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BRASERO
Numero 4 - Mars 2013 - Participation Libre - Coût De Revient : 90 cts
Dossier "Autonomie"Squat politique le "Mât-Noir"
Nuisances (ZAD, Nucléaire, TGV)Divers
PRESENTATION
ENVOYEZ-NOUS vos articles, contributions, réactions à :
[email protected] anciens numéros sont librement téléchargeables sur : ablogm.com/brasero/Sites d'informations subversives : juralib.noblogs.org, infokisoques.net, 1 libertaire.free.frSites d'informations locales : sous-la-cendre.info/, www.resistances-caen.org
RASERO est une revue anarchiste apériodique de la région caennaise. L’ idée émane de l’assembléelibertaire caennaise, mais ce journal est indépendant de celle-ci. Il s’autofinance et a choisi laparticipation libre (tu fais, tu donnes, tu rends ce que tu peux, ce que tu veux…). Il est imprimé par
nos soins.
La rotation des tâches et l’anti-autoritarisme sont les modes de fonctionnement de l’équipe derédaction. Cette dernière est ouverte, varie selon les numéros, et concerne les personnes au-delà dessimples milieux libertaires.
Nous avons choisi d’éditer un journal à la fois pour transmettre ce qui se passe par chez nous,mais aussi dans un souci d’analyse radicale plus large, de faire connaître des textes rares et/ou pertinents(d’ ici ou d’ailleurs), de nous réapproprier l’histoire des mouvements anti-autoritaires, de participer à laconstruction d’une réflexion anarchiste sur la situation actuelle – toujours dans le but de dézinguer cevieux monde !
2
Autonomie
3
UTONOMIE (auto-nomos) signifie « des lois
pour soi, à partir de soi ». On peut le
définir comme l’état de celui qui se
gouverne par lui-même et qui agit en se donnant ses propres
règles de conduite. Le terme d’autonomie est très ancien,
multiple, parfois contradictoire. Voici un bref aperçu de
quelques conceptions de l’autonomie.
L’écologie va ramener cette idée sur le devant de
la scène, tout en modifiant sa définition. Cette notion
d’autonomie va être popularisée par Illich notamment, dans
les années 1970. A travers sa notion d’outils conviviaux et
ses critiques de la dépendance aux institutions (école,
médecine, Droit, finance…), à l’argent, à la vitesse et au
système industriel dans son ensemble, Illich va réouvrir la
voie à la signification militante de l’autonomie.
Illich, aux côtés de ses amis Jacques Ellul et
Charbonnier, ou encore de Gorz qu’il a directement inspiré,
est l’un des instigateurs de la pensée sur l’après-
développement. La dichotomie autonomie – hétéronomie
devient une référence théorique, et développe une pensée
autour de la dépossession des personnes par le système
capitaliste, industriel et technoscientifique. Pour Illich,
l’autonomie est entendue comme autonomie locale, basée
sur des communautés plus écologiques, à l’ intensité
relationnelle plus importante et dont les pratiques,
représentations et institutions ne lui sont pas imposées de
l’extérieur. Illich conçoit donc l’autonomie à travers un
maillage de savoirs et pratiques inscrites dans des
communautés à échelle humaine, avec en arrière plan un
certain retour à la tradition.
L’autonomie prend un autre sens chez le
conseilliste Cornelius Castoriadis. Il le définit notamment
dans son ouvrage L’Institution imaginaire de la société
(1 975). Pour lui, la civilisation contemporaine est
ambivalente, ayant une tendance à la fois rationaliste, et une
autre, à conforter, vers l’autonomie. Il s’agit pour lui d’une
démarche d’émancipation vis-à-vis de tout imaginaire social
construit sur des autorités transcendantes, que ce soient
l’Etat, les religions, l’économie capitaliste et libérale etc.
Conformément au marxisme autonome, dont le groupe
politique de Castoriadis Socialisme ou Barbarie était un
illustre représentant, l’ idée est une prise en main collective
de l’histoire par les personnes elles-mêmes.
L’aliénation (ou l’hétéronomie) est la
prépondérance de l’ imaginaire institué, donc par extension
de l’ institution, sur la société et les personnes qui la
composent. La société se retrouve séparée du cadre
institutionnel, et ne se reconnaît pas comme productrice de
l’ imaginaire de celui-ci. Dans les sociétés capitalistes,
l’économie par exemple devient une sphère autonome qui
domine les autres activités sociales. De la même manière,
pour Castoriadis, le pouvoir est enlevé à la société, accaparé
par une bureaucratie qu’il n’aura de cesse de dénoncer avec
ces compagnons de Socialisme ou Barbarie. Les personnes
sont donc dépossédées des significations de l’ imaginaire
social-historique (ici, capitaliste), et se retrouvent objets –
ou fonctions – de l’économie.
C’est pourquoi Castoriadis en appelle à une
destruction radicale de l’ institution connue de notre société,
couplée à l’ instauration de mondes en voie
d’autonomisation. L’autonomie est finalement pour
Castoriadis un projet de démocratisation radicale, avec la
participation directe de tous à toutes les décisions qui
peuvent affecter la vie sociale dans son ensemble et
l’existence de chacun. C’est donc se donner à soi-même ses
propres lois, en sachant qu’on le fait. L’autonomie est dans
ce sens un exercice de dévoilement de l’ imaginaire sur
lequel repose la société, tout en rendant l’action d’auto-
institution de la société explicite et lucide. Elle repose en ce
sens sur la délibération démocratique, au sein de conseils ou
d’assemblées autonomes.
La notion d’autonomie a aussi été marquée par les
mouvements dits « autonomes » des années 1970, de
tendance communiste ou anarchiste, qui prônaient l’action
directe et l’auto-organisation en dehors des organisations
partisanes et syndicales classiques. Il mérite de poser la
question : l’autonomie, mais par et pour qui ? Et donc
d’inscrire la lutte des classes dans la conceptualisation de
Autonomies :des multiples conceptions de l’Autonomie
Autonomie
l’autonomie. Le mouvement autonome naît en Italie, où il
prend justement le nom d’ « autonomie prolétarienne ». Il se
distingue par ses formes d’action radicales (sabotage,
émeutes, auto-réduction, squats, grèves de loyers…), et son
indépendance vis-à-vis des partis et des syndicats.
En Italie, la gauche italienne est dominée par le
Parti Communiste en pleine stratégie d’alliance avec la
Démocratie chrétienne, dans un contexte de paupérisation
générale. Le principal syndicat est lui-même cloisonné par le
PC. C’est dans ce contexte qu’un certain nombre de
personnes, déjà organisés au sein de collectifs de quartier et
de comités ouvriers, vont se radicaliser. Il faut noter
l’ influence des théoriciens opéraïstes (dont Negri), pour
certains influencés par Socialisme ou Barbarie. Ces auteurs
issus du marxisme rompent avec le PC et le socialisme des
partis en général. C’est bien à partir d’une base ouvrière
pratiquant la démocratie
directe et l’autonomie
face aux structures
classiques que le
mouvement apparaît.
Finalement, en mars
1973, vingt-huit
collectifs ouvriers
autonomes se
rassemblent à Bologne,
ce qui pourrait marquer
le début du mouvement
autonome italien.
Le
mouvement autonome
va se développer largement en dehors des usines – au point
d’être avant tout jeune, voire étudiant, même si la plupart
des grandes usines ont leur collectif d’autonomes. Le
mouvement étudiant contre la loi limitant le nombre
d’inscriptions de 1977 va y être pour beaucoup, avec des
occupations d’universités et des manifestations extrêmement
violentes (cocks en pagaille, échanges de coups de feu avec
la police, armureries pillées). La répression est tout aussi
féroce, et certaines manifs se terminent avec des morts. Les
fascistes, quant à eux, s’en prennent aussi aux autonomes, et
assassinent parfois. La situation est quasi-insurrectionnelle,
et la prise d’armes est une question qui se pose. L’Italie est
ingouvernable. Mais le mouvement autonome se déchire en
juin 1977 entre une voie militaire, et une voie politique. Par
la suite, des groupes armés vont apparaître, aux côtés de
groupes armés issus d’autres courants politiques
(anarchistes, communistes, mais aussi extrême-droite).
En se militarisant, le mouvement se marginalise
de plus en plus et quitte les lieux de travail. Les autonomes
forment un milieu, de plus en plus fermé ; les actions sont de
plus en plus radicales, et de plus en plus avant-gardistes. Si
l’agitation sociale est largement radicalisée par les
autonomes, il n’en reste pas moins qu’ils restent très
minoritaires par rapport aux autres forces sociales. La
répression va aussi largement affaiblir le mouvement
autonome (peut-être 25 000 arrestations), beaucoup
choisissant l’exil ou l’arrêt de toute activité politique. Par
ailleurs, l’autre conséquence de la militarisation est le
renforcement des aspects les plus léninistes du mouvement,
ainsi que la structuration (et hiérarchisation) des groupes.
Les mouvements autonomes vont s’étendre en
France – où ils resteront toutefois plus marginaux – en
Allemagne (surtout dans les années 1980), en Suisse, en
Espagne (particulièrement après la mort de Franco). Les
mouvements autonomes continuent largement d’ inspirer les
luttes d’aujourd’hui.
Les pratiques
quotidiennes de lutte
des mouvements
radicaux témoignent
d’un certain héritage,
qui est d’ailleurs autant
celui des autonomes
des années 1970 que
celui du communisme
libertaire, de
l’anarchosyndicalisme
et du vieux mouvement
ouvrier.
Enfin,
l’autonomie est souvent utilisée à tort et à travers pour parler
d’expériences alternatives et d’utopies concrètes. Sa
conception est alors au croisement entre l’écologie, la
démocratie radicale, et surtout la distance vis-à-vis du
système – avec le risque du mythe d’un en-dehors possible à
la domination capitaliste et à la domestication étatique.
L’Autonomie mêle donc aujourd’hui les apports
de l’écologie radicale, de l’ institution de la démocratie
radicale, de la lutte des classes et des conflits sociaux, et une
critique farouche de la domination capitaliste et industrielle.
Avec parfois l’oubli de certains apports (insister sur la
dimension écolo et oublier la question sociale par exemple),
et un mélange des genres qui finit par ne plus rien dire de
précis, si ce n’est à renvoyer toujours à un temps mythique
libéré de la domination. Le fantôme de l’autonomie finit par
prendre le pas sur la puissance de théories et pratiques visant
à créer des brèches ici et maintenant dans une perspective
révolutionnaire.
4
FIN de survivre au sein du capitalisme, il
me paraît indispensable de se créer des
conditions individuelles ou collectives de
survie les plus supportables possibles.
La plupart, par obligation, iront bosser sans trop
se poser de questions sur leurs conditions d'aliénés ;
certains, plus ou moins conscients, opteront pour cette voie
par dépit ; d'autres, encore, préféreront s'abstenir le plus
possible de rentrer dans le cadre oppressif du salariat, et de
ce monde en général, et trouveront, plus ou moins
facilement, de multiples moyens de se débrouiller (potager,
cueillette, squat, RSA, autogestion de production d'énergie,
cabanes, petit artisanat, paysannerie, amour pseudo-libre. . .).
Cette dernière forme de survie – car il s'agit bien
de cela – ne constitue pas, selon moi, un moyen de
résistance active au capitalisme ; par contre, loin d'être
séparée des espaces de luttes, elle est issue d'une critique
politique, sociale, économique.. . de ce monde et, parfois
parallèlement, peut aussi en être un support et une muse, un
idéal pour une société émancipée, vers lequel on aimerait
tendre.
Par exemple, pour ma part, je préfère, autant que
possible, faire un jardin que d'aller bosser. En revanche, je
ne me fais pas d'illusions sur ce fait ; je ne détruis pas cette
société en faisant cela – à moins que je n'y cultive la révolte
et y récolte de la dynamite –.
Les pratiques de la vie quotidienne dites
d'autogestion, d'autonomie, d'autosuffisance ou de quelques
manières qu'on les nomment, ne sont pas des attaques
dangereuses car elles se situent au sein du capitalisme sans
lui porter réellement préjudice, quand elles n'y sont pas
partiellement ou totalement intégrées, ou même récupérées
par celui-ci. Il s'agit bien souvent de procédés minoritaires
vécus individuellement ou dans de petits groupes qui, s'ils
sont pris par les révolutionnaires qui les pratiquent comme
étant achevés de leur point de vue politique1, réduisent, de
fait, leur volonté d'émancipation collective à néant.
Il est certes évident qu'une société est faite
d'individus et de groupes d'individus qui s'organisent entre
eux et vivent leurs projets. Mais l'alternative au capitalisme
actuellement vécue comme moment de subversion de celui-
ci est bien un leurre, vécu de manière individualiste grâce à
une possibilité donnée, ou prise à un moment donné, dans le
cadre restrictif imposé par le mode de fonctionnement de la
société.
Outre cette réflexion, il est un autre point qui me
semble important d'aborder et qui est le suivant : créer des
alternatives est indispensable à la survie, on l'a dit plus haut
; et, s'il n'y est pas question de destruction du capitalisme, il
n'en est nullement de son aménagement.
La survie2 et la lutte offensive, on l'a vu, peuvent
être deux phénomènes non séparés mais restants distincts ;
faire de la survie une forme de lutte offensive est du ressort
du réformisme politique car ce qui est créé, dans ce cas, l'est
en tant qu'espace fini au sein d'un cadre qui l'enveloppe ;
c'est ce qui s'appelle aussi un aménagement du système.
Par exemple le fait d'ouvrir un squat pour se loger
et de se battre pour le conserver contre les lois qui entravent
cette possibilité est différent, il me semble, de celui d'ouvrir
un squat parce que, mystifiés, nous pensons que c'est faire
la révolution que de squatter. On tombe ici dans l'idéologie3
et, dès lors, nous devenons, en réalité, réformiste car, au
final, le résultat n'est pas une critique pratique qui veut
détruire le système, mais, au sein du capitalisme,
d'aménager un espace autonome comme fin politique en soi
et donc de réclamer une reconnaissance auprès de lui, qui
passera par la loi pour les bons citoyennistes, par la
délinquance pour les autres et par les deux pour les indécis.
N'oublions pas que ce système est intolérant et se veut
unidimensionnel ; donc toute tentative politique qui ne vise
pas à l'éliminer par une violence politique réelle est réduite
à rester sous son joug, voir à le renforcer.
Quant aux pseudo-puristes qui confondent survie
et aménagement en dénigrant les pratiques visant à se
rendre la vie en société oppressive la moins pire possible,
on se demande bien comment, dans le cadre du capitalisme,
font-ils, eux les super-net, pour subsister.
REMARQUE à ce sujet : le fait d'être issu d'un milieu
bourgeois ou petit bourgeois n'est pas un problème en tant
que tel notamment s'il n'est pas développé derrière un type
de morale ambigu sur le fait, par exemple, de toucher le
RSA et de se battre contre les lois qui appauvrissent les
gens.
Nota Bene sur la remarque : tout, et je dis bien "tout",
apport d'argent, sans non plus se compromettre par les
conditions de son acquisition, est le bienvenue dans les
caisses de lutte. . .
CSH
Attaques, alternatives et aménagements
1 . C'est-à-dire révolutionnaire.
2. . . .et la lutte défensive qu'elle entraîne forcément contre sa destruction étatique.. .
3 . Qui se réfère à l'idée et non à la réalité.
5
Autonomie
Alternatives et autonomieUTONOMIE (autonomos) signifie « des lois
pour soi, à partir de soi ». On peut le
définir comme l’état de celui qui se
gouverne par lui-même et qui agit en se donnant ses propres
règles de conduite. Le terme d’autonomie est très ancien.
Dans l’histoire contemporaine, l’anarchosyndicalisme et
certains courants marxistes faisaient un usage habituel du
terme depuis le 19ème siècle. Il faut noter que Paul
Lafargue critiquait la polysémie de ce concept en 1881 , dans
un article du journal L’Egalité, intitulé justement
« L’autonomie ». Il l’associait au collectivisme, le marquant
du sceau des luttes sociales d’émancipation. Mais depuis les
années 1970-80, le terme est même repris par le
management et l’ordre dominant. C’est d’ailleurs à cette
époque que différentes conceptualisations de
l’ « Autonomie » vont apparaître. Il existe de multiples sens
à ce terme puissant, si tant est qu’il soit clair – le risque
étant évidemment d’en faire une nouvelle abstraction
mythique, un nouveau fétiche.
Est souvent mêlé aujourd’hui à la définition de
l’ « Autonomie » originaire de l’histoire des luttes, reprise
au sein des mouvements autonomes, celle issue de
l’écologie, sur l’ indépendance vis-à-vis du système
industriel et de ses institutions, et celle sur le principe de
démocratie directe (radicale, pourrait-on dire), défini entre
autres par Castoriadis. Toutes ces conceptions de
l’autonomie émergent dans les années 1970, et vont marquer
les luttes sociales et les révoltes. C’est toujours le cas
aujourd’hui.
Des limites des alternatives…
Ce concept d’ « Autonomie » au sein des
mouvements sociaux est aujourd’hui à la fois un idéal et une
valeur centrale, marquant en règle générale une position
critique au capitalisme et au productivisme. Il évoque tour à
tour une forme d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs
publics, du marché et des forces politiques et syndicales
institutionnalisées, ou il peut prendre le sens d’une
expérimentation sociale, où les enjeux démocratiques et
écologiques sont la base, couplée avec une réappropriation
de sa vie face aux institutions dominantes, devenant donc
émancipation personnelle ; le but final étant une société
autonome, sans autorités extérieures, à commencer par le
Capital ou l’Etat. L’autonomie peut même devenir le terme
qui définit le sens de certaines démarches alternatives et/ou
rupturistes : réappropriation de sa vie dans une création
collective indépendante et alternative au système dominant,
où démocratie directe et respect de l’environnement – du
moins désengagement de la société industrielle – sont les
leitmotivs. L’Autonomie mêle donc les apports de l’écologie
radicale, de l’ institution de la démocratie radicale, et une
indépendance farouche et critique de la domination
capitaliste et industrielle.
Ces expériences peuvent contenir un mythe : celui
d’un en-dehors possible au système capitaliste et industriel,
d’un îlot autonome protégé. Il est certain pourtant que plus
rien n’échappe à la Machine-Travail Planétaire. Même les
peuples autochtones les plus isolés sont la proie des
pétroliers, mineurs, et bientôt des touristes. Il n’y a guère
que quelques enclaves protégées – probablement en sursis –,
contaminées par des aventuriers peu scrupuleux en quête
d’argent facile et par la dégradation générale du vivant par
les effets des industries, qui persistent aux îles Andaman, en
Amazonie, en Nouvelle-Guinée, éventuellement dans
d’autres lieux très isolés (Himalaya, Kamtchaka, forêts
primaires). Mais il s’agit bien d’enclaves, comme nos parcs
nationaux et autres lieux sauvegardés, c’est-à-dire qu’elles
sont contrôlées, administrées, assiégées de normes et de
règles visant à les prémunir de notre monde tout en les
colonisant par le Droit. Les acteurs des mouvements de
« retour à la terre » pourront quant à eux témoigner du fait
que ce qu’ils ont trouvé à la campagne, même isolée, c’est la
permanence de l’Etat et de ses lois…
L’ailleurs libéré est inenvisageable dans un
système capitaliste et industriel mondial et
fondamentalement colonisateur, qui après les territoires
gagne du terrain sur chaque aspect de la vie. Il n’existe plus
un seul espace qui ne fasse pas l’objet d’un titre de propriété
privée, et qui échappe donc au rapport capitaliste.
L’Antarctique a certes été épargné pour quelques temps, en
droit, mais ce sont bien les organisations bureaucratiques les
plus puissantes qui le contrôlent. Du reste, il est soumis aux
activités de recherche scientifique, pour devenir un
« continent dédié à la science ». Il est donc colonisé par la
6
7
religion moderne en fait. Et la pollution, qu’elle provienne
des gaz à effet de serre, de l’ industrie chimique ou du
nucléaire, rappelle avec force que nulle ne peut être
épargné : voilà une autre forme de l’aspect prédateur du
capitalisme. Cultiver bio et vendre en AMAP aux pieds
d’une centrale nucléaire ne change fondamentalement rien
de la société dans laquelle nous vivons, même s’ il y a bien
sûr des avantages conséquents pour les personnes
concernées. Nous pourrions ajouter : tant bien même un en-
dehors serait trouvé, que faisons-nous des prisons, des
usines, des centrales nucléaires, de la domination qui
persiste pour les autres ? Si les autres ne sont pas libres avec
moi, est-ce que je le suis vraiment ?
Par ailleurs, le capitalisme ne repose pas
seulement sur un cadre institutionnel et des structures
sociales imposées depuis une hiérarchie extérieure. C’est
avant tout un rapport social, tendant à régir l’ensemble des
relations ; un rapport social qui nous prive de notre
mouvement interne qui nous permet de nous approprier le
monde qui nous entoure. De ce fait, il nous tient, il est en
nous. Ce n’est pas seulement une représentation instituée,
mais aussi un envoûtement qui nous gangrène de l’ intérieur
et nous fait agir. Si nos sociétés contemporaines sont
l’accomplissement d’un projet porté par les élites
bourgeoises, avec l’appui d’experts, d’administrateurs et de
gardes, personne n’a la mainmise complète sur le système –
même la plus totalitaire des hiérarchies. La domination
s’accorde toujours avec la soumission. Le capitalisme est un
système de domination en partie autonome, mais qui dépend
comme toute société toujours de l’action humaine. C’est
bien pour cela que la ré-humanisation de cette « société »
inhumaine et déshumanisante passe dans l’acquisition de la
certitude que toute situation n’est pas le produit de la
nécessité ou du hasard, mais avant tout de ce que nous
faisons ; c’est bien pour cela que nous pouvons changer ce
système. A condition de se méfier de nous-mêmes et de
dépasser nos failles narcissiques.
Ces alternatives, souvent communautaires, peuvent
parfois développer l’ idée que « c’était mieux avant ». C’est
oublier que la domination et l’aliénation ne sont pas des
phénomènes propres au capitalisme, et qu’elles pointent le
bout de leur nez probablement partout où il y a groupe
humain. Le pouvoir coercitif existe quant à lui depuis au
moins le néolithique. Par ailleurs, le contrôle
communautaire étouffant vaut-il mieux que le contrôle
social technologique et urbain ? Les pesanteurs dus à une
sociabilité spatialement contrainte, avec ses rencontres non
souhaitées dont il n’est pas possible d’échapper, ne sont-
elles rien par rapport à la « foule solitaire » ? Que le travail
paysan, re-solidarisé et collectif, avec un rapport à la nature
plus profond et respectant ses cycles, soit moins aliénant
que le travail capitaliste, c’est très possible. Reste que les
paysans d’hier étaient aussi sous autorité, et se sont révoltés.
C’est donc qu’ils avaient des raisons de le faire… et que ce
que nous avons à créer est quelque chose de
fondamentalement nouveau. De toute façon, l’histoire ne
revient jamais en arrière et ne passe jamais deux fois la
même musique (et nous vivrons toujours dans un monde
contaminé par les radionucléides, tant bien même nous ne
serions plus nucléarisés).
…aux enjeux de l’Autonomie aujourd’hui
Cependant, que pouvons-nous faire d’autres que
d’essayer de libérer des espaces-temps pour expérimenter ici
et maintenant des rapports sociaux plus libres et plus
égalitaires ? Attendre des conditions favorables serait une
défaite quotidienne. Ce serait même un non sens, puisque
ces conditions ne pourraient pas arriver toutes seules. Faire,
c’est se confronter aux contradictions et compromis avec
lucidité, en avançant toujours de situation en situation, sans
définir de dogmes ou positions définitives. S’associer, c’est
déjà nettement améliorer ses propres conditions d’existence
et diminuer l’emprise du système sur nos vies. Et il nous
faut bien des espaces-temps à nous, pour développer des
pratiques qui ont du sens, des savoirs utiles à une
destruction du capitalisme. Parce que ce qui rend
acceptable, dans une perspective anarchiste, ces alternatives,
c’est probablement le fait qu’elles gardent la forme du
mouvement : quand elles sont opérantes et légitimes, c’est
qu’elles restent dans des perspectives offensives, c’est
qu’elles participent aux luttes contre la domination
capitaliste. Elles sont dans ce sens tout autant des
expérimentations de vie que des points d’ancrage des luttes ;
elles associent vie et révolte, en même temps qu’elles tissent
et ancrent les complicités : elles révèlent la vérité de notre
monde contemporain, celle qu’il n’y a pas de liberté
possible sans révolte face aux conditions d’existence
Autonomie
actuelles.
Les possibilités d’une révolution exigent une
destruction du système actuel. Mais il ne s’agit pas de
faire « table rase » du passé – chose impossible, à moins
que nous ne cessions de vivre ensemble et de nous
parler pendant un moment. Il faut du commun, des
valeurs, des règles, des institutions (en premier lieu le
langage), pour qu’il y ait monde commun. Construire du
sens commun, des points d’appui institutionnels libres et
jamais définitifs, est essentiel à un moment historique
où tout se délite et se décompose. Le néant n’a jamais
été révolutionnaire. Et le vide du système doit être
comblé par des formes sociales libres et autonomes – au
moins pour bouffer, et donc s’organiser pour cela, mais
bien plus parce que tout groupe humain crée de
l’ institution. Et il faut bien construire un semblant de
culture autonome, ou contre-culture, pour pouvoir
imaginer, inventer et mettre à l’épreuve de nouvelles
idées et pratiques quelque peu dépouillées de la
domination capitaliste et industrielle. Par ailleurs,
détruire les institutions politiques sans laisser le pouvoir
vacant est une question essentielle pour tout
révolutionnaire : comment détruire le pouvoir sans
l’accaparer ? Comment sans l’accaparer ne pas le laisser
vide ? Comment construire des institutions libres
« contre le pouvoir », des assemblées autonomes, qui
instituent de plus en plus la vie quotidienne en lieu et
place des anciens pouvoirs autoritaires, tout en menant
des attaques visant à détruire le vieux monde ? A côté
des pratiques subversives et des luttes sociales, il faut
construire des expériences sociales plus rupturistes
qu’alternatives – donc offensives.
L’Autonomie n’est pas le moins bon des mots
d’ordre révolutionnaires. Mais elle se vit et se construit
au quotidien, en luttant et en délibérant jour après jour
entre ceux qui s’y essaient. Il nous faut donc faire
attention de ne pas faire de l’autonomie une nouvelle
abstraction, un fantôme que l’on serait voué à
poursuivre sans fin sans jamais l’atteindre. Le projet
d’autonomie est un processus historique explicité, qui
peut donner du sens à nos actions d’aujourd’hui, avec
une visée politique et stratégique. Mais l’autonomie, ça
se vit aussi… ou alors ça ne sert à rien. Et si nous
n’arrivons pas à la vivre comme nous le souhaitons ici
et maintenant, c’est bien qu’il reste des forces et des
institutions à détruire. C’est donc qu’il nous faut faire
une révolution ! ! !
CAEN. Fin 2011
Ce texte doit beaucoup à « Autonomie… tu parles », paru dans
A corps perdu n°2 de juillet 2009.
8 L'université autonomeUNIVERSITÉ est aujourd'hui davantage vécue
comme un lieu d'acquisition de diplômes que
comme un lieu de culture. Face à ses
difficultés à remplir sa fonction culturelle et à être lieu de vie –
c'est-à-dire un terrain d'élaboration de sens (du monde, de la vie,
de la société, du rapport aux autres et à soi-même) –,
l'Université pourrait contribuer à produire du sens, au-delà des
disciplines, des cours, des diplômes, des statuts. . .
A l'aune de ce constat, nous nous proposons donc
d'interroger ses fondements par la création d'une Université
autonome, ouverte à toutes et à tous. De créer un lieu de parole
où les connaissances et les expériences de chacun(e) se
rencontreraient, afin de se donner un temps pour réfléchir
ensemble et, si le cœur nous en dit, de mettre en place des
ateliers et travaux collectifs afin de partager nos connaissances,
nos envies, nos attentes et nos doutes. Les projets seront
collectifs, et se construiront au fur et à mesure, selon les envies
et les souhaits, par la mise en place de réunions régulières.
Pour débuter, nous vous proposons un cycle de débats
autour de la notion d'autonomie, abordée sous différents angles
et dans son application vis-à-vis de multiples champs et
d'époques diverses.
LORS que même le management et
l’ordre dominant s’emparent du terme
d’autonomie, que des réformes
renforçant la soumission à l’économie capitaliste de
marché et la concentration des pouvoirs dans les mains
de quelques personnes en font un usage régulier, il est
bon de redonner un peu de contenu théorique à cette
notion d’Autonomie. Mais il n’y a pas à en faire un
discours de principe ou une abstraction déréalisée. Par
ailleurs, c’est parce qu’il est urgent d’appréhender la
situation actuelle de
manière pertinente, qu’ il
nous faut peut-être
regarder avec lucidité les
pratiques et idées des
premiers mouvements
révolutionnaires contre
le capitalisme et
l’ industrialisme, à savoir
l’associationnisme et sa
diversité. En outre, il
paraît tout aussi urgent
de réinterroger la
question du pouvoir et
de la domination, afin de
sortir des incantations qui visent à les nier dans un futur
toujours reporté, ou dans des rapports affinitaires qui de
manière magique en seraient dégagés. Sans oublier les
pires ennemis : le capitalisme et le nationalisme,
décliné sous toutes ses formes, qui ne peuvent pas
récupérer la libre association, et les principes d’égalité
et de solidarité dans une pluralité radicale qui en sont la
base.
Ces pérégrinations écrites sont sous-tendues
par des questions hésitantes. L’associationnisme est-il
une voie pour l’Autonomie ? L’Autonomie peut-elle
être un projet politique, un but à atteindre, tout en
essayant d’être expérimentée dès aujourd’hui ? Faut-il
un tel projet, alors que dans toute société humaine, il y
aura des situations de domination à combattre ?
L’anarchiste a-t-il quelque chose à dire sur la sauce à
laquelle il va être mangé ? Ce qui est tenté, c’est de
poser des jalons à une critique radicale de ce monde,
pris dans des bouleversements qui demandent
probablement d’être un peu stratège, et en tout cas qui
appellent à une prise de hauteur par rapport à notre
reproduction trop facile de notre quotidien de « militant
radical ». Ne parlons même pas des tentations
grossières à l’ idéologisation.
Il nous faudra bien trouver des pratiques nous
permettant de sortir du ghetto « radical », surtout dans
un contexte de
surveillance pointue, et
où les organisations
bureaucratiques de
gestion des conflits
sociaux (partis,
syndicats) sont en perte
de vitesse tout en
accentuant leurs
penchants réactionnaires,
et que pas grand-chose ne
vient les remplacer dans
un pays où les traditions
de comités autonomes de
lutte existent peu. Il nous
faudra bien réussir à diffuser plus largement le désir de
révolution, et les pratiques de démocratie directe et
d’action directe. En vue d’en finir avec le vieux monde,
de le changer pratiquement, sans illusions sur ce que
serait une société libertaire – toutefois
incomparablement plus joyeuse, juste et émancipatrice,
et maintenant un environnement sain – mais avec de
réelles espérances, et sans attendre quoique ce soit pour
vivre pleinement dès aujourd’hui. Attendre est notre
défaite quotidienne, et l’alternative sous domination
capitaliste et domestication étatique est au mieux
partielle, au pire palliative et pacificatrice. Insuffisant
pour mener cette révolte chère à Bakounine, ce combat
pour la vie, qui ne peut triompher que sur les ruines de
toute autorité.
« Il » et « elle », ni féminin, ni masculin, devront être
entendu-es de façon dégenrée.
Présentation de la brochure :Associationnisme, autonomie et solidarité.
Contenus et stratégies possibles pour les anarchistes au début de siècle
10
INDIVIDUALISATION de
l'existence et l'assistance à
l'individualité sont les
deux facettes d'un même processus » Alain Ehrenberg,
sociologue libéral qui n'a pas écrit pas que des bêtises. . .
Le mot est souvent employé depuis les
années 70 – avec ses partisans
que l'on nomme les autonomes
– et qui forme ainsi le
mouvement autonome. Il a
souvent une connotation
positive. Il renvoie à une sorte
d'indépendance totale, une
sorte d'auto-suffisance qui fait
référence en apparence.. . Mais
devant, à côté et surement
aussi à travers cette
autonomie-là ce cache une
autre autonomie qui depuis
longtemps, maintenant,
cherche à nous pénétrer et à
faire de nous un individu
responsable, fort, fier et beau.
C'est l'autonomie que produit
le capitalisme financiarisé et
son idéologie, sa Morale
libérale à travers le mythe de
l'individu.
On peut l'exposer
dans un premier temps dans
l'horrible monde du salariat.
Après les perversions amenées
par Ford et Taylor (qui parlait
d' « homme-boeuf » à propos
des travailleurs qu'ils
souhaitaient dociles et réguliers) est rapidement arrivée
la question de l'autonomie relative des salariés pour
produire encore davantage. En effet, c'est très
rapidement après le taylorisme que certains checheurs-
collaborateurs, ont compris que lorsqu'on portait
attention aux travailleurs, ceux-ci augmentaient leur
production. Arrive alors la notion de management, et
l'école des relations humaines, qui à la grande
réjouissance du patronat, va tenter de presser le
travailleur jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. . . Bingo.. .
L'autonomie des prolo démarre. L'attention est portée
sur leurs sentiments, sur leurs conditions de travail. . .
Le patronat tient compte du « moral » de ses troupes.
En 1945 est alors créé le
fameux comité d'entreprise qui
permettra nombre de petits
avantages pour le personnel.
Même si il a été perçu, au début,
par une partie du prolétariat
comme un instrument de
collaboration de classe, il a
ensuite fait son petit bonhomme
de chemin. Produisant ainsi, en
surface tout du moins, à la fois
un sentiment plus fort
d'appartenir à l'entreprise et d'y
gagner en indépendance d'un
point de vue personnel.
On passe alors d'un mode de
gestion vulgairement
hiérarchisé à un mode plus
participatif, ou l'implication du
travailleur doit être intense. Fini
l'ouvrier exécutant, on est passé
à l'ouvrier entrepreneur, qui doit
prendre des initiatives, être
dynamique, flexible et motivé.
Le modèle d'action est le jeune
cadre enjoué, le chef
d'entreprise cool ou le manager
branché. L'entreprise devient
alors l'école du changement où
l'on doit évoluer, changer
facilement de tâche, de poste, le tout biensur dans le
but d'atteindre une place plus élevée.
Management participatif, groupes
d'expression, cercles de qualités, formation interne,
auto-évaluation etc., les experts en relations humaines
d'aujourd'hui s'ingénient à produire de l'autonomie par
De quelle autonomie parle-t-on ?L'autonomie version libérale
12
tous les moyens et cela toujours pour la même fin :
produire davantage à moindre coût.
Mais la logique est exactement la même au niveau de
l'éducation ou de la culture. Vous avez juste à
remplacez le mot entreprise par école, corporation, voir
association et ça marche aussi !
Dans le domaine de la santé, le constat est
également évident. Face à un problème de santé,
qu'elle qu'il soit, c'est la responsabilité individuelle qui
est mis en cause. Vous deviez savoir que vous aviez
des facteurs de risque individuels, un terrain génétique
ou une vulnérabilité propre. Vous devez vous en
prendre qu'à vous même. N'allez surtout pas mettre en
cause l'environnement et les relations sociales ! Et
encore moins le patronat et l'État. « La gestion des
risques »1 est à son comble et la prévention prévient à
outrance et n'en finit pas de rappelez qu'il vaut mieux
pourrir que vivre. Si on devient malade, c'est « seul
contre tous »2. Et pour le traitement, c'est pareil. Vous
avez droit aux associations d'usagers qui fleurissent à
tout va. Là aussi l'autonomie est mise en avant. A
l'individu d'apprendre à être un bon citoyen malade et
qui doit bien suivre les conseils de l'expert, souvent
relayés par les industries pharmaceutiques au sein
même de ces associations. L'expertise vous donnera
votre « capital santé » et le protocole à suivre (ou
« projet de soins individualisé »), après vous avoir
codifié et fiché. Soutien psychologique et coaching
pour accepter l'injustice et le tour est joué.
Et cette autonomie-là transperce tout et se
retrouve aussi dans le domaine familial où l'individu
doit être compétent et ainsi « gérer » sa famille en
même temps que sa consommation d'électricité, le tri
des déchets, la scolarité des mouflets, son régime
alimentaire dernier cri, son indice carbone, …
On comprend vite la logique. Dissimuler la
hiérarchie derrière un voile de décontraction. Déguiser
l'autoritarisme derrière l'offre de légères marges de
manœuvres bien encadrées. Bien manier l'ambiguïté et
le paradoxe contre la rationalité et singulariser les
salariés et les citoyens via la consommation de biens et
de loisirs en réalité gonflé de conformité.
La « gestion » des conduites permet ainsi de
rendre marginal l'emploi des disciplines dures tout en
imposant un modèle ultraconcurrenciel. Quand à la
« gestion » des pensées (les gauchistes s'occupent de
leur police), elle permet la prise en charge totale des
sujets en leur fournissant un sentiment – en fait une
terrible illusion – d'autonomie personnelle dans un
modèle de réalisation personnelle et dans une
atomisation de l'individu toujours plus forte–.
Alors garde-t-on quelque chose de cette
autonomie libérale ? Devons-nous tirer un trait
irréversible dessus ou bien avons-nous à changer les
modèles, les représentations et les archétypes qui la
sous-tendent en conservant son énergie originelle ?
Comment, dès lors, renverser les valeurs d'ambition, de
compétition, de mérite sur lesquelles cette autonomie a
grandit ? Et quoi y foutre à la place. Avons-nous à
(re)faire l'éloge de la paresse, de l'entraide, et de la
modestie ? Ou bien devons-nous redéfinir ce que nous
entendons par « une autonomie anarchiste » en la
distinguant de celle dont on vient de dépeindre le
portrait pervers ?
Et pour réfléchir à ces questions voici ce que
Paul Lafargue écrit à propos de l'autonomie en 1881 :
« Il y a autant d’autonomies que d'omelettes et de
morales : omelette aux confitures, morale religieuse ;
omelette aux fines herbes, morale aristocratique ;
omelette au lard, morale commerciale ; omelette
soufflée, morale radicale ou indépendante, etc.
L'Autonomie, pas plus que la Liberté et la Justice, n'est
un principe éternel, toujours identique à lui-même ;
mais un phénomène historique variable suivant les
milieux où il se manifeste. Parler d'établir l'autonomie
sans tenir compte du milieu économique où elle doit
être établie, comme le font certains personnages,
régicides en chambre et docteur en ignorance, qui
traitent les collectivistes et les communistes de
sectaires, c'est démontrer qu'on n'a pas volé son titre
ignorantin.» Concernant les communistes, c'est une
autre histoire. . .3
1 : titre d'un bon ouvrage de Robert Castel qui a à voir avec l'autonomie
2 : titre d'un bon film de Gaspar Noé qui a également à voir avec l'autonomie
3 : qui a aussi à voir avec l'autonomie.. .
1 3
Autonomie
Extrait du livre de Ronal Creagh, Utopiesaméricaines.
Expériences libertaires du XIXè siècle à nos jours.
ERRES de femmes en Oregon : lescommunautés lesbiennes
Le bas prix des terres dans le sud de l'Étatde l'Oregon et la publication d'une série de magazinesféministes suscitent un intérêt dans plusieurs pays. Uncertain nombre de femmes mettent leur argent encommun et achètent des parcelles de terrain. Cespropriétés collectives porteront des noms commeCabbage Lane (Chemin des Choux), Steppingwoods(Forêt en Marche), Womanshare (Partage entreFemmes), Rootworks (Travail auxRacines) ou encoreFlight Away Home (Envol à Domicile). Leur idéal estde créer des communautés fondées sur la coopération,le soin de la terre, et une vie à l'abri descomportements oppressifs.
Beaucoup d'entre elles recherchent un refugecontre les mauvais sévices de la société patriarcale.Ces mauvais traitements apparaissent à traversl'ostracisme et le harcèlement sexuel ; ils peuvent allerjusqu'au coups et blessures, et parfois les viols. Leslesbiennes vont trouver dans ces lieux un certainsentiment de sécurité, une solidarité et un réconfort,mais elles peuvent découvrir aussi que, sous desformes diverses, la violence existe également dansleur propre milieu. Le contact avec la nature tient uneplace importante dans ces communautés. Le jardin etles champs apparaissent sous un jour nouveau. Ellesdécouvrent comment les classes sociales façonnent lepaysage. Leur intimité avec la nature qui les entraîne àôter à celle-ci toutes les marques du système depropriété et de domination masculine. Elles créentelles-mêmes une agriculture biologique, indépendantede l'industrie agroalimentaire, et qui n'exploite pas desouvriers agricoles. Cette économie d'autosubsistancepermet de nourrir la communauté hors du circuitcommercial : la terre n'est pas une marchandise. Enfin,dans la plupart de ces collectifs, on a accueilli à unmoment donné ou à un autre des femmes dépourvuesde tout moyen financier.
Cela ne se fera pas sans problèmes. En 1993,par exemple, deux lesbiennes pacifistes créèrentCamp Spirit Sister, un élevage de porcs situé à Ovett,au cœur d'une forêt de pins, au sud-est du Mississippi.Ces femmes furent harcelées dans leur lieu de retraiteet reçurent même des menaces de mort, ce qui fit lestitres de la presse nationale. Leur institution défendaujourd'hui de multiples causes. Elle est dirigée parune responsable non salariée.Plusieurs de ces villages féministes ont disparu, maison en dénombrait plus d'une cinquantaine en 2003 àtravers les États-Unis. »
Extrait du livre de Ronald Creagh, Utopiesaméricaines. Expériences libertaires du XIXè siècle ànos jours, publié chez Agone en 2009.
14
NuisancesBrèves antinucléaires
AS de Sushi, l'état geiger n°3
Le changement c’est maintenu !Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir,
les écologistes espèrent une sortieprogressive du nucléaire qui fait autant écho chez lessocialistes que la fermeture des centres de rétention. Dansles années 80, Mitterrand promettait déjà l’arrêt dunucléaire. Nous n’attendons rien des promessespoliticiennes, elles n’engagent que ceux et celles qui ycroient. Avec Ayrault, promoteur de l’aéroport de Notredame des Landes comme premier ministre et, Cazeneuve,ministre délégué chargé des Affaires européennes qui adéjà fait ses preuves dans le Nord-Cotentin, sans oublierGeneviève Fioraso, ministre de la recherche et del’enseignement supérieur, ancienne patronne de Minatec, latechnocratie a encore de beaux jours devant elle. Maisqu’attendre encore de l’Etat quand au japon, il travaillemain dans la main avec TEPCO à maintenir les populationsdans les zones contaminées ?
Cette revue est publiée au moment même où, denouveau, les Etats nucléaristes disent qu’il n’y a plus rienà voir, plus rien à contester, qu’ il n’y a pas d’au-delà dunucléaire. En regroupant des textes parus récemment, ici oulà, ou des textes que nous avons écrits; nous avions enviede partager et de faire circuler des informations et analysessur les raffinements de la société nucléaire.Il ne faut donc pas s’attendre à trouver des texteshomogènes mais ils ont, malgré tout, tous en com-mun la contestation du nucléaire, du monde qui va avec, etde ses faux critiques.Ils ont en commun également la volonté d’en finir avec le
nucléaire, autant qu’on puisse en finir puisque lesnucléocrates nous ont légués leurs merdes radioactivespour des millénaires.C’est pourquoi il nous semblait important de revenir sur lesluttes et actions antinucléaires d’hier etaujourd’hui afin de peut-être dessiner quelquesperspectives
1 5
ASTOR 2010 – Procès en appel des 7 du Ganva lelundi 4 mars 2013
Le lundi 4 mars 2013 à 14h aura lieu à Caen leprocès en appel des “7 du Ganva” pour le blocage d’un train« Castor » de déchets nucléaires.
Le 5 novembre 2010, une quinzaine de personnes,vite rejointe par une centaine de manifestants, avait bloquéphysiquement ce train hautement radioactif à l’entrée deCaen pendant 3h30. Plusieurs personnes avaient étégrièvement blessées par les forces de l’ordre qui semblaientvouloir dégager au plus vite cette contestation nuisant àl’ image de l’ industrie nucléaire. Un procès pesant etuniquement à charge avait eu lieu un mois plus tard,aboutissant à de lourdes peines pour 7 des « bloqueurs » :prison avec sursis et plus de 30000€ d’amendes et dedommages et intérêts pour la SNCF et Areva.
C’est une remise à zéro des compteurs qui seral’enjeu de ce procès en appel le 4 mars 2013. En effet leblocage du 5 novembre 2010 n’était pas qu’une contestationdes transports de matières hautement radiocatives quicirculent tous les jours en France, c’était une action fortevisant à démontrer une fois de plus que le nucléaire estincompatible avec la vie. Au delà des arguments juridiques etscientifiques, c’est avec une conviction profonde que nous
avons tenté de contrecarrer le plan de communicationmensonger d’Areva et de l’État.
Cette idée d’un nucléaire sûr et propre s’effondrait4 mois plus tard avec la catastrophe criminelle deFukushima. Areva nous reprochait une « campagneanxiogène » contre son train poubelle. C’est un événementautrement plus anxiogène qui a eu lieu le 11 mars 2011 auJapon. Nous avions la légitimité d’agir avant la catastrophe,celle-ci nous a malheureusement donné raison.
Le premier verdict montre combien il est difficiled’avoir confiance dans la justice, mais nous allons continuerà nous défendre lors de ce procès en appel au tribunal, demanière offensive, car nous avons l’ intime conviction quel’action directe doit continuer à être utilisée contre lenucléaire.Nous appelons à un rassemblement de soutien devant la courd’Appel (place Gambetta) dès 12h le lundi 4 mars 2013
Solidarité avec la ZAD, avec Bure, avec les anti-THT, lesNo-TAV, les anti-OGM…Solidarité avec les militants qui agissent pour ne pas subir etsolidarité avec les victimes de la répression !Nucléaire plus jamais !
GANVA
Nuisances
NTINUCLÉAIRE MixTexte vol.0, textes chosisautour de la lutte antinucléaire dansleNord-Ouest, d'octobre 2011 à septembre
2012
A partir de la compilation de textes de diversesnatures, Antinucléaire Mix-Texte volume 0 revient surquelques moments de la lutte antinucléaire d'octobre 2011 àoctobre 2012, principalement en Normandie.
Les écrits que l'on va trouver ici peuvent êtrecommuniqué de collectif, texte fondateur d'assemblée, appelà action, analyse de situation, critique de pratique, article derevue, coup de gueule, ou encore tract informatif. . .
Une dimension critique et auto-critique resteplutôt privilégiée par rapport à d'autres aspects car il sembleimportant de partir de ses erreurs, collectives aussi bienqu'individuelles, afin de se construire de manière plusintelligente. – Partir du négatif pour tenter d'aller vers unpositif.– Cela ne signifie pas pour autant que les positionsmises en avant dans certains textes représentent LA vérité,ou encore qu'elles soient à prendre au pied de la lettre etqu'elles ne soient pas, elles-mêmes critiquables.
Les textes évoquent une période commençant àl'automne 2011 et finissant à l'automne 2012, et se fixesurtout sur la Normandie mais le mouvement antinucléaire acommencé il y a bien plus longtemps et ne s'arrêterasûrement pas ici, tant que la société nucléaire ne sera pasarrêtée. Il dépasse les frontières normandes et françaises etconcerne d'autres aspects que les seuls lignes THT et trainsde déchets nucléaires. Dans certains textes il en est un peu
question et la page Pour aller plus loin sert entre autre choseà permettre d'approfondir la question.
resque vingt-six ans jour pour jour après ledésastre de Tchernobyl, une petite centaine depersonnes est venue s'attaquer, le 25 avril
2012, à un tentacule du nucléaire dans la région, un pylônede la ligne à très haute tension Cotentin-Maine.
Neuf mois après, cinq personnes sont sommées dese présenter à la gendarmerie de leur domicile (Rennes,Plélan-le-Grand, Coutances, Paris, Le Mans). Mis-es engarde à vue pour vingt-quatre heures renouvelables, maisfinalement relâché-es dans la journée, nous sommespoursuivi-es pour dégradations en réunion sur un biend'utilité publique et refus de donner notre ADN. Pourdéfendre une industrie qu'il ne voudrait voir souffrird'aucune critique, l’État fait jouer son arsenal judiciaro-policier. Nous nous retrouvons sur le banc des accusé-esainsi que d'autres, concerné-es tant par l'opposition à laTHT que par les blocages de trains de déchets nucléaires(Valognes et Caen). On aurait pourtant tendance à penser,deux ans après la catastrophe en cours de Fukushima, quec'est l'industrie nucléaire dans son ensemble qui estcondamnable par son inconséquence – des dégâtsincommensurables occasionnés par les mines d'uranium etpar son enrichissement à ceux de la ligne THT, en passantpar l'exploitation erratique des centrales, les tares duretraitement et la longue aventure du stockage desdéchets. . .
L'action menée ce jour-là paraît bien dérisoire, maishautement symbolique, à côté de tous les maux qu'aentraînés, qu'entraîne et qu'entraînera l'industrie nucléaireet ses lignes à très haute tension.
Procès à venir :1 8 et 19 mars à Caen : deux appels suite à l'action contre letrain de déchets nucléaires à Valognes en novembre 2011 .21 mars à Laval : procès de cinq anti-THT (demande dereport) poursuivit pour un déboulonnage.22 mars à Laval : procès d'un anti-THT venu constaterl'intrusion de RTE et de la gendarmerie sur une propriétéprivée.22 mars à Caen : procès en appel suite au camp anti-THTde Montabot.22 mars à Caen : procès en appel d’un déboulonnagepublic.31 mai à Caen : un autre appel suite à l’action de Valognes.
Fonds de soutien :Chèque à l'ordre de l'APSAJ - Association pour lasolidarité et l'aide juridique : APSAJ, 6, cours des alliés,35000 Rennes
16
L'état fait jouer sa justice face à l'opposition aunucléaire et à la THT
Un lieu pour la luttePrésentation et appel à dons
EPUIS l’action à Valognes contre le train
“CASTOR” en novembre 2011 , jusqu’aux
moments forts de la lutte contre la ligne
Très haute tension (THT) Cotentin-Maine en 2011 et 2012,
des personnes se sont rencontrées et se sont organisées
pour lutter contre le nucléaire et son monde.
Afin de continuer sur cette lancée, il semble
important de pouvoir disposer d’un lieu collectif comme a
pu l’être le bois occupé de la Bévinière sur la commune du
Chefresne, bois concerné par le passage de la nouvelle
ligne THT.
Présenté lors de
l’assemblée générale
antinucléaire et anti-THT du
1er décembre à Coutances,
ce nouveau lieu est
désormais ouvert. Il a été mis
à disposition collective par le
biais d’une association, au
lieu dit la Bossardière sur la
commune de Montabot (50).
Nous, participant-e-
s à cette dynamique, l’avons
doté de différents objectifs.
En effet, cet endroit constitue
un point d’ informations et de
convergences des initiatives
d’ ici (EPR, THT, etc) et
d’ailleurs (Poubelle
radioactive de Bure, etc)
contre le nucléaire et aussi
contre d’autres projets assez proches dans l’ idéologie
d’aménagement de nos espaces et de nos vies, tel celui de
l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Il s’agit aussi d’un
point d’ancrage de la lutte où se déroule un chantier
permanent d’échanges de savoirs et de pratiques
autonomisantes (autonomie énergétique, écoconstruction,
rénovation du bâti ancien…).
Dans cette dernière optique, ainsi que pour
rendre le lieu plus agréable et accueillant, divers chantiers
ont déjà été menés à bien depuis la dernière assemblée anti-
THT, tels l’aménagement d’une pièce de vie, la mise en
place de gouttières, le tubage de la cheminée, la mise en
place de panneaux solaires et la fabrication de portes pour
l’atelier/salle d’activités.
Il s’agit d’un bâtiment agricole doté d’une pièce
de vie et d’un atelier avec du terrain. A notre arrivée, il
était inoccupé depuis des années et des travaux y sont par
conséquent nécessaires.
Nous vous invitons à passer pour vous tenir au courant des
prochains travaux à mener. Ceux-ci nous permettront, une
fois accomplis, d’envisager d’autres activités plus
aisément.
La pose d’ouvertures, l’aménagement d’un
chemin et d’un espace pour les véhicules, la maçonnerie de
la cheminée, la mise en place de la récup’ des eaux de pluie
sont une partie des
chantiers fixés pour les
semaines à venir.
Si vous souhaitez
participer à l’organisation
du lieu et des différents
chantiers, ou juste en savoir
un peu plus, il est possible
et même fortement
recommandé de venir aux
réunions hebdomadaires,
tous les mercredis à 18h.
Ces réunions sont, pour
nous, vraiment le meilleur
moyen pour discuter et
s’ informer sur les chantiers
à venir, sur l’actualité du
lieu et pour émettre des
propositions quant à celui-
ci. Nous essayons de
fonctionner de façon
horizontale, sans chef ni bureaucratie.
Il est aussi possible de nous contacter par
téléphone au 06 28 94 72 13, et par mail :
Si les différents travaux s’organisent financiè-
rement avec les moyens du bord et au plus juste, il reste
néanmoins que l’achat de matériaux de qualité nécessite
plus d’argent. C’est pourquoi nous lançons un appel à dons
pour soutenir le lieu et ses activités.
Il est possible d’envoyer des chèques à Le Pavé,
c/o T. LE CLAINCHE, 2 rue de la Fontaine st Côme,
50210 RONCEY (à l’ordre de “Le Pavé“)
Les révoltés du Bocage à Montabot
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Nuisances
AEN Nécropole
L’ idée de ce journal vient directement del’expérience journal Nantes nécropole, du comité nantaiscontre l’aéroport. Ce journal relie le projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes avec le projet encore plus fumeux demétropole grand ouest, reliant Nantes, Saint-Nazaire etRennes. Du béton partout, des lignes à grande vitesse, desautoroutes, des aéroports, des infrastructures énergétiquesetc.
Partout en France, la métropolisation des villes esten marche. Marseille, Lille, Lyon, Rennes, Nantes,Caen…Rénover de façon arbitraire, remplacer les pluspauvres par les classes moyennes, privatiser et marchandisertoujours plus l’espace public, relier les villes à des «macrosystèmes techniques » (infrastructures de transports,d’énergie etc.).
Partout, des grands projets capitalistes sont àl’œuvre : TGV, nucléaire, gaz de TGV, nucléaire, gaz deschistes, autoroutes, schistes, autoroutes, rénovation urbainepar bétonnage et décidée d’en haut, nanotechnologies etc.
Partout où le progrès passe, il créé des déserts. Ilaccroît aussi la dépossession de nos vies, d’autant plus danscette période dite de « crise » où chacun et chacune devrait
encore plus se serrer la ceinture pendant que d’autres segavent.
En Basse-Normandie, on connaît bien ce genre de« macrosystèmes ». Une nouvelle centrale nucléaire est enconstruction à Flamanville (EPR), dont le chantier faittoujours plus de morts et de mutilés et coûte toujours pluscher.
Une nouvelle ligne THT (Très Haute Tension) esten construction, reliant l’EPR au réseau énergétiqueeuropéen, et jusqu’au Maghreb.
Des luttes sont toujours en cours pour empêcherque ce projet se fasse sans heurts. Sabotages, manifestations,assemblées et camps antinucléaires ont eu lieu. Avec son lotde répression, notamment à Montabot dans le sud-Manche,où les gardes mobiles ont tiré des dizaines de grenades dedésencerclement et mutilé de très nombreuses personnes.L’équipe médicale du camp anti-THT a comptabilisé desdizaines de blessé-es, certains gravement.
Une prochaine assemblée anti-THT aura lieu le 20Janvier à Montabot (sud Manche). Et sur Caen, commepartout ailleurs, la solidarité avec la ZAD est en cours, avecde nombreux rendez-vous à venir.
ANOPTICOPOLIS
PanopticoPolis, Kesako?
La Polis actuelle est un produitcapitaliste multiséculaire. Elle est loin d’être la cité desAthéniens ou d’un quelconque peuple composé d’individuslibres et autonomes. Cela fait des siècles qu’il y a mensongesur la marchandise. La gestion de la ville est accaparée parles politiciens, promoteurs, banquiers et autres businessmen.Les villes sont celles des technocrates et experts quirationalisent à tout-va pour que l’espace serve leproductivisme, nous dépossédant au passage d’un de nosdroit fondamental, celui de gérer nos vies. La citépanoptique, c’est celle dans laquelle nous vivons, un espacetoujours plus aseptisé, sécurisé, où le hasard et la poésie ontdisparu derrière les envies de profits d’une poignée decols blancs. Parce que l’urbain semble être « l’état naturel »du capitalisme sauvage, parce que seul-e-s les expert-e-s ontdroit de cité, parce que cette polis est celle de la policed’Etat, une polis médaillée par l’histoire des puissants, unepolis métamorphosée à jamais et que seule une critiqueacérée pourra renverser : PanopticoPolis!
Si PanopticoPolis n’entend pas (encore) théorisersur les villes en soi (la sédentarisation et le regroupementd’êtres humains), elle entreprend d’apporter un point de vuecritique et radical sur lesquestions d’urbanismes au sens large. Elle compte prendreen contre-point l’avis des dominants et de leurs experts(sociologues, géographes, juristes, etc.) sur divers thèmestouchant la vie de la Polis :transports, sécurité, démocratie participative, spéculationimmobilière, ségrégation, etc. Parce que l’on écoutetoujours les experts et leurs médias, PANOPTICO-POLIS
donnera la parole aux trouble-fêtes, aux théoriciens dudésordre public, aux émeutiers de l’ intellect…
Le contenu de la revue n’est pas fixé à l’avance.PanopticoPolis entend être multiforme, insérer la critiquedans les interstices d’une société trop lisse. Chaque numérosera l’occasion de faire paraître des articles nouveaux maisaussi des anciens que nous jugeons pertinents de rééditer. Ilpourra aussi s’agir de simple traduction de textes étrangersou encore de commentaires. La forme n’est pas non plusdéterminée. Cette revue entend être adisciplinaire (ouinfiniment pluridisciplinaire) dans le sens ou nous percevonsla vie comme un tout. Nous ne pouvons pas séparer la viequotidienne (et sa critique) de la philosophie, de la politiquede l’économie, de l’écologie, de l’urbain et du rural… Ainsiles articles pourront prendre la forme de chroniques, derécits, de tracts politiques, d’articles scientifiques ou encorede paroles de chansons et même de poésie.
Brèves sur des revues caennaises
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Le numéro 0 : Terreur à Grande Vitesse
PanopticoPolis entend participer au sabordementdu TGV et de son monde. Les Lignes à Grandes Vitesses(LGV) ont pour objectifs de diminuer les temps de transportsentre les centres urbains afin de d’accélérer les fluxd’humains et de marchandises entre ces derniers. Ceciaccentue la métropolisation des villes, ce qui n’est pas sansimpacts sur nos conditions de vie.
D’octobre à janvier se sont tenus à Caen desdébats publics sur le projet de Réseau Ferré de France deconstruire une ligne de TGV Paris-Normandie. Ils furentorganisés par la Commission Nationale des Débats Publics(CNDP), comme ceux sur les OGM, les nanotechnologies ouencore les EPR. Il est évident que dans une société valorisantl’argent, la vitesse et le nucléaire, ces débats ne furent qu’unlieu de propagande en faveur du TGV. Les choses sontclaires pour l’agglomération caennaise, qui lâchait en titre deson journal : « Débat public : exprimez-vous POUR unCaen-Paris en 1h15. » Le rôle de la CNDP était de nous faireavaler la pilule en donnant un verni démocratique à ce projetpharaonique et en faisant passer pour archaïques celles etceux qui s’y opposeraient. Quel impact sur l’environnementet sur nos modes de vie ? Etant donné l’actualité de cettethématique en Normandie, c’est le sujet que nous avonsdécidé de traiter dans ce premier numéro intitulé Terreur àGrande Vitesse.
Afin d’apporter un peu de critique à ce modèle desociété qui nous répugne, cinq textes composent ce premiernuméro. En guise d’ introduction, un premier texte fera lelien entre le TGV et l’ idéologie du progrès. Un second
traitera des conséquences socio-spatiales du TGV, mettantainsi a nu les logiques d’un capitalisme immobilier urbain.Un troisième texte de Lewis Mumford paru en 1961 , permetde montrer à quel point la logique de métropolisation n’estpas si actuelle et quelle participe à la destruction de notrehumanité. Le quatrième article, à travers les travaux d’HenriLefevbre, illustre comment l’espace et le temps secompriment. Enfin, un dernier texte s’attache à lier vitesse etaseptisation de nos vies.
Les éditorialistes anonymes
21
Nuisances
La ZAD partout, par tous !ELA fait 3 ans que des militant(e)s, paysan(e)s,
habitant(e)s de la ZAD, Zone d’Aménagement
Différé, résistent au projet de construction de
l’aéroport international de Notre-Dame-Des-Landes en
occupant les terres expropriées par l’état pour le compte de
Vinci. Les Zadistes, qui ont rebaptisé la ZAD, Zone A
Défendre, occupent des habitations abandonnées,
construisent des maisons, des cabanes et utilisent ces 2 000
hectares de zone humide pour pratiquer des activités hors du
système marchand capitaliste et faire vivre cette zone à la
biodiversité riche : maraîchage, élevage, échanges de
savoirs, …
Les habitant(e)s, paysan(e)s et militant(e)s luttent
ensemble afin de stopper ce projet d’aéroport archaïque (la
genèse de celui-ci date de 1973, voir notamment le reportage
sur le site http://acipa.free.fr/), qui malgré une déclaration
d’utilité publique en 2003 reste une aberration économique,
sociale, et écologique.
L’état et les collectivités ont usé de stratagèmes et
de raisonnements irrationnels et tronqués afin d’imposer un
nouvel aéroport. Les arguments avancés concernant la
fréquentation de l’aéroport de Nantes, le nombre de rotation
des avions, la sécurité, les nuisances sonores, l’emploi, et la
démarche à Haute Qualité Environnementale, ont été
discrédités par de nombreuses analyses indépendantes. En
effet, des études contradictoires invalident l’étude officielle.
Et l’état a refusé d’effectuer des prospections sur
d’éventuelles alternatives à ce projet pharaonique, comme la
simple rénovation de l’aéroport actuel qui a reçu en
septembre dernier le trophée ERA Award 2011 -2012 du
meilleur aéroport européen. Ces études montrent notamment
que le bénéfice économique global, dressé à partir de la
retranscription en Euro, de gains sur des paramètres
multiples comme les temps de déplacements, les impacts sur
l’environnement et l’attractivité de la région, a été largement
surestimé. De même, les perspectives de développement du
trafic aérien à Nantes sont déraisonnables aux vues des
chiffres actuels de l’économie et du coût des énergies
fossiles. Au contraire, le coût total de l’ infrastructure et de
ses annexes (routes, transports en commun,…), soit environ
550 millions d’euros, a été largement sous-estimé. Il serait
d’ailleurs pertinent de dresser un parallèle avec l’EPR, le
viaduc de Millau, l’autoroute Langon-Pau ou encore le
tunnel sous la manche dont les équilibres économiques
calculés à la base se sont avérés totalement erronés.
Cet aéroport, dont la construction et la concession
pour 50 ans, sont attribuées à Vinci n’a pour but que de
permettre une affaire juteuse pour cette entreprise privée et
de satisfaire une bourgeoisie locale et un pouvoir
mégalomane faisant passer leurs intérêts personnels avant le
bien commun. Des conflits d’ intérêts ont d’ailleurs été
soulevés sur ce dossier, puisque Bernard Hagelsteen, ancien
préfet de Loire-Atlantique et de la région Pays-de-la-Loire de
2007 à 2009, travaille aujourd’hui pour le groupe Vinci, qui
est en charge de la concession de l’aéroport. En tant que
Préfet, il pilotait localement le projet d’aéroport, en
collaboration avec la Direction générale de l’aviation civile.
L’argumentaire technico-économique contre l’aéroport est
repris de manière quasi exhaustive sur le site :
http://www.pierrederuelle.com/.
Mais en dehors de ces considérations et
argumentations techniques et économiques sur le terrain
capitaliste, c’est la logique d’organisation sociétale que nous
devons contester. De même, cette lutte contre l’aéroport ne
peut être réduite à des enjeux de préservation
environnementale ou de danger climatique, aussi importants
soient-ils. Pour les paysan(e)s, sans-terres, habitant(e)s, et
militant(e)s, il s’agit de lutter contre l’accaparement des
terres agricoles, la privatisation, la spéculation, les logiques
de rentabilité pour quelques-uns au détriment de tous, ou
presque. Opposons-nous à tout nouveau désert bétonné ou
dédié à l’agriculture industrielle. Le refus qui s’exprime
aujourd’hui symbolise l’opposition à toutes ces entreprises
productivistes imposées, en France et ailleurs.
22
Ce projet reflète le fonctionnement d’une société et d’un état
au service du capital. Ainsi cette contestation est également
la contestation d’une république et d’une pseudo-démocratie
vouées à disparaître.
Depuis le 16 octobre 2012, les gendarmes mobiles
occupent la Zone A Défendre, expulsent et détruisent des
habitations. La force publique d’occupation militaire à la
solde de Vinci, une entreprise privée, a recours
quotidiennement à une violence extrême. Des centaines de
blessé(e)s sont recensé(e)s, dont quelques cas graves. Les
grenades de désencerclement sont utilisées
systématiquement et peuvent occasionner des blessures
équivalentes à une balle de pistolet. Les Zadistes mènent
une lutte à vocation pacifiste. Mais face à la répression
sanglante, nous protégerons leurs lieux de vie par tous les
moyens et resterons déterminés à stopper ce projet. Ils
détruisent, nous reconstruisons, ils évacuent, nous
réoccupons, ils frappent, gazent, et bombardent, nous
ripostons, ils nous emprisonnent, nous détruirons les
prisons. Les arrestations arbitraires et les GAV interminables
des camarades, les décisions d’une justice au service des
pouvoirs, nos deux amis emprisonnés pour plusieurs mois,
et les répressions sur les rassemblements antinucléaires, NO
TAV, ou à la ZAD, alimentent notre motivation à
lutter contre l’état et ses chiens de garde ! Au droit nous
opposons la légitimité, à la violence et la répression nous
répondons par la solidarité. Et cette lutte sera livrée partout.
La ZAD est partout. L’aéroport ne se fera pas. La ZAD,
Zone d’Autonomie Définitive, vivra !
Ainsi, nous exigeons le retrait des forces militaires de la
ZAD et l’arrêt immédiat du projet d’aéroport à Notre Dame
Des Landes, ainsi que l’abandon des constructions des
lignes à haute tension, de l’EPR, de l’OL Land, des LGV
Lyon-Turin et Bordeaux-Espagne qui sont des entreprises
toutes aussi abjectes. Après la mise en place de débats de
fond, contradictoires et argumentés, tous les projets jugés
inutiles par les assemblées générales devront être
abandonnés. Alors, si cela est nécessaire, la construction
d’autres équipements pourront être entrepris afin de
subvenir aux besoins de tous : Ecoles, hôpitaux, maternités,
systèmes de production d’énergie renouvelable… le choix,
la mise en œuvre et la gestion de ces infrastructures devront
être décidés par tous afin de subvenir à des besoins définis
par tous et dans le respect de tous. Et non pour satisfaire une
oligarchie sévissant au détriment du bien commun.
Cette lutte est une étape fondatrice dans le combat
contre l’exploitation, la dictature capitaliste, le libéralisme,
la violence envers les humains et les animaux. Elle est une
représentation, un symbole des combats à mener.
Nous sommes au cœur d’une convergence des luttes contre
l’asservissement et l’exploitation du peuple et de son
environnement. La Zone d’Autonomie Définitive exclue le
capitalisme, le libéralisme, le productivisme, le salariat, le
sexisme, le racisme, et toute forme de domination et de
pouvoir.
Le mouvement de contestation et de proposition
d’alternatives a vocation à s’étendre. Les ZAD, Zones
d’Autonomie Définitive ou les TAZ, Temporary
Autonomous Zones doivent se développer dans tout le pays
et à l’échelle mondiale. A la fois, dans un schéma de lutte
contre les projets inutiles et dévastateurs de nos
gouvernements, et dans la perspective du développement
d’une société basée sur des principes d’égalité, de liberté, de
solidarité, d’autogestion, de collaboration avec un
fonctionnement horizontal dans les prises de décision, et de
respect de l’ensemble de la biodiversité.
Sur ces bases et en dehors de toutes organisations
hiérarchisées (elles se reconnaîtront), les ouvrier(e)s,
paysan(e)s, salarié(e)s, sans emploi(e)s, retraité(e)s,
étudiant(e)s,…ont naturellement vocation à élargir ce
mouvement de contestation, et à se mobiliser pour faire
chuter les oligarques et les despotes du monde entier par
l’ intermédiaire de luttes visant à reprendre collectivement le
contrôle de nos usines, de la production agricole, de
l’éducation, de la santé, et de tous les secteurs vitaux à
l’émancipation des peuples. Mettons en œuvre les mutations
sociétales et développons une collaboration universelle entre
les peuples. Ici, maintenant, partout, par tous !
Informations sur la ZAD de NNDL : https://zad.nadir.org/,
http://lutteaeroportnddl.com/
Groupe Sanguin de la FA
23
Nuisances
Contre l'aéroport et son monde, seule lalutte décolle !
E PROJET d’aéroport de Notre-Dame-des-
Landes (NDDL), près de Nantes, est un
grand projet inutile et coûteux pour la
société. Les prévisions s’élèvent (pour le moment) entre 3
et 5 milliards d’euros de dépenses d’argent public offert
à VINCI (premier groupe mondial de concession et de
construction) pour détruire 2000 hectares de bocage
riche en biodiversité.
Cette lutte contre l’aéroport n’est pas seulement
pour la préservation environnementale ou contre le danger
climatique. Pour les paysan.e.s, sans-terres, habitant.e.s, et
militant.e.s, il s’agit aussi de lutter contre l’accaparement
privé et étatique des espaces de vie –forêts, terres
agricoles, fermes, marécages-, et leur mise au service de
la rentabilité et la spéculation, au profit d’une poignée
et au détriment du bien-être commun.
Nous nous y opposons de toutes nos forces et
nous nous organisons pour soutenir la lutte dans la ZAD,
où actuellement des centaines de personnes construisent
d’autres logiques, à commencer par l’expérimentation de la
vie collective, des pratiques alimentaires anti-
industrielles, de réflexion sur tous les aspects des
rapports humains et avec la nature. Et nous nous
opposerons à tout nouveau désert bétonné ou dédié à
l’agriculture industrielle. Le refus qui s’exprime
aujourd’hui symbolise l’opposition à tous ces projets
développementalistes imposés, en France et ailleurs.
La réoccupation de la ZAD continue et
s’affirme ! L’aéroport ne se fera pas !
La force collective qui se dégage des actions de
réoccupation confirme que la lutte ne s’arrêtera pas là. Tout
sera fait pour entraver l’avancée des travaux.
A l’heure actuelle de nombreuses constructions
sont déjà réapparues sur la Zone A Défendre et les
habitants occupent de nouvelles maisons en paille, des
cabanes, et des hangars. Il s’agit de construire un espace
d’organisation et de lutte. Les terrains sur lequel
s’effectuent les reconstructions sont, soit prêtés par des
agriculteurs/trices en cours d’expropriation, soit déjà la
propriété du groupe VINCI.
La mobilisation de centaines de policiers et
militaires pour expulser la ZAD de manière très violente le
week-end du 24/25 novembre a échoué et n’a fait que
renforcer la solidarité et la détermination des
manifestant.e.s.
Malgré tout, aujourd’hui encore, l’occupation
militaire et la répression sont omniprésentes sur la ZAD :
plus de 80 personnes interpellé.e.s (dont des dizaines de
garde-à-vues), une centaine de blessé.e.s (dont certain.e.s
très graves), deux personnes emprisonnées (4 et 6 mois
fermes) et la liste de procès à venir s’allonge !
Afin d’affirmer notre soutien à cette
mobilisation, nous nous sommes constitué-e-s en
assemblée générale sur Caen avec un mode de
fonctionnement horizontal et non hiérarchique. Nous
nous organisons pour relayer les infos (diffusions, collages,
débats…), prévoir des manifs ou actions de solidarité,
partir en covoiturage pour la ZAD, et mettre en place toute
autre bonne idée…
Informations et contacts : zad.nadir.org /
Collectif caennais de solidarité avec les militants de la
ZAD, NDDL, janvier 2013.24
Mât-NoirRetour sur l'expérience du "Mât-Noir"Regards critiques sur un squat politique caennais
e texte représente un essai – parfois critique,
parfois descriptif – de présentation de ce que
put être le MâtNoir. Il a été rédigé par deux
personnes, pas présentes tout le temps mais actives dans la
vie du squat ; il reste qu'une vision parmis d'autres sur ce
sujet et n'engage que ses auteurs et non le collectif. Celleci
reste bien évidemment discutable et critiquable.
Présentation et organisation préalable àl'ouverture
Le squat le Mât-Noir fut ouvert1 au 26, avenue de
Creuilly à Caen courant décembre 2011 et expulsé durant le
mois de mars 2012.
Ce lieu fut investi par un rassemblement de
personnes et de collectifs réunis autour d’une même volonté
de tenter une mise en pratique de cette critique globale de la
société que nous portons ; en bref, concrétiser in situ les
valeurs/ idées défendues par ailleurs dans nos pensées et/ou
écrits. Ce squat, sorte de champ expérimental dépassant les
seules expériences de pensée, fut envisagé comme un outil,
bricolé avec les moyens du bord arrachés à ce système ;
dégageant des espaces et du temps pour réfléchir lutter et se
rencontrer. Outil offensif donc, par sa fonction, mais aussi
par sa forme faisant prévaloir notre droit d'usage sur leur
propriété privé.
Espace tendant ainsi vers un fonctionnement horizontal,
c'est-à-dire sans rapport autoritariste et hiérarchique, où
chacun.e.s peut y mettre son grain de sel. Il s’agissait de
développer du mieux que possible notre indépendance
politique à ce monde afin de mieux le cerner et l'attaquer.
Afin d'en définir les caractéristiques idéales2 et
que le plus de gens possibles, portant une critique similaire
de ce monde, puissent se l'approprier, plusieurs réunions
eurent préalablement lieu. Celles-ci avaient également pour
but de se répartir les tâches pratiques liées à son ouverture
physique (repérage, matériel, statut, texte de présentation.. .).
Mais La nécessité de discrétion face aux organes répressifs,
étatiques ou pas, compliquait les choses : comment être le
plus nombreux possible quand il faut faire attention et ne
pas diffuser n'importe comment les informations ? Il est
souvent difficile d’implanter ce type d'expérience sociale au
sein d'une société qui lui est antagoniste, celle de la
marchandisation, de la concurence et de l'individualisme.
Des volontés initiales et des difficultés
De ces discussions étaient ressortit, entre autre, de
faire du Mât-Noir un moyen de rendre accessible un certain
« mode de vie » à d'autres qu'à nous-même. De cela
découlait une attention particulière reservée, durant les
portes ouvertes hebdomadaires, à l'accueil et aux rencontres
(avec comme corrolaire l'entretien des lieux et la présence
de membres du collectif) avec celleux n'ayant qu'une vision
trop distancière pour n'être que caricaturale – voire à
l'opposé – de ce que l'anarchie peut être.
La volonté initiale d'ouverture au « public » fut
parfois pratiquée avec trop de zèle, en cherchant notamment
à parler, à titre individuel ou non, à des journalistes ; dans le
texte comme dans l’ image, le fond politique s'en voyait
dissout au profit d'une volonté de restaurer le bâtiment. Cela
fut réglé en ne correspondant plus que par communiqué
amendé par le collectif.
Mais il ne s'agissait pas seulement de sortir de l'entre soi. Si
ce squat n'avait pas pour vocation première d'être un lieu
d'habitation, il donnait tout de même l'occasion : de se voir
en dehors des fêtes "classiques", des soirées-concerts et des
espaces marchands types bar ; d'avoir un endroit où se poser,
dans lequel les fonctionnements/ modes de pensée,
individuels et collectifs, s'accordent, du moins sur certains
principes généraux ; d'y faciliter la construction opératoire
d'une cohérence entre désirs et pratiques.
Si le Mât Noir fut l'occasion de se confronter de
manière frontale à la pieuvre étatiquo-capitaliste, il fit
également saillir des contradictions au sein d'un groupe
libertaire. Il peut en effet être parfois difficile de composer
avec d'autres personnes ne partageant pas les mêmes
"valeurs", n'envisageant pas de la même manière l'anarchie
ou l'autonomie. Plusieurs modes de fonctionnement,
pratiques, critiques, qui se veulent radicales existent et sont
parfois inconciliables et il est alors vain d'essayer d'unifier
tout le monde.
Même si dans la plupart des textes un fort ton militant
classique était appuyé, ce n'était pas la seule réalité de ce
squat. Ce fut en effet une de ses facettes : certes des
personnes se revendiquaient et agissaient en militant.e.s,
25
Mât-N
oir
mais d'autres approches y étaient aussi portées, différentes
du militantisme, moins formelles peut-être et donc plus
difficilement définissables et saisissables.
Mais il ne s'agit pas ici d'en tracer un retour
seulement pessimiste et plein de regret, car beaucoup de
riches moments s'y sont déroulés.
Des activités...
Des ateliers permanents (vélo, artistiques, repas
partagés. . .) et des activités plus ponctuelles furent mises en
place. Ceux-ci
avaient pour
objectif
d'apprendre, de
se débrouiller,
de se détendre,
de créer et de se
rencontrer au
maximum par
soi-même, à
notre manière
– autrement que
celle proposée habituellement par les institutions gérées par
l'État et le capitalisme.
Le Mât-Noir fut, à quelques moments, un espace
pour certaines luttes, militant-e-s de passage et collectifs tels
le collectif radicalement anti-nucléaire (C.R.A.N.), la lutte
contre la nouvelle ligne très haute tension (T.H.T.) dans le
Nord-cotentin. . . Des personnes de la zone à défendre
(Z.A.D.) contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes
passèrent, des anarchistes chiliens aussi. . . L'assemblée
libertaire, en plus de se servir ponctuellement du squat
comme local de réunion, y organisa quelques discussions
(sur l'anarchie, le travail. . .).
Des débats et des projections s'y déroulèrent (sur
la révolte tunisienne, chilienne, sur le théâtre de l'opprimé
indien.. .) permettant de développer un esprit critique, de
donner des idées pratiques, d'informer, et de provoquer des
liens entre personnes. . .
Diverses initiatives étaient lancées par le collectif
médecine libertaire3 ou par certains de ses membres comme
des projections/discussions, ainsi que les ateliers du mercredi
soir4 composés de plusieurs pratiques (mouvement
corporels, ateliers d'écriture autour de la sexualité. . .) dont
certaines n'eurent jamais lieu à cause de l'expulsion (théâtre
de l'opprimé, hypnose, discutions autour de pratiques
thérapeutiques, autour de Wilhem Reich.. .).
Et puis. . . quelques ateliers fantômes
(danse/expression corporel, jonglage.. .), peu formalisés qui
n’eurent pas, ou qu’aléatoirement, lieu.
Des règles et AG...
L'assemblée générale (AG) était le socle de
l'activité du collectif. Ayant pour vocation de rassembler les
membres et sympathisant.e.s du collectif. Y étaient définies
et adoptées les orientations et décisions du collectif. Les AG
avaient lieu tous les dimanches à 15h (après la messe). Ayant
pour raison d’être son approriation par le plus grand nombre,
celles-ci étaient – trop ? – formalisées et régulières. Elles
permettaient
d'avancer sur les
divers travaux à
mener, de se
passer des
informations
récoltées ci et là,
d'organiser les
activités du lieu,
et de coordonner
les initiatives et
les collectifs s'y
réunissant.
La tenue des AG n'était bien-sûr pas exempte de défauts.
Malgré une volonté d'éviter au mieux les monopoles de prise
de parole ou des phénomènes d'imposition de décisions,
certaines voix arrivaient à mieux se faire entendre et étaient
plus écoutées que d'autres. Ces AG n'étaient pas non plus
toujours le lieu où se jouaient toutes les décisions, ce qui
n'allait pas sans poser problème. Dans tous les cas, ces
réunions hebdomadaires avaient au moins le mérite de tendre
collectivement vers une horizontalité et une attention
réciproque.
La mise en place d'une charte [voir encadré] fut
un des points de tension. Il nous paraissait nécessaire d'avoir
un support écrit présentant des principes de base du collectif,
et des manières de fonctionner collectivement. Mais, pour
certain.e.s, instaurer des règles est incompatible avec leur
propre conception de l'anarchie. Pourtant, mettre en place un
tel règlement ne rentre pas forcément en opposition avec les
valeurs libertaires et autonomes. En effet, être autonome ne
signifie pas vivre en autarcie, “chacun pour sa gueule”, mais
essayer de créer et de décider ensemble de nos propres
règles et ne pas se les voir imposer.
C'est pour cela que chaque point de cette charte a été
– longuement – discuté collectivement au cours des
assemblées hebdomadaires, en se basant sur des évènements
26
passés et en vue d'expériences prochaines. Ce qui y était
décidé/inscrit n'était en rien figé, pouvant être remodelé si cela
ne correspondait plus à nos envies communes.
Mais la fétichisation du collectif par certain.e.s
comme organe quasiment personnifié d'autoritarisme, comme
s'il était mû par une vie propre, fût une des plus étranges
conséquences de cette volonté de formaliser un peu une
praxis5 commune.
Conclusions tirées
Et puis le Mât Noir s'est vu déserté au fur et à
mesure. Si les températures glaciales – rendant homérique le
réchauffement des salles immenses –, sa trop courte vie, le
manque de bol et les tensions qui y ont végétées un temps n'y
ont pas aidé, il n'était que pour peu de personnes un espace de
vie quotidien. Il était le plus souvent un lieu où l'on ne faisait
que passer le temps d'un atelier, et que l'on quittait une fois
celui-ci terminé.
Peut-être est-ce ici que ce squat montra le plus de lacunes :
son manque de convivialité, le faisant envisager par un certain
27nombre comme un simple local d'activité.
Malgré les tentatives de créer des temps plus
informels (bouffes/buvette collectives,
causeries. . .) et plus festifs, des moments sans
objectifs directs d'organisation, il y manquait,
pour beaucoup, de prises affectives.
Ses failles, ses ruptures, ses manques
furent l'occasion de faire le point sur nos forces,
nos envies, la somme d'énergie qu'on veut/peut
engager sur telle ou telle chose. Elles étaient
aussi symptomatiques de l'éparpillement, de la
volonté de trop faire, partout, tout
le temps, et du coup de parfois
"mal" faire. Notre désir est de
combattre un système dont on
trouve les tentacules partout ; et il
est difficile quand, en tant
qu'individu et collectif, on a pas
chacun.e.s 20 cerveaux et paires
de bras/ jambes pour tout
réfléchir, pour aller partout et tout
dé-construire.
Mais tout cela n'est qu'une étape
et l'occupation d'un tas de pierre
n'est en rien une finalité. . .
ette charte abordait les points suivants :
valeurs et principes de base ; fonctionnement
des assemblees generales ; gestion des
espaces, habitation, conflits ; application de la charte
Ce texte figurait en péambule de celle-ci : « Si
nous en sommes arrivés à écrire cette charte, ce n’est ni
par fétichisme du Droit, ni même par un profond désir.
Face à diverses situations et expériences, est apparu pour
nous comme une nécessité de poser sur le papier un
certain nombre de principes de base, et des manières de
fonctionner collectivement qui – comme toute
expérimentation sociale – seront amenées à évoluer en
fonction des personnes, des contextes, des lieux etc.
Cette charte n’est en rien gravée dans le marbre mais
reflète nos réflexions et décisions à un moment donné de
nos tentatives de vivre autrement tout en contribuant à
foutre en l’air le monde qui nous opprime.»
1 . Parfois tout rouge ou noir. . .
2. Comment on aimerait s'organiser au mieux.. . .
3 . Voir texte présention dans Brasero
4. cf . le texte de présentation de ceux-ci dans ce Brasero
5. Théorie se concrétisant dans les pratiques
Mât-N
oir
EPUIS environ un an le collectif médecine
libertaire de Caen tente de mettre en
place des sortes de « permanences
médicales » alternatives et autogestionnaires. Malgré
quelques tentatives, cet objectif pratique, beaucoup
trop ambitieux et compliqué,n'a pas été correctement
introduit à l'heure d'aujourd'hui pour diverses raisons.
D'autre part, l'envie d'instaurer ce « quelque
chose », part toujours du même constat : celle des
lacunes de la médecine occidentale dominante et de ce
qu'elle a détruit comme pratiques et savoirs.
Cette médecine ne fait généralement que masquer
ce qui déborde de nous, sous prétexte d'efficacité
sociale ou de conduite rectiligne. Elle se borne à ne
traiter, à haute dose de magie chimique, que les
symptômes qui rendent le/la patient-e inadapté-e à son
rôle, impropre au travail. Elle nous rend seul-e
coupable et responsable de notre mal-être, alors que ce
sont souvent ces mêmes fonctions et labeurs mortifères
qui produisent ces maux. Elle fait de nous de simples
passager-ères d'un corps, que seul-es quelques
"savants" autorisés-es ont le droit de conduire.
Face à cette entreprise d'érosion systémique,
nous nous proposons de :
_ de redonner leur dimension politique aux
ressentis, aux émotions, à ce qui ne cadre pas avec les
impératifs de rationalité et d'efficacité ;
_ de réfléchir et de construire ensemble des
manières d'accompagner/aider/soutenir une personne
en souffrance psychique et physique -- ces deux
dimensions étant toujours liées ;
_ d'ouvrir un temps d'écoute et de parole ;
_ de refaire connaissance avec notre corps
que la société tend à faire taire ;
- de faire en sorte que le temps que nous consacrons à
faire attention à notre corps ne soit ni un temps
marchand de loisir, ni un temps de consultation
médicale.
Nos démarches seront radicales car elles
chercheront les problèmes à la source et non dans ce
qui seulement stagne. Ainsi, la mise en place de ce «
quelque chose » naît de la volonté de réfléchir
collectivement (et non pas au sein du seul collectif
médecine libertaire) à comment mieux se sentir dans
son corps (corps non dissocié de la tête, hein! ).
Nous soutenons que l'action politique radicale
n'en est que mieux porté quand on se sent bien. Et
souvent, s'inscrire dans une démarche de luttes nous
expose a des situations douloureuses et exacerbe notre
sensibilité aux contradictions qui nous habitent tous.
Bref, ces réflexions nous concernent également. C'est
pourquoi nous ne souhaitons pas établir de distinctions
entre personnes en demandes ou non, parmi celles
participant aux ateliers.
Ceci étant, il n'est pas exclu, à plus long terme,
d’accueillir des demandes personnalisées.
Déjà, il a été décidé que l'organisation
générale de ce « quelque chose » va se préparer d'une
semaine sur l'autre, les mercredi soirs au Mât-Noir1 ,
dans un temps court et prédéfini.
Ce « quelque chose » hebdomadaire serait la
concrétisation pratique des réflexions antérieures qui
nous ont amenés à faire attention au lien intime entre «
santé » et environnement socio-politique.
Cela pourrait prendre la forme d’exercices corporels,
parfois de « co-écoute », d'atelier d'écriture, de
discussions autour de situations concrètes. . .
D'autres ateliers, plus ponctuels, seraient
proposés, sur des temps longs, avec des intervenants-es
invités-es pour expérimenter des outils qui nous
semblent pertinents. . .Ils n'auraient donc pas lieu le
mercredi et seraient proposés lors des réunions du
collectifmédecine libertaire.
Pour autant tout reste à faire et à penser.
C'est pourquoi nous vous invitons à en discuter autour
d'une première ébauche du texte de présentation de ce
« quelque chose », qui cherche une structure théorique,
une ossature organisationnelle et même un nom.. .
RDV aux soirées du mercredi au Mât-Noir de 19h à
21h dans une ambiance et une disponibilité des plus
fraîches qui soient.
Ateliers du mercredi soir (au Mât-Noir)
28
DiversAtelier autour du théâtre de l'opprimé-e
21-22-23 au septembre 2012Coulvain (Calvados)
EPUIS plusieurs mois, divers ateliers ont
été mis en place à Caen afin
d'expérimenter des pratiques
alternatives, autogestionnaires et collectives de réponses
aux maux physiques et psychologiques dont nous
assaillent la société capitaliste.
De cette envie est née la volonté de mettre en œuvre un
atelier autour du théâtre de l'opprimé-e.
Présentation du Théâtre de l’opprimée
Né comme pratique révolutionnaire dans une
Amérique latine en proie aux dictatures, le théâtre de
l’opprimé-e (TO) inventé par Augusto Boal est
maintenant pratiqué dans divers lieux à travers le monde
par des individu-es cherchant à résister aux oppressions
sexistes, racistes, de classe, etc.
Les spectacles de TO sont des mises en scène
de situations d'oppression dans lesquelles les
spect'actrices/teurs sont invité-es à intervenir en jouant le
rôle de l'opprimé-e, et ainsi à trouver, par un travail
collectif, des moyens concrets de résister à l'oppression.
Le but de cette pratique n’est pas de faire des
spectacles pour faire du spectacle, mais d’essayer de
trouver collectivement des solutions ; en cassant la
barrière entre la salle et la scène, il s'agit de changer la
réalité en ne se limitant pas à sa simple dénonciation,
mais en s’appropriant des moyens vécus qui permettent de
le faire.
Afin d'explorer ces outils, nous proposons un
atelier animé par une personne formée à ces techniques.
Cet atelier, auquel tu es le-la bienvenu-e, aura lieu les
21 ,22 et 23 septembre 2012 dans la campagne
calvadosienne
À quoi ça peut servir ?
Si les oppressions sont présentes dans le social,
concrètes et visibles, elles sont aussi en nous, plus
dissimulées et insidieuses comme des « flics dans nos
têtes ». Or si ces flics sont dans la tête, leur caserne n’en
est pas moins à l’extérieur. Ainsi, en travaillant en atelier,
à travers un arsenal de jeux et de techniques, le théâtre de
l’opprimé-e propose de découvrir comment ces flics sont
entré-es dans nos têtes et d’ inventer des moyens de les
faire sortir !
Ce qu’on propose :
→ découvrir une autre forme de théâtre en lien avec des
préoccupations politiques ;
→ s’entraîner à résister aux oppressions ;
→ se réapproprier son corps en redonnant une dimension
politique aux ressentis ;
→ concrétiser les débats et tenter de sortir de la seule
analyse ;
→ faire un travail collectif en atelier.
Avec au programme...
[programme hautement modifiable en fonctions des
envies de chaque participant-e.]
Vendredi (fin daprès-midi)
Présentation/discussion autour du théâtre de l'opprimé-e et
de nos attentes respectives concernant la construction de
l'atelier. Selon le temps restant, exploration de jeux et de
techniques.
Samedi et dimanche
exploration de jeux, techniques, et possible début de
scène.
29
Divers
De l'isolement du ressenti dansl'activisme politique
30
uand la conscience de la crasse nous
crame
La « conscience politique », en pensée
comme en pratique, expose à plusieurs formes de
violences.
D'abord, avoir conscience de l'iniquité de
l'existant – perception d'autant plus vive et acérée
parce que lue à travers un filtre théorique – nous le
projette en pleine face. Et si ce recul peut aguerrir,
il peut aussi affaiblir.
Ensuite, la volonté de dézinguer la
merditude de ce monde – que d'autres ne savent ou
ne veulent voir –, et la réalisation pratique de cette
intention, nous confronte aux tonfas de ses
tenancièr.e.s dégoulinant de légalité.
À cela s'ajoute l'usure éprouvé à voir ce système si
peu prompt à s'extraire de sa crasseSouffrance
enfin, de se rendre parfois compte que nous
pouvons parfois, et souvent malgré nous, avoir en
nous ces mêmes pensées que l'on combat par
ailleurs (le flic est aussi dans la tête).
Bref, toute cette violence symbolique,
physique et psychique – si tant qu'on puisse
distinguer ces dimensions – et la frustration/
désarroi qu'on endure en s'en prenant à ce monde
que l'on ne peut plus saquer, nous écorche souvent
à vif.
Distinction, hiérarchisation...
Il existe pourtant, dans un certain nombre
de « milieux militants » et/ou dans celleux qui les
composent, une distinction entre ce qu'il se doit
d'être privilégié en terme de lutte politique. L'action
directe peut ainsi être privilégiée au détriment du
recul, aussi bien en terme de temps que de réflexion
; la précipitation rend parfois bancales nos volontés
et actions de transformation.
Cette même urgence, ce besoin d'agir «
concrètement » et l'effervescence qui peut
l'entourer, si elle nous fait renvoyer le réflexif à
l'après-coup, occulte aussi une autre « compo-
sante » : celle du ressenti, de l'affect.
Si la solidarité peut prendre par exemple
la forme – et à juste titre – de comité de soutien
pour des pote.sse.s lors de procès, elle semble bien
moins présente lorsque quelqu'un-e dit « j 'ai peur »,
« j 'ai mal » ou encore « je me sens seul-e ».
L'oppression n'est pas saisissable par la seule
théorie : le vécu concret n'est pas toujours
imaginable et peut parfois peser plus lourd, chez
l'individu.e, que ses idéaux ou ceux des autres.
… et du nonsens de cette disjonction
Il n'est pourtant pas plus pertinent de
distinguer recul réflexif et action directe – ou de
privilégier l'un.e ou l'autre – que d'en dissocier le
ressenti et le vécu, ou, pire, d'en faire un simple
outil à optimiser pour l'action. Car si le « mal »-être
peut être vu comme un menace au « bon »
déroulement de l'action, envisager le « bien »-être
comme avantage tactique n'en est pas moins
critiquable.
L'attention portée à ce qu'éprouve l'autre
ne peut en effet être cantonné à la seule sphère
privée, l'invisibilisant de fait. Il s'agit alors de
redonner leur dimension politique aux ressentis,
aux émotions. La question n'est donc pas celle de
valoriser l'action, la réflexion ou l'émotion, mais
de les envisager comme un même temps, comme
un tout indissociable.
Pour discuter de tout cela autour de
l’expérience du camp de Montabot, on se retrouve
mardi 26 mars à 20h dans l’arrière-salle du bar Le
Nucléon (114 Rue Geole 14000 Caen).
contact : mediccaen[at]riseup[.]net
Fichage ADN, contrôle, procès...Toujours plus de répression sur nos vies
32
e 18 avril 2013 aura lieu unprocès à Caen pour refus deprélèvement ADN.
Il ne s'agit pas d'un cas isolé. Cettesituation rentre dans la politique répressive del'état. Le fait qu'en 2012 étaient recensés plus dedeux millions de profils génétiques en Franceillustre bien cela. . .et encore c'est sans compterceux qui sont pris hors cadre légal et qui ne sontdonc comptabilisés nulle part.
Il est encore possible, et tout autantconseillé, de refuser le prélèvement même si celaconstitue, aux yeux de la justice, un délitthéoriquement puni par la Loi jusqu'à un and'emprisonnement et 1 5000 euros d'amende.
Pour s'opposer au fichage ADN (et engénéral aussi), les arguments ne manquent pas.Afin de discréditer de manière simpliste leprofilage ADN, on pourrait parler de la nonfiabilité des résultats de ce type de prélèvement,on pourrait tout aussi bien relever que ce marchédu fichage a bien un but lucratif (laboratoires derecherche publics et privés, fournisseurs,clients. . .) et que les conditions de ce marchéaltèrent forcément la qualité du résultat. Maisfiable ou pas, intègre ou pas, étatique ou pas, làn'est pas vraiment la question. En effet, on nepeut se passer d'une critique¹ de l'utilisation,publique ou privée, des fichiers établis. Ceux-ciservent la répression quotidiennement, etserviront aussi dans le futur², notamment en casde développement de l'état sous une forme plusouvertement autoritariste.
Le fichage ADN participe au processusde contrôle du vivant par le capitalisme.Ceux qui subissent une condamnation de lajustice, hormis pour les délits financiers, sont lesplus touchés par ce fichage. En première ligne,nous retrouvons donc les plus pauvres et/ou ceux
1 . Voir plus bas pour une ébauche de critique
2. Prélevés sur des personnes condamnés par la justice, ces fichiers sont censés avoir une quarantaine d'années d'existence au
sein du FNAEG (Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques)
3. Radio Frequency Identification Device, à ce sujet se reporter à la brochure RFID, la police totale, Pièces et main d'oeuvre.
Procès pour refus de
prélèvement ADN et
Rassemblement le 18 avril
2013 à partir de 13h
devant le tribunal place
Fontette
qui se révoltent face à ce monde.. .car ceux sontbien eux qui, dans une société de classes et dedominations, se font le plus traquer par laminorité détentrice du pouvoir.
Ce contrôle du vivant lui est nécessairepour son hégémonie ; par ce biais, elle peut plusfacilement soumettre les êtres et les faires'adapter à elle. On gère mieux ce qu'oncontrôle.
A nos désirs de liberté et de jouissanceémancipatrice, elle nous oppose ses forcesrépressives. La police est l'une d'entre elle, laplus violente et visible ; celle-ci, garante del'ordre social actuel, gaze, frappe, tue, arrête,livre à la justice, fiche – notamment par leprélèvement ADN – …
La répression s'étend à toutes lessphères de la vie quotidienne tel ces patrons quimaintiennent dans un état d'exploitation salarialeau boulot, ces contrôles qui se renforcent auxfrontières, ces professeurs qui, au-delà de leurfonction première, participent trop souvent audressage des citoyens-travailleurs soumis dedemain.. .
Le fichage est renforcé par toujoursplus de développement technologique ; lui-même va, à son tour, affermir la répression engénéral. De ce fait, et de manière non si étrangeque ça, on le retrouve dans les exemples cités
33
Pour aller plus loin à propos du fichage ADN :
Brochure d'information et de soutien contre le fichage ADN,
Grenoble 2007
Refuser le fichage ADN, pourquoi ? Comment ?, 2008
L'apparence de la certitude, l'ADN comme « preuve »
scientifique et judiciaire, 2009
Du sang, de la chique et du mollard. Sur l'ADN, 2009
« Ouvrez la bouche » dit le policier, 2009
http://refusadn.free.fr
http://adn.internetdown.org
Divers
Présentation duCOSAC
e Collectif pour l’Organisation dela Solidarité - AgglomérationCaennaise (COSAC) a été créé fin
2008 à Caen. Nous avons décidé de mettre enplace une caisse de solidarité radicale permanentepour faire face à la répression.
Le COSAC a comme objectifsprincipaux:1 ° De collecter des fonds afin de soutenir celles etceux qui sont touchéEs par la répression policièreet judiciaire du fait de leur participation à desluttes sociales ou à des activités subversives quece soit en France ou ailleurs.
2° D’informer et d’agir contre la répressiond’État, les lois sécuritaires et liberticides.
3° De soutenir des initiatives subversivesconcrètes (bibliothèques, journaux, infokiosques,caisses de grève etc…). 25% des fonds que nouscollectons sont réservés à cet effet. Ces activitéscontribuent à renforcer la contestation du systèmeet à briser l’ isolement dans lequel l’État cherche ànous maintenir afin de mieux criminaliser nosactivités et nos pensées.
Le COSAC fonctionne sur la based’assemblées souveraines. Il autofinance sesactivités. Il est indépendant de toutparti/organisation/syndicat.
La destination des fonds collectés estdécidée de manière collective.
Halte au flicage !Abrogation des lois sécuritaires et liberticides !Solidarité avec les engeôléEs de la guerre sociale !
Contact : cosaccaen[at]riseup[.]netSoutien financier :
chèques à l’ordre du SIA à envoyer à l’adressesuivante :
SIA BP 257 14013 Caen cedex.
plus haut avec les pointeuses électroniques au taf, lespasseports biométriques à puce RFID³ pour passer lesfrontières, les cartes à puces et bornes biométriques àl'école. . .
S'organiser contre le fichage et se soutenir face à larépression est une nécessité.
COSAC
Collectif pour l'Organisation de la Solidarité –Agglomération Caennaise – cosaccaen[at]riseup[.]net
OUS-LA-CENDRE EST UN OUTILCOLLABORATIF sur le net initié parl’Assemblée Libertaire de Caen, mais ce site
internet est indépendant de celle-ci… L’idée est departager des informations et des ressources locales ouqui viennent d’ailleurs, mais également de permettreaux collectifs, organisations, mouvements de lutte anti-autoritaires locaux de prendre la parole. Vous ydécouvrirez des infoslocales ouinternationales (quinous semblentpertinentes à diffuser)ou encore des textes,analyses politiques,mais aussi desressources à télécharger(comme des journaux,des tracts, des textes,des revues, desbrochures), un agendades activités locales, unannuaire de sites anti-autoritaires…
DES COLLECTIFS ET DES INDIVIDU-E-SPARTICIPENT A ALIMENTER CE SITE qui necherche pas à offrir une homogénéité théorique mais àpermettre la diffusion de différents points de vue anti-autoritaires (anarchistes, anarcho-communistes,féministes, autonomes, conseillistes, etc.). Cet outiln’est ni l’organe d’un collectif ou d’une organisation, nil’expression d’un point de vue unique, mais il se refuseà diffuser les textes d’obédiences autoritaires. Sous lacendre, n’a pas été conçu comme un site où lapublication est ouverte à tous et toutes, par manque dedisponibilité en terme de modération, mais égalementparce que nous pensons que l’outil informatique àtendance à tendre les relations sociales en lesdématérialisant. Les formes « forum » ou «commentaires » que certain-e-s d’entre nous ont déjàexpérimentés ont souvent pâti de discussions stériles etagressives qui n’ont souvent d’autres buts que l’auto-valorisation de leurs auteurs et rédactrices. Noussommes malgré tout « contactables » via la rubrique «
contact » pour nous faire part de critiques ou demanderleur publication.
L‘INFORMATIQUE ET LE NET SONTPOUR NOUS LOIN D’ETRE CES OUTILSEMANCIPATEURS que des journalistes ou certainscourants se réclamant du libertarisme vantent. Lefichage y est généralisé, le profilage s’y déploie en
même temps que lesveilles documentaireséconomiques etpolicières. L’expériencevécue par lescompagnon-ne-s du Juralibertaire en mai 2011 oules menaces depoursuites ou lespoursuites en courscontre différentsIndymédia et Copwatchsont à ce titre éclairantes.Nous ne pouvons queconseiller à ceux et celles
qui utilisent ce site de veiller s’ il-elle-s le désirent à leuranonymisation. Nous ne souhaitons pas devenir à notreinsu de nouveaux citoyens-relais à même de contribuerà l’élargissement de fichiers déjà existant autour de laprétendue menace anarchiste, ultragauche ou autonome.Sans oublier qu’internet contribue activement àl’architecture d’un système capitaliste que nousvomissons. Combien de centrales nucléaires faut-il pourque continue de tourner les flux d’information si chers ànos sociétés marchandes ? Jusqu’où par le bais de cesoutils d’espionnage et de marketing le net s’ immisce-t-il dans nos vies privées ? En quoi le net contribue-t-ilactivement à notre atomisation et à la dématérialisationde nos vies au profit de la marchandise ?
NOUS AVONS TOUT DE MEME CHOISI DECREER CE SITE parce que nous savons que notredésertion de cet espace ne suffirait bien évidement pas àle voir s’effondrer, mais surtout parce nos autres outilsde diffusion d’informations et d’analyses plus directs –journaux, revues, espace de discussion, etc. – sontaujourd’hui beaucoup trop limités. Nous espérons
Sous la cendrehttp://sous-la-cendre.info/
Infos, revues, brochures, liens, agenda,actualité des collectifs libertaires, lieux...
34
35
même, peut-être naïvement, que ce site puissecontribuer à briser ce rapport immatériel pour propagerrencontres plus directes, discussions… et favoriser laréapprioriation d’analyses, d’ idées et de pratiques àmême de participer à attaquer l’Etat et le systèmemarchand.
NOUS SOMMES UN PEU DE LA BRAISEQUI COUVE SOUS LA CENDRE et qui parfois semanifeste. Nous écrivons, luttons, gueulons, nous
organisons pour résister à la volonté du capital, del’Etat, de leur zélés défenseurs et faux critiques,d’éteindre le feu qui agite ceux et celles que ce mondedégoute. Ce n’est pas que nous voulons mettre cemonde en cendre, mais bel et bien que nous cherchons àlui en opposer un autre que nous commençons àconstruire ici et maintenant. Et ce site est un outil parmid’autres de cette lutte.
• Sous la cendre, Septembre 2012.
Divers
ourquoi ce festival ?
Ca fait plusieurs années que des concerts sont
organisés à Caen de manière autonome, sans
dégager de profit, sans passer par les circuits ordinaires, ni
dépendre des politiques culturelles. Nous sommes plusieurs
personnes impliquées depuis un certain temps dans cette
logique Do It Yourself, et puisqu’à nos yeux le principe de
faire les choses par nous-même dépasse la musique, l’ idée de
se retrouver autour de ce projet commun nous a semblée aller
de soi. Parce que faire les choses soi-même c’est bien, mais
les faire ensemble c’est mieux : DIY = DO IT TOGETHER
Vendredi 29 mars
Galerie Oh à partir de 19h : Vernissage de l’exposition We
did it Together !
Samedi 30 mars
A l’Ile aux vélos de 14h30 à 18h :
- Atelier vélo et bricolage à partir de vélos ; - Atelier
sérigraphie ; - Atelier fanzine ; - Stand distribution ; -Concerts : KIDS FROM THE PACK (Caen) –
pop/punk/grunge ; Binôme guitare/basse + boîte à rythme ;
TROTSKI NAUTIQUE (Caen / Paris) – folk
- Discussion autour de l’appropriation de l’espace (animée
par le collectifVélorution)
_____
Au Bistrot des halles à partir de 18h :
- Projection d’un court métrage issu du documentaire
Between Resistance & Community sur la place des femmes
dans la scène punk. La scène punk de Long Island (NY, USA)
est connue pour son engagement et ses groupes de tous styles
qui foisonnent. Cette scène, en majorité blanche et masculine,
est à ce titre un lieu où, malgré des positions parfois affichées
comme anti-sexistes, continuent de s’exprimer et de se
structurer des dominations. Des femmes investies dans cette
scène parlent de leur place dans ce milieu d’homme, du
sexisme et des façons de se retrouver pour créer et lutter
ensemble.
- Cantine vegan à prix libre ; - Stands distribution ; Concerts
à partir de 20h30 – 5€ : RVIVR (Olympia, USA) – punk rock
; DOGJAW (Olympia, USA) – freaky punk ; BITPART
(Paris) – punk ; SITUATIONS (Caen) – punk
Dimanche 31 mars
A la Galerie Oh! à partir 1 5h
Concert de Stone in Shoe (http://stoneinshoe.bandcamp.com)
Guillaume de 64 Dollar Question jouera un set en acoustique
variant entre compositions et reprises. On recausera du film
projeté la veille sur la place des femmes dans la scène DIY.
Le fanzine réalisé la veille sera disponible afin de concrétiser
l’ idée de faire des choses ensemble.
______
Au ChefRaide à partir de 19h
On débriefe moins tranquillement. L’émission Daytona Fever
Sensation de radio 666 s’exporte au bar le Chef Raide pour
cloturer les festival. On passe des vinyles, on boit un coup. Le
lendemain, c’est férié et c’est pas un poisson d’avril
Festival "Do It Together" 29/30/31 mars 2013
SommairePrésentation - Page 2
Dossier "Autonomie"Autonomies : des multiples conceptions de l'autonomie - Page 3
Attaques, alternatives et aménagements - Page 5
Alternatives et autonomie - Page 6
L'université autonome - Page 8
Présentation de la brochure : Associationnisme, autonomie et solidarité - Page 10
De quelle autonomie parle-t-on ? L'autonomie version libérale - Page 12
Extrait du livre de Ronald Creagh, Utopies américaines - Page 14
Nuisances (ZAD, Nucléaire, TGV)Brèves antinucléaires
Castor 2010 - Procès en appel des 7du GANVA - Page 15
Pas de sushi, l'état geiger n°3 - Page 15
Antinucléaire Mix-texte vol.0 - Page 16
L'état fait jouer sa justice face à l'opposition au nucléaire et à la THT - Page 16
Un lieu pour la lutte, présentation et appel à dons - Page 17
Brèves sur des revues caennaises
Caen Nécropole - Page 20
Panopticopolis - Page 21
La ZAD partout, par tous ! - Page 22
Contre l'aéroport et son monde, seule la lutte décolle - Page 24
Squat politique le "Mât-Noir"Retour sur l'expérience du "Mât-Noir" - Page 25
Ateliers du mercredi soir - Page 28
DiversAtelier autour du théâtre de l'opprimé-e du 21 au 23 septembre 2012 - Page 29
De l'isolement du ressenti dans l'activisme politique - Page 30
Monsieur "Passe-moi l'mot" - Page 31
Procès ADN - Page 32
Présentation du COSAC - Page 33
Sous la cendre, http://sous-la-cendre.info/ - Page 34
Festival "Do It Together" 29/30/31 mars 2013 - Page 35