujet

d’inquiétude connu).

Réactions des adultes :• Mentalité des adultes ancrée dans le principe de tolérance zéro (modèle militaire). • Moins d’attention portée aux comportements sociaux de base ou à la discrimination hors

ligne. • Demandent l’imposition d’interdictions, l’adoption de mesures législatives et la

« criminalisation ».• L’accent n’est pas mis sur la sensibilisation (adultes et jeunes) et aucun effort déployé pour

comprendre que les jeunes personnes ne font pas la distinction entre leur vie sociale en ligne et hors-ligne.

Page 32: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Rapport Palfrey :Le rôle des sociétés de technologie des

télécommunications• Il faut prendre des mesures législatives pour inciter les sociétés de technologie des

télécommunications à travailler de concert avec les jeunes utilisateurs et à s’efforcer de les protéger; les inciter à reprendre la maîtrise de leurs innovations.

• Il faut repenser le cadre législatif en vue d’assurer une application de la loi plus en phase avec la réalité des jeunes.

• Aux États-Unis, le projet d’adoption d’une législation tenant compte des spécificités des jeunes est une bonne idée : on propose d’accorder des subventions destinées aux jeunes à risque et d’établir un partenariat entre les secteurs privé et public et de coaliser le milieu de la recherche et les établissements scolaires.

• Aux États-Unis, dans les affaires de diffamation comme celle de Zeran (se reporter à Shariff, 2008-09), on qualifie les intermédiaires de « diffuseurs » et non « d’éditeurs ».

• Il est difficile de faire reconnaître leur faute d’avoir omis d’empêcher les propos calomnieux ou insultants sur leurs sites et d’engager leur responsabilité.

Page 33: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Réaction des établissements scolaires

Politique de tolérance zéro (ex.

Expulsion)

Politiquesavisées

Ignorerla tolérance

tacite

Sécurité relâchée

Responsabilitéaccrue

Discriminationconstante

Apprentissageplus difficile

+Apprendre comment

les jeunes se comportent en ligne

Pertinence

Connaître ses droits

et responsabilités

Opinion des jeunes

Dialogue sur les espaces public et privé

INITIATIVE

ABSENCE D’INITIATIVE

+

Page 34: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Objectifs d’ordre préventif

• Développer la capacité (chez les adultes intéressés et les enfants) de mesurer l’impact des propos ET reconnaître la limite à ne pas franchir pour ne pas enfreindre la loi.

• Favoriser le dialogue entre les jeunes, la police, les sociétés de technologies et les médias.

• Faire intervenir les étudiants, les enseignants, les bibliothécaires et les parents directement en vue de fournir l’information, d’acquérir des habiletés et d’élaborer des méthodes quant aux règles d’utilisation des technologies, de conduite et de respect du droit à la vie privée (Rapport du groupe de travail de l’ACSAQ).

• Inviter les jeunes à participer activement à la sensibilisation des camarades et à se défendre contre l’intimidation, par ex. au moyen de programmes de prise en charge destinés aux jeunes filles, Journée du chandail rose, soutien de l’État de Virginie-Occidentale et de Facebook dans deux causes relatives à des raves.

Page 35: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Projets de site CYBER-CATS CLUB et E-Q-KIDS

- McGill

Site Web bilingue comportant quatre volets :

Base de données de référence – 24 adjoints de recherche en droit, politique, psychologie, criminologie, informatique, leadership et culture médiatique;

Nous colligeons des recherches de partout dans le monde qui sont susceptibles d’intéresser les parties prenantes;

Nous comptons des experts en questions d’actualité chargés de surveiller attentivement les sujets chauds et de rapporter les nouvelles de dernière heure ainsi que les dernières décisions judiciaires, les nouvelles lois, les résultats de recherches innovatrices et les affaires faisant la manchette.

Page 36: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Projets de site CYBER-CATS CLUB et E-Q-KIDS

- McGillBlogues vidéo hebdomadaires :

– Chaque semaine, nous créerons des blogues vidéo traitant des recherches jugées d’intérêt et des dernières nouvelles.

Séances interactives dirigées en ligne : Pour les 5 à 9 ans, les 9 à 12 ans, les 13 à 16 ans et les 16 à 20 ans; échanges supervisés auxquels les élèves peuvent s’inscrire. Ces échanges pourraient avoir lieu avec diverses parties prenantes, notamment :

• Les services d'ordre public;• Des intermédiaires (représentants marketing);• Des représentants des médias;• Des élus et des stratèges politiques;• Des directeurs d’école, des enseignants, des bibliothécaires;• Des parents;• Des animateurs communautaires.

Recherche qualitative : - 16 capsules visant à aider les enfants et les adolescents à résoudre les dilemmes moraux soulevés par Internet, le droit au respect de la vie privée, les plaisanteries, les torts causés, le sextage, la discrimination, l’intimidation, etc. – Les capsules pourraient également servir pour les séances en ligne.

NÉCESSITÉ D’INVITER DES ÉCOLES DE PARTOUT AU CANADA À PARTICIPER

Page 37: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Éveil et prise en charge de la jeunesse

• Aider les enfants à réfléchir sur les questions d’ordre moral et à mesurer leur impact sur un vaste public en ligne, de même que l’incidence à court et à long terme sur leur vie (dossier criminel, réputation, notes, santé).

• Reconnaître les formes de discrimination – sexisme, homophobie, déficiences, etc.

Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes s’ennuient – ils ont besoin de se prendre en charge et doivent mesurer l’importance et la pertinence d’apprendre : http://www.youtube.com/watch?v=dGCJ46vyR9o

• Dialoguer avec les enfants et les sensibiliser à l’impact de leurs propos.

• Réfléchir sur les réactions des adultes par rapport à l’utilisation des technologies (Lankshear et Knobel, 2007).

Page 38: Cyberintimidation, Shariff PowerPoint 1

© Shaheen Shariff, Ph.D.

Ouvrages sélectionnés

Shariff, S. et Churchill, A. (2009). Truths and Myths of Cyberbullying. New York : Peter Lang.Shariff, S. (2009). Confronting Cyber-bullying: Issues and solutions for the school, the classroom, and

the home. Abington, Oxfordshire, R-U : Routledge (Taylor & Frances Group) Shariff, S. (2008). Cyber-bullying: What schools need to know to control Cyber-bullying and avoid

legal consequences. New York : Cambridge University Press. Shariff, S. et Johnny, L. (2007), « Cyber-Libel and Cyber-Bullying: Can Schools Protect Student

Reputations and Free-Expression in Virtual Environments? » in Education & Law Journal. 16 (3) 307-342.

Shariff, S. et Gouin, R. (2006), « Cyber-Hierarchies: A New Arsenal of Weapons for Gendered Violence in Schools », in (Leach, F. et Mitchell, C. Eds., 2006), Combating gender violence in and around schools. Stoke on Trent. Trentham. pp. 33 à 41.

Shariff, S. (2005) « Cyber-Dilemmas in the New Millennium: Balancing Free Expression and Student Safety in Cyber-Space », Special Issue: Schools and Courts: Competing Rights in the New Millennium, in McGill Journal of Education. 40(3), pp. 467 à 487.

QESBA Task Force on the Internet and Related Technologies (June 28, 2008). Towards Empowerment,Respect and Accountability.

Mes remerciements au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour avoir accepté de financer cette recherche importante sur l’intimidation aux échelles nationale et internationale.