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MODELES ECONOMIQUES DE PORTAILS ( Avril 2001 ) ETUDE REALISEE PAR LE CERNA (Noémie BEHR) pour la Direction Générale de l'Industrie, des Technologies de l'Information et des Postes

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MODELES ECONOMIQUES DE PORTAILS

( Avril 2001 )

ETUDE REALISEE PAR LE CERNA (Noémie BEHR) pour la Direction Générale de

l'Industrie, des Technologies de l'Information et des Postes

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Synthèse

Cette étude, réalisée par le Cerna1, propose une définition des firmes évoluant dans

l’environnement du web : les portails. Il a pour but d’élaborer un cadre d’analyse économique

des logiques industrielles de ces firmes, et par là d’analyser les dynamiques à l’œuvre dans un

secteur en permanente mutation.

Qu’est-ce qu’un portail ?

Les portails échangent des flux d’informations numériques avec des Internautes à partir de sites

web. Ces échanges d’information leur permettent de valoriser le trafic qu’ils génèrent, soit en

l’acheminant contre paiement vers d’autres firmes, soit en poursuivant l’échange d’informations

commerciales jusqu’à finaliser une transaction en ligne.

Ainsi les portails, croisant des logiques économiques de média et de distributeurs, sont des

infomédia ires, c’est-à-dire des vecteurs d’information qui s’insèrent entre des consommateurs-

internautes et des « vendeurs » et captant une valeur ajoutée sur l’acheminement du trafic vers

les lieux de consommation (en ligne ou hors du web).

La logique économique du portail est donc structurée autour de trois processus: l’attraction des

internautes, leur fidélisation, et la valorisation de ce flux de trafic par le routage, c’est-à-dire

l’acheminement vers un autre point du web, ou la transaction. Le modèle d’affaires du portail

consiste à dégager une valeur ajoutée sur la valorisation du trafic, c’est-à-dire entre le coût

d’acquisition du trafic et les revenus issus de son exploitation.

La chaîne de valeur du web

Les portails s'enchaînent suivant le routage des flux de trafic (publicité, acheminement vers des

offres marchandes…), le long d’une chaîne de valeur, financée, en bout de chaîne, par les

dépenses des consommateurs en ligne. La croissance du commerce électronique a ainsi

encouragé de nouveaux portails à s’insérer sur cette chaîne pour capter une valeur ajoutée.

Deux types de portails s’interconnectent le long de cette chaîne de valeur, correspondant aux

deux formes principales de valorisation du flux d’Internautes :

- Indirecte - i.e. le portail achemine, contre rémunération, un flux de trafic vers un autre

1 http://www.cerna.ensmp.fr

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portail, ou un vendeur « briques et mortier ». Ce mode d’exploitation sera appelé routage

ou acheminement de trafic.

- Directe - i.e. le consommateur paye le portail à l’occasion d’une transaction (vente de

biens et services).

Autour de ces deux processus industriels d’exploitation d’un flux de trafic, se construit des

firmes qu’on appellera portails routeurs et portails de transaction -i.e. sites marchands.

D’autre part, les Fournisseur d’Accès à Internet (FAI) jouent un rôle croissant dans cette

chaîne de valeur : développant des services de portail, ils sont en mesure de capter une large

part du trafic issu de leurs abonnés, et de devenir ainsi des acteurs dominants du routage de

trafic.

Des modes de croissance de réseau

Un portail capture et fidélise des internautes autour d’une marque, et construit ainsi un réseau de

visiteurs fidélisés par des coûts de sortie informationnels. La construction de ce réseau s’avère

très coûteuse et constitue le premier emplo i des fonds issus de la capitalisation du portail. La

stabilité à terme du modèle économique d’un portail réside dans sa capacité à couvrir par son

exploitation, les coûts de constitution de sa marque, c’est-à-dire l’attraction et la fidélisation des

internautes.

Les portails sont donc des réseaux numériques, et se développent suivant des modes de

croissance de réseau :

- extension du réseau de visiteurs : la croissance phénoménale du marché et la possibilité

de fidéliser les nouveaux Internautes par des marques, ont amené les portails à une course à

la part de marché, qui s’est manifestée par une escalade des dépenses d’acquisition de

nouveaux visiteurs. En effet, si la diffusion des contenus numériques vers de nouveaux

visiteurs se fait à coût marginal nul, les coûts d’acquisition de visiteurs ne semblent pas

présenter d’économies d’échelles importantes.

- élévation de la valeur ajoutée : les portails intensifient leur exploitation du trafic par

croissance interne ou intégrations horizontales. De nouvelles offres sont dirigées vers les

Internautes profilés et fidélisés, permettant de profiter d’économies d’envergure sur le

réseau constitué.

Ces deux axes de croissance mènent ainsi à la disparition ou la consolidation des portails

n’ayant pas atteint une taille critique, et la consolidation horizontale des modèles d’exploitation

de trafic autour de grandes marques du web.

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Les mutations en cours dans l’économie des portails

Les modèles économiques de portails, et la chaîne de valeur sur laquelle ils s’interconnectent

sont encore précaires, et en constante évolution. Les modèles de portails sont encore déficitaires

et dépendants des sources de financement. Leur pérennisation est fortement liée aux conditions

qui prévalent sur les marchés financiers. D’autre part, la chaîne de valeur des portails, loin

d’être stabilisée, subit d’importantes mutations au gré de différents facteurs :

- L’intégration croissante des activités de FAI et de portail : voyant leur service d’accès "dial-

up" se transformer en commodité, les FAI se développent en portails, et fidélisent leurs

abonnés par des contenus attractifs.

- Les firmes traditionnelles voient dans la numérisation de leur interface-client une

opportunité de fidélisation et de croissance : elles développent des portails marchands, des

portails d’infomédiation de leur réseau de distribution briques-et-mortier, des services

d’accès Internet grâce aux FAI sous marque blanche, et prennent une part croissante dans

l’achat de trafic auprès des portails routeurs.

- Le développement des connexions à haut-débit (par DSL ou câble) devrait modifier les

comportements des Internautes, les lieux d’attraction et les modes de valorisation du trafic.

Le coût élevé de diffusion de contenus en streaming remet en cause les modèles

économiques d’infomédiation : les revenus de routage de trafic ne pourront a priori suffire à

les couvrir et à dégager un profit.

- Enfin, l’année 2000 a été marqué par un effondrement des valeurs Internet sur les marchés

boursiers : portails routeurs et marchands ont perdu 80% de leur valeur depuis le « e-krack »

de mars 2000. Cet effondrement des marchés a tari la source de refinancement des portails,

entraînant faillites et consolidations, et accélérant le rythme de restructuration de la chaîne

de valeur : disparition des modèles ne dégageant pas de valeur ajoutée, concentrations pour

profiter d’économies d’échelle ou d’envergure, etc.

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Sommaire

Synthèse_______________________________________________________________________ 2 Qu’est-ce qu’un portail ? ______________________________________________________________________2 La chaîne de valeur du web ____________________________________________________________________2 Des modes de croissance de réseau_____________________________________________________________3 Les mutations en cours dans l’économie des portails ________________________________________________4

Sommaire______________________________________________________________________ 5

I. Introduction __________________________________________________________________ 6 I.1. Portails _________________________________________________________________________________6 I.2. Les schémas de valorisation ________________________________________________________________7 I.3. Objectif de l’étude_________________________________________________________________________8

II. Les acteurs de la chaîne de valeur du web _______________________________________ 9 II.1. Chaîne de valeur du web __________________________________________________________________9 II.2. Modèle économique des FAIs______________________________________________________________11 II.3. Les portails routeurs _____________________________________________________________________15 II.4. Les portails de transaction : les sites marchands_______________________________________________27

III. Conclusion générale_________________________________________________________ 33

Annexe 1 : Chiffres clefs et état des lieux de l’économie des portails_________________ 35

Annexe 2 : Les statistiques américaines confirment la montée en puissance des FAIs dans l’économie du web _____________________________________________________________ 40

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I. Introduction

I.1. Portails

Le terme de « portail » désigne une firme . On appellera « portails » les firmes dont le modèle

économique est fondé sur l’exploitation du trafic web, c’est-à-dire des flux de consommateurs

circulant sur la toile. Cette définition générale nous permettra par la suite de présenter les

modèles économiques du web comme différents modes d’exploitation de ce trafic. La création

des portails et leur développement sont directement liés à la numérisation des flux

informationnels et aux dynamiques d'infomédiation qui caractérisent l’Economie Numérique.

L'acte d'achat n'est pas spontané. Il procède d'un échange d'informations entre le consommateur

et la firme. L'économie décompose cet échange en diverses tâches plus ou moins complexes :

reconnaissance du besoin ou du désir du consommateur, information du consommateur

(marque, publicité), évaluation par lui des offres commerciales, décision d’achat, mise en œuvre

et solde de la transaction. Les flux informationnels attachés à ces différentes tâches circulent

traditionnellement à l’initiative des vendeurs dans des canaux « briques et mortier »2 et via des

medias univoques (réseaux de production, de distribution, publicité…). La numérisation de ces

informations et leur mise à disposition sur des sites interconnectés permettent leur sortie des

canaux traditionnels, et la création d'un chemin virtuel sur lequel l'internaute pourra les

collecter. La mise en œuvre de cet échange d'information sur le web prend alors la forme d’une

« navigation » du consommateur vers le lieu de réalisation de son pouvoir d’achat, soit en

ligne, soit hors du web. La création de ces chemins et le guidage de l'internaute sur les sites

structurant l'acte d'achat instaure des opportunités d’affaires pour des intermédiaires

informationnels, des infomédiaires, capables de prendre en charge tout ou partie du processus,

et de s’insérer entre les consommateurs et les vendeurs.

Les portails sont donc les infomédiaires du web, qui visent à capter une recette sur une ou

plusieurs des étapes de la « navigation » du consommateur vers l’acte d’achat. Un portail attire

des visiteurs, enclenche une navigation grâce à des échanges informationnels, puis les transfère

avec une commission, soit à un autre infomédiaire, soit directement sur un lieu de transaction.

Ces réseaux purement numériques s’interconnectent entre eux, mais aussi avec des réseaux

traditionnels dits « briques et mortier ».

2 On qualifie de « briques et mortier » les canaux dans lesquels circulent des biens non numérisés.

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I.2. Les schémas de valorisation

Les modes d’acheminement et de valorisation du trafic sont nombreux. Ils font l’objet

d’innovations constantes. On peut distinguer de prime abord :

- Le routage publicitaire : il s’agit de l’acheminement de flux de trafic à partir de portails

diffusant des contenus généralistes (Yahoo !, Lycos, Voilà, etc.) ou thématiques (iVillage,

Multimania, CineOnline, etc.) grâce à des supports publicitaires dotés de liens html : les

bannières, boutons… Ce type de valorisation permet l’amorce de la navigation des

Internautes : capture d’audience, qualification, ou profilage, des Internautes (thématique,

démographique, comportementale), et diffusion de l’information sur les marques du web.

- L’acheminement vers des offres marchandes est ensuite assuré par des portails qui

présentent sur leur site l’offre commerciale d’infomédiés. Ainsi Yahoo ! présente l’offre de

sites marchands dans sa zone de « shopping », les portails « shopbots3 » (Kelkoo,

MySimon, bizrate.com) proposent des tableaux comparatifs de prix et de produits. Des

portails proposent également l’infomédiation vers des vendeurs « briques et mortier » :

Autobytel met en contact les Internautes avec des concessionnaires automobiles, eloan et

CreditOnline permettent de choisir un organisme de crédit, etc. Ces portails acheminent un

flux d’Internautes parvenus au stade de la décision d’achat.

- Enfin, une dernière catégorie d’infomédiaires intègre une fonction de distribution sur le

web. Ce sont les portails marchands, qui capturent des flux d’Internautes provenant des

deux catégories de portails précédentes, et qui assurent la fin du processus d’achat. Ces

portails créent de véritables marques de distribution (Amazon, Cdnow, 1800-Flower, etc.),

les fournisseurs des produits infomédiés perdent ainsi tout contact avec leur réseau de

clients.

Ces modèles d’infomédiation ne constituent pas des catégories étanches, mais se combinent et

interagissent au sein de modèles économiques complexes :

- Yahoo ! a développé une offre de routage publicitaire, puis d’acheminement vers des offres

marchandes dans sa zone « Yahoo ! shopping ».

- Amazon, créé en portail marchand, propose à présent l’infomédiation vers les offres de

Drugstore, Pets.com, Greenlight.com, etc.

3 Les « shopbots » ou « robots acheteurs » sont des logiciels de recherche automatique des offres commerciales sur le web.

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Le modèle économique d’un infomédiaire s'appuie donc sur :

- la capture de trafic : elle nécessite la création d’une marque et/ou l’acheminement

d’internautes depuis un autre portail. Le coût d’acquisition du flux d’internautes, qui

constitue un « input », dépend de la phase de navigation sur laquelle se positionne le portail,

et du contenu offert aux visiteurs.

- l’échange informationnel avec les visiteurs sur le site du portail : il s’agit

essentiellement de la livraison de contenus et de services (moteur de recherche, forums,

etc.), mais aussi d’interfaces interactives qui permettent au portail d’accumuler des

informations sur ses visiteurs, et de les fidéliser en leur constituant des coûts de sortie

informationnels 4. La production de ces flux d’informations est réalisée à coût marginal nul :

un visiteur de plus sur un contenu, ou la consommation d’un contenu supplémentaire par un

visiteur, n’engendrent pas de surplus de coût pour le portail.

- l’acheminement du trafic valorisé (« l’output ») ou la transaction avec les

consommateurs. La rémunération de l’acheminement est fonction du nombre de visiteurs

routés, estimé ou constaté, du degré de valorisation de ce flux, ou encore, en fin de

navigation, des commissions sur l’achat du consommateur routé. Pour les portails

marchands, le panier moyen d’un nouveau client ne couvre que rarement son coût

d’acquisition, c’est donc la valeur de long terme d’un client fidélisé qui est prise en compte.

La valeur ajoutée captée par le portail est donc constituée de la différence entre le coût

d’acquisition d’un visiteur et les recettes issues de sa valorisation.

I.3. Objectif de l’étude

Cette étude propose une première représentation des logiques industrielles fondées sur

l’infomédiation, c’est-à-dire l’exploitation par des firmes numériques du processus de

navigation du consommateur vers l’acte d’achat. La mise en évidence de ces logiques et la

discussion de leur stabilité constituent une étape fondamentale dans la représentation des

dynamiques industrielles du web. En effet, la viabilité des modèles expérimentaux va

conditionner leurs possibilités d'alliance avec des marques traditionnelles et le redéploiement

sur le web des grands réseaux historiques.

4 Un coût de sortie est le coût qu’un client devrait supporter pour sortir de sa relation avec la firme pour aller à la concurrence. Ce coût peut être créer artificiellement par une firme pour fidéliser ses clients (programmes de fidélisation par accumulation de points, etc.). Ici, les portails créent des coûts de sortie par des échanges informationnels : coûts de transfert de ses données personnelles chez un autre portail, perte des avantages issus de la personnalisation de l’interafce, etc.. Il s’agit de coûts de sortie informationnels, ou numériques.

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II. Les acteurs de la chaîne de valeur du web

II.1. Chaîne de valeur du web

Les portails s'enchaînent suivant le routage des flux de trafic, selon des séquences qui

correspondent au trajet de navigation des consommateurs en ligne. Ces séquences se composent

de nombreuses étapes de portails. Elles sont instables et varient au gré des accords de routage et

des partenariats entre portails. Elles subissent les évolutions rapides des modèles économiques

de ces firmes.

Dès 1995, des portails généralistes, structurés autour d’un service de recherche ou d’annuaire du

web, se sont attribués le rôle de portail d’accueil, et capturent depuis la plus grande part des

Internautes dès leur entrée sur le web. L’instauration de marques fortes (Yahoo !, AltaVista,

Excite, Lycos, etc.) leur assure la capture des flux de visiteurs, qui peuvent ensuite être

acheminés par routage ou infomédiation vers les portails marchands.

Les modèles économiques des portails s’interconnectent sur une chaîne de valeur instable

Infomédiairesvers b&m

Marchandsb&m

Web trafic paiements marchandises

ClientsPortailsmarchands

Portailsgénéralistes

Portails«  profilers»

Portails decontenu

Routeurs

FAI

Internautes

En 1998 et 1999, la forte croissance des portails marchands (commerce électronique), et donc la

demande très forte en trafic, a suscité le développement d’infomédiaires s’insérant entre les

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portails généralistes et les portails marchands. On a ainsi assisté à une prolifération de modèles

économiques innovants, notamment en matière de contenu (egroups.com propose des services

de communication au sein de communautés d’internautes), ou de routage (Alladvantage.com a

développé une bannière permanente visible par l’Internaute quel que soit le site sur lequel il se

trouve).

Jusqu’ici, les porta ils se sont donc développés le long d’une chaîne de valeur, soutenue presque

exclusivement par les dépenses en achat de trafic des portails marchands (sites de commerce

électronique).

Les Internautes entrent sur le web via les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI), ce trafic est

captés en très grande partie par les portails de commutation en un flux anonyme et non

segmenté. Parmi les portails routeurs, on peut distinguer trois catégories :

- Les portails généralistes, qui sont interconnectés aux FAI.

- Les portails de contenu, qui outre le flux capté directement, requièrent des interconnexions

avec les portails généralistes.

- Les portails « profilers » qui attirent un flux grâce à une espérance de gain directe ou

indirecte pour les Internautes.

Ces portails routeurs adressent ensuite des flux d’Internautes vers les sites marchands – i.e. les

portails de transaction. Ces flux commutés donnent lieu à des paiements de la part des sites

marchands. La valeur ajoutée captée par le commutateur est d’autant plus importante que le flux

est transformable facilement en flux de clients, c’est-à-dire qu’il est segmenté ou constitué de

consommateurs en situation d’achat. D’autre part les sites marchands développent la notoriété

de leur marque pour attirer un trafic direct depuis les FAI.

Les sites marchands transforment un flux de visiteurs segmenté en un flux de clients au cours de

transactions personnalisées de vente de biens et services. La fidélisation des clients par le portail

de transaction lui permet non seulement d’accroître l’exploitation de sa base de clients, mais

aussi d’engendrer un flux de clients récurrents, qui ne passe plus par le canal coûteux de la

commutation, mais qui est activé directement par le site marchand.

Cette chaîne de valeur apparaît aujourd’hui précaire. Les défaillances croissantes des portails

marchands depuis le début de l’année 2000 se sont propagées aux portails routeurs, et on voit

mal comment les seules dépenses des consommateurs en commerce électronique pourraient

soutenir la croissance et la pérennisation des portails de navigation. Cette chaîne de valeur

devrait donc subir des mutations profondes sous l’influence de plusieurs facteurs, et notamment

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du rôle croissant des Fournisseurs d’Accès à Internet (FAI) qui accueillent les visiteurs en ligne,

et de leur partenariat avec, en amont, les fournisseurs de liens télécoms et, en aval, la

distribution « briques et mortier » de biens et services :

- On constate une évolution des modes de valorisation du trafic par des interconnexions

croissantes des portails aux réseaux « briques et mortier ». Ainsi, parallèlement au

commerce électronique, l’infomédiation vers des vendeurs hors-web se développe : dans de

nombreux secteurs, de nouvelles firmes vont profiter de l’opportunité d’infomédiation sur

des produits à forte valeur ajoutée (le crédit et l’épargne -action dans le domaine bancaire

par exemple). D’autre part, de nouveaux modes de navigation des consommateurs vers des

offres commerciales sont expérimentés (communautés de consommateurs, coupons en

ligne…) où portails et vendeurs traditionnels s’associent. Ainsi Unilever investit US$200

millions dans un portail de promotion, en partenariat avec le portail féminin iVillage.com.

- D’autre part, le rôle grandissant des FAI dans l’économie du web est un facteur majeur de

modification de la chaîne de valeur. En effet, la croissance des bases d’abonnés des FAIs

leur permet de valoriser eux-mêmes le trafic issu de leurs abonnés. Intégrant en aval un

portail (wanadoo.fr, libertysurf.fr, etc.), ils se posent tout d’abord en concurrents des grands

portails généralistes. De plus, ayant un contact direct avec le consommateur auquel ils

fournissent un service tangible, ils sont capables d’établir une relation marchande pour lui

fournir des services et contenus spécifiques payants, voire d’agréger les paiements des

achats sur des portails marchands partenaires ou intégrés. Les FAI pourraient ainsi être à

l’origine d’une restructuration de la chaîne de valeur du web, dans laquelle ils joueraient le

rôle de redistribution de la valeur ajoutée à l’ensemble de la chaîne.

- Enfin, le développement des connexions à haut-débit (par DSL ou câble) devrait modifier

les comportements des Internautes, les lieux d’attraction et les modes de valorisation du

trafic.

II.2. Modèle économique des FAIs

L’acteur-clé du marché de l’accès est le fournisseur d’accès (FAI). C’est lui qui offre au

consommateur, au moyen de l’installation d’un kit de connexion (pré-installé ou sur CD-rom),

l’accès au réseau Internet. La caractéristique économique d’un FAI est d’être à la fois un

acteur du réseau télécom et de la chaîne de valeur du web (portail). Cette propriété lui

confère la possibilité d’engendrer d’une part des recettes liées à l’accès à Internet et, d’autre

part, des recettes liées à l’adressage des internautes sur la toile.

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- La fourniture d'accès Internet

L’activité centrale du FAI, et qui conditionne les autres, est la fourniture d’un accès dial-up aux

consommateurs, incluant généralement l’hébergement de pages personnelles et d’un ou

plusieurs comptes d’e-mail. C’est sur cette activité que les FAI se sont d’abord développés,

déployant des infrastructures et tirant leurs recettes des abonnements des Internautes, selon le

schéma général suivant :

- COUTS - RECETTES

�Infrastructures (LS, modems, serveurs...) �Abonnements et frais d’admission éventuels

�Service clients (facturation, hot-line etc.) �Hébergement de sites Web

�Streaming (connexion au réseau Internet) �Services en ligne payants

�Acquisition de clients (marketing, partenariats) �Transferts de la chaîne télécom pour apport de trafic

- Coûts

Les FAI supportent les coûts de la connexion à Internet. En effet, cela suppose soit l’achat du

transit à un FAI plus important, bénéficiant des accords d’interconnexion dans les principaux

points d’échange de données de la planète (UUNet, Level3, PSINet), soit sa participation à un,

ou plusieurs nœuds de peering.

En majorité, les arrangements de peering sont basés sur des accords de partage de coûts : chaque

FAI paie son propre coût d’accès à l’interconnexion, le coût du routeur est partagé et tous les

participants au nœud de peering acceptent tout le trafic Internet destiné à leur réseau sans aucun

transfert financier futur (« sender keeps all settlement »). En revanche, pour l’achat du transit à

un FAI plus important, le FAI client paie la bande passante Internet facturée soit par paquets de

données, soit forfaitairement.

- Recettes

Les FAIs n’ont, en général, pas d’infrastructures de boucle locale et un nombre limité de points

de présence (POP). Ils doivent donc s’interconnecter à des opérateurs de longue -distance et de

boucle locale. Historiquement, les FAIs ont d’abord été clients des opérateurs télécoms

auxquels ils achetaient des capacités de connexion et de transports (VPOP, minutes de

connexion en transport et collecte locale, etc.). Les abonnements permettaient de couvrir ces

coûts et d’engendrer des profits. Ce schéma a été bouleversé lorsque les FAIs, accédant à des

bases de clients conséquentes, sont devenus des apporteurs de trafic cruciaux de la chaîne des

télécoms.

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Cette position leur a permis de négocier avec les opérateurs télécoms un partage de leurs

revenus de terminaison d’appels. Le modèle général est le même : l’utilisateur paye ses

communications à l’opérateur de boucle locale, celui-ci reverse une interconnexion de

terminaison à l’opérateur tiers, qui transfère ensuite vers le FAI une part de cette

interconnexion5.

Ces recettes de connectivité ont permis à de nouveaux FAIs de rentrer sur ce marché ave c des

offres plus compétitives : abonnements gratuits (apparus avec Freeserve en 1998 et généralisées

depuis), abonnement plus heures de connexion à des prix compétitifs voire gratuits pour les

FAIs ayant obtenus des licences d’opérateurs de services téléphoniques.

Tendanciellement, avec le développement des FAIs gratuits, l’offre de connexion Internet n’est

plus un centre de profit : les recettes de connectivité permettent juste de couvrir les coûts de

raccordement au réseau Internet. En revanche, l’offre gratuite de connexion Internet permet

d’accroître la base d’abonnés, valorisable dans une activité de portail, autrement dit en aval dans

la chaîne de valeur du web. Ce phénomène s’explique par le fait que la connexion dial-up

s’apparente à une commodité dans laquelle la qualité de service évolue vers un standard. En

revanche, le déploiement du DSL va réintroduire une forte différenciation qualitative sur les

modalités de connexion. Il faut donc s’attendre, comme on le voit déjà aux Etats-Unis, à ce que

les FAIs ayant fidélisé des internautes à la consommation de contenus, se positionnent

activement en tant que revendeurs d’accès à haut-débit.

- Développement d’activités de portails

La croissance des bases d’abonnés des FAIs leur permet aujourd’hui de valoriser eux-mêmes le

trafic créé par leurs abonnés. Intégrant en aval un portail, ils se posent tout d’abord en

concurrent des portails généralistes agrégateurs de trafic : Yahoo !, Lycos, AltaVista, etc. Le

FAI/portail se rémunère ensuite par l’adressage vers d’autres portails du web.

Le FAI développe donc un portail qui va s’afficher comme page d’accueil de ses abonnés. Sur

ce portail intégré, la firme va mettre en place un modèle similaire à celui des grands portails

généralistes, qui sera développé plus loin : agrégation de contenus et services, production de

support à partir desquels le trafic sera acheminé contre rémunération vers le reste de la chaîne de

valeur du web.

Mais le modèle économique du FAI/portail intégré se distingue des pur-portails par un certain

nombre d’externalités que lui procure l’intégration de ses deux activités complémentaires :

5 Une étude récente d’Analysys (http://analysys.com) estime à l’heure actuelle ces transferts à 4 0 % des recettes des FAI gratuits, ce qui fait de ce poste le premier des recettes de ces firmes.

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- Tout d’abord les abonnés du FAI constituent la première source de trafic pour le portail

intégré. Si une majorité des abonnés sont fidèles et consomment les deux services auprès de

la même firme, celle -ci profite d’économies d’envergure sur l’acquisition des

abonnés/visiteurs. Les dépenses marketing font ainsi double emploi.

- Or l’activité de portail offre des économies d’échelles importantes tandis que la fourniture

d’accès seule se transforme en commodité dont les marges s’amenuisent. Les FAI/portails

peuvent donc faire jouer la complémentarité des deux services et utiliser l’accès comme

produit d’appel de leur service de portail. Les FAI sont donc inciter à subventionner l’accès

par les recettes de portails, et multiplient les offres attractives : abonnements à Internet

gratuits, abonnement et minutes de connexion gratuits, puis abonnement et connexion

illimitée gratuits…

- Enfin, l’intégration des FAI dans la chaîne de valeur télécom a pour effet un troisième type

d’externalités. En effet le développement de contenus et services attractifs sur le portail a

pour objectif d’accroître la viscosité du portail, c’est-à-dire le temps passé par le visiteur.

Une viscosité forte permet d’exposer le visiteur à plus de bannières, mais également de

prolonger la connexion Internet, et ainsi d’accroître les revenus de connectivité du FAI. Le

FAI/portail intégré a donc une incitation forte à développer un portail riche avec une

viscosité importante ; lorsque le FAI est intégré en amont à une opérateur télécom,

l’incitation au développement d’un portail est d’autant plus importante et peut donner lieu à

des transferts de l’opérateur télécom à l’activité de portail.

Ainsi AOL a développé successivement une offre d’abonnement payant avec services

propriétaires (premier FAI américain avec 20,3 millions d’abonnés), et une offre de portail qui

détient la première place aux USA en termes de trafic . Ses recettes de portails atteignent $609

millions pour le deuxième trimestre 2000 ($270 millions pour Yahoo !) et représentent 31 % de

son chiffre d’affaires total. Ses dépenses marketing représentent alors 15,3 % de son chiffre

d’affaires total, contre 34,7 % pour le pur-portail Yahoo !.

La dynamique industrielle des FAI/portails intégrés s’appuie sur le cercle vertueux suivant :

- accroître la base d’abonnés actifs : la stratégie de produit d’appel (gratuité de l’offre de

connexion) a été utilisée par les nouveaux entrants, mais d’autres modes d’attraction

d’abonnés peuvent être utilisée (Wanadoo). L’accroissement de la base installée doit être

accompagnée de la fidélisation des abonnés pour profiter des effets de complémentarité :

services verrouillants, personnalisation, etc, créant un coût de sortie pour l’abonné.

- investir dans la chaîne de valeur du web, par développement en interne de portails mais

aussi acquisitions de portails (contenus et e-commerce). Ces contenus fidélisants accroissent

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Modèles économiques de portails

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la consommation d’accès et de débits. D’où l’intérêt toujours croissant à se positionner sur

ce marché.

II.3. Les portails routeurs

Les portails routeurs rassemblent les firmes dont la principale source de revenus est issue de

l’acheminement du trafic. Historiquement, ce sont les portails généralistes créés dès 1995 pour

orienter l’Internaute par un annuaire du web ou un moteur de recherche. Les portails routeurs se

sont fortement développés et diversifiés depuis, pour profiter des opportunités liées à la

croissance du trafic et du nombre de sites marchands.

Ces portails sont donc fondés sur une offre de contenus et/ou de services aux Internautes, et une

offre d’infomédiation aux acheteurs de trafic. Leur modèle est donc fondé, comme celui des

médias, sur un arbitrage de la facturation sur l’un et l’autre de ces marchés6. Dans l’Internet bas-

débit, c’est le modèle gratuit pour les consommateurs qui s’est imposé très majoritairement.

Différents facteurs peuvent expliquer cette gratuité quasi-généralisée :

- les coûts marginaux des biens informationnels sont nuls,

- la croissance très forte du nombre d’Internautes incitant les firmes dans une course à la part

de marché,

- la présence sur le web de très nombreux contenus gratuits mis en ligne par des particuliers,

- mais surtout l’espérance d’une rémunération par l’acheminement de trafic, directement liée

au nombre d’Internautes attirés, et ce d’autant plus que le portail peut étendre

l’infomédiation de la vente d’espace publicitaire jusqu’à la transaction 7.

Le modèle général coûts / recettes des portails routeurs se présente comme suit :

- COUTS - RECETTES

�Maintenance des sites web, production et acquisition

de contenu et services

�Ventes d’espaces publicitaires

(CPM, partenariats longues durée)

�Coûts marketing : coûts d’acquisition de visiteurs et de

fidélisation (publicité et partenariats).

�Ventes de clicks et commissions sur commerce

électronique

�Ventes d’espaces publicitaires sur newsletters

6 L’arbitrage par les média entre rémunération par les consommateurs ou les annonceurs fait intervenir différentes variables, comme les consentements à payer sur ces deux marchés, la possibilité ou non d’exclure des consommateurs (impossible sur le télévision hertzienne par exemple), l’élasticité de la demande des annonceurs par rapport au nombre de consommateurs du média, le coût de production du contenu/service, etc. 7 C’est pourquoi le terme d’infomédiation me paraît plus adapté que celui de modèle publicitaire.

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Modèles économiques de portails

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On peut distinguer aujourd’hui trois grands types de portails qui identifient des voies différentes

d’acheminement du trafic vers les sites marchands : les portails généralistes, les portails de

contenu et les portails « profilers ». Ces routeurs se différencient par leurs modes d’attraction,

d’acheminement et de fidélisation du trafic de visiteurs.

II.3.1. Les portails généralistes

Ces portails généralistes rassemblent principalement les portails « historiques », les premiers

entrants du web, créés à partir d’un service d’orientation de l’Internaute sur la toile. Ils ont ainsi

été les points d’entrée du web dès son enfance, et ont pu créer des marques aujour d’hui

mondialement connues : AOL, Yahoo !, Excite, Lycos, AltaVista, MSN.

- Attraction de visiteurs

Le développement en portails de ces firmes pionnières, et leur modèle d’affaires actuel, a été

fortement influencé par leur premier mode d’attraction de trafic :

– Yahoo ! en créant un annuaire du web, enrichi manuellement par ses surfers, a dès le départ

attiré un trafic venu référencer des sites. Ce portail a donc tout de suite mis en place un

modèle fondé sur la valorisation du flux de trafic, et s’est ensuite développé en pur

commutateur.

– Excite et AltaVista en revanche, ont d’abord cherché à valoriser leur logiciel innovant de

recherche, notamment en le mettant à disposition d’autres portails (ainsi Excite est -il le

moteur de recherche exclusif de Microsoft Network en 96, de AOL en 97). C’est seulement

dans un second temps qu’il entame leur processus de constitution de portail et de

valorisation de trafic capturé par leur moteur de recherche.

– AOL, créé en réseau de contenu propriétaire, a d’abord fondé son développement sur les

abonnements du public, avant de devenir également un routeur de trafic. Par le rachat de

Netscape, AOL a intégré des services d’entrée et de recherche sur le web.

Aujourd’hui, ces portails sont encore structurés autour de leur service d’orientation. Toutefois

des moteurs et annuaires se sont créés sur de nombreux autres portails, développés par des

firmes technologiques spécialisées (Inktomi...), et se sont ainsi transformés en commodités. Les

portails généralistes ont donc étoffé leur site par des services variés et des contenus éditoriaux

agrégés : ces nouveaux contenus, en constant développement, leur permettent de couvrir un

maximum de désirs des internautes, nouveaux mais aussi récurrents. L’ensemble de ces

contenus et services structurés autour du service de recherche, est rassemblé sous un nom, et

identifie la marque du portail. La diffusion de cette marque auprès du grand public est le

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Modèles économiques de portails

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principal vecteur d’attraction de visiteurs.

Avec le développement des portails, ces portails généralistes se sont interconnectés aux points

d’entrée du web pour s’assurer de capturer le flux à la source :

- Accords de pré-connexion avec des constructeurs de hardware et software pour enregistrer

l’accès au portail avant la connexion au web.

- Accords avec des FAI: le portail devient la page d’accueil exclusive du service. Ainsi

Yahoo !, MSN, AOL et Excite ont-ils des liens avec des FAI câble et DSL.

Le marché des FAI gratuits promettant une forte croissance, ces portails ont également

lancé un FAI gratuit dans le cadre d’un partenariat ou non : Yahoo !, Lycos, AltaVista et

Excite.

- Aujourd’hui, ces portails se sont également lancé dans la distribution de leur contenu sur le

« wireless », les outils de communication mobile par des partenariats avec Palm, Nokia,

Motorola…

Ces accords permettent aux portails généralistes de présenter leur offre à de nouveaux

Internautes, ce contenu mis à disposition des FAI est toujours marqué du nom du portail. Ces

accords sont des opportunités de construction de la marque, et de diffusion de celle -ci auprès de

nouveaux visiteurs (on parle de « brand awareness »).

Ces accords avec les FAI, et les marques qu’ils ont réussi à former, font de ces portails

généralistes les premiers sites du web en terme de trafic.

Top ranking September, 2000 – Mediametrix

Rank Digital Media/Web Properties Unique Visitors (000s)

1 Microsoft Sites 82 931

2 AOL NetworkProprietary & www 81 252

3 Yahoo Sites 78 806

4 Lycos 46 836

5 Excite Networks 34 323

6 Go Network 23 628

7 About 19 814

8 Alta Vista Sites 19 522

9 Real.com Networks 18 309

10 Amazon 16 015

Properties : La définition des domaines (properties) web ou « digital media » est fondés sur une audience indivisible. Elle inclut les grandes marques du web mais également la consolidation de domaines plus petits sous une même marque ou un même propriétaire. Unique Visitors : Le nombre d’utilisateurs ayant visité au moins une fois le site durant le mois donné. Chaque visiteur n’est compté qu’une fois.

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Modèles économiques de portails

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- Dynamique d’acheminement de trafic

L’acheminement depuis les portails généralistes se réalise principalement par des liens

(bannières, boutons permanents ou non, etc.) apposées sur des pages vues par les visiteurs. Les

portails routeurs proposent donc une segmentation thématique du flux, qui cible la bannière

selon la page vue (par mot clef dans un annuaire par exemple).

L’unité de facturation étant l’impression, c’est-à-dire la page vue, l’enjeu pour un portail qui

veut maximiser ses revenus, est donc de maximiser la viscosité (stickiness) de son site. La

viscosité représente la capacité d’un portail à retenir ses visiteurs lors d’un passage sur le site :

elle peut s’exprimer en temps passé, ou en nombre de pages vues. Les portails généralistes

cherchent donc à développer des contenus éditoriaux, par des achats à des éditeurs de contenu

pour une faible part, et par des accords de distribution avec des portails de contenu.

Par ces accords, des pages de contenus co-brandées (marque du portail généraliste et marque du

fournisseur de contenu) sont créées sur le portail généraliste, qui comporte des liens vers le site

fournisseur. Ce sont donc des partenariats « contenu contre trafic », où une rétribution des

revenus d’acheminement issus de ces pages au portail fournisseur est parfois ajoutée.

Ainsi, les pages « Santé » d'Excite et Lycos sont fournies par WebMD, les pages destinées aux

femmes de MSN et Altavista sont fournies par Women.com, les actualités technologiques

d'Excite sont issues de Zdnet, Yahoo ! agrège dans ses pages finances des contenus de the

MotleyFool.com, TheStreet.com, Forbes, etc.

D’autre part, les portails généralistes développent des supports de routage leur permettant de

commuter un flux de trafic avec plus de valeur ajoutée, c’est-à-dire un flux de visiteurs

transformable en clients plus efficacement. Les zones dédiées au e-commerce au sein du portail

(Yahoo ! Shopping, Excite Shopping, Lycos Shop, etc.) ont cet objectif : en prenant en charge

une part plus importante des flux d’information entre la marque marchande et le visiteur, les

portails sont à même de router des flux de visiteurs en situation d’achat, et même ayant arrêté

leur choix sur un produit ou un marchand.

Ce type d’acheminement à forte valeur ajoutée, apporte une rémunération supérieure à

l’acheminement classique. Les portails généralistes cherchent donc à développer cette source de

revenus.

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Modèles économiques de portails

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Modèle de commutation des principaux portails dans leur zone shopping Portal Shopping Site Paying Merchants Pricing Leading Retailers AltaVista Shopping

About 100 Monthly fee ranges from a few thousand dollars to $20,000, plus 50 cents per click-through.

Amazon.com, CDNow,Crate &Barrel, Fingerhut

eShop@MSN

More than100 Monthly fee ranges from $100 to several thousand dollars for a basic listing on the site, to several million dollars for more visibility.

The Gap, Barnes & Noble, Egghead, Amazon.com

Excite Shopping

About 1,200 Site charges up to $1.50 per click-through and up to 15 percent of each sale, plus a monthly fee for smaller retailers.

Hallmark, eToys, Amazon.com, J. Crew

Go Shopping

About 270 Monthly fee ranges from $2,000 to $300,000 depending on placement, plus an average of 50 cents per click-through and 2 percent to 5 percent of each sale.

Borders, Amazon.com, FogDog, FTD

LycoShop

About 1,100 Monthly fee ranges from $99 to $85,000, plus 2 percent per transaction and 25 percent of the sale depending on the item and its profit margin.

The Gap, Barnes & Noble, Macy's, Eddie Bauer

Shop@AOL More than 275 Undisclosed. J.C. Penney, eToys, CDNow, Office Depot

Yahoo Shopping

About 7,500 Site charges $100 per month for up to 50 items and $300 per month for up to 1,000 items, plus a commission of 2 percent to 15 percent of each sale.

Macy's, Eddie Bauer, Brooks Brothers, Office Max

Source : The Standard 29/11/99

- Fidélisation des visiteurs

Le flux de trafic Internet est extrêmement volatil, ainsi les seules connexions aux FAI ne

sauraient suffire à garantir le trafic d’un portail généraliste. D’autre part, des études

comportementales montrent que les internautes ont tendance à contourner les services de

recherche des portails lorsque leur expérience du web s’affine :

Percent of Surfers Bypassing Portals for E-commerce sites

60,9%

45,7%

58,5%

53,2%

41,3%

71,9%

34,8%

29,0%

47,6%

46,8%

35,5%

81,3%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Investment and Trading

Financial information

Auctions and Classified Ads

Online Shopping

Info. On Products and Services

Online Banking

2-plus Years Online Under 1 Year Online

Source : The Standard

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Modèles économiques de portails

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Il est donc crucial pour ces portails de structurer un coût de sortie pour les visiteurs. Le coût de

sortie est tout d’abord constitué par la marque qu’appose le portail à tous ses services, et la

communication qui y est associée. La marque sécurise l’Internaute : elle balise les pages vues

par sa charte graphique, familiarise les services, crée un environnement amical. Mais la

concurrence entre portails est intensifiée par l’ubiquité que permet Internet (la possibilité pour

un Internaute de passer en quelques secondes d’un site à un autre), et la quasi-standardisation

des contenus.

Un coût de sortie plus élevé est donc construit par des services personnalisés comme la

messagerie (email), la gestion de l’agenda, la personnalisation des actualités et des cours des

actions du portefeuille, mais aussi les chatrooms, les forums, etc. Ces services cherchent à

maximiser les flux informationnels entre le portail et le visiteur : ainsi plus celui-ci donne

d’informations personnelles, et plus elles sont utilisées par le portail en services additionnels ou

en plus forte personnalisation, plus le coût de réinitialisation de ces services chez un concurrent

est élevé pour le visiteur.

Les portails généralistes créent ainsi des services variés, comblant un maximum de besoins

quotidiens (agenda, email, gestion du compte bancaire, paiement des factures, sélection des

actualités...) : plus il y a d’interfaces entre le portail et le visiteur, plus ce dernier sera verrouillé.

Ces services permettent ainsi de passer de la marque du portail à une marque intéractive qui

définit, plus qu’une seule interface personnalisée, l’ensemble de services que l’utilisateur a

choisis et avec lequel il est en interaction : My Yahoo !, My Excite, My AOL, etc.

- Modèles de portails généralistes : synthèse et évolutions

Les portails généralistes se distinguent donc par des marges brutes élevées liées aux économies

d’échelles très importantes sur la production de leurs sites, et sur la faible production de

contenus, qui sont en majorité issue d’autres portails. Yahoo ! génère ainsi une marge brute de

86% en 2000, environ 77 % si l’on tient compte des développements de softwares en interne.

Malgré un coût d’acquisition de client très faible ($2,3 pour Yahoo ! selon Merrill Lunch), les

dépenses marketing demeurent supérieures à 30% du chiffres d’affaires : en effet le leadership

des portails généralistes tient à leur capacité de capter une part majeure des flux d’internautes

grâce à leur marque, les services et contenu offerts ne permettant pas de les différencier. Ainsi

Yahoo ! demeure constamment dans les 10 premiers annonceurs du web.

Le modèle des portails généralistes subit trois types d’évolutions :

- les défaillances des portails acheteurs de trafic (portails routeurs ou marchands) ont amené

les portails généralistes à assurer leur base d’acheteurs de trafic. Ainsi une part croissante

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Modèles économiques de portails

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des annonceurs des portails généralistes est constituée de firmes « briques et mortier ».

- Les portails généralistes cherchent à s’assurer la capture de la part croissante d’abonnées

Internet haut-débit. Ainsi Yahoo ! France distribue l’offre DSL de Mangoosta et annonce le

développement de contenus de « streaming » audio et video (musique, films, jeux, etc.). Or

la diffusion de contenu en « streaming » a un coût élevé pour le portail : The Standard

estime à $75 le coût de diffusion de 3mn de vidéo haute définition pour mille visiteurs, alors

que le revenu publicitaire pour mille (CPM) est en moyenne de $30. Le routage classique ne

pourra pas seul couvrir ces coûts. La diffusion de contenus haut-débit amènera donc à une

transformation du modèle de routage de ces portails : les portails devront évoluer vers la

vente de contenus ou vers une infomédiation à très forte valeur ajoutée.

- Enfin, on observe une intégration croissante des modèles de FAI et de portail généraliste.

- Intégration croissante des activités de portails généralistes et

de fournisseur d’accès

Comme on l’a vu les externalités qu’offre la complémentarité entre activités de fournisseur

d’accès et de portail généraliste a poussé les FAI à s’intégrer dans la chaîne de valeur du web.

Les FAI ont donc développé des portails pour leurs abonnés, mais les portails généralistes sont

également touchés par cette intégration croissante des deux activités :

- L’intégration des FAI dans la chaîne de valeur du web a également donné lieu à des

acquisitions de portails. Ainsi le FAI câble @Home a intégré Excite en 1999, Terra, le FAI

de Telefonica, a intégré les portails Lycos et Spray.

D’autre part, certains purs-portails ont opéré une extension de leur modèle vers la fourniture

d’accès :

- À la recherche de nouvelles sources de profits, le portail généraliste de Microsoft, MSN, a

lancé début 1999 une offre d’accès et de services avec abonnement payant, sur le modèle

d’AOL. Cette offre a atteint 3,5 millions d’abonnés et constitue le 5eme FAI américains fin

Octobre 2000.

- Enfin, les portails développés par les FAI représentent une concurrence pour les portails

généralistes. En effet, ceux-ci absorbaient jusqu’ici les Internautes issus de nombreux FAI

et les verrouillaient par des services personnalisés. Les portails développés par les FAI,

fidélisent les abonnés et privent ainsi les portails généralistes d’une source de trafic. Les

portails ont donc développé des offres de fourniture d’accès gratuites. Ainsi AltaVista a

lancé une offre avec 1stUp.com et est rentré dans les 10 premiers FAI américains. Yahoo ! a

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lancé comme seule offre un FAI gratuits en partenariat avec la chaîne de distribution Kmart,

mais annonce le lancement d’une offre hgaiut-débit DSL.

II.3.2. Les portails de contenu

Les portails de contenu (parfois également appelés portails verticaux), ont développé des

modèles d’affaires proches des modèles généralistes. Exploitant des niches thématiques

(Women.com, Cnet, Thirdage, About.com, etc. mais aussi egroups.com, egreetings.com...), ils

diffèrent essentiellement par leur mode d’attraction de trafic.

- Attraction des visiteurs

Le principe de ces routeurs est d’offrir aux visiteurs un contenu éditorial ou une gamme de

services différenciés qu’ils développent en interne. Ils occupent donc des niches thématiques

(démographique, centre d’intérêt, type de service offert...) destinés à des segments de marché

(les femmes pour Women.com ou iVillage, les personnes âgées pour Thirdage.com, les

acheteurs de produits technologiques pour Cent, etc.).

La capture de flux de visiteurs par ces portails est réalisée en partie par la construction d’une

marque par une forte communication off-line. Mais elle nécessite également des

interconnexions aux plus gros apporteurs de trafic, les portails généralistes. Les portails de

contenu achètent donc des flux de trafic routés, au même titre que les sites marchands, et

développent des accords de distribution de leur contenu avec ces portails généralistes.

Par ces accords de contenu, les portails de contenu fournissent au portail généraliste de la

matière pour accroître leur viscosité : des pages de contenu co-brandées thématiques où le

portail de contenu peut apposer sa marque et capturer du trafic par les liens. WebMD qui fournit

les contenus « Santé » de Excite, MSN, et Lycos est ainsi devenue la marque santé de référence

du web. Les accords de contenu sont donc également des moyens de construction de la marque

pour ces portails.

- Dynamique d’acheminement de trafic

La dynamique d’acheminement de trafic des portails de contenu s’apparente à celle des

généralistes : il s’agit toujours d’acheminer le visiteur vers des supports de routage segmentés

thématiquement. Les portails de contenu peuvent en revanche offrir une segmentation plus fine,

d’une part par la segmentation même de leur contenu qui est plus spécialisé, mais aussi par les

informations plus nombreuses qu’ils agrègent sur leurs visiteurs. En effet, les services offerts

nécessitent des données personnalisées, et les clubs, forums, liste de newsletters comprennent de

nombreuses informations données volontairement par les utilisateurs.

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D’autre part, la richesse éditoriale ou de service de ces portails induit une viscosité plus grande,

et en conséquence un plus grand nombre de supports de routage par visiteur (pages vues

valorisées par une bannière ou un bouton). Enfin, des zones dédiées au commerce électronique

sont également développées à l’instar des portails généralistes.

Variation des prix par catégorie de contenu pour les bannières Rank Genre Avg. CPM Min. CPM Max. CPM 1. Computing & Technology $55.00 $22.00 $92.50 2. Shopping & Auction $50.00 $30.00 $65.00 3. Business & Finance $41.75 $20.00 $55.00 4. Sports & Recreation $33.29 $10.00 $70.00 5. Comics & Humor $31.44 $27.88 $35.00 6. Health & Fitness $30.00 $10.00 $50.00 7. Portal $29.93 $20.00 $50.00 8. Movies & Television $28.84 $15.00 $40.00 9. Travel, Regional & Local $28.50 $20.00 $37.00 10. Personal Expression $27.50 $20.00 $35.00 11. Music & Streaming Media $26.68 $13.42 $40.00 12. Search Engine $25.00 $12.50 $45.00 13. Games $23.35 $15.58 $35.00 14. Community $19.70 $5.00 $30.00

Source: AdRelevance Rate Card Survey, Q4 1999

La dynamique d’acheminement de trafic des portails de contenu est donc fondée sur des revenus

par visiteur plus élevés que les généralistes, mais sur des segments de trafic plus restreints.

- Fidélisation des visiteurs

Comme pour les portails généralistes, elle passe par l’offre de services interactifs qui structurent

un coût de sortie pour le visiteur. La caractéristique thématique du portail et le développement

de son contenu lui permettent d’enrichir ces services, notamment par des newsletters

personnalisées et des communautés où les interactions entre visiteurs fidélisés sont nombreuses.

- Modèle de portails de contenu : synthèse et évolution

Le modèle des portails de contenu est caractérisé par des coûts de maintenance et de production

de contenus plus élevés que les portails généralistes (environ 35 % pour Cnet, 50 % pour

iVillage, 75 % pour le portail médical WebMD), et qui entament la marge brute. De plus, ces

portails dépensent plus, relativement au chiffre d’affaires, en acquisition de visiteurs. Leur mode

de croissance est donc avant tout basé sur l’accroissement des recettes par visiteurs.

Or les portails de contenus (appelés également dans la presse spécialisée « portails de second

rang ») sont les premières victimes de la baisse de la demande de trafic sur la chaîne de valeur

du web. En effet, les achats de trafic de la part tant de portails marchands que d’annonceurs

« briques et mortier », se concentrent de plus en plus sur les plus gros portails en terme de trafic.

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Ainsi de nombreux portails de contenu voient leur chiffre d’affaires stagner au cours de l’année

2000. On assiste donc à des fusions qui permettent à la fo is d’accéder à des économies

d’échelles sur la production de contenus, et d’attirer de nouveaux annonceurs par des trafics

agrégés importants : Ainsi Cnet a acquis son concurrent Zdnet, le portail médical WebMD a

racheté son concurrent Healtheon, etc. Certains portails offrant un contenu ou service spécifique

sont absorbés dans l’offre agrégée d’un portail généraliste : Yahoo ! a ainsi fait l’acquisition de

egroups.

II.3.3. Les « profilers »

Cette catégorie de portails routeurs, de développement récent, est fondée sur des innovations

dans les modes d’attraction et d’acheminement de trafic. On peut citer en exemple,

Alladvantage, qui paye l’internaute pour lui présenter une barre de publicité permanente, ou

Luckysurf, loto du net où l’on valide sa grille en cliquant sur une bannière…

- Attraction des visiteurs

Ces portails ont créé un mode original d’attraction fondé sur l’espérance de gains pour le

visiteur, qui peut être directe comme chez Alladvantage, aléatoire par le biais d’une loterie

permanente sur Luckysurf, indirecte par des coupons et promotions sur des sites marchands

chez d’autres (gator.com, etc.) Les coûts d’acquisitions de visiteurs de ces portails sont donc

liées à une rémunération des visiteurs eux-mêmes.

L’espérance de gain du visiteur engendre des flux de trafic avec très peu ou pas du tout

d’interconnexions avec des apporteurs de trafic. En effet, ces portails profitent, après une

campagne publicitaire off-line de lancement, d’effet accroissement viral du trafic, par le

« bouche à oreille », ou par des systèmes de parrainage qui font circuler l’offre très rapidement :

– Alladvantage avait 5 millions d’inscrits moins de 9 mois après sa création.

– Luckysurf voir son trafic croître de 50 % tous les 10 jours.

- Dynamique de commutation

Ces portails sont fondés sur un routage à l’efficacité accrue soit par un profilage très fin des

visiteurs, soit par une innovation en matière de support de routage augmentant le taux de

« click-through » et le taux de conversion.

- Le profilage des visiteurs, permettant une segmentation accrue, est réalisé soit grâce aux

seules données démographiques fournies par l’utilisateur du service ou du jeu, soit par

l’espionnage systématique du comportement de l’Internaute par des cookies et logiciels

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Modèles économiques de portails

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espions. Ainsi Alladvantage télécharge sur le PC du participant (avec son accord) un

logiciel lui permettant de repérer en permanence son comportement de navigation sur le

web.

- D’autre part ces portails attirent les annonceurs en proposant des supports de routage

originaux qui optimisent le taux de « click-through » : Alladvantage et Gator proposent, par

une barre permanente ou par une fenêtre « pop-up », des supports de routage s’adaptant en

temps réel aux préoccupations de l’Internaute (suivant le site sur lequel il se trouve). La

barre permanente de Alladvantage lui permet de rivaliser avec les plus gros portails en

produisant près de 200 millions d’impressions par jour 8. Luckysurf optimise le « click-

through » en proposant aux visiteurs de cliquer sur une bannière pour valider leur grille de

loto.

Ces performances permettent aux « profilers » des taux de rémunération élevés. Luckysurf se

rémunère ainsi au clic qui peut atteindre 40 cents, soit dix fois plus que le prix moyen d’une

impression de bannière qui serait d’environ 3,4 cents9.

- Fidélisation des visiteurs

Le point fort de ces « profilers » est encore l’espérance de gain du visiteur, qui permet une

fidélisation efficace. En effet, cette espérance de gain constitue le principal coût de sortie du

visiteur, c’est un coût d’opportunité. Le portail routeur a donc intérêt à rappeler sans cesse cette

espérance de gain au visiteur : c’est le rôle joué par les mails quotidiens de LuckySurf,

annonçant les résultats du tirage de la veille, et rappelant les prix à gagner.

Pour les « profilers » utilisant des logiciels espions téléchargés sur les PC des utilisateurs, ce

coût de sortie est renforcé par l’effort supplémentaire que nécessite l’élimination du software.

- Modèle de « profilers » : synthèse et évolution

Le modèle des « profilers » se caractérise par de faibles charges de production de contenus ou

services, tandis que les coûts d’acquisition de visiteurs et de fidélisation, constituée en grande

partie des rémunérations et gains versés aux visiteurs, constituent le premier poste de charge.

L’enjeu majeur de ces portails, et particulièrement des modèles « paid-to-surf » (le visiteur est

rémunéré pour surfer sur le web), est d’équilibrer les rémunérations des visteurs aux revenus

issus du routage de ces internautes. Alladvantage est loin de cet équilibre, qui au premier

trimestre 2000, a versé $31,7 millions à ses visiteurs alors que ses revenus de routage

s’élevaient à $9,1. Les portails « profilers » rencontrent ainsi des problèmes de refinancement :

8 Yahoo ! totalise 625 millions de pages vues en mars 2000, mais toutes ne sont pas valorisées en commutation. 9 Le CPM moyen, prix pour 1000 impression est proche de $34.

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Modèles économiques de portails

26

Alladvantage a échoué son introduction en bourse au mois de juillet 2000 et a ainsi annoncé le

licenciement de 60 employés cet été, puis de 100 autres en septembre.

Les portails « profilers », fondés sur une innovation en terme d’attraction de visiteurs ou de

routage, doivent également affronter la concurrence immédiate de nouvelles firmes reproduisant

leur modèle économique. Ainsi Alladvantage est aujourd’hui en concurrence avec une trentaine

de modèles similaires aux Etats-Unis, et a dû élever ses rémunérations auprès de ses abonnés,

aggravant encore sa situation financière, et diversifier son offre vers les lotteries et autres

sweepstakes. Les modèles « paid-to-surf » rentrent ainsi en concurrence avec les modèles de

lotteries gratuites, qui se sont également multipliées suite au lancement de Luckysurf (en

France : Bananalotto, Luckyvillage, Koodpo, etc.).

II.3.4. Coopétition entre portails routeurs: peering et concurrence

On a vu que les portails routeurs sont interconnectés entre eux dans un réseau dense d’échanges

bilatéraux :

- des transactions marchandes : achat d’espace publicitaires, de clicks, etc ;

- des échanges de contenu contre trafic (ou trafic contre trafic dans un échange d’espaces

publicitaire) qui ne font pas toujours intervenir de flux financiers.

Ces accords s’apparentent aux interconnexions entre réseaux, dans lesquels les firmes

s’interconnectent pour accroître la valeur de leur réseau. Ici les réseaux ayant le contenu

cherchent du trafic, les réseaux qui ont du trafic cherchent à étendre les services et contenus.

Or ces échanges n’interviennent pas dans une chaîne de valeur strictement linéaire, dans

laquelle un bien intermédiaire circulerait en prenant de la valeur dans une suite de séquences

stables. Dans la chaîne de valeur du web, l’Internaute ne fera jamais deux fois la même

navigation, et un portail peut perdre définitivement un visiteur fidélisé par un autre portail vers

lequel il a été routé.

Ainsi, on retrouve le phénomène des interconnexions entre réseaux, c’est-à-dire que l’élévation

commune de la valeur du réseau s’accompagne d’un accroissement de la concurrence, et d’un

risque de « business stealing effect ».

Ainsi, dans le cas d’un accord contenu/trafic entre un portail généraliste et un portail de

contenu :

- le portail généraliste profite de l’accroissement de la viscosité de son site grâce au contenu

agrégé, mais accroît ainsi la notoriété de la marque du portail de contenu. Il risque de perdre

des Internautes intéressés par ce type de contenu, et qui ne passeront plus par un généraliste

pour y avoir accès.

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Modèles économiques de portails

27

- le portail de contenu acquière du trafic et accroît sa notoriété par cette interconnexion, mais

diminue sa différentiation en faisant ainsi circuler une part de son contenu. Il court le risque

que les Internautes se contentent de la version partielle du contenu sur le portail généraliste.

On assiste ainsi à une « coopétition » dans lesquels les portails s’interconnectent et se

concurrencent mutuellement dans le même temps. L’issue d’une telle « coopétition » dans

laquelle les portails sont incités à s’in terconnecter et où la concurrence s’accroît est très ouverte,

et n’apparaît pas clairement tant que le taux de croissance du trafic reste élevé et profite aux

firmes concurrentes. La taille respective des réseaux, la nature des coûts de sortie, et le niveau

de différenciation semblent apparaître comme les variables en jeux dans ce type de

« coopétition ».

II.4. Les portails de transaction : les sites marchands

Sur le web, les canaux de passage de l’information commerciale, et les canaux de distribution

sont confondus. Ils sont déconnectés du flux physique, c’est-à-dire des canaux logistiques par

lesquels passe le produit. Quant au fond, l'industrie de la vente en ligne diffère peu de la

distribution traditionnelle : elle est, comme elle, au carrefour d'un flux de marchandises et de

clients qu'elle s'efforce de rapprocher. Ce qui change c’est la logique industrielle orientée vers la

capture et l’exploitation d’un flux de clients par des échanges informationnels. Au bout de la

chaîne de valeur du web, les portails de transaction capturent un flux de trafic, et exploitent le

pouvoir d’achat qui y est attaché par des transactions (vente de biens et services, intermédiation

financière).

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Modèles économiques de portails

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Le modèle général coûts / recettes des portails marchands se présente comme suit :

- COUTS - RECETTES

� Coût d’achat des marchandises vendues, de stockage, d’inventaire, etc.

�Ventes de produits en ligne

� Coûts dits de « fulfillment » : logistique, plate-forme de services clients, etc.

� Coûts marketing : coûts d’acquisition de clients et de fidélisation (publicité et partenariats).

� Honoraires, rémunérations aux clicks ou commissions sur ventes pour infomédiation vers autres portails marchands. Ex :

Amazon est un infomédiaire de Drugstore.com, Homegrocer, Greenlight, Gear.com, Ashford, etc.

La marge commerciale dégagée par les portails marchands (chiffre d’affaires moins coûts des

marchandises vendues) varient considérablement entre catégories de produits: d’environ 25 %

chez Amazon, elle est inférieure à 20 % pour les produits de luxe chez Ashford, et inférieure à

10 % pour les produits de soin et de beauté de Drugstore.com Cette marge commerciale doit

couvrir les autres coûts d’exploitation. Parmi eux, les coûts de bonne-fin des commandes

(« fullfilment ») donnent lieu à des économies d’échelles : Les investissements considérables

d’Amazon en infrastructures logistiques lui permettent de réduire ces coûts à 15 % du chiffre

d’affaires en 2000.

Les coûts marketing d’acquisition et de fidélisation des visiteurs provoquent de lourdes pertes

d’exploitation chez les portails marchands. En effet, si Amazon est parvenue grâce à sa

notoriété à les abaisser à 25 % de son chiffres d’affaires, ils représentent en moyenne 56% du

chiffres d’affaires des portails marchands, soit plus que la marge commerciale dégagée.

Les enjeux stratégiques d’un site marchand sont donc : l’acquisition de clients, l’exploitation de

ce flux par la transaction, et la fidélisation des clients. Si ces enjeux sont communs aux portails

marchands et au commerce traditionnel (« briques et mortier »), la gestion du flux de clients

comme un input est propre aux premiers. De plus, c’est sur son réseau de clients fidélisés, et

non sur un réseau de magasins, que se fonde leur mode de croissance : les portails marchands se

distinguent par l’exploitation d’un actif purement informationnel.

- Acquisition de clients

Il faut dissocier, dans l’acquisition de clients, l’acquisition de visiteurs et la conversion des

visiteurs en acheteurs. La marque intervient dans ces deux étapes fondamentales.

La constitution de la marque a tout d’abord un rôle primordial sur l’attraction de visiteurs : les

dépenses en communication off-line (affichage, presse, TV, radio) des portails marchands ont

pour but d’étendre la notoriété de la marque (« brand awareness »), pour créer un flux direct

vers le portail, mais surtout pour augmenter l’efficacité du routage de trafic (élever le taux de

« click-through »). En effet, l’acquisition de visiteurs par les portails marchands passe

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Modèles économiques de portails

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principalement par l’acheminement depuis les portails routeurs. Cet acheminement dépend du

taux de « click-through » sur le lien apposé sur le portail routeur, lui-même dépendant

largement du ciblage de ce lien. Le portail doit donc faire un premier arbitrage entre le coût

d’achat de CPM, et le taux de « click-through » qui peut en résulter.

L’achat de visiteurs représente un des plus importants postes de charges du portail (voire le

premier). En effet, les accords avec les principaux portails commutateurs sont en moyenne de

20 mois et de $4,5 millions 10 avec des pics qui peuvent aller jusqu’à $200 millions (Travelocity

pour 5 ans sur AOL).

Cette commutation fournit des visiteurs au portail marchand qui doit encore les transformer en

acheteurs. Le taux de conversion (part des visiteurs convertis en acheteurs) est donc un

indicateur clef : il traduit la capacité du portail à acquérir des clients à un coût minimum. En

effet plus le taux de conversion est important, plus la somme de visiteurs à acquérir est faible, ce

qui se traduit par des achats moindres de CPM sur les routeurs. À ce stade, la marque est

également un facteur important, par sa notoriété, mais également par les attributs qu’elle

véhicule, et qui vont influencer le comportement du consommateur dans son passage à l’acte

d’achat.

C’est donc le terme « nombre d’impressions x click-through x taux de conversion » que le

marchand va optimiser, en choisissant le meilleur canal d’acheminement (meilleur CTR), et en

maximisant son taux de conversion.

- Dynamique de transaction

Dans le principe, l’activité des portails de transaction diffère peu de la distribution par

correspondance, à laquelle il faut ajouter les exigences propres au web, c’est -à-dire la

disponibilité des produits en temps réel, la bonne réalisation du paiement en ligne et de la

livraison, la facilité de la navigation sur le site. De plus les portails marchands se distinguent des

réseaux de distribution « briques et mortier » par les deux dimensions « rich and reach », dans le

vocabulaire web américain, c’est-à-dire l’étendue du marché touché et l’intensité des flux

informationnels échangés avec les consommateurs.

En effet, l’interactivité entre le portail de transaction et les clients va profondément changer les

techniques marketing. En effet celui-ci sera en mesure de tester et de réagir quasiment en temps

réel aux informations reçues en retour des clients. Le processus d’innovation, de test et de

lancement commercial est donc considérablement raccourci et les coûts en sont moindres.

Cette capacité de test et de traitement des informations issues du client, va ainsi permettre au

10 Source : Forrester research.

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portail d’ajuster son offre, mais surtout de segmenter de manière beaucoup plus performante

sa base de client et d’aller plus loin que la seule personnalisation de l’interface, vers une

discrimination de son offre, de ses messages publicitaires et promotionnels, de ses prix et de ses

services, dans les limites réglementaires fixées par le droit de la concurrence. Ainsi la page

d’accueil s’ajuste aux goûts du client selon ses derniers achats, des emails de rappel présentent

les nouveautés susceptibles d’intéresser un client donné, les offres promotionnelles pour fidélité

s’ajustent à l’historique d’achat, etc. Cette segmentation va permettre d’optimiser l’exploitation

du gisement de clients, en fonction des données démographiques, géographiques et

personnelles, mais aussi en fonction du comportement d’achat sur le portail, et du contexte de

l’offre du portail (fêtes personnelles, etc.).

Le coût élevé d’acquisition d’un nouveau client, met cette exploitation maximale de la base de

clients au rang des priorités stratégiques des portails marchands. Cette exploitation a pour but

l’élévation du panier moyen : l’élargissement au maximum de la gamme de produits est donc

également essentiel.

- Fidélisation

Le premier outil de fidélisation est la marque, forgée par la communication on-line et off-line du

portail, qui, par les attributs, les valeurs et les bénéfices qu’elle véhicule, devient insubstituable

et crée un premier coût de sortie pour le client. L’image de la marque sera de plus influencée par

l’expérience d’achat du client, c’est-à-dire par la capacité du portail marchand à remplir les

contraintes essentielles de la vente en ligne : disponibilité des produits, système paiement

efficace et sécurisé, délais de livraison respectés etc. L’exemple de ToysRus dont les retards de

livraisons au moment des fêtes de Noël 1999 ont été largement relayés dans les médias est

parlant : la marque du vendeur de jouet en ligne pourrait en être longtemps affectée. Ces

contraintes peuvent au contraire devenir des atouts appuyant la différenciation de la marque. La

démarche d’Amazon pour déposer un brevet sur le « one-click payment », son système de

paiement rapide à partir de données préenregistrées, indique qu’un tel service est pour le portail

un facteur concurrentiel majeur.

Toutefois, comme pour les portails routeurs, la marque grand public ne suffit pas à assurer la

fidélité des clients dans l’environnement Internet. Ces portails cherchent donc à construire des

coûts de sortie plus élevés pour leurs clients par des services et offres personnalisés. Cette

personnalisation est permise par les informations captées sur les clients : données personnelles

fournies à l’occasion d’une commande et historique du comportement d’achat de chaque client,

qui est stocké et exploité par le portail. Le portail peut donc rester en contact avec sa clientèle

par le vecteur du email marketing : newsletters, mails promotionnels, offres personnalisées

selon le dernier achat, etc.

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Modèles économiques de portails

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Le coût de cette fidélisation dépend la rgement du type d’offre, il est d’autant plus faible que

l’offre répond à des besoins récurrents (à l’extrême inverse, pour un bien renouvelé très

rarement, le coût de fidélisation peut dépasser le coût de recrutement de nouveaux clients). La

tendance chez les portails marchands est donc à l’élargissement de la gamme de produits offerts,

soit en interne soit par acquisition de sites marchands complémentaires11 :

– Amazon, à partir des seuls livres, a développé huit catégories de produits ; ses

investissements lui permettent d’élargir encore l’offre, par des liens avec Homegrocer.com,

Pets.com, Ashford.com, Drugstore.com, etc.

– Ashford.com, site de produits de luxe créé pour commercialiser des montres haut de

gamme, a élargi très rapidement son offre aux bijoux, diamants, sacs, cravates, foulards,

lunettes, etc. Le rachat de Jasmin.com en Décembre 1999 lui permet d’étendre son offre aux

parfums.

Ces processus de fidélisation permettent d’obtenir des coûts de fidélisation de 5 à 100 fois

moins élevés que les coûts d’acquisition du client, il est donc capital pour les portails marchands

de développer ce moyen d’accès aux clients, qui contourne l’acheminement couteux de trafic.

– Amazon a un coût d’acquisition de client de 15$, son coût de rétention est seulement de

3$12.

– Pour E*Trade, le rapport est de 410$ pour l’acquisition d’un client, seulement 54$ pour le

retenir.

- Enjeux stratégiques des portails de transaction

La fidélisation permet au portail de constituer sa marque interactive, c’est-à-dire son réseau de

clients captifs. La constitution du réseau par des coûts de sortie informationnels est un processus

dynamique. L’exploitation de ce réseau va déterminer à long terme la capacité du portail à tirer

des revenus supérieurs aux coûts de constitution de son réseau (de sa marque), sans quoi le

modèle serait déficitaire à long terme.

Cependant la construction initiale du réseau représente de lourdes charges : la plupart des sites

marchands ont aujourd’hui des dépenses de vente et marketing, égales ou supérieures à leur

chiffre d’affaires. Au plan comptable, ces dépenses apparaissent au compte d'exploitation, mais

les portails marchands les présentent volontiers comme des investissements en notoriété et

11 Ces stratégies de croissance interne ou externe par acquisitions entraînent par ailleurs d’autres frais: investissement dans des capacités de stockage et de livraison, transformation du site web, mais aussi amortissement lourd du « goodwill » des sociétés acquises. 12 Les portails sont capables de calculer ces coûts en divisant le montant des dépenses d’acquisition de clients par le nombre de nouveaux clients, et de même pour la fidélisation. Ces chiffres sont souvent rendus publics dans les

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construction de la marque, c’est-à-dire la construction d’un actif informationnel. Ainsi, Amazon

a-t-il dû accumuler 3 ans de pertes pour constituer son réseaux de 17 millions de clients

fidélisés.

Cette représentation a largement justifié les modes de valorisation du marché, jusqu’au

retournement du printemps 2000 et l’effondrement des valorisations des portails 13: la

capitalisation de ces firmes s’est fondée sur cette espérance de valorisation future des clients

acquis. Les indices financiers sanctionnent jusqu’alors un processus de construction : taux de

croissance des clients, du chiffre d’affaires et coût d’acquisition des clients sont les indices clefs

du secteur. Le retournement du marché, très violent pour les portails marchands (Amazon a

perdu 85% de sa capitalisation depuis mars 2000), a tourné l’attention des analystes sur la

capacité des portails à dégager une marge commerciale par client, et à auto -financer son

exploitation.

Les modes de croissance de ces firmes ont donc deux composantes majeures : 1) constitution

dynamique du réseau de clients; 2) maximisation de son exploitation par élargissement de la

gamme de produits et discrimination des offres et des prix.

rapports annuels. 13 cf. « Annexe 1: Chiffres clefs et état des lieux de l’économie des portails »

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Modèles économiques de portails

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III. Conclusion générale

Les portails sont des infomédiaires du web, ces firmes assurent par des échanges

informationnels avec les consommateurs leur acheminement vers l’acte d’achat hors-web ou en

ligne par commerce électronique. La construction de marques et l’élévation de coûts de sortie

pour les consommateurs permettent à ces firmes de se constituer en réseaux de clients captifs.

Ces portails s’interconnectent en formant une chaîne de valeur : un portail est acheteur de trafic

en amont à un portail plus important, et cherche à capter une valeur ajoutée dans son

exploitation en aval, par routage ou commerce. On a ainsi assisté à un foisonnement

extraordinaire de modèles économiques cherchant à capter une valeur ajoutée sur cette chaîne

de valeur. Or les modèles économiques de portails et la chaîne de valeur sur laquelle ils

s’interconnectent apparaissent aujourd’hui très précaires. En effet, les portails, investissant

massivement dans la croissance de leur réseau, sont pour la plupart déficitaires et largement

dépendants des sources de financement. Leur pérennisation est fortement liée aux conditions qui

prévalent sur les marchés financiers.

Les bouleversements de l’année 2000, chute vertigineuse des valorisations des portails et baisse

très importante de l’activité d’introduction en bourse, ont mis à jour la précarité de ces

modèles. D’une part, la crise de financement des portails a fait disparaître le s portails les moins

à même de capter une valeur ajoutée (modèles de e-commerce à marge commerciale trop faible,

modèles d’infomédiation à faible valeur ajoutée, portails ayant des coûts d’acquisition de clients

trop élevés). D’autre part, cette crise de financement à freiner les investissements et enclencher

un processus de concentration important autour de marques déjà construites : rachats par des

portails consolidés (egroups par Yahoo !), regroupements de marques concurrentes (Cnet et

ZDnet), concentration autour des FAI (Terra-Lycos-Spray), etc.

La chaîne de valeur de l’infomédiation est également remise en cause par les défaillances

croissantes des portails. Cette chaîne de valeur devrait subir des évolutions sous l’impact de :

- L’intégration croissante des Fournisseurs d’Accès Internet dans l’économie des portails,

capables à moyen terme de fédérer des réseaux de portails partenaires autour de leur base

d’abonnés ;

- Du développement du haut-débit (câble, DSL), qui va remettre en cause la chaîne de valeur

fondée sur le seul routage du trafic. En effet, les coûts de diffusion de contenus videos haut-

débit sont tels que le routage de trafic aux tarifs en vigueur actuellement ne pourront les

couvrir. On devrait donc voir se développer des modèles de ventes de contenu par

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Modèles économiques de portails

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abonnement ou « pay-per-view », pour lesquels les portails ayant déjà un lien de facturation

avec leurs visiteurs seront les mieux placés, notamment les portails intégrés à des FAI.

Par ailleurs, l’entrée des firmes traditionnelles ou « briques et mortier » dans l’économie des

portails induit une transformation de leur marque, fondée sur une communication univoque vers

le consommateur, et nécessite de repenser les modes de valorisation de leur réseau de clients.

Les enjeux sont multiples pour ces firmes : il peut s’agir de créer un nouveau canal de

distribution, de nouer un lien interactif avec le client pour renforcer la marque, ou encore de

valoriser son réseau de clients fidélisés par des partenariats et du co-branding. Comment vont-

elles s’interconnecter avec les portails : en créant un portail marchand (ToysRus, LVMH,

Gap…) ? En s’interconnectant avec des commutateurs généralistes, de contenu

(Procter&Gamble, Unilever, L’Oreal…) ? En créant des ISPs gratuits (Wal-mart, Kmart…) ?

Enfin, certains portails capturant l’interface avec des consommateurs en ligne, s’insèrent dans

des chaînes de valeur de secteurs traditionnels (l’automobile, la banque, l’assurance, etc.) et

captent une valeur ajoutée en adressant ces consommateurs à des réseaux de distribution. Ces

infomédiaires, bien qu’ayant un impact encore marginal, sont des éléments perturbateurs qui, en

provoquant les réactions des firmes en place, introduisent des gains d’efficacité, mais

bouleversent également la structure de la concurrence et les relations verticales entre marques et

distributeurs. Certains secteurs comme la distribution automobile, voient ainsi des « pure-

players » (Autobytel.com), des marques (General Motors) et des distributeurs (groupes de

concessionnaires) s’affronter en ligne pour s’approprier l’interface numérique avec les

consommateurs et ainsi renforcer ou renverser les rapports de forces, et les règles de partage de

la valeur dans la filière.

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Annexe 1 : Chiffres clefs et état des lieux

de l’économie des portails

1. Données d’exploitation

Les portails sont encore à l’heure actuelle des firmes en construction, dont les dépenses visent à

déployer un réseau de visiteurs ou clients. C’est ce qu’illustre le « Sales et Marketing Ratio »

(SMR), c’est-à-dire la part de chiffre d’affaires consacrer aux dépenses marketing d’acquisition

et de fidélisation des visiteurs et clients.

Source : The Standard

Les portails dépensent encore en moyenne plus de la moitié de leur chiffre d’affaires en

marketing, malgré une baisse continue depuis 1998. Cette baisse s’est accélérée en 2000, la

chute brutale des valeurs Internet menaçant les portails d’une pénurie de trésorerie.

Les portails marchands doivent assumer des dépenses marketing en moyenne plus importantes

que les routeurs, en effet les visiteurs doivent encore être converti en acheteurs, et les taux de

conversion dépassent rarement 10 % (30 % pour Amazon). Le coût d’acquisition moyen d’un

nouveau client pour les sites marchands est estimé à 250$ par McKinsey en mars 2000.

La capacité des portails marchands à couvrir ce coût et à dégager une valeur ajoutée sur les flux

de clients dépend largement de la marge commerciale qu’ils dégagent sur les produits vendus.

Or celle-ci varie fortement selon les catégories de produits. Seuls les produits à forte marge

peuvent espérer couvrir les coûts de constitution du réseau de clients.

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Marge commerciale par commande selon les catégories de e-commerce, 4ème trimestre 1999

Books Drugs Drugstore Apparel manufacturers

Multilabel Apparel retailer

Grocery Toys

Average per-order revenue

$37,82 $63,27 $19,50 $85,00 $61,82 $81,30 $52,00

Gross margin $9,90 $2,98 - $2,13 $43,30 $5,80 $15,10 $9,96

Gross margin % of revenue

22% 5% -9% 46% 9% 19% 16%

Source : The Standard

Les tableaux ci-dessous synthétisent les données opérationnelles de quelques portails routeurs et

portails marchands sur les 9 premiers mois de l’année 2000. Ils détaillent pour chacun, le chiffre

d’affaires cumulé, la marge brute, et la valeur ajoutée du portail sur son réseau de clients, vue

comme la différence entre la marge brute et les dépenses marketing.

Quelle Valeur Ajoutée les portails capturent-ils sur le trafic ? 3 premiers trimestres 2000, en milliers de $

Yahoo! iVillage Cnet egreetings

Chiffres d'Affaires 794 048 60 345 145 490 8 164

marge brute* 608 420 30 754 88 839 -8 542

% marge brute 76,6% 51,0% 61,1% -104,6%

dépenses sales and marketing 275 228 43 549 57 197 13 242

SMR (sales and marketing ratio) 34,7% 72,2% 39,3% 162,2%

Valeur Ajoutée** 333 192 -12 795 31 642 -21 784

% VA 42,0% -21,2% 21,7% -266,8%

Amazon Ashford Drugstore Etoys

Chiffres d'Affaires 1 789 623 36 922 73 820 73 842

marge commerciale 431 477 6 969 6 278 15 996

% marge commerciale 24,1% 18,9% 8,5% 21,7%

dépenses sales and marketing 408 266 24106 82 661 78065

SMR (sales and marketing ratio) 22,8% 65,3% 112,0% 105,7%

Valeur Ajoutée** 23 211 -17 137 -76 383 -62 069

% VA 1,3% -46,4% -103,5% -84,1%

* *marge brute : chiffre d’affaires moins les coûts de maintenance du site du portail, de production et d’acquisition de contenus, et de développement de softwares. ** valeur ajoutée sur le trafic: marge brute ou commerciale moins dépenses marketing.

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La marge brute ou commerciale dégagée par les portails doit couvrir les autres coûts

d’exploitation : dépenses marketing, mais également charges administratives et salariales, frais

logistiques pour les portails marchands, et enfin, l’amortissement des investissement,

notamment du « goodwill » issu du rachat d’entreprises. La production de biens informationnels

permet aux portails routeurs d’engendrer des marges brutes bien plus élevées que les portails

marchands qui doivent acheter les marchandises vendues. Ils profitent, de plus, d’importantes

économies d’échelles : en effet le production de biens informationnels engendrent des coûts

fixes augmentant par paliers entre lesquels les coûts marginaux par consommateur sont nuls.

Ces données laissent apparaître qu’à l’exception de Yahoo ! et Cnet, les dépenses d’acquisition

et de fidélisation des visiteuts/clients sont supérieures ou égales à la marge brute des portails.

Ainsi seuls quelques portails dégagent une valeur ajoutée sur le trafic chèrement acquis. Or il

est difficile de déterminer s’il existe des économies d’échelles dans les coûts de constitution du

réseau de visiteurs/clients, les portails cherchent donc avant tout à accroître leur revenu par

visiteur/client. Seules les très grandes marques du web, portails généralistes, Amazon, ont

atteint une notoriété qui abaisse considérablement leur coût d’acquisition de nouveau client :

$2,3 pour Yahoo !, $15 pour Amazon pour l’année 2000 selon Merrill Lynch. Cette notoriété et

des outils de fidélisation très efficaces ont permis à Amazon de passer au dessous de 25 % de

charges marketing sur son chiffre d’affaires.

Ainsi, les portails accumulent les pertes d’exploitation, et voient leur réserve de trésorerie

fondre tandis qu’il devient de plus en plus difficile de se refinancer tant sur le marché qu’auprès

des investisseurs privés. La sauvegarde d’une réserve de « cash » devient la condition

primordiale de la survie de la firme. La baisse des dépenses marketing est donc nécessaire, mais

elle entraîne également un ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires et du réseau de

visiteurs/clients des portails. Ceux-ci cherchent donc un autre poste de charges à réduire, les

charges de personnels en sont les premières victimes. L’année 2000 a donc vu des licenciements

massifs par les dotcoms, The Standard décompte 227 annonces de plans de licenciements depuis

le mois de janvier 2000. Ces plans de licenciements concernent de 10 jusqu’à plus de 200

salariés : AltaVista licencie 225 salariés, living.com le portail marchand de meubles en licencie

275, etc.

Les portails à cours de trésorerie sont contraints à la faillite : The Standard décompte 40 faillites

parmi les portails américains depuis décembre 1999.

2. Financement et valorisation des portails

Comme on l’a vu, la capitalisation des portails par les investisseurs et le marché lors de leur

introduction en bourse, a pour emploi principal les dépenses marketing. Cette capitalisation n’a

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Modèles économiques de portails

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donc pas pour pendant la création d’un actif immobilisable important : les actifs immobilisés et

les stocks ne représentent en moyenne que 40 % des actifs des portails marchands et mois de

15 % en moyenne des actifs des portails routeurs.

La structure du bilan des portails est donc singulière : les ressources sont principalement

constituées des capitaux propres, tandis que les emplois comportent une très large part de

trésorerie et d’actifs très liquides. Or, l’activité des portails engendre, comme on l’a montré,

d’une part l’érosion des capitaux propres par les pertes cumulées, d’autres part la fonte

continue des réserves de « cash ».

Or ces pertes cumulées ont concouru à la création de la marque du portail, en d’autres termes du

réseau de visiteurs ou clients qui constitue le véritable actif industriel sur lequel repose l’activité

du portail. Cet actif est non immobilisable, très volatil et n’apparaît pas dans le bilan de

l’entreprise. Seul le « goodwill », différence entre la capitalisation boursière et le montant des

capitaux propres, rend compte, très imparfaitement, de la valeur de cet actif purement

informationnel, et intangible.

En 1999, les cours boursiers des portails valident la croissance de cet actif informationnel. Les

indicateurs clefs sont le taux de croissance du réseau de clients, du chiffres d’affaires, etc. La

chute brutale du marché à deux reprises en février, puis à partir d’avril 2000, témoigne d’un

changement d’appréciation des acteurs : l’inquiétude sur l’érosion des capitaux propres, et

parallèlement de la disparition des réserves de trésorerie des portails, conduit à une chute des

cours, et à une dépréciation du goodwill, c’est-à-dire de l’actif informationnel de ces firmes.

Amazon: Evolution de la valeur de l'action et des capitaux propres (pertes cumulées comprises) depuis le 1er janvier 2000

-$600 000

-$400 000

-$200 000

$0

$200 000

$400 000

3/1 31/1 28/2 27/3 24/4 22/5 19/6 17/7 14/8 11/9 9/10 6/11

capitaux propres en milliers de $

$0

$10

$20

$30

$40

$50

$60

$70

$80

$90

Valeur de l'action en $

capitaux propres

cours ajusté

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Modèles économiques de portails

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Amazon a perdu 50 % de sa valeur depuis le mois d'avril 2000 et Yahoo a perdu 62 % de sa

valeur sur la même période.

Mais cette détérioration des « fondamentaux » des portails n’est pas seule en cause, c’est

également le mécanisme de valorisation et de confiance des acteurs qui se renversent et qui se

muent en un cercle vicieux. En effet, dans la phase de croissance des valorisations des portails,

les introductions en bourse (IPOs) sont nombreuses et leurs cours sont exceptionnels en vue de

futures fortes valorisations. Ces cours et volumes d’IPOs incitent les sociétés de capital-risque a

financé de nombreux projets dont la rentabilité à l’IPO risque d’être très haute. Les portails

trouvent donc des fonds et se multiplient.

Début 2000, avec les premières défaillances de portails (boo.com, cookexpress.com etc.), les

cours des valeurs internet enregistrent une première baisse qui entraîne immédiatement un

ralentissement des IPOs et donc des tours de financement des capital-risqueurs. Les portails qui

nécessitent l’injection de nouvelles liquidités se trouvent en difficultés croissantes, les faillites

se multiplient. Ainsi à chaque nouvelle faillite, la confiance du marché se dégrade pour les

autres valeurs, accélérant ainsi le rythme des défaillances des portails.

Le 8 novembre 2000 :

Trois portails marchands, Pets.com, Furniture.com et Mothernature.com, annoncent leur pénurie de

trésorerie et leur liquidation prochaine, suite à leur incapacité de trouver de nouveaux fonds. Le

département d’analyse de Merrill Lynch annonce alors qu’il déclasse son avis sur trois autres portails

marchands : Etoys, Buy.com et Webvan. L’analyste estime en effet qu’en cas de rupture de liquidité, le

risque de ne pas trouvé de fonds s’est accru pour ces trois firmes. Ce type d’annonce a pour effet

immédiat la chute du cours de ces portails :

- Etoys voit son cours chuter de 23 % dans la journée jusqu’à $2,56. Le cours de Etoys avait dépassé

$70 au cours du mois de décembre 1999.

- Buy.com voit son cours chuter de 15 % à $1,65.

- Le cours de Webvan chute de 28 % jusqu’à $1,22.

La dépendance très forte des portails à l’égard des sources de financement, capital-risqueurs et

marchés boursiers, engendrent des cycles auto-réalisateur: la méfiance croissante des acteurs

entraînent de plus nombreuses défaillances, qui justifient a posteriori la chute de leur cours.

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Modèles économiques de portails

40

Annexe 2 : Les statistiques américaines

confirment la montée en puissance des FAIs

dans l’économie du web

Les fournisseurs d’accès Internet (FAIs) s’insèrent de manière croissante dans la chaîne de

valeur du web en intégrant en aval des activités de portail, c’est-à-dire d’exploitation du trafic

issu de leur service de connexion. Ce développement leur permet d’accroître leurs revenus par

abonné avec un avantage compétitif par rapport aux pur-portails : les abonnés du FAI

fournissent le trafic aux portails intégrés qui économisent des charges marketing importantes

d’acquisition de visiteurs.

Mais cette tendance à l’intégration verticale pourrait, au delà, transformer durablement la chaîne

de valeur du web, structurée jusqu’ici autour des portails marchands. En effet les FAIs

développant des activités de portails peuvent devenir des routeurs de flux de trafic vers des

réseau de portails intégrés ou partenaires. Consolidant les recettes d’exploitation de trafic de son

réseau, le FAI devient alors la clef de voûte du web. Dans ce schéma, les portails marchands

devront tôt ou tard s’insérer dans le réseau d’un ou plusieurs FAIs pour accéder aux flux de

trafic.

Mais ce scénario nécessite des investissements colossaux de la part des FAIs : investissement en

création de services de portails, acquisitions de portails de contenus et marchands, mais aussi

investissements en acquisition d’abonnés pour atteindre la masse critique.

Les statistiques américaines en matière d’investissement des « venture capitalists » (VCs) au

premier semestre 2000 semblent confirmer ce scénario. Au premier semestre 2000, les portails

marchands (e-commerce) et les portails de contenus ne constituent plus que 3 et 4% des fonds

levés auprès des VCs , et pour des montants d’environ $20 millions, soit une chute vertigineuse

par rapport à 1999 (le e-commerce représentait 14 % des fonds levés en 1999 pour une somme

médiane de $100 millions par tour de financement). En revanche, les investissement se tournent

aujourd’hui massivement vers les FAIs et les infrastructures de connectivité : les FAIs

représentent aujourd’hui 12 % des fonds levés, avec une médiane de $187 millions par tour de

financement.

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Evolution des levées de fonds Internet par activité

0%

25%

50%

75%

100%

Software/databaseISPsInfrastructureE-CommerceContentBusiness services

Software/database 20% 24% 17% 17% 18% 18%ISPs 13% 9% 6% 11% 10% 12%Infrastructure 11% 12% 13% 10% 11% 15%E-Commerce 2% 14% 16% 12% 5% 3%Content 5% 7% 7% 5% 5% 4%Business services 39% 34% 40% 46% 51% 48%

1Q99 2Q99 3Q99 4Q99 1Q00 2Q00

2Q00

Distribution Funds Raised (millions)

Rounds

Business services 48% $7,102,2 460 Content 4% $581,1 49 E-Commerce 3% $479,1 29 Infrastructure 15% $2246,5 82 ISPs 12% $1725,7 24 Software/database 18% $2619,1 189

Source : The Standard (www.thestandard.com)

Cette évolution des choix d’investissement des fonds de capital-investissement est accompagnée

de manière encore plus marquante par la croissance prévue des valorisations des FAIs. Ces deux

mécanismes complémentaires permettent à ces firmes d’une part de se capitaliser à fin d’assurer

leur développement, d’autre part d’atteindre de fortes valorisations par abonné sur le marché.

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Pré-évaluation médiane des firmes Internet par activité*

$0,0

$50,0

$100,0

$150,0

$200,0

Business services $21,1 $17,0 $18,3 $26,3 $26,7 $26,8Content $16,4 $86,0 $21,6 $20,0 $11,9 $44,3E-Commerce $10,2 $72,6 $43,6 $108,0 $53,9 $21,5Infrastructure $40,0 $22,5 $54,5 $49,0 $67,0 $92,4ISPs $33,1 $53,0 $81,4 $61,8 $84,5 $187,2Software/database $25,0 $31,0 $28,0 $23,6 $35,9 $56,9All Sectors $22,0 $28,0 $25,4 $27,8 $32,9 $36,9

1Q99 2Q99 3Q99 4Q99 1Q00 2Q00

*Valeur estimée (en millions) des firmes avant une nouvelle levée de fonds. Source : The Standard (www.thestandard.com)

Ces chiffres nous fournissent deux éléments de confirmation du scénario de renversement de la

chaîne de valeur du web au profit des FAIs :

- Ils démontrent la croyance croissante des investisseurs (et donc celle prévue des marché

financiers) dans le rôle majeur que peuvent jouer les FAIs dans la chaîne de valeur du web,

et dans leur capacité à consolider une part importante des gains d’exploitation du trafic web.

- Mais cette seule foi des investisseurs n’est en aucun cas probante. Ce qui est crucial, c’est

l’effet auto-réalisateur qu’elle permet d’amorcer. En effet la capitalisation des FAIs et leur

valorisation leur permettent non seulement de financer les investissements et les

acquisitions nécessaires à leur mode de croissance, mais leur donnent également un pouvoir

d’acquisition et de partenariat par échange de parts. Ainsi, la croyance des investisseurs

pourrait-elle être confirmée par la croissance interne et externe des FAIs, justifiant ex-post

les valorisations de ces firmes sur les marchés financiers.