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©ColeGibsen,2015TousdroitsréservésPremièrepublicationparEntangledPublishing,LLC,2015Titreoriginal:LifeUnawarePourlaprésenteédition:©HugoetCompagnie,201538,rueLaCondamine75017Pariswww.hugoetcie.frOuvragedirigéparDorothyAubertISBN:9782755625295Dépôtlégal:octobre2015

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Celivreestdédiéàtousceuxquiontétéharcelés,etàquil’onafaitsentirqu’ilsétaientmoinsformidablesquecequ’ilsnesontvraiment.Vousn’êtesjamaisseuls.

N’hésitezpasàappelerSOSAmitié.

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PROLOGUE

–Regan?LedocteurLeehaussaunsourciletposalapointedesonstylosurlebloc-notes.Lepapiersemità

boire l’encre, formant une petite tache bleue qui s’élargissait peu à peu sur le fond jaune. C’étaitexactementcequejeressentaisenrevivantlesévénementsdestroisderniersmois: jerouvraisdescicatricesquisaignaientsurlapage.–Voulez-vousparlerd’autrechose?Jefis«non»delatête.Ungoûtamermeprit lagorge.Était-ceceluidelahonte?Jedéglutiset

humectaimeslèvressèches.J’étaisdéterminéeàtoutluiraconter.Lavéritédevaitsortir.–Jen’étaispasquelqu’undebien,lâchai-je.J’imaginequejelesavaisdéjààcemoment-là…Mais

jem’enfichais.LedocteurLeerestaimpassible.–Etmaintenant,vousvousenficheztoujours?demanda-t-il.Denouveau,jefis«non»latête.Latached’encres’élargissaittoujourssouslaplumedesonstylo.

Combien de pages devrait-il tourner avant d’en trouver une qui ne soit pasmarquée par l’encre ?Trois?Six?Lamoitiédubloc?Encoreunefois,lesdégâtsn’étaientvisiblesqu’ensurface.–Qu’est-cequiachangé?Jem’obligeaiàsoutenirsonregard.–Tout.Ilinscrivitquelquechosesursonbloc,maissonécritureétaitillisible.–Commentça?Jehaussailesépaules.–Avant,jepensaisquelaseulechosequicomptait,c’étaitd’êtrelameilleure.Jefaisaistoutpoury

arriver. Jemanipulais lesgens. Jenepensaispasquec’était graveparceque, techniquement, jenefaisaisdemalàpersonne.Jen’avaispasidée…Mavoixsebrisa.–Vousn’aviezpasidée…insistaledocteur.Jen’avaispasenviedeprononcerlesmotsàvoixhaute.Çarisquaitdelesrendreplusréels.–Jen’avaispasidéequeje…détruisaislesgens.Maisquandçam’estarrivé,venantdequelqu’un

quejepensaisaimer…Unsanglotm’interrompit.Jefermailesyeuxtrèsfortpourrefoulermeslarmes.–Jenepeuxpas,murmurai-je.C’étaitlavérité.Dans lenoirsousmespaupièrescloses, je levoyais– la façondont ilm’avait regardée,dont ils

m’avaienttousregardée–,etladouleurs’abattitsurmoiavecunetelleviolencequejecrusmourir.–Jene…peuxpas.–Cen’estpasgrave,Regan.

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J’entendislebruitétoufféd’unbloc-notesqu’onfermesurunbureau.–Nouspouvonsarrêterlàpouraujourd’hui,ditledocteur.–Non!Chaque inspiration, chaque battement de mon cœur m’apportaient une nouvelle vague de

souffrance,maisilyavaituneseulechoseplusdouloureusequederacontercequej’avaisfait,c’étaitdeletaire.Lessecrets,c’étaiteuxquiavaienttoutdéclenché.Jerouvrislesyeux.–J’aibesoind’enparler.–Trèsbien,ditledocteurLeeenreprenantsonbloc.Commençonsparlecommencement.Quelle

estladernièrechosequivoussoitarrivéeavantquetouts’effondre?Un trop-plein d’émotions tiraillait mon cœur déjà bien mal en point. Les souvenirs refaisaient

surface,aussivivacesquelejouroùjelesavaisvécus.Lesrevivreallaitêtreuncalvaire,maiscelavalaittoujoursmieuxquedelaisserlablessures’infecterenmoi.Jemordillail’ongledemonpouceetm’efforçaideretrouverl’instantoùtoutavaitbasculé.–Toutacommencéparuntexto.

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CHAPITREPREMIER

Troismoisplustôt…La sonnerie demon portablem’éveilla en sursaut. Affolée, j’essayai d’attraper l’appareil sur la

tabledechevetmaisfistombermonflacondepilules.–Regan!criamamèredanslecouloir.Savoixperçantemetransperçalecerveaucommeunepluied’éclatsdeverre.–Jet’attendsdanslacuisinedanscinqminutes!Ilyacertaineschosesdontilfautqu’onparle.Génial.Surmalistedechosesmarrantesàfaire,mefairesermonnerparmamèresetrouvaitjuste

endessousdemefairecreverl’œilavecunefourchette.J’abandonnail’idéedetrouveràtâtonsmontéléphoneoumonflacon–jenesavaisplusvraimentduquelj’avaisleplusbesoin–etfixaileplafondenclignantdesyeuxjusqu’àm’habitueràlapénombre.Àenjugerparmesréflexesdezombie,jen’avaispaseuplusdequatreheuresdesommeil.Pasbon.Jenepouvaispasmelaisseratteindreparmamère.Cejourétaittropimportantpournepasêtreautop.Mon portable sonna de nouveau, et je parvins enfin à l’attraper sur la table de nuit.Un SMS de

Payton,quihurlaitenmajuscules:OMGTUASVULESTATUTFB

DECHRISTYHOLDER???!!!

Christy était la capitaine de l’équipe de pom-pom girls du lycée, et vu le nombre de pointsd’exclamationàlafindumessagedePayton,jemedoutaisquesonstatutdevaitavoirunrapportaveclesessaisdelaveille–cesmêmesessaisquej’avaiscomplètementfoirésentombantsurlesfessespendantungrandporté.Àcesouvenir,jefusprised’unevaguedenausée.

Jem’efforçaidemeconcentrersurmontéléphoneenparcourantmonfild’actuFacebooketnemisquequelquessecondesàtrouverlestatutdeChristy:

Les essais étaient fabuleux, mais avec toutes les filles qui veulent entrer dans l’équipe cette année, il va y avoir deséliminations.Commentchoisir?

Jelaissaitombermonportablesurmesgenouxetmemisàrongernerveusementl’ongledemon

pouce.Christy allait-elleme disqualifier ?Bien sûr, j’avais raté le porté,mais elle avait une detteenversmoi:auprintempsdernier,jel’avaisfaitinviteràlasoiréedeJasonSpear.Ellemedevaitbienunserviceenretour,non?Ilfallaitabsolumentquej’entredansl’équipe.Sinon,mamèreallaitmetuer.Soudain, une vive douleur me détourna de mes pensées. Je sortis mon pouce de ma bouche et

contemplailesangquiperlaitlelongdemononglerongéjusqu’àlachair.Encoreunefois.Jeprisunmouchoirenpapierdanslaboîteposéesurlatabledenuitetl’enroulaiautourdemon

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pouce.Simamèrevoyaitça,elleajouteraitlerongeaged’onglesàlalistedessujetsàabordertouslesmatins…Tantbienquemal,jem’extirpaidesouslescouverturesettraversaimachambre.Carotte,lelapin

enpeluchedemonenfance,m’observaitdepuissaplaced’honneursurl’étagèreau-dessusdubureau.Lesboutonsnoirsqui lui servaientd’yeux semblaientme regarder avec compassion, commepourdire:«Tutesouviens,quandtuétaisgosseetqu’onvivaitdansunemaisondeuxfoispluspetitequecelle-là?Lejardinnefaisaitmêmepaslatailledel’alléequ’onamaintenant,maisonyavécudesaventures incroyables.Et leplusbeau,c’étaitqueriendetoutçan’existait.Pasd’essaispourentrerchezlespom-pomgirls,pasdeconseildesélèveset,encoremieux,tamèrenefaisaitpasencoredepolitique.»C’étaitdansunevieantérieure,medis-jeenmedétournant.Àl’époque,toutétaitdifférent.J’étais

différente.Maismaintenant?Jen’avaispasdetempsàperdreavecdesregrets,dessouvenirsoudeslapinsenpeluche.Riennepouvaitchangerlefaitquej’avaisdix-septansetque,mêmesijedétestaisça,lespom-pomgirls,leconseildesélèvesetlapolitiquedemamèrefaisaientpartieintégrantedemonexistence.Ne pas entrer dans l’équipe n’était pas envisageable – dumoins, c’était l’avis demamère.Et je

n’avaispastravailléaussidurpourtoutperdreàcaused’unstupideportéfoirépendantdesessais.Jesaisismonportableposésurlacouette.Commetoutbonsportifvousledirait,pourgagner,une

équipeabesoind’uneexcellenteattaqueetd’unedéfensedepremierordre.Etgrâceauxleçonsdemapoliticiennedemère,jebrillaissurlesdeuxplans.Avanttout,limiterlesdégâts.JecliquaisurlestatutdeChristyetrédigeaiunrapidecommentaire:

Christy,tuesgénialecommecapitaine.Jesuissûrequequellequesoittadécision,ceseralabonne.Àlameilleureéquipedepom-pomgirlsquecetteécoleaitjamaiseue.AllezlesRoyals!

Luifairedelalècheenpublicétaitunbondébut,maisunautremessagepluspersonnelnepouvait

pas fairedemal.Unmois auparavant, le copaindeChristy l’avait trompéeavecune fillenomméeMia, qui avait eu le culot de se pointer aux essais avec un sac àmainGucci identique à celui queChristys’étaitoffertl’andernier.JetrouvaiChristydansmescontactsetluienvoyaiuntexto:

T’ycroisqueMiaaosésepointerauxessais?Enplus,jel’aivueavecunsacquiressemblaitétrangementàtonvieuxGucci.Lapauvrefilleenestàfouillerlespoubellespourrécupérerlesvieuxsacsetlescopainsqu’onabalancés.Franchement,laissonslesorduresauxordures.Tuesbienau-dessusdeça.

Christyrépondituneminuteplustard:AHOUAIS?Merci,mabelle.Jepeuxtoujourscomptersurtoipourmeredonnerlesourire

Jesavaisquec’étaitstupide,maismamèrem’avaitapprisànejamaissous-estimerlepouvoirdelaflatterie. Cependant, je connaissais aussi l’importance d’une bonne attaque. Je rouvris donc lemessagedePaytonetajoutaimonautreamieAmberàlaconversation.Marequêteétaitsimple:ILMEFAUTTOUTESLESSALOPERIESQUEVOUSPOURREZTROUVERSURCHRISTYHOLDER.

Peytonfutlapremièreàrépondre:T’esautop!

Uneminuteplustard,Amberm’envoya:

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OMGRegan!Ilestpasunpeutôtpourpétertoncâble,sérieux?

Je levai les yeux au ciel et balançai mon portable sur le lit. J’aurais dû savoir qu’Amber necomprendraitpas.C’étaitlafillelapluspopulairedulycée,ellen’avaitaucuneffortàfaire.Elleétaitégalement co-capitaine de l’équipe. Si je trouvais moyen d’éliminer Christy, Amber deviendraitcapitaine.Etcommejefaisaispartiedesesmeilleuresamies,àcoupsûr,j’entreraisdansl’équipe.Cettepenséemedétenditunpeu.AvecPaytonenquêted’informationspourruinerlaréputationde

ChristyHolder, j’étais libredeprogrammermesheuresdebénévolat,d’élaborerunpland’attaquepourmacampagned’électionauconseildesélèves,decommencermesrévisionspourleSATet…–Regan!Ilestl’heure.Jetressaillis.Mamère.Merde.Jel’avaispresqueoubliée.Je me traînai jusqu’à mon placard et enfilai l’uniforme du lycée. L’école s’imaginait que nous

imposerdestenuesidentiquesallaitcréeruneespèced’égalitéauseindesélèves.Labonneblague!Celanefaisaitquenousobligeràtrouverdesmanièrespluscréativesderivaliser.C’étaitàquiauraitles plus belles chaussures de designer ou les bijoux les plus chers – un titre que j’étais sûre deremportergrâceaupendentifendiamantquepapam’avaitoffertpourmesseizeans.Jeposaimesdoigtssurlebijouafindem’assurerqu’ilsetrouvaitexactementàsaplace:aucreux

demoncou,làoùtoutlemondepouvaitbienlevoir.Puisjemebrossailescheveux,misunserre-têteetm’aspergeailecouetlespoignetsduparfum«Daisy»deMarcJacobs.J’eustoutjusteletempsdem’appliquerunpeudefonddeteintetdemascarapourtenterdedissimulerlescernesnoirssousmesyeuxavantquemamèrem’appelledenouveau.Toutmonlookétaitcalculépourmedonnerunairdejeunefilledouceetinnocente,letypemêmedelaparfaitelycéenneaméricaine.Jerefermaienhâtematrousseàmaquillageetmetournaiverslaporte.Jesavaisquejen’avaispas

intérêtàluilaisserletempsdem’appelerunequatrièmefois.Maisàpeinesortiedanslecouloir,jem’arrêtainet.Mescachets.Jemeruaidansmachambre,saisisleflaconsurmatabledechevetetleglissai dans mon sac à dos. En théorie, le règlement du lycée interdisait de transporter desmédicamentsdanssonsac.Je m’en fichais. Chaque fois que je demandais un cachet à l’infirmière du lycée, cette dernièreenvoyaitunmotàmesparents.Enrésultaituneattentionindésirabledemamère,quiprovoquaitchezmoiunregaind’anxiétéetdescrisesdepanique.Etc’étaitrepartipourlecerclevicieux.Personnenevoulaitdeça.Etpuis,quisait?Cettejournéeallaitpeut-êtremarquerlafindescrisesdepanique.Bien sûr. Quand les poules auront des dents. L’image d’une grosse volaille au sourire exagéré

m’arrachaunsourire,quimourutsurmeslèvresdèsquej’entraidanslacuisineetaperçusmamère,assise à table, quime foudroyait du regard.Elle portait unde ses nombreux tailleurs parfaitementajustéspourmettreenvaleursasilhouetteélancée.Sescheveuxétaientramassésenunchignonbasquiaccentuaitlestraitssévèresdesonvisage.–Regan,dit-elle froidementendésignantd’ungeste lachaisevideàsadroite.Parlonsunpeu, tu

veuxbien?–Oùestpapa?demandai-je,ignorantsaquestion.Monpère jouait toujours lesboucliers lorsdesassautsdemamère, et jen’avaispas lamoindre

enviedesubirçasanslui.Cematin-là,cependant,iln’étaitpasassisàsaplacehabituelleàcôtéd’elle.Jejetaiunregardfurtifdel’autrecôtédelapièce,maisiln’étaitpasnonplusàlacafetièreentraindeseresservirunetasse.Unéclaird’agacementtraversaleregarddemamère.

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–Parti,répondit-elle.Ilavaitunrendez-vouspourunedévitalisationtrèstôtcematin.Iln’yaplusquetoietmoi.Sesmotsrésonnèrentdansmatêtecommeunemenace.Plusquetoietmoi.Jen’avaisaucuneidéedecequemamèreallaitdire,maisunechoseétaitsûre:d’unemanièreou

d’uneautre,jel’avaisdéçue.Unevagued’angoisses’abattitsurmoi.Jemecrispai.Jemesouvinsalorsdesinstructionsdemonmédecinetprisunegrandeinspiration,quejeretinsen

comptant jusqu’à dix avant d’expirer lentement. Peu à peu, les anneaux qui m’enserraient serelâchèrent.Mamanplissalesyeux.–Qu’est-cequetufais?Pourquoiturespirescommeça?Je ne pris même pas la peine de répondre. Elle savait exactement ce que je faisais. Elle

m’accompagnaittoujoursàmesrendez-vousetdiscutaitenchuchotantavecmonpsydèsquej’avaisquittélapièce.Biensûr,ellerefusaitdereconnaîtremesproblèmesdestress:c’était tellementplusfaciledesevoilerlafacequed’admettrequequelquechosenetournaitpasrondchezsafille…–Jevaismefaireunboldecéréales,déclarai-jeenfeignantlabonnehumeur.Aussitôt,mamèreattrapasonsacàmainetensortitunebarreprotéinéequ’elleposasurlatable.–Reganchérie,tudevraissurveillertonalimentation.Pourlesfillescommetoiquiontdescourbes,

lepasestvitefranchientre«flatteur»et«flasque».Je serrai les dents si fort que ma mâchoire me fit mal. J’étais toujours debout à l’entrée de la

cuisine,immobile.Ladernièrechosedontj’avaisenvie,c’étaitdem’asseoiràtableàcôtédecettefemme.J’avaisplusdechancesdem’ensortirenviesijemecouvraisdesangavantdeplongerdansunaquariumàrequins.–Uncafé,alors.Enmetournantverslacafetière,jem’efforçaidemesouvenirquemamèren’avaitpastoujoursété

aussicritique.Aprèstout,c’étaitellequim’avaitoffertCarotte.Jesavaisquel’arènepolitique–cettepeurconstantequevosennemisrepèrentunefaille–l’avaitchangée.Enfait,jesavaisexactementcequ’elleressentait,maisçanerendaitpaslasituationmoinsstressante.–J’aijetétoutlecafé,déclara-t-elle.Jeme figeai.Apparemment, elle n’avait pas conscience d’avoir jeté une grenade dégoupillée au

beaumilieudelacuisine.Uneragesubites’emparademoi,etjel’accueillisàbrasouverts.Endehorsdespilules,seulelacolèrerepoussaitefficacementmescrisesdepanique.–Pourquoituasfaitça?demandai-jed’untonsec.Ellesavaitquemoncafédumatinétaitvitalpourmoi.Sanscepetitcoupdefouet,j’allaispiquerdu

nezdèslepremiercours.Était-ceencoreunedesesépreuvestorduespourmerendreplusforte?Mamèrelaissaunbrefsilences’installer,puisrépliqua:–Lecafétachelesdents.Noussommesdansuneannéedecampagne,Regan.Ilyauradesspotsà

tourner,desinterviews…Notreapparencedoitêtreirréprochable.Jemeretournaipourlaregarderbienenface,brascroisés.–Tut’inquiètespourmesdents?Elleplissalesyeux.–Dois-jeterappelerqu’enpolitique,l’imageestprimordiale?Tuveuxquejeperdelesprochaines

élections?Surtout pas. En général, ma mère passait la moitié de la semaine à Washington, et les 1272

kilomètresquilaséparaientdenotremaisondansl’Illinoisétaientlaseulechosequim’empêchaitdedevenirfolle.Maisallez,quoi…Mesdents?Ellem’obligeaitdéjàrégulièrementàlesfaireblanchir,

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doncjesavaisquecen’étaitpasleproblème.Etj’avaisbesoindecettecaféinepourresterautop…–Jesuisdésolée,rétorquai-je.Tuasparfaitementraison.L’économieestauplusmal,lesgensn’ont

pasde travail,certainsfinissentà larue,mais tout irabien tantque jen’auraipasde tachessur lesdents!L’espaced’uninstant,elleeutpresquel’airdésolée.–Tusaisbienqu’iln’yapasqueça…dit-elle.D’aprèstonmédecin,lacaféinen’estpasbonnepour

tes…tesnerfs.Je savais que je ne devais pas tirer sur la corde. Après tout, venant d’elle, c’était presque une

déclarationd’amour.Pourtant,jenepusm’empêcherd’ajouter:–Mesnerfs?Tuveuxparlerdemestroublesdel’anxiété?Aussitôt,ellelevalementonetmeréduisitausilenced’unseulregard.–Assieds-toi,Regan.Jem’avançaientraînantlespiedsetmelaissaitombersurlachaiseenfaced’elle.Elleglissavers

moilabarreprotéinée.Àcontrecœur,jedéchirail’emballage.Mmmm,songeai-je.Unboutdecartoncouvertdechocolat…JerêvaisdéjààlacannettedeCocaquej’allaisacheteraudistributeurdulycée.Je pris une bouchée, puismis une bonneminute à convaincrema gorge que j’avais de la vraie

nourrituredanslaboucheetqu’ilfallaitl’avaleraulieudelarecracher.Mamèrem’observauninstantavantdesecouerlatêted’unairréprobateur.–Jenecomprendspas,Regan.Tuesunesi joliefille.Pourquoinepasfaireplusd’efforts?Il te

suffiraitd’unpeudeblushetderougeàlèvrespournepasavoirl’airdetomberdulit…Jelafusillaiduregardetcontinuaiàmâchermonboutdecarton.J’avaisfaituneffort.–Peuimporte,reprit-elleavecungestevaguedelamain.Nousenreparleronsuneautrefois.Jedéglutisavecpeine.Jen’attendsqueça…–Lavéritableraisonpourlaquellejevoulaisteparler,poursuivit-elleenrajustantlepetitdrapeau

américain épinglé sur son revers, c’est qu’avec ta dernière année de lycée qui commence, nousdevons mettre en place un plan d’action. C’est ta dernière chance d’impressionner un conseild’admissionàl’université.Sanscompterquenoussommesenpériodeélectoraleetquelepublicserasensibleàtonsuccès.Àcesmots,jedusempêcherlabarreprotéinéedefaireuneréapparitioninopinée.J’avaisdéjàeu

assezdemalàl’avaler;jenevoulaismêmepasimaginercequeceseraitdelasentirremonter.Jedéglutisàplusieursreprisesavantderéussiràformuleruneréponse:–Enfait,j’aidéjàunpland’action.–Ah?fitmamèreenhaussantunsourcil.Jet’écoute.L’estradeestàtoi.J’avaishorreurqu’ellemeparlecommesijem’apprêtaisàproposeruntextedeloiàl’Assemblée

alorsquec’étaitdemaviequ’ils’agissait.Jeparvinstoutdemêmeànepasleverlesyeuxauciel.–Ehbien,j’aiéténominéepourmeprésenterauconseildesélèves,doncjevaisavoirmapropre

campagneàgérer.– Formidable, dit-elle avec un sourire. Il faut absolument que tu l’emportes. Avoir participé au

conseildesélèvesfaittoujoursunexcellenteffetsurunecandidatureuniversitaire.–Ok.Çaneserviraitàriendeluifaireremarquerquemonélectionnedépendaitpasdemoimaisduvote

desautresélèves…–Jesuisaussientraind’organisermesheuresdebénévolat,poursuivis-je.Jevaiscontinueràme

porter volontaire pourm’occuperdes chevaux à l’écurie, et je comptem’inscrire pour servir à lasoupepopulaireàl’église.Etpuisilyal’équipedepom-pomgirls…

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J’espère.–Trèsbien.Elleselevaetpassalasangledesonsacsursonépaule.–J’aiunavionàprendre.J’appelleraitonpèrecesoirpourluidemanderdes’assurerqueturestes

bienfocaliséesurtesobjectifs.Jenevoudraispasquetouts’effondreenmonabsence…Etvoilà.Lamenaceperpétuelledemonéchecvenantruinertoussesprojetsd’avenir.Lacamisole

deforce invisibleétait siserréecontremescôtesque jepouvaisàpeinerespirer.Malgré tousmeseffortspourlacontenir,l’attaquedepaniquemenaçait.Mamère s’arrêta sur le pas de la porte, le temps d’une dernière recommandation. Je voyais ses

lèvresbouger,maislesbattementsdemoncœurquirésonnaientdansmatêtecouvraientlesondesavoix.Soitelleneremarquapasquejesuffoquais,soitellenevoulutpasleremarquer.Quoiqu’ilensoit,

ellemetournaledosets’enallasansattendreuneréponsedemapart.Dèsqu’ellefuthorsdevue,j’attrapaimonsacàdosetensortis lepetitflaconorange.Mesmainstremblaient tellementquelespilules s’entrechoquaient. Comme toujours. J’avais déjà tellement secoué le flacon que les paroisintérieuresétaientcouvertesd’unefinecouchedepoussière.Unepeurviscéralemeparalysait.Cellequisemanifestaittoujourspendantmescrisesdepanique:

lapeurdenepasm’ensortirvivante.Je savais que cette pensée était stupide.Monmédecin et mon psychiatrem’avaient expliqué une

bonne centaine de fois que personne ne mourait d’une crise de panique.Mais je n’arrivais pas àrespirer.On avait bien besoin d’oxygène pour vivre, non ?On avait aussi besoin que notre cœurn’explosepasdansnotrepoitrine?Maismalgrétout,jesurvivrais.D’unemanièreoud’uneautre.Commetoujours.

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CHAPITRE2

Jemegaraisurmaplacedeparkingattitrée,sortisdemaFordEscapeblancheetclaquailaportière

derrièremoi.Mamantenaitabsolumentàcequel’onconduisedesvoituresaméricaines.–C’estmieuxpourl’opinionpublique,avait-ellerépliquéquandj’avaisréclaméunvéhiculeunpeu

plussexy.Soudain,monportablesonna.UnnouveaumessagedePayton.

J’aidesputainsd’infossurChristyHolder!Tuvaspaslecroire!

Parfait.Avecunpeudechance,jepourraism’enservircontreelle.AprèsleSMSquej’avaisenvoyéàChristycematin,pasmoyenqu’ellemesoupçonne.

Quoi?!

J’imaginaisPaytonpenchéesur sonportable, les lèvres torduesenun rictusdiabolique.Plusellemettraitdetempsàmerépondre,plusl’infoserait juteuse.PourPayton, ladélivrancedelarumeurétaitaussiimportantequelaréception.Silecommérageavaitétéuneformed’art,elleauraitétéunmaître.–Hé,Regan!Jemetournaiendirectiondelavoixquivenaitdem’interpeller.Unepetitebrune,probablementune

élèvedeseconde,mefaisaitsignequelquesvoituresplusloin.Jenelaconnaissaispas.Dumoins,jenemesouvenaispasd’elle.Jereposaimonportableetluirendistoutdemêmesonsigne.–Salut!Jenepouvaispasmepermettrede l’ignorer.Quelqu’und’importantauraitpumevoir la snober.

C’étaitcequemamèredisaitsanscesse:tudoistoujoursavoirtroiscoupsd’avance.Je sortismes lunettes de soleil demon sac àmainKateSpade et lesmis surmonnez.Les gens

croyaient que c’était pour le style, et ça me convenait très bien. Jamais je n’avouerais que je lesportaispourquepersonnenepuisselirelapeurdansmonregard.Çafaisaitàpeinecinqminutesquej’étaisarrivéeetjesentaisdéjàlesyeuxquimefixaient,braquéssurmoicommeautantdefusilsdesniper.Quandonestpopulaire,ilyatoujoursquelqu’unquiessaiedevousdescendrepourprendrevotre

place.Comme si j’allais me laisser faire… Avant même d’avoir passé la porte du lycée, j’avais déjà

ressortimonportableafind’assurermesarrières.D’abord,envoyerunmessagegroupéàlamoitiédesfillesdel’équipedepom-pomgirls:Tuasététopauxessaishier!Sérieux,àcôté,lesautresonttoutesfaitdelamerde.Jesuistrooooopjalouse!

Je n’aurais peut-être pas dû envoyer exactement le même message à chacune, mais je devaism’assurer unmaximumd’alliéesdans l’équipe aussi vite quepossible.Et puis, de toute façon, quiiraitremettreenquestionuncompliment?

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Monportablesonnadenouveau.Payton.Désintox.LameilleureamiedelacousinedeChristym’aditquesesparentsl’ontenvoyéeenCaliforniecetété.Unmoisdans

unecliniquedeluxeàMalibupoursoignersestroublesdel’alimentation.Çaamissesparentssurlapaille.

Etmerde.Cen’étaitpaslegenrederagotqu’ilmefallait.Enlisant«désintox»,j’avaisespéréunedépendance secrète aux amphétamines, ou quelque chose dont j’aurais pume servir pour la fairechanterafind’assurermaplacedansl’équipe.Maislà,ils’agissaitd’unvraidésordrepsychologique.Tout comme les troubles de l’anxiété. C’était le genre de chose qui pouvait vraiment bousillerquelqu’un.Jusqu’oùétais-jevraimentprêteàallerpoursatisfairelesambitionsdemamère?Comme si je l’avais invoquée, la voix demamère semit à murmurer dansma tête : Tu crois

vraimentque jem’inquiètede l’étatmentaldemonadversairequandje le traînedans laboue?TucroisvraimentqueChristyseretiendraitsielleconnaissaittonsecret?Montéléphonesonnadenouveau:Alors,qu’est-cequetuvasfaire?Pensive, je tapotai l’arêtedemonportable. J’allaisà l’écoleavecChristydepuis lamaternelle,et

ellen’avait jamaisdituneseulechoseméchanteàmonsujet.Jenevoulaispasruinersaréputation.J’avaisseulementbesoinde…ladistraireunpeu.Maiscomment?Jenepouvaispasmecontenterderépandredes rumeurs sur sa curededésintox : tout lemonde allait se précipiter à ses côtés, et ceseraitàquila«soutiendrait»lemieux.Pasdutoutstratégique.Jevaistrouveruntruc.Ilfautseulementl’évincertemporairement.Justeletempsqu’Amberprenne

saplaceetmefasseentrerdansl’équipe.L’ennui,c’étaitquejenesavaisabsolumentpascommentm’yprendre.Jenesavaispasnonplussi

jevoulaisvraimentmeservircontreelled’unproblèmeaussigravequ’untroubledel’alimentation.Jesentaisquec’étaitmal.Entoutcas,tuferaisbiendetegrouiller.C’estdansdeuxjoursqu’elleconstituel’équipe.Je remis mon portable dans ma poche et poussai un soupir. Peut-être devrais-je laisser tomber.

Aprèstout,est-cequeçaseraitsigravesijen’entraispasdansl’équipe?Cen’étaitpascommesijevivaispourlespom-pomgirls.Envérité,jedétestaisrécitercesstupidesencouragements,et j’avais en horreur la façon dont les mecs soulevaient ma jupe en passant derrière moi. Si jen’entrais pas dans l’équipe, je pourrais plus souventm’occuper demon cheval et j’aurais plus detemps pour réviser. Çam’épargnerait ces nuits blanches de bachotage que je devaism’imposer àcausedemonemploidutempssurbooké.Non.Sijen’entraispasdansl’équipe,jeruinaismeschancesd’entrerdansunebonneuniversité.Et

si je n’entrais pas dans une bonne université, mes choix de carrière seraient limités. Et si je netrouvais pas de travail, je serais obligée de rester à la maison, avec ma mère, pour toujours. Etcommemamèreétaitunefigurepolitique,lemondeentierseraittémoindel’échecdemavie.Ungoûtamermebrûlaitlefonddelagorge.Jenepouvaispaséchouer,mêmesijen’aimaispas

foutrelebordeldanslaviedesgens.Pourtant,jelefaisaissisouventqu’onauraitpucroirequ’àunmomentdonné,jen’auraisplusfaitattention.Jefaisaiscommesijem’enfoutais.SiAmberétaitdansles parages, je faisaismême semblant d’aimer ça autant qu’elle.Mais, en réalité, ça n’était jamaisdevenuplusfacile.Avecletemps,jen’avaispasmoinsmalàl’estomacnilespaumesmoinsmoites.–Regan!m’appelaunefilleauxcheveuxblondsetcourts,assisesurlesmarchesdel’entrée.Je la reconnusaussitôt :elleavaitparticipéauxessais.Si je jouais finementmescartesetqu’elle

aussientraitdansl’équipe,elleyferaitunealliéedechoix.–Salut,répondis-jeavecunsourirejusqu’auxoreilles.J’aihâtequelesentraînementscommencent,

pastoi?

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–Oui,çavaêtreuneannéed’enfer!s’écria-t-elleavantdereprendresaconversationaveclegarçonquil’accompagnait.Sa façon de dire « une année d’enfer »m’avait arrêtée net.Vu son enthousiasme, elle y croyait

vraiment.Jemedemandaicequeçafaisait.Quelgenred’existencevivait-ellepourmanifesterunteloptimismeavecautantdenaturel?Est-cequ’elleseréveillaittouslesmatins,presséed’affrontercequelavieluiréservait?Est-cequ’elleavaitparfoisenviedes’enfouirsouslescouverturesetdeneplusjamaisensortir,certainequecettejournéeseraitcelleoùtoutallaitpartirenvrille?Monsourirevacilla,mais jemehâtaide rectifierçaavantquequiconque le remarque.Poureux,

j’étaisReganFlay,pom-pomgirl,toujourspremièredelaclasseetfilledeladéputéeVictoriaFlay.J’aimaislepetitJésus,mafamilleetleschevaux–toujoursdanscetordre.Commeledisaitmamère,j’étaisl’exempleparfaitd’uneenfantélevéeavecdeslimitesfermesetdesainesvaleursaméricaines,etjedevaismeconduireentantquetelle.C’étaitexactementcequejem’efforçaisdefaire–sil’onexcluaitlestroublesdel’anxiété,laconsommationexcessivedepetitespilulesetunpeud’espionnagesocialpar-ci,par-là.Engros,si j’avaisétéélevéeavecde«sainesvaleursaméricaines»,çaexpliquaitàquelpoint le

paysétaitdanslamerde.Prêteàaffronterl’inévitablevaguedepanique,jeprisunegrandeinspiration,redressailesépaules

et poussai les portes en verre du lycée. Instantanément, plusieurs dizaines de paires d’yeux setournèrentversmoi.J’étaistenduecommeunarc,prêteàtournerlestalonspourpartirencourant,maisjemecontraignisàposertranquillementunpieddevantl’autre.Pourtant,plusj’avançaisdanslebâtiment,plusl’airsemblaitdevenirirrespirable.Plusieurs personnesm’appelèrent pourme saluer,maismes lunettes de soleilm’empêchaient de

distinguerlesvisagesaumilieudelamassedelycéensquiencombraientlescouloirs.Malgrécela,jen’osaispaslesenlever.Ellesformaientcommeunmurprotecteurentremoiet lesautres.Ducoup,pournepaspasserpourunepétasse,j’élargisencoreunpeuplusmonsourireetlevailamainpoursaluertoutlemonde.Pourêtrehonnête,jenesavaispasvraimentpourquoij’étaissipopulaire.Jen’étaispasdifférente

des autres, j’étais même sûrement bien pire que la plupart. Ça devait faire partie des nombreuxfardeaux que m’imposait la carrière de ma mère. Non seulement je devais constammentimpressionnerlesmédiasmaisjedevaisaussifairebonnefiguredevanttoutlelycée.Iln’yavaitpasunseulendroitaumondeoùj’avaisledroitd’êtresimplementdanslamoyenne.–Regan!criaPaytonentraversantungroupedegarçonsquiriaientenregardantquelquechosesur

leurportable.Dèsquej’aperçusmonamie,lepoidsquipesaitsurmesépauless’allégea.Cefutsifulgurantque

j’eneuspresquelevertige.Lesoulagementétaittelquejenepusm’empêcherdesourire–pourdevrai,cettefois.–Toietteslunettes!plaisanta-t-elleenlevantlesyeuxauciel.Arrêteunpeudefairetastar!–Quoi,j’ensuispasune?répliquai-je.Jerepoussaimeslunettessurleboutdemonnezenaffichantmameilleureexpressionsnobinarde.–Jepasseàlatélédepuistoujours,poursuivis-je.Tuespasséecombiendefoisàlatélé,Payton?J’enlevaimeslunettesetlesglissaidansmonsacàmain.Avecmonamieàmescôtés,jen’enavais

plusbesoin.Lesmursducouloir,quis’étaientrapprochéspresqueaupointdem’écraser,s’écartèrentsoudainetjepusenfinrespirer.–Ahoui…jamais.–Salegarce!s’esclaffa-t-elle.

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Elle me prit par le bras, et nous nous frayâmes un chemin vers mon casier. Pendant que jecomposais la combinaison, Payton tira sur le bas de son gilet pour le rajuster sur ses hanches.Comme toujours, les plis de sa jupe étaient si parfaitement repassés qu’ils paraissaient presquetranchants.Sacravateétaitimpeccablementnouéeaucreuxdesoncou,mêmeavecsoncollier,etpasunemèchedesescheveuxblondsetraidesnes’échappaitdesaqueuedecheval.–Commet’étaispasàtoncasiertoutàl’heure,dit-elle,j’aicruquet’allaisêtreàlabourre.–J’aifailli.Mamèrevoulaitqu’onaitune«conversation».–Ahd’accord!fit-elled’unairhorrifié.Dequoiellevoulaitparler,cettefois-ci?–Oh,lestrucshabituels…–Argh,grimaçaPayton.Jesaisvraimentpascommenttufais…Jepensai auxpilules cachéesau fonddemonsacethaussai les épaules. Jem’emparaides livres

qu’ilmefallaitpourmonpremiercours,refermaimoncasieretpoussaiunsoupir.Paytonsepenchasurmoietpressasonfrontcontrelemien.–Tuvasvoir.Quandellesauraquetuesentréedansl’équipe,ellevabienêtreobligéedetelâcher

unpeu…Jenerépondispas.Jen’avaispasenvied’avoueràquelpointj’avaisloupélesessaisnideluidire

quemêmesi j’entraisdans l’équipe,mamère trouveraitaussitôtuneautre faiblessesur laquellesefocaliser.Jemecontentaidoncdesourireenhochantlatête.Apparemmentsatisfaite,monamiem’adressaungrandsourire.–Enparlantdel’équipe,tunevaspascroirelessaloperiesquej’aitrouvéessurChristy!Viens.Ellenemedonnapasl’occasiondeprotesteretm’attrapaparlebraspourm’entraîneràtraversla

foulede lycéensquiencombraient lecouloirenattendant la sonnerie.Laplupartdeceuxquenouscroisionsnousregardaientavecunsourireounousfaisaientunpetitsigne.Quelques-unss’écartèrentmêmedenotrecheminpournouslaisserpasser.C’étaitdumoinscequejepensaisjusqu’aumomentoùj’entraiencollisionavecuntorsemusclé.–Maisc’estlapetiteReganFlay…Jefisunpasenarrière,etmesexcusesmoururentsurmes lèvres.J’aurais reconnun’importeoù

cettevoixgraveetcondescendante.Le grand frère de Payton, l’air très concentré sur son téléphone. Ses yeux étaient de la même

couleurnoisettequeceuxdePayton,maisc’étaitlàques’arrêtaientlesressemblancesentrelefrèreetlasœur.Au collège, Nolan traînait toujours avec les mecs les plus populaires. Puis quelque chose avait

changé à son entrée au lycée, quand il avait commencé à sortir avec Jordan, la fille aux cheveuxvioletsduclubdethéâtre.Aprèsça,iln’avaitplustraînéqu’aveclesminablesduclubd’audiovisuelettous ceux qui se faisaient passer pour des artistes. C’était presque comme s’il avait choisivolontairementdedevenirun loser.Ce jour-là, lespansde sa chemise froisséedépassaientde sonpolo, et l’ourlet de son pantalon était tout déchiré et effiloché. Ses cheveux bruns en pétard, troplongs, frôlaient le col de sa chemise et retombaient sur son front. Dommage. Il aurait été supermignons’ilnesefoutaitpasdesonapparenceetsavaitlafermerdetempsentemps.Évidemment,jeneseraisjamaisalléeleluidireenface.Paytons’interposaentrenous.–Regardedevanttoiquandtumarches,abruti.–Quandjemarche?s’écria-t-ilenhaussantunsourcil,sanscesserdenousfilmer.Sijenem’abuse,

sœurette,c’estReganquim’estrentréededans.Ondiraitquevosboussolesdirectionnellessontaussiàcôtédelaplaquequevotremorale.

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Jerajustaimonchemisierpourtenterdemedonnerunecontenance.–Qu’est-cequec’estcensévouloirdire?– J’habite avec elle, répondit-il en désignant Payton du pouce, et je te connais presque depuis

toujours.Alors,lesairsinnocentsquevousprenez,toietmasœur,çanemarchepasavecmoi.Jevoulusréagir,maisillevalamainpourmefairetaire.– Attends. Ne réponds pas tout de suite, il faut que je trouve un meilleur angle. Je veux saisir

l’absencetotaled’âmedanstonregardquandtumeparles.Ilplaçasontéléphonepourquelalentillesetrouvebienfaceàmoi.Jemesentisrougirdecolère.–Pourquituteprends?bafouillai-je.Tut’imaginespeut-êtremeconnaître?–Dégage,fitPaytonenrepoussantsonfrèreassezfortpourlefairetituberenarrière.Personnene

veutapparaîtredanstesstupidesdocumentaires.Alors,arrêted’êtreuntrouduc,oujetejurequejevaistebalanceràmaman.Unsouriresuffisantauxlèvres,Nolanremitsonportabledanssapoche.–Oh,non!Pitié,neledispasàmaman!Quandest-cequetuvasarrêterdeteconduirecommeun

bébé?Ellecroisalesbras.–Quandtuarrêterasd’êtreungroscon.– J’arrêterai d’être un gros con quand vous arrêterez de manipuler les gens pour qu’ils vous

apprécient.Ilsetournaversmoiavecungrandsourire,commes’ilsavaitvraimentunechoseoudeuxàmon

sujet.Etc’étaitterrifiant.Jenesavaispasexactementcequ’ilsavait,nimêmes’ilsavaitvraimentquelquechose.Cequeje

savais, en revanche,c’étaitqu’ildevait la fermeravantque lesgensnousentendent. Jemesouvinsalorsd’unautreconseildemamère : sionvousacculedansuncoin,passezoutre lespluspetitesinsultesetfrappezdroitlàoùçafaitmal.Jem’efforçaidoncd’arborerunmasqued’indifférenceglaciale,levailementonetmelançai:–Jen’aipaspum’empêcherderemarquerquetonex–Jordan,c’estbiença?–achangédelycée.

Tudoisvraimentêtreungrostarésielleneveutmêmeplust’approcheràmoinsdetrentekilomètres.C’estpourçaquetuestoujourscélibataire?Monattaqueeut l’effetdésiré : lesouriredeNolandisparut.Jevoulusmeréjouirdemavictoire,

maisquelquechosedanssonregardm’arrêta.Cen’étaitpasdelacolère.C’était…deladéception?Delapeine?Quoiqu’ilensoit,jemerendiscomptequej’avaispeut-êtredépassélesbornes.PuisleriredePaytonmefitsortirdemaparalysie.–Bienjoué,Regan!dit-elleentirantsurlalanièredemonsacàmain.Viens,onsecasse.Pasenvie

d’êtrecontaminée.Ellem’entraînadans le couloir, et ce ne fut qu’aubout dequelquesmètres que je sentis enfin la

tension s’alléger dansma poitrine.Mais une fois arrivée au bout du couloir, alors que nous nousapprêtionsàtourneraucoin,quelquechosemepoussaàjeterunregardenarrière.Nolann’avaitpasbougédel’endroitoùnousnousétionspercutés.Lorsquenosyeuxsecroisèrent,

jeprisunerapideinspiration.L’intensitédesonregardmebrûlaitpresque.– Ignore-le, murmura Payton en me poussant à me retourner. C’est un gros con, mais il est

inoffensif.Jehochailatête,mêmesi«inoffensif»n’étaitpaslemotquej’auraischoisipourdécriresonfrère.

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Devantunmec«inoffensif»,monsouffleneseseraitpasainsibloquéaufonddemagorge.Devant notre salle de classe, Payton et moi fûmes soudain brutalement séparées par notre amie

Amber,quiseplaçaentrenous.Commed’habitude,elleavaitroulél’élastiquedesajupeafindelaraccourcirdeplusieurs centimètrespar rapport à la longueurqu’imposait le règlement.Sacravatependaitenunnœudlâchesursonchemisier,auquelilmanquaitquelquesboutonstrèsbienplacés.–Jevousaicherchéespartout,mespoupoufs,ditAmberenfaisantlamoue.Ellerepoussapar-dessussonépauleseslongscheveuxnoirsetplissasesyeuxenamande.–Vousn’étiezpasentraindeparlerdemoi,j’espère?–Quoi?protestaPayton.Onneparleraitjamaisdetoidanstondos!Elles’esclaffa,maissonrireétaitunpeutropaigupoursemblernaturel.Intérieurement, je grimaçai. En vérité, Payton etmoi parlions tout le temps d’Amber. D’accord,

Amberétaitnotreamie,maiselleavaitlapersonnalitéd’unrhinocérosentraindecharger.Unseulmouvementdetravers,etellevouspulvérisait.SiPaytonetmoinepouvionspasnousdéfoulerentrenous,nousserionsdéjàdevenuesdingues–ou,dansmoncas,encoreplusdinguequejel’étaisdéjà.Touteslestrois,nousétionsamiesdepuislatroisième,depuislejouroùAmberavaitvouluvolerlecopaindeMacySimmonsetavait lancéunerumeurcommequoisamononucléoseétaitenfaituneMST.C’étaitcejour-làquejem’étaisrenducompteàquelpointAmberétaitdangereuse.Soisprochedetesamisetplusencoredetesennemis,disaittoujoursmaman.Êtrel’amied’Amber

me permettait de la surveiller et de m’assurer qu’elle neme poignarderait pas dans le dos. Je lasoupçonnaisd’êtremonamiepourlamêmeraison.Malgrétoutça,aveclesannées,unaccordtacites’étaitinstalléentrenous:jegardaissessecrets,etellegardaitlesmiens.–OùestJeremy?demandai-jeenunetentativepathétiquedechangerdesujet.Commelamoucheprisedanslatoiled’uneveuvenoire,

ilnesetrouvaitjamaisàmoinsd’unmètred’elle.Probablementparcequ’ilressentaitconstammentlebesoindeglissersesmainssousl’ourletdesajupe.Berk.–Dans lesdouches, réponditAmber enplissant lenez. Il avaitmuscucematin, avec l’équipede

lutte.Iltranspiraitdepartout,c’étaitdégueulasse.Ouais.Àmonavis,iln’avaitpasbesoindesuerpourêtredégueulasse.Maisça,jen’allaispaslelui

dire.Aussi discrètement que possible, je donnai un coup de coude à Payton pour qu’elle cesse degloussercommeuneidiote.–OubliezJeremy,ditAmberenposantlamainsursahanche.Alors,vousavezparlédemoidans

mondos?Jeme souvinsavoirvuunpsy,dansun talk-show,qui affirmaitque lesgens infidèlesétaient les

premiersàaccuserlesautresdelestromper.J’imaginaisquelamêmechosepouvaits’appliqueràlamédisance.–Personneneparlaitde toi,Amber, répondis-je.Mamèrem’aencore faitunde sesdiscoursde

«motivation»cematin,etj’étaisentrainderaconterçaàPayton.–Uh-huh,fit-elleavecunsouriremalicieux.Jevoismalcommenttuastrouvéletempsderaconter

quoiquecesoit,avectouscesSMSquetuenvoiesàtoutlemonde…Ellelevalamaindroitepourcomptersursesdoigts:– D’abord, le message pour cirer les pompes de Christy, puis le SMS commun à la moitié de

l’équipe…Aupassage,sympad’avoirditqu’onavaittoutesfaitdelamerde…Jefaillism’étoufferettentaideledissimulersousunéclatderire.–C’estpasdutoutcequej’aidit,protestai-je.

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–Arrête, ricanaAmber.Ton numéro de la petite innocente, çamarche peut-être avec le reste dumondeaulycée,maispasavecmoi.Jesaisexactementcequetuasditdanstesmessages.Àcesmots,mesjambesmanquèrentdesedérobersousmoi.–Comment?balbutiai-je.Amberhaussalesépaules.–N’oubliepasquejesuisco-capitainedel’équipe,biatch.Lesfillesmeracontenttout.Jenesaispas

si je dois être vraiment impressionnéeoubienblesséedenepas avoir reçumonpetitmessagedeciragedepompes.Jesuisco-capitaine,aprèstout.T’enasrienàfoutredemagueule,ouquoi?–Quoi?fis-jeenreculantd’unpas.Non.Enfin,si.Jeveuxdire…Jenesavaispascommentréagir.Jenecomprenaisrienàcequisepassait.Moncœurbattaitcomme

unpoingcontremescôtes,etlesboutsdemesdoigtsmepicotaient.–Situvoyaistatronche!s’esclaffaalorsAmber.Tucommencesàflipperàmortlà,non?Jevoulusprotester,maismagorgeétaitsiserréequelesmotsnevoulurentpassortir.–Regarde-la,Pay!poursuivitAmberenmefaisantpivoterpourmemettrefaceàPayton.Elleest

graveentraindeflipper,non?Jemelibérai.–Arrête!Jenesuispasdutoutentraindeflipper.Ambercroisalesbrasavecunsouriresuffisant.–Çasevoit…Je serrai lesdoigts sur lesbretellesdemon sac àdospourqu’ellenevoiepas àquelpointmes

mainstremblaient.–Écoute,dis-jeenfin,jenesaispasquiaallumélamèchedetontamponcematin,maisilfautque

tutecalmes.Sonsourires’évanouitetsonregarddevintglacial.–Sinonquoi?TuenvoiesdesvilainsSMSàmonsujet?–Jeneferaisjamaisça.Noussommesamies.–Oui, bien sûr.C’est pour çaque je te faismarcherdepuis tout à l’heure, répliquaAmber, dont

l’expressionglacialelaissadenouveauplaceàunsourire.J’auraisbienvoululacroire,maisilyavaitentrenousunetensionquejenem’expliquaispas.Peut-êtrequejememontaislatête.Peut-êtrequejelisaisdanssonregarddeschosesquin’yétaient

pas.L’anxiétéavaittendanceàproduireceteffet:jedéformaislafaçondontlesgensmepercevaientetvoyaistoutennoir.Dumoins,c’étaitcequemonpsym’avaittoujoursdit.Amberm’attrapaparlebrasetm’entraînaverslaportedenotresalledecours.Paytonnoussuivit

enmâchouillantsalèvreinférieure.Elleavaitl’airaumoinsaussinerveusequemoi.–Net’inquiètepas,murmuraAmberàmonoreille.

Jenevaispasledireàtoutlemondepourtestextos.Jet’enaiseulementparléparcequejepensequetudevraisfaireattention.Jesuistonamie,jem’inquiètepourtoi.Elles’arrêtadevantlaporte,etjemetournaiverselle.–Pourquoijedevraisfaireattention?–Chérie,soupira-t-elleenmetapotantlebras.Ilnefautpasquelesgensdécouvrentquelapetite

missparfaiteestenfaitunegrossesalope.Tuaspenséàcequiarriveraitàtaréputation?Sansmelaisserletempsderépondre,elleattrapaPaytonparlepoignetetl’entraînadanslasallede

classeenmelaissantseuledanslecouloir.Tuaspenséàcequiarriverait?

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CHAPITRE3

Lelendemainmatin,jerestaiplusieursminutesassisedansmavoituresurleparkingdulycée,les

doigtsserréssurmonmacchiatoaucaramel.Mamanavaitpeut-êtrebalancétoutcequicontenaitdelacaféine à lamaison,mais elle ne pouvait pasm’empêcher de faire un crochet auStarbucks sur lechemindu lycée.Biensûr, lacaféinenem’aidaitpasvraimentàendiguermesattaquesdepanique,maisj’étaisincapabledefonctionnersans.Surtoutaprèsunenuitpeupléedecauchemars.Vers trois heures du matin, j’avais décidé de ne pas m’attaquer à Christy. Je n’arrêtais pas de

repenseràcequejeressentiraissiquelqu’unentendaitparlerdemes«problèmesdestress»,commedisait ma mère. Si je révélais le secret de Christy, même si je ne parvenais qu’à lui attirer lacompassiondelamoitiédulycée,toutlemondeseraitaucourant.Jenepouvaispasluifaireça.Plusj’yréfléchissais,plusjemerésolvaisàtrouverunautremoyend’entrerdansl’équipe.Autour demoi, dans le parking, des élèves sortaient de leurs voitures pour pénétrer au compte-

gouttes dans la bâtisse.Certains se hâtaient vers l’entrée, le sourire aux lèvres, tandis qued’autrestraînaient les pieds, l’air de vouloir être ailleurs. N’importe où plutôt qu’ici. Mais ce que nousdésirionsn’avait aucune importance :nousétions tousobligésd’entrer, commedes insectesattirésparlalueurmortelled’uneflamme.–Aujourd’hui,toutvabiensepasser.Ceseraunebonnejournée,déclarai-jeàvoixhaute,comme

s’ilmesuffisaitdeprononcerlesmotspourlesfairedevenirréalité.Rapidement, je vérifiai monmaquillage dans le miroir du pare-soleil. Je m’étais couchée avant

minuit, mais je n’avais dormi que quatre heures au total. J’avais beau être exténuée, le sommeilperdait toujours face à l’angoisse quim’étreignait encore des heures après avoir posé la tête surl’oreiller.J’essuyaiunpâtédemascaraetobservaiun instantmesyeuxdans lemiroir.Mes irisbleu lagon

étaientunecopiecarbonedeceuxdemamère,etdanscemiroir troppetitpourrefléter lerestedemonvisage,c’étaitpresquecommesicettedernièresetrouvaitavecmoidanslavoiture,àmefixerd’unairaccusateur.Magorgeseserra.Jemehâtaiderabattrelepare-soleiletremismeslunettesnoires.Jen’avaispas

besoindemamèredansmatêteàcetinstant.Mon café à lamain, je sortis de la voiture et affichai surmon visage un grand sourire factice.

Chaque jour sans exception, rien qu’à la vue des doubles portes vitrées du lycée, ma pressionartérielleaugmentait.Etdèsl’instantoùj’entrais,jepressaisuninterrupteurinternepourmechangerenuneversiondemoi-mêmequin’existaitpasréellement.Souvent,j’avaiscefantasmelibérateuroù,ledernierjourdemonannéedeterminale,jeparcourais

lescouloirs,lesdeuxmajeurslevésbienhaut,encriant«Jevousemmerde,jesuisReganFlay».Bon,d’accord,jamaisjeneleréaliserais,c’étaitbienpourcelaquec’étaitunfantasme.Maisl’idée

mefaisaittoujourssourire.Je commençai à grimper les marches de béton du lycée. Comme toujours, les yeux de tous les

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élèvesqui traînaientdevant lesportesse tournèrentversmoi.Leverderideau,Regan.Jem’assuraiquemon sourire n’avait pas vacillé et poursuivis vaillammentma progression. Jem’attendais auxhabituelles salutations, mais pour la première fois depuis le début de ma première année, je fusaccueillieparunsilence.Bizarre.Jem’arrêtai en haut desmarches et regardai aux alentours.Une élève de secondememontra du

doigtetéclataderireaveclafillequil’accompagnait.Unmecdeterminale,assiscontrelahampedudrapeau,eutunpetitsourirequiétaittoutsaufamical.Unesueurfroidemeparcourutl’échine.Monsouriresefigea.Quelquechosenetournaitpasrond.

J’étaishabituéeàcequetoutlemondemeregardedanslescouloirs,maiscettefoisc’étaitdifférent.Onauraitditquej’étaisledindond’unefarcequepersonnenevoulaitmeraconter.Jerestai là,clouéesurplace,moncaféserrécontremapoitrinecommesisafaiblechaleurallait

suffireàapaiserlesfrissonsquiparcouraientmoncorps.C’estquoicebordel?Lorsquejepassailesdoublesportes,touteslestêtessetournèrentversmoi.Desdoigtssepointèrent

etdesbouchesse tordirentendessouriresmoqueurs.Ungroupede fillessemitàchuchoterentreelles,cachéesderrièreleursmains.Ellesfaisaientminedevouloirresterdiscrètes,maisàd’autres…Murmurer derrière ses mains ne servait qu’à attirer l’attention sur le fait qu’onmurmurait. Ellesétaientparfaitementconscientesquejevoyaisqu’ellesparlaientdemoi,maisellesn’enavaientjusterienàfoutre.Jelesavaisparcequejelefaisaistoutletemps.Monsoufflesebloquadansmespoumons.Jeseraisbienrepartieencourantàmavoiture,maismes

jambesétaientcommeparalysées.Jenesavaispascequ’ilsepassait,maisjenepouvaispasyfairefacetouteseule.Desyeux,jeparcouruslehallàlarecherchedePayton,maisellen’étaitnullepart.La plupart des élèves passaient sans me prêter attention, mais un petit groupe commençait à se

rassemblernonloindemoi.Leursmurmuresétoufféssemêlaientenunsourdbourdonnement.Lesquelquesgorgéesdecaféquej’avaisbuesencheminsemirentàs’agiterdangereusementdansmonestomac.Jedevaisréagir.Jenepouvaispasresterdeboutdanslehalltoutelajournée.Etsurtout,jenepouvaispasmepermettredevomir ici,devant tout lemonde,avec tous leursportablesprêtsàmefilmeretàtoutbalancersurInternet.Jefisunpasenavant.Puisunautre.Etencoreunautre.

Je continuai jusqu’à ce que, parmiracle, je parvienne àmarcher presque normalement, comme sichaquepasnemedemandaitpasuneffortsurhumain.Lescouloirsétaientbondés,et tout lemondemeregardaitpasser.Jecommençaiàmedemanders’ilyavaiteuuneannonceauxinfosausujetdemamère.Oui.Çadevaitêtreça.Mamèretellementparfaiteavaitréussiàs’empêtrerdansuneaffairepasnette.Le petit groupe qui s’était rassemblé dans le hall se fraya un chemin derrière moi. Ils me

rattrapaient peu à peu jusqu’à me donner l’impression qu’ils allaient s’effondrer sur moi pourm’enterrervivante.Arrête tondélire,Regan!Jeprisunegrandeinspiration.Quelquesoit lescandalepolitiquedans

lequelmamèreavaittrempé,çafiniraitbienparsetasser.Unpeuplus loindans lecouloir, j’aperçusNolan, tellementgrandqu’il semblaitdépasser tout le

monded’unebonnetête.C’étaitbienladernièrepersonnedanstoutlelycéeversquij’auraisvoulumetournerpourtrouverunpeuderéconfort,maisilétait lachoselaplusprochedePaytonquejepouvais trouver à cet instant. Jeme surpris à dériver dans sa direction. Puis je repérai son foutuportablequ’iltenait,commetoujours,danssamainlevéepourfilmermaprogressiondanslecouloir.

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Ohnon,pasça!Jen’avaispaslamoindreidéedecequisepassait,maisunechoseétaitsûre:jen’avaispasbesoinquequelqu’unfilmelemoindredemesgestespourlesrevoirlejourmêmeauxinfosdecinqheures. Instantanément, lacolèreprit ledessussurmapanique. Jem’avançaivers luid’unpasfurieuxjusqu’àmeretrouverbloquéederrièredeuxfillesquimetournaientledos,plantéesaumilieudupassage.Jepoussaiunsoupirexcédéetpivotaid’unquartdetourpourmeglisserentreelles.JeparvinsàpasseretatteignaisenfinNolanlorsquel’uned’elless’écriaderrièremoi:–Regardez,voilàlasalope.Sesmotsmefrappèrentcommeuncoupdepoingenpleinventre.Jem’arrêtainet.J’avaisdûmal

entendre.Personnenem’avaitjamaistraitéedesalope.Enfin,personneàpartAmber,etjamaisavecce tonméprisantquimedisaitclairement«vacrever, tugâchesmonoxygène».Jenecomprenaispas.J’avaispassémavieàfaireamieavecunmaximumdegens.Toutlemondem’adoraitouvoulaitêtremoi.Lentement,jemeretournai.ChristyetsameilleureamieSarahsetenaientlà,àmefusillerduregard

commesij’étaislatraînéedeservicequiavaitcouchéavecleursmecs.Malgrélapanique,jeparvinsàempêchermesmainsdetrembler.J’enposaiunesurmahanche,toutentenantmoncafédel’autre,etregardaiChristydroitdanslesyeux.Sonregardétaitglacial.J’avaispourtantétéadorableavecellehier.–Pardon?Ellelevalementonetécartalescheveuxquiluiretombaientsurlesyeux.–Tum’asbienentendue,salope.Autourdenous,j’entendisdeshoquetsdesurprise.Lafoulequinousentouraitsefitpluscompacte.

Lesgenssebousculaientpouravoirunemeilleurevue.L’électricitéquichargeait l’atmosphèremepicotaitlapeau.S’ilsvoulaientduspectacle,qu’ilsnecomptentpassurmoi!ReganFlayn’étaitpasunchiendecirquequ’onfaisaitparaderdansunearène.Cependant, jen’étaispasprêteà laisserChristys’ensortirsi facilement.Pour lemoment, j’allais

mecontenterdelaremettreàsaplaceverbalement,maisplustard,j’allaislafairepayerpourdebon.Tantpispourmarésolutiond’êtregentilleetdegardersonsecret.J’allais ladétruireenrépandantdesrumeurssursestroublesdel’alimentation.J’allaisraconterqu’elleavaitfailliruinersesparentseninsistantpourpasserl’étédansunecliniquedeluxeàMalibu.C’étaitencoreuneautreleçonquema mère m’avait enseignée : l’origine d’une rumeur était presque impossible à tracer. Et quandl’impunitéétaitassurée,ilétaittoutdesuitebeaucoupplusfaciled’arrangerlaréalitéàsasauce.Jem’efforçaidoncdeprendreunevoixcalmeetposéeetrépliquai:–Crois-moi,tun’aspasenviedet’embarquerlà-dedans.–Ahnon,tucrois?Elle fitunpasversmoiet,mêmesi j’essayaisdene rien laisserparaître,moncœurmeremonta

danslagorge.Àcettedistance,ellepouvaitmetoucher,etmêmemefrappersiellevoulait.Rienqu’àcette idée,ma bouche se dessécha d’un coup. Je jetai un coup d’œil en arrière, à la recherche dePaytonetAmber.Oùétaient-ellespassées?Jeparcouruslafouleduregard,maisnil’unenil’autren’étaitlà.Nolan,enrevanche,n’avaitpasbougé.Ilmefilmaittoujoursavecsonfoututéléphone,ungrandsourireauxlèvres.Aumoins,encasdeprocès,j’auraisdespreuves.–Tout lemonde a le droit de savoir qui tu esvraiment,ReganFlay, poursuivitChristy.Tupues

tellement l’hypocrisie que je n’arrive même pas à croire que je n’ai jamais rien vu. Au moins,maintenant,toutel’écoleestaucourant.Jemecreusailatêtepourcomprendrecequej’avaispudireàChristydetellementhypocrite.Elle

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n’étaitpeut-êtrepaslemeilleurcapitainequel’équipeaitjamaiseu,maislecoupdusacàmainétaittotalementvrai.–Dequoituparles?Ellesepenchaversmoi,etjedusfaireappelàtoutesmesforcespournepasreculer.–Tuasfaitcroireàtoutel’écolequetuétaisMissparfaite.Maisenfait,tueslapiresortedegarce

quisoit–unesalegarcehypocrite.Amber. J’avais besoin d’Amber. Elle saurait exactement quoi répondre. Une fois encore, je

parcourus la foule des yeux. Mais dès l’instant où je quittai Christy du regard, elle frappa mongobeletdecafé,quim’échappadesmains.Iltombaparterreetlecouverclesedétacha.Jetitubaienarrière, sans réussiràéchapperauxéclaboussuresbrûlantesquivinrentmaculermeschaussuresetmescollants.Lafouleréagitparunmélangede«ooooh»etdehoquetsstupéfaits.Jevoulaisrépliquerparune

attaque,maisj’étaispétrifiée.J’étaisvaguementconscientedemabouchegrandeouverteetdel’airstupide que je devais avoir, mais malgré toutes les impulsions électriques qui parcouraient moncerveau,jen’arrivaisplusàsortirunseulmot.– Je retire ce que j’ai dit, reprit-elle. Il y a une pire garce que toi, et je crois que tu viens de la

rencontrer.Voyantquejenerépondaispas,ellesouritetconclut:–Lekarma.Unsourireméprisantauxlèvres,ellecommençaàs’éloigner,Sarahsursestalons.Plusieursfilles

quimedisaientbonjourd’habitudelevèrentlenezetlasuivirent.Lesautresélèvesrassemblésautourdenouss’écartèrentpourlalaisserpasser.Plusieursluitapèrentdanslamain.Àlasecondeoùelledisparut, lebourdonnementdesmurmuresexplosaautourdemoi,meremplissant la têtecommelebruitd’uneruche.Cen’étaitpaspossible.Jedevaisêtrecoincéedansuncauchemarnédemespropresangoisses.Je

serrailespoingsetenfonçaimesonglesdanslespaumesdemesmainsjusqu’àcequeladouleurmefassemonterleslarmesauxyeux.Non.Cen’étaitpasunrêve.Jedesserrailesmainsmais,mêmesiladouleurs’atténuaitpeuàpeu,çanechangearienauxbattementseffrénésdemoncœurniaunœudquimecomprimaitlapoitrine.Jecherchaiunebrèchedans la foule,ouaumoinsunequelconqueéchappatoire. Iln’yavait rien.

J’étais encerclée. Prise au piège. Je passaimes doigts dansmes cheveux.Que feraitmaman àmaplace?J’avaisdéjàvusesadversairess’acharnersurellelorsdedébatstélévisés,etpasunefoisellen’avaitperdusonflegme.Respireprofondément,Regan.Jerepoussaimesépaulesenarrièreetprisunegrandeinspiration.Aprèsquelquessecondes,jemesentis…toujoursaussipaniquée.Si maman avait été là, elle aurait probablement souri pour déstabiliser tout le monde. Elle leur

aurait fait croire qu’elle savait quelque chose qu’ils ignoraient – qu’en agissant ainsi, c’était eux-mêmes qu’ils tournaient en ridicule.Malheureusement pourmoi, j’étais loin d’avoir hérité de soninébranlableassurance.Laseulechosequej’avaisenviedefaire,c’étaitderentreràlamaisonetdem’enfouir sousmescouvertures jusqu’àmesdix-huit ans,quand jepourraisenfinquittercetenferpourdebon.Maisd’abord,jedevaiscomprendrecequis’étaitpassé.Magorgeseserra.J’avaislesoufflecourt.Jemerendiscomptequejenepouvaispasresterlàplus

longtemps,sansquoil’écoletoutentièreallaitmevoirsuffoqueravantdetomberraidemortedansuneflaquedemacchiato.Lesmots«respire,Regan,respire»tournaientenboucledansmatête,maisilsnevoulaientplus riendire. Jenepouvaispas respirer.Et soudain, l’attitudecalmeetdétachéeà

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laquellej’essayaissidésespérémentdemeraccrocherm’échappa.Jefisvolte-faceetfusillaiduregardlapremièrefillequisetrouvafaceàmoi.–Bouge-toidelà!m’écriai-je.Je m’attendais presque à ce qu’elle s’avance pour me provoquer comme Christy, mais je m’en

foutais complètement.À cet instant, j’étais prête à risquer unebagarre rienquepour avoir unpeud’air.Àmagrandesurprise,ellerecula,ainsiqueplusieursfillesàcôtéd’elle.Unchemins’ouvritdansla

massedesspectateurs.Jel’empruntai.Aupassage,lesmots«garce»,«salope»etpireencoremepiquèrent auvisage. Jen’avais aucune idéedequi les avait prononcés, car le soufflememanquaittellementquemavisionétaitempliedepetitspointscolorés.Malgré tout, je restais résolue à nepas leurmontrer à quel point j’étais terrifiée. Jeme réfugiai

derrière une apparente indifférence, mais à chaque pas que je faisais au milieu de la foule, unenouvellefissureseformaitdansmonmasque.Les murmures continuaient à me traquer, même une fois que je fus enfin parvenue à sortir de

l’arènequis’étaitforméeautourdemoi.Legroupedespectateursm’emboîtalepasdanslecouloiretmesuivitdans lacour.Partoutoù j’allais,d’autresélèvesm’observaient,échangeaientdessourirescomplicesetriaientouvertementsurmonpassage.Lestachesdecafésurmesjambesétaientdevenuescollantesetmetiraientlapeau,maisjesavais

que je ne devais pas m’arrêter pour nettoyer. J’étais un plongeur blessé au milieu d’une mer derequins.Si j’arrêtaisdemedéplacer, ilsne feraientqu’unebouchéedemoi. Jenepourraispasmereposeravantd’avoirtrouvéPaytonetAmber.Ellesdevaientsavoircequisepassait,ellespourraientmedirecommentréagir.Maisoùétaient-ellespassées?Jesortismonportabledemapocheetenvoyaiuntextoàmesdeuxamies:

Vousêtesoù,lesfilles?

Quelqu’uncognadansmonépaule.Jeneprismêmepaslapeinedeleverlesyeuxpoursavoirsic’étaitvolontaireetcontinuaiàmarchersansdétacherleregarddemonécran,priantpourquemesamiesmerépondentauplusvite.Jenepouvaisplusresterseule.Lessecondessechangèrentenminutes,maismonportablerestaitmuet.Àcontrecœur,jeleremisenpocheetmedirigeaiversmoncasier.Àquelquesmètres,jem’arrêtai

net:destasdefeuillesdepapierétaientscotchéessurlaporte.Était-ceunelisted’injures?Jen’étaisdéfinitivementpasd’humeurpourdenouvellessurprises.Jeparcouruslecouloirdesyeuxpourvoirsiceuxquiavaientfaitçatraînaientdanslesparages,maisavectouscesregardsfixéssurmoi,c’étaitimpossibleàdire.Cequejeremarquai,enrevanche,c’étaitquemoncasiern’étaitpasleseulàêtreainsienvahi.Plusieursautresétaient recouvertsdesmêmespages.Etdans lecouloir toutautourdemoi,lesgensleslisaient.Lapetiteélèvede troisièmequioccupait lecasiervoisindumien leva lesyeuxetsursautaenme

voyantapprocher.Ellesehâtadeclaquerlaportedesoncasieretdétala,sonsacàdosencoreouvert,seslivresserrésentresesbras.Jusqu’àcejour,ellem’avaittoujourssourienmecroisant.Jefisglissermonsacàdosdemesépaulesetlelaissaitomberparterre.Ilfallaitquejemedépêche

de récupérer mes livres pour avoir le temps de passer aux toilettes avant le premier cours afind’enlever les taches de café qui maculaient mes collants. Même si à cet instant, je n’avais pas lamoindreenviedemerendreoùquecesoitsansmesamies.Oùétaient-ellespassées?Jenemesouvenaispasd’uneseulefoisdepuismonarrivéeaulycéeoù

j’avaiseuletempsd’atteindremoncasieravantquePaytonouAmbermerejoignepourbavarder.La

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seuleexception,c’étaitquandellesétaientmalades.Maisquellesétaient leschancespourquetoutesdeuxsoienttombéesmaladeslemêmejour?Detoutmanière,lamaladien’étaitpasuneexcusevalablepournepasrépondreàmestextos.Ellesontintérêtàêtreentraindevomirleurstripes…J’arrachailespagescolléssurmoncasier,espérantqu’ilnes’agissequed’unavisannonçantune

fouilleanti-drogue.Jecommençais à chiffonner lespapiers sansmême les regarderquandunnomengras attiramonattention.Lemien.Unrubandepaniqueseserraentremescôtes.Prudemment,jelissailapageetlusletitre:

VOILÀCEQUEREGANFLAYPENSEDEVOUS

Endessouss’étalaientdescentainesdecapturesd’écrandemesmessagesprivésetSMS.Touslesprénomsavaientétéfloutés,sibienquej’étaislaseuleincriminée.Trèsvite,jelespassaienrevue:certains remontaient à plusieurs mois, jusqu’à l’échange que j’avais eu la veille avec Christy etl’équipedepom-pom-girls.Tout enhautde lapageétaient affichés les textosquePaytonetmoi avionséchangésau sujetde

Christy, avec mon projet de me servir de son séjour en clinique pour m’assurer une place dansl’équipe.Mesgenoux faillirentme lâcher. Jem’appuyai surmoncasieravantquemes jambes sedérobent

sousmoi.Pas étonnant que Christy soit aussi en pétard. Mes doigts se crispèrent, froissant les bords de lafeuille.J’avaisenviedeladéchireraveclesdents,lajeterparterreetpiétinerlesrestes.Maisc’étaitcommesilepapieravaitfusionnéavecmesmains.J’avaisbeaulevouloir,jenepouvaispaslelâcher.Jenepouvaismêmepasendétournerlesyeux.Laquasi-totalitédecequej’avaisditsurtoutlemondeétaitlà,depuislesaccusationsdetromperiesquin’avaientjamaiseulieujusqu’auxinjuresetauciragedepompes.Bien sûr, les réponses de mes amies étaient tout aussi vaches, mais comme leurs noms étaient

floutés,j’étaislaseuleàpouvoirenêtretenuepourresponsable.Mesmainstremblaientsiviolemmentquelesmotssemblaientsemélangersurlespages.Jeparvins

enfin à les lâcher et tentai de réfléchir à la situation. Comment était-ce arrivé ? Il s’agissait demessagesprivésentremoi,Payton,Amberetquelquesautrescopines.Avais-jeétépiratée?Ou,pireencore,lesmessagesavaient-ilsétédivulguésvolontairement?Etdanscecas,pourquoi?Ilyavaitaumoinsdeuxdouzainesdegensquejedénigraissurcespages–etmaintenant,toutel’écoleétaitaucourant.Qu’est-cequej’allaisbienpouvoirfaire?Entempsnormal,jemeseraiscontentéedetoutnierenbloc,maislehackeravaiteffectuédescapturesd’écran.Lapreuveétaitirréfutable.Jevoulusprendreunegrandeinspirationmaisneparvinsqu’àaspirerunpetitfiletd’air.Jejetaiun

regardfurtifalentour:aumoinsvingtpersonnesrôdaientautourdemoietmeregardaientpaniquer.Un groupe de fillesmunies d’étuis à instruments demusique passa devantmoi enme fusillant duregard.Unemembredel’équipedebase-ballmejetauneboulettedepapierquimefrappalapoitrine

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avantderebondirparterre.Sesamiess’esclaffèrentbruyamment.J’auraisvoulu leurcrierdessus, leur faireundoigtd’honneur,quelquechose.Maismesmuscles

restaienttétanisés.Destachesnoiresobstruaientàprésentlapériphériedemonchampdevision.Jen’arrivaisplusà

faire entrer assez d’oxygène dans mes poumons compressés. Si je ne faisais rien, j’allais perdreconnaissance. Je devais prendre un cachet, et vite, mais je ne pouvais pas faire ça devant tout lemonde. Il n’y avait qu’un endroit où je pouvais aller. Jem’écartai demon casier,manquai perdrel’équilibreetmerattrapaiauderniermoment.À cet instant, la cloche sonna dans le haut-parleur avec un bruit de robot et les élèves qui

m’observaients’éloignèrentàcontrecœurversleurssallesdeclasserespectives.Ilsn’étaientpasprèsd’abandonnersifacilementleurnouvellepetitedistraction.Franchement,yavait-ilmeilleurspectaclequedevoirReganFlaytomberraidemorteaubeaumilieuducouloir?Jeserraimamainsurmapoitrineetglissaimesdoigtssousmonchemisier,commepourperforer

mesproprespoumonsetainsiforcerl’airàyentrer.Alors,entitubant,jemetraînaiversl’infirmerie.Le couloir tournait autour demoi, réduit à un tourbillon de teintes grises :murs gris, carrelage

gris,casiersgris.Etplusj’avançais,plustouts’assombrissait.J’avaisl’impressiondem’enfoncerdansuntombeauprêtàserefermersurmoiàchaqueinstant.–Qu’est-cequ’ellea?demandaunevoixderrièremoi.–Quelqu’unenaquelquechoseàfoutre?répliquauneautre.C’étaitlaquestionàunmillion.Jevaisprendre«QuienaquelquechoseàfoutredeReganFlay?»,

pourunmillion.Jediraisquelaréponseest«Personne».Jetrébuchaisdanslecouloir,abandonnéede tous. Amber et Payton n’avaient pas pris la peine de se montrer ni même de répondre à mesmessages.Venantd’Amber,çanem’étonnaitpas.MaisPayton…Mamameilleureamie.Dumoins,c’étaitcequej’avaiscru.Unefoisencore, jemedemandaicommentquelqu’unavaitpuavoiraccèsànosmessagesprivés.

L’unedenousavaitpeut-êtreparmégardequitté la salle informatiquesans sedéconnecter,mais jeconnaissaisbienAmberetPayton :noussavions toutes les troiscouvrirnosarrières.L’uned’ellesavait-elleoubliésontéléphonequelquepart?Ladeuxièmeclochesonnajusteaumomentoùj’atteignaisl’infirmerie.Lapoitrinesecouéed’une

respirationhachée,j’ouvrislaporte.MadameFullerposasonSudokuetmeregardaavecdesyeuxronds.–Qu’est-ceque…Elleseleva.Seslunettesglissèrentdesonnezetrestèrentsuspenduesàlachaîneautourdesoncou.–Pasdéjà,Regan?Lescoursn’ontmêmepascommencé.Lamaintoujoursglisséedansmonchemisier,jehaussailesépaulesd’unairdésespéré.–D’accord.Calmez-vous.Ellefitletourdesonbureauenboitillantjusqu’àmoi.Elleposaunbrassurmesépaulespourme

guider vers la table d’examen, une antiquité couleur vert dégueulis couverte de scotch. MadameFuller,quiétaitaumoinsaussivieillequelatable,remitalorsseslunettesetm’observaenplissantlesyeuxàtraverslesverresépais.–Asseyez-vous,ordonna-t-elle.La table émit un grincement de protestation lorsque je m’y laissai tomber. Des rides

désapprobatricescreusèrentlefrontdel’infirmière.

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–Détendez-vous,Regan.Vousnerespirezpas.Je lui jetai un regardnoir. Jedétestaisquand lesgensmedisaientdemedétendre.Cen’était pas

commesijepouvaislecontrôler,commesijem’étaisréveilléecematin-làenmedisant:Hey,tusaiscequipourraitêtremarrant?Mourirparsuffocation.–Nebougezpas.Elletraversalapiècepours’arrêterdevantunpetitévieragrémentéd’unearmoireàpharmacieet

d’undistributeurdegelantibactérien.Elleouvritl’armoireetensortitunpetitsacenpapiermarron.–Tenez,dit-elleenrevenantversmoi.Voussavezcommentfaire.J’attrapai le sac avec peine, les mains tremblantes. Madame Fuller me prit par le coude pour

m’obligeràposerlesacsurmonvisage.–Oninspire,onexpire.Oninspire,onexpire.Leslèvresserrées,jeprisuneinspirationtremblante.

Lesachets’aplatitbruyamment.Lorsqu’iln’yeutplusd’airàinspirer,jesoufflaietlesacseregonfla.Jerépétaileprocessusencoreetencore,jusqu’àcequemapoitrinenemefasseplussouffriretquelapièceredeviennenetteautourdemoi.L’infirmièrem’observait,lamâchoireserrée,lesbrascroiséssursablouserose.–Çavaaller?Sûrementpas.Jehochaimalgrétoutlatête,parcequejenevoulaispasqu’elledemandeàmonpère

devenirmechercher.Cedernierappelleraitaussitôtmamère,quiprendrait lepremieravionpourrentrerdeWashingtonetviendraitm’enfoncerencoreunpeuplus.Le froncementde sourcil de l’infirmière s’accentua, commesi ellepouvait lire lemensonge sur

monvisage.– Très bien. Allongez-vous et concentrez-vous sur des images relaxantes pendant que je vais

chercherundevoscachets.D’accord?Sanscesserderespirerdanslesac,jehochailatête.

Lescraquementsdupapiercouvraientpresquelesbattementsdemoncœur.Elles’emparad’uncoussinquisemblaitremplidecartonetleglissasousmatête.–Tenezbon.Jereviens.À une vitesse surnaturelle pour une femme de plus de soixante-dix ans aux rotules fragiles, elle

pivotasursestalonsetdisparutdansleplacardoùelleconservaitlesmédicamentsdesélèves.Uneminuteplustard,ellerevintavecuncachetdansunemainetungobeletencartonremplid’eau

dansl’autre.Moncorpsmitunequinzainedeminutesàsedégonflersurlatablecommeunebaudruchecrevée.

Je fermai les yeux. On inspire, on expire. J’aurais voulu pouvoir chasser cette matinée de monexistenceaussi facilementque l’airdemespoumons.On inspire,onexpire.On inspire,onexpire.Plus je m’enfonçais dans le coussin dur, plus l’énergie fuyait mon corps. Peut-être était-ce lecontrecoupdemacrisedepaniqueoudemanuit blanche entrecoupéede cauchemars,mais jemesentais partir.On inspire, on expire. Je ne combattais pas le sommeil.En fait, je l’accueillais avecjoie. Je souhaitais seulement que quel que soit l’endroit où m’entraînait l’obscurité, personne nepourraitm’ytrouverpourmerameneràlaréalité.Malheureusement, je savais que je ne pourrais pas me cacher pour toujours. À peine cinq

centimètres de bois et un panneau de verre me séparaient du reste dumonde et de tous ceux quiattendaientmachute.Etj’allaisdevoirlesaffronter.

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CHAPITRE4

–Regan,ilestl’heuredeseréveiller.Unemainseposasurmonépauleetmesecouadoucement.–Soitvousretournezenclasse,soitj’appellevotrepèrepourqu’ilviennevouschercher.–Non,murmurai-jeenfermantlesyeuxtrèsfort.Les deux propositions me révulsaient. Je voulais rester dans l’obscurité protectrice de mon

inconscient.Maisendépitdetousmeseffortspourmeraccrocherausommeil,lamaindeMadameFullersurmonépaulemeréveillaitpeuàpeu.Jeclignaidesyeuxjusqu’àcequel’affichedepréventioncontrelepapillomavirusaccrochéeenfacedemoiredeviennenettedansmonchampdevision.L’infirmièrepoussaunsoupir.–Jenepeuxpasgarderlesélèvesicitoutelajournée,dit-elleenmeprenantdoucementparlebras

pourmemettreenpositionassise.Sivousnevoulezpasallerenclasse,jevaisdevoirappelervotrepère.Est-ceque…–Non!J’écartaibrutalementlebras,commeréveilléeensursaut.Mescollantssentaientlemacchiatomais,

étrangement,c’étaitbienledernierdemessoucis.L’infirmièrefronçalessourcilsetfitunpasenarrière.–Jesuisdésolée,murmurai-jeavecunfaiblesourire.Monpèreestsûrementaubloc,etmamère

estàWashington.Onnevaquandmêmepaslesembêterpoursipeu?Ellebaissalementonpourmeregarderpar-dessusseslunettes.–Voussaveztoutdemêmequejedoisleurenvoyerunmailausujetdevotrevisite?Jehochailatêteetmeglissaiauborddelatable.–Jesais.Lemailallaitlesinquiéter,maissûrementpasautantqu’uncoupdefildel’écoleleurdemandantde

venirmechercherparcequej’avaiseuunegrossecrisedepanique.Uncoupcommeça,etjeseraiscondamnée à passer les trois prochains mois dans le cabinet du psy. Et je ne voulais même pasimaginerletondemamèrequandellemeferaitremarqueràquelpointj’étaispathétique.Jemelaissaiglisserausol.Aussitôt,l’infirmièreseprécipitaàmescôtésettenditlamainpourme

rattraperaucasoùjechuterais–unmouvementsacrémenttémérairesachantqu’ellepesaitenvironquarante-cinqkilosetquejeluiauraisprobablementbrisélahancheentroismorceauxsijeluiétaistombéedessus.Jetitubai,maisparvinsàgarderl’équilibre.–Doucement,medit-elle.C’estlapirecrisequevousayezeuedepuislongtemps.Sansblague.J’avaislatêterempliedecoton.Pasterriblequandonestcensésuivredescoursmais,

aumoins,jeseraisunpeumoinssensibleauxregardsdesautresélèves.–Tenez.

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Ellemetenditunmorceaudepapier,quejerestaiàregarderd’unairidiotsansparveniràlirecequiétaitécritdessus.–C’estunbulletinderetard,expliqua-t-elle.Ladeuxièmeheuredecoursadéjàcommencé.Moncœurrataunbattement,maisgrâceaupouvoirengourdissantdumédicament, jeneressentis

qu’unpetitchatouillementdanslapoitrine.–J’aidormipendanttoutlepremiercours?Ellehochalatête.–J’auraisdûvousréveiller,maisvousaviezvraimentl’aird’enavoirbesoin.Ellerestasilencieuseunmomentpuisreprit:–C’est lapremière foisquevousavezbesoind’uncachet si tôtdans la journée,Regan.Quelque

chosenevapas?Vu la vitesse à laquelle les ragots circulaient au lycée, je ne doutais pas qu’une partie des

enseignants était déjà au courant de l’histoire. Peut-être même avaient-ils lu mes messages. MaiscommeMadameFullernequittaitpresquejamaissagrotte,j’étaisprêteàparierqu’ellenesavaitrien–encoreheureux,vuqu’elleavaitlesnumérosdemesdeuxparentsinscritssurunefichepunaiséeàsontableau.–J’aiuncontrôled’histoireaujourd’hui,mentis-je.C’estsûrementçaquim’aunpeustressée.Denouveau,ellefronçalessourcils.–Vousêtestoujourssuivieparunpsy?Jehochailatêteetbaissailesyeux.–Bien.N’oubliezpasdeluiparlerdecetincident.Jegardailesyeuxfixéssurmeschaussurespourmieuxdissimulermonirritation.Cen’étaitpasun

sujetquej’aimaisaborder.Apparemment satisfaite,Madame Fuller alla ouvrir la porte de l’infirmerie. À la simple vue du

couloir,magorgeseserra.Jenepouvaispasyretourneretlesaffronter.Nimaintenant ni jamais. Pendant une fractionde seconde, j’envisageai de demander à l’infirmièred’appelermonpèrepourquejepuisserentreràlamaison.Maisjesavaisqu’aufinal,çaneferaitquem’apporterencoreplusd’ennuis.MadameFullers’appuyacontrel’encadrementdelaporte,lefrontsoucieux.Jemedemandaisielle

pouvaitlirelapeursurmonvisage.Oupeut-êtrepossédait-elleunsixièmesensd’infirmière…– Vous savez, Regan, vous pouvez m’en parler s’il se passe quelque chose. J’ai été infirmière

pendantprèsdequaranteans,sansparlerdessixenfantsquej’aiélevés.Iln’yarienquevouspuissiezmedirequejen’aipasdéjàvuouentendu,conclut-elleavecunsourire.–Merci.Jetentaideluirendresonsourire,maislesmusclesdemonvisageétaientcommetétanisésetj’étais

àpeuprèssûrequemonexpressiontenaitplusdelagrimace.–Jem’ensouviendrai,ajoutai-je.Jefisunpasdanslecouloir,etellefermalaportederrièremoi.J’étaisseule.Les bras serrés surma poitrine, je pris en traînant les pieds le chemin dema salle de classe. Je

n’étaispaspressée.Si l’appeln’avaitpasété fait àchaquecours, j’auraisdéjàétéen routepour leparking.Le couloir, qui un peu plus tôtm’avait donné l’impression de vouloir se refermer surmoi,me

faisaitàprésentl’effetd’undécordefilmd’horreur:sombre,silencieuxetinterminable.Jem’approchai demon casier, qui était surmon chemin.Toutes les feuilles responsables dema

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mortsocialeavaientdisparu.J’espéraisqu’ellesavaientétéarrachéesparlesélèvesetcachéesdansles casiers, surtout pas découvertes par un prof. Une convocation chez la proviseure était bien ladernièrechosequ’ilmefallaitencemoment.Ilyavaitunbonmillierd’élèvesinscritsàSainte-Mary,et je ne doutais pas que ceux qui n’avaient pas pu lire les conversations n’allaient pas tarder à enentendreparler.Çasignifiaitqu’unbonmillierd’élèvesmedétestaient.Enfin,unmilliermoinsmesdeuxmeilleuresamies.Maisaveclesheuresquipassaientetmontéléphonequirestaitsilencieux,jecommençaismêmeàdouterdeleurloyauté.JesortismonportableetécrivisunautremessageàPayton:

Hey,j’aivraimentbesoindeteparler.Fais-moisigne,OK?

Jecliquaisur«envoyer»etgardailesyeuxposéssurmontéléphone.Uneminutepassa.Puisuneautre.Toujoursrien.JemerassuraienmedisantquePaytonnerépondaitpasparcequ’elleétaitencoursetnevoulaitpass’attirerd’ennuis,maisjesavaispertinemmentquecegenredeconsidérationne nous avait jamais arrêtées. J’attendis encore uneminute, jusqu’à ce que ce soit clair qu’elle nevoulaitpasrépondre.Lagorgeserrée,jerangeaimontéléphone.Jenevoulaispaspleurer.Aulycée,verserdeslarmesrevenaitàversersonsang:touteblessure,sipetitefût-elle,étaitsignedefaiblesse.Etlelycéedétruisaitlesfaibles.Je devaisme reprendre et élaborer une stratégie.Rester sur la défensive n’était plus une option.

Non, il fallait que je réussisse à remettre peu à peu tout lemonde demon côté. Pour lemoment,pourtant, je savaisquec’était impossible. Il était trop tôt.Maisune foisque lesgensauraienteu letempsdesecalmer,jepourraiscommenceràmerefaireuneréputation.Biensûr,pourcela,j’allaisavoirbesoindemesamiesàmescôtés.Siseulementellesmerépondaient.Enallantversmoncasier,jeremarquaiquelquechosesurlaporte:unmotécritaumarqueurnoir.

Prisedenausée,jem’approchaienhâte.Plusj’approchais,plusjevoyaisnettementl’inscription.Ellemecriait,clairecommedel’eauderoche:«SALOPE».Malèvreinférieuresemitàtrembler.Jelamordis,refusantdeperdrelecontrôledemesémotions.

Jetentaid’essuyerlemotaveclapaumedelamain,maisleslettresnes’estompaientpas.Jefrottaiplusfort,jusqu’àcequemamainmebrûle.Leconnardquiavaitécritças’étaitservid’unmarqueurindélébile.Jecessaidefrotteretmelaissaitombercontrelecasier,lefrontcolléaumétalfrais.–Excusez-moi.Je sursautai et levai les yeux.Devantmoi se tenait un des gardiens de sécurité du lycée, quime

regardaitd’unairsuspicieux.–Toutvabien?Jehochailatête,tropchoquéepourrépondrepardesmots.Ilfronçalessourcils,clairementsceptique.–Pourquoin’êtes-vouspasenclasse?Jelevaimonbilletderetard.–Trèsbien,dit-il.Prenezvosaffairesetallezencours.Àcetinstant,sonregardseposaderrièremoi.Ilouvritdegrandsyeux,etjecomprisqu’ilavaitvu

legraffiti.Immédiatement,sonvisages’adoucit.–Jevaisappelerleconcierge.Çaseranettoyéd’icilafindelajournée.J’aurais dû lui dire que ce n’était pas la peine.Quemon casier serait de nouveau vandalisé à la

secondeoùilseraitnettoyé.Maisjemecontentaidemurmurerun«merci»àpeineaudibleetglissai

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lebilletdanslapochedemonchemisier.Ilhochalatêteetsedétourna.Lorsqu’ileutdisparuaucoinducouloir,jemeretrouvaidenouveau

seule.J’ouvris mon casier et sortis les livres qu’il me fallait pour le deuxième cours. Le cachet que

m’avaitdonnél’infirmièreavaitpeut-êtreendiguémacrisedepanique,maisiln’avaitrienchangéàmon épuisement émotionnel. Jeme sentais engourdie, à l’intérieur comme à l’extérieur.Mais toutbienconsidéré,cen’étaitpasplusmal.Jeglissaimeslivresdansmonsacetlehissaisurmonépaule.Àlasecondeoùjefermailaportedu

casier,lemotinscritdel’autrecôtémebrûladenouveaularétine.Pourunefois,jeregrettaidenepasêtrecommemamère.Elleneseseraitpaslaisséatteindrepar

unechoseaussiinsignifiantequ’unsimplemotgribouilléaumarqueur.Enadmettantquequelqu’unosedégradersapropriété,ellelanceraitaussitôtuneenquêtepourquelecoupablesoitdémasqué,puislepoursuivraitenjusticepourdiffamation.Commesouvent,jemedemandaisijepouvaisvraimentêtrelaprogénitured’unepersonnequiétait

si clairement faite de pierre alors quemon ossature était aussi creuse que celle d’un oiseau.Maismalheureusementpourmoi,mêmeavecdesosd’oiseau,j’étaisincapabledem’envoler.Jeremontaimonsacàdosd’uncoupd’épauleetrepartisdanslecouloir.J’étaispresquearrivéeàla

portedemasalledecours, lamainlevéeverslapoignée,quandlepanneaud’affichagesurlemurattiramonattention.En dessous d’une affiche du Club des Nations unies et à côté d’une fiche d’inscription pour la

représentationdeGreasequel’écoledonnaitàl’automne,unefeuilleannonçaitlesrésultatsdesessaispourentrerdansl’équipedespom-pomgirls.Jeretinsmonsouffle.Fairepartiedel’équipeseraitlasolutionàtousmesproblèmes.Jeglissaimondoigtlelongdelapage,frissonnantd’appréhension.LenomdeChristyHolderétait

enhautdelaliste,accompagnédumotcapitaine.Puisvenaitlenomd’Amber,suivideco-capitaine.Endessoussetrouvaitlalistedetoutescellesquiavaientréussilesessais.Moncœurselogeaaufonddemagorgelorsquejepassaienrevuetouslesnomsjusqu’àarriverau

mien,oudumoinscequ’ilen restait.Monnométaitbarréà l’encrenoire,etunnouveauavaitétéinscritàsaplace:TaylorBradshaw.Mapoitrine se remplitdeglace. Je serrai lespaupières,puis les rouvris, espérantque les ratures

n’étaient qu’un jeu de lumière – que peut-être, si je clignais suffisamment des yeux, l’encredisparaîtrait.Mais ça n’arriva pas. Pasmême après avoir serrémes poings surmes yeux et frottéfurieusement.Mon nom avait été sur la liste. Christy m’avait choisie pour faire partie de l’équipe. Puis mes

messagesprivésavaientétéaffichéspartoutdanslescouloirs,etelleavaitchangéd’avis.Commentluienvouloir?Monestomacseretourna,etpourladeuxièmefoisdelajournée,jecrusquej’allaisvomir.Jefis

glissermonsacàdosdemonépauleetfouillaidanslapocheavantàlarecherchedemesantiacides.J’englissaideuxentremeslèvres,grimaçantaugoûtcrayeuxquim’emplitlabouche.Cequimefaisaitvraimentmal,c’étaitqu’Amber,quiétaitnonseulementco-capitainedel’équipe

maisaussimonamie,n’aitrienfaitpourl’empêcherdemeremplacerparTaylor–unefillequi,dèsqu’ellesautait,avaitl’airdefaireunecrised’épilepsieenpleinvol.–Alors,onalesboules?Jesursautai.Nolan.Ilsetenaitàl’autreboutducouloir,appuyécontreuncasier.Iltenaitsonportablelevéetme

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regardait dans l’écran. Une bouffée de rage trouva son chemin à travers l’engourdissement quim’avait tantréconfortée.Depuiscombiendetempsmefilmait-il?Avantquejepuisseluiordonnerd’arrêter,ilglissasontéléphonedanssonsac.–Dequoi?demandai-je.Ilhaussalesépaules,s’écartadelarangéedecasiersetmarchaversmoi.Lorsqu’ils’arrêta,ilétait

siprochequejedusleverlatêtepourleregarder.Derrièrelamèchedecheveuxquiétaitretombéesur son visage, son regard noisette semblait étrangement triste. Je refusai de reculer, même si saproximitémerendaitnerveuse.Ilétaitparfaitementconscientdemonmalaise,sonsouriregoguenardenétaitlapreuve.Ilsepenchaversmoi.Sonvisagen’étaitplusqu’àquelquescentimètresdumien.Ilsentaitbon.Cette

penséem’irrita.Ilsentaitlesagrumesetlesaiguillesdepin.Uneodeurfraîche,pascommetouslesautres mecs du lycée avec leurs parfums trop forts. L’espace d’une seconde, je crus qu’il allaitm’embrasser. Je pris une vive inspiration. Son sourire s’élargit.Mais au lieu dem’embrasser, sabouchepassaàcôtédemeslèvresetsecollatoutcontremonoreille.–Bienvenuedel’autrecôtédumiroir,Flay.Tuvaspastenirunesemaine.Avantquejepuisserépliquer,ils’enallaàgrandesenjambées,melaissanttoutetremblantederrière

lui.Jevoulaisluicrierdessus,luidirequ’ilsetrompait,maisledoutequ’ilvenaitdesemerenmoime cloua les lèvres. Je ne savais même pas comment j’allais survivre à cette journée, alors unesemaineentière…

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CHAPITRE5

Laclochesonna,annonçantlafindelatroisièmeheuredecours–littératurecontemporaine.Moncœurétaitcommesuspendudansmapoitrine,tenduaumilieud’unepoignéed’élastiques.En

classe,assiseprèsd’unefenêtre,aussiprochedelalibertéquepossible,je me sentais en sécurité. Malgré les murmures et les regards, personne ne pouvait m’insulter,m’acculerdansuncoinoucognerdansmonépauleenpassant.Danslecouloir,enrevanche,j’étaisvulnérable;jenageaisdansunemerdepiranhasquicherchaientàmedévorertoutentière.–MademoiselleFlay?JelevailesyeuxpourdécouvrirqueMadameLochte,maprofdelittérature,setenaitdevantmon

bureau,lesmainssurleshanches.–Oùétiez-vousaujourd’hui?Deux filles gloussèrent en sortant de la salle. Le seul autre élève encore présent étaitNolan, qui

rangeaitseslivresavecunelenteurdélibérée.Pourlapremièrefois,jeregrettaimadécisiond’avoirchoisiuncoursniveau terminale.Cen’étaitpas simalquandon secontentaitde s’ignorer,mais àprésent, ladernièrechosedont j’avaisenvie,c’étaitd’êtrecoincéeavec luidansunesalledecoursuneheureparjour.–MademoiselleFlay?répétaMadameLochte.Jemepassailalanguesurmeslèvres.–Euh…Jene comprenais pas vraiment sa question.Avait-elle découvertmonpetit séjour de la première

heureàl’infirmerie?Etsic’étaitlecas,qu’est-cequeçapouvaitbienluifaire?–J’étaisici.C’étaitlavérité.Ellefronçalessourcils,etjecompristoutdesuitequejen’allaispasm’ensortiràsiboncompte.–Vraiment?répliqua-t-elle.Parcequechaquefoisquej’airegardédansvotredirection,vousaviez

les yeux fixés sur vos chaussures. Et les chaussures n’enseignent pas la littérature contemporaine,Mademoiselle Flay.Moi, si. J’attends de vous que votre attention soit dirigée surmoi pendant cecours.Mesuis-jebienfaitcomprendre?–OuiMadame,répondis-jedemavoixlaplussincère.C’étaituneautrechosequej’avaisapprisedemamère: lapolitesseet lasincérité,mêmefeintes,

étaientlemoyenleplusefficacedesesortird’unesituationembarrassante.–Vraiment?fitNolan.Commenttuvasavoirletempsdeteconcentrersuruntrucaussiinsignifiant

qu’uncoursd’anglaisalorsquetuasdestasderéputationsàfoutreenl’air?Sansmelaisserletempsderépondre,MadameLochtetournaversluisonregarddevipère.–Monsieur Letner, dois-je conclure que vous n’avez nulle part où aller ? Dans ce cas, j’aurais

besoind’unpeud’aidepourréorganisermabibliothèque.Pourmonplusgrandplaisir,lesouriredeNolandisparut.

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–Non.J’aiunendroitoùaller.–Alorsallez-y,répliqua-t-elle.Nolanlasaluad’unsignedetêteetsortitd’unpasnonchalant.Dèsqu’ileutdisparu,MadameLochtereportasonattentionsurmoi.Jefistoutmonpossiblepour

nepastressaillir.–Avez-vousbiencompriscequej’attendsdevous,MademoiselleFlay?–OuiMadame.–Bien,fit-elleavecunbrefhochementdetête.Vouspouvezdisposer.Elleretournaàsonbureauetsemitàtapersursonordinateurportable.Jemelevaietprismonsacàdos.Unepartiedemoiavaithâtedes’éloignerdeMadameLochte,

maisuneautreétaitterrifiéeàl’idéedecequim’attendaitdanslecouloir.Jemedirigeaiverslaporteentraînantdespieds,espérantquemalenteurmevailleàmoiaussiuneinvitationàréorganiserdesétagères,maiscefutenvain.Jeprisunegrandeinspiration,ouvrislaporteetsortis.Jen’eusqueletempsdefairecinqpasavantquequelqu’unmecognedansl’épaule.–Faitchier!Lapetitepartiedemoiquitenaitencoreauxapparencess’effondra.Jelaissaitombermonsacetfis

face, lespoings serrés. Jenem’étaisencore jamaisbattueet j’allaisprobablementmeprendreuneraclée,maisjesavaisquejenepouvaispascontinuercommeça.–Putain,regardeoùtu…Lesmotsmoururentdansmagorge.Paytonsetenaitdevantmoi,lesyeuxemplisd’unedouleurquejenecomprenaispas.–C’esttoi…–Quiveux-tuquecesoit?Peuàpeu,mesépaulessedétendirentetmesdoigtssedéplièrent.– Pourquoi tu n’as pas répondu à mes messages ? Tu es au courant de ce qui m’est arrivé

aujourd’hui?Elleserraleslèvres,lesyeuxbrillantsdelarmesquirefusaientdecouler.–Oui,jesais.Amberm’atoutraconté.Unesourdeterreurserépanditdansmonventre.–Qu’est-cequ’Ambert’araconté,exactement?Elleouvritlabouche,maisavantqu’ellepuisserépondre,Amberapparutàsescôtésetlapritparle

coude.–Euh…Désolée,Regan,maisonnepeutpasêtrevuesavectoi.Ontientànotreréputation.Jeclignaidesyeux,m’efforçantdecomprendrecequ’ellevenaitdedire.–Commentça?Lesélèvesralentissaientenpassant,lecoutendupourmieuxnousvoir.Ambersecoualatêted’unairfaussementcompatissant.–Tupeuxarrêterdejouerlesinnocentes,maintenant.J’airépétéàPaytontoutcequetum’asdit:

que tu la trouves chiante àmourir et que tu étais seulement amie avec elleparcequ’elle est douéepourtrouverdesragots.Jereculaicommesiellevenaitdemegifler.–Quoi?Maisc’estn’importequoi!–Jet’avaisditdefairegaffe,tutesouviens?poursuivitAmber.Jesavaisquetufiniraispartefaire

griller si tu continuais à chercher lamerde.Mais franchement, je ne pensais pas que tu tomberaisaussibas.Ducoup,nousaussiondoitpenserànous,tunecroispas?Onnepeutpassepermettrede

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plongeravectoi.J’enrestaibouchebée.–Mais c’est autant votre faute que la mienne ! Vous ne pouvez pas m’abandonner comme ça !

protestai-je.Ellefitunegrimace.–Machérie,tudoisvoirçacommeuneformed’auto-préservation.Çanevapasdurer,c’estjustele

temps que ça se tasse.Même les animaux savent qu’il faut s’éloigner d’un des leurs quand il estblessé.–Maistuesunevraiesalope,enfait!lâchai-jesansréfléchir.Amberplissalesyeuxetserralamâchoire.–Commenttum’asappelée?Paytonselibéradubrasd’Amberetjetauncoupd’œilpaniquéàlafoulequiserassemblaitderrière

nous.–Lesfilles,fautvraimentqu’onfasseçaici?Maintenant?Sansattendrederéponse,elles’éloignalentementendirectiondescasiers.Amberl’ignora.–Ilfautmieuxêtreunesalopequ’unefaux-culetunetraîtresse.Aumoins,avecmoi,lesgenssavent

exactementcequ’ilsauront.JemetournaiversPayton.–Tunecroisquandmêmepasquej’aiditcestrucssurtoi?luidemandai-je.Tuesmameilleure

amie!–Ettucroisqu’ellevatecroire?répliquaAmber.

Tu passes ton temps à baver sur tout le monde. Pourquoi tu ne le ferais pas avec ta soi-disantmeilleureamie?Lacolèrebouillait dansmesveines.PourquoiAmber faisait-elle ça ?Pourquoim’abandonner et

mentiràPaytoneninventantdeschosesquejen’avaisjamaisdites?Etalors,jecompris.–C’esttoiquiasaffichétousmesmessages!Commentnel’avais-jepasvuevenir?Jem’étaisgourréesurtoutelaligne.Avait-ellefaitensorte

deserapprocherdePaytonpendanttoutcetemps?– Pourquoi tu l’écoutes ? demandai-je à Payton, ma colère soudain changée en une profonde

tristesse.Tusaisbiencommentelleest.Avantqu’ellepuisserépondre,lafoules’écartapourlaisserpasserNolan.Ils’avançaversnous,son

portableàlamain.UnefilleblondenomméeBlakesetenaitderrièrelui.–Qu’est-cequisepasseici?demanda-t-il.Unepetitebagarreentrecopines?–Nolan!s’écriaPaytond’untonmenaçant.Resteendehorsdeça!–Que je reste endehors ? fit-il en tournant la caméravers elle.Mais cequi sepasse ici se doit

d’êtrearchivé.Sinon,dansquelquesannées,tutedemanderascommentapusedésintégreruneamitiéde toute une vie. Il a vraiment dû se passer un truc terrible entre vous, parce que si unminusculeincidentsuffitàvousséparer,tuimaginescequeçaveutdiresurvotreamitié?–Nolan,répétaPayton,vat’acheterunevieetnetemêlepasdelamienne!Ill’ignoraettournal’objectifversAmberetmoi.Amberluifitundoigtd’honneur.Moi,demon

côté,jemefigeaicommeunlapinprissouslefeud’unchasseur.Enfin,Nolanabaissasonportableetdisparutdanslafoule,toujourssuividesacopineblonde.–Abruti,murmuraAmber.

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Auboutdequelquessecondes,ellehaussalesépaules.–Viens,Pay.Ons’enva.Paytonfixaitlesol,sansciller.Parlapensée,jelasuppliaidesesouvenirqu’elleétaitmameilleure

amie.Jamaisjeneluiauraisfaitça.Jamais.–Allez,viens!CommePaytonrefusaitdebouger,Ambersoupirad’unairimpatientéavantdesedétournerpourse

frayerunpassagedanslafoule.Paytonserraitlepoingsurunplidesajupe.Ellejetaunregardversmoipuisdétournalesyeuxet

courutrattraperAmber,quiavaitdéjàparcourulamoitiéducouloir.Tuimaginescequeçaveutdiresurvotreamitié?LesmotsdeNolantournoyaientdansmonesprit

commedescharognardsau-dessusd’unecarcasse.Saufquelà,c’étaitmarelationavecmameilleureamiequiagonisait.Etsijen’avaisplusPayton,jen’avaispluspersonne.Leslarmesmemontèrentauxyeux.Jenepouvaispaspleurer.Pasdevanttoutlemonde.N’était-ce

paslarèglenuméroundemamère?Nejamaisexposersesfaiblesses.Jetentaidecontenirmeslarmes,maisilétaittroptard.Jenepusqueramasserenhâtemonsacà

dosetcourirauxtoiletteslesplusproches.Jepoussailaported’uncoupd’épauletoutenessuyantmesjouesaveclespaumesdemesmains.Un

sanglotmesecoualapoitrine.Jeplaquailamainsurmabouchepourl’étouffer.Je choisis la cabine la plus éloignée etm’y enfermai.Quelques secondes plus tard, j’entendis la

porteextérieures’ouvriretungroupedefillesentrerenriant.Jegrimpaisurlacuvette,priantpourqu’ellesn’essaientpasd’ouvrirlaporteverrouillée.–OhmonDieu,vousavezvusatronche?demandaunefille.Plusieursgloussementsluirépondirent.–Jecroisqu’elleseretenaitdepleurer,fituneautrevoix.–Bienfaitpourelle!–Carrément!–Jen’aimeraispasêtreàsaplace,admitlapremière.Savieestfoutue.Les autres fillesmurmurèrent un acquiescement. J’entendis de nouveau la porte s’ouvrir, et une

secondeplustard,leursvoixs’éloignèrentavantdedisparaîtrelorsquelebattantsereferma.Unefoiscertainequ’ellesétaientbienparties,jedescendisdelacuvetteetm’appuyaicontrelaporte

delacabine.Méritais-jecequim’arrivait?Peut-être.Maispourquoimaintenant?PourquoiAmber?Et pourquoiPayton la suivait-elle ?Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Je répétai lemot dansma têtejusqu’àcequ’ilnesoitplusqu’unramassisdelettresvidedesens.Enfin,jequittailacabinecouvertedegraffitisetmetraînaiversunlavabo.Jecontemplailafilleauxyeuxrougesetàlaminedéfaitequimeregardaitdanslemiroir.Sima

mère avait été là, ellem’aurait dit d’arrêter de perdremon temps àme lamenter surmon sort. Jedevrais élaborer un plan. Je devais trouver unmoyen de reconstruire la réputation qu’onm’avaitdétruite.Malheureusement,touslesplansquimevenaientàl’espritimpliquaientmesamies.Chosequejen’avaisplus.Jemecreusailatêtepourtrouverunautreplan,unquejepourraismettreenactiontouteseule.Mais

jeregardaimonrefletpendantplusieursminutesetriennemevintàl’esprit.Plusjerestaislà,plusjesentaislespossibilitésderécupérermavied’avants’échapperentremesdoigtscommedesgrainsdesable.Jenesavaispasquoifaire.

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Alors,jefiscequejesavaisfairedemieux.Jeprisunnouveaucachet.Lorsquel’engourdissementfamiliersefutinstalléenmoi,jequittailestoilettesetm’aventuraidans

lecouloir.Commelapausedéjeunerétaitdéjàpresqueterminée,jemedirigeaiversmasalle.Personne ne s’assit à côté de moi. Personne ne me parla. La mise en quarantaine m’aurait

normalementfaitflipper,maisaprèslamatinéeinfernalequej’avaispassée,êtreignoréeétaitplutôtunsoulagement.Çavoulaitdirequ’ilsétaiententraindeselasser.Dumoins,jel’espérais.Àlafindeladernièreheuredecours, jefissemblantdenepasavoircompris lesdevoirsquele

profnousavaitdonnéspourpouvoirresterdanslasallevingtminutessupplémentairespendantqueMonsieurMahoneymeréexpliquaitlecours.Lorsqu’ileutterminé,jejetaiuncoupd’œilàl’horlogeet fus rassurée : le bâtiment et le parking seraient suffisamment vides pour me permettre dem’échapper.J’attrapai mes clés de voiture dans mon sac à main et me dirigeai vers la sortie. J’aurais dû

récupérermon livre d’histoire dansmon casier,mais j’allaism’en passer et prier pour réussir lecontrôle sans réviser. Je refusais de m’arrêter assez longtemps pour que quelqu’un me prenne àpartie.Etpuis,siquelqu’und’autreavaitdécidédedécorermoncasier,jenevoulaispaslesavoir.Lescouloirsétaientpresquevides,etmespasrésonnaientsurlelinotaché.Detempsentemps,un

élèvepassait,enroutepouruneactivitépériscolaire,maisparchance,personnenemeprêtaattention.J’arrivaiàlasortieetpoussaiunsoupirdesoulagementenfaisantunpasàl’extérieur,verslaliberté.N’étantpasdirectementassaillieparunefouleencolère,jemefiguraisquelepireétaitpassé.C’estalorsquej’aperçusmavoiture.J’étais garée derrière un gros camion, et seul mon pare-chocs était visible de loin. Mais en

dépassantlecamion,jem’arrêtainet.Monsacàdosglissademesépauleset tombaausolavecunbruitmat.Desbouteillesdesodavides,dessachetsdechipsetdesmorceauxdepapiergrasrecouvraient le

capotetletoit.Lesmotsmenteuse,traîtresseetfaux-culavaientétéinscritsplusd’unecentainedefoissurtouteslesvitres, en différentes teintes de rouge à lèvres. En m’approchant, je vis une grosse rayure –probablementfaiteavecuneclé–lelongdelaportièreduconducteur.Je me laissai tomber par terre à côté de mon sac. J’avais rendez-vous chez le psy dans vingt

minutes, et jene serais jamais à l’heure si jenepartaispas immédiatement.Mais comment faire ?J’allaisdevoirpasseraumoinsdixfoismavoitureaulavagepourmedébarrasserdetoutcerougeàlèvres.Jelesavais,carPayton,Amberetmoiavionsfaitlamêmechoseàunefillel’andernier,aprèsquecettedernièreavaitdraguélecopaindePayton.C’étaitl’idéed’Amber,biensûr.Nousnousétionscachéesdanssavoitureetavionséclatéderirechaquefoisque lafillepassaitsavoitureau lavageavantdefondreenlarmesenvoyantqueleslettresrosesetrougesétaientencorelà.Christyavaitpeut-êtreraison.Peut-êtrerécoltais-jeenfincequej’avaissemé.J’avaisjouéavecle

karma, et le jour des comptes était arrivé. Restait une question : après tout ce que j’avais fait,mériterais-jeunjourderetrouverlebonheur?Çaressemblaitàunequestionàposeràmonpsy,maisparleràquelqu’undecequim’arrivaitétait

ladernière chose dont j’avais envie.Les paroles n’étaient que des sons inutiles qui disparaissaientdanslevidesitôtaprèsavoirétéformulés.Contrairementauxtextes,quipouvaientêtrephotographiés,copiés,envoyésetsauvegardés.Jen’avaisaucunmoyendem’ensortir.

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CHAPITRE6

Ilme fallut plus de cinquante dollars et une demi-heure de lavage pour venir à bout du rouge à

lèvres.Chaquefoisquejesortaisvérifier,jem’attendaisàvoirAmberetPaytonsemoquerdemoi,dissimuléesdanslavoitured’Amber.Christyseraitpeut-êtrelà,elleaussi.Aprèslelavage,jen’avaispaspurentrertoutdesuiteàlamaison:sipapaétaitrentréenavancedutravail,ilauraittoutdesuitecompris que j’avais séché mon rendez-vous chez le psy. Je ne voulais pas risquer qu’il appellemaman.Commemonchevalétaitbienmeilleurconseillerquemonpsy,jeprisladécisiondemerendreaux

écuries.Je défis la sangle et enlevai du dos deRookie le tapis de selle trempé de sueur.Rookie était un

ancien cheval de course de treize ans, que j’avais adopté quand il en avait sept. Après seulementquelquesannéesdedressage,ilétaitdevenuunincroyablechevald’obstacles.Ensemble,nousavionsgagné assez de rubans et de trophées pour occuper un mur entier. Tous les week-ends, noustravaillionstouslesdeuxdansunprogrammedethérapiepourenfantsendifficulté.Letravailbénévoleétaitenfait–quellesurprise–uneidéedemamère.Aprèstout,lamoindrede

mesactivitésnedevait-ellepas servir àaméliorermon imagedemarque?Pourune fois, jem’enfichais.Contrairementàd’autresdistractionscaptivantescommeconstruiredesmaisonsouramasserdesdéchetsdanslesparcsrégionauxsousunechaleurtorride,lathérapieparlechevalétaitunechosequimeplaisaitvraiment. Jeneme lassais jamaisdusentimentque j’éprouvaisenvoyantunenfantassissurledosdeRookieserrerlespoingsdanssacrinièrenoire,unimmensesourireauxlèvres,commesiriend’autren’existait.C’étaitcequirendaitleschevauxmagiques.Jem’appuyai contre la porte de la stalle pour rangerma selle sur le supportmural pendant que

Rookienichaitsonmuseauveloutédansmoncou.Ilremuadoucement,chatouillantlespetitscheveuxdemanuque.Jesouris,maismêmeseuleavecmoncheval,jesentaisquec’étaitforcé.Jemedemandaisij’allaisunjourretrouverunvéritablesourire.JemeretournaietappuyaimatêtecontrecelledeRookie,lefrontposésurl’étoileblancheentreses

deuxyeux.Jepassailesdoigtsdanssacrinièreemmêlée.Unpeuplustôt,nousavionspasséuneheureà galoper doucement dans la carrière. Rookie tirait parfois sur les rênes. Je sentais ses musclesfrustrésjouersousmoi,percevaissondésirdefranchirlabarrièreetdegaloperauloin.Avantcejour,jen’avaisjamaiscompriscetteimpulsion.J’avaistoujourspenséqu’onétaitplusen

sécuritédans la carrière, là où lesgenspouvaientnousvoir et nous aider en casdepépin.Mais àprésent,pourlapremièrefoisdemavie,jemedemandaicequeçaferaitd’ouvrirlabarrièreetdem’enfuiraveclui,aussiviteetaussiloinquepossible,sansjeterunregardenarrière.Montéléphonesonna,metirantdemarêverie.–Désolée,monbeau.Jereviens.Pleined’espoir,jepassaisouslachaîneaccrochéeentraversdelaportedelastalledeRookie.Peut-

être était-ce Payton quime rappelait enfin. Peut-être s’était-elle rendu compte à quel point il était

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stupidedem’envouloirpourunechosequ’elle faisaitelle-mêmeconstamment.Peut-êtreavait-elledéjàtrouvéunmoyendenousvengerd’Amber.IgnorantlespetitshennissementscontrariésdeRookie,

jecourusàlatabledepique-niqueoùj’avaisposémonportableetmesclés.Jem’enemparaietluslenomaffichésurl’écran.Mesépauless’affaissèrent.Avecunsoupir,jerépondis.–Salut,papa.–Salut,chérie,dit-il.Jeviensderentrer.Laséancechezlepsyestpluslonguequed’habitude?–Non.Jememassailestempespourchasserlamigrainequicommençaitàs’installer.–Désoléedenepasavoirappeléplustôt.J’aieuenviedem’arrêterauxécuriesaprèsmonrendez-

vous.–Commentvamadeuxièmehypothèque?–Rookie?Commed’habitude…Ilestaffamé.Papaéclataderire,puissetut.Quelquessecondesplustard,ils’éclaircitlagorge.–Écoute,Regan,quandest-cequetucomptesrentrer?Jecroisqu’ilfautqu’oncause.Monestomacsenoua.–Ah,pourquoi?–L’infirmièredulycéem’aappeléautravail.Jefermailesyeuxetdéglutismalgrélaboulequej’avaisdanslagorge.Jenevoulaispasdecette

conversation. Pas maintenant. Je devais travailler à régler mes problèmes, pas en ajouter denouveaux.Etsipapas’enmêlait,ilimpliqueraitmaman,ettoutecettehistoireferaitbouledeneige.–C’estpasgrand-chose,papa.J’aiunpeupaniquéàcaused’uncontrôle.–Regan!J’entendaisl’inquiétudedanssavoix.–L’infirmièreaditquetufaisaisdel’hyperventilation.–C’étaituncontrôlevraimentimportant.Paparestasilencieux.Jelevoyaisassisàsonbureaudanssablousebleue,unpetitpliau-dessusdu

nez,commetoujoursquandilfronçaitlessourcils.Enfin,ilreprit:–Pourquoiest-cequej’ail’impressionqu’ilyaautrechose?–Iln’yarien.J’avaispeut-êtrerépliquéunpeuvite,carilneréponditpas.J’étaissûrequ’ilsavaitquejementais,

et comme je n’avais pas d’autre choix, je décidai deme servir d’une autre technique demaman :brouillerlespistesavecunedemi-vérité.–Bond’accord,ilyapeut-êtreautrechose.–Oui?–Paytonetmoi,ons’estunpeuengueulées.–Vraiment?L’inquiétudedanssavoixavaitlaissélaplaceàlasurprise.–Vousêtesamiesdepuistoujours.Qu’est-cequis’estpassé?Je n’allais sûrement pas lui expliquer que toutes les choses horribles que j’avais écrites s’étaient

retrouvéesaffichéesdanstoutel’école.Jemecreusailatêtepourtrouveruneexplicationplausible,etilmevintsoudainlasolutionparfaite.Unautretrucdemaman:déstabilisezvotreadversaireavecunsujetquilemetmalàl’aise.Etjesavaisexactementcommentmettrepapamalàl’aise.–Tuvois,ilyacegarçon…–Ungarçon?répétapapad’untonpaniqué.Depuisquandtufréquentesdesgarçons?Tunem’as

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jamaisparléd’ungarçon.C’estqui?Jeconnaissesparents?Qu’est-ceque…–Ducalme,papa.Iln’yariendesérieux.C’estjustequejecroyaisqu’ilm’aimaitbien,etils’est

avéréquePaytonl’aimebienaussi.Alorsons’estunpeuénervéeset…–Tusaisquoi?mecoupa-t-il.C’estpeut-êtreunsujetdonttuferaismieuxdeparleràtamère.Dieumerci.Jepoussaiundiscretsoupirdesoulagement.–D’accord.Situpensesquec’estmieux…–Oui,jepense.Ettudevraispeut-êtremêmel’appelerdèscesoir,ajouta-t-ilaprèsunsilence.Àcettepensée,mabouchedevint toute sèche.Avecmaman,onnepouvaitpasparler.Toutesnos

«conversations»sedéroulaientdelamêmemanière:ellemefaisaitlaleçonetn’écoutaitpasunmotdecequej’avaisàdire.–Çapeutattendresonretour,dis-je.Jeneveuxpasl’embêterenpleinesession.Tusaisàquelpoint

çalastresse…–Tuessafille,répliqua-t-il.Tupassestoujoursenpremier.Heureusement,ilneputvoirlagrimacequejefisautéléphone.–Ouais,d’accord.Écoutepapa,jedoisbrosseretnourrirRookieavantdepartir.Est-cequ’onpeut

enreparlerplustard?Ilpoussaunsoupir.–Pascesoir,j’enaipeur.Jedoisrepartiraucabinet–unechirurgiedentaireurgente.Jeneserai

pasrentrépourledîner.Tutrouverasdesrestesàréchaufferdanslefrigo.–D’accord,dis-jeententanttantbienquemaldedissimulermadéception.J’étaissoulagéed’éviteruneconversationgênante,maisjen’avaispaslamoindreenviedepasserla

soiréeseuledansnotregrandemaisonvide.Normalement, les soirs où maman n’était pas là et où papa travaillait tard, j’invitais Payton et

Amberàvenirtraîneravecmoi.Apparemment,çan’arriveraitplusjamais.–Trèsbien,trésor.Essayejustedenepast’inquiéterpourlerestedelasoirée,OK?–OK.Jeluidisaurevoiretraccrochai.Jem’apprêtaisàglissermontéléphonedansmapochequandje

visquej’avaisreçuunmail:unenotificationFacebookquimeprévenaitquej’avaisététaguéesurunpost–celuid’Amber.Jemesentissombrerintérieurementetjemelaissaitombersurlebanc.Monpoucehésitauninstant

au-dessus du lien tandis que, de mon autre main, je triturais mon pendentif et le faisais glisserdoucementlelongdesachaîne.Quoiqu’Amberaitécritsurmoi,çanepouvaitpasêtrebon.Jemordaisma lèvre inférieure,monpied frappant le sol. Je savais que je ne devais pas cliquer,

qu’il valaitmieux ne pas savoir,mais je ne pouvais pas laisser passer ça. Je devais savoir ce quej’allaisdevoiraffronter.Jeretinsmonsouffleetcliquaisurlelien.L’applications’ouvritsurunefanpage–dumoins,jecrusquec’étaitçajusqu’àcequej’enaielule

titre:GROUPEDESOUTIENPOURLESVICTIMESDEREGANFLAY.L’imagedeprofilétaitmonvisage,maisquelqu’un l’avaitmodifié avec une de ces applications qui vous changeaient en zombie.Mes yeuxétaientenfoncésdanslesorbitesetmapeaupartaitenlambeaux;meslèvrescraqueléesdévoilaientdesdentspourries.Letexteendessousannonçait:CeciestunepagedesoutienpourquiconqueapuêtrevictimedeReganFlay.Racontezvotrehistoireetaidez-vousmutuellement.Jenesavaispasdepuiscombiendetempslapageexistait,maiselleavaitdéjàplusd’unecentainede

likes et aumoinsunedouzainede commentaires.Etmême si lapageprétendait êtreungroupede

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soutien, vu la nature des commentaires, elle était tout sauf ça. Une fille avait posté que j’étaistellementmoche qu’elle avait besoin de soutien psychologique pour surmonter le traumatisme dedevoirmevoirpassertouslesjoursdanslescouloirs.SoncommentaireavaitétéliképarAmberettrenteautrespersonnes. Ilyenavaitd’autres,mais jenepus les lirecar les larmesbrouillaient lesmots.Jerefermail’application,fourraileportabledansmapocheetessuyaimesyeuxsurmamanche.Je

pensais être à l’abri aux écuries. J’avais cru quemes problèmes ne pourraient pasm’y retrouver.Apparemment,jem’étaistrompée.Jen’avaisnullepartoùmecacher.Unevagued’étourdissements’abattit surmoi,mais je la repoussai. Jen’allaispas faireunecrise

d’angoisseàcausedeça.Jelerefusais.Toutçaétaittellementhypocrite.C’étaitcommesilesgensquim’insultaientn’avaientjamaisrien

ditdeméchantsurpersonne.Ilsmepersécutaientparcequejem’étaisfaitprendre,voilàtout.C’étaitinjuste.Rookierenâcladanssastalle.Jemepenchaipar-dessuslachaîneettendislamainverslui.J’avais

désespérémentbesoind’unpeudecettemagiechevalinepourmeconsoler. Il regarda fixementmamain,maisnefranchitpasladistancequinousséparait.Génial.Monchevalaussiseretournaitcontremoi ? Peut-être sentait-il que je n’étais plus la petite fille qui grimpait sur son dos et tressait sacrinière pendant qu’ilmâchait des brins d’herbe. J’étais brisée et j’ignorais comment recoller lesmorceaux.Pourlapremièrefois,jenepensaispasqueRookieensoitcapable.Ilavaitdoncfinipararriver.Lejouroùlamagieavaitcessédefonctionner.–Toutvabien,luidis-je.Jeretiraimamainetm’enservispouressuyermesjouescouvertesdelarmes.–Jevaistecherchertesgranulés.Plus tard ce soir-là, après avoir pris une douche si chaude qu’elle avait laisséma peau rouge et

engourdie, jememis au lit et tirai les couvertures jusqu’àmonmenton. Jene savaispasvraimentpourquoi jeprenaiscettepeine.Jenevoulaispasdormir.Lesommeilamenait lematin,et lematinétaitunechosequejevoulaisnejamaisvoirvenir.Avant de me coucher, j’avais fait l’erreur de consulter Facebook une dernière fois. J’avais

découvert une nouvelle publication sur la page de Soutien pour les Victimes de Regan Flay. Lecommentairem’avaitfaitl’effetd’uneballedelamesderasoirquiavaittoutdéchiréetdéchiquetésursonpassageenrebondissantdansmapoitrine.

ReganFlaydevraitrendreserviceàtoutlemondeetsesuicider.Cen’étaitpastantlecommentairequimeblessaitmaislefaitqu’ilavaitdéjà76likes.Soixante-seize

personness’accordaientàdirequelemondeseraitunmeilleurendroitsijen’existaispas.Jejetaiuncoupd’œilauflacondepilulesposésurmatabledechevet.Ellesétaientlà.Toutcequej’avaisàfaire,c’étaittendrelamainpourquetoutlemondesoitcontent.

Sijedisparaissais,jenepourraisplusgâcherlaviedesgens.Sijemourais,jen’auraisplusàsubirleurhaine.Etçaseraitfacile.Tellementfacile.Uneboufféedepaniquemeparcourutcommeuncourantélectrique.Jem’emparaiduflaconet le

jetaiviolemmentàtraverslapièce.Biensûrqueceseraitfacile,maiscen’étaitpascequejevoulais.Lescachetsn’étaientqu’unmoyendeprendrelafuite.Etmoi,jevoulaistrouverunmoyendem’en

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sortir.Fuirseraitcertesunesolutiondéfinitive,maism’ensortirimpliquaitaumoinsdespossibilités.Cesgensnepourraientpasmehaïrpourtoujours–etmêmesic’étaitlecas,ilnemerestaitqu’uneannéedelycée.Sijefaisaisprofilbas,leschosesnepourraientques’arranger,non?Jerepliaimesgenouxcontremapoitrineetlesserraientremesbras.Jen’avaispaslamoindreidée

decequipourraitunjourmerendreheureuse.Mamèrepensaitsûrementqu’elledétenaitlaréponse.Maissiellesetrompait?Etsitoutesleschosesqui,selonelle,merendraientheureuse–êtreadmisedansuneprestigieuseuniversité,épouserunbonparti,avoirunegrandecarrière–melaissaientaussicreuseetvidequejemesentaismaintenant?Lorsque j’étais petite, tout était tellement plus facile… Le bonheur, c’était sauter à la corde et

mangerdesbarbes àpapa.Mais àprésent, jeneme souvenaismêmepasde ladernière foisoù jem’étaisvraimentsentieheureuse.Àquelmomentavais-jeperducesentiment?Etpourquoiétait-cedevenusidifficiledeleretrouver?Pireencore,qu’allais-jedevenirsijeneleretrouvaisjamais?

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CHAPITRE7

Lematinsuivant,assisedansmavoiture,jeregardaislesautresélèvesslalomerentrelesvéhicules

duparkingpourallerencours.Jeserraislevolantsifortquemesjointuresétaienttoutesblanches.Jen’avaismêmepasencoresortiunpieddemavoiture,etdéjàl’angoissemecomprimaitlapoitrine.Jevenaisdeprendremonsacàmain,à larecherchedemespilules,quandunpoingfrappaàma

portière.Jesursautaietlâchaimonsac.Del’autrecôtédelavitre,NolanLetnermesouriaitdesonairsuffisant.Commetoujours,ilpointaitsurmoisonportable.Merde.Justeaumomentoùjepensaisquemajournéenepouvaitpascommencerplusmal…Jeneprismêmepaslapeinededescendremavitre.

Jem’étaisrésolueàfaireprofilbas,etjenevoulaissurtoutpasencouragersonattention.J’attrapaidoncmontéléphoneetfissemblantdeliredesmessagesinexistants.–Tuferaisbiendetegrouiller.Tuvasêtreenretardencours.Jeserrailesdentssifortquemamâchoiremefitmal.–Vacreverenenfer,Nolan!–Oui,onestaulycée,donconn’enestpasloin,répliqua-t-il.Commejenebougeaispas,ilfrappadenouveauàlavitre.–Tuviensouquoi?Je tripotai les clés, toujours dans le contact. Ça serait si facile de démarrer et de m’enfuir.

Malheureusement, si je séchais les cours,mamère l’apprendrait. Et si elle pensait que j’avais desennuis susceptibles de donner aux électeurs unemauvaise image de la famille, elle resserrerait saprisesurlalaissequim’étouffaitdéjà.JefusillaiNolanduregard.Ilétaitvenudansl’uniquebutdem’embêter,maissij’attendaisqu’ilse

lasse,jeseraisenretard.J’étaispriseaupiègeetillesavait.–Jen’irainulleparttantquetun’auraspasbaissétontéléphone.Illefourradanssapocheetsourit.Abruti.Ensoupirant, je sortis lacléducontact, cequidéverrouillaautomatiquement lesportières.Avant

quejepuissel’enempêcher,Nolanattrapalapoignéeetm’ouvrit.–Aprèstoi.Jen’avaispaslamoindreenvied’allerquelquepartaveclui,maisjenepouvaispasmepermettre

desécherlelycée.Jen’avaispaslechoix.J’attrapaimonsacàdosetdescendisdevoiture.Dèsquejecommençaiàmarcherverslebâtiment,ilm’emboîtalepas.–Dégage,Nolan.–Pourquoi?Sijem’envais,jenepourraiplussavourerlachaleurdetalumineusepersonnalité.Et

tuveuxvraimentquejeparte?Avantd’entrerlà-dedans?Touteseule?Jegrimaçai.–Tut’imaginesquej’aibesoindetaprotection,ouquoi?Jepeuxmedéfendretouteseule.

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Iléclataderire.–Ouais,biensûr!–Tuvascontinueràmesuivrepartoutpournepasperdreunemiettedemachute?C’estça, ton

plan?Ilhaussalesépaules.–Enpartie.Jecontinsungrognement.Ons’étaitjamaisbienentendus,maisj’auraisjamaiscruqu’ilpuisseêtre

aussisadique.Pasétonnantquesacopinel’aitlargué.–Vatefairefoutre!crachai-jeenenfonçantundoigtdanssapoitrine.Sansluilaisserletempsderépondre,jeremontail’alléeaupasdechargeetentraidanslelycée.Àpeinequelquesbattementsdecœurplustard,ilétaitrevenuàmahauteur.–C’estaussiparlàquejevais,tusais.Lescouloirsnet’appartiennentpas,Princesse.Oh,commej’auraisvoulupouvoirrassemblertoutelacolèreetlatristessedecesdernièresvingt-

quatreheurespourleslâchersurNolan…Maisavecmaréputationenruines,je n’avais vraiment pas besoin d’attirer encore plus l’attention. Pour lui échapper, je décidai dem’offrirunpetitdétouretpassailaportelaplusproche.Madame Weber, la secrétaire d’éducation, une femme d’une quarantaine d’années qui était une

grande supportrice de ma mère depuis le début de sa carrière, me sourit de derrière son bureausurélevé.–Regan.Sesdeuxdentsdedevantétaientmaculéesderougeàlèvres.–Quepuis-jefairepourvous,mapetite?Bonnequestion.–Euh…Audépart,toutcequej’avaisvoulu,c’étaitéchapperàNolan.Jen’avaispasréfléchiplusloin.Puis

uneidéemevint.Unconseiltoutdroittirédumanuelpolitiquedemamère:Quandonestfrappéparunscandale,lameilleuresolutionestdeseretirerdelascènepubliquejusqu’àcequelesespritsserefroidissent.–Jevoudraisretirermonnomdelalistepourlesélectionsauconseildesélèves.Jen’avaispasbesoinderappeleràl’écoleentièreàquelpointilsmedétestaientenaffichantmon

visagesouriantdans toute l’école. J’imaginaisdéjàcequiarriveraitauxaffiches :desmoustaches,descornesdediable,despénis…LesouriredeMadameWeberdisparut.–Vraiment?Vousenêtessûre?Maisvousavezlapolitiquedanslesang!Jeréprimaisuneenviedeleverlesyeuxauciel.J’étaishabituéeàcequelesgenss’attendentàme

voiragircommeuneversionminiaturedeladéputée.Aulieudemeprendrepourunindividuàpartentière,onauraitditqu’ilsmeconsidéraientcommeunclonefabriquédansunlabo.Etsiçan’avaitpasétéencontradictionaveclesidéesultraconservatricesdemamère,jel’auraissoupçonnéed’avoirenvisagécettesolution.Maisjen’étaispasmamère.Biensûr,elleallaitêtreenrogneendécouvrantquej’avaisabandonné

l’élection,maisunpoidss’étaitenvolédemesépaulesdèsl’instantoùj’avaisprononcélesmots.Mefaireoubliermesemblaitêtre lameilleurechoseà fairepour lemoment.Restercandidaten’auraitfait que m’exposer à davantage d’humiliation et de ridicule. Et puis, si je distribuais des badges«VotezpourRegan»danslescouloirs,lesautresélèvess’enserviraientprobablementpourmelesjeteràlafigure.

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Jemepenchaiau-dessusdubureaudelasecrétaireetdéclaraisurletondelaconfidence:–Jenesaispassivousêtesaucourant,maisj’ai…subibeaucoupdestressdernièrement.Bien sûr, ma mère ne voulait pas que les gens sachent que sa fille souffrait d’un trouble de

l’anxiété : quelqu’un pourrait croire que quelque chose clochait dans la façon dont elle m’avaitélevée.Ellem’avaitdoncordonnédedireauxgensquejesouffraisdestress–uneréponsebienplusacceptableensociété.Aprèstout,denosjours,quin’étaitpasstressé?–Oh,machèrepetite!MadameWebersepenchaversmoipourmetapoter lamain.Sapeauavait laconsistanceducuir

froid.–C’estparfaitementcompréhensible.Avecvotremèrequiseprésenteauxréélections,biensûrque

vousêtesstressée!Bien sûr, je ne pouvais pas avoirmes propres problèmes.Mon stress était forcément en rapport

aveclacarrièredemamère.–Ouais,fis-jeenretirantmamain.Doncvouscomprenezpourquoijenepeuxpasmeprésenterau

conseildesélèves.J’aibesoindeme…recentrer.–Regan…Mêmes’iln’yavaitquenousdeuxdanslebureau,MadameWeberbaissalavoix:–Est-cequeçaaquelquechoseàvoiraveccegraffitisurvotrecasier?Jefisunpasenarrière,lesjouesenfeu.–Vousêtesaucourant?Ellem’adressaunregardcompatissant.–Biensûr.Maisnevousenfaitespas,laproviseurelesaitaussi.Ellevalanceruneenquêtepour

quelecoupablesoitdémasqué.Magorgeseserra.Etsi l’enquête lesmenaitauxpagesscotchéesauxcasiersavecmesmessages

privésettoutesleschoseshorriblesquej’avaisdites?–Uneenquêten’estpasvraimentnécessaire,protestai-je.Jesuissûrequej’aiétéfrappéeauhasard

etqueçanesereproduirapas.MadameWeberfronçalessourcils.– Ma chère petite, vous n’êtes pas sans savoir que nous avons une politique anti-harcèlement

extrêmementstrictedanscetteécole.Monestomacsesouleva,jecrusquej’allaisvomir.–Nousallonstrouvercettepersonne,poursuivit-elle.Etilouellevaavoirbeaucoupd’ennuis.Ne

vous en faites pas. Vous êtes une gentille fille, Regan. Je suis sûre que le coupable n’est qu’undémocratequinerêvequedesemerlapagaille.Ellegrimaça,commesilemotdémocrateluiavaitlaisséungoûtamersurlalangue.Biensûr.Parcequ’unefoisencore,toutcequiarrivaitdansmavieétaitforcémentliéàmamère.Je

m’écartaidubureauetrepartisverslaporte.–Vousvousoccuperezdemerayerdelaliste,MadameWeber?Ellepoussaunsoupirettapotasesonglesmanucuréssursonbureau.–J’espèrequevousreviendrezsurvotredécision.Maissic’estcequevousvoulezvraiment,jele

ferai.Jehochailatête.–Oui,c’estcequejeveux.Merci.Elleretroussaleslèvres,commesiellen’avaitpasfinid’argumenter,maisjesortisdesonbureau

sansluilaisserletempsd’ajouterquoiquecesoit.J’étaissipresséedem’éloignerquejepercutaide

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pleinfouetlapersonnequisetenaitdevantlaporte.–Jesuisvraimentdésolée…Avantdepouvoirfinirdem’excuser,jelevailesyeuxpourdécouvrirNolanquimesouriait.–Ondiraitqueledestinnouspoussel’unversl’autre,déclara-t-il.–Sérieusement?répliquai-je,excédée,avantde lecontourner.Est-ceque tumesuispartout juste

pourmefairechier?–Pourquoi?rétorqua-t-ilavecunsouriresuffisant.Çamarche?Jeluifisundoigtd’honneur.Iléclataderire.–C’estcommeçaqu’ontraiteunami?Jem’arrêtainet.–Tun’espasmonami.–C’estvrai.Ilregardaauxalentours,puisajouta:–Maisjenevoispersonneàceposte.Onnepeutpasleurenvouloir.Tuesunevraiechieuse.Jepoussaiungrognementexaspéré.–Qu’est-cequetuveuxdemoi,sérieusement?Desexcuses?Sic’estcequ’ilfautquejefassepour

que tume foutes la paix, très bien ! Je suis désolée d’avoir étéméchante avec toimardi dernier,Nolan.Maintenant,tuveuxbiendégager,s’ilteplaît?–Cequejeveux?Toutetraced’humouravaitdisparudesonvisage.–Jenepourraijamaisretrouvercequejeveux.Jecroisaimesbrassurmapoitrine,commepourmeprotégerdesonregardglacial.–Çaveutdirequoi,aujuste?Lapremièresonnerieretentit.Aulieudemerépondre,Nolanremontasonsacàdossursonépaule.–Ilfautquej’ailleencours.Ilpassadevantmoietpartitdanslecouloir,melaissantseuleetébahie.Etmoiquitrouvaisquemesrèglesmedonnaientdessautesd’humeur…Jen’avaisjamaisvuça:un

meccapablederireetdesourire–mêmesic’étaitàmesdépens–etd’avoirl’airprêtàcommettreunmeurtrelaseconded’après.–Taré,murmurai-je.Cen’étaitpaspourrienquePayton,Amberetmoiavionsl’habitudedenousmoquerdelui.Cemec

étaitunputaindepsycho.Enallantencours,jenepusm’empêcherdemedemanderpourquoiluietsacopineavaientrompu.

Ils étaient faits l’un pour l’autre. Jordan était une fille dema classe. Ses cheveux étaient teints enviolet,ouenbleu,ouend’autrescouleursaberrantes.Elles’habillaitennoirtouslesjoursetportaitmême un voile noir à l’occasion des anniversaires de mort de musiciens comme Kurt Cobain,FreddieMercuryouJimiHendrix.Cen’étaitpas lapom-pom-girl typique,maiscelane l’avaitpasempêchée d’effectuer les essais pour entrer dans l’équipe l’an dernier. Elle n’avait pas effectué lamoitiédesachorégraphiequandAmberavaitéclatéderire.Saréactionm’avaitmisemalàl’aise,etplusencorequandj’avaisfaitsemblantderireavecelle.Jamaisellen’auraitpus’intégrerdansnotregroupe.Saufquemaintenant,iln’yavaitplusdegroupe.Regardequiestrejeté,maintenant.

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Enseulementquelquesminutesaprèslapremièresonnerie,lescouloirss’étaientvidés.Ilnerestaitplus qu’une fille devant son casier.En approchant, je remarquai que cette fille qui se dépêchait derécupérerseslivresn’étaitpasn’importequi.C’étaitJulieSims.Cellequej’avaisaccuséed’êtretropgrossepourlamanœuvredeHeimlichdanslesmessagesprivésquiavaientétépostés.Moncœursemitàtambourinerdansmapoitrine.

Jemefigeai.Jenesavaispasquoifaire.Sansmeremarquer,Julies’occupaittoujoursdesesaffaires.Jepouvaisfacilementfairedemi-tour,maismasalledecoursn’étaitqu’àquelquesportesdelà.Sijeprenaisunautrechemin,j’allaisêtreenretard.Merde.Jen’avaispasbesoind’unenouvelleconfrontationpourlemoment,maisjenepouvaispas

mepermettred’êtreenretard.Sijemedépêchais,peut-êtrenemeremarquerait-ellepas.Jebaissailatêteetaccélérailepas.Jem’apprêtaisàladépasserquandl’undeslivresqu’ellefeuilletaitluiéchappaetqu’unefeuillepliéecouverted’énigmesgéométriquess’envola.Elleatterritàmespieds.Julieseretourna.Jem’arrêtainet,lesoufflecourt.Pendantuneseconde,Juliesemblanepasmeremarquer.Ellesepenchapourattraperlepapier.Mais

avantdeserelever,sonregardseposasurlehautdemeschaussures.Jelavisseraidir.Magorgeseserraetjedéglutisavecpeine.Jem’attendaisàcequ’ellesemetteàmecrierdessus,à

m’injurierouàclaquerlaportedesoncasieravantdes’enaller.Ellen’enfitrien.Ellesecontentademeregarderfixementdesesgrandsyeuxmarron,sansbouger.J’observaisonvisage,àlarecherchedelahainequej’étaissûred’ydéceler,maisuneautreémotionselisaitdanssonregard.Delapeur.Cetterévélationmefrappacommeuncoupdepoingdansleventre.Julien’allaitpasm’attaquer.Le

monstreici,c’étaitmoi.Julieavaitpeurdemoi.Elledéglutit.–Je…jesuisenretardencoursetjeneretrouvepasmesdevoirs.Je ne comprenais pas pourquoi elle me disait ça : c’était pas comme si elle me devait une

explication…–Tuasbesoind’aide?Dèsquecesmotseurentfranchimeslèvres, jefisunpasenarrière,surprise.C’était ladeuxième

foisenunquartd’heureque jedisaisquelquechosed’inattendu,et jenesavaispas tropquoi faireAprèstout,n’avais-jepasvoulum’éloignerd’elleaussivitequepossible?Juliemejetaunregardsceptique.–Pourquoituvoudraism’aider?Tumedétestes.Sesmotsmeprirentaudépourvu,etjesecouailatête.–Jenetedétestepas.Elleeutunpetitrireamer.–Arrête.J’ailucequetuasécritsurmoi.Jetripotailesbretellesdemonsacàdos.Sansdéconner,Regan,biensûrqu’ellel’alu!–Julie,je…Je ne savais pas comment finir ma phrase. Les mots restèrent comme suspendus entre nous.

Pourquoi avais-je écrit ces choses sur elle ? Je ne la détestais pas. Vraiment. En fait, je ne laconnaissais pas assez bien pour avoir une opinion à son sujet. Alors pourquoi avais-je fait ça ?ProbablementpourfairerireAmber.Lahontemebrûlaitcommedel’acide,etjebaissailesyeux.–Alorspourquoi?demanda-t-elle.Jelevailesyeuxetvissalèvreinférieuretrembler.–Qu’est-cequejet’aifait?insista-t-elle.Mabouche s’ouvrit, puis se referma.Lesmotsnevenaient pas.Aucunmotn’aurait pu expliquer

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pourquoij’avaisditceschosesterribles.Ladeuxième cloche sonna.Ni elle nimoi ne bougeâmes.Le silence restait suspendu entre nous,

lourdetpoisseux.Lorsquejenepusensupporterdavantage,jesecouailatête.–Jen’aipasderaisonàtedonner.J’imaginequejesuisvraimentlapersonnehorriblequetoutle

mondedit,c’esttout.Pendant une seconde, elle sembla vouloir rétorquer quelque chose, puis elle secoua la tête et se

retournaverssoncasier.Elleseremitàfeuilleterseslivres.Ellen’avaitpasbesoindemedired’allermefairefoutre,j’avaistrèsbiensaisilemessage.Maisquelquechosememaintenaitclouéesurplace.Auboutd’uneseconde, Julie jetauncoupd’œilpar-dessussonépaule, les sourcils froncés, l’air

confus.–Tuveuxquelquechose?La gorge sèche, je dus avaler plusieurs fois ma salive avant de pouvoir répondre. En politique

commedanslavie,mamèrenes’excusaitjamaispourrien.Elledisaittoujoursques’excuservousrendaitresponsable,etqu’unpoliticienn’acceptaitjamaisd’êtretenuresponsabledequoiquecesoit.Toute ma vie, j’avais vécu selon ses règles. Après tout, c’était grâce à elles qu’elle était arrivéeexactementlàoùelleavaitvoulu.Jecommençaisàcomprendrequelàoùellevoulaitêtreetlàoùjevoulaisêtreétaientpeut-êtredeuxendroitsbiendistincts.– Julie, dis-je, même si tu neme crois pas, je veux que tu saches que je suis vraiment désolée

d’avoirditceschoses.Ellesétaientcruelles,etjenelespensaispas.Je…j’étaisjusteuneconnasse.Ellerestauninstantàmeregarderfixement,etjevisqu’elledoutaitdemasincérité.Maismoi,jene

doutaispas.J’avaispenséchaquemotquej’avaisprononcé,etpasseulementparcequ’Amberavaitaffiché mes messages et que j’avais été humiliée. J’étais sincèrement désolée de l’avoir blessée.J’étais désolée parce que je détestais la façon dont elle me regardait, les yeux emplis d’uneappréhensiondontj’étaislaseuleresponsable.Lessecondespassèrent,etJulienedisaittoujoursrien.Jen’étaispasstupide.Jesavaisquem’excusern’annuleraitpasleschosesquej’avaisditessurelle,

même si je n’avais jamais eu l’intention de les voir affichées aux yeux de tous. Je n’allaisprobablementjamaispouvoirmeracheterpourladouleurquej’avaiscausée.Pourtant,lesnœudsquiserraientmapoitrineserelâchèrentlégèrement.– Je ferais mieux d’y aller, dis-je en commençant à reculer. J’espère que tu vas retrouver tes

devoirs.–Ouais…Ellemeregardam’éloigner.Sonexpressionnerévélaitriendecequ’ellepouvaitpenserdemoi,de

mesexcuses,oudequoiquecesoit.Puiselleajouta:–Merci.Jehochailatête,puismedirigeaiversmasalledecours.C’estalorsquejelerepérai,deboutàcôté

descasiers,sonportableàlamain.Nosregardssecroisèrent,etilabaissalentementsontéléphone.Jemepréparaiàunnouveaucommentairesarcastique,maisaulieudeça,ildéclara:–Honnêtement,jenesavaispasquetuenavaisun,Flay.Jecroisailesbras.–Quej’avaisquoi?Il sourit largement avant de tourner au coin du couloir et de disparaître à ma vue. Sa réponse,

cependant,résonnalongtempsaprèssondépart:–Uncœur.

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CHAPITRE8

Aprèsl’appel,jemeglissaidanslescouloirs,latêtebaissée,espérantnepasêtrereconnue.J’étaisà

mi-chemindemadeuxièmesalledecoursquandjerepérailecopaind’Amber,Jeremy,quis’avançaitdansmadirectionavecdeuxdesespotesducoursdelutte.Monestomacsenoua.J’accélérailepas.J’avais la ferme conviction que la cavité de son crâne, là où le cerveau aurait dû se trouver, étaitentièrementrempliedetestostérone.Iln’yavaitqu’unechosequ’ilaimaitdavantagequetabassersesadversairessurlering,c’étaitsebastonneraveclesautresélèvesdanslescouloirs.Jen’avaismêmepasfaitdeuxmètresquesamainserefermasurmonbras.–Hey,Rey!Jeremysepenchasurmoi.Ensentantsonsouffledansmoncou,jeparvinstoutjusteàréprimerun

haut-le-cœur. J’aurais dûme douter que ce n’était qu’une question de temps avant qu’il vienne sefoutredemoi.Iladoraits’enprendreauxpersonneslesplusvulnérablesdel’école,etencemoment,j’étaisentêtedeliste.–Nemetouchepas!fis-jeenmelibérantd’uncoupd’épaule.Iléclataderireetlevalesmains.–Héoh!Pasbesoindefairelagueule,j’essayaisjusted’êtreamical.Ilparaîtquetun’aspastrop

d’amisencemoment…Sansprendrelapeinederépondre,j’accélérailepas.Ilfitdemême,calquantsonalluresurlamienne.– Je sais que tu nem’aimespas, dit-il.Que tu nem’as jamais apprécié.Mais ça, c’est seulement

parcequetunemeconnaispas.Ilpassaunbrasautourdemoncouetm’attiracontre lui.Sonparfumfortetépicémebrûlait les

narines.J’essayaidelerepousser,maisilresserrasaprise,mecoupantpresquelesouffle.–Donne-moiunechance. Jeparieque tu te rendrascompteque je suiscapabled’être trèsgentil.

Vraimenttrèsgentil.Sesamiss’esclaffèrentderrièrenous.De la bile me brûlait le fond de la gorge. Je me débattis pour me libérer, mais il me tenait

fermement.Jesavaisqu’iln’étaitpasassezstupidepourtenterquoiquecesoitaubahut,maismalgrétousmeseffortspourgardermoncalme,ilavaitréussiàmetapersurlesnerfs.–Lâche-moi,bordel!Ilgloussaetnebougeapas.Toutautourdenous,d’autresélèvesallaientencoursmaispersonnene

semblaitrienremarquer–oubienpersonnenes’ensouciait.Le Syndrome du Témoin. C’était un phénomène que j’avais étudié en cours de psychologie en

seconde.Enbref, il était rarequ’ungroupedepersonnesvienne en aide à quelqu’unqui avait desennuis,puisquechacunsupposaitqu’unautreallaitlefaire.C’étaitexactementcequiétaitentraindem’arriver.Jeremysepenchasurmoi,seslèvresàuncentimètredemonoreille.

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–Allez,Rey!Etsionpassaitunpeudetempsensemble,touslesdeux?Situarrêtesdejouerlesgarces,jepariequ’onpourrabiens’amuser.Jeserraistantlesdentsqu’unesourdedouleurmetransperçalamâchoire.Jevoulaiscrier,maisje

nepouvaispasmepermettredeperdremoncalme:c’étaitexactementcequ’ilvoulait.–Lâche-moi.Maintenant,hurlai-je.J’étaissurlepointd’ajouterquepasserdutempsavecluiétaitladernièrechosedontj’avaisenvie,

maisunemainl’attrapasoudainparl’épauleetletiraenarrière.Brutalementlibérée,jetrébuchaietpercutaiplusieurspersonnesavantderetrouverl’équilibre.– Dites donc, c’est intime ici ! fit Nolan en passant devant moi, faisant face à Jeremy, les bras

croisés.Commentçasefaitquej’aipasétéinvité?Monesprit tourbillonnait. J’essayaisdecomprendrecequisepassait.Nolann’était toutdemême

pasentraind’essayerdem’aider?Jeremys’appuyacontreuncasierpournepastomberenarrière.Sesdeuxamisseprécipitèrenten

avant,maisillesarrêtad’unemaintendue.Lamâchoireserrée,ilfusillaNolanduregard.–Personnenet’ainvitéparcequetuestaré.Maintenant,dégageavantquejetepètelesdents.Nolansouriait,maissonexpressionn’avaitriend’amical.Ilfaisaitquelquescentimètresdeplusque

Jeremyetdutbaisserlatêtepourleregarderdanslesyeux.–Cen’estpastrèsgentil,surtoutaprèstonpetitdiscours…Jecroyaisquetuvoulaist’amuser?Ça

tombaitplutôtbien,parcequemoij’adorejouer,ajouta-t-ilenfaisantcraquersesphalanges.J’avais l’impression d’être dans un étrange cauchemar. Il devait y avoir une explication. Nolan

avait-iltoutorganisépourm’humilier?Maissic’étaitunecomédie,elleétaitsacrémentbienfaite.Laviolenceélectrisaitl’air,attirantdesélèvescurieux.LanuquedeJeremydevinttouterougeetsesnarinessegonflèrent.–Tuasvraimentenviedetebattre?ricana-t-il.J’aitoujourssuquetuétaisunputaindeloser,mais

jenesavaispasquetuétaissuicidaire.Etenplus,dequoitutemêles?C’estpascommesic’étaittacopine!Nolanplissalesyeux.Sonsouriredisparutdesonvisage.–Regant’aditdelalaissertranquilleettunel’aspasécoutée,répondit-ilsimplement.Je restai sous le choc. Ce n’était pas un coup monté. Nolan voulait vraiment m’aider… mais

pourquoi?Àprésentquej’étaislibéréedeJeremy,jevoulaisjustecourirmemettreensécuritédansma salle de cours, mais mes pieds refusaient de bouger. J’étais clouée sur place par un bizarresentimentdeloyautéenversNolan.Biensûr,c’étaitunabruti,maisunabrutiquim’avaitdéfendue.Jenepouvaispasl’abandonner.–Depuisquandt’esflic?demandaJeremy.Nolanseredressa,lesépaulesenarrière,lespoingsserrés.–Depuisquelesconnardsdanstongenrenecomprennentpaslemot«non».–«Non?»répétaJeremyavecunsouriregoguenard.Commentunetarlouzecommetoipourrait

savoircequeveutunemeuf?Regancherchaitqu’àm’allumer.Toutlemondesaitquec’estunepute.J’enrestaibouchebée.Jecomprenaispourquoitoutlemondemetraitaitdegarce,maisunepute?

Jen’étaismêmejamaissortieavecungarçon.LamâchoiredeNolansetendit.Lorsqu’ilparla,savoixétaitbasseetmenaçante.–Présente-luitesexcuses.Plusieursvoixexcitéess’élevèrentderrièremoi.Commejenecomprenaispascequ’ellesdisaient,

je me retournai et vis le gardien chargé de la sécurité du lycée se diriger vers nous. Mon cœurs’emballa. L’école avait une politique de tolérance zéro en ce qui concernait les bagarres. Je me

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foutaisdecequiarrivaitàJeremy,maisjenepouvaispaslaisserNolansefairevirerpourm’avoirsecourue.Jemerapprochaidelui.–Tuveuxquejem’excuse?s’esclaffaJeremy.Vatefairefoutre!Etelleaussi!–Tuvasleregretter,ditNolanenprenantsonélanpourfrapper.Jemeruaienavant.–Non!Levigilesefrayaitunchemindanslafoule.JesautaipourattraperlebraslevédeNolan,maisce

dernier était plus fort que je le croyais. Au lieu de rabaisser son poing, je me retrouvai presquesuspendueenl’air,accrochéeàsonbiceps.Iltournalatête.Vul’expressiondesonvisage,ilétaitclairqu’ildoutaitdemasantémentale.Puisil

aperçutlegardienderrièrenousetabaissalentementsonbras,mereposantsurmespieds.Legardienfronçalessourcils,lamainagrippéeàsaceinture.–Qu’est-cequisepasseici?Lesélèvesquinousentouraients’éparpillèrent,commedescafardsquisedispersentsousunrayon

delumière.MêmelesdeuxamisdeJeremyl’abandonnèrentsansunregardenarrière.Jeremy ne sembla pas s’en rendre compte. Toute trace de colère disparut de son visage, qui

s’illuminad’unlargesourire.Apparemment,ilavaitl’habitude.–Commentça,qu’est-cequisepasse?fit-il.Ontraînetranquillement.Auxdernièresnouvelles,ce

n’estpasuncrime.–Ouais,biensûr.Legardienserraleslèvresetsetournaversmoi.–Regan,est-cequ’ilsepassequelquechosedontjedevraisêtreaucourant?Jeme recroquevillai.Bien sûr, il connaissaitmonprénom.Et comme jenevoulaispasm’attirer

d’ennuis,pasplusquejen’envoulaispourNolan,jesecouailatête.–Onétaitjuste…entraind’allerencours.LesouriredeJeremys’élargitencoreunpeuplus.–Excusez-moi, intervintNolan,mais ce n’est pas du tout ce qui se passait.Avant quevous nous

interrompiezsigrossièrement,jem’apprêtaisàbotterleculdecemec.Sérieusement,illeméritait.LesouriredeJeremys’évanouit.Legardiensoupiraettirasursaceinture.–Voustrouvezçadrôle?Onvavoiràquelpointlaproviseurevoustrouveraamusantquandvous

irezlavoirdanssonbureau.Nolaninclinalatête,commepourréfléchiràl’invitation.Maisavantqu’ilpuisseendireplus,jelui

donnaiuncoupdepieddansletibia.–Aïe!Ilsetournaversmoi.–Vousavezvuça?fit-ilaugardien.Jeviensd’êtreagressé.Sortezlalacrymo,menottez-la!Cette

filleestunemenace!Uneveinepalpitaitsurlatempedugardien.Jevoyaisqu’ilperdaitpatienceàvitessegrandV.–Jesuisvraimentdésolée,luidis-je.Cen’estqu’ungrosmalentendu.Onvatousallerencours,et

jevousprometsqu’iln’yauraplusdeproblèmes.AvantqueNolanpuisseajouterquelquechosedestupide,jel’attrapaiparlebrasetleserraiaussi

fortquepossible.–Bonneidée,répliqualegardienenplissantlesyeux.Maintenant,dégagezdemoncouloir.

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Jeremybaissalatêteets’éloignaaupetittrotNolan ouvrit la bouche,mais je le tirai par le bras, ne lui laissant pas d’autre choix que deme

suivre.Jenerelâchaimaprisequelorsquenousfûmeshorsdeportée.–Bonsang,murmura-t-ilen frottantsonbrasendolori. Jesavaisque tuétaisméchante,maispas

quetuétaisaussiviolente.Tuasdéjàpenséàsuivredescoursdeyoga?Incroyable.Jemeplantaidevantluipourleregarderdanslesyeux.–Tutefousdemoi?Ettoi?Ont’adéjàditquetunesavaispaslafermer?Ilcroisalesbrasetsouritd’unairmoqueur.– C’est pas parce que je refuse d’être un lèche-bottes qu’il faut être aussiméchante. Après tout,

l’honnêtetéesttoujourslameilleuretactique.D’habitude,jefaisaistousleseffortsdumondepouréviterlesconfrontations,maisquelquechose

chezNolanmedonnaitenvied’enroulermesdoigtsautourdesoncouetdeserrertrèsfort.–T’esqu’unabruti.–Ohbien,onenestrevenuauxinsultes.Jecommençaisàm’inquiéter,j’avaisl’impressionqu’on

commençaitàbiens’entendre.–Commesiçapouvaitarriver!Jepivotaisurmestalonsetpoursuivismarouteversmasalledeclasse.Nolanmerattrapatrèsvite.–OhmonDieu,murmurai-je.Pourquoitunepeuxpast’empêcherdemesuivrepartout?Ilsecoualatête.–Jenetesuispas.Onacoursensemble.Jedoisallerparlà.Undébutdemigrainemevrillaitlesorbites.J’allaisencoreêtrebonnepourunnouveauvoyageà

l’infirmerie.Maisaumoins,cettefois,çaseraitseulementpourunIbuprofen.–Tunepeuxpasaumoinsmarcher,jenesaispas,là-bas?fis-jeendésignantd’ungestel’autrecôté

ducouloir.Ilhaussaunsourcil.–Pourquoi?Tuaspeurquetonnouveaustatutdepariaternissemonextraordinaireréputation?–Pastoi?Ilhaussalesépaules.–Jenem’inquiètepaspourcegenredechose.Contrairementàtoi.Jefislamoue.JenesavaispascommentPaytonavaitpuvivredanslamêmemaisonqueluipendant

toutescesannéessansl’assassinerdanssonsommeil.–Sérieux,Nolan,je…Ilm’interrompitd’ungrandsoupirmélodramatique.–Trèsbien.Situt’enfaispourça,jevaisclarifierleschosesdèsmaintenant.Ils’arrêtaetmitsesmainsenporte-voixau-dessusdesabouche.Unfrissondepaniquemeparcourut.Jenesavaispascequ’ilallaitfaire,maisçanesentaitpasbon.

Jebaissailatêteetaccélérailepas.Avantquejepuisseallerbienloin,Nolanfiladevantmoietmebloqualepassage.–Oyez,bonnesgens!Ceciestunmessaged’intérêtpublic!Jesuisseulementen traind’alleren

cours enmarchant à proximité de Regan Flay. Ça ne signifie pas que je suis de quelquemanièreassocié ou apparenté à elle. Notre proximité lors du changement de salle n’est qu’une purecoïncidence!Il rabaissa sesmains pourme regarder – comme tout lemonde dans le couloir. Lamoitié riait,

l’autremoitiélevaitlesyeuxaucieletlançaitàNolandesregardsagacés.Mesjouesétaientsibrûlantesquej’avaisl’impressionquemapeauallaitsemettreàfondre.

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Nolansourit.–Satisfaite?Jelefusillaiduregard.–Tuesmalade?Situveuxmesatisfaire,fous-moilapaix.Jelecontournaietcouruspresquejusqu’àlasalledelittératurecontemporaine.J’entraientrombe,sousleregardsuspicieuxdeMadameLochte.Aussinonchalammentquepossible, je ralentis l’allureetm’assisaupremier rang,aussi loinque

possibledelaplacehabituelledeNolan.Lorsqu’ilentradans lasalle, jebaissai lesyeuxsurmonsacàdosetprismontempspoursortir

meslivresetlesempilerproprementsurmonbureau.–Pssst,murmuraunevoix.Ma gorge se serra. Jeme figeai. S’il vous plaît, monDieu, non. Lentement, je me tournai pour

découvrirNolanquimesouriait,assisàlatabled’àcôté.Ilmefitunsignedelamain.Jebaissai la têteetpassaimesdoigtsdansmescheveux,espérant soulager lapressionqui s’était

installéedansmoncrâne.Mêmesijecroyaisaukarma,avais-jecommisdesactesassezterriblespourmériterleharcèlementsansfindeNolan?–Pssst,fit-ilencoreplusfortcettefois.Lorsque le cours aurait commencé,Madame Lochte ne tolérerait plus lemoindre bavardage. Je

savaisqueNolansefichaitdes’attirerdesennuis,etj’étaisprêteàparierquesijeneluirépondaispasmaintenant,ilcontinueraitàm’appelerjusqu’àcequejecède.Jeretroussaileslèvresenunegrimacemenaçante.–Quoi?Ilposasonmentondanssonpoing.–Cen’estqu’uneintuition,maisj’ail’impressionquetunem’aimespas.Jemeretournaiversletableau,ouvrismoncahieretdécapuchonnaimonstylo.–MerciSherlock,murmurai-je.–Pourtant,jet’aiaidéetoutàl’heure…AvecJeremy.C’étaitdoncàçaqu’il jouait? IlpensaitavoirgagnéunpasseVIPpourmeharceler,simplement

parcequ’ilm’avaitaidéeàmedébarrasserdeJeremy?–Jenet’aijamaisdemandédem’aider.Jemedébrouillaistrèsbientouteseule.Ilricana.–Maisbiensûr…Jem’apprêtaisàrépliquer,maislaclochem’interrompit.MadameLochteselevadesonbureauet

se plaça devant la classe. Elle effleura le tableau tactile, et un livre d’images avec un chiot sur lacouvertureapparut.– Aujourd’hui, nous allons évoquer les livres d’images pour enfants et étudier leur structure

tripartite.Jemeréjouisensilence.Àprésent,Nolannepourraitplusm’ennuyersansattirerl’attentiondela

prof.Jemecalaiaufonddemachaiseet inscrivis livresd’images surmoncahier.MadameLochtecommença à lire le livre à voix haute. Elle avait lu deux pages quand unmorceau de papier pliéatterritsurmonbureau.Jetapotaimonstylosurmoncahieretpoussaiunprofondsoupir.J’avaisprismesdésirspourdes

réalités.–Psssst,murmuraNolan.Commeilneserendaitcomptederienetnecontrôlaitpaslevolumedesavoix,sonmurmureattira

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l’attentiondelaprofquilevalesyeux,lessourcilsfroncés.Sonregardpassasurnoustous,etjenepusm’empêcherdemerecroquevillerquandiltombasurmoi.Ellemefitendurerplusieurssecondesdesonregardglacial,puisseretournaenfinpourreprendresalecture.Les rubans d’angoisse qui me comprimaient la poitrine se détendirent. Je jetai un coup d’œil à

Nolan,quimesouriaittoujours.IldésignalepapierposésurmonbureauetarticulasilencieusementlesmotsDéplie-le.Jesavaisqu’ilnelâcheraitpasl’affairesijerefusais,alorsjedépliaiprécautionneusementlepetit

triangle de papier et le lissai jusqu’à ce qu’il tienne à plat sur mon bureau. Écrite d’une écriturebrouillonne se trouvait la question :Est-ce que tu m’aimes bien ? En dessous, deux cases étaientdessinéesaveclesmotsouietnon.OhmonDieu,j’avaisaffaireàunélèvedematernelle!–Réponds,murmura-t-il.Mamâchoireétaitsiserréequemesdentsmefaisaientmal.Jeprismonstyloetcochainonavantde

luirendrelepapier.Nolanygriffonnaquelquechoseetmelerendit.Àboutdepatience,jebaissailesyeuxsurlepapier

pourytrouverunenouvellequestion:Pourquoi?CommeMadameLochtelisait toujours, jenotai :Iln’yapasassezdeplacesurcepapierpoury

fairelalistedetoutesmesraisons.Etjeposailepapiersursonbureau.Illelut,sourit,puisinscrivituneréponsequ’ilmetendit.Engrandeslettresgrassesétaientécritslesmots:Parlons-enaudéjeuner.Je failliséclaterde rire.Commesi j’allaispasser toute l’heuredemidià l’écouter semoquerde

moi et me faire des reproches. Et puis, si j’avais le moindre espoir de rebâtir ma popularité, ladernièrechosedontj’avaisbesoinétaitdelaruinerencoredavantageentraînantaveclemecleplusbizarredulycée.Jerépondisnon,fisunebouletteaveclepapieretlajetaisursonbureau.Ildéplialabouletteetregardafixementmaréponse.Unesecondeplustard,ilsetournaversmoi,

maisavantqu’ilpuissedirequelquechose,MadameLochtedemandasiquelqu’unpouvaitexpliciterlamétaphoreentrelamèreperduedupetitchiotetlasociétémoderne.Soulagée, jeme détendis et fis demonmieux pour être attentive au cours.Malheureusement, le

souvenirdubrasdeJeremyserréautourdemoncounecessaitdemehanter.Rienqu’àcettepensée,mon cœur s’emballait et les mots de Madame Lochte se mêlaient pour ne plus former qu’unbourdonnement incohérent. Amber avait-elle envoyé Jeremy ? Ou avait-il décidé de me harcelerparcequ’ilpensaitquepersonnenel’enempêcherait?Maisquelqu’unl’avaitarrêté.Lorsque la cloche sonna, je me levai et rassemblai en hâte mes affaires. Je préférais encore

affronter le couloir qu’être obligée de subir Nolan. Dès que j’eus refermé mon sac à dos,MadameLochteapparutdevantmonbureau.Ellehaussaunfinsourcilroux.–MademoiselleFlay?MonsieurLetner?Restezassis,s’ilvousplaît. Il fautquenousayonsune

discussion.Un lourd sacde sable s’abattit surmonestomac. Jeme laissai retomber surmachaise.C’était le

deuxièmejourdesuiteoùellemedemandaitderesteraprèslecours.Cen’étaitpasbon.Àcôté,Nolansouritethaussalesépaulesd’unairpeuenthousiaste.–Biensûr.C’esttoujoursunplaisirdepasserdutempsavecvous.MadameLochtecroisalesbras.

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–Charmant,MonsieurLetner.Elleattenditquelesderniersélèvessoientsortis,puiss’assitsurleborddesonbureau.– Je n’ai pas pum’empêcher de remarquer à quel point vous aimiez écrire pendantmon cours,

déclara-t-elleenfin.Le poids qui lestait mon estomac s’alourdit à tel point que je crus passer à travers ma chaise.

Commentavait-ellepunousvoir?J’avaispourtantfaitattention.–Etpuisquevousaimeztantécrire,poursuivit-elle,j’aidécidédevousdonneràtouslesdeuxun

devoir supplémentaire.Vous allez travailler ensemble surun livred’imagespour lundi.Vous allezécrirel’histoire,MademoiselleFlay.EtcommeMonsieurLetneraimetellementl’art,ajouta-t-elleendésignantlespetitsdessinsgribouilléssursoncahier,ils’occuperadesillustrations.–Non!m’écriai-je.Machaisebasculasursesdeuxpiedsarrière,jeretrouvail’équilibredejustesse.–Vousnecomprenezpas!Jenepeuxpastravailleraveclui!Ilest…insupportable.–Oh ? fitMadameLochte en inclinant la tête. Pourtant vous sembliez bien vous entendre quand

vousvouspassiezdespetitsmotspendantmoncours.Elleselaissaglisserdesonbureauetnousmontralaporte.–Leprojetestàrendrepourlundi.Sivousnerendezrien,vousserezcollés.Vouspouvezdisposer.–Mais…commençai-je.–Vouspouvezdisposer,répétaMadameLochte.Ellefitletourdesonbureauets’assit,reportantsonattentionsursonordinateurportable.JejetaiunregardnoiràNolan,quisemblaitsurlepointd’éclaterderire.Lacolèrequimontaiten

moidepuislematinatteignaitdesproportionsépiques.–Tu…Ilyavaitenvironunmilliondenomsd’oiseauquej’avaisenviedeluidonner,maisavecMadame

Lochteassiseàquelquespasdenous,jenepusquerépéterunseulmot:–Tu…Ilcontinuaitàsourire.Jemevisl’attraperparlescheveuxetluicognerlatêtesursonbureau.Le

fantasmemesoulageaàpeine.–Onva être obligés de se voir ceweek-endpour travailler sur le livre, dit-il.Chez toi ou chez

moi?Jegrognaietsortisaupasdecharge.Jen’avaismêmepasbesoindemeretournerpour levoir :

j’entendais son foutu sourire dans sa voix. Ce serait unmiracle si nous parvenions à terminer ledevoir.Jerisquaisplutôtdelemassacreravantmêmequenousayonscommencé.

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CHAPITRE9

–Regan!appelaunevoixgravederrièremoi.Non, non ! Pas moyen que j’accepte encore de me laisser martyriser par Nolan ! Et comme il

n’allaitpasmettrelongtempsàmerattraperavecseslonguesjambes,jefonçaiversleseulendroitoùilnemesuivraitpas.–Regan.Attends!J’étais hors d’haleine en arrivant devant les toilettes des filles. Ces mêmes toilettes qui nous

servaient de quartier général avec Payton et Amber quand nous voulions dire du mal de tout lemonde.Cesmêmestoilettesoùjem’étaiscachéelaveille.Commeellessetrouvaientdanslapartielaplus ancienne du bâtiment et avaient désespérément besoin d’une bonne rénovation, la plupart desfillespréféraientleséviter.Enpoussantlalourdeporte,jefussoulagéeden’ytrouverpersonne.Jem’approchailentementdeslavabosetposaimonsacsurlaporcelainecraquelée.J’allaisavoirbesoind’aidesijevoulaissurvivreàcettejournée.Jefouillaidansmonsac,àlarecherchedemonflacondepilules.–Ah,tueslà,fitunevoixquirésonnasurlesmurscarrelés.Jesursautaietretiraimamaindemonsac.Nolanentradanslestoilettesetlaissalaporteserefermerderrièrelui.Ilpassaunemaindansses

cheveuxetregardaostensiblementtoutautourdeluiavantdepousserunlongsifflement.– C’est vraiment…merdique. Pas du tout ce à quoi je m’attendais. Où sont les méridiennes en

velours?Etlemecensmokingquivousdonneuneserviettequandvousavezfinidevouslaverlesmains?Jem’appuyailedoscontrelelavabo.Iln’yavaitqu’unesortie,etNolanlabloquait.–Tunepeuxpasentrerici.Tuvastefairevirer.Illevalesmains.–Oh,non!Pitié,nemechassezpasd’unendroitquejedéteste!Ils’appuyacontrelelavabovoisindumienetcroisalesbras.IlfallaitbienêtreNolanpouravoir

l’airaussinonchalantdanslestoilettesdesfilles…–Jen’avaispaslechoix,ilfallaitquejeteparle.Ilfautqu’onprépareceprojet.–Tusais,cen’estpaspourrienquejet’évite.Onnepeutpasseblairer.Jepassailalanguesurmeslèvresetregardailaporte.Toutcequ’ilmefallait,c’étaitquequelqu’un

entreafindedistraireNolanassezlongtempspourmepermettredem’échapper.–Nepasseblairer,c’estunpeufort.Jepenseque«sedétester»estplusapproprié,non?Des voix dans le couloirm’empêchèrent de répondre. J’espérai queNolan se fasse griller,mais

lorsquelesvoixs’approchèrent,monexcitationlaissaplaceàlaterreur.Amber.Merde.Lapeurmenoual’estomac.Leseulmoyenpourmoidesurvivreàmachutedepopularité

était deme fairediscrète jusqu’à cequemon scandaledeviennede l’histoire ancienne, etme faire

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surprendre dans les toilettes seule avec Nolan allait ruiner toutes mes chances de rester loin desprojecteurs.Etcommetoutefuiteétaitimpossible,nousdevionsnouscacher.–Viens!fis-jeenluiattrapantlebras.Ilouvritdegrandsyeux.–Qu’est-cequetu…–Chut!soufflai-je.Jel’entraînaidanslestoilettespourhandicapésetverrouillailaportederrièrenous.Il s’apprêtaàprotester,maisavantqu’ilpuissedirequelquechoseet trahirnotreprésence, jeme

jetaisurluietplaquaimamainsursabouchejusteaumomentoùlaportes’ouvraitengrinçant.Jelepoussaicontrelemurdufondetpriaiensilencepourquepersonneneregardesouslaporte.–Jen’arrivepasàcroirequ’elleaitessayédedraguertonmec!s’écriaunefille.Je me penchai pour regarder par l’ouverture de la cabine. Je voulais voir si Payton était avec

Amber.Non.Lafillequivenaitdeparlern’étaitautrequeTaylorBradshaw,lafillequiavaitprismaplacedansl’équipe.Apparemment,Ambers’étaitdégotéunenouvellegroupie.–ÇamontreseulementlegenredemeufqueReganestvraiment,répliquaAmber.Unesalepute.MamaintombadelabouchedeNolanetmapeurd’êtredécouvertes’estompa,laissantlaplaceàun

horriblesentimentdevide.–Ilparaîtqu’elles’estquasimentjetéesurJeremyjusteavantlatroisièmeheuredecours,déclara

Taylor.Ambers’esclaffa.–Pathétique,hein?Elleadûcroirequ’ellepourraitregagnersapopularitéousevengerdemoien

couchantaveclui.Commes’ilavaitenviedetoucheràsongrosculdepute!Monpoulsbattaitviolemmentsurmestempes.Commesi,demoncôté,j’avaisenvied’approcher

cetabruti!Apparemment,soitJeremyavaitracontéàAmberuneversion trèspersonnelledenotrerencontre,soitelleétaittropconnepourvoirlavéritéenfaceausujetdesonperversdecopain.LorsqueNolanm’attrapaparlebraspourmetirerenarrière,jemerendiscomptequej’avaistendu

lamainverslapoignéedelaportedelacabine.J’avaisenviedemedébattre,demerueràl’extérieuretdemejetersurAmber,mêmesijesavaisquec’étaitsynonymederenvoietquemamèrenemelepardonneraitjamais.Jem’enfoutais.Enfait,jetrouvaisçadeplusenplusdurdem’inquiéterdequoiquecesoit.J’entendislebruitd’untubederougeàlèvresqu’onouvre.–Elleadelachancequejenel’aiepascroiséeaujourd’hui,déclaraAmber.Jeluiauraisfoutula

racléedesavie.Àcesmots,unevaguedefrissonsm’assaillit.Ilsmontèrentenpuissancejusqu’àcequemesdents

se mettent à claquer. Génial. Ce n’était pas le moment de faire une crise de panique, mais je nepouvais rien faire pour l’empêcher. Nolan m’attrapa par les épaules et m’attira contre lui,m’enveloppantdesesbrasetdesachaleur.J’auraisdûreculer–sesbrasétaientledernierendroitoùj’auraisdûavoirenviedemetrouver–,maisjen’enavaispaslaforce.Etmêmesicettepenséemerévulsait,sontorseétaittièdeetsesbrasétaientforts.Jemesentaisensécuritépourlapremièrefoisdepuislongtemps.Taylorgloussa.–Jepaieraischerpourvoirça.–Oh,chérie,tun’auraispasàpayer.J’entendisleclicdutubederougequ’Amberrebouchait.– Je le ferai gratos. Et je parie que je ne seraimême pas suspendue.Vu comme toute l’école la

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détesteencemoment,ilsferaientsûrementunefêteenmonhonneur.–Carrément!–Jevaistedireunechose,repritAmber.Lesbruitsdeleurspassedirigèrentverslaporte.–Sielleposeencoreneserait-cequ’unefoislesyeuxsurJeremy,jelesluiarrache!Laportedestoilettesgrinça,etlesbruitsdeleurspass’éloignèrentdanslecouloir.Malgréleurdépart,jerestaidanslesbrasdeNolan.J’avaisenviedelerepousser,deluicrierdeme

laisser tranquille,mais je savais que s’ilme lâchait, j’allaism’effondrer comme une loque sur lecarrelagecraquelé.Sesbrasétaientlaseulechosequimemaintenaitdebout.Mesjouesetmesyeuxmebrûlaient.Unseulclignementdepaupières,etj’allaisfondreenlarmes.

Unseulclignementdepaupières,etNolanauraittoutcequ’ilvoulait.IlauraitvuReganFlaysebrisersoussesyeux.Ilsauraitàquelpointj’étaisfaibleenréalité.Mesyeuxsetroublèrent.Jesavaisquejenepourraispasleslaisserouvertspourtoujours.Jecillai.Jedus invoquermesdernières forcespourm’arracher à sonétreinte. J’enfouismonvisagedans

mesmains etme blottis dans le coin le plus éloigné de lui. Je ne pouvais pas le laisserme voirm’effondrer.–Regan.Lafaçondontilavaitprononcémonnométaitdifférente.Plusdouce.Plushésitante.Jesecouailatête.–S’ilteplaît,va-t’en.Ilnebougeapas.Mevoirtomberenmorceauxdevaitêtretropirrésistible.Aprèstout,n’était-cepas

cequ’ilavaitvouludepuisledébut?Ilm’avaitditquejenetiendraispasunesemaine,etilavaiteuraison.Je refusais de le regarder. Il avait probablement sorti son putain de téléphone pour filmer ma

débâcle.–S’ilteplaît,Nolan.S’ilteplaît,va-t’en.Unsilences’installa,puisilrépondit:–Jenecroispasquetudoivesresterseule.Malgréleslarmesquicoulaientsurmesjoues,jem’esclaffai.–Vraiment?J’essuyaimesjouestrempéesdureversdelamainetmetournaiverslui.–Tuvasvraimentfairecommesituenavaisquelquechoseàfoutre?Sonvisageétaitplussérieuxquejamais.Pasmêmel’ombred’unsouriresurseslèvres.–C’estpasparcequ’onnes’entendpasquej’aienviedetevoirblessée.Jenesuispasunmonstre.Venantdumecquin’arrêtaitpasdemeharceler…–Peuimporte.Va-t’en,c’esttout.Ilnebougeapaspendantquelquessecondes,puishochalégèrementlatête.–Sic’estcequetuveux.–C’estcequejeveux.–OK.Ilouvritengrandlaportedelacabineetfitunpasàl’extérieur.Aussitôt,sesyeuxseposèrentsur

les miroirs et il pinça les lèvres. Il murmura quelque chose, mais ses mots ne furent qu’ungrognementindistinct.Curieuse de voir ce qui l’avaitmis soudainement en colère, je sortis la tête de la cabine. Sur le

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miroirdumilieu,écritaveclerougeàlèvressignatured’Amber,s’étalaientlesmots:REGANFLAYESTUNESALEPUTE.Unpoidssuffocants’abattitsurmapoitrine.Reprendremonsoufflemecoûtamesdernièresforces,

etjem’effondraicontrelaportedelacabine.– Ça commence à devenir incontrôlable, marmonna-t-il en attrapant une serviette en papier du

distributeurautomatique.Ilessuyalesmotsinscritssurlemiroirjusqu’àcequ’ilneresteplusqu’unelonguetrainéerouge

vif.Lorsqu’ileutterminé,ilchiffonnalepapierdanssamainetmeregardalonguement,sapoitrinesesoulevaitaurythmedesarespirationsaccadée.LoindelachaleurdeNolan,lesfrissonsrevenaient.

Jeserraisdésespérémentlesbrascontremapoitrine,maisrienn’yfaisait:jenepouvaisleschasserseule.Jepréféraisnepaspenseràcequecelasignifiait.Nolanenlevasonblazeretleposasurmesépaules.Ilétaitchaudetavaitsonodeur,cemélangede

pin et d’agrumes que j’avais senti dans le couloir. La chaleur pénétramon corps et, peu à peu, jecessaidetrembler.Merde.Jenecomprenaispas.Nolannesecomportaitpasdutoutcommed’habitude.–Pourquoi?Ilfourrasesmainsdanssespoches.–Tuavaisl’aird’avoirfroid.Sansme laisser le tempsde répondre, ilme tourna ledoset s’enalla,me laissant seuledans les

toilettes,pelotonnéedanssachaleur.

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CHAPITRE10

Cesoir-là,quandmamèreapparutdanslevestibuleàsonretourdeWashington,jedusmeretenirà

grand-peinedevomirsursesbagagesVuitton.Quandpapam’appelapourdîner,jecombattisl’enviedem’enfouirsousmescouvertures.Jesavais

quemecachern’allaitservirqu’à l’inquiéter,et ilétaitdéjàassezméfiantcommeça.Jemetraînaidoncaurez-de-chausséeetmelaissaitombersurmachaisedanslasalleàmanger.Mamère,déjàengrandeconversationavecpapaau sujetduprojetde loi sur la réformedes impôts, jeta àpeineunregarddansmadirection.Sonindifférenceauraitdûsoulagermonangoisse,maisjesavaisquecen’étaitqu’unequestionde

temps avant qu’elle tourne vers moi son regard en rayon laser. Je ne voulais pas parler de majournée, ni des pom-pom-girls, ni de rien qui lanceraitmaman dans une tirade surma tendance àruinermonaveniret,parassociation,lesien.–Regan,chérie,ditpapa.Tuasàpeinetouchéàtonassiette.Mamanmeregardad’unairapprobateur.–Peut-êtrequ’ellesurveillesonpoids,chéri.C’estbien,Regan.Avecl’électionquiarrive,ilyaura

encoreplusd’interviews,etlescamérasajoutentbiencinqkilos.Àcesmots,lefilbarbeléenrouléautourdemapoitrineseresserra.Jerepoussaimonassiette.–Jepeuxquitterlatable?–Jenetrouvepasquetuaiesbesoindeperdredupoids,déclarapapaenprenantsaserviettesurses

genouxpourlaposersurlatable.Enfait,jetetrouvemêmeunpeumaigre.Pourquoitunemangespas?Quelquechosenevapas?Sansmêmequittersonportabledesyeux,mamanagitalamaind’ungestedédaigneux,commesila

simpleidéequesafillepuisseavoirdesproblèmesétaitridicule.– C’est une sportive, Steven. Les sportifs ont besoin de surveiller leur alimentation. Au fait,

commentsepassentlesentraînements?medemanda-t-elleenposantsontéléphone.–Euh…Jemordisl’intérieurdemajoueetmeconcentraisurmonsouffle.Inspire, expire. Inspire, expire. Toute excuse que j’aurais pu inventer pour expliquer pourquoi je

n’étaispasdansl’équiperestacoincéeaufonddemagorge,bloquéeparunnœudquejenepouvaisdéfaire.Mamanplissalesyeuxetsepenchaversmoi.–Tuesbienentréedansl’équipe,Regan?–Euh…Ungrondementsourdrésonnaitdansmatête.Lesmursdelasalleàmangersemblaientvouloirse

refermersurmoi.L’airdanslapièceseraréfia,etlesbarbelésinvisibless’enfoncèrentencoreunpeuplusdansmapoitrine,m’empêchantderespirer.–Regan?

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Papaselevasivitequesachaisereculad’unetrentainedecentimètres.Ilseruaàmescôtés.–Çava,moncœur?Tuasbesoindequelquechose?Ilattrapamamain.Elleétaitenfeu.Mamanpritletempsdepliersaservietteenuncarréparfaitetdelaposeraucentredesonassiette

avant de se lever. Elle quitta la pièce pour revenir quelques secondes plus tard avec un flacon depilules.Ellel’ouvritetposaunpetitcachetrosesurlatabledevantmoi.–Prendsça.J’attrapailapilule,maismesdoigtstremblaienttantqu’ellem’échappaetretombasurlatable.–Pourl’amourduciel,Regan!Mamans’emparadelapiluleetlareposadansmamain.–Reprends-toi.J’aimeraisbien,songeai-jeenposantlapilulesurmalangueavantdel’avaleràsec.Papasortitsonportabledesapoche.–J’appelleledocteur.–Non,fitmamanenluiarrachantletéléphonedesmains.Sionappelleensoirée,ilvainsisterpour

qu’onemmèneReganàl’hôpital.C’estvraimentcequetuveux,Steven?Tafilleenferméedanslemêmeservicequelesschizophrènesetleslégumesquipassentleurtempsàsebaverdessus?Etimaginecommelapressevas’endonneràcœurjoies’ilsl’apprennent.LaréputationdelapauvreReganseraitruinée.Je savais qu’elle s’inquiétait davantage pour sa propre réputation, mais pour une fois, j’étais

d’accordavecelle.–S’ilteplaît,n’appellepas,parvins-jeàarticulerentredeuxclaquementsdedents.Je serrai les doigts sur la nappe, espérant calmer les frissons quime traversaient. Ça allait déjà

assezmalcommeçaaulycée.J’imaginaisdéjàcequim’arriveraitsitoutlemondedécouvraitquejesouffraisdedépression.–C’estqu’unepetitecrisedepanique,ajoutai-je.Jetentaidehausserlesépaules,maislemouvementétaittropsaccadépoursemblernaturel.–Onappelleralemédecindemainetonprendrarendez-vous,repris-je.L’airsoucieuxdepapas’accentua.–C’estplusqu’unesimplecrisedepanique.–C’estàcausedespom-pom-girls,c’estça?demandamaman.Tun’espasentréedansl’équipe?Jenepouvaisplusnier.Jesecouailatête.Mamanpressasesdoigtssursestempesetfermalesyeux.–Cen’estrien,murmura-t-elle,mêmesijenesavaispastropsielles’adressaitàelle-mêmeouà

moi.Ilrestetoujoursl’électionauconseildulycée.Jebaissailesyeuxsurmonassietteetnepipaimot.– Regan Barbara Flay, repritmamère d’une voix basse etmenaçante. Dis-moi que tu concours

toujoursàl’élection.Commejenerépondaispas,ellem’attrapalementonetrelevamonvisageverslesien.–Tutedrogues,c’estça?Tutedrogues!Jefailliséclaterderire.Biensûrquejemedroguais.Ellevenaitjustedemedonnerunepilule.Papapritunegrandeinspiration.–Tunetedroguespas,n’est-cepas?Jetournailatêteverslui,autantquemelepermettaientlesdoigtsdemaman.Jen’étaispasdutout

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surprisequ’ellem’accused’unechoseaussiridicule,maisjen’arrivaispasàcroirequepapapuisseavoirunesipiètreopiniondemoi.–Àpartlespilulescontrel’anxiété,non.Mamanmerelâcha.–Vraiment?Alorscommentexpliques-tutonattitude?Pourquoiruinertonavenirsicen’estpas

pourladrogue?Tuavaisdesprojets,Regan.–Ahoui?Jemelevai.Jetremblaistoujours,maisjenesavaispastropsic’étaitdûàlapaniqueouàlacolère.–Parcequejesuisàpeuprèssûrequetouscesfameuxprojetssontlestiens,rétorquai-je.Ellerecula,bouchebée.Ellerestafigéequelquessecondes,puisrefermalaboucheetseredressa.–Jevois.Elleseleva,attrapamonpèreparlepoignetetl’entraînaversl’escalier.Mesmusclesse tendirent.Pendant toutescesannées, jamaismamèren’avaitbattuenretraite lors

d’uneconfrontation.Alors,quoiqu’ellesoitentraindefaire,cen’étaitpasbon.Jelessuivisàl’étagepourdécouvrirquelaportedemachambreavaitétéouverteetlalumièreallumée.Je m’approchai lentement et jetai un coup d’œil dans la pièce. Mon souffle se bloqua dans ma

gorge.Papaavaitdéjàarrachélesdrapsdemonlitetétaitentraindesouleverlematelas.Mamère,quant à elle, était agenouillée devant les deux tiroirs vides dema commode.Les chaussettes et lessous-vêtementsqu’ilsavaientcontenusétaientéparpillésdanstoutemachambre.J’étais figéesurplace, incapablede faireautrechosequede regarder tandisqu’ilscontinuaientà

mettremachambreàsac.Mes livres furentarrachésdesétagèreset jetéspar terre, lescouverturespliéesetlespagesfroissées.Lecontenudematrousseàmaquillagefutrenversésurmacoiffeuse,etles tiroirsdemonbureauretournés.Papaallamême jusqu’àmontersurmachaisedebureaupourpasserlesdoigtssurlebordmonabat-jour.Je regardais en silence, avalant ma salive encore et encore, essayant de desserrer le nœud qui

bloquaitmagorge.MamèreattrapaCarottesursonétagèreet,aprèsunrapideexamen,lejetadansuncoin.Ilatterrit

surlatête,uneoreillerepliéesurl’œil.Levoirdanscetétatmetiradematorpeur.J’entraidanslapièceenprenantgardeànepasmarchersurmesaffaireséparpillées,prismapeluchedansmesbrasetleserraisurmapoitrine.Le souvenir de Nolan me serrant contre lui me fit frissonner. Soudain, il me manqua. Cette

révélation me secoua jusqu’au plus profond de moi. Je n’avais pas besoin de lui. Ce n’était paspossible.Saufque,aprèslafaçondontilm’avaitdéfendueetprotégée,peut-êtrequesi.–Etnefaispascettetête!ditmamanenreposantmaboîteàbijouxvidéedesoncontenuavantdese

relever.C’estpourtonbien.Pourteprotéger.JerepoussailesouvenirdeNolan.–Meprotégerdequoi?Ellemefusilladuregard.–Nefaispasl’idiote,Regan.Teprotégerdeladrogue.Oùest-elle?L’épuisements’abattitsurmoi.Lapilulecommençaitàfairesoneffet.Incapabledelecombattre,je

m’adossaiaumuretmelaissaiglisserausol.–Jevousl’aidit,jenemedroguepas.– Alors comment expliques-tu ton attitude ? Et ton manque d’ambition ? Je ne te laisserai pas

sabotertonavenirettoutcepourquoituastravaillésidur.Dèsdemainmatin,nousteferonsfaire

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uneprisedesang,ajouta-t-elleenagitantl’indexsousmonnez.Jeserraiplusfortlelapinenpelucheethaussailesépaules.–Faiscequetuasàfaire.Ellerabaissalamain.Seslèvresétaientsiserréesqu’ellesavaientpresquedisparu.–Tuferaisbiendeprierpourqueletestsoitnégatif.Toutemacampagneestbaséesurlesvaleurs

familiales.Qu’est-cequelepublicpenseraitdemoisimaproprefilleétaitunejunky?Jenerépondispas.J’avaispeurdecequejerisquaisdedire.Biensûr,elleavaitréussiàretourner

lasituationpourenfairequelquechosequilaconcernait,elle.Biensûrquesi jemedroguais,elles’inquiéteraitpluspoursonimagepubliquequepourmasanté.Desmèches de cheveux s’échappaient de son chignon bien serré. Elle les repoussa du bout des

doigts.–Jenecomprendspas,Regan.Sicen’estpasladrogue,qu’est-cequisepasse?Commentpeux-tu

êtreaussiégoïste?Tunecomprendsdoncpasquetesactesaffectenttoutelafamille?Jenerépondispas.Nonpasparcequejenevoulaispas,maisparcequejen’avaispluslaforcede

mebattre.Ellesetournaverspapa.–Iln’estpeut-êtrepastroptard.Jepourraisappelerl’écoleetparleràl’entraîneusedespom-pom-

girls.Jepourraisluidirequetuaseuunemauvaisejournéeet…–Non!m’écriai-jeenrelevantlatête.Pas moyen quemamère force mon entrée dans l’équipe – surtout dans une équipe dirigée par

Amber.–Çanem’aideraitpas,ajoutai-je.–Etqu’est-cequivapouvoirt’aider,Regan?s’écriamamanenlevantlesbrasauciel.Parcequelà,

j’arriveàcourtd’idées.Dois-jeappeler leconseild’administrationdu lycée?Engageruncoach?Qu’est-cequ’ilfautquejefassepourteremettredansledroitchemin?Jemâchouillaimalèvreinférieure.Jen’avaispaslamoindreenviederetournerdansuneécolequi

nevoulaitpasdemoinidemebattrepourdeschosesquinem’intéressaientpas.–Etsituengageaisuntuteurpourmescolariseràlamaison?Ouest-cequejepourraisaumoins

changerdelycée?–Quoi?Papa,quiétaitentrainderemettremaliterieenplace,s’arrêtapourmedévisager.Maman,quantàelle,secontentadesecouerlatête.–Cen’estpasdrôle,Regan.–Jen’essaiepasd’êtredrôle.Jepensaisjuste…quej’auraispeut-êtrebesoind’unnouveaudépart.Mamanbaissalatêteetpinçal’arrêtedesonnez.– Regan, tu es en première. C’est l’année que les universités prennent en compte pour les

candidatures.Situquitteslelycéeencoursd’annéeparcequetunesupportespaslapression,ilsvontenconclureque tun’espaséquipéepour la fac.Oui,c’estdifficile.Personnen’aimecettepériode,maisonprendsursoietoncontinue.Etc’estexactementcequetuvasfaire.–C’estàcausedecettedisputeavecPayton?demandapapa.Parcequecegenredechoses’apaise

trèsvite,tusais.Ilsuffitd’unpeudetemps.Mamanouvritdegrandsyeux.–Toutça,c’estàcaused’unedisputeavecunedetesamies?Jepensaist’avoirapprisàêtreplus

fortequeça.Tunepeuxpaslaisserunepetiteprisedebecruinertavie!Uneprisedebec.Jememordislalanguepourm’empêcherderétorquerquelelycéeavaitchangé

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depuisletempsoùelleyétait.Aulieudeça,jerépliquai:–Ilsefaittardetmachambreestenbordel.–Jevaist’aideràranger,proposapapa.–Paslapeine,répliquai-je.Jemerelevaienm’appuyantsuruncoindelatabledechevet.–Siçanevousembêtepas,jesuisépuisée.Jevaisrangerjustecequ’ilfautpourallermecoucher,

etjem’occuperaidurestedemain.Monpèrehésitauninstantavantdehocherlatête.–Trèsbien.Cequetun’auraspasfaitcesoir,jet’aideraiàlerangerdemain.– Je programme toujours la prise de sang pour demainmatin, déclaramaman en ramassant un

tiroir.Sijedécouvrequetum’asmenti,tuvasenprendrepourtongrade.Enattendant,nousallonsdevoirrévisertonpland’action,puisquetuasdéviédel’ancien.Tuaspeut-êtreenviedesabotertonavenir,maisjenetelaisseraipasfaire.Elle glissa le tiroir à sa place dansmon bureau et le ferma. Je priai en silence pour que ce soit

terminé,maiselletournasoudainlatêteetplissalesyeux.–Qu’est-cequec’estqueça?Sansme laisser le tempsde luidemanderdequoi elleparlait, elle s’emparadublazerdeNolan,

posésurledossierdemachaisedebureau.Aprèslescours,jen’étaispasrepasséeàmoncasieretj’avaiscourudroitauparkingafind’éviterlesmauvaisesrencontres.J’avaisprévudeluirendresavestelelendemain–unedécisionquejeregrettaisàprésent.JeposaiCarottesurl’étagèrederrièremoietfisdemonmieuxpourparaîtrenonchalantemalgré

moncœurquitambourinaitdansmapoitrine.–C’estunblazer,répondis-jeenhaussantlesépaules.Ellepoussaunsoupir.–Mercidel’information.Maistupourraispeut-êtrem’expliquercequ’ilfaitlà?Elleretournalevêtement,l’examinantsurtouslesangles.–Iln’estsûrementpasàtoi.–Non,fis-jeenattrapantlependentifattachéàmoncoupourlefaireglisserlelongdelachaîne.Un

autreélèvemel’aprêté.Je…j’avaisfroid.–Tuastapropreveste,rétorquamamand’unevoixbasse.–Jenel’avaispasavecmoi.Sesyeuxrevinrentàlaveste.–C’estleblazerd’ungarçon,dit-elleenlejetantsurlachaise.Quiestcegarçon?D’oùleconnais-

tu?Sortez-vousensemble?Pourquoinenousl’as-tupasprésenté?OhmonDieu, c’était exactementpour çaque jen’avaispasdepetit ami.Pournepas lui donner

encoreunautreaspectdemavieàcontrôler.–Maman,arrête,cen’estpasça!Jenesorsavecpersonne.Cen’estqu’uneveste.Jeramassaiuncoussinetlejetaisurmonlit.Ellemeregardad’unairsuspicieux.–Bien.Maisjetepréviens,iln’yaurapasdefillemèredanscettemaison.Lesmusclesdemapoitrineseserrèrent.–Onnepeutpastomberenceinteenenfilantuneveste,maman.– Je ne te parle pas de cette veste, répliqua-t-elle d’une voix aiguë qui tenait presque du

glapissement.Jeparledesexe–chosequetuneferaspastantquetuvissousmontoit.C’estclair?–Trèsbien,fis-jeenlevantlesyeuxauciel.Jevaisfairel’amouravecmavestedehors.

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Elleémitunesortedegargouillisétouffé,puispointaundoigtsurlapoitrinedepapa.–Tuvois?Voilàpourquoijepensequ’ellesedrogue!Ellenenousauraitjamaisparlécommeça

avant!Dèsdemainmatin,j’appelleledocteur.Ilhochalatêtemaisneréponditpas.–Quantàtoi,reprit-elleentournantsondoigtversmoi,vatecoucher.Tuasintérêtàavoirchangé

d’attituded’icidemainmatin,sinon…Avantquejepuissedemander«sinonquoi?»,elleavaitpivotésursestalonsetétaitsortieaupas

decharge.Unsilences’étiraentrepapaetmoi.Auboutdequelquessecondes,ilpoussaunsoupiretlasuivit,

enfaisantattentionànepasmarchersurlesvêtementsetleslivresquijonchaientlesol.Ils’arrêtaàlaporteetmejetaunregardpar-dessussonépaule.–Ons’occuperadetoutcebordeldemain,déclara-t-il.Ilsortit,melaissantseuleàmedemanderàquelbordelilfaisaitallusion.Machambreoumavie?

Lesdeuxétaientdevraisdésastres.Dupied,jerepoussaiuntasdelivresettraversailapiècepourretrouverlavestedeNolan.Jelapris

surledossierdemachaiseetl’enfilai.Sachaleurs’étaitenvoléedepuislongtemps,maissonodeurétaittoujourslà.Jefermailesyeuxetinspiraiprofondément.Orangesetaiguillesdepin.Quiauraitcru que cette odeur me plairait tant ? Je pouvais presque sentir ses bras se refermer sur moi etm’attirercontrelui.Frissonnante,j’ouvrislesyeux.Bonsang,qu’est-cequinetournaitpasrondchezmoi?Jesecouai

latête,commepourmelibérerdecessouvenirs.J’avaisbesoind’unedistraction.ÀcausedeNolan, j’avaisce livrepourenfantsàécrire.Plus tôt j’enaurais terminé,plus tôt j’en

aurais fini avec lui–pourdebon,mepromis-je. Jeparcourusdesyeux le foutoirdemesaffairesjusqu’àtrouveruncalepinetunstylo,lesramassaietm’assisàmonbureau.Dèsquejem’assis,toutelaforceduXanaxs’abattitsurmoicommeunelourdecouverture.Lesommeilm’appelait,maisjenevoulaispasm’arrêterdansmonélan.Jedécapuchonnaimonstyloetouvrislecalepin.Ilmefallaitunpersonnageprincipal.Jeparcouruslapièceduregard,etmesyeuxseposèrentsur

Carotte.Jesouris.C’étaitfacile;maintenant,toutcequ’ilmefallait,c’étaitunproblèmequ’ildevraitrésoudre.Jetapotaimonstylosurmonmenton.Quelgenredeproblèmerencontraientlesenfantsdecinqans?Perdreunedent?Avoirpeurdunoir?Onécrivaittoutletempsdeslivressurcesthèmes,etilsmesemblaientsifutiles…Mes pensées revinrent à mes propres problèmes, aux murmures qui me suivaient partout, aux

insultes,auxgraffitissurmoncasier.Lesenfantsdequatreetcinqanssefaisaient-ilsharceler?Etsic’étaitlecas,commentétais-jecenséeimaginerunesolutionalorsquejen’enavaispastrouvépourmoi-même?Je m’appuyai sur le dossier de ma chaise et poussai un soupir. Toute la semaine avait été un

cauchemar,etavecAmbercontremoi,jedoutaisquelasituations’améliore.Laseulefoisoùjen’avaispascomplètementdétestémaviecesderniersjours,çaavaitétéquandjem’étaisexcuséeauprèsdeJulieSims.Bon,ellenem’avaitpastoutàfaitpardonné,maisprononcercesmotsavaitunpeudesserrélabandequimecomprimaitlapoitrine.Alors,justecommeça,unehistoirefitsonapparitiondansmatête.Sansavoirécritunseulmot,je

lavissedéroulerenentier.Ledébut,lemilieu,lafin.Toutétaitlà.Ilnerestaitplusqu’àlacouchersurlepapier.Unfrissond’excitationmeparcourutmalgrélatorpeurdumédicament.Jemepassailalanguesur

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leslèvresetposailestylosurlepapier.Lesmotssemirentàcouler,presqueplusvitequejepouvaislesécrire.Deuxheuresplus tard, j’avais terminé.Je jetaimonstylosur lebureauetpassai lesdoigtssur le

titre:CarotteleLapins’excuseUnlivred’imagesdeReganFlayPourlapremièrefoisdepuisdesjours,jesouris.

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CHAPITRE11

J’étais restée assise devant l’école pendant si longtemps quemon café avait refroidi. Lamatinée

était nuageuse, allongeant les ombres qui entouraient le lycée, le baignant d’obscurité. Plus quejamais,labâtissedebriquesmefaisaitl’effetd’uneprison.Jen’avaispassumerésoudreàquitterlasécuritédemavoiture.Combiendetempsétais-jerestée

assiseici?Quelquesminutes?Unedemi-heure?Letempssemblaitavancerdifféremment.Audébutdel’année,j’enmanquaistoutletemps.Àprésentquej’étaisseule,lesminutess’étiraientàl’infini.Plusquejamais, j’avaisbesoind’unplan.J’enavaismarrederesteràattendrequequelquechose

change.Jesavais,grâceàlapolitique,queletempsetlapatienceétaientlesseulesmanièresdegérerune mauvaise image. Ça et un bon responsable des relations publiques. Et puisque j’étais seule,j’allaisdevoirmoi-mêmecréermabonnecommunication.Maisparoùcommencer?Jereposaimonlatteetsongeaiaupetitgobeletenplastiquequel’infirmièrem’avaitdonnécematin

avantdem’indiqueruncabinetdetoiletteglacial.Mamann’avaitmêmepasprislapeinedes’excuserlorsqueletestavaitconfirméquej’avaisditlavérité.Ildevenaitbientropclairquequoiquejefasse,jeneseraisjamaisàlahauteurdesesattentes.UneToyotanoires’arrêtaàlaplacevideàcôtédemavoiture.CelledeNolan.MonpoulsaccéléralorsquePaytonouvritlaportièrecôtépassageretdescendit.Elles’arrêta,etses

yeuxseposèrentsurlatracedeclésurmavoiture.Lentement,ellecroisamonregard.Toujours blessée par la façon dont elle m’avait traitée, je voulus détourner les yeux, l’ignorer

commeellem’avaitignorée.Aulieudeça,j’ouvrismaportièreetsortisdansl’airfraisdecematind’automne.Onnepouvaitpassiaisémentoublieruneamitiédeprèsdedixans.–Salut,dis-je.Elleavaitdescernessouslesyeux,etsonuniformeétaitfroissé.Jen’arrivaispasàdéterminersi

j’étaiscontenteoucontrariéedevoirqu’elleaussisouffrait.–Salut.C’estnul,dit-elleendésignantd’unsignedetêtemaportièreéraflée.–Beaucoupdechosessontnullesencemoment,répliquai-je.Etmavoitureestbienladernièresur

laliste.Ellemordillasalèvreinférieure.–Çan’apasnonplusétéfacilepourmoi.Àcesmots,unevagued’irritationmesubmergea.Commentpouvait-elledireça?Sonnométait floutésur les textosalorsque lemienétaitaffiché

danstoutel’école.Toutlemondenesemoquaitpasd’elledanslescouloirs,etsesmeilleuresamiesnes’étaientpasretournéescontreelleenpublic.– Tu t’es vraiment foutue de moi, Pay. Avant tout ça, je croyais sincèrement que tu étais ma

meilleureamie.–Cen’estpasjuste,répliqua-t-elle.C’esttoiquiasditquejen’étaisbonnequ’àrépandredesragots.Jericanai.

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–Situcroisça,peut-êtrequetonfrèreavaitraisonetquenousn’avonsjamaisétédevraiesamies.Nolanclaqualaportièrecôtéconducteuretnousobservadepuisl’autrecôtédelavoiture.Paytonnousregardaalternativement,unairperplexesurlevisage.–Vousvousêtesparlé?Jecroisailesbras.Pasquestionquejerépondeàcettequestion.–Alors, quoi ?C’estAmberque tuvas croire, et pas tameilleureamie que tu connais depuis le

primaire?Vachementlogique,Pay!Elleouvritlaboucheetlareferma,leslèvrestremblantes,commesielleétaitsurlepointdefondre

enlarmes.–Jure-le.Promets-moiquetun’asjamaisditça,bafouilla-t-elle.Ellelevalamaindroite,lepetitdoigttenducommenousfaisionsquandnousavionshuitans.–Sionétaitvraimentamies,dis-je,jenedevraispasavoirbesoindefaireça.–Jesuisdésolée,Regan.Moiaussi,jecroyaisqu’onétaitmeilleuresamies.Maisdesfois,mêmeles

meilleuresamiesontbesoindegaranties.D’aprèstalogique,êtreamiesvoudraitdirequejen’aipasle droit d’avoir des moments d’incertitude ? poursuivit-elle d’une voix qui grimpa d’une octave.J’imagineque jen’aipasnonplus ledroitdemesentirconfusenid’avoirdesdoutes?Parcequec’est bien connu, le lycée c’est tellement facile, c’est tout le temps parfaitement logique… Je suisdésolée,Regan,j’aimerdé…maistoiaussi.Je la dévisageai. Je ne l’avais jamais vue aussi remontée. Elle me regardait fixement, les yeux

grandsouverts.Quelquesmèchesdecheveuxs’étaientéchappéesdesonserre-tête.Peut-êtren’étais-jepaslaseuleàsouffrir,aprèstout.–Bonsang,Pay,vucommeça…J’enroulaimonpetitdoigtautourdusienettirai.–Tuesmameilleureamie.Jen’aijamaisditdemaldetoi.Jetelejure.Sesyeuxpassèrentdenosdoigtsjointsàmonvisage.Lorsqu’elleparla,savoixs’étaitradoucie.–Écoute,jereconnaisquej’aieutortdenepast’avoirécoutée,maisaprèsl’épisodedesmessages,

Ambern’arrêtaitpasdediretouscestrucssurtoi,etj’aijuste…paniqué.Jesuisdésolée.Après m’avoir serré le doigt plusieurs fois, elle laissa retomber mamain et recala ses mèches

éparsessoussonserre-tête.–Est-cequ’onpeutsereparler?ajouta-t-elleavecunsourirepleind’espoir.Mêmesilablessuredesatrahisonétaittoujoursvive,jedevaisadmettrequ’elleavaitraison.Nous

avions toutes deux commis des erreurs.Comment pouvais-jem’attendre à ce qu’elle pardonne lesmiennessijenepardonnaispaslessiennes?Jeluirendissonsourire.–Onpeut.Nolan fit le tourde savoiture et s’arrêtadevantnous. J’essayaid’ignorer àquelpoint sa simple

présenceallégeaitlapressionquipesaitsurmapoitrine.–Alors,onfaitquoimaintenant?demandaPayton.Pour…Elledésignalelycéed’ungestedumenton.–Franchement,jen’ensaisrien.Monseulplan,c’estdefaireprofilbasjusqu’àcequeçapasse.Unsilences’étiraentrenous.PuisNolanseraclalagorge.–Ilyaunechosequejenecomprendspas,déclara-t-il.Qu’est-cequeçapeut tefoutre, toutça?

Toutcequisepassedanscebâtiment,c’estdesconneries.Çan’auraaucuneimportancedansquelquesannées.Pourquoiperdreuneseulesecondede tavieà t’inquiéterdecequepensentcesgens?Desgensquetunereverrasplusjamaisaprèsavoireutondiplôme?

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Paytonricana.Demoncôté,j’appréciaisque,pourunefois,ilessaied’arrangerleschoses.–Mais c’est importantmaintenant. Et en parlant de ça, ajoutai-je enme tournant vers Payton, tu

devraisyaller.Tunedevraispastemontreraulycéeavecmoi.Elleplissalesyeux.–Jepensais…–Çamefaitmaldel’admettre,maisAmberavaitraisonl’autrejour.Çanesertàriendet’entraîner

dansmachute,expliquai-jeavecunfaiblesourire.Çavabientôtsetasser,non?Ellefronçalessourcils.–Ouais,mais…–S’ilteplaît.Nolanlapoussadoucement.–Vas-y.Jevaisyalleravecelle.Elleleregarda,bouchebée,maisilsecontentadesourire.–Allez.Qu’est-cequ’ilsvontpouvoirmefaireàmoi?Paytonsemblaréfléchiruninstantàcequ’ilvenaitdedire,puissetournaversmoi:–Onseretrouveaprès,OK?Je hochai la tête, et une partie du poids qui pesait surmes épaules s’envola. Je savais que notre

amitiéétaittoujoursfragile,maiselleavaitlemérited’exister.PaytonsehâtaverslelycéeetNolanpritsaplace,appuyécontremavoiture.Jecognaimonépaulecontrelasienne.Ouplutôtcontresoncoude.Ilétaitbienplusgrandquedans

monsouvenir.–Tun’espasobligédefaireça,tusais.Ilmeregarda,sesyeuxnoisetteentièrementdépourvusdeleurironiehabituelle.–J’enaienvie.Commejenesavaispasquoirépondreàça,jenedisrien.Auboutd’unmoment,lesilencesefit

pesant entre nous.Lorsque je nepus le supporter davantage, j’ouvrismon sac à dos, en sortit sonblazeretleluitendis.–Merci.JevoulusajouterEtpasseulementpourlaveste,maisjen’étaispasencoreprêteàalleraussiloin.Sans un mot, il reprit le vêtement. Je regardai le tissu de sa chemise se tendre sur son torse

étonnamment musclé. Ce même torse contre lequel je m’étais blottie pas plus tard que la veille.Sérieusement.Depuisquandm’étais-jemiseàreluquerletorsedeNolanLetner?Biensûr,jem’étaisdéjàditqu’ilétaitmignon,maispasunefoisjen’avaisimaginé…Trèsvite,jerepoussaicettepensée.Ilenfila savesteet restaàcôtédemoi, sansme toucher, sansmeregarder.C’étaitexactementce

dontj’avaisbesoin.–Tuesprête?Jeregardaiuninstantlebâtimentsombreetlesélèvesquiyentraientaucompte-gouttes.–Pasvraiment,maisj’imaginequ’ilesttroptardpours’enfuiretsefaireengagerdansuncirque.–Ouais.Jecroisqu’ilspréfèrententraîner leurs trapézistesdès leurplus jeuneâge.Maiscen’est

peut-être pas trop tard si tu veux devenir femme à barbe. Je parie que je pourrais te trouver desstéroïdeset…Jenepusm’empêcherdesourire.–Nonmerci.Ilinclinalatête,l’airdenouveausérieux.–Quoi?demandai-je.

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–Jecroisquec’estlapremièrefoisquejetevoissourirepourdevrai.Çatevabien,Flay.JemesentisrougiretdétournailesyeuxavantqueNolans’enaperçoive.J’étaisàpeuprèssûreque

c’étaittroptard,carilricana.–Onvaêtreenretard,dis-je.Jem’écartaidemavoitureetmedirigeaiversl’entréedulycée.Enuninstant,Nolanmerattrapa.

Pourdesraisonsquejepréféraisignorer,jemesentaismieuxaveclui.Quelquechoses’étaitpasséentrenous–nousnousétionsrenducomptequ’aprèstout,nousn’étionspeut-êtrepassidifférents.–J’aifinid’écrirelelivre,dis-jepourcomblerlesilence.–Cool.Àquelleheuretuveuxquejevienneceweek-end?Jem’arrêtai.–Quoi?Ildonnauncoupdepieddansuncaillou.Sonmalaiseétaitassez…mignon.–Tuesl’auteur,donctuvasdevoirmedonnerdesdirectionsartistiques,dit-ilengardantlesyeux

rivésausol.Etpuis,unalbummoyenfaitenvirontrente-deuxpages.Çafaitbeaucoupàdessiner.Jevaisavoirbesoind’aidepourcolorier.Commejenerépondaispas,ilmeregardaetfronçalessourcils.–Tut’attendaisàcequejefassetouttoutseul?–Non.Jesavaisquenousallionsdevoirtravaillerensemble–jen’avaisjustepasréfléchiàl’endroit.Ma

maison était un choix aussi logique que la sienne. Après tout, ma mère n’allait pas pouvoir seplaindrequej’inviteungarçonsinoustravaillionssurundevoircommun.Puis une nouvelle pensée me vint. Si Nolan venait à la maison, on irait probablement dans ma

chambre.L’idéed’êtreseuleavecluifitvacillerquelquechoseaufonddemoi.–Je…j’imaginequetupeuxvenir.Ilsourit.–Bien.Lorsqu’onarrivaàl’entréedulycée,plusieurspersonnessaluèrentNolan.Ilréponditd’unsignede

têteetsouritàtoutlemonde.C’étaitcommesiluietmoiavionséchangénosstatutssociaux.Oupeut-êtreétait-ceseulementquej’avaisétésisûrequ’ilétaituntaréasocialquejen’avaisjamaisremarquéqu’ilavaitdesamis.Entoutcas,encemoment,ilenavaitplusquemoi.–Nolan?fitBlakeens’extrayantd’ungroupepours’approcherdenous.Qu’est-cequetufais?Ilhaussaunsourcil.–Jevaisencours.Ellemeregarda,etsabouchesetorditdedégoût.

Lemouvementfitbrillerlepiercingqu’elleportaitàlalèvre.–Avecelle?Jetressaillis.Ledédaindanssavoixétaitceluiquelesprésentateursdesinfosréservaientauxtueurs

dechatons.Pourtant,pourautantquejesache,jeneluiavaisjamaisrienfait.Nolanouvritlaporte.–Situtedemandessij’entredanslelycéeaumomentprécisoùReganFlayyentreégalement,alors

oui.Elleouvritlabouchepourrépliquer,maisill’interrompit.–Jeteparleaprès,dit-ilenmepoussantàl’intérieur.J’espéraisquelepireétaitderrièrenous.J’avaistort.

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–Regardezquivoilà!s’écriaunevoixperçante.Amber traversa la foule, avec dans son sillage une Taylor aux yeux écarquillés et aux cheveux

volantdanstouslessens.Jeremyetsesamislessuivaientdeprès.Desvaguesdenauséem’envahirent.J’espéraisaumoinsatteindreladeuxièmeheuredecoursavant

quequelqu’unessaiedes’enprendreàmoi.EsquiverBlaken’avaitpasététrèsdifficile,maisnousn’allionspaséchapperàAmbersifacilement.Nolanseplaçaàcôtédemoi,sesyeuxnoisettebrillaientpresqued’excitation.Ilrejetasesépaules

enarrièreetbombaletorse.Ilsemblaitavoirhâtequ’ilsepasse…quelquechose.Amberrepoussaseslongscheveuxnoirsderrièresonépauleetposaunemainsursahanche.–Commec’estmignon…Apparemment,lesrejetésattirentlesrejetés.Nolansourit.–Apparemment, c’est lamême chose pour les connards. Sauf que vous vous déplacez plutôt en

troupeau.Quelques témoins s’esclaffèrent.Amber les fusilladu regard. Jeremy fit unpas en avantpour se

placeràcôtéd’elle,lespoingsdéjàserrés.Jemetendis.SoitNolanneserendaitpascomptequ’ilavaitamorcéunebagarre,soitils’enfoutait.

Après tout le tempsque j’avais passé avec lui cesdeuxderniers jours, j’étais prête à parier sur ladeuxièmeoption.Amberfixasurmoisonregardfurieux.–Sérieusement,Regan?NolanLetner?Finalement,çanem’étonnepasplusqueçavuqu’aucun

mecnormalnevoudraitt’approcher.Jesaisquetut’esjetéesurJeremyhier.Tuespathétique.Àcesmots, cedernierme fitunclind’œil et jedusprendre surmoipournepas lui sauter à la

gorge.–Danssesrêves,répliquai-je.Nonseulementilestdégueulasse,maisc’estaussiunmenteur.–Pasaussidégueulassequetoi,répliqua-t-elle.C’esttoilasalepute.Ambertenditlamain.Derrièreelle,Taylorluipassaunebouteilledesoda.– Tu as fait croire à tout le monde que tu étais tellement innocente, reprit-elle. Mademoiselle

Parfaite.Maisc’estfini.Maintenant,tuvasêtreaussicradeàl’extérieurquetul’esàl’intérieur.Ellecommençaàsecouerlabouteilledesoda.Je savais exactement ce qu’elle comptait faire. L’an dernier, Amber avait arrosé une élève de

troisième qui l’avait bousculée pendant qu’elle se remettait du rouge à lèvres. Pendant une demi-seconde, j’envisageaide filer par laportedederrière,mais çan’aurait fait qu’empirer les choses.J’auraisétélafillequis’estenfuie.Jelevailementonetm’obligeaiàafficherunmasqueimpassible.Jenevoulaispasluidonnerlasatisfactiondevoirquej’avaispeur.Àcôtédemoi,aulieudesepréparercommejel’avaisfait,Nolanlevaundoigt.–Uneseconde.C’estexactementlegenredescènequ’ilmefautpourmondocumentaire…Ilsortitsonportabledesonsac,pressaquelquesboutons,puissemitenplace.–OK,vas-y,dit-ilenluifaisantsignedecontinuer.Essaiejustedenepaséclabousserlalentille.Amberhésita,leregardincertain.–Qu’est-cequetuattends?sifflaTaylor,quitrépignaitpresqued’impatience.– Je ne peux pas faire ça s’ilme filme ! Jeme ferais virer etmes parentsme tueraient, s’écria

AmberenfourrantlabouteilleentrelesmainsdeTaylor.Vas-y,toi.Taylorfitunpasenarrière.– Je… Je ne veux pasm’attirer d’ennuis. Je serais virée de l’équipe. C’est la première fois que

j’arriveàyrentrer.

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C’étaitvrai.Tayloravaiteffectuélesessaisentroisièmeetenseconde,etelleavaitéchouéàchaquefois.Ayant assisté aux essais, je savais qu’elle était très bonne. Pour être honnête, je diraismêmequ’elleétaitmeilleurequemoi.Maiscommej’étaisl’amied’Amber,j’avaisbénéficiéd’untraitementdefaveurque,jem’enrendaiscompteàprésent,jeneméritaispas.Nolanclaquadesdoigts.–Peuimportequilefait,maisgrouillez-vousdevousdécider!ordonna-t-il.Laclochevasonner,je

n’aipasenvied’êtreenretard.TaylorsetournaversJeremy.–Toi,fais-le.Illevalesmainsetrecula.–C’estça,ouais…Jevaispasfairetonsaleboulot.Jesuisdéjàlimiteaveclecoachàcausedeces

deux-làetd’unmecdelasécuritéquinesaitpasfermersagrandegueule.Jeneveuxpasmefairevirerdel’équipedelutte.Pasundevousn’envautlapeine.Sesdeuxamiséclatèrentderireavantdeselancerdansunchœurde«Oooooh».Amber resta bouche bée. Elle ne dut pas trouver de réplique suffisamment cassante, car elle se

contentadelefoudroyerduregard.Ilhaussalesépaulesetrepartitdanslecouloir,suivideprèsparsesamis.–Quoi,tuveuxdirequepersonnenevanousarroser?soupiraNolan,sonportabletoujourslevé.

Merdealors!Çaauraitfaitunesuperscène.–Espècedeminable,ricanaAmber.Elles’emparadelabouteilleetlajetaparterre.Lebouchonsauta,etunefontainedeMountainDew

arrosaseschevillesetcellesdeTaylor.Amberpoussaunglapissementetrecula.Lorsquelabouteillefutvide,ellelevalatêteetmejetaun

regardnoir.–C’estpasterminé!Ellemefitundoigtd’honneuravantdetournerlestalonsetdepartiraupasdecharge.Taylorse

précipitaàsasuite.Nolanpointasontéléphonesurmoi.–ReganFlay,avez-vousuncommentairesurcequivientdesepasser?Jeclignaidesyeux,priseaudépourvu.–L’enseignementàdomicileestsous-estimé?proposai-je.Ils’esclaffaet,àmagrandesurprise,éteignitsontéléphoneetlerangeadanssonsac.–C’esttout?demandai-je.Pasdequestionsinquisitrices?Tuneveuxpasmevoirmalàl’aise?–Bof,fit-ilenhaussantlesépaules.Jenementaispasquandjedisaisquelascènedusodaauraitété

trèsbonnepourmondocumentaire.Nouspartîmesdanslecouloir,enfaisantbienattentionàéviterlarivièredesoda.–Etdequoiparletondocumentaire?–Oh, rien, répondit-il en tirant sur lesbretellesde son sacd’unairunpeugêné. J’ai envoyéun

dossieràl’universitédeFloride,maismonpremierchoixestDuke.Ilsontunsuperprogramme.Jedoisréaliserundocumentaire,çafaitpartiedelaprocédured’admission.Cette information me surprit. Pour un mec rejeté, toujours au fond de la classe, Nolan était

étonnammentambitieux.–Cen’estpas«rien».Dukeestunegrandeuniversité.Tudoisvraiment tefairearroserdesoda

pourêtreadmis?Iléclataderire.

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–Non.Ilmefautjusteundocumentaireexceptionnel.–Etdequoiparleletien?–Honnêtement,pourlemoment,jen’ensaisrien.Blakem’aaidépouruntruc,maisçaa…foiré.

Ducoup,ilmefautunenouvelleidée,etvite.Je voulais lui demander ce qui avait foiré, mais un gars s’arrêta devant nous, nous bloquant le

passage.Ilavaitunelonguetignasserouxfoncéqu’ilécartadesonvisaged’unreversdelamain.–C’esttoiRegan?demanda-t-il.Sonvisagemesemblait familier. J’étaisàpeuprèssûred’avoirétéencoursdebioavec lui l’an

dernier.–Quilademande?répliquaNolan.Legarçonsoupira.–Écoute,ilyaunemeufquim’apayépourpasserunmotàRegan.Alorsc’esttoioupas?–Quit’adonnélemot?Ilhaussalesépaules.–Jen’aipasdemandésonnom.Tuleveuxoupas?Monestomacseserra.Lespetitsmotsanonymesn’étaientjamaisbons,maiscen’étaitpascommesi

un bout de papier pouvaitme blesser.Même si la personne qui l’avait écritme traitait de tous lesnoms,toutcequej’avaisàfaire,c’étaitlejeter.Jetendislamain.–Donne.Lemecmetenditunepagedecahierpliéeendeuxets’enalla.–Nelelispas.Laproximitéde lavoixdeNolanme fit sursauter. Je levai lesyeux. Il était penché surmoi, son

visageàquelquescentimètresdumien.Jevoulusprotester,maismalangueétaitenplombetlesmotsnevoulaientpassortir.–Jette-le,dit-il.Quoiqu’ildise,çavat’attirerdesennuis.Les coins du petit papierme rentraient dans la peau. Il avait sûrement raison.Avais-je vraiment

besoindelirequej’étaisunesalope?Jejetaiuncoupd’œilàlapoubelle.Toutcequej’avaisàfaire,c’étaitjeterlemot,etleveninqu’ilcontenaitseraitperduaveclui.Maisjen’arrivaispasàlelâcher.–Regan?Jeleregardai.–Ilfautquejelelise.Ilfronçalessourcils.–Pourquoi?Unautreconseildemamanmevintentête:Nejamaisêtreprisaudépourvu.– J’enaimarredemefaireprendreenembuscade.Hier,c’étaitdans les toilettes ;aujourd’hui,à

l’entréedulycéeavantlescours.Quoiquedisecemot,jeneveuxplusmefaireavoirparsurprise.Sonvisagesedurcitetilrecula.–Faiscommetulesens…Laclochesonna.Lentement,jedépliailepapieretluslemot,rédigéd’uneécritureinconnueettout

enboucles.SituveuxdessaloperiessurAmber,viensàl’ancienvestiairedesfillesaprèslescours.Cache-toi

danslacabinededouchelapluséloignéedelaporteetnefaispasdebruit.Je retournai le papier, à la recherche d’une signature, mais n’en trouvai aucune. Dénicher des

saloperiessurlesgens,c’étaitledomainedePayton,maiscen’étaitpassonécriture.Alorsquiavait

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écritcemot?JetendislepapieràNolan.Lorsqu’ileutfinidelelire,ilmelerenditetsefrottalecou.–N’yvapas.J’aiunmauvaispressentiment.Je relus les mots. Trois ressortaient particulièrement : saloperies sur Amber. Avec Amber

déterminée à faire de ma vie un enfer, tout ce dont je pourrais me servir pour qu’elle me lâchevaudrait le coup. Je savais quemaman n’hésitait pas à faire tout ce qui était en son pouvoir pourdescendre un adversaire. D’un autre côté, la personne qui m’avait écrit avait choisi de resteranonyme,cequiétaitplusquelouche.–Tucroisquec’estunpiège?–Biensûr.Quelmeilleurmoyenpourtecoincerquedetefairevenirseuledanslevieuxvestiaire

des filles après les cours ? Soit Amber essaie de te piéger, soit tu vas être la vedette d’un filmd’horreur.Tun’aspastuéd’auto-stoppeursrécemment,j’espère?Jegrimaçai.–Soissérieux.Jesaisbienquec’estpeut-êtreunpiège,maissic’étaitpaslecas?Etsic’étaitma

seulechancepourqu’Ambermelâche?Amberetmamère.Pourlapremièrefoisdepuisquej’avaistrouvémesmessagesprivéscolléssur

lescasiers,unenouvelle idéeseprésentaitàmoi.Sicepetitmotdisaitvrai,peut-êtreaurais-jeuneautreoptionquedefaireprofilbas.Unelueurd’espoir–unsentimentdevenusiétrangerquejemereconnusàpeine–s’allumaenmoi.SijepouvaisretournertoutecettehistoirecontreAmber,j’allaispouvoirreprendretoutcequ’ellem’avaitvolé.–Çapourraitêtremaseulechancederetrouvermavied’avant.– Attends, fit-il en levant les mains, les yeux écarquillés. Tu veux retrouver cette blague qui te

servaitdevie?Ilpensaitquej’étaisuneblague?Lacolèresemitàbouillonnerdansmesveines,balayantcebref

momentd’excitation.Jefroissailemotentremesdoigts.–Jet’emmerde!–Vraiment?ricana-t-il.Çatemanque,d’êtreamieaveclafillequichercheàruinertavie?–C’estpascequeje…–EtdetraîneravecdesmecscommeJeremy?Ilhaussaitlavoix,s’attirantlesregardscurieuxdesélèvesquinousdépassaientpourallerencours.–Tuveuxremontersurtontrôneetrecommenceràécrirequetuestellementpluscoolquetoutle

monde?Tuasenvied’écraserencorequelquesvictimes?C’estça?Sesmotsmefrappèrentcommeuncoupdepoing.Pourautantquejesache,jen’avaisruinélavie

depersonne.Jereculaijusqu’àheurterlarangéedecasiersderrièremoi.Nolanmesuivit,refermantladistancequinousséparait.–J’aiunscooppourtoi,dit-il.Quetulevoiesounon,cetteReganétaituneimposture.Ellen’était

pasréelle.Oupeut-êtrequejemetrompe?Peut-êtrequetun’espaslafillequejecroyais.Lafilleintelligente, capable d’empathie, celle qui s’excuse quand elle se rend compte qu’elle a blessé desgens.Lacolèremontaitenmoi,crispantmesmuscles.Ilmeconnaissaitàpeine.Qu’est-cequiluidonnait

ledroitdeformerdesopinionssurlapersonnequej’étais?Qu’ilaillesefairefoutre,luiettouslesgensquivoulaientquejesoisquelquechosequejen’étaispas,puispétaientlesplombsquandilsserendaientcomptequejen’étaispasàlahauteurdeleursattentes!–N’essaiepasdefairecommesitumeconnaissais.Tunesaisriendemoi.–Tuasparfaitementraison.

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Je le regardai s’éloigner, en me demandant ce qui avait bien pu se passer. Quelques joursauparavant, l’opinionqueNolanLetneravaitdemoiétait ledernierdemessoucis.Maisàprésent,chaquemotquisortaitdesabouchemecoupaitcommeunelamederasoiretchaquepasqu’ilfaisaitpours’éloignerdemoim’infligeaitunenouvelleblessurequimefaisaitsaignerdavantage.Ils’arrêtaaumilieuducouloir,lesépaulesvoûtées.Moncœurfitunbond.Peut-êtreavait-ildécidé

demedonnerunechancedem’expliquer?Maisilfouilladanssonsacpoursortircequiressemblaitàunepetitecaméra.Moncœurplongea

droitverslesol.J’étaiscertainequ’ilallaitlapointerversmoi.Aulieudeça,ilrevintversmoietmetenditl’appareil.–Prendsça.Je levai lentement la main pour m’emparer de l’objet, puis m’arrêtai net. Pour des raisons qui

m’échappaient,j’avaispeur.–Jenecomprendspas.–Prends-la,répéta-t-il.Ilmejetalacaméra,sibienquejen’euspasd’autrechoixquedel’attraperoudelalaissertomber

parterre.–J’aidéjàunecamérasurmontéléphone,protestai-je.–Ouais,bon,mêmesicelle-cicommenceàsefairevieille,sesqualitésvidéosontbienmeilleures

quecellesdetontéléphone.Elleaplusd’imagesparseconde,etdemeilleurescouleursensituationdefaibleéclairage.Çapourraitt’êtreutile.Commejenerépondaispas,ilsoupira.–Lamenacedelavidéot’aprotégéeunefois.Çateprotégerapeut-êtreencore.Sur cesmots, il s’en alla,me laissant perplexe. Tout ce que j’avais voulu, c’était qu’Amberme

lâche,maistoutcequej’avaisgagné,c’étaitqueNolanétaitencolèrecontremoi.Àprésent,seuleavecsacaméra, jenepusm’empêcherdemedemanderpourquoi,chaquefoisquej’essayaisd’arrangerleschoses,jen’arrivaisqu’àtoutgâcherencoredavantage.

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CHAPITRE12

Pendantlecourssuivant,Nolanfitcommesijen’existaispas.Ilrepritmêmesaplacehabituelleau

fonddelasalle.Àlafinducours,ilétaitdéjàsortiavantmêmequej’aieterminéderamassermeslivres.Puisqu’ilrefusaitdemeparler,jesupposaiquenotreprojetdelivred’imagesétaitannuléet,àlapausedéjeuner,jeglissaiunecopiedemonhistoiredanssoncasierenespérantqu’ils’occupedesdessinstoutseul.Puisjepassaitoutel’heuredudéjeunerdanslacabinepourhandicapésdestoilettesdudeuxièmeétage.Personnenevintm’embêter,etjepusmangerenpaixmabarredecéréales.En dehors des confrontations avec Blake et Amber, je n’avais eu droit qu’à quelques petites

réflexionsenpassantdanslescouloirs.Ungroupedefillesdetroisièmeavaitmurmuréetgloussésurmonpassage,maisriend’assezviolentpourmedonnerenvied’avaleruncachet.C’étaitdéjàça.Pendantlerestedelajournée,jem’efforçaid’éradiquerdemonesprittoutepenséeserapportantà

Nolanetd’éviterdecroiserAmber,TayloretJeremydanslescouloirs.OùétaitpasséePayton?Jenel’avaispasvuedepuiscematin.Jemedemandaissielles’étaitdisputéeavecAmber.Pendant ladernièreheuredecours, jepassaimontempsàregarder l’horloge,prised’unmalaise

grandissant.J’essayaisdemeconcentrer,maisjefusincapabledeconjuguerunseuldesverbesquelaprofd’espagnolinscrivaitautableau.Jesavaisquejedevraisprendredesnotes,maisjeneparvenaisqu’àpenseraupetitmotanonymedissimuléaufonddemapoche.Quil’avaitécrit?Etpourquoicettepersonnevoudrait-ellem’aider,moi,lafillelaplusdétestéede

l’école?Etpourquoimedemanderdemecacher?Deplusenplus, jecommençaisàmerangeràl’avisdeNolan.C’étaitforcémentunpiège.Jenemerendiscomptequejetapotaismoncahieravecmonstyloàunrythmeeffrénéquelorsque

SeñoraBateyseretournapourmefusillerduregard.Jelaissaitombermonstyloetluiadressaiunfaiblesourired’excuse.Ellefronçalessourcilsavantdeseretournerversletableau.J’attrapaimonpendentifendiamantetlefiscoulissernerveusementlelongdesachaîne.S’ilyavait

ne serait-ce qu’une infime possibilité d’obtenir des infos sur Amber, je ne pouvais pas rater machance.Maisjen’allaispasnonplusêtreassezbêtepourtomberdansunpiège.Jedevaisseulementtrouverunmoyendemeprotéger–parchance,lacaméradeNolanétaitunbonpointdedépart.Siquelqu’uns’enprenaitàmoi,aumoins,j’auraisunepreuveàfournir.Laclochesonna.Jesautaidemachaisesivitequelespiedsenmétalcrissèrentsurlesol.Señora

Bateymejetaunregardnoir.Jel’ignoraietfourraimesaffairesdansmonsacavantdecourirverslaporte.Jeslalomaidanslafouledesélèvesquisedéversaitdanslescouloirsjusqu’auvestiairedesfilles.Si

jevoulaism’entirer,je devais arriver en premier. Je poussai les lourdes portes de bois et reculai presque de dégoûtlorsquel’odeurdemoisissureetdesueurmesubmergea.Toutcommelestoilettesoùj’avaispassél’heure du déjeuner, l’ancien vestiaire des filles se situait dans l’aile du bâtiment qui avait

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désespérémentbesoind’êtrerénovée.Lescasiersàlapeintureécailléeétaientcouvertsderouille,etlesdouchesétaientpresqueentièrementbouchéesparlecalcairequis’yaccumulaitdepuisdesannées.Apparemment,laplaceétaitdéserte.Jefistoutdemêmeuntourrapidedelapièceéclairéeaunéon,

enprenantsoindejeteruncoupd’œilsouschaqueportedetoilettes.J’étaisseule.Unétrangecourantélectriquemechatouillaitlapeau.Onm’avaitindiquéd’attendredansunecabine

dedouche,maisjen’allaispasmecoincermoi-mêmedansl’unedecesimmondesstallesenbéton.Etpuis,s’ils’agissaitvraimentd’unpiège,jen’allaispasleslaissermetrouversiaisément.Jenepouvaispasnonplusresteràdécouvert.Çanemelaissaitqu’uneoption:jem’approchaidela

rangée de toilettes et poussai un soupir. Si je parvenais à trouver des infos compromettantes surAmber,j’espéraisqueletempsdetraînerdanslestoilettesetdecourirtêtebaisséedanslescouloirsentrelescoursseraitbientôtrévolu.Toutcequ’ilmefallait,c’étaitlabonne info.Sielleétaitassezaccablante,toutlemondeàl’écoleallaitm’oublierpourseretournercontreelle.Je choisis la cabine pour handicapés car c’était la plus éloignée de l’entrée du vestiaire, etm’y

enfermai.Lemoindrecentimètrecarrédelacabinerosesaumon(pourquoicettecouleuravait-elleunjour été populaire ?) était couvert degraffitis déclarant un amour éternel ou révélant qui était unegarce,unesalope,ouunegarcedoubléed’unesalope.Je suivis du bout des doigts lesmotsDELANEYHICKLERESTUNESALEPUTE. Les années,

sinon les décennies, avaient délavé les couleurs, mais comme un fantôme, la colère émanant dechaquelettrerefusaitdemourir.Tantdefois,j’avaisétéauxtoilettes,entouréedecesmotspleinsdehaine,etjen’yavaisjamaisprêtélamoindreattention.Maisàprésentquej’avaismonpropregraffiti,jenepusm’empêcherdemedemandersiDelaneyHicklers’étaitdéjàassisedanscettecabineetavaitlucesmots.Avait-elleressenticettebrûluredanssapoitrine,commemoi?Avait-ellepleuré,commemoi?Etàprésentqu’elleavaitquittécetendroitdepuisdesannées,yrepensait-elleencoreparfois?Le temps avait-il cicatrisé les plaies ? Nolan avait prétendu que rien de tout ça n’aurait plusd’importancedansquelquesannées.Peut-êtreavait-ilraison.Àcet instant, laporteduvestiaires’ouvritengrinçant.Jeplaquaimamainsurmabouche,car je

craignaisdelaisseréchapperunbruitquimetrahirait.Avecdesgesteslentsetmilleprécautions,jem’accroupisetsortisdemonsaclacaméradeNolan,puisouvrisl’écrandevisionnageetpressaileboutond’enregistrement.Sijedevaismefaireagresser,jevoulaisaumoinsdespreuvesenvidéo.Le pas étouffé de chaussures à semelles de caoutchouc s’approcha – définitivement pas le

claquementcaractéristiquedes talonshautsd’Amber. Je jetaiuncoupd’œilpar l’ouverturesous laporteetaperçusChristyHolderquis’avançaitaumilieudelapièce.Lacaméra tremblaitentremesmains.Christyétait ladernièrepersonneque jem’étaisattendueà

voir.SielleavaitdesinfossurAmber,pourquoimelesdonner?Àlafaçondontellenecessaitderajustersaqueuedechevaletsonuniforme, jecomprisqu’elle

étaitnerveuse.Lavoirstresséemedétendit.Lacaméraaupoing, je tendis lamainvers lapoignée.Àquoibonsecacher?Christyétait seule.Siellevoulaitparler, lemoinsque jepuisse faireétaitde l’écouter. Jecommençai à pousser le verrou rouillé quand j’entendis de nouveau le grincement de la porte duvestiaire,suividuclaquementdetalonsquirésonnaientsurleciment.Je retins un halètement et reculai. Mon cœur battait vitesse grand V. Attentive à ne pas faire le

moindrebruit,jemeretiraitoutaufonddelacabineetgrimpaisurlacuvette.Mêmesijenepouvaisplusvoircequisepassaitdehors,lacamérafilmaittoujours.–C’est quoi ce bordel,Christy ? demandaAmber, dont les pas se rapprochaient. J’ai appris par

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d’autresquetuétaisrevenueaujourd’huiaulycée.Pourquoitunemel’aspasdit?Christylaissaéchapperunpetitrirenerveux.–Pourquoijeteparlerais?Onm’aditquec’étaittafautesionm’afaitrepartirendésintox.Jefronçailessourcils.Jenesavaispasqu’elleavaitétérenvoyéeendésintox.Maisunefoisencore,

j’avaisétéunpeuoccupéeparmespropresproblèmes.–C’estReganqui a fait ça, répliquaAmber.Elle flippait à l’idéedenepas entrer dans l’équipe,

alorselleaditàKileyPorterdedireauconseillerd’orientationqu’ellet’avaitentenduevomirdanslestoilettes.Denouveau,jedusplaquerunemainsurmabouchepourconteniruncri.Jen’avaisrienditàKiley

Porter.C’étaitl’unedesfilleslesplusgentillesquejeconnaissais,legenreàtoujoursvouloiraiderceuxquienavaientbesoin–cequienavaitfaitunecibleparfaitepourAmber.–Maisjet’avaisdéjàdonnélalistedesadmises!protestaChristy.Tuauraispusimplementluidire

qu’elleavaitréussi,aulieudelalaisserruinermavie!Pourquoitunel’aspasarrêtée?Pendantplusieurssecondes,Amberneditrien.Quandenfinellepritlaparole,savoixétaitbasse.

Ellesemblaitpresquedésolée.– Je ne l’ai pas arrêtée parce que je ne voulais pas d’elle dans l’équipe. J’avais peur qu’elle

commenceàcomprendre.Lacolèrequidéferladansmesveinesfaillitmefairetomberdemonperchoir.Masoi-disantamie

m’avaitvolontairementpiégée.–Tusais,poursuivitAmber.Ausujetdetoietmoi.–Tucroisqu’elleestaucourant?Ilyeutunsilence,puisChristyajouta:– Ilauraitsuffique tum’enparles, jene l’auraispasprisedans l’équipe.Tun’aspas idéeàquel

pointmesparentssontsurmondosmaintenant…Jenepeuxmêmepasallerpissersansquemamèreécouteàlaporte.Lestalonsd’Amberclaquaientsurlesol.Apparemment,ellefaisaitlescentpas.– Je ne pensais pas que tes parents te feraient retourner en désintox ! Je pensais juste que si on

mettaitunpeudedistanceentrenous,çainduiraitlesgensenerreur.Tuterendscomptedecequisepasseraitsiquelqu’undécouvraitlavérité?Onseraitvirées.Nosréputationsseraientfoutues.–Maréputationestdéjàfoutue.Amberricana.– Ta réputation est solide, grâce à moi. Tu te rends compte à quel point tu vas être populaire

maintenantquelesautressaventquetuesalléeendésintox?J’aifaitdetoiunestar!– C’est complètement con, Amber ! On ne devient pas populaire grâce à un trouble de

l’alimentation!–Jelesais.Tulesais.Maisbienvenuedansnotremondededingues.Aufait,commenttut’ensors?

ajouta-t-elleaprèsunsilence.–Tu le saurais si tu répondaisàmesappelset àmesmessages, répliquaChristy. Jevaisbien, je

crois.Chaquejourestuncombat,ettespetitescombinesm’ontpasvraimentaidée.–Jesuisdésolée,ditAmberd’untonsincèrequejeneluiconnaissaispas.–MaispasassezpourlarguerceconnarddeJeremy.Amberpoussaunsoupir.–Jeremy,c’estseulementpourlesapparences.Tusaisbienquej’enairienàfoutredelui.–Maisc’estpascequ’ilcroit,rétorquaChristy.Cequetoutlemondecroit.–Ons’encarre,decequetoutlemondecroit!Onn’aplusqu’unanàvivrecommeça!Après,on

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seraàlafacetonpourrafairetoutcequ’onaenvie.Unan!Mes doigts serraient la caméra si fort quemes jointures en devinrent blanches.Oh mon Dieu !

AmberetChristy?Untrucentreelles?Elleavaitraison,sinotreécolecatholiquedécouvraitça,ellesseferaientvirer.Mais elle se trompait si elle pensait que j’étais au courant – enfin, jusqu’ici. Qui avait donc pum’envoyer ce mot ? Cette personne était au courant et voulait que je le sois également. Maispourquoi?Christyrestasilencieuseunlongmoment.–Écoute,ditAmber.Onnepeutpascourirlerisqued’êtresurprisesensemblecommeça–surtout

pasàl’école.Laprochainefoisquetuveuxmeparler,nem’envoiepasdemot.Appelle-moi,OK?–Maisjet’airienenvoyé!s’écriaChristy.C’esttoiquim’aslaisséunmotdansmoncasier.–Non,jen’airienlaissé,ditAmberenprenantunerapideinspiration.Merde.Jepariequec’était

Regan.Elleestvraimentaucourant.Merde.Merde.Merde.–Peut-êtrequ’ellenedirarien?Amberéclataderire.–Ouais,biensûr.Vucequis’estpassécesdeuxderniersjours,ellevamedétruireàlapremière

occasion.–Maispourquoitufaisça,Amber?Pourquoitut’enprendsauxgenscommeça?C’estpastoi.–Justement.Jen’aipasledroitd’êtrequijesuisvraiment.Malgrétoutcequ’elleavaitfait,jemesentismalpourelle.Jesavaisexactementcequeçafaisait,de

vivreuneviequinenouscorrespondaitpas.Commentleschosesseseraient-ellespasséesentrenoussinousavionsétéhonnêtesl’uneenversl’autre?Avectantdechosesencommun,nousaurionspudevenirdevraiesamies.–Écoute,ditAmber,ilfautquej’yaille.Jen’aipasbeaucoupdetempsavantquecettesangsuede

Taylormeretombedessus.Elleflippegravedèsquejem’éloigned’elleplusdedeuxminutes!Ilyeutunsilence,puiselleajouta:–Onestbien,touteslesdeux?–Ouais,répliquaplatementChristy.Onestbien.–Ok.Jet’appelleplustard.J’entendisdestalonsclaquerverslaporte.Letempsdequelquesbattementsdecœur,jerestaiimmobile.J’attendisencoreuneminute,tendant

l’oreille pour entendre le moindre son qui aurait indiqué que je n’étais pas seule. Les vestiairesrestèrentsilencieux.Satisfaite,jedescendisdestoilettes,éteignislacaméraetlaglissaidansmonsacà dos. Je n’arrivais toujours pas à croire que j’avais un véritable enregistrement qui pouvait fairevirerAmberdulycée.À cette pensée, mon cœur se mit à battre à coups redoublés. Je n’avais même plus besoin de

retournerlesautrescontreelle.Sijepouvaismedébarrasserdéfinitivementd’Amber,jepourraismeconcentrersurlareconstructiondemaréputation.Maisenysongeant,jesentismagorgesenouer.Honnêtement,ruinerlaviedequelqu’und’autreallait-ilrendrelamiennemeilleure?Jedéverrouillailaporte,songeuse…etm’arrêtainet.Jen’étaispasseule.Christyétaitassisesurunbancentredeuxrangéesdecasiers, latêteenfouieentresesmains.Elle

levalesyeuxquandlaportedestoilettescognacontrelemuretellesautasursespieds,l’airterrifiée.–Qu’est-cequetufaisici?Attends…Qu’est-cequetuasentendu?–Euh…

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Jemecreusailatêtepourtrouveruneréponse–n’importelaquelle–maisjenetrouvairien.Christycouvritdenouveausonvisagedesesmains.–Merde…Jenesavaispasquoidire.Sansbruit, jemeglissaivers laporte.Monmouvementdutattirerson

attention,carellerelevabrutalementlatête.– S’il te plaît, Regan, fit-elle en joignant les mains devant elle. Je sais que j’ai dit des choses

horriblesl’autrematin,maistunedoisrienrépéteràpersonne.Jet’ensupplie.Onseferaitvirer.Ellenemelepardonneraitjamais.C’estpasmonproblème,voulutrépondrecetteanciennepartiedemoiquinepensaitqu’àelle.Mais

uneautrepartiepréférasetaireàlavuedeslarmesquimontaientauxyeuxdeChristy–deslarmesquime firent comprendre que ça ne serait pas seulement Amber que je détruirais si je postais lavidéo.Ceseraitsifaciledelaposterenligneetd’attendresimplementquelemonded’Ambertombeen

miettes. Je n’aurais même pas à me salir les mains. Je n’aurais rien à faire pour récupérer monanciennevie.Maisalorsquecespenséesmetraversaientl’esprit,lesmotsdeNolanrésonnèrentdansmatête:Quetulevoiesounon,cetteReganétaituneimposture.Ellen’étaitpasréelle.Mon estomac se serra. Je fermai les yeux. Nolan m’observait dans l’obscurité, un masque de

déceptionsurlevisage.Jeserraimesbrassurmonventre.Christyfitunpasenarrière.Peut-êtrepensait-ellequej’allaisluivomirdessus.–Euh…çava?fit-elle.Pas trop, non. Mais peut-être pourrais-je aller mieux si je parvenais à comprendre qui était la

véritablemoi.–Jenedirairien,déclarai-jeenfin.Christypritunegrandeinspiration.–Tuessérieuse?Apparemment, la vraie moi était prête à sacrifier son statut social pour l’opinion d’un garçon

qu’elledétestaitquelquesjoursauparavant,carjehochailatête.Jen’avaiscependantpastotalementperdul’esprit:–Mais j’ai une condition, ajoutai-je.Tudis àAmber que j’ai promis de garder votre secret tant

qu’elle et sa bande d’abrutisme foutent la paix. Ça veut dire plus de posts sur Facebook, plus demenacesdanslescouloirs.Enfait,jeneveuxmêmepasqu’ilsmeregardent.Dis-luibiença.Christysemorditlalèvre.–Ellevaêtretellementvénèrequandellevasavoirquetuesaucourant.Ellevadirequec’estma

faute.Jenesavaispasquoirépondreàça,alorsjeposaiunequestionquimetaraudaitdepuisquej’avais

comprisdequoiellesparlaient.–Pourquoituesavecelle?Sileschosestournentmalentrevous,ousiAmberpensequequelqu’un

risquedel’apprendre,ellevatedétruire.Elleadéjàprouvéqu’ellen’apasderemordsàteblesserpoursonproprecompte.–Ellenemeferaitjamaisvraimentdemal.Ellem’aime.L’incertitudedanssonregardracontaituneautrehistoire.Jesecouailatête.Jen’essayaispasd’être

cruelle,maisjedevaisdirelavéritémêmesiellenevoulaitpasl’entendre.–Ambern’aimequ’elle-même.Jem’attendaisàcequ’elleproteste.Aulieudeça,sesépauless’affaissèrentetsonmentonretomba

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sursapoitrine.–Jecontinueàespérer…murmura-t-elle,défaite.Ellen’eutpasbesoindefinirsaphrasepourque jecomprenne.N’espérais-jepas lamêmechose

avecmamère?Êtreaiméepourquij’étais,etnonpaspourcequejeluiapportais?Sansréfléchir,jeposailamainsursonépaule.Elletressaillitmaisnebougeapas.–Jesuisdésoléed’avoirenvisagédeteblesser,Christy.J’imaginecequetudoisressentir,àcacher

quituesvraiment.Bienjoué,d’ailleurs.Jen’auraisjamaisdeviné.Ellesouritfaiblement.–Bref,conclus-je,çaneveutpasdirequetudoistecontenterdemoinsquecequetumérites.Ettu

méritesbienmieuxqu’Amber.Ellemeregardad’unairsceptique.–C’estparcequetun’espluspopulairemaintenant,c’estça?C’estpourçaquetuesgentilleavec

moi?Tuveuxrevenirdansl’équipe?–Non,répondis-jeenlaissanttombermamaindesonépaule.Jen’essaiemêmepasd’êtregentille.

J’essaieseulementd’être…Jem’interrompis,àlarecherchedesmotsappropriés.–J’essaieseulementd’êtrequijepensequejesuis–oudumoins,quijevoulaisêtreavantquetout

deviennesicompliqué.Tuvoiscequejeveuxdire?–Ouais,fit-elleavecunsouriretriste.Putaindelycéedemerde.Jeluirendissonsourire.–Putaindelycée,répétai-je.–Bon,j’imaginequ’ilfautqu’onyaille.–Parsdevant,luidis-je.Ilyaunedernièrechosequ’ilfautquejefasse.Ellemejetaunregardinterrogateur.–Ok,j’imaginequ’onseverraplustard.–Hé,Christy?Elles’arrêtadevantlaporte.–Oui?–Prends-lecommetuveux,maisj’avaisdéjàdécidédeneparleràpersonnedetadésintoxquand

mesmessagesontétépubliés.C’estpasmoiquienaiparléàKiley.Réfléchisàcequeçaimplique,d’accord?Ellefronçalessourcils,puishochalatête.J’attendisqu’elleeutquittélapièceavantdefouillerdans

mon sac à la recherche d’un crayon. Lorsque j’en eus trouvé un, je revins dans les toilettes pourhandicapésetgribouillailaphraseDelaneyHicklerestunesaleputejusqu’àcequ’ilneresteplusquedeslignesnoires.Lorsquej’eusterminé,j’inscrivisau-dessusuntoutnouveaumessage:ChristyHolderestunefilleformidable.C’étaitunepetiteligned’amouraumilieud’unmurdehaine.Unepetiteligneinsignifiante.Maisc’étaitundébut.Etc’étaittoutcequicomptait.

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CHAPITRE13

Enfermantlesyeux,jeparvinspresqueàmeconvaincrequelesablemoelleuxdelacarrièreétait

unnuagesousmespieds–quelechevalquejemenaisencerclesétaitunPégasevenum’emporterversdesaventuresinédites.Commes’illisaitdansmespensées,Rookierenâcla.Jesourisetouvrislesyeux.Mavieétaitloin

d’êtreparfaite,maisilyavaitdesmomentsdontjen’avaispasbesoindem’échapper.Etcelui-cienfaisaitpartie.Je levai les yeux surTamara, la petite fille agrippée à la crinière deRookie. Ses boucles noires

s’étalaient sous son casque.Ses yeuxbrillaient d’excitation,mais elle serrait les lèvres tant elle seconcentrait. Je ne connaissais pas son histoire,mais je ne voulais pas savoir si elle souffrait d’unquelconquehandicapouvenaitd’unfoyerbrisé.Toutcequiimportaitlorsquej’offraismontempsetcelui de Rookie à ces enfants, c’était qu’ils avaient envie d’être là. Et je voyais à l’expression deTamaraqu’iln’yavaitaucunautreendroitoùelleauraitpréférésetrouver.Ons’approchaitd’unmorceaudetuyauenPVCcouchéparterre.–Deboutdanslesétriers!criai-je.Tamara obéit.Elle serra sesmains sur l’encolure deRookie et se leva sur sa selle tandis que je

faisaispasserlechevalpar-dessusletuyau.Bientôt,ellen’auraitplusbesoindemoiàl’autreboutdelalonge–elleferaitdepetitssautstouteseule.Jemedemandaisiellefermeraitlesyeuxetprétendraitêtreentraindevolercommejelefaisaisàsonâge.Cettepenséemesurprit.Jenemesouvenaispasdumomentoùj’avaisarrêtédelefaire.–Çat’arrived’imaginerquelechevalestunelicorneouadesailes?demandai-jeenmeretournant

pourcommencerunnouveautour.Tamaragrimaça.–Jenesuispasunbébé.Cestrucs,çan’existepas.Jepréfèreleschevauxnormaux.Ilssontréels.Rookiesoufflaparlesnaseauxcommepourmarquersonapprobation.Jenepusm’empêcherdesourire.–Tuasraison,dis-jeentirantdoucementsurlalongepourarrêterRookie.Bon,jecroisqu’onena

terminépouraujourd’hui,Tamara.–Oh,gémit-elle,sonpetitvisagetoutchiffonné.Maisonvientjustedecommencer!– Ilyauneheure,m’esclaffai-je.Tusaisquoi?Tuvasdescendre, jevais luienleversaselle,et

aprèstupourraslebrosserunpeu.D’accord?Sonvisages’éclaira.–D’accord!Je lui tendis lamain, et elle se laissa tomber dansmes bras. Je la déposai au sol. Soudain, elle

regardaderrièremoietdemanda:–C’estqui?–Quiça?

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JemeretournaietaperçusNolan,deboutderrière labarrière.Lechocfutsiviolentque je faillistrébucher. Il portait un jean délavé, taille basse, et un vieux t-shirt gris quimoulait ses bras et sesépaules justeauxbonsendroits.Sescheveux, jamaisbienpeignés,semblaientencoreplussauvagesdanslabrisequilesagitaitàcetinstant.Soudain,j’eusl’étrangeimpulsiond’ypasserlesdoigts.Jemeraclailagorge,commepourlavermonespritdecettepenséedérangeante,etclignaidesyeux

pour m’assurer que je voyais clairement dans la poussière de la carrière. Il tenait une nouvellecaméra,plusgrandequecellequ’ilm’avaitprêtée.Quefaisait-ilici?Jecroyaisqu’ilnevoulaitplusmeparler.Lalongem’échappaettombaparterre.Aussitôt,Rookieplongeasonnezdanslesable,enquêtede

brinsdepaille.JeprisunebrossedansunseauposéàcôtédumuretlatendisàTamara.– Tu peux le brosser jusqu’à ce que ta maman arrive. Je te surveille. N’oublie pas de ne pas

t’approcherdesesjambesarrière.Pendanttoutescesannéesoùj’avaiseuRookie,iln’avaitpasuneseulefoisessayédemedonnerun

coupdepied,maisiln’étaitjamaistroptôtpourapprendreauxenfantsàfaireattention.–Pfff,fitTamaraenlevantlesyeuxaucielavantdes’emparerdelabrosse.–Jeseraijusteàcôtésituasbesoindemoi,dis-jeendésignantNolan.Ellem’ignoraetsemitàbrosserRookie.–Tuesungentilponey,roucoula-t-elle.Jem’essuyailesmainssurmonpantalonettraversailacarrière.Nolansuivitmaprogressionavec

sacaméra.Jeralentis,soudainconscientedelacrassedesécuriessousmesonglesetdemescheveuxtoutaplatisparleportdelabombe.–Qu’est-cequetufaislà?demandai-je.Ilgardalacamérapointéesurmoietsourit.–Jolipantalon.Jemesentisrougiretpassaitimidementlesmainssurletissumoulant.–Tuesvenupourparlerchiffon?–Non.Jevoulaissavoircequetufaisaisici.Jefronçaislessourcils.–C’estuneécurie.Etça,ajoutai-jeendésignantRookied’unsignedetête,c’estmoncheval.–C’estpascequejevoulaisdire.Qu’est-cequetufaisiciaujourd’hui?–Jesuisbénévolepourunprogrammedethérapieparl’équitation.Jevienstouslessamedis.Sacaméranebougeapas.–Pourquoi?Jepoussaiunsoupir.Apparemment, j’avaisdenouveauaffaireà l’ancienNolan insupportable.Je

jetaiuncoupd’œilàTamarapourvoircommentelles’ensortaitavecRookie.Ellegloussaitenluicaressantlenez.Jenepusm’empêcherdesourire.–Voilà pourquoi.Quand on a commencé le programme, elle était constamment en colère.Mais

Rookieluiafaitsonpetittourdemagiechevaline,etmaintenantellerit.Audébut,jen’auraisjamaiscruquejelaverraissourireunjour,etencoremoinsrire.Nolanbaissasacaméra.–Qu’est-cequiluiestarrivé?Jehaussailesépaules.

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– Je sais pas, et je veux pas le savoir.Certains enfants de ce programmeont des histoires assezterriblespourvousempêcherdedormirlanuit.Ilrestasilencieuxunmoment,lamâchoiretendue.–Sérieux.–Ouais,répliquai-jeencontinuantd’observerTamaraetRookie.C’estpourçaqueceprogramme

estimportant.Uneautrepenséemetraversaalorsl’esprit.JemetournaiversNolan.–Aufait,commentt’assuquej’étaisici?Ilrangealacaméradanslabesacequ’ilportaitenbandoulière.–C’esttonpèrequimel’adit.Jesursautai.–Tuesalléchezmoi?–Ouais.Jecroyaisqu’onavaitprévudetravaillersurcelivred’images.Apparemment,tuasdécidé

demeposerunlapinpouralleraiderdesenfants.Tupeuxêtrevraimentchiantedesfois,ajouta-t-ilavecunclind’œil.–Jecroyaisquetunevoulaisplustravailleravecmoi.Ils’appuyaàlabarrièreetcroisalesbrassurlabarremétallique.L’amusementquittasesyeux.–Écoute,jesuisdésolée,j’aiétécon.Tuestrèsfrustrante,ReganFlay.J’arrivepasàtecerner.–Moi?m’esclaffai-jebrutalement.Ettoialors?Uncouptumeharcèles,uncouptu…Meprendsparlesépaulesetmeserrecontretoi.Magorgeseserra.Jerepoussaicesimagesauloin.–Tumeprêtestaveste,achevai-je.Sonregardsedurcit.–J’imaginequenitoinimoinesommescommel’autrelevoyait.Jem’humectai les lèvres, soudain incapabledeparler.Pasétonnant,vu l’intensitéavec laquelle il

meregardait.Sesdoigtsétaientposéssurlabarrière,longsetminces.Pendantunbrefinstant,jecruspresqueles

sentirsurmesbras.Jeprisuneviveinspirationetdétournailesyeux.–Commentças’estpasséaprèslescours?demanda-t-il.Danslesvestiaires?T’estoujoursenvie,

doncj’imaginequ’Ambernet’espastombéedessus?–Non.–Tuasobtenudesmunitionspourtonplandevengeance?Jecreusaiuntroudanslesableavecleboutdemabotte.–Ouietnon.Ilfronçalessourcils.–Commentça?J’arrêtaidecreuserethaussailesépaules.–Jel’aifilméeentraind’admettrequelquechose…Quelquechosequipourraitlafairerenvoyerdu

lycée.Ellenesaitpaspourlavidéo.Personnenesait,etpersonnenesauratantqu’ellearrêtedemeharceler.–Quoi?fitNolanens’écartantdelabarrière.TunevaspasmettreçasurYouTubeouuntrucdans

legenre?Jeshootaidansuntasdesable.–Sijepostelavidéo,quelqu’und’autreseratouché.–Tum’impressionnes,Flay!Unechaleurserépanditdansmonestomac,etjeprisbiensoindenepasquitterdesyeuxlespointes

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demesbottes.–Bref.Est-cequ’onpeutneplusenparler?Etpuisc’estpascommesij’étaisunesainte.Jenevais

paseffacerlavidéoniriendestupidedanscegenre-là.Jelagardeaucasoù.J’allaisl’enregistrersurmon ordinateur hier soir, mais je n’ai pas le bon cable pour ça. Je me demandais si tu pourraisl’enregistreretm’envoyerunecopie?Maistudoismepromettredenelamontreràpersonne.Jesavaisquec’étaitunegrandedécisiondeconfieràNolanlavidéoquipourraitdétruirelesvies

d’AmberetdeChristy,maisjesavaisaussiqu’ilavaitétéhonnêteenversmoidepuisledébut.Mêmesij’avaisdumalàl’admettre,jeluifaisaisconfiance.Illevatroisdoigts.–Paroledescout.Puisilouvritlabarrièreafinqueplusrienn’existeentrenous.–Çaveutdirequetesgrandsprojetsdevengeanceetd’ascensionsocialesontavortés?Jenerépondispastoutdesuite,carjenesavaispascomment.C’étaitlelycée,aprèstout.Cen’était

qu’unequestiondetempsavantquequelqu’und’autrefassequelquechosed’aumoinsaussiterriblequemoi,etpendantquetoutel’écoleluitomberaitdessus,jepourraisdisparaître.Loindesfeuxdelapopularité,jeneseraisplusqu’unautrenomàmoitiéeffacédanslestoilettes.Oubliée.Maisétait-cevraiment ce que je voulais ? Qu’on se souvienne demoi comme la fille qui avait dit des choseshorriblessurtoutlemonde?Non.Àcetinstant,unevoixdefemmeappela:–Tamara?DerrièreNolan,lamèredeTamaras’approchaitdelabarrière.L’épuisements’affichaitencercles

noirssoussesyeux,etdestachesdeketchupetdemoutardeornaientletabliertoujoursnouéautourdesataille.–Allezviens,maintenant!poursuivit-elle.Jen’aiqu’uneheurepourt’emmenerchezGi-Giavant

derepartirbosser.–Ohnon!LabrosseéchappaàTamaraettombadanslesable.–MaisjeneveuxpasallerchezGi-Gi!Jem’ennuiechezelle!Ellen’amêmepaslatélé!Jeveux

restericiavecRookie,ajouta-t-elleenenroulantsesdoigtsdanslacrinièredemoncheval.–Tamara,s’ilteplaît!soupirasamère,lesépaulesvoûtées.Jen’aipasletempspourcesbêtises.

Disaurevoirauchevaletviens.Jedoistravailler.TamararestaagrippéeauxcrinsdeRookie,lesyeuxemplisdelarmes.–Maistudoistoujourstravailler!Mêmesinosviesétaientdifférentes,jesavaiscequec’étaitd’avoirunemèrequitravaillaittoutle

temps.Moncœursaignaitàlafoispourlafemmeetpourl’enfant,etjemecreusailacervellepourtrouverunesolution.–Tusaisquoi,Tamara?fis-jeenfin.Situparsavectamamantoutdesuite,jetedonneuncoursde

deuxheureslasemaineprochaine.Samèrem’adressaunregardreconnaissant.– Pourquoi tu ne peux pas me laisser monter encore une heure maintenant ? gémit Tamara, la

bouchetorduedechagrin.–Parcequetamamandoitallertravailler.–Tunepeuxpasavoirunautrecoursmaintenant,intervintNolan,parcequeReganm’apromisune

leçonàmoi.Ceseraitpasjustequetumeprennesmontempsdecheval.

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–Attends,quoi?demandai-je.Tamaracroisalesbras.–Leprogrammeestpourlesenfants,rétorqua-t-elle.–Justement!Jesuisunsalegosse,répliqua-t-il.–Lesenfantsquiontdesproblèmes,ajouta-t-elle.–J’aidesproblèmes.–Commequoi?demanda-t-elleavecunegrimace.–Lesfillessonttrèsméchantesavecmoi.Tamarasourit.–Etelleestoù,tabombe?–Euh…Nolanparcourutl’écuriedesyeuxetdésignaunebomberosesuspendueaumur.–Là-bas!s’écria-t-il.Ilcourutchercherlecasqueetrevintenlefixantsursatête.–Jesuisprêt!Dequoij’ail’air?Tamaragloussa.–Eneffet,cegarçonavraimentdesproblèmes!s’esclaffaMadameWells.Jelaconnaissaisdepuisplusieursannées,etdepuistoutcetemps,jenel’avaisjamaisvuesourire.

Sansparlerderire.–Bon,onesttousd’accord:j’aiunlookd’enfer,ditNolan.Etaprès?TamaralâchalacrinièredeRookieetdésignalaselle.–Tudoismontersurlecheval.–Oui.Lecheval.Nolansefrottalesmainsetcommençaàs’avancerversRookie,labomberoserebondissantsurson

crâneàchaquepas.Jeplaquaimamainsurmabouchepourétoufferunéclatderire.–Tun’espasobligédefaireça,tusais,dis-je.Ils’arrêta.–C’estmonpremiercoursettuesdéjàprêteàmelaissertomber?Quelgenredeprofes-tu?Legenrequivamourirderiredanscinqsecondes,songeai-je.

Jeluifissignedecontinuer.–Tuasraison.Montesurlecheval,vas-y.Madame Wells, qui avait tellement hâte de partir quelques minutes auparavant, s’appuya sur la

barrière.–Cegarçonvafinirparseblesser.–Siseulement,répliquai-je.Elleritenréponse.–OK!s’écriaNolanens’agrippantàlasellependantqueRookiecontinuaitàinspecterlesolàla

recherchedequelquechoseàsemettresousladent.Etc’estparti…Ensetenantdetoutessesforcesàl’avantetàl’arrièredelaselle,ilsepropulsaverslehautmais

glissasurlecuiretatterritdanslesabledel’autrecôté.RookierelevalatêteetrenâclatandisqueTamara,MadameWellsetmoiéclationsderire.–Çaal’airbeaucoupplusfaciledanslesfilms,marmonnaNolanenserelevantavantd’épousseter

sonjean.Est-cequej’essaieencoreunefois?– Non, répondis-je lorsque je pus reprendremon souffle. Je crois que ça suffira pour la leçon

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d’aujourd’hui.Ont’apprendraàmontersurlechevallaprochainefois.Àcesmots,Rookieplaquasesoreillesenarrièreetpartitvadrouillerdel’autrecôtédelacarrière,

traînantlalongederrièrelui.–Hé!s’écriaNolanenlemontrantdudoigt.Lechevals’enva!C’estmauvaissigne,non?–C’enestpasunbon,c’estcertain…Tamarasecoualatête.–Tuesvraiment,vraimenttrèsmauvais.MadameWellsgloussa.–Bonsang,çafaisaitdesannéesque jen’avaispasricommeça!Viens,Tamara.Jevaisêtreen

retard,maisçavalaitlecoup!Ellecroisamonregardetbaissalavoixpourajouter:–C’estunbon,celui-là.Iln’yenaplusbeaucoup,descommeça.Nel’oubliepas.Abasourdie,jerougisviolemment.Tamaras’arrêtajusteaprèsleportail.–Tuseraslàlasemaineprochaine?demanda-t-elleàNolan.–Jenesaispas,répondit-ilentournantversmoiunregardinterrogateur.Jefissemblantdenepasremarqueretdétournailesyeux.–J’espère,ditlapetitefille.–Moiaussi,répliqua-t-il.Souriante,Tamarapritlamaindesamère,etelless’enallèrentparlaportecoulissantedesécuries.DèsquejemeretrouvaiseuleavecNolan,moncœursemitàbattreàcoupsredoublés.Ilme rejoignit et s’arrêta si près demoi que je dus lever la tête très, très haut pour croiser son

regard.Ilportaittoujourssoncasque,etjedevaisbienadmettrequeleroseluiallaitbienauteint.Lacouleurrendaitsesyeuxnoisettepresquedorés.L’effetétaitétourdissant,etcenefutquequandilsemitàricanerquejemerendiscomptequejeleregardaisfixement.–Tuesridicule,dis-jepourreprendrecontenance.Ilm’adressaungrandsourireendéfaisantlasangledesabombe.–Ouais,bon…C’estpasmafaute,jesuispresqueprêtàtoutpourfairesourireunefille.Lorsqu’ileutenlevésabombe,ilsecouasescheveuxjusqu’àcequ’ilsretombentsursonvisageen

unemasseonduléequ’ildutrejeterenarrière.Ilme tendit le casque, et nos doigts se frôlèrent. Le contact provoqua surma peau une étincelle

électriquequimefitsursauter.SiNolans’enétaitrenducompte,ilnelemanifestapas.Ilsecontentadeserapprocher,etmoncœur

eutunsoubresaut.Malgrél’odeurdefoinetdepoussièrequiemplissaitl’air,sonparfumàl’orangeetauxaiguillesdepinm’enveloppait,tièdeetléger,emplissantmespoumonscommeunebaudruchejusqu’àcequejemesentesurlepointdedéfaillir.–Euh…Jem’humectaileslèvres,cherchantdésespérémentàcomblerl’espacequinousséparait,mêmesice

n’étaitquepardesmots.–Dequoionparlait?demandai-jeenfin.–Devengeance.–C’estça.Jeneveuxpasmevenger.Je tentai demeconcentrer sur lesballesde foin, sur lespigeonsperchésdans le chevronnage…

Tout sauf cesdeuxyeuxnoisettedans lesquels j’étais sur le point demenoyer.Et cen’étaient passeulementsesyeuxquimecaptivaient.Jenepouvaism’empêcherdesongeràlafaçondontils’était

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ridiculisé pour aiderMadameWells et faire rire Tamara.MadameWells avait sans doute raison :Nolanfaisaitpeut-êtrepartiedesbons.–OK.Situneveuxpastevenger,qu’est-cequetuveux?–Aucuneidée,répondis-je.C’étaitlachoselaplusvraiequej’avaisjamaisprononcée.–Audépart,poursuivis-je,jecomptaisfaireprofilbasjusqu’àcequeçasetasse,maiscen’estpas

unesolution.J’aifaitdumalauxgens.Jenepeuxplusl’ignorer.Ilhochalatête,levisageimpénétrable.–Etqu’est-cequetuvasfaire?Jen’ensavaisrien.Niausujetdulycéenipoursauvermaréputation,etsûrementpasausujetdeces

sentiments bizarres que je ressentais pourNolan. J’essayais deme concentrer sur les éléments lesmoinsperturbantsdelasituation.Simamèreétaitàmaplace,elleauraitpostélavidéodesvestiairessanshésiter.Elleprétendaitdéfendrelesvaleursfamiliales,maisjel’avaisvuedétruiredesfamillespour arriver à ses fins. J’avais essayéde jouer selon ses règles,mais jenepouvaisplus être cettepersonne.Pourtant,jenesavaispasnonpluscommentêtrequelqu’und’autre.–Tunetrouvespasçatristequ’onnesesouviennedecertainespersonnesquegrâceauxgraffitisà

leursujetdanslestoilettes?demandai-je.Nolanhaussalessourcils.–Tuveuxtedébarrasserdesgraffitisdanslestoilettes?–Pasdesgraffitis.Del’héritagequ’ilsontlaissé.Ilsemblaitperplexe,maisjel’interrompisavantqu’ilpuissem’interroger:–Désolée,jedéviedusujet.Quandj’aurairemisRookiedanssonbox,onpourratravaillersurle

livre.–Non,onpeutoublierlelivre,répliquaNolan.Onpeuttravaillersurtanouvelleidée.Jegrimaçai.–C’estpasuneidée.Jepensaisàvoixhaute,c’esttout.Etpuisilfautqu’onterminecelivre.Ilest

pourlundi.Nolaneutunsouriremoqueur.–C’estpasparcequetum’aslaissétomberquejen’airienfait.–Dequoituparles?Ensilence,ilrepritsabesaceaccrochéeàunpoteauetensortitunepochetteenpapierkraftremplie

defeuilles.Ilmelatendit.–Jejouaisavecunnouveaulogicield’illustrationet…Essaiedenepasêtretropintimidéeparmon

génie.Je levai lesyeuxau ciel etmepréparai à répliquerparun commentairebien senti.Maisdèsque

j’eusouvertlapochette,touteinsultes’évanouitdemonesprit.–Nolan…ohmonDieu!Ilsouritetfourralesmainsdanslespochesarrièredesonjean.–Génial,non?J’éclataiderireenfeuilletantlesdessinstracésàl’ordinateur.Ilavaitcréélelapinleplusadorable

que j’avais jamais vu. Carotte était une petite boule toute ronde et toute poilue, avec de longuesoreillesetunpetitnezentriangle.J’avaisenviedel’arracherdelapagepourleserrercontremoi,commelevraiCarottequim’attendaitdansmachambre.–Ilestparfait!Lesmainstoujoursdanslespoches,ilhaussalesépaules.

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–Laperfection,c’estmontruc.Ensouriant,jelevailesyeuxauciel.– Tu te la pètes un peu, non ? Mais je suis contente que t’aies pas attendu mon aide. J’aurais

sûrementtoutgâché.–J’endoute.Laseuleraisonpourlaquellejet’aipasattendue,c’estquej’étaispassûrquetuaies

enviedetravailleravecmoi.Pasaprèscequis’estpasséhier,entoutcas,ajouta-t-ilendétournantlesyeux.J’arrivaiàunepageoùCarotterendaitàunchiotauxyeuxemplisdelarmeslaballequ’illuiavait

prise.JepassailesdoigtssurlesmotsJesuisdésoléinscritsendessous.Surlapagesuivante,lechiotetlelapins’étreignaient.–Siseulementc’étaitsifacile,murmurai-je.–Pourquoiilfaudraitqueçasoitdifficile?Jesongeaià toutes leschoses terriblesque j’avaisditesdansmesmessagesetà lafaçondont les

gensm’avaientregardéeaprèsça.–C’estcommelegraffitidanslestoilettes.Jeluirendislaliassedepapieretpoursuivis:–Certainespersonnesnepeuventpasêtrepardonnées.Onnepeutpaseffacerlepassé.Ilrangealedossierdanssabesace.–Jecroisquetusous-estimeslesgens,Regan.Tufaissouventça.Jecroisailesbras.–Jene…–Tuseraissurprisedevoiràquelpointilspeuventtepardonnerfacilementsituessincère.C’est

importantpoureux.JulieSimsaététouchéequandtut’esexcuséeauprèsd’elledanslecouloir.Jel’ailusursonvisage.C’estçaquejenecomprendspascheztoi.Tuestrèsintelligente,maistun’aspasl’airdelecomprendre.Jefronçailessourcils.–Comprendrequoi?Ilsepenchasurmoijusqu’àcequesonvisagesoitsiprochedumienquejen’auraiseuqu’àme

hissersurlapointedespiedspourquenoslèvressetouchent.Monventreseserraàcettepensée,etpourtantjem’obligeaiànepasdétournerleregard.–Jecroisquetuasmisledoigtsuruntrucvraimenttopaveccetteidée,murmura-t-il.–J’aipaseud’idée,murmurai-jeenréponse.–Si,sourit-il.Etelleestgéniale.Maislaseulefaçondeconvaincrelesautres,c’estdeleurprouver

qu’ilspeuventavoirconfianceentoi.TuvasdevoirleurmontrerlavraieRegan,paslafillequetuprétendaisêtre.Jenecomprenaistoujourspasdequelleidéeilparlait.Maismalangueétaitsiengourdiequejene

pus formuler les questions que je voulais lui poser. Il était si proche que son souffle me faisaitfrissonner.–Tusaiscequetudoisfaire?Jefis«non»delatête.–Présentertesexcuses.Jeclignaidesyeux,perplexe.Jenecomprenaistoujourspas.–Auxgensdontj’aiparlédansmesmessages?–Non.Ilseredressa,etsoudainj’eusl’impressiondepouvoirdenouveaupenserclairement.

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–Àtoutlemonde.Tusais,lesdégâtsquetuascausésneselimitentpasauxgensquetuasinsultésdanscesmessages.Lahontem’enflammalanuqueetlesjoues,etsepropageasurtoutmonvisagejusqu’auxoreilles.

Jejetaiuncoupd’œilderrièremoi,soi-disantpoursurveillerRookie,maisenvérité,jenepouvaisplusleregardersansressentirdansmesentraillesunpincementdeculpabilité.–Tuveuxdirequejedevraisallervoirtoutlemondedanslescouloirsdulycéeetleurdirequeje

suisdésolée?fis-jeavecunpetitricanement.Nonseulementc’estridiculemaisçameprendraituneéternité.–Oui,situt’yprendscommeça.Nolanressortitsacaméradesonsac.–Qu’est-cequetudisdeça?poursuivit-il.Jeleregardaid’unairsceptique.–Tufilmestesexcuses.Réfléchis-y.Ilallumalacaméra.Instinctivement,jefisunpasenarrière.–Situt’exposesvolontairement,ditNolanenbraquantlalentillesurmonvisage,situdéballestout,

personne– y compris Amber – ne pourra te faire de mal. Et puis tu auras la chance de faire une vraiedifférence.Passeulementpourtoi,maispourtoutlemonde.Jenecomprenaistoujourspas.Commentdesimplesmotspourraient-ilschangerquoiquecesoit?

Rienqu’àl’idéedememettreànudevantmescamarades,j’avaisenviedevomir.Maisàlaréflexion,n’était-cepasexactement legenredecommunicationpositivequ’ilmefallait?Etpuis, reconnaîtreseserreursets’excuserétaitunechosequemamèreneferaitjamais.Rienquepourça,j’avaisenvied’essayer.–Alorsquoi?fis-jeenmerapprochantdelacamérapourposerlamainsurl’objectif.Tuveuxque

je fasseçamaintenant?Auxécuries,couvertedepoussièreetdesueur?demandai-jeendésignantd’ungestemaqueue-de-chevalemmêléeetmesbottescouvertesdeboue.Nolanritetéteignitlacaméra.–Ons’enfoutdetonapparence,mêmesi,aupassage,jetetrouvesuperbecommeça.Unevaguedechaleurmesubmergea.Jetentaivainementdemerecoiffer.–Celadit,poursuivit-il,jepensequ’onpeutquandmêmemieuxmettreenscènelavidéo.Tupeux

venirchezmoicesoirversseptheures,situveux.J’auraitoutinstallédansmachambre,etonpourratoutdesuitesemettreautravail.–Cheztoi?Mavoixétaitmontéed’uneoctave.Cen’étaitpascommesijen’étaispasalléelà-basunmillionde

fois pour voir Payton,mais je n’étais jamais entrée dans la chambre deNolan. En fait, je n’étaismêmejamaisentréedanslachambred’ungarçon.Etsurtoutpastouteseule.–Bahoui,répondit-il.Àmoinsquetuaiesunécranvertcheztoi,biensûr…Jefis«non»delatête.Ilsourit.–Alorsçaserachezmoi.Septheures.Onsevoitlà-bas.Malgrélapaniquequim’envahissait,jeparvinsàcoasser:–D’accord.Septheures.Son sourire s’élargit. Il me fit un clin d’œil, puis ouvrit le portail pour quitter la carrière. En

traversantl’écurie,ils’arrêtaletempsdetapoterlenezd’unchevalcurieux.

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Aprèssondépart,jemisquelquesminutespourretrouverl’usagedemesmembres.Qu’est-cequejevenaisd’accepter?–Regan!Mary,lapropriétaireducentre,s’approchaitenmenantunchevalparlesrênes.–Oui?soufflai-je.–Jepensaispartirenbalade.Tuveuxvenir?À peine quelques jours auparavant, jem’étais imaginé ouvrir les barrières, sauter sur le dos de

Rookieetpartirlàoùilvoudraitbienm’emporter.Maisàprésent,toutétaitdifférent.Nolanavaitunplan,etmêmesijenelecomprenaispas,jeluifaisaispleinementconfiance.–Merci,maisjecroisquej’enaifinipouraujourd’hui,répondis-je.Pourunefois,jesavaisexactementoùj’étaiscenséeêtre.

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CHAPITRE14

LachambredeNolann’étaitpasdutoutceàquoijem’étaisattendue.Bon,jen’étaisencorejamais

entréedans lachambred’ungarçon,maiscellesque j’avaisvuesà la téléétaientenvahiesde lingesaleetdécoréesdepostersdefemmesàmoitiénues.S’il n’y avait pas eu le lit à deux places casé dans un coin, je n’aurais même pas deviné qu’il

s’agissait d’une chambre.Ungrandbureauoccupait toutunmur.Dessus,deuxécransd’ordinateuraffichaient divers clips vidéo et un troisième un logiciel d’édition. La caméra que Nolan avaitapportéeauxécuriesétaitfixéesuruntrépiedaumilieudelapièce,faceàundrapvertquipendaitduplafond.Unsimpletabouretavaitétéposédevant.J’hésitaisurlepasdelaporte.Jesavaisexactementpourquiétaitcetabouret.Jel’entendaispresque

murmurermonnom,memettreaudéfidem’ouvrir lapoitrinepourexposermoncœuraumondeentier.J’essuyaimespaumessoudainementensueursurmonjean.Soudain,jeregrettaiquePaytonnesoitpaslà.Lorsquesonpèreavaitouvertlaportepourmedirequ’elleétaitsortie,j’avaisétédéçue.Jenesavaistoujourspasexactementoùnousenétionstouteslesdeux.Çamecontrariait.–T’asl’airstressée.Je fis volte-face pour découvrir Nolan qui se tenait derrière moi sur le pas de la porte. Il me

bloquaitlasortie.Mêmes’ilnes’étaitpaschangédepuisquejel’avaisvuauxécuries,c’étaittoujoursbizarredelevoirporterautrechosequel’uniformedel’école.Sescheveuxétaientdifférents:aulieudependouillerlibrementsursonfront,ilsétaientbrossésavecsoinettirésderrièresesoreilles.Sijeneleconnaissaispasmieuxqueça,j’auraiscruqu’ilavaitessayédebiensecoifferpourmoi.J’avaisenviedelesébourifferavecmesdoigts,etcettepenséesuffitàmeserrerlesentrailles.–J’aichangéd’avis.Jepeuxpasfaireça.–Biensûrquesi.Ilm’attrapapar lesbraset serra.Comme toujours, soncontact apaisa lesvrillesd’anxiétéqui se

tordaientenmoi.–Jecroisentoi,ajouta-t-il.Ça en faisait aumoins un !Comme il bloquait la seule issue, je n’eus pas d’autre choix que de

reculerdanssachambre.Il ferma la porte et passa devantmoi pour rejoindre son ordinateur. Il se pencha sur le bureau,

s’emparadelasourisetouvritplusieursfenêtressurl’undesécrans.–Tuveuxboirequelquechose?demanda-t-ilsansleverlesyeux.–Nonmerci.Jedoutaisqu’unequelconqueboissonpuissedesserrerlenœuddeterreurquiseformaitdansmon

ventre.MêmeNolanenétaitincapable.Etcommej’avaisdéjàlanausée,jenevoulaispasrisquerdecontrariermonestomacencoreunpeuplus.Il continua à cliquer pour ouvrir et fermer des fenêtres. Comme il était occupé, je décidai

d’inspectersachambre.Sesmursétaientpeintsengrisargenté,etsonlitétaitcouvertd’unecouette

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noireunie.Iln’yavaitpaslemoindreposterdesport,maisau-dessusdelatêtedelitsetrouvaientdesaffichesencadréesdedocumentairesdontjen’avaisjamaisentenduparler.Chacuneétaitdécoréedebandeauxannonçantdesvictoiresàl’unoul’autrefestivaldufilm.–Tuaimeslesdocumentaires,çasevoit,dis-jeenexaminantl’affiched’unfilmsurunhommequi

avaitvécupendantunanavecdeschevauxsauvages.Hormislesvidéosqu’onnousfaisaitvoiràl’école,jenemesouvenaispasd’avoirvisionnéunseul

documentaire.–Ouais,répondit-ilsanscesserdemanierlasouris.Tusavaisqu’àl’originedudocumentaire,on

appelaitçaenanglaisdes«lifecaughtunawares»?Desprisesdevieentouteinconscience?J’adorecette expression. Tellement que je voulais appeler mon propre documentaire La vie en touteinconscience.Rienn’estaussiprenantqu’unfilmbienréaliséetconvaincantsurlavie.Sipourmoilesdocussonttellementsupérieursauxfilms,c’estjustementparcequ’ilssontvrais.C’estçaquilesrendsigéniaux.Lesfilmsessaientdeserapprocherdelaréalité,ets’enapprochentparfoisdetrèsprès,maisonnepeutpasfabriquerduréel.Jen’yavaisjamaispensécommeça.Jeposaimonsacàdossursonlit,prenantgardeàconserver

une distance appréciable entre le tabouret etmoi.À l’idée dememettre à nu devant tout le lycée,l’angoissebourdonnaitdansmatêteavecl’intensitéd’unbocalremplidefrelonsfurieux.Ducalme,Regan, me dis-je.C’est le plan que tu cherchais. Celui qui va enfin réparer les dégâts que tu ascausés. Et franchement, ce n’est pas très différent des excuses publiques organisées pour descélébritésetdespoliticiensquiontdérapé.Si?Jedéglutisavecpeine.Jenedoutaispasduplan,nimêmedeNolan,maisàchaquesecondequiétait

passéedepuisqu’ilm’avaitquittéeauxécuries,j’avaisunpeuplusperdufoienmoi-même.Pourrais-je tenirassez longtempspour tourner lavidéo,ouallais-je repartir en laissantàNolan lachose laplusincriminantequisoit:moientraindepiqueruneviolentecrisedenerfsdevantlacaméra?Rienqu’àcettepensée,j’avaiseuenvied’uncachetplusdefoisquej’auraisvoulul’admettre.Maisendéfinitive,malgrémespeurs,jedevaislefaire.J’enavaisassezdefuirmesproblèmes–de

fuirmavie.Aprèstoutcetempspasséseuledansdestoilettescouvertesdegraffitis,jem’étaisrenducomptequecertainescicatricesnedisparaissaientpasavecletemps.Ilnes’agissaitplusdemecacherouderegagnermapopularité.Ils’agissaitderéparerlesdégâtsquej’avaiscausés.Mêmesijedevaisgarder lespoings serréspourm’empêcherd’atteindremespetitespilules, j’allais fairecettevidéo.Peut-êtreétait-celàquelavraiemoisecachaitdepuistoutcetemps:enfouieaufondd’unflacondeXanax.Nolanjetauncoupd’œilpar-dessussonépaule.Ilmevitapprocheretsourit.Quelquechosesemitàvibrerenmoi,maisjefisdemonmieuxpourl’ignorer.–Commentsepassetondocumentaire?demandai-je.–Bof…Sonsouriredisparutetilseretournaverssesécrans.–J’aicruavoirunesuperidéepourundocumentairesurlaviedansunlycéeaméricain,mais…Ilhaussalesépaules.–Çan’apasmarché.–Pourquoi?Ilsepassalalanguesurleslèvres.–Parfois,leschosesdeviennenttropréelles.–C’estpourçaquetumefilmaisdanslescouloirs?– Ouais… J’essayais de capturer des plans bruts de la vie lycéenne, mais ça ne s’est pas passé

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commeprévu,répondit-ilensefrottantlanuque.MonamieBlakem’aidait.Jenesaispassituesaucourant,maisellesefaitbeaucoupharceler.Jelesavais,etmêmedeprèspuisqu’Amberenétaitengrandepartieresponsable.Ellepassaitson

temps à embêter Blake et l’ex de Nolan, Jordan, en les traitant de gouines. Maintenant que jeconnaissais le secretd’Amber, je comprenaismieux : elle lesharcelaitpour tenterdebrouiller lespistes.–Bref,poursuivit-il.Blakeetmoiavonseul’idéeensemble.Lesujetdufilmétaitlapopularitéau

lycée. J’essayais de capturer les deux côtés de la hiérarchiemais, comme je te l’ai dit, ça n’a pasmarché.Jesuisbeaucoupplusexcitéparnotrenouveauprojet.–Notreprojet?–Ouais.Enfin,situesd’accordpourquejefilmeça.Çaferaitunsuperdocumentaire.Onpourrait

appeler çaProjet graffitis. Enfin, ça ou ce que tu veux. C’est pour ça qu’on fait ça, ajouta-t-il endésignantsonécran.–Maisjenevoistoujourspaslerapportentrelesgraffitisetmesexcuses.Ilsourit.–Tuverras.Tuvasadorer.Ilretournaàsonordinateuretouvritunautrelogicielaffichantdiversgraphiquesetcadrans.Trèsvite,mesyeuxdevinrentvitreuxetjedusdétournerleregard.C’estalorsquejeremarquailes

cadresphotoposésdechaquecôtédesécrans.Surl’und’eux,Nolansemblaitavoiràpeinetreizeans.Ses cheveux lui retombaient sur les oreilles. Il était grand et dégingandé, tout en angles et enarticulations. Il se tenait au milieu d’une rangée de garçons, et chacun avait le pied posé sur unskateboard.Suruneautrephoto,ilfaisaitàPaytonuneprisedecatch.Sonpoingétaitappuyécontrelefrontdelapetitefillevisiblementravie.–OùestPaytoncesoir?demandai-je.–Partiefairedushoppingavecmaman.Jecroisqu’ellesvontchoisirsarobepourlebal,répondit-

ilenlevantlesyeuxauciel.Commesiellen’avaitpasdéjàunplacardrempliderobes!Lebal.J’avaiscomplètementoubliéquec’étaitdansquelquessemainesàpeine.Commesij’avaisla

moindrechanced’yaller,àprésent.Jeposailesyeuxsurlederniercadre,unephotodeNolanetdesonex,Jordan.Ilsétaienthabilléstoutennoir,etsescheveuxàelleétaientcolorésenunejolieteintedebleu.Nolanentouraitsesépaulesdesesbrasetavaitleslèvrespresséessursajoue.Elleavaitlaboucheouverte,figéepourtoujoursdansunéclatderire.Jenemesouvenaispasd’uneseulefoisoùjel’avaisvuerire,oumêmesourire,aulycée.J’avais

toujourssupposéquec’étaitjusteuneémoquiiraitlatronche.Maismaintenantquej’avaismoi-mêmesouffertdesattaquesd’Amber,jelacomprenaisbeaucoupmieux.JerelevailatêteetvisNolanmeregarderd’undrôled’air.–Qu’est-cequis’estpasséentrevousdeux?demandai-jeendésignantJordan.Tuasl’airtellement

heureuxsurcettephoto.–C’estçaquiestmarrantaveclesphotos,répliqua-t-ilenposantlecadrefaceverslebassurson

bureau.Ellesnemontrentquecequisetrouveàlasurface.Jecomprenais.Chezmoi,lesmursétaientcouvertsdedizainesdephotosdemesparentsetdemoi,

souriants,commeuneparfaitepetitefamilleaméricaine.Maisdanslavraievie, jenemesouvenaismêmepasdeladernièrefoisoùnousnousétionssourisansqu’ilyaitunappareilphotobraquésurnous.Nolanreportasonattentionsursonordinateur.Ilavaitlamâchoireserrée,commes’ilseretenaitde

grincerdesdents.

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–C’était ellequin’était pasheureuse, reprit-il. J’ai fait tout ceque jepouvaispour l’aider.Pourl’empêcherdetomberenmiettes.Maisj’auraisaussibienpuessayerdefaireentrertoutl’océandansunebouteille.Avantquejepuissedemandercequ’ilvoulaitdireparlà,ildésignal’écran.–Aveclefondvert,tupeuxchoisirparmiuntasdedécorsdifférents.Ilcliqua,marquantclairementsavolontédechangerdesujet.Uneséried’imagesapparutsurl’écrandumilieu.Lapremièreressemblaitàl’intérieurdubureau

demongrand-père:unegrandebibliothèqueenacajoupleinedelivresreliéscuirtrônaitàcôtéd’unecheminéeenbriquesrouges.Ladeuxièmeressemblaitàuncouloirdelycée:deuxrangéesdecasiersargentés étaient alignées de chaque côté d’un sol au carrelage brillant.Une troisièmemontrait lesgradinsd’unstadedefoot.–Jepencheraispourcelle-là,ditNolanendésignantlescasiers,maissituasautrechoseentête…–Uneguillotine,peut-être?Ouunpelotond’exécution?Parcequej’aicommel’impressiond’être

danslecouloirdelamort…Ilritetsecoualatête.–Onvapartirsurlescasiers…Il cliqua, et l’image s’afficha en plein écran. Il cliqua de nouveau, et le tabouret derrière moi

apparutdevantcommeparmiracle.–C’estgénial!m’écriai-je.–Lamagieducinéma.Ilmefitunclind’œiletquittasonfauteuildebureaupourrejoindrelacaméraposéesurletrépied.

Ilajustal’anglejusqu’àcequeletabouretsetrouvejusteentrelesdeuxrangéesdecasiers.Lorsqu’ileutterminé,iltapotalesiège.–Enscène!Monestomacsesouleva.Jememordislalèvreetcroisailesbras.Toutcomptefait,cen’étaitpeut-

êtrepasunebonneidée.Etsijenefaisaisquem’exposeràencoreplusd’humiliationetderidicule?LeregarddeNolans’adoucit.–Çavaaller,Flay?Jesaisquejet’aiunpeuprécipitéelà-dedans.T’espasobligéedelefairesit’as

pasenvie.Bien sûr que je le voulais,mais « vouloir » et « faire » étaient deux planètes différentes qui se

trouvaientdansdeuxsystèmessolairesdifférents,avecunabîmedevideentrelesdeux.Denouveau,je me mordis la lèvre. Qu’est-ce que papa disait toujours ? Un voyage de mille kilomètres doitcommencerparunsimplepas?J’étaisprêteàfairecepas.MêmesiAmbermelaissaittranquilleetquePaytonetmoinousréconciliions,mêmesitoutlelycéeoubliaitpeuàpeucequej’avaisfait,moi,jen’oublieraisjamais.Jedéglutisavecpeineetm’assis.–Jedoislefaire.Nolanpressauninterrupteuretsachambrefutplongéedanslenoir,endehorsdelafaiblelumière

desécransd’ordinateur.Dupied,ilallumaunblocprise.Aussitôt,jefuspresqueaveugléepardeuxpuissants projecteurs installés de chaque côté de la caméra. Je plissai les yeux pendant quelquessecondes,jusqu’àcequemavisionsoitdébarrasséedespetitspointslumineuxquil’avaientenvahie.–Désolé.Nolandescenditlesprojecteurspourqu’ilsnesoientplusbraquéssurmonvisage.–Tuespluspetitequemoi.Intimidée,jenesavaispasquoifairedemesmains.Jelesposaisurmesgenoux.–Tut’esfilmé?

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Mêmesijenevoyaispassonvisagedanslenoir,jedistinguaislasilhouettesombredesoncorpsderrièrelacaméra.Ilhaussauneépauleetretournaàsesajustements.–Pourl’anciendocumentaire.Celuiquej’aiabandonné.–Parcequeçanemarchaitpas?–Exactement.Unefoisencore,jevoulusluidemanderpourquoiçan’avaitpasmarché,surtoutmaintenantqueje

savaisqu’ilyétaitquestiondepopularité,mais jen’eneuspas le temps. Ilpressaunboutonsur lacaméra,etunelumièrerougesemitàclignoterau-dessusdel’objectif.Jeprisunegrandeinspiration.Nolaneutunpetitrire.–Ducalme,Flay.Faiscommesilacaméran’étaitpaslà.Plusfacileàdirequ’àfaire.Lalumièrerougemefaisaitl’effetd’unlaserquimebrûlaitlapeau.Je

remuaisurmontabouret.–Qu’est-cequejefais,maintenant?Ilpritunautretabouretdansuncoinetseperchasurlebord,unpiedsurlerepose-pied,lesgenoux

écartés.–Faiscommesitumeparlaisàmoi.Çanem’aidaitpasvraiment,maisjen’allaispasluidireça.Uneénergienerveusemetraversaittout

lecorps.Jecachaimesmainsdansmesmanchesettordisletissuautour.–Jenesaispasparoùcommencer.Nolansepenchaenavantdevantleprojecteur,justeassezpourillumineruncôtédesonvisage.–Etsijeteposaisdesquestionsetquetuyrépondais?Tun’aurasqu’àrépéterlaquestiondansta

réponse,commeçajen’auraiplusqu’àmedébrouillerpourcouperaumontage.D’accord?Jehochailatête.Moncœurbattaitàtoutrompre.–D’accord.Ilplaquasesmainsl’unecontrel’autre.–Bon!Parle-moidujouroùtuesarrivéeaulycéepourtrouvertesmessagesprivéscolléssurles

casiers.Je ricanai, non pas parce que je trouvais le sujet amusant mais parce que si je ne riais pas, je

craignaisdefondreenlarmes–chosequejenevoulaisdéfinitivementpasfairedevantunecaméra.Magorgeseserra,et jeposaimachinalement lamainsurmaboîteàpilulesaufonddemapoche.J’aimais savoir qu’elles étaient là, même si je faisais tous les efforts du monde pour ne pas enprendre.Detoutefaçon,çarendraitsûrementlavidéodeNolanbienplusintéressantesi jetombaisraidemorte.L’idéemefitglousser.–Tuesnerveuse,ditNolan.–Çasevoittantqueça?Jetapotaidesdoigtssurlaboîte.Sij’avalaisuncachetmaintenant,jepourraispeut-êtrearrêterla

crisedepaniqueavantmêmequ’ellecommence.–Qu’est-cequ’ilyadanstapoche?demanda-t-il.Jemefigeai,lagorgeserrée.Uninstant,jepensaimentir.J’auraispuluidirequecen’étaitqu’un

tube de gloss. Quand j’avais répétémes excuses un peu plus tôt devant lemiroir, pas une fois jen’avais envisagédementionnermon troublede l’anxiétéoumespilules.Pourtant, jeme surpris àsortirlapetiteboîteargentéedemapocheetàl’ouvrirdevantlacaméra.–C’estmonXanax.Letremblementdemesmainsfaisaits’entrechoquerlespetitespilulesroses.

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–Çam’aideàm’éloignerdubordquandjecommenceàtomber.–Commentça?Jerefermailaboîteavecunclaquementsecetlaremisdansmapoche.–Jesouffredetroublesdel’anxiété.Aprèsavoirpassécesdernièresannéesàdissimulermonsecretauprèsdetoutlemonde,ledévoiler

devant Nolan et sa caméra me donna l’impression de reprendre mon souffle que j’avais retenupendantune éternité. Jenem’étaispas renducompte àquelpoint ç’avait été épuisantdegarder çapourmoi.–Quandj’étaisentroisième,jesuisrestéedebouttrèstardunsoirpourréviser,etj’aicommencéà

avoir très mal dans la poitrine.Mes bras me picotaient et je n’arrivais plus à respirer. J’ai faillitomberdanslespommes.J’aicruquejefaisaisunecrisecardiaque,etmonpèrem’aemmenéeauxurgences.Enfait,c’étaitunecrisedepanique.Jeparlaisdeplusenplusvite.J’avaispeurdemedégonfleretderavalerlesmotsquimecoulaient

delabouche.À cet instant, je me foutais que Nolan pense que j’étais tarée si j’avais besoin de médocs pourfonctionnernormalement.Cequejefaisais–mepurgerdetouscessecretsetdetousmesregrets–mesemblaitêtrelabonnechoseàfaire.Detoutemavie,c’étaitlapremièrefoisquejeressentaisunetelleévidence.–Le lycéeétaitunpeuplusdurqueceàquoi jem’attendais.Tout lemondecroitquemavieest

parfaite.Cequ’ilsnesaventpas,c’estquejetiensàpeinelecoup.Enfaitnon,jenetienspaslecoup.Pasdutout.C’estça,leproblème.Etpuisilyamamère,quiestdéputée.J’essayaisdedistinguermeschaussuresdanslapénombrepournepasavoiràregarderlacaméra.–Elleaplanifiémavieentière,placéenmoidesattentesquejesuisincapabledesatisfaire.MêmesijenevoyaispasNolan,j’entendaissonsoufflerégulierdanslesilencequiavaitsuivimes

mots.Enfin,ildemanda:–Quelgenred’attentes?–Laperfection,soufflai-je.Unepetitevoixdansmatête,l’ancienneRegan,mehurlaitdelafermer,quej’enavaistropdit.Tu

montresdesfaiblesses,sifflait-elle.Peut-être.Maisjem’étaisdéjàtropouvertepourreculer,j’avaisdévoilétoutesmescicatrices.Etpuis,quidécidaitdelalimiteentreforceetvulnérabilité?Parcequ’àcet instant, je ne voyais pas la différence. J’étais venue ici ce soir pour m’excuser auprès desinnombrablespersonnesque j’avaisblessées,mais ilm’avait falluattendre jusqu’àcet instantpourmerendrecomptequelapersonneàquij’avaisfaitleplusdemal,c’étaitmoi-même.Jetripotaidenouveaulaboîtedepilulesethaussailesépaules.– Je devais être parfaite. Irréprochable. Tout le temps. Pas seulement à la maison, mais aussi à

l’école,àl’église…Mêmepourallerfairemescourses,parcequetoutlemondemeregardaittoutletemps.C’étaitcommesilemondeentierétaitlà,àattendrequejemeplante.Etj’airetenumonsoufflependantdesannées,parcequejesavaisquecen’étaitqu’unequestiondetempsavantquejedérapeetquetoutparteenvrille.Je fixais l’objectif de la caméra. L’obscurité semblait s’étendre comme une bouche noire qui

s’ouvrait pourm’engloutir tout entière. Je sentaismes forces s’épuiser. Jem’agrippai au siège demontabouret.J’essayaidem’yancreralorsquetoutcequejevoulais,c’étaitmelaissertomberparterre.Encoretrentesecondes,medis-je.Trentesecondes,ettupourrasprendreuncachet.Je n’allais pas mourir dans les trente prochaines secondes, même si le silence de la pièce me

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donnaitlachairdepouleetquelesondelarespirationdeNolanmemettaitmalàl’aise.J’ouvrislaboucheetparlai,justepourremplirlevide.–Ilyadesjoursoùj’ail’impressionquelaseulechosequimemaintientenunseulmorceau,ce

sontcespilules.Jesecouailaboîteetritunpeu.–C’est tellementpathétique.Maisencorepluspathétique, ilya leschoseshorriblesquej’aidites

sur lesgens– leschoseshorriblesque j’ai faites.Jen’essaiepasdemetrouverdesexcuses,parcequ’iln’yenapas.Jevoulaisseulementdirequejesuisdésoléepourtout.Vraimenttout.Lelycéeestdéjàassezdursansqued’autresélèvesenrajoutent,etjesuisvraimentdésoléed’avoirétéunedecesautres.L’épuisements’abattaitsurmoi,etmesépauless’affaissaientsoussonpoids.J’ysuispresque.–Jenem’attendspasàcequ’onmepardonne.Jevoulaisjustequetoutlemondesache.Jeneveux

plusêtrelapersonnequej’aiété.Jeveuxêtremoi-même,mêmesijenesaispasencorevraimentquijesuis.Jevaisbienfinirpartrouver,conclus-jeenhaussantlesépaules.Jem’arrêtaietcherchaiduregardlasilhouettenoiredeNolanderrièrelacaméra.–Jenesaispasquoidiredeplus.Lalumièrerougedelacaméradisparut.Unesecondeplus tard, lesdeuxprojecteurss’éteignirent

également.Jemisquelquessecondesàm’habitueràlapénombre.Lorsquej’yparvins,Nolansetenaitdevantmoi.Jefaillistomberdemontabouret.–Putain!Ilnes’excusapasdem’avoireffrayée.Enfait,ilneditrien.Ilsecontentademeregarderd’unair

étrange.–Oh,non!J’aiétésinullequeça?demandai-jeenmeratatinantsurmonsiège.–Non.Avantquejepuissecomprendrecequisepassait,ilglissasesmainssurmesjoues.Lesboutsdeses

doigtspassèrentsurmesoreillesetseperdirentdansmescheveux.–J’avaispasidéequetusubissaistoutça.Jesuisunenfoiré.Jenecomprenaispasvraimentcequisepassait.J’étaisincapabledepenser,incapablederespirer.Ses yeux brillaient presque dans la faible lumière de ses écrans d’ordinateur.Unemèche rebelle

étaitretombéesursonfront,merappelantàquelpoint toutchezluiétaitsauvage.Ilétaitsiprèsdemoiquejesentaissonsoufflechatouillermeslèvres.Chaqueinspirationquejeprenaismedonnaitl’impressionde respirerunepartiede lui. Je fermai lesyeuxetmesentisdevenir toutemolle.Sonparfumenvahissaitmessens.–Regan,jen’aipaslamoindreidéedecequejedoisfairemaintenant.Savoixétaitplusbassequed’habitude,presquerauque.–Jesaisseulementcequej’aienviedefaire.Jenecomprenaispas.–Commentça?–Jevaist’embrasser.–Quoi?J’ouvrisdegrandsyeuxetfaillism’étouffer.Moncœursemblaitêtreremontédansmagorge.–Pourquoi?Jemeraidisàlasecondeoùlaquestionm’échappa.Demanderàunmecpourquoiilvoulaitvous

embrasser, ce n’était pas vraiment l’encourager dans cette voie. Et ce n’était pas comme si je ne

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voulaispasqu’ilm’embrasse…Si?C’étaitévidentquej’avaisdéveloppédessentimentspourluicesderniersjours.Jenepouvaisignorerlafaçondontmoncœurs’étaitemballéquandilétaitarrivéauxécuriescematin,niladoucechaleurquienvahissaitmesveinesdèsqu’ils’approchaitdemoi,ni…–C’estdingue,hein?fitNolanenriantdoucement.Pourdesraisonsquejenecomprenaispas,sonrireétaittriste.–Jevaist’embrasserparcequetuesincroyable,tuesbelle,etparcequej’enaienvie.Ilsepenchaplusprèsdemoi,etj’eneustellementletournisquejeseraistombéedemonperchoir

sisesmainsn’avaientpasétélà.Ilétaitàmoinsdecinqcentimètresquandils’arrêtaetmeregarda,lespaupièreslourdes.–Est-cequetuasenviequejet’embrasse?Lachaleurde sesmainsmepénétrait lapeau.C’étaitNolan, lemecquim’avait insultéedans les

couloirspendantdesannées.Maisc’étaitaussilemecquim’avaitlaisséemeraccrocheràluidanslestoilettes aumomentoù je risquaisdem’effondrer.Lemecqui avait posé saveste surmesépaulesparcequejen’arrêtaispasdetrembler.Nolanqui,étrangement,étaitrestéavecmoialorsquetoutlemondemetournaitledos.Maisjen’avaisjamaisembrasséungarçon.Etsijem’yprenaismal?Etsiçachangeaitleschosesentrenous?–Regan?Safaçonessouffléedeprononcermonnommefitpresquesuffoquer.–Oui?–Encemoment,toutestcontrenous.Alorsest-cequ’onpourraitappuyersurpause?Oublierun

instanttouteslesconneriesdumondeextérieur?Arrêterderéfléchir?Sesdoigtss’emmêlèrentunpeuplusdansmescheveux.–Rienquepourcesoir,sionfaisaitcommesionn’avaitpasdepassé?Commesileseulmoment

quiaitexistéentrenousétaitcelui-ci?D’accord?Etmaintenant,donne-moilapremièreréponsequitevientàl’espritetj’enseraisatisfait.Est-cequetuasenviedem’embrasser?Unseulmotmevintàl’esprit–celuiquiétaitlàdepuisledébut.–Oui.

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CHAPITRE15

CommetoutchezNolanétaitminceetmusclé, ladouceurdesabouchemepritaudépourvu.Ses

lèvreseffleurèrentdoucementlesmiennes,puisilm’embrassa.Aussitôt,j’eusl’impressionquenousétions deux pièces d’un puzzle qui s’imbriquaient parfaitement. Je me penchai sur lui, et il serapprocha. Nos jambes s’entremêlèrent. Sa bouche explorait lamienne,mordillant tendrementmalèvreinférieure.Ilenroulasesdoigtsdansmescheveuxetlestiradoucement.Jelâchaiunhalètement,etàlaseconde

oùj’ouvris les lèvres,Nolanm’embrassaplusprofondément.Unevaguetièdedecequinepouvaitêtrequedudésirs’abattitsurmoi.Uneétrangechaleurserépanditdanstoutmoncorps,mebrûlantlesboutsdesdoigtsetdesorteils.Jem’agrippaiauxépaulesdeNolanpouréviterdemerépandresurlesol.Ilm’embrassadeplusenplus langoureusement,deplusenpluspassionnément, jusqu’àceque je

vienneàsarencontrepourm’imprégneràmontourdesasaveur.Avecsesmainsdansmescheveuxetseslèvressurlesmiennes,lemondeextérieurs’éloignajusqu’àcequeplusrienn’existeàpartlui,moietnotrebaiser.Jeglissaiunemaindanssoncou,puislalaissaidescendresursontorseferme,justepourm’assurerquenousétionstoujoursdeuxpersonnesbiendistinctes.Parcequ’avecmesyeuxfermésetcefeuquibrûlaitdansmesveines,j’avaisl’impressionquenousnousétionsfondusl’unenl’autre.Il gémit sous la caresse et fit glisser sesmains surmes cuisses, jusqu’à l’ourlet dema jupe.Au

premiercontactpeaucontrepeau,lesdernièrestracesd’anxiétéquirestaientenmois’évaporèrent.Brusquement,jereculai.J’avaislesjouesenfeu,maisjenesavaispaspourquoi.Était-cel’effetdu

baiserdeNolan?Delapaniquequejeressentaisàl’idéequ’ilm’aitprisepourquelqu’und’autre?De la peur d’avoir fait quelque chose demal ?Unmélanged’émotions indistinctes semouvait enmoi.J’étaismuette,clouéeautabouret.Nolanpressasonfrontcontrelemien.–C’était…Waouh!Çava,toi?–Jecrois,parvins-jeàarticuler.Maisj’avaisdumalàrestercalmealorsqu’ilmetouchait.Qu’ilmedonnaitenviedel’embrasser

encore,malgrétoutesmeserreursetmapeurdemalfaire.Ilposalamainsurmajoueetfronçalessourcils.–Cettesemaineaétéunenferpourtoi,non?–Plutôt,oui,répondis-jeententantunsourire.Maisilyaeudesbonsmoments.–Ahoui?Ilsourit,etmonsoufflesebloquadansmagorge.J’étaissûrequ’ilallaitencorem’embrasser,et

toutmoncorpsenvibraitd’avance.Maisaussivitequ’ilétait apparu, sonsourire s’enalla. Il sepenchapourposer sa jouecontre la

mienne.Cesimplegeste,lacaressedesescheveuxetsapeaudouce,brisèrentquelquechoseaufond

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demoi.Seslèvresétaientsiprochesdemonoreillequejelessentisfrôlermonlobequandilrepritlaparole:–J’aiétéhorribleavectoi,Regan.Leschosesquej’aifaites…–Çapeutpasêtrepirequecequejet’aifaitàtoi,l’interrompis-je.–J’enseraispassisûreàtaplace…soupira-t-il.–Jecroyaisqu’ondevaitoublierlepassécesoir.–Ouais,maisilyadeschosesqu’ilfautquetusaches.–Non.Jenevoulaispasfaireplanerd’autresvilainsmotsdansl’espacequinousséparait.Cetinstantétait

tropfragile,commedesfilsdesucresidélicatsquelemoindrefrôlementpouvaittoutgâcher.Etàlafaçondontilmeregardait–commes’ilpouvaitvoiràtraverstouslesfaux-semblantsettrouverenmoicellequicomptaitvraiment,cettepersonnevulnérablequej’avaissibiendissimuléependanttantdetemps–,jevoulaisfairedurercemomentaussilongtempsquepossible.–Jeneveuxriensavoir.Entoutcas,pascesoir.Il ouvrit la bouche,mais ce qu’il voulait dire resta coincé au fond de sa gorge.Après quelques

instants,ildéclaraenfin:–Resteavecmoi,Regan.S’ilteplaît.Ilsemblait…vulnérable.Effrayé,même.Toutlecontrairedecequejepensaisdelui.Maisc’était

exactementcequejeressentaismoi-mêmequandiln’étaitpaslà.Sansmêmemerendrecomptedecequejefaisais,jehochailatête.Sesdoigtsglissèrentsurmesbras,puissurmesmains.Puis,unàun,sesdoigtssedétachèrentdes

miensetils’éloignapourallers’asseoirauborddulit.L’idéed’êtreseulesurunlitavecungarçonavaitquelquechosededangereux.Pourtant,malgrémesjambesflageolantes,jeparvinsàmeleveretàtraverserlapiècepourm’arrêterdevantlui.Monpoulsbattaitplusfortàchaquepas,jusqu’àn’êtreplusqu’ungrondementassourdissantdansmatête. Il leva lesyeuxversmoietsourit,etcesourireétaitdifférentdetouslesautressouriresquej’avaisvussurseslèvresjusqu’àprésent.Commentavais-jepuignoreràquelpointilétaitbeau?L’idéequ’ungarçoncommeNolanpuisse

avoirunsouriresecretrienquepourmoimefitundrôled’effetdanslarégionducœur.Jetendislamain car, à cet instant, j’avais désespérément besoin de réduire la distance qui nous séparait. Ilm’attiraàcôtédeluisurlelitetplaçadescoussinscontrelatêtedelit.Puisilbalançasesjambessurlematelas,selaissaallerenarrièreetm’attiracontrelui,latêteposéeaucreuxdesoncou.J’avais l’impression deme noyer dans unemer deNolan : son odeur, sa peau, son cœur. Jeme

laissaiemporterparl’exaltationdelasituation,lecerveauparcourud’unétrangecourantélectrique.Jeposaimamainsursontorse,etilfrémit.–Tun’espascellequejecroyais,murmura-t-il.Uneboufféedeplaisirm’envahit,maiselledisparuttrèsvitequandilajouta,avecuneévidentenote

deregret:–Jet’aimevraimentbeaucoup.Jefronçailessourcils.–Jesuisdésoléequecesoitunproblèmepourtoi…Nolanmecaressalajoue.–Cen’estpascequejeveuxdire.C’estjusteque…Ilpoussaunsoupiretreprit:–Ilyadeschosesquetunesaispassurmoi…Deschosesquineteplairaientpas.Avant…Sa voixmourut dans sa gorge, mais je n’avais pas besoin qu’il poursuive pour savoir ce qu’il

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voulait dire. Avant que mes messages soient affichés sur les casiers, avant qu’on nous demanded’écrireenéquipecelivrepourenfants,avantqu’ilmeprennedanssesbrasdanslestoilettes,nousavionstousdeuxpenséetditdeschosesterriblesl’unsurl’autre.–Nedisrien,dis-jeenentrelaçantnosdoigts.Jet’aidéjàditqu’onn’avaitpasbesoindeparlerde

çacesoir.Avant,toutétaitdifférent.–Jesais.Jesuisdésoléd’avoirremisçasurletapis.C’estjusteque…Ilsecoualatête,etlehautdesamâchoirefrôlalespetitscheveuxdusommetdematête.–J’aiétéstupide.–Onatouslesdeuxétéstupides.Ildéglutit.–Tunecomprendspas.Etsij’étaisarrivétroptard?AvecJordan,jesuisarrivétroptard.Jesuivisdudoigtlelogodélavédesont-shirt.–Jecroyaisqu’elleavaitdéménagé.Commentçapourraitêtretafaute?Il ne répondit pas tout de suite. Plus les secondes passaient, plus j’étais sûre qu’il n’allait pas

répondredutout.Puisilsoupira,etjesentissapoitrinesedégonflersousmatête.–Elleavraimentdéménagé,maisiln’yapasqueça.Jel’ailaisséetomber.Jen’étaispaslàquand

elle…Etmerde.Ilcalasatêtesurlatêtedelitetregardaleplafond.–Nolan…–Leschoseschangent,dit-il.Iln’yaaucunmoyendesavoircequel’avenirnousréserve.Jevaiste

direcequis’estpasséentreJordanetmoi.Jetelepromets.Maispourcesoir,est-cequ’onpeutfairecommesijen’avaisriendit?Jeveuxprofiterdecemomentaussilongtempsquepossible.Maprotestationmourutsurmalangue.Querépondreàça?–D’accord.Onn’enparlerapascesoir.Quelsquesoientsessecrets,ilsseraienttoujourslàdemain.Peuàpeu,soncorpssedétenditsousmoi.–Pascesoir,répéta-t-il.Ilsoulevaunemèchedemescheveuxetl’enroulaautourdesondoigt.Lalumièredelalunequise

répandaitpar la fenêtreprojetaitune faible lueur surnosdeuxcorps.L’atmosphèrede sa chambreétaitlourdeetsilencieuse,etc’étaitpresquecommesiNolanetmoiétionsseulsaumonde.Presque.Mais ses mots continuaient à tourner dans ma tête. Et si j’étais arrivé trop tard ? La question

repassaitenboucledansmonespritjusqu’àmedonnerlamigraine.Troptardpourquoi?

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CHAPITRE16

Ledimanchearriva,puispassa, sansmêmeunSMSdeNolan.Çamecontrariait,mêmesi j’étais

furieuse deme laisser atteindre par si peu.Ce n’était pas comme si j’étais sa copine…On n’étaitmêmejamaissortisensemble.J’avaisjusteprésuméqueNolanétaitlegenredemecàrappelerunefillequiluiavaitrévélésesplussombressecretsavantdepasserplusieursheurescaléeaucreuxdesonbras–mêmeaprèsqu’ils’étaitendormi.Apparemment,jem’étaistrompée.Lepire,c’étaitquej’avaisaimé le regarderdormir.Observersapoitrinesesouleveret retomber

toutenécoutantlesbattementssourdsdesoncœurtoutcontremonoreille.Jesavaisàprésentquesescilstremblaientquandilrêvaitetqu’ilpinçaitlescoinsdeslèvresd’unairrenfrogné.Ilmurmurait,aussi.Desmotsfaiblesetinintelligibles.Unepartiedemoiavaiteuenviedeletaquineravecça,maisuneautrepartie,quiavaitprisledessus,avaiteuhontedeluiavoirvolédesmomentsquinem’étaientpasdestinés.Apparemment,j’avaisraison.Après m’être douchée pour m’assurer que je m’étais débarrassée de toute trace d’oranges et

d’aiguilles de pin, je vérifiai Facebook et fis défiler les statuts pour voir si personne n’avait rienpostésurmoidanslegroupe.Ilyavaitquelquesnouveaux«j’aime»(apparemment,jen’avaisplusvraiment besoin de me suicider à présent – comme c’était rafraîchissant), mais pas de nouveauxcommentaires. Les mises à jour de statuts étaient assez calmes également. Bien sûr, il y avait lesstatuts habituels au sujet des soirées et une poignée de selfies, etmême quelques posts de Taylorannonçantqu’elleetAmberallaientaulacavecJeremyetsespotes.Jelevailesyeuxaucielenvoyantunephotoquidonnaitl’impressionqu’AmberadoraittraîneravecTaylor.PauvreTaylor.Ellen’allaitpascomprendrequandAmberdécréteraitqu’elleenavaitmarred’elle.

Je likai les photos pour qu’Amber comprenne bien que je la surveillais. Pas demal à ça. Surtoutsachantqu’avantdepartirdechezNolan,j’avaislaissélapetitecamérasursonbureauavecunmotpourqu’ilm’envoielavidéo.Pour finir, j’allais voir le profil de Nolan. Il avait posté un nouveau lien vers un documentaire

traitantd’uneémeutedansunevilleduSud,quis’étaitproduiteavantnotrenaissance.C’étaittout.Jetapotaileborddemontéléphoneenmedemandantsijedevaislikersonpost.D’uncôté,j’aimaislefaitqu’ilpostedeschosessérieuses.D’unautrecôté,ilm’ignorait.Aprèscequis’étaitpassésamedi,aimersonpostseraitmesquin…Maisallez,quoi!Ilavaiteuletempsderegarderdesvidéosetdeposterdesliens,maispasdem’appeler?Jecliquaisur«j’aime».Lelundi,j’étaisdansleparkingdel’écoleentraindefermermaportièrequanduneombreseposa

surmonépaule.Jemefigeai,lepoucesurlachaînedemaclé.–Hé!ditNolan.Mesmuscles se contractèrent, et je dus m’efforcer de garder une attitude naturelle. La dernière

chosedontj’avaisenvie,c’étaitqueNolancomprenneàquelpointilm’avaitblessée.Jemeretournai

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pourluifaireface,unefoisencoreheureusedeportermeslunettesnoires.Pasmoyenquejelelaissevoirladouleurdansmonregard.–Salut,fis-jed’unevoixneutre.–Alors…commença-t-ilensedandinantd’unairgêné.Jen’avaispasl’habitudedevoirNolanmalàl’aiseet,mêmesijedétestaisl’admettre,çalerendait

absolumentadorable.–Tu,euh…Tuespartiesansdireaurevoirl’autresoir.J’ouvrisdegrandsyeux.Jen’auraisjamaiscrul’avoirblesséenpartantcommejel’avaisfait.–J’aiuncouvre-feuàvingt-troisheures.Tut’étaisendormi,jenevoulaispasteréveiller.–Tuauraisdû,répliqua-t-il.Jet’auraisramenéecheztoi.Jehaussaiunsourcil.–J’étaisvenueenvoiture.–Etalors?rétorqua-t-ilencroisantlesbras.J’auraisputesuivrejusqu’àcheztoienvoiture,ouau

moinsteraccompagnerjusqu’àlatienne,jenesaispas…Maistuespartiecommeunevoleuse.Unairpeinépassadanssonregard,etilserralamâchoire.Aïe.Ladéceptiondanssavoixétaitpresquepirequedevoirvingtpagesdemesmessagesaffichées

danstouslescouloirs.–Mais…euh…Tuvoulaisvraimentmeraccompagnerchezmoi?Jemedétestaispourlanoted’espoirquejepercevaisdansmavoix.Ilsoupiraetmepritlesmains.–Écoute.Samedi,c’était…quelquechose.Jeneveuxpasqueçadeviennebizarreentrenousetje

n’aimepaslespetitsjeux,alorsjevaisjusteteledire.Jet’aimebien.Jemesentisrougir.–Moiaussi,jet’aimebien.Ilsourit.–Super.Nous restâmes là unmoment, sansmot dire. Nolanme tenait toujours lesmains. Je le regardai

entrelacer nos doigts et serrer ses paumes contre les miennes. Malgré ce que nous venionsd’admettre,unegênes’étaitinstalléeentrenous.Jenesavaispassic’étaitàcausedessecretsquejeluiavaisrévélés,àcausedeceuxqu’ilmecachaitencore,oubienàcausedufaitquenousnousétionssnobésmutuellementsansraisonapparente.Quellequesoitlaraison,çamefaisaitl’effetdequelquechosed’épaisetlourdcoincéentrenous.–C’estbizarre,non?demanda-t-il.Jem’esclaffai.–Ouais,unpeu.–Net’enfaispas,fit-ilenrelâchantmesmains,l’airsérieux.Jepeuxarrangerça.Jeluijetaiunregardsceptique.–Comment?–Onvajoueràunjeu,répondit-ilenm’entraînantversl’entréedulycée.Onvafairecommesion

vivaitdansunmondeoùonn’estpasobligésd’allerdansunétablissementremplideconnardsquinous jugent.Onvafairecommesionpouvait faire toutcequ’onvoulaitsansaucunerépercussionsociale,etchaquefoisqu’onyarrive,onmarqueunpoint.Çateva?Jelevailesyeuxverslui.–Euh…–Génial.Jesuiscontentquetusoisd’accord.Jecommence.

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Ilpritunegrandeinspiration.–Encemoment,àcetteseconde,jeneveuxqu’unechose.Êtreavectoi.Il avait parlé si vite que j’avais à peine pu suivre ce qu’il venait de dire, sans parler de le

comprendre.–Êtreavecmoi?répétai-jebêtement.Nousgravîmeslesmarchesdulycée.–Jecomprendstaconfusion,répondit-il.Engros,voilàcequej’essayaisdedire:situvasquelque

part, j’aimeraisoccuper lemêmeespace,depréférenceàproximité.Enfin, tantqueça teva.Jemesuisditqu’onpouvaitcommencerparlescouloirsdulycéeetvoirpourlasuite.Jenepusm’empêcherdesourire.–Çamevatrèsbien.Maisjecroisquejevaisdevoirajouteruneclauserestrictive.–Oh?fit-ilhaussantunsourcil.Jem’arrêtaidevantlesportesvitrées.– J’aimerais poser une limite à la porte des toilettes.Occuper lamême cabine, tout ça…C’était

mignonlapremièrefois,maisjepensequ’onrisquedevites’enlasser.Iléclataderireetm’ouvritlaporteavantdemesuivreàl’intérieur.–C’estnoté:lestoilettessonthorslimites.Cettefois,AmberetTaylorn’étaientnullepart.Christyavaitdûremplirsapartducontrat,etj’étais

sûrequ’avoirlikélaphotod’AmbersurFacebookavaitrenforcélamenace.Nolanposasonbrassurmes épaules, et nous partîmes vers nos casiers. Le nœud quime serrait l’estomac commença à sedéfairepourlapremièrefoisdepuisdesjours.Peut-êtremêmedessemaines.–Alors,sioncomptelespoints,pourlemomenttuperdsunàzéro,déclaraNolan.Etçanevapas

tarderàempirer,parcequ’ilyauneautrechosedontj’aienvie…Nerveusement,jetiraisurlesbretellesdemonsacàdos.–Quoi?–Ça.Ilpivotapour seplacerdevantmoi, sibrutalementque je faillis trébucher.Etavantque jepuisse

comprendrecequisepassait,ses lèvresétaientposéessur lesmiennes.Douces, tièdes,et tellementplushésitantesquejel’auraisvoulu…J’étaisàpeineconscientedesexclamationsetdesgloussementsquirésonnaientdanslecouloir.On

avait vu des élèves s’embrasser au bahut desmillions de fois,mais je ne pouvais qu’imaginer legenredespectaclequejeleuroffraisavecNolan:l’artisteunpeutaréetlagarcemiseenquarantainequiseroulaientdespellesentrelelaboetlasalled’informatique.Mais,pourunefois,jemefoutaisdecequ’ilspouvaientpenser.PuisNolanrecula,rougissant.– Maintenant, on est à deux à zéro. Si tu veux te rattraper, tu dois faire quelque chose ici et

maintenant.Dansunpurabandon.–Quoi?grimaçai-je.Jet’airendutonbaiser.Çadoitaumoinscompterpourundemi-point!–Oui,maisc’étaitmonidée.Çaseraitdelatriche.–Delatriche,hein?Etsijelefaiscommeça?Jel’attrapaiparlesreversdesonblazeretl’entraînaidansunealcôveentredeuxrangéesdecasiers.

Àlasecondeoùjel’attiraicontremoi,meservantdesoncorpspourplaquerlemiencontrelemur,ilouvritdegrandsyeuxébahis.Alors,jel’embrassai.Pourdevrai.Ilgémitcontremabouche.

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–Bordel,Regan.Qu’est-cequetuesentraindemefaire?Jesourisetmordillaisalèvreinférieure.–T’occupe.Maisnet’arrêtepas.Ilavalamonrireparunbaiserbrûlantquimecoupalesouffleetmemitlesjambesencoton.S’il

continuaitcommeça,j’allaisavoirbesoind’unXanaxpourmecalmerquandonenauraitterminé–etj’allaissûrementdevoirleprendreensalledecolle,carj’étaisàpeuprèscertainequel’endroitoùsetrouvaientsesmainsviolaitlerèglementdel’école.–Hé,Nolan!Jevoulaissavoirsituvoulaistravaillersur…C’estquoicebordel?Onseséparabrutalement.Blake, l’amiedeNolan,se tenaitàmoinsd’unmètredenous, lesyeux

écarquillés,bouchebée,l’airhorrifié.ElleavaitlesyeuxfixéssurNolan,commesijen’existaispas.–Pitié,dis-moiquej’hallucine!Ilsetournaverselleenprenantsoindemecoincerprudemmentderrièrelui.–Jesaiscequetupenses,dit-il.Maisilfautquejet’explique…–Bordeldemerde! jura-t-elleenpassantunemaindanssescourtesmèchesblondes.Tusaisqui

c’est?C’estl’uned’entreeux!Tusaiscequ’ilsontfaitàJordan.Tuastoutoubliéouquoi?Jemeglissaidevantlui,lesjambestoujoursflageolantes,etleregardaidanslesyeux.–«L’uned’entreeux?»Lesélèvesquipassaientralentissaient,attirésparleséclatsdevoixdeBlake.Etvoilà!Justequand

leschosescommençaientàsetasser,voilàquejedonnaisàtoutlemondeunenouvellearmepourmetirerdessus.Nolanposa unemaindansmondos.C’était unpetit geste,mais il suffit à apaiser l’angoisse qui

avaitcommencéàmonterdansmapoitrine.–Écoute,Blake,commença-t-il.Jet’aiditquetoutavaitchangé.Onenaparlé.C’estpourçaqu’on

adécidé…– Que tu as décidé, le coupa-t-elle brutalement. N’oublie pas ! Tu ne m’as pas une seule fois

demandémonavis!Putain,jen’arrivepasàcroirequetupuissestrahirJordancommeça!JesentisNolansecrisper.Lorsqu’ilparla,savoixétaitpresqueungrondement:–J’aifaittoutcequej’aipupourJordan.LeregarddeBlakesedurcit.–Apparemmentpasassez.–Tudevraisyaller,répliqua-t-ilenserrantdespoingstremblants.Avantquel’undenousdeuxdise

quelquechosequ’ilregretteraplustard.Jet’appelleraiquandonauraeuletempsdesecalmer.Blakeposasesmainssurseshanches.–C’estquoileproblème,Nolan?Lavéritéesttropmochepourtoi?Jepariequelamoitiédulycée

sait cequi s’est passé.Est-cequecelle-ci est au courant ?Putain, je ne saismêmeplus qui tu es !s’écria-t-elleavecunpetitrireméprisant.Surcesmots,sansluidonnerl’occasionderépliquer,elles’enalla.–Merde,marmonna-t-il.Lesmusclesdesesépaulessetendirent,etilsetournalentementversmoi.–Jesuisvraimentdésolé,maisjedoisparleràBlake.Onsevoitplustard?–Ouais,biensûr.Malgrétouteslesquestionsquej’avaisàluiposer,j’étaiscontentedepouvoirm’éloigner.Lahaine

que Blake ressentait pour moi, ainsi que la tension entre elle et Nolan, avaient tellement alourdil’atmosphèrequej’avaisdumalàrespirer.Ildéposaunrapidebaisersurmajoue,balançasonsacsursonépauleetplongeadanslafoulepour

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rattraperBlake.Montéléphonesonna.UntextodePayton.

Onseretrouveàmoncasier?

Jeprisunelongueinspirationtremblante.Ç’avaitétébizarred’êtrechezellel’autresoiretdenepasluiparler.Lorsquej’étaissortieendoucedelachambredeNolan,jen’avaispaseuenviedebriserlejoyeuxbrouillarddans lequel je flottais,et jenem’étaispasarrêtéeàsachambre.Jenesavaispastropsielleauraitétéheureused’apprendrequej’étaissortieavecsonfrèreousielleauraitréveillétoutlequartierparseshurlements.Apparemment,jen’allaispastarderàêtrefixée.Paytonmerepéraàlasecondeoùjetournaiaucoinducouloir.Ellecourutversmoi,sescheveux

blondsattachésenunequeuedechevalquiflottaitcommeunrubanderrièreelle.Àenjugerparlegrandsourirequiéclairaitsonvisage,ellen’étaitpasencoreaucourantpourNolanetmoi.–Salut!fis-jeavecunsourireassortid’unpetitcoupd’épauleamical.Çafaisaitlongtemps.–Ouais,répondit-elleenmerendantmoncoupd’épaule.Alors,c’estquoileproblèmeavecBlake?Jepoussaiunprofondsoupir.–Tuastoutvu?–Ouais,répondit-elleensecouantlatêted’unairnavré.DetouslesamisdeNolan,c’estBlakeque

jedétesteleplus.Elleesttoujourstellement…aigrie.–C’estclair.Ondiraitqu’ellefaitunefixettesurJordan.Jesavaisquej’auraisdûattendrequ’ilm’enparlelui-même,maisjenepusm’enempêcher:–Tunesauraispascequis’estpasséentreNolanetsonex,desfois?–Pasvraiment,non.Ilatoujoursétébizarreausujetdeleurrupture.Genre,ilsefoutaitvraimenten

rognequand j’enparlais.Mais je saisqu’avantqu’ils se séparent, lesparentsde Jordansontvenusparleraveclesnôtres.Ilsm’ontviréedusalon,maisj’airéussiàentendrequeJordanétaitàl’hôpital.Elleestpeut-êtretombéemalade?Jememordislalèvre.–Cen’estpaslogique.Nolann’estpaslegenredemecàlarguerunemeufparcequ’elleestmalade.–Oh?fitPaytonenhaussantunsourcil.Etcommentçasefaitquetusachesquelgenredemecest

monfrère?–Euh…Jebaissailesyeuxpourmieuxcachermonaircoupablemais,àmagrandesurprise,Paytonéclata

derire.– Je déconne ! s’esclaffa-t-elle. Je sais déjà que tu sors avecmon taré de frangin ! Je trouve ça

dégueu,maisjem’enfous.Jelaregardaiavecdesyeuxronds.–C’estvrai?–Bah,ilaétéassezsupportablecesderniersjours,alorssic’estgrâceàtoi,jetesoutiensàfond!

Maisçaneveutpasdirequejenetrouvepasçaunpeucrado.Ilest…chelou,quandmême.Tuétaisd’accordavecmoilà-dessus.Jenerépondispas.J’étaisincapabledeluiexpliquercomment,nimêmequand,messentimentspour

lui avaient changé.Tout ce que je savais, c’était que quandmon univers s’était effondré sousmespieds,Nolann’avaitjamaisvacillé.–Bref,reprit-elle.Est-cequ’onpourraitneplusparlerdemonfrère?Beurk,quoi!Ungroupedefillesnousjetadesregardsdégoûtésenpassant.Enlessentantmesonderduregard,

jevoûtaimesépaulesparréflexe.Mesdoigtsmedémangeaientdel’envied’attrapermonflaconde

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pilulesdansmonsac,maisjepensaiàNolanetmesouvinsquej’enavaisfiniaveccettehabitudedemecacherderrièremesmédicaments.Ilétaittempsd’êtrevraimentmoi-même.Cependant,jen’avaispasl’intentiond’entraînerPaytondansmonenfer.–Jesuiscontentequetusoislàpourmoi,Pay,maisjenesuispassûrequemeparlersoitunebonne

idée en ce moment… Tu sais ce que les gens pensent. Être vue avec moi ne va pas arranger taréputation…–Tu saisquoi ? Je les emmerde, répliqua-t-elle avecun sourireméprisant.La semainedernière,

quandAmberm’aditquetufaisaistafaux-culavecmoi,çaaétél’undespiresmomentsdemavie,etjesuisdésoléedel’avoircrue.Onaperduassezdetempsaveccesconneries.Çafaitpresquedixansqu’onpartagetout:lesvêtements,lemaquillageettousnossecrets.Onpeutaussipartagerça.Tuesmameilleureamie.Alorsoui,jesaisquetuasditdeschoseshorribles,maisjesaisaussiquecen’estpasvraimenttoi.Etpuistumemanques.Alorsj’emmerdetoutlemondeetcequ’ilspensent,conclut-elleenhaussantlesépaules.Moncœursegonflaàcesmots.–Jeneveuxpasquetufassestamartyrepourmoi,protestai-je.Onpourratraînerensemblequand

cettehistoireseseratassée.Ellemepritparlebras.–Tunetedébarrasseraspasdemoicommeça!Etpuis,d’aprèsmonfrère,çan’estpasprèsdese

tasser, justement. Il n’a pas arrêté de parler de cette vidéo que tu as tournée, et d’une espèce dedocumentairesurlesgraffitisquevousauriezmontétouslesdeux.–C’estvrai?Malgrémoi,ungrandsourireidiots’affichasurmonvisage.– Ouais, fit-elle en hochant la tête. Il m’a bien soûlée avec ça. Il paraît que ton projet va

«révolutionnerlelycée».–Est-cequ’ilt’aditcommentexactement?Parcequ’iln’arrêtepasdedirequec’estmonidée,mais

jen’aiaucuneidéedecequ’ilcomptefaire.Elles’esclaffa.–TypiquedeNolan.Non.Ilnem’apasdonnédedétails.Ous’ill’afait,jen’écoutaispasparceque

c’est…tuvois…Nolan.Nous tournâmes au coin du couloir, et c’est alors que je la vis. Amber. Elle se tenait à côté de

Jeremyetregardaitleplafondd’unairvidependantqueTaylorjacassaitdanssonoreille.–Merde,marmonnaPaytonenserrantsonbrassurlemien.Qu’est-cequ’onfait?Demi-tour?J’auraispréféré,maisjesavaisquejenepouvaispaspasserunautrejouràprendrelafuite.–Tupeuxsituveux,répondis-je,unebouledanslagorge.Jenet’envoudraispas.Maismoi,jedois

yaller.–D’accord.Alorsjeviensavectoi.Taylorfutlapremièreànousremarquer.Seslèvresseretroussèrentenunsouriremauvais,etelle

murmuraquelquechoseàAmber.Cettedernièretournabrusquementlatête,etsesyeuxsebloquèrentsur lesmiens. Normalement, à cet instant, un élastique invisible aurait dû se serrer autour demapoitrinepourmecouperlesouffle.Maispascejour-là.Jenesavaispastropsic’étaitlaprésencedePayton,lefaitquejeconnaissaisleplusnoirsecretd’Amberousimplementparcequejem’enfoutaisdecequelesgenspensaient,maisjem’arrêtaiàsahauteur.–Salut,Amber.Taylorenrestabouchebée.–Tut’imaginesvraimentquetupeuxluiparler?cracha-t-elle.

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Amberlafoudroyaduregard.–Laferme,Taylor!Onyva,ajouta-t-elleenprenantlebrasdeJeremy.Sansluilaisserletempsderépondre,ellel’entraînadanslecouloir.Taylorseprécipitaàleursuite.–Ouah!s’exclamaPaytonenobservantleurretraite.C’estmoiouc’estvraimentbizarre?Passibizarrequeçasielleconnaissaitlesecretquejeluicachais.–Viens.J’entraînaiPaytonjusqu’àmoncasier.Jenepouvaism’empêcherderessentirunpetit tiraillement

de regret. J’auraisvraimentvouluparler àAmber.Luidireque je comprenais cequeça faisaitdefaire semblant d’être quelqu’un d’autre.Même si je ne pensais pas qu’ellem’aurait crue nimêmeécoutée.Jenesavaismêmepaspourquoic’étaitaussiimportantpourmoi.Aprèstout,elleétaitcellequiavaitvouluruinermavie.Ellenesavaitpasqu’enm’exposant,ellem’avaitenfaitlibérée.J’espéraisjustequ’unjour,ellearrêteraitdefairesemblantetvivraitsaviecommeellel’entendait.

Chaque fois que jem’obligeais à entrer dans lemoule quemamère avait créé pourmoi, j’avaisl’impressiondemebriserencoreunpeuplus.SiAmbers’obstinaitàjouerlacomédietoutesavie,les fragments de sa vraie personnalité finiraient par être trop petits, trop disséminés, pour êtrerassemblés. Je ne savais pas ce qui arrivait aux gens une fois qu’ils n’étaient plus réparables.J’espéraisseulementquejen’auraisjamaisàledécouvrir.

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CHAPITRE17

J’entraidanslacafétéria.Monestomacseretournaitenvaguesnauséeusesquin’avaientrienàvoir

avecl’odeurdegrasetdefromagequiimprégnaitlapièce.JeprisPaytonparlebras.–Jenevaispasyarriver,gémis-je.–Çavaaller,dit-elle.Tiens-toidroite,gardelatêtehauteetfaiscommesituétaischeztoi.Jesecouailatête.Uneremontéeacidemebrûlalefonddelagorge.Lesvoixdeprèsdecinqcents

lycéensquiparlaientetriaientsemêlaientenunbourdonnementquirésonnaitdanstoutmoncorps.–Ilssonttellementnombreux…etilsmedétestenttous.J’étaistenduecommeunarc,prêteàprendrelafuite.–Ilsontpluspeurdetoiquetun’aspeurd’eux.Jegrimaçai.–Çanem’aidepasvraiment.–Quoi?J’étaiscenséet’aider?s’esclaffa-t-elle.Détends-toi,Regan.Tun’espastouteseule.Nolan

aditqu’ilallaitnousretrouverlàet…regarde.Elledésignaunetabledansuncoin,oùsonfrères’étaitlevéetnousfaisaitsigne.Elle m’entraîna à travers la cafétéria. Des tablées de filles baissèrent la tête pour échanger

fiévreusement des commentaires sur notre passage. Je fis demonmieux pour ignorer les regardshostiles et les murmures. Plusieurs fois, je sentis quelque chose me frapper le dos mais n’osaim’arrêterpoursavoirdequoiils’agissait.QuandonarrivaàlatabledeNolan,ilposaunbrassurmesépaulesenguised’embrassadeetpassa

lamaindansmondos,balayantlesje-ne-sais-quoiqu’onm’avaitlancés.–C’étaitquoi?demandai-je.–C’étaitquoiquoi?répliqua-t-ilenm’indiquantlachaiseàcôtédelui.Jem’assis,etPaytonseplaçaenfacedemoi.– Si un jour on m’avait dit que je serais à la même table que mon frère… soupira-t-elle

bruyamment.–Ehoui,Payton!rétorqua-t-il.Nosrêveslesplusfousdeviennentparfoisréalité.Ellegrognaetsortitdesonsacplusieursboîtesenplastique.Elleouvritlapremièreetensortitune

tranchedepomme.Nolanavaitplusieurspartsdepizzaempiléessursonplateau.Ilenroulauneentubeetenpritune

bouchée.–MonDieu,marmonnaPaytonenplissant lenez.Tuesvraiment ignoble.Tunepeuxmêmepas

mangerunefoutuepizzanormalement?Illaregardaenfronçantlessourcils,sanscesserdemâcher.Lorsqu’ileutavalé,ilsetournavers

moi.–Tunemevoispascommeunmecignoble,toi?–Jetetrouvemignon…maisjen’aijamaisditquetun’étaispasignoble,rétorquai-jeencognant

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gentimentmonépaulecontrelasienne.Ilm’adressaunsourirequimefittressaillirdel’intérieur.–Jevaisjusteretenirquetumetrouvesmignon,dit-ilenpoussantsonplateauversmoi.Tuenveux

unbout?Jesecouailatête.–Jenepréfèrepas.Lestress…Paytonme jetaun regardnoir et poussaversmoiunepetiteboîtedehoumousenme tendantun

cracker.–Mange!–Oui,maman.Jeprissoncracker.Unepetitebouchéenepouvaitpasmefairedemal.Maisàpeineavais-jemordu

danslecrackertrempédanslehoumousqueBlakeapparutetposasonplateauàcôtédeNolan.–Ah,Blakeestlà!ditjoyeusementNolan.–Salut,marmonna-t-elle.Elles’assitetmefusilladuregardderrièreledosdeNolan.Aussitôt,lecrackerquej’étaisentrain

d’avalersemblasechangerenplomb.–Devinezquoi?souritNolan.J’aiparléàBlakedenotreprojet,etelletrouvequec’estuneidée

géniale.Blakelevalesyeuxaucieletreportasonattentionsursasalade.Ellepoignardasiviolemmentun

morceaudeconcombrequesafourchettetransperçalabarquetteenplastique.Paytonetmoiéchangeâmesdesregardsperplexes.–Enfinbref,ditNolan,dontlesourirecommençaitàvaciller.Unefoisquej’auraifinid’éditerla

vidéo, notre prochaine étape sera de trouver le meilleur moyen de la diffuser. Après ça, oncommenceralaphasedeuxdel’OpérationGraffiti.–Quiconsisteenquoi,aujuste?demandaPayton.Sonsourires’élargit.–Jeneveuxpasgâcherlasurprise.Toutcequejepeuxvousdire,c’estqueçavaêtretopissime.Ce

quim’amèneàmondernierordredujour,poursuivit-ilencroisantlesdoigtssurlatable.Regan,ilfautquejeparleàtamère.J’éclataiderire,certainequej’avaismalentendu.–Tudéconnes?–Jesuisplusquesérieux.J’aimeraisbeaucoupavoirl’appuid’unedéputéeavantdeparlerdenotre

projetàlaprincipale,répondit-ilavantd’arracherunenouvellebouchéeàsonrouleaudepizza.Jen’avaisdéjàplusfaim.Jereposaicequirestaitdemoncracker.–C’estunetrèsmauvaiseidée.Mamann’estpasvraimenttrèsdouéepoursoutenirlesgens.Nolanagitaunemaind’unairdédaigneux.–Quandjeluiauraiexpliquénotreprojet,jetegarantisqu’elleenseradingue.Paytonricana.–Oh,jesuissûrequelemot«dingue»seraprononcé.Jel’ignorai.– T’arrêtes pas de dire « notre projet », mais je ne vois pas trop en quoi il m’appartient aussi

puisquej’aipaslamoindreidéedecedontils’agit.–Tssss…C’étaittonidée,répliquaNolanenengloutissantunnouveaumorceaudepizza.J’ouvrislabouchepourprotester,maisquelqu’unmedonnauncoupdepiedsouslatable.Unevive

douleurexplosadansmontibia.JemejetaienarrièresurmachaiseetmetournaiversPayton.

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–Aïe!Pourquoitu…Jemetusenlavoyantdésignerquelquechosederrièremonépaule.Seslèvresétaientserrées,etje

nelisaispluslemoindreamusementdanssonregard.M’attendantaupire,jemeretournailentement.Ambersetenaitderrièremoi,unebouteilled’eauàlamain.Lepeudehoumousquej’avaisavalése

retournadansmonestomac.Puis jeme rendiscomptequ’ellenem’avaitpasencorevue.Elleétaittropoccupéeàscannerlacafétéria,àlarecherchede…Jen’ensavaisrien.Peut-êtred’uneplaceoùs’asseoir, ou de gens à éviter. Elle mâchouillait nerveusement sa lèvre inférieure, et je ne pusm’empêcherd’avoirdelapeinepourelle.Jesavaisexactementcequeçafaisaitd’êtreseul.Avantquejepuissem’enempêcher,jel’appelai:–Hé,Amber!Tuveuxt’asseoiravecnous?Unnouveléclairdedouleurme transperça la jambe.Nolan,quantà lui,meregardacommesi je

venais d’annoncer que je faisais partie d’une espèce extraterrestre et que j’attendais un vaisseauspatialpourrentrersurmaplanètenatale.Blakeretroussaleslèvresd’unairdégoûtéetpoignardasasaladeavecuneférocitéredoublée.Jenepouvaispasleurreprocherdenepasvouloird’elleànotretable.Enfait,jenesavaismême

pascequim’avaitprisdeluidemander–aprèstout,c’étaitàcaused’ellequemavies’étaiteffondrée.Elletournalatêteversmoi.PuissonregardpassademoiàPayton.–Alorsvousêtesdemèche?C’estça?–Demèchedansquoi?demandaPayton.Amberouvritlabouche,puislarefermaetsecoualatête.–Voussavezquoi?Foutez-moilapaix.Touteslesdeux.Avant qu’on puisse répondre, elle partit en trombe à l’autre bout de la cafétéria. Le claquement

furieuxdesestalonsponctuaitchacundesespas.Paytonrepoussasaboîtedelamellesdepommesetsepenchaversmoi.–OK.Qu’est-cequisepasse?Jemefrottailajambe.–Jevaisavoirdeuxgrosbleustrèsmoches,voilàcequisepasse.– C’est pas ce que je veux dire, répliqua-t-elle en plissant les yeux. Tu sais aussi bien quemoi

qu’Amberne se refuse jamais unebagarre.En cemoment, tu es son ennemienuméroun et elle ajuste…prislafuite.T’asdesinfoscompromettantessurelle,ajouta-t-elleenpointantl’indexsurmonvisage.Çaexpliqueraittout.Jebaissailesyeux.Jen’avaispasenviedecacherunsecretàmameilleureamie,maiscen’étaitpas

seulementlesecretd’Amber.C’étaitaussiceluideChristy.Etj’avaispromisàChristydeneriendireàpersonnetantqu’Ambermefoutaitlapaix–etlanouvelleRegantenaitsespromesses.–OhmonDieu!J’avaisraison,tuasquelquechose!s’écriaPaytonentapantdesdeuxmainssurla

table,faisantcliqueterlescouvertssurleplateaudeBlake.Dis-moi.Dis-moimaintenant!–Bordel,Pay,calmos!fitNolanenposantsapartdepizzasursonplateau.Peut-êtrequeRegana

unebonneraisondeneriendire.–Abruti!s’exclamaPaytonenlevantlesyeuxauciel.AmberaquasimentdétruitlaviedeRegan.

Biensûrqu’ellevabalancer.Tuattendsjustelebonmoment,c’estça?medemanda-t-elle.BlakesepenchaderrièreledosdeNolanpourmeregarder,commesielleaussiétaitintéresséepar

maréponse.–Je…euh…J’avalaima salive. Je voulais tellement le lui dire.La veille,Nolanm’avait envoyé la vidéo que

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j’avaisprisedanslestoilettes.Paytonseraitblesséesiellepensaitquejeluifaisaisdescachotteries.Jenevoulaispasavoirdesecretspourelle.Etpuis,çaseraittellementfaciledeluienvoyerlavidéo…Rienquequelquespetitesmanipulationssurmontéléphone.L’anciennemoil’auraitfaitsansseposerdequestions.Mais lanouvelle,oudumoinscelleque j’essayaisd’être,ne lepouvaitpas.Lavidéodétenaitdessecretsqu’ilnem’appartenaitpasdedévoiler.–Jesuisdésolée,Pay.Jenepeuxpas.Nolansourit,etBlakefronçalessourcils.–Quoi?s’écriaPaytonens’écartantdelatable,lesyeuxécarquillés.Tutefousdemagueule?Je

croyaisquetuétaismameilleureamie.–Jelesuis.Maisje…jeneveuxplusêtrecettepersonne.Lafillequigâchelaviedesgens.Etce

secretrisqueraitd’engâcherdeux.Tucomprendsça,non?–J’imagine,marmonna-t-elled’unairboudeur.C’estjustequejedétestenepassavoir.–Jesaispas,répliquai-jeenhaussantlesépaules.Parfois,jecroisquec’estpiredesavoir.–Seulementsionsouffreensilence,ajoutaBlake.Payton etmoi nous tournâmes vers elle. Je n’arrivais pas à croire qu’elle ait pu prononcer une

phrasequinesoitpasdestinéeàm’insulter.–Commentça?–J’aisoif,déclaraNolanenrepoussantsonplateau.Blake,tuveuxvenirprendreuneboissonavec

moi?Apparemment,Nolanétaitdemonavis.Peut-êtreétait-cepourcelaqu’ilvoulait l’éloigner, avant

qu’elleaitunechancedebalancerunevacherie.Aulieudepartir,elleagitalamaind’unairnonchalant.– Tout ce que je dis, c’est que quand on ne dit pas les choses, elles peuvent nous ronger de

l’intérieur–c’estpourçaquejesoutienstotalementl’idéedetavidéo.–Ahbon?demandai-jeenm’efforçantdenepaslaisserlasurprisepercerdansmavoix–Oh,oui.J’admetsquej’aitoujourscruquetuétaisunegarce.Nolantoussota,maisellel’ignoraetreprit:– Mais ça, c’était avant que Nolan me parle de ton projet. Je vous soutiendrai. En fait, je

réfléchissais àdesmoyensde ladiffuser.Bien sûr, il y a lesmédias lesplus évidents,YouTube etFacebook.Maistoutlemonden’apasdecompte,ettoutel’écolenepourraitpaslavoir.Etc’estbiencequetuveux,non?Mêmesil’idéequel’écoletoutentièremeregardeconfessermesfautesetparlerdemontroublede

l’anxiétémeretournaitl’estomac,jehochailatête.Cettevidéoétait,aprèstout,maseulevraiechancedelaisserlepasséderrièremoi.–D’accord,poursuivit-elle.Alorsj’aieuuneidée.Voussavezqu’entantquemembreduclubradio,

c’estmoiquifaislesannoncesmatinales?Paytonetmoisecouâmeslatête.Jen’avaisjamaisvraimentprêtéattentionauxannoncesmatinales.

Toutcequejesavais,c’étaitqu’ellesétaientenregistréesdanslasalleduclubradioetdiffuséestouslesmatinspendantl’appel–etqu’ellesétaientbarbantes.Commejenem’intéressaispasvraimentauxrésultatsdutournoidegolfouautresévénementssportifs,jemeservaisgénéralementdecemomentpourenvoyerdesSMSàPaytonetAmber.Blakepoussaunsoupir.– Peu importe. D’habitude,Monsieur Jensen assiste à l’enregistrement pour surveiller ce qu’on

raconte.Demain, il aun rendez-vouschez ledentisteetm’ademandéde le remplacer.Ducoup, jepourraifacilementpassertavidéoaprèslalecturedesannonces.Toutel’écolelaverra.

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Toutel’école.Lesmotssemirentàbourdonnerdansmatêtecommeunessaimdeguêpesenfurie.–Jesaispas,fitNolanenserasseyant.Jen’aipasencoreéditélavidéo.Jenesaispassiellesera

prêteàtemps.–Jepourraist’aider,répliquaBlakeavecungrandsourire.Tusaisquejesuisdouéepourça.–C’estvrai,dit-ilentapotantundoigtsursonmenton.Regan,qu’est-cequet’enpenses?–Euh…Toutel’école.Lacafétériaautourdemoisebrouilla,et jedusclignerdesyeuxàplusieursreprisespouryvoir

clair.C’étaitbiencequejevoulais,non?Cracherlemorceaudevanttoutlemonde,toutreprendreàzéro,nepas resterdans lesmémoirescommecettehorrible fillemédisantequi répandaitdessalesrumeurs.Nolansepenchaversmoietmitseslèvresàlahauteurdemonoreille.–T’espasobligéedefaireça,murmura-t-il.Onpeuttoutoublier,situveux.Jepeuxsupprimerla

vidéo.Jelisaislasincéritédanssonregard.Jesavaisqu’illeferait.Maisdanscecas,rienn’allaitchanger.–Non.Jeveuxlefaire.Jedoislefaire.Blakesouritlargementetplantasafourchettedansunconcombre.–Tu as gagné. Je vais aiderNolan à éditer la vidéo après les cours.Notre seule occasion de la

diffuser,çaserademain.Ilvafalloirfairevite.Unéclaird’inquiétudepassadanslesyeuxdePayton.–Merde.Çafaitpasbeaucoupdetemps.Tuessûrequetuesd’accord,Regan?Non.Maisjesavaisaussiquec’étaitlegenredechosepourlaquellepersonnenepouvaitvraiment

sesentirprêt.–Jeneveuxplusfairesemblant.Ilesttempsquelesgensmevoienttellequejesuis.Mêmes’ilsne

veulentpasmepardonner,jedoisaumoinsessayerderéparerunpeudesdégâtsquej’aicausés.Etj’imaginequeleplustôtseralemieux.Blakelevasabouteilled’eau,commepourporteruntoast.–Leplustôtseralemieux,répéta-t-elle.

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CHAPITRE18

Jefourraidansmabouchelederniermorceaudemontroisièmetacoaupouletetmâchaipendant

quemamannecessaitdeblablatersurlenouveauprojetderéformedesimpôts.Mesyeuxseperdirentdanslevague,etjemedemandais’ilétaitpossibledetomberdanslecomapourcaused’ennui–ouaumoinsdeperdreconnaissance.Lorsquelasonnettedelaported’entréeretentit,mamanfronçalessourcilsetreposasafourchette.–Tuattendaisquelqu’un,Steven?Papaposasaservietteetseleva.–Non.ÀmoinsquecesoitFrankquimerapportematondeuse,maisjecroyaisqu’ilallaitlagarder

toutelasemaine.Mamansemblaitinquiète.Entantquepersonnagepolitique,elleredoutaitlesvisiteurs-surprises.En

plusd’êtresurlalisterouge,nousavionsdûplusd’unefoisappelerlapolicepourchasserdesfousdenotreporche.Seulement,cettefois,j’avaisl’insoutenablesensationdesavoirexactementquiétaitlefouenquestion.Je repoussaima chaise si brutalement qu’elle crissa sur le parquet.Maman et papa se tournèrent

versmoi,l’airinquiet.–J’yvais!m’écriai-jeensautantsurmespieds.–Sûrementpas!répliquamaman.Onnesaitpasquic’est.Peut-êtreencoreunmalade.Situsavais…–Jevaisvoir,ditpapaenmefaisantsignedereculer.Mamanselevaetlesuivitdansl’entrée.Unnœudcoulantseresserrasurmapoitrine.Sic’étaitbien

Nolan, j’espérais que l’inquisition qu’il s’apprêtait à subir n’allait pas le faire fuir. Je voulaisrejoindremesparentsdansl’entréepourdireàNolandes’enfuir,maislapeurmeclouaitsurplace.Lesbruitsdepasdemesparentss’arrêtèrentdevantlaporte.–Quiest-ce?demandamamanàpapa.Elle avait parlé dans sa version personnelle du murmure, celle qui ressemblait plutôt à un fort

sifflementpuisquesavoixnepossédaitqu’unseulvolume:élevé.Auboutdequelquessecondes,paparépondit:–C’estPaytonet…est-cequec’estsonfrère?–Fais-les entrer,Steven, ditmamand’un ton à la fois soulagé et contrarié.Regan, tes amis sont

venustevoir.J’espéraisquec’étaitvrai.NolanetBlakedevaienttravailleràl’éditiondemavidéoaprèslelycée,

maisNolan avait aussi parlé d’une discussion avecmamère. Je n’arrivais pas à imaginer un seulscénariooùunetellediscussionpouvaitêtreunebonneidée.–J’arrive!Toutecrispéedeterreur,jelesrejoignisdansl’entrée.Lalourdeportedeboiss’ouvrit.

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–Payton,ditpapaavecchaleur,c’estunplaisirdetevoir.Est-cequevoustravaillezsurunprojetpourlelycée?ajouta-t-ilavecunsignedetêteàl’intentiondeNolan.Paytonseglissaentremesparents,toutsourires.–Pascesoir,MonsieurFlay.Ellerebondissaitpresquesurlapointedespieds,toutexcitée.Nolanpassaleseuilpourrejoindresasœur.Ilportaittoujourssonuniformedulycéemais,pourla

premièrefois,sachemiseétaitrentréedanssonpantalon.Jemefichaisdesonapparence,maisàlafaçon dont ma mère regardait ses cheveux indisciplinés et ses baskets éraflées, je savais que lemoindreeffortnepouvaitquejouerensafaveur.Papa,heureusement,nefutpasaussigrossier.Sonregardétaitpluscurieuxquescrutateur.–VousêteslefrèredePayton,c’estbiencela?demanda-t-ilavantderéfléchirunmoment.Nolan?

hasarda-t-ilenfin.Cedernierhochalatête.–Oui,Monsieur.Papasourit,clairementsatisfaitdevoirenfinpayerseseffortspouraméliorersamémoiregrâceau

Sudoku.–Alors,qu’est-cequevousprépareztouslestrois?–Enfait,Monsieur,réponditNolan,j’espéraisprendrequelquesminutesdutempsdevotrefemme.

J’aiunprojetdontj’aimeraisdiscuteravecvous,ajouta-t-ilensetournantversmamère.Instantanément, le visage de maman se lissa en un masque indéchiffrable, celui qu’elle avait

perfectionné avec ses années dans la politique. Je connaissais cette expression.Elle n’avait aucuneidéedecequisepassait,etiln’yavaitrienqu’elledétestaitautantqu’êtrepriseaudépourvu.Papa,desoncôté,fitsigneàPaytonetNoland’entrerdanslamaison.–Absolument,fit-il.Par-dessussonépaule,ilmejetaunregardinterrogateur.Aussitôt,jebaissailesyeux.Jenevoulais

pasprendrepartaumassacre.Mon père nousmena au salon et indiqua àNolan et Payton le confortable canapé qui trônait au

milieudelapièce.Papapritplacesurlacauseuseàsadroite,etmamanseplaçaàcôtédelui.Je lessuivis jusqu’aupasdelaporte,mais jenepusmerésoudreàentrer.Moncœurbattaitàun

rythme endiablé. Mes cachets se trouvaient dans ma chambre, juste en haut de l’escalier. Je medemandaisijepourraisatteindreladernièremarchesanstomberdanslespommesoufaireunechutemortelle–encorequ’étantdonnélasituation,cen’étaitpeut-êtrepasunesimauvaisealternative.Nolan, comme s’il avait senti ma panique, m’adressa un sourire rassurant. Presque aussitôt, les

battementsdemoncœursecalmèrent.Maman,quinel’avaitpasquittédesyeuxdepuisqu’ilavaitpassélaported’entrée,inclinaalorsla

têtepourl’observerd’unairdefauconsuspicieux.Lescoinsdesabouchesecrispèrent,seulsignequesonmasqueimpénétrablevenaitdesefissurer.Paytonétouffaungloussement. Je lui jetaimon regard leplusmeurtriermaisneparvinsqu’à la

fairerireplusfort.Papa,leseulàêtreassis,regardamamanettapotalecoussinàcôtédelui.–Tuneveuxpast’asseoir,machérie?Ellecroisalesbrasetsecoualatête.–Jepréfèreresterdebout.Cecanapén’estpasbonpourmondos.Intérieurement,jelevailesyeuxauciel.Sondosallaittrèsbien.Cerefusdes’asseoirfaisaitpartie

de ses habituels jeux de pouvoir.Comme elle n’avait aucun contrôle sur la situation, elle allait se

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servirde tous lesstratagèmesàsadispositionpour tenterdedominer laconversation.C’étaitpourcetteraisonqu’elleavaittoujoursunepetiteestradederrièresonpodiumdèsqu’elledevaitprononcerundiscours.Elletambourinadesdoigtssurledossierdelacauseuseetfitungesteendirectionducanapé.–Asseyez-vousdonc,qu’onpuissecommencer.Paytons’avançaverslecanapé,maisNolanl’attrapaparlebras.–Enfait,MadameFlay,j’espéraisvousenparlerenprivé.Ceprojet,mêmesic’estl’idéedevotre

fille,estunesortedesurprise.Paytonfitlamoue,etmamanhaussaunsourcil.–Trèsbien,fitpapaenselevant.Venez,lesfilles.Ilyaducheesecakeaufrigoavecnosnomsécrits

dessus.Aussitôt,levisageboudeurdePaytons’éclaira.–Miam!Ellebonditderrièrepapa,quivenaitdequitterlapièceendirectiondelacuisine.Puis,commejene

bougeaispas,elles’arrêtaàl’entréedelasalleàmangeretsetournaversmoi.–Tuviens?–Ouais.Jejetaiundernierregarddanslesalon,oùmamanetNolanm’observaientavecl’aird’attendre.–Ehbien,vas-y,Regan! fitmamanenmefaisantsignededéguerpir.Mais faisattentionavecce

cheesecake.C’estuneannéeélectorale,ettusaisquelacaméraajouteracinqkilosàtasilhouette.Jeluijetaiunregardnoiretcommençaiàm’enaller.–Uneminute!cria-t-elle.Jem’arrêtai.Mamandésignad’ungesteladoubleportevitrée.–Unpeud’intimité,s’ilteplaît.Avecunsoupir,jefermailaporte.Puisjemetournaiverslacuisine,maispasavantd’avoirentendu

lavoixétoufféedemamèredemanderdequoiils’agissait.Danslecouloir,Paytonmefitsignedemedépêcher.Ladernièrechosequej’entendisavantdela

suivredanslacuisinefutlaréponsedeNolan:–C’estausujetdel’ancienneécoleprimairedelatroisièmerue,cellequivaêtredémolie.Jeme

demandaissivouspouviezmedonnerl’accèsauxportesdestoilettesavantladémolition.Une heure plus tard, Payton etmoi étions assises au bar de la cuisine, à lécher nos assiettes de

cheesecaketandisquepapatentaitdenousconvaincrequel’accompagnementparfaitpourcedessertétaitunebouledecrèmeglacée.Paytongloussa.–Désolée,MonsieurFlay,maisjedoispouvoirentrerdansmonuniformedepom-pom-girl.–Regan?fitpapaenhaussantunsourcild’unairsuggestif.–Nonmerci,papa.Jen’avaispasd’uniformeàenfiler,maisaprèstroistacosetunepartdecheesecake,jen’avaisplus

deplacepouruneseulebouchéesupplémentaire.–Commevousvoudrez,dit papaenouvrant laportedu sous-sol, où le congélateurdétenait son

stockdecrèmesglacées.Jereviens.Lorsqu’il eut descendu l’escalier, je me tournai vers Payton pour lui poser la question qui me

trottaitdanslatêtedepuisuneheure:

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–PourquoiNolanveutrécupéreruntasdevieillesportesdetoilettes?Paytoncessadeléchersafourchetteetplissalenez.–Beurk!C’estvraimentçaqu’ilveut?Jehaussailesépaules.–Jel’aientenduenparleràmamèreavantdepartir.–Beuh!Elleposasafourchettesursonassiettevideetlapoussaàl’autreboutdubar.–Ilestbizarre,cemec.Onnesaitpasvraimentcommentmarchesoncerveau.Nolanavaitétévraimentintéresséquandjeluiavaisparlédesgraffitisdanslestoilettes,etilavait

visiblement l’intention d’envoyer un message fort…mais comment et pourquoi ? Je mâchouillail’ongledemonpouceetjetaiuncoupd’œilàl’horloge.–Pourquoic’estaussilong?–Tuconnaistamère,réponditPaytonavecunsourireencoin.Ellel’aprobablementassassiné,etlà

elleestentraindenettoyerlascèneducrimepourfairecroireàunaccident.–C’estpasmarrant.Enpartieparcequej’auraispresquepuycroire.–Tucroisqu’ilfautquej’yaille?–Pourdevenirlavictimenumérodeux?Jenecroispas,non.Jetapotaidesdoigtssurlebarendébattantintérieurement.Maisavantdem’êtredécidée,j’entendis

laportevitrées’ouvriretleclaquementdesescarpinsdemamèrerésonnerdanslecouloir.Jemelevaid’unbond,touslesmusclesdemoncorpstendusàl’extrême,enlavoyantentrerdansla

cuisineencompagniedeNolan.Tousdeuxsouriaient.–Tuviens,Payton,ditNolanenluimontrantlaporte.Ilfautqu’onyaille.Ilesttard.–Attends!m’écriai-je.Vousavezparléuneéternité.Personnenevamedirecequisepasse?–Cequisepasse,déclaramamanenseglissantversmoi,c’estquetoietcejeunehommeavezeu

une idée formidableetque je seraiplusqu’heureusedevousaider.Leharcèlement scolaire estunsujetbrûlant,etjesuisbiensûrtoujoursprêteàsoutenirtouteactionvisantàendiguercephénomène.Ellemetapotal’épaule,cequimelaissabouchebée.

Je ne me souvenais même pas de la dernière fois qu’elle m’avait encouragée, et encore moinstouchée.– Je suis fière de toi, ajouta-t-elle avec un dernier tapotement avant de se tourner vers Nolan.

J’appelleraimonassistantedèsdemainpourluifaireréglerlesdétails.Biensûr,jeveuxquelapressesoitprévenue.–Çavadesoi,répliqua-t-ilavecungrandsourire.– Très bien, je vous recontacte. J’ai du pain sur la planche. Et vous aussi, ajouta-t-elle en lui

adressantunpetitsignedetête.–Onsereparlebientôt,répliqua-t-il.Mamansouritetquittalapièce.Jem’appuyai contre lebar, ébahie, essayantdecomprendrecequivenaitde sepasser.Seuleune

explicationmevintàl’esprit:–T’asdroguémamère.Nolanéclataderire.–Jeteprometsquenon.–Ellesouriait,ditPayton.Ellenesouritjamais.–C’estunepreuve,déclarai-je.

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NolanfitunegrimaceavantdefairesigneàPaytond’avancerverslasortie.–Jem’enveuxd’interromprecetrèsimportantsommetdesreinesdumélodrame,maisj’ailaissé

Blake à lamaison faire tout le boulot toute seule. Elle va sûrement se demander où je suis passé.Quand je suis parti, ajouta-t-il àmon intention, la vidéo avait l’air vraimentbien.Elledevrait êtreprêted’icidemain.Ettoi,tul’es?–Je…euh…Dansmoinsdetreizeheures,jen’auraispluslemoindresecretpourpersonne.Cetteidéemenoua

lagorge.LaReganquej’étaisparvenuetantbienquemalàcacherauxyeuxdumondeallaitpourdebonserévéleraugrandjour.Tremblante,jeprisunegrandeinspiration.–Jesuisprête.Nolan m’entoura de ses bras et me serra fort contre lui. Son odeur de pin et d’agrumes

m’enveloppa,etsachaleursediffusaenmoi.Peuàpeu,magorgesedesserra.–Tuesgéniale,murmura-t-ilcontrelesommetdemoncrâne.Paytonémitunbruitétranglé.–Trouvez-vousunechambre,grogna-t-elle.Nolanmerelâcha,etjedusfaireappelàtoutesmesforcespournepaslereprendreaussitôtdans

mesbras.Ilsepenchapourappuyersonfrontcontrelemien.–Onsevoitdemainavantlescours,d’accord?–OK.Ilglissaunemainsurmanuque,etj’inclinailatêteenarrière.Lebaiserfutbref,grâceàPaytonqui

mimad’êtreentraindevomir,maiscefutassezpourmeréchauffer.NolanmerelâchaetsuivitPaytonjusqu’àlaportedelacuisine.Ilhésitasurlepasdelaporte,puis

pointal’indexversmoi.–Demain,dit-ilavecunclind’œil.Jem’obligeaiàsourire.–Demain,répétai-je.Lemotsemitàtourbillonnerdansmatête.Demain.

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CHAPITRE19

Lematinsuivant,jemegaraisurleparkingdulycéequelquesminutesavantlasonnerie.L’angoisse

qui bourdonnait dans mon ventre comme un nid de frelons m’avait empêchée d’acheter montraditionnelcafédumatin.D’unemaintremblante,jesortislesclésducontactetjetaiuncoupd’œilàmonsac,oùj’avaisrangémescachets.Peut-êtrequesij’enprenaisjusteun…Non.Cejourétaittropimportantpoursecacherderrièreuncachet.Quelqu’unfrappaàmavitre,etjecriaidesurprise.JemeretournaietvisNolan,sacaméraouverte

etpointéeversmoi.–Commentvamastaraujourd’hui?–Jemesentiraisdéjàbienmieuxsituéteignaiscettecaméra…Ilsourit.–Impossible.Ceshootingestindispensablepourledocumentairequejeréalisesurnotreprojet.–LeProjetgraffitis.–Lui-même.–Celuisurlequeltuneveuxdonneraucundétail.Ilajustalalentille.–Pourgâcherlasurprise?Jamais.Maintenant,viensavecmoi.Onvadevoirsegrouillerpourêtre

àl’heure.Tuneveuxquandmêmepasraterlapremièrephasedenotreplan?–Enfait…Jefissemblantderemettrelesclésdanslecontact.–Trèsdrôle.Allez,viens.Jelevailesyeuxaucieletsortisdelavoiture.Ilreculapourfilmerlemoindredemesmouvements.–Commentçava?demanda-t-ilencore.Nerveuse?Excitée?Jeserrailesmainssurmonsacàdos.–Toutça.–Qu’est-cequetuespèresaccompliraveccettevidéo?Jeprisletempsderéfléchiràlaquestion.–Jevoudraisvraimentquelesgenscomprennentquej’aichangé.–Commentça?–Ehbien…Jem’humectaileslèvresetrepris:– Il y a ce jeu auquel il faut jouer si tuveuxêtrepopulaire.Le score est calculé enSMS, statuts

Facebook,graffitisdans les toiletteset larmes.Pluson infligededouleur,plusonavance.Le tout,c’est d’avoir toujours un coup d’avance sur les adversaires.Mais il y a une chose que je n’ai pascompriseavantqu’ilsoittroptard:onpeutjoueràcejeupendantdesmois,desannéesmême,etnejamaisgagner.Parcequetouslesjoueurssontautomatiquementperdants.Jeneveuxplusjouer.Etjesuisdésoléed’avoirentaméunepartie.

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Nolanabaissasacaméra.–C’étaitparfait.Jeconfirmecequej’aidithier:tuesincroyable.Jemesentisrougir.– Avant que la couche de compliments devienne trop épaisse et que je ne puisse plus respirer,

répliquai-je,onvavoirsij’arriveàtenirdeboutjusqu’aulycée.Jemetournaiverslesportes,etmagorgeseserrarienqu’enpensantauxélèvesàl’intérieurquime

détestaienttoujours.Etquimedétesteraientpeut-êtreàjamais.– Bien sûr que tu vas y arriver, affirma-t-il en rangeant sa caméra dans son sac à dos avant de

s’accroupirdevantmoi.Jeseraitonchauffeur.–Sérieux?–Allez,enselle!Enriant,jesautaisursondosetm’accrochaiàsoncou.Ilaccrochamesjambesavecsesbras,se

levaetsedirigeaversl’entréedulycée.–Tuesfou!m’écriai-je.Il resta silencieux un moment. Lorsqu’il me répondit enfin, sa voix avait perdu toute trace

d’humour.–Foudetoi.Laclochesonna.Ilpoussalaporteetfitunpasàl’intérieur.Lesfrelonsdansmonestomacsechangèrentencolibrisquiprirentaussitôtleurenvol.Quiaurait

cruqu’enpleinmilieudupiremomentdemavie,quelquechosed’aussibonauraitpuseproduire?–Onvaoù?demanda-t-il.Aprèsluiavoirdonnélenumérodemasalledecours,

jeposailementonsursonépaulependantqu’ilmeportaitdanslescouloirsquasidéserts.Devantmasalle,ils’accroupitetjemelaissaiglisseràterre.–Tuvasêtreenretard,dis-je.Ilsepenchapourm’embrasser,unrapidecontactsurleslèvresquisuffitàmedonnerlachairde

poule.Puisilseredressaetsourit.–Çavalaitlecoup.Desmèchesrebellesretombaientsursonfront.Jelesrepoussaiderrièresonoreille.–C’estmarrant,non?J’auraisjamaiscruquetoietmoionallait…Je laissai les mots en suspens entre nous, parce que je ne savais pas vraiment ce qu’était notre

relation.Ilvalaitpeut-êtremieuxnepasycolleruneétiquette.Jehaussailesépaules.–Jecroisquecequej’essaiededire,c’estquejesuiscontentequ’Amberaitessayédefoutremavie

enl’air.Sansça,ilneseseraitjamaisrienpasséentrenous.Sonsouriredisparut.Ildéglutit.–Moiaussi,jesuiscontentdecequisepasseentrenous.Mais…Ladeuxièmeclochesonna.Iljuraentresesdentsetmepritlesdeuxmains.–Écoute,Regan,jet’aimevraimentbeaucoup,c’estpourçaque…Avantquejeteconnaisse…que

jeteconnaissevraiment…j’aifaituntrucvraimenttrèscon.Etjevoulaist’enparlerlesoiroùtuasfilmétesexcuses,maisj’aipaniquéparcequejemesuisditquetuallaismedétester.J’ai…–MademoiselleFlay.MadameMurphy,maprofesseureprincipale,venaitd’apparaîtresurlepasdelaporte.–Vousêtesenretard.Entrezetasseyez-vous.Vousparlerezavecvotrepetitamiplustard.Sesmotsfurentaccueillispardeséclatsderireàl’intérieurdelasalle.JerougisetlâchaidoucementlesmainsdeNolan.

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–Jesuisdésolée,MadameMurphy.Onseparleplustard?ajoutai-jeàl’intentiondeNolan.Ilhochalatêteetpartitdansladirectionopposée.

Il s’arrêta une fois pour me regarder. Quelque chose passa dans son regard. De la peur ? Desremords?Cefuttellementfugacequejenepusl’identifier.Je voulus le rappeler,maisMadameMurphy posa unemain dansmondos etme poussa dans la

salle.En rejoignantmaplace, je songeaiàcequ’il avaitdit.J’ai faitun trucvraiment trèscon. Jeglissaimonsacentrelespiedsdemachaiseetm’assis.Qu’est-cequ’ilavaitbienpufaire?Biensûr,onavaittouslesdeuxditdeschosesaffreusesl’unsurl’autre…Maisilnepensaittoutdemêmepasquejeluienvoudraispourça?MadameMurphyfitl’appel,etjelevailamainquandelleappelamonnom.Lorsqu’elleeutterminé,

elleallumalatélévisionaccrochéeaumur.J’avaisétésioccupéeàpenseràNolanquej’avaiscomplètementoubliémaconfession,quiallait

êtrediffuséedansàpeinequelquesminutes.Jeserrai lesdoigtssur leborddematableetregardaiNathalieetDan,lesterminalesduclubdejournalisme,débiterdesrésultatssportifsassisderrièreunetabledejeucouvertedecartonpourluidonnerl’apparenced’unbureau.Sur l’horloge, le tic-tac de l’aiguille des secondes couvrit tous les autres bruits en dehors des

battementsdemoncœur.Encorequelquesminutes,ettoutauraitchangé.Nathaliepritquelquesfiches,qu’elleempiladevantelle.– Avec la blessure de Ian Riley, nous nous interrogeons sérieusement sur les chances de notre

équipedeluttedepasserlessélectionsnationalescetteannée.–Cen’estpasbon,confirmaDanenfronçantlessourcils.Ilpivotasursonsiège,etlacamérazoomasursonvisage.– C’est tout pour les annonces matinales, mais ne nous quittez pas. En lien avec la semaine de

préventioncontreleharcèlementscolaire,notreproductriceetprésidenteduclubmultimédia,BlakeMitchell,auneprésentationspécialeàvousfaire.Onyétait.Lapeurmecomprimaittantlespoumonsquechaqueinspirationétaitdouloureuse.Mais

entre les rubans de peur qui m’enserraient la poitrine se trouvait autre chose. Un léger malaises’insinuaitenmoi.Jenepouvaism’empêcherdem’interrogersurletimingdelasituation.Quellesétaient les chances pour que tout cela arrive juste avant la semaine de prévention contre leharcèlementscolaire?Lacamérarecula,etDanetNathalieselevèrentpoursortirduchamp.Unesecondeplustard,Blake

apparutà l’écranets’assit.Ellesepassa la languesur les lèvresets’agitaunpeudanssonfauteuilavantderegarderlacaméra.–Bonjour,dit-elled’unevoixunpeutremblante.Pourceuxd’entrevousquinemeconnaissentpas,

je m’appelle BlakeMitchell et je suis en terminale ici à Sainte-Mary.Mameilleure amie, JordanHarrison, aurait dû être ici avecmoi, à passer lameilleure année de sa vie.Mais elle n’est pas làaujourd’hui.Ellen’estpaslààcauseduharcèlementdontelleaétélavictimeici,danscelycée.Mon ventre se serra. Des vagues de nausée m’envahirent. Quelque chose ne tournait pas rond.

Pourquoiparlait-elledeJordanmaintenant,justeavantdediffusermavidéo?Blakeposalesmainssurlebureauetentrecroisalesdoigts.–Lavidéoque jem’apprête àvousmontrer est undocumentaireque j’ai filméencollaboration

avecmonamiNolanLetner.L’idéenousestvenueaprèsqueJordanafailliperdrelaviesuiteàceharcèlement.NousvoulionsmontrerauxtortionnairesdeJordancequeçafaitdepasserunejournéeàsaplace.NousavonsappeléleprojetLavieentouteinconscience.Quesepassait-il?Toutautourdemoi,lesautresélèvesarrêtèrentdegribouillersurleurscahierset

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sepenchèrent enavant,visiblementcurieuxdevoir cequi allait sepasser.MêmeMadameMurphyavaitposésoniPadetfaitletourdesonbureaupourmieuxvoirl’écran.Celui-cidevintnoir,etunpianosemitàjouer.LesmotsLavieentouteinconscienceapparurentà

l’écran,commetapésauclavier,etdisparurentunelettreàlafois.Une maison de trois étages à la façade de briques apparut alors à l’écran. Elle ressemblait à

n’importequellemaisonden’importequelquartierdeclassemoyenne.Desbuissonsauxfleursrosesbordaientleporche,etl’herbedelapelouseavaitgrandbesoind’êtretondue.Uneboîteàlettresenmétalpeinteavecdesmotifsvacheétaitplantéedansuncoindelapelouse.–Moisdemai,l’andernier,fitlavoixdeNolan.Jesursautaisurmachaise.– Les choses étaient déjà difficiles avant, poursuivit-il,mais je n’ai jamais su à quel point elles

avaientempiréjusqu’àcejour.C’estunpeumafaute.J’étaissonpetitami,j’auraisdûm’enrendrecompte.J’auraisdûfairequelquechose.Jeretinsmonsouffle.Nolanavait-ilvouluquecettevidéosoitdiffusée?Unfrissondeterreurme

parcourutl’échine.Lascènepassaàuneporte fermée.Celuiqui tenait lacaméra–Nolan,probablement–essayade

tournerlapoignée,maisellenebougeapas.–Allez,Jordan!Nolann’étaitpluslavoixoff:ilfaisaitpartieintégrantedelascène.– Si on ne part pasmaintenant, on va perdre la réservation. Tu étais tellementmal ces derniers

jours, j’ai vraimentvoulu fairequelquechosede spécialpour tonanniversaire. Je suis en traindefilmer,donctun’aspaslechoix:tuesobligéedesortirensouriant.Ilyeutunsilence,suivid’uneréponseétouffée.–Jenesorspas.Dessanglotsponctuaientsesmots.–Jordan?appelaNoland’untoninquiet.Qu’est-cequit’arrive?Ilréessayad’ouvrir,secouantplusieursfoislapoignée.–Çava?Laisse-moientrer.–Va-t’en,gémit-elle.–Jen’irainullepart.–Jem’enfous,répliqua-t-elled’unevoixàpeineaudible.Jem’enfousdetout,maintenant.–Çaveutdirequoi,ça?Pasderéponse.–C’estquoiceb***el,Jordan?«Bordel»avaitétébipé,maisilenrestaitassezpourcomprendre.Lapeurétaitaudibledanslavoix

deNolan.–C’estpasmarrant!Jetejure,situn’ouvrespaslaporte,jeladéfonce.Pasderéponse.MadameMurphysepenchaenavantsursachaise.Elleattrapa la télécommande, lapointavers la

télévision,maisn’appuyapassurleboutonpourl’éteindre.Visiblement,elleétaittoutaussicaptivéequemoi.–M***de!s’écriaNolan.M***de,m***de,m***de.Lacamératressautaquandillaposa.Unesecondeplustard,Nolanapparutdevantlaporte.Ilavait

desmèchesbleues–sacouleurdel’andernier.Ilappuyasonépaulesurlaporte,commepourtestersasolidité.Sesyeuxétaientgrandsouverts,emplisdepanique.

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–C’estladernièrefoisquejeteledemande,Jordan!Ouvreoujedéfoncelaporte!Unsilenceluirépondit.Ilmarmonnaquelquechoseentresesdents,s’écartadelaporteetlacognadesonépaule.Laporte

émitunhorriblecraquementetseplia,maisnes’ouvritpasentièrement.Lecadreàcôtédelapoignées’étaitcassé,sibienquelaportebâillaitdeplusieurscentimètresmaistenaittoujours.Nolanfrappaunesecondefoisetcassacomplètementl’encadrement.Laportes’ouvritengrandet

frappaunebottedel’autrecôtéavecunbruitmat.Lorsquelachaussurenebougeapas,jecomprisquequelqu’unlaportait.Nolancourutàl’intérieur,maisreculaaussitôt.–OhmonDieu,Jordan!Qu’est-cequet’asfait?Est-cequec’est…del’eaudeJavel?IltombaàgenouxàcôtédesjambesinertesdeJordan.Lerestedesoncorpsrestaitcachéderrièrela

porte.Nolanlapritdanssesbraspourlesecouer.Jevissesjambesremuermollement.–Tuasbuça,Jordan?Réponds-moi,bordel!Ellearticulaquelquechose,maistropbaspourquelacaméral’enregistre.Illarelâchaetsortitsonportabledesapochearrière.–J’appellelessecours!L’écransebrouillaetredevintnoir.Mespoumonsmebrûlaient.Jemerendiscomptequej’avaisoubliéderespirerdepuislemomentoù

Nolanavaitdéfoncélaporte.Jerelâchaibruyammentmonsouffle,etplusieurspersonnesautourdemoifirentdemême.Unesecondeplus tard,Nolanapparutà l’écran,assisdanssachambresur le tabouretque j’avais

occupéquelquesjoursauparavant.Ils’étaitservidufondvertpouravoirl’aird’êtreassisentredeuxvoiesferrées,aumilieud’unchamp.–Aprèsunlavaged’estomac,etmalgrédepetitsdégâtsintestinaux,Jordanasurvécuàsatentative

desuicide.Noussortionsensembledepuisplusd’unan,maisellea rompuavecmoiàsasortiedel’hôpital.Ellenem’ajamaispardonnédeluiavoirsauvélavie.Àcausedesadépression,sesparentsl’ontretiréedulycéepourqu’ellepuisseobtenirtoutel’aidedontelleabesoin.Nolandisparut,remplacéparuneimagedel’hôpitaldelaville.Lesvoiesferréesrevinrent,maiscettefoisc’étaitBlakequiétaitassisesurletabouret.– Jordan étaitmameilleure amie depuis l’écolematernelle. Jusqu’au lycée, c’était une personne

pétillante,empliedejoiedevivre.Ellen’auraitjamaisessayédemettrefinàsesjourssiellen’avaitpasététorturéeauquotidien.LesangmontaauxjouesdeBlake,etsesyeuxs’emplirentdelarmes.–Jenesavaispasàquelpointelleallaitmal,poursuivit-elled’unevoixbrisée.J’imaginequeçafait

demoiune trèsmauvaiseamie,parceque les chosesontvraimentdûêtre terriblespourellepourqu’ellepensequelaseulefaçondes’ensortirétaitdemourir.Deslarmessemirentàcoulersursesjoues,etellesehâtadelesessuyerd’unreversdelamain.

Elleregardaitau-delàdelacaméra.–J’aibesoind’unepause.Unefoisencore,l’écrans’obscurcit.Quelquessecondesplustard,Blakeréapparutàl’écran.Sonvisagen’étaitplusrouge,etleslarmes

avaientdisparu.–JordanHarrisonaessayédesetueràcauseduharcèlementqu’elleenduraitaulycée.Elleafailli

mourir et aurait pu conserver des séquelles physiques permanentes, sans parler des cicatricespsychologiquesquiluiresteronttoutesavie.Sesbourreaux,cependant,n’ontjamaisétépunispour

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leursactes.Ilsontpoursuivileurviecommeilsl’onttoujoursfait,enblessantlesautres,enlesfaisantsouffrir,sanspenserauxconséquencesdeladouleurqu’ilsinfligent.Blakesecoualatête.–Jenepouvaispas laisser faireça. Jenepouvaispas laisserd’autrespersonnessouffriràcause

d’eux.Etya-t-ilmeilleurmoyendeleurfaireprendreconsciencedesconséquencesdeleursactesquedeleurfairesubirleharcèlementauquelilssoumettaientlesautres?C’estlàqu’estnéel’idéedeLavieentouteinconscience.Pourquel’expériencefonctionne,ilfallaitquelesbourreauxdeviennentlesvictimes. Nous savions que ça ne serait pas difficile. Après tout, nous sommes au lycée. Tout lemondeadessecrets.Jen’arrivaisplusàrespirer.J’avaisl’impressionquedesmainsinvisiblesmeserraientlagorgeet

m’étranglaient à petit feu. Je n’eus qu’un instant pourme demander ce queBlake avait voulu direavantquelascènechangedenouveaupourlaisserplaceàunechambrevertequejeneconnaissaisquetropbien–celledePayton.SaufquePaytonn’étaitpaslà.Nolanétaitassisàsonbureauetouvraitsonordinateurportable.–Tutesensmaldefaireça?demandaBlakederrièrelacaméra.Nolanhaussaunsourcil.– Jemesentiraismaldenepas le faire.Si ce documentaire sauvene serait-ce qu’unevie, ça en

vaudratotalementlapeine.Ilpassaquelquesminutesàtaperauclavieretàmanierlasouris,puisillevalepoingensignede

victoire.–Bingo,murmura-t-il.Ilcliquaencoreunefois,etl’imprimantesemitenmarche.Plusieurspagesensortirent.Nolanles

attrapaetsortitsesclésdevoituredesapoche.–Maintenant,onvadansuneboutiquedephotocopies.Ilvanousenfalloirdestas.–Desphotocopiesdequoi?Nolan montra les pages à la caméra. La vidéo avait été éditée pour que les noms imprimés

apparaissent brouillés, mais je pus en distinguer suffisamment pour savoir qu’il s’agissait d’uneimpressiond’écrandemessagespersonnels.Demesmessagespersonnels.

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CHAPITRE20

OhmonDieu.OhmonDieu.OhmonDieu.Jemefrottailesyeux,espérantquemonespritmejouedestours.Maisnon.LespapiersqueNolan

tenaitàlamainétaientbienceuxquiavaientétécolléssurmoncasier.Pendanttoutcetemps,j’avaiscru qu’Amber avait été derrière tout ça, que j’avais fait quelque chose pour l’énerver et qu’ils’agissaitdesesreprésailles.Àprésent,jecomprenaisqu’iln’enétaitrien.C’étaitBlakeetNolanquiavaienttoutmanigancédepuisledébut.Nolan–quim’avaittenuedanssesbras,quim’avaitembrassée,quim’avait…mentipendanttoutce

temps.Le sol se déroba sousmoi. J’attrapai les deux côtés dema table, comme pourme raccrocher à

quelquechosedetangible.JepensaisêtreentraindecraquerpourNolan,maisenfaitj’étaisjusteentraindecraquer toutcourt. Ilm’avaitditqu’il tenaitàmoi, ilm’avaitserréedanssesbrasdans lestoilettesquandjenetenaisplusdebout,ilm’avaitembrassée…Toutcelaavaitdoncétéunrôlepourobtenirdesséquencespoursondocumentaire?Mon estomac se serra douloureusement.Mes jouesme brûlaient, et des larmesme piquaient les

yeux.Jelesrefoulaienhâte.L’écran devint noir, et des mots se mirent à défiler : Nous avons récupéré des messages

compromettantsécritsparl’undesagresseursetlesavonscolléssurtouslescasiersdel’école.Lesbourreauxsortiraient-ilsplusempathiquesdeleurchutesociale?Une fille apparut à l’écran. Son visage était flouté, mais à la seconde où je la vis, mon pouls

accéléra.Jemerendiscompteavechorreurquec’étaitmoi.C’étaitlavidéodemonarrivéelejouroùlesmessagesavaientétéaffichés.Unefilleauxcheveuxasymétriquesmebloquaalorsquej’essayaisdepasser.Notreconversation fut inaudibledans lebrouhahadesélèvesquipassaient.Unesecondeplustard,ellefittombermongobeletdecafé.Mêmemaintenant,assiseàmonbureau,jesuffoquaisd’humiliationcommejel’avaisfaitcematin-

là.Leshabituelsrubansd’angoisseseresserraientsurmonestomac.S’ilvousplaît,faitesquelavidéosoitbientôtterminée.Jejetaiuncoupd’œilàMadameMurphy,quiregardaitl’écranavecuneétrangeexpression de fascination et d’horreur mêlées – de toute évidence, elle n’avait pas l’intentiond’éteindreleposte.Les élèves autour de moi étaient tendus, les yeux grands ouverts, plus éveillés que je les avais

jamaisvusàhuitheuresdumatin.La scène changea de nouveau, et cette fois je me vis devant le casier de Julie Sims, qui me

dévisageait,sescahiersserréscontresapoitrine.–Mêmesi tunemecroispas, jeveuxque tu sachesque je suisvraimentdésoléed’avoirdit ces

choses,m’entendis-jedéclarer.Ellesétaientcruelles,etjenelespensaispas.Jedisparusdel’écran,etuneautrefilleapparut.Mêmesisonvisageétaitfloutécommelemien,je

n’avaisaucundoutesur l’identitédecette filleà la jupe raccourcieetaux talonshauts.Amber. Des

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motsdéfilèrentenhautdel’écran:Allaient-ilsdevenirlesvictimesdecesmêmesmaltraitancesqu’ilsinfligeaientauxautres?Amberarrachalespagesd’uncasieret,aprèslesavoirlues,lesdéchiraenpetitsmorceauxetlesbalançadanslecouloir.Ellelongeaunerangéedecasiersetarrachalespagesavantdelesfourrerdansunepoubelle.Allaient-ils se tourner les uns contre les autres ? demandaient lesmots qui défilaient. Cette fois,

Amber,Paytonetmoiapparûmesàl’écran.Amberavaitlesépaulestenduesetlespoingsserrés.–Tupeuxarrêterdejouerlesinnocentes,maintenant!cracha-t-elle.J’airépétéàPaytontoutceque

tum’asdit:quetulatrouveschianteàmouriretquetuétaisseulementamieavecelleparcequ’elleestdouéepourtrouverdesragots.Àl’écran,jefisunpasenarrière.–Quoi?Maiscen’estpasvrai!Unnouvelécrannoirs’affichaalors,aveclesmots:L’expérienceallait-ellelesforceràchanger?

Allaient-ellesdevoiraffronterleurspropresdémons?Puisjeréapparus,levisagetoujoursflouté.Cettefois,j’étaisassisesurletabouretdeNolan,devant

lefondvertchangéenrangéedecasiers.– Je devais être parfaite. Irréprochable. Tout le temps. Pas seulement à la maison, mais aussi à

l’école,àl’église…Mêmepourallerfairemescourses,parcequetoutlemondemeregardaittoutletemps.C’étaitcommesilemondeentierétaitlà,àattendrequejemeplante.Etj’airetenumonsoufflependantdesannées,parcequejesavaisquecen’étaitqu’unequestiondetempsavantquejedérapeetquetoutparteenvrille.L’angledelacaméras’élargit,mefaisantparaîtresipetite,sifragile,aumilieudecetterangéede

casiersapparemmentsansfin.–C’est tellementpathétique.Maisencorepluspathétique, ilya leschoseshorriblesquej’aidites

sur lesgens– leschoseshorriblesque j’ai faites.Jen’essaiepasdemetrouverdesexcuses,parcequ’iln’yenapas.Jevoulaisseulementdirequejesuisdésoléepourtout.Vraimenttout.Lelycéeestdéjàassezdursansqued’autresélèvesenrajoutent,etjesuisvraimentdésoléed’avoirétéunedecesautres.Jedisparus, remplacéepar lesmots :Allaient-ilsapprendre?Ouallaient-ilsavoir tellementpeur

d’affronterlavéritésureux-mêmesqu’ilsallaientcontinueràblessertoutlemondeautourd’eux?Cesmotsfurentremplacéspard’autres–flous,noirsetécritsàlamain.Peuàpeu,lacamérafitsa

miseaupointjusqu’àcequelesmotsdeviennentlisibles:DelaneyHicklerestunesalepute.Jemisunmomentàcomprendreoùj’avaisdéjàvucettephrase.Danslestoilettespourhandicapés

duvestiairedesfilles.Cestoilettesoùj’avaisfilmé…OhmonDieu.–Non!Je me levai, mais personne ne sembla me remarquer. Tous les yeux restèrent fixés sur l’écran.

Nolanavait récupéré la séquenceque j’avaisbêtement laissée sur sa caméra et s’apprêtait à ruinerdeuxviesavec.Jemelevaiettentaidem’adresseràlaclasse:–S’ilvousplaît,arrêtez!JemetournaiversMadameMurphy:–Coupezça!Vite!Elle fronça les sourcils et jeta un bref regard à la télécommande qu’elle tenait à la main, l’air

perplexe.–MademoiselleFlay,qu’est-cequivous…?MêmesiAmbern’apparaissaitpasàl’écran,savoixétaitreconnaissableentremille.–Jesuisdésolée,dit-elle.

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Moncœurentamaunplongeonverslesol,etjecomprisqu’ilétaittroptard.Mêmesijeparvenaisàempêcher lavidéodepasserdansmasalle, jenepouvaispasempêcher toutes lesautresclassesdulycéedelaregarder.–MaispasassezpourlarguercetabrutideJer***,répliqualavoixdeChristy.LenomdeJeremyavaitétébipé,commelesjuronsetlesgrosmots.Amberpoussaunsoupir.–Jer***,c’estseulementpourlesapparences.Tusaisquejen’enairienàfoutredelui.–Maisc’estpascequ’ilcroit.Cequetoutlemondecroit.–Ons’encarre,decequetoutlemondecroit!Onn’aplusqu’unanàvivrecommeça!Après,on

seraàlafacetonpourrafairetoutcequ’onaenvie.Unan!Écoute.Onnepeutpascourirlerisqued’êtresurprisesensemblecommeça–surtoutpasàl’école.Laprochainefoisquetuveuxmeparler,nem’envoiepasdemot.Appelle-moi,OK?L’écrandevintnoiretj’attendislasuite,lesoufflecourt.Commeellen’arrivaitpas,jemeretournai

pourvoirMadameMurphy, la télécommandeà lamain, lepoucepressé sur leboutonon/off.Elleavaitpâliaffreusement.–Jenesuispassûrequecettevidéosoitconvenableàregarder,dit-elledoucement.Jenesavaispassiellenousparlaitànousouàelle-même.Lehaut-parleurémitun«bip»,nousfaisanttoussursauter.– Je voudrais Blake Mitchell et Nolan Letner dans mon bureau immédiatement, annonça la

principaleMcDill.Mêmedanslemicro,sacolèreétaitpalpable.–Jevoudraiségalementprésenterpersonnellementmesexcusesàtoutlemondepourlavidéoqui

vient de vous être présentée.Elle n’a été en aucun cas autorisée parmoi ni par aucunmembre ducorps enseignant. Les responsables seront sanctionnés. En attendant, reprenez les cours commed’habitude.MadameMurphyreposalatélécommandesursonbureau.–Bon!J’imaginequevousdevriezsortirvoslivres.Personnenebougea.Ellesetournaversmoi.–MademoiselleFlay,vouspouvezvousrasseoir.Mon cœur tambourinait contre mes côtes. Jamais, de toute ma vie, je n’avais désobéi à un

professeur.Maismes jambes étaient comme rivées au sol. Cette vidéo n’avait pas été une attaquecontremoi, mais contreAmber. Impossible qu’elle ne l’ait pas vue. Et je savais ce que ça faisaitd’avoirsessecretsexposésdevanttoutel’école.– Mademoiselle Flay. Qu’est-ce que vous croyez faire, au juste ? demanda Madame Murphy.

Retournezimmédiatementvousasseoir.Confuse,jeclignaidesyeux.J’étaisarrivéedevantlaportedelasallesansmêmemerendrecompte

que j’avaisbougé.Apparemment,moncorps savait déjà inconsciemment ceque jedevais faire. Jejetaiuncoupd’œilpar-dessusmonépauleetvistoutelaclassequimeregardaitavecdesyeuxronds.–Jesuisdésolée,MadameMurphy.Jedoisyaller.Jesavaisquejem’exposaisàdessanctions,maisjedevaistrouverAmber.Mêmesielleavaitjoué

un rôle important dans la tentative de Nolan pour ruinermon existence, je devais la trouver. Luiexpliquerqu’ellen’étaitpasseule.Aprèstout,commentpouvais-jem’attendreàcequetoutlelycéemepardonnemesfautessijen’étaispasprêteàfairedemême?J’ouvris laporte, ignorantMadameMurphy, et partis en trombedans le couloir désert.Si j’étais

Amber,oùirais-je?Jenepouvaispasimaginerqu’elleseraitrestéedanssasalledeclasse,pasalors

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quesonplusgrandsecretavaitétérévéléaugrandjour.Jecouraisdans lescouloirs,sansvraimentsavoiroù j’allais.Toutceque jesavais,c’étaitque je

devaistrouverAmber.–Regan!LavoixdeNolaneut surmoncorps l’effetd’unecordedemarionnettiste. Jem’arrêtainet,mais

refusaidemeretourner.Jenesupporteraispasderegarderenfacelapersonnequim’avaitmentietmanipulée.–Regan,s’ilteplaît.Ilyavaitunenotededésespoirdanssavoix.Lesbruitsdesespasserapprochèrent,puiss’arrêtèrent

justederrièremoi.– Je ne savais pas que Blake allait intervertir les vidéos. Elle était seulement censée diffuser ta

séquence.Cellequ’onatournéetouslesdeux.Unemainseposasurmonépaule.–Blakem’amenti.Elles’estserviedemoi.–Toutcommetoi,tut’esservidemoi?Jemelibéraid’unmouvementbrusque.Mesmainstremblaientderage.Moncerveaun’arrivaitpas

àdécidersijedevaiscommencerparcrierouparpleurer.–Comme tu t’es servidemoipendant toutce temps?Tum’aspiégéepour le jourde lagrande

révélation?–Non!Ilouvritdegrandsyeuxetfitunpasenarrière.–C’estpasça.Jeveuxdire…Oui,çaapeut-êtrecommencécommeça.Aprèscequiestarrivéà

Jordan,j’étaistellementdégoûté…Jevoulaislavenger.Maisça,c’étaitavantquejecomprennequecequejefaisaisavecBlake,c’étaitexactementpareilquecequevousaviezfaitàJordan.Jeluiaiditquejevoulaisabandonnerleprojet.Jecroyaisqu’elleétaitd’accord.ElleadûrécupérerlaséquenceavecAmber le soir où je suis venu chez toi et où elle est restée éditer la vidéo.Bon sang, je suistellementstupide!ajouta-t-ilensefrottantlevisageàdeuxmains.Ça,aumoins,c’étaitvrai.Maispourlereste,commentsavoir?Cen’étaitpascommesijepouvais

croireunseulmotquisortaitdesabouche.–Jem’enfous,Nolan.Jen’aipasdetempsàperdreavectesconneriespourlemoment,OK?Ilparutblesséetreculaencored’unpas,commesijel’avaisfrappéauvisage.–Jetedislavérité.Blakem’amenti.Onn’ajamaisconvenudediffuserlavidéooriginale.Jeserrailespoingsetsecouailatête.–Tucomprendspas?Jemefousqu’ellet’aitmenti.Tum’asmentiàmoi!Pendanttoutcetemps,tu

n’aspasditunmotalorsquej’accusaisAmberd’avoiraffichélesmessages.Jemefousquetuaieschangéd’avissurtonstupidedocumentaire!Cequejeretiens,c’estquetuasdélibérémententreprisderuinermonexistence!Ilpassasesdoigtsdanssescheveux.–Jesais.Regan,jesuisdésolé.Quandonacommencéàfilmer,j’étaisencolèreetblessé…Jeme

rendscomptemaintenantquecen’estpasuneexcuse.Jen’aijamaisvouluqueçaailleaussiloin.J’aiarrêtéleprojetquandj’aicomprisàquelpointtoutétaitentraindedéraper.Ilfautquetumecroies.Audébut, jepensaissincèrementaider lesgens.Jepensaismêmet’aider, toi.J’ai jamaisvouluquetoutçaarrive.Jetejure.Tuesladernièrepersonnequej’auraisenviedeblesser.–Ouais,tuesunvraipetitsaint.–D’accord, je lemérite.Tuesencolère, tuenas toutà fait ledroit.Onvivaitquelquechosede

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vraimentformidabletouslesdeux,etjenemelepardonneraijamaissij’aitoutgâché.S’ilteplaît,Regan,est-cequ’onpeutenparler?Est-cequetupeuxmedonnerunedeuxièmechance?–Jen’aipasletempsdeparler,répliquai-jeenpassantdevantlui.JedoistrouverAmber.–Jevaist’aider,déclara-t-ilenm’emboîtantlepas.Sansleregarder,jesecouailatête.–Tunedoispasallerchezlaproviseure?–Ilyabeaucoupdechosesquejedoisfaire.Pourlemoment,mapriorité,c’esttoi.Jelevailesyeuxaucieletpoursuivismaroute.Ilpouvaitdiretoutcequ’ilvoulait,çan’allaitpas

changerlefaitquejeconnaissaisàprésentlevraiNolan.Quelquesoitlerôlequ’iljouait,jenemelaisseraisplusavoir.Je tournaiaucoinducouloiret faillis renverserChristy.Ses jouesétaient rougesetcouvertesde

larmes.Ellenousregardaalternativement,Nolanetmoi,etpointasurnousundoigttremblant.–Vous.Vousavezfaitçaensemble!–Non.Tutetrompes,protestaNolan.Toutestmafaute.Regann’arienàvoiravecça.Christy attrapa le devant de son t-shirt et, pendant quelques longues secondes, j’eus la terrible

certitudequ’elleallaitlefrapper.–Est-cequetuaslamoindreidéedecequetuasfait?cracha-t-elleentresesdents.Ellelerepoussaenrelâchantsont-shirt.–Écoute,Christy,s’ilteplaît.Jen’airienvouludetoutça…–Jevousemmerde,toiettesintentions!IlfautquejetrouveAmber!Ellepassaàcôtédeluienluicognantl’épaule.–Tusaisoùelleestpartie?criai-jederrièreelle.Christys’arrêtaetsecoualatête.Denouvelleslarmesserépandirentsursesjoues.–Non.Onétaitdanslamêmesalle,etaprèslavidéo…Elledéglutitavecpeine.–Amberapétélesplombs.Je…jenel’avaisjamaisvuecommeça.J’aipeur.–OK…Jemordillaimalèvreinférieure,mecreusantlacervellepourtrouverdesendroitsoùAmberaurait

pusetrouver.–Etsi tuallaisvoirauparking,sisavoitureestencorelà?Siellen’yestpas,c’estqu’elleadû

rentrerchezelle.Demoncôté,jevaiscontinueràchercherparici.–D’accord,opinaChristyavantdepartirencourant.SiAmbern’étaitpassortiedulycée,elleétaitalléedansunendroitoùellepourraitêtreseule,où

personneneviendrait l’embêter.Un endroit comme… les toilettes dudeuxième étage. Je tournai àdroite et montai l’escalier, Nolan sur mes talons. Je priais pour ne pas la trouver. Je priais pourqu’ellesoitauStarbucks,occupéeànoyersonchagrindansunlatte,ouchezMacy,entraind’oubliersesproblèmesens’offrantunnouveaurougeàlèvres.Lehaut-parleursemitàcrachouillerlorsquej’arrivaiaudeuxièmeétage.«NolanLetneretReganFlay,vousêtespriésdevousprésenteràmonbureau immédiatement»,

ordonnalaprincipaleMcDill.Apparemment,MadameMurphy l’avaitprévenuedemonévasion.Exactementcequ’ilme fallait,

encoreplusdeproblèmes.Monsoufflesebloquadansmagorge,etjetendislamainversmonflaconde pilules caché dans mon sac à main avant de me rendre compte que j’avais oublié toutes mesaffairesdansmasalledecours.–Merde,murmurai-je.

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–Quoi?demandaNolan.–J’aioubliémescachetsdansmasalle.Ilfronçalessourcils.–Tuveuxquej’ailleleschercher?–Maisbiensûr…Jesuissûrequesitudéboulesdansmasalledecours,çavavachementbiense

passer!–Jem’enfous.J’yvais.–Non.Jeneveuxplusquetufassesrienpourmoi.Jamais.Tuenasfaitassez.Sansluilaisserletempsderépondre,jemeretournaietpartisencourantverslestoilettesdesfilles.

Devantlaporte,j’hésitai.Moncœurétaitcommeremontédansmagorge,m’empêchantderespirer.S’ilteplaît,Amber.Nesoispaslà.J’ouvrislaporteengrandetentrai.Avantquelaportesereferme,Nolanseglissaderrièremoi.Les toilettes étaient silencieuses, hormis le goutte-à-goutte régulier d’un robinet rouillé. Amber

n’étaitpaslà.Soulagée,jemedétendis.–Ellen’estpaslà,murmurai-je.–Alorsqu’est-cequ’onfaitmaintenant?Brutalement,jemetournaiverslui.–Tunecomprendsrienouquoi?Onnefaitrien.Tupeuxallertefairefoutre.Unpetitrireretentitderrièrelaporteferméed’unedescabines.–Ouais,fitlavoixd’Amber,quirésonnaitcontrelemurcarrelé.Ilyavaitquelquechosed’inhabitueldanssavoix,maisjenepusmettreledoigtdessus.–Allezvousfairefoutre.Touslesdeux.Surcesmots,elleéclataderire.Jemefigeai.Lapeurmesaisitdesesdoigtsglacés.Quelquechosen’allaitpas.Lentement, jeme

tournaiverslesportesdescabines.–Amber?Pasderéponse.Jemepenchaipourregardersouslesportes.Leslonguesjambesd’Amberétaient

étenduesparterre,danslestoilettespourhandicapés.–Amber,jesaisquetueslà.Tuneveuxpassortir,qu’ondiscute?–Pourquoijevoudraisfaireça?Toiettonmec,vousnem’avezpasencoreassezfilméepourme

détruirecomplètement?Nolanmecontournapours’approcherdelacabineferméeetposaunemainsurlaportepourvoir

sielleétaitverrouillée.Ellenebougeapas.–Regann’a rienàvoir aveccettevidéo.Si tuveux t’enprendreàquelqu’un,prends-t’enàmoi,

maisaumoinssorspourqu’onpuisseparler.–Jet’em-emmerde,bafouilla-t-elle.Onn’arienàsedire.Detoutefaçon,vousaurezbientôtceque

vousvouliez.Unfrissonmeparcourutl’échine.–S’ilteplaît,Amber.Sors.Tumefaisflipper.Unchocsourdmerépondit.Unesecondeplustard,

lapoignéeenmétaldelaportesemitàcliqueter.Nolanfitunbondenarrière,ettoutelaportesemitàtrembler.–Qu’est-cequi…Jem’avançai,etNolans’accroupitpourregarderàl’intérieur.–Merde.Pasencore!

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Ilseredressaetmeregarda,lesyeuxgrandsouverts.–Elleadesconvulsions.–Ellequoi?Je ne comprenais pas. La porte continuait de trembler.Ma première pensée fut qu’il y avait un

tremblementdeterre–maisçan’avaitaucunsens,puisqueriend’autrenebougeait.Nolanmefitsignedereculer.–Bouge!Jetrébuchaienarrière.Ilpassalesbrasdanslacabineetattrapaleschevillesd’Amber.Illafitglissersouslaporte,faisant

remonter sa jupe autourde sa taille, exposant sa culotte endentelle noire.Elle ne semblapas s’enrendre compte. Ses yeux étaient fermés, ses lèvres retroussées. Tout son corps était rigide ettremblant,commeunecordedeguitare.Nolanlâchasesjambesetseglissaàcôtédesatête.Illagifladoucement.–Amber?Tum’entends?Tuasavaléquelquechose?Ilfautquejesachecequetuaspris.OhmonDieu.OhmonDieu.OhmonDieu.Lesmotstournaientenboucledansmatête.Jevoulais

allerverselle,maislapeurmeclouaitsurplace.Jeparvenaispresqueàmeconvaincrequetantjenelatouchaispas,toutcelan’arrivaitpasvraimentetn’étaitqu’uncauchemar.Nolansetournaversmoi.–Elleneréagitpas.Appellelessecours!Ilauraitaussibienpuparlerlatin.Lorsquelesfragmentsdesaphrasesemirentenfinenplacedans

matête,jefouillaimespochesavantdemesouvenirquej’avaislaissémonportabledansmonsac.–J’aipasmontéléphone!Il fourra ses mains dans ses poches et en sortit son iPhone. Il composa le numéro, les mains

légèrementtremblantes,etlevaletéléphoneàsonoreille.–JesuisdanslestoilettesdudeuxièmeétagedulycéeSainte-Mary.Jesuisavecuneélèvequiadû

faireuneoverdosedequelquechose.Elleadesconvulsions.Ils’interrompitpourécouterlaréponse.–Aucuneidée.Regan,vavoirsitupeuxtrouverunflacondepilules,qu’onpuissesavoircequ’elle

apris.Jehochaimollementlatêteetm’approchaiducorpstremblantd’Amber.–Non,ellen’apaschangédecouleur,fitNolanautéléphone.Ellerespireencore,maisseslèvres

sontunpeubleues.Iltouchalecoud’Amberetfronçalessourcils.–Soncœurbatvraimenttrèsvite.Vousferiezbiendevousdépêcher.Je remis en place la jupe d’Amber et glissai les doigts dans ses poches. Elles étaient vides. Son

corpssetordaitsousmesmains.Jereculai.Elleémitunbruitétouffé,etjefermailesyeux.Mêmesij’allaisdansunlycéecatholiqueetquej’avaisunemèreultra-conservatrice,jen’avaisjamaisététrèsbranchéereligion.Pourtant,jeprisletempsdemurmurerunerapideprièrepourAmber.Pourqu’elles’ensorte.–Tuastrouvéquelquechose?demandaNolan.J’ouvrislesyeuxetsecouailatête.Ilsoupira.–Rien,répéta-t-ilautéléphone.Trèsbien.Dites-leurdemonteraudeuxièmeétage.Danslestoilettes

desfilles.Lescheveuxtrempésdesueurd’Amberluicollaientaufront.Nolanlesrepoussaenarrière.

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–Continueàchercher,medit-il.Jehochailatêteetmemisàgenouxpourregardersouslaportedestoilettes.Àpartlamoisissure

noirequitachaitlejointàlabasedestoilettes,jenevoyaisrien.– Elle n’a peut-être rien pris, dis-je avec espoir. Elle est peut-être épileptique ou quelque chose

commeça?– Je ne crois pas. Amber ? appela-t-il en se penchant sur elle. Tu m’entends ? On a appelé les

secours. Tu vas t’en sortir, mais on a vraiment besoin de savoir ce que tu as avalé, et en quellequantité.Elleémitunpetitgargouillis étrangléetposa sonbras tremblant sur sapoitrine, lamain sous le

menton.C’estalorsquejelevis.Lebouchonblancd’unflacondepilules,quidépassaitdesonpoingfermé.Jerampaiàcôtéd’elleetattrapaisamain,maisellerestaferméesoussonmenton.Aveclesspasmes

quilasecouaienttoujours,j’étaisincapabledefairebougersonbras.Unàun,jedétachaisesdoigtsdupetitflaconjusqu’àpouvoirleluiarracher.Ilétaitvide.J’espérais

seulementqu’iln’étaitpaspleinàlabase.Jelusl’étiquette.–Bupropion,dis-jeàNolan.C’estcequ’elleapris.Ilrépétal’informationautéléphone.Unfrissonmeparcourut.Jem’appuyaicontrelaportedestoilettes,vidéedetouteénergie.–Pourquoi,Amber?murmurai-jeenfermantmonpoingsurleflacon.Unsouvenirrefitsurface,commepourm’apporteruneréponse:jemerevis,dansmonlit,unpeu

plusd’unesemaineauparavant,entrainderegardermonpropreflacondepilulesetdepenseràquelpointceseraitfaciled’arrêterladouleur.Detoutarrêter.J’attrapailamaind’Amberetlaserrai.Unsanglotmeremontadanslagorge.–S’ilteplaît,Amber,nemeurspas.S’ilteplaît.Situt’ensors,toutseradifférent.Tuverras.Tout

vas’arranger.Lorsqueje levai lesyeux,deshommesenuniformebleunousentouraient.Ilsm’arrachèrentmon

ancienne amie et la déposèrent surune civière.Dès l’instant où elle fut évacuée, le temps semit àavancer à de drôles d’intervalles, comme si quelqu’un n’arrêtait pas de jouer avec les boutons«play»et«accéléré»delatélécommandedemavie.Laprincipaleapparutdevantmoi.Elleparlait,maisjenecomprenaispasunmotdecequ’elledisait.

Jefermailesyeux,etquandjelesrouvris,mamèreétaitlà,elleaussienpleinediscussion.Toutlemondeparlait:Nolan,unpolicier,plusieursprofesseurset,plustard,unmédecin,mêmesijenemesouvenaispasd’êtrealléeàl’hôpital.De temps en temps, j’entendais quelquesmots aumilieu desmurmures quim’entouraient.Choc.

Traumatisme.Repos.Cesmots furentprononcésàplusieurs reprises, jusqu’àflotterdansma têteetm’emporterdansunemerd’inconscience.Dansmesrêves,jevisuncorpsdéposésurunecivière.Unemainpendaitsurlecôté,etunflaconde

pilules glissa des doigts pour rebondir au sol. Des douzaines de cachets roses et ovales serépandirent. Le bruit qu’ils firent en frappant le carrelage résonna comme autant de coups detonnerre.–C’estterminé,ditquelqu’un.Undrapblancfutposésursoncorps.Avantquesonvisagesoitrecouvert,jemevisapprocherla

civièrepourlavoirunedernièrefois.Mêmesisesyeuxétaientprivésdevie,jevoyaisbienqu’ilnes’agissaitpasdesirismarronfoncéd’Amber.Ceux-làétaientbleupâle,commelesmiens.Unhurlementsebloquadansmagorge.

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Çaauraitpuêtremoi.

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CHAPITRE21

Jemeredressaidansunsursaut,etmonrêvepartitenlambeaux.Jemefrottailesyeuxjusqu’àêtre

certainequej’étaisbienréveilléeetquejen’allaispassuccomberàunautrecauchemar.Lorsqu’enfinj’ouvrislesyeux,jemeretrouvaidansunlitd’hôpital,avecunecouverturerigideposéesurmoi.Jel’arrachaipourdécouvrirquejeportaistoujoursmonuniformedulycée.Lalumièredusoleilfiltraitàtraverslesstorespoussiéreuxd’unefenêtreàmadroite,projetantdeslignessurlesolcommedesbarreauxdeprison.–Toutvabien,machérie,ditpapa.Jeme retournai. Il était assis surunechaiseà côtédemon lit. Il portait sablousedechirurgien-

dentisteettenaitunetassedecaféenéquilibresursesgenoux.Illaposasurlatabledechevetetseleva.–Resteassise.Tuétaisenétatdechoc,etlemédecint’adonnéquelquechosepourtedétendre.Tu

dorsdepuisplusieursheures.Choc.Hôpital.Moncœursemitàbattrelachamade.Allaient-ilsm’interner?M’obligeràporterunpeignoiretme

bouclerdansunserviceoùonconfisquaitleslacetsdeschaussuresetlesstylos?–Je…jeneveuxpasrester.Jeveuxrentreràlamaison.Papalevalesmainsensigned’apaisement.–Tun’aspasàresterici.Onvaterameneràlamaisondèsqueledocteurauravuquetuesréveillée

etnousauradonnésonfeuvert.Jehochailatêteetpassaimesdoigtsdansmescheveuxemmêlés,m’efforçantdecomprendrecequi

s’étaitpassé.Ilyavaiteuunevidéo…j’étaispartiechercherAmber…Nolanm’avaitsuivieet…ohmonDieu!Jerelevailatête.–Amber!Papahochalatête.–Pourlemoment,toutvabien.Ilesttroptôtpourdiresiellesouffrededommagesinternes,mais

elleestenvie.Etceneseraitpaslecassitunel’avaispastrouvée,machérie.Tul’assauvée.Jen’enétaispassisûre.Aurait-ellepriscespilulessijen’avaispasenregistrésaconversationavec

Christy?Et Jordan ?Aurait-elle avalé l’eau de Javel si j’avais empêchéAmber de semoquer d’elle ?Deslarmesmemontèrent aux yeux. J’avais voulu changer,mais tout ce que j’avais réussi à faire étaitencorepire.–Ehbienalors?fitpapaentirantdesmouchoirsenpapierpourmeslesdonner.Toutvas’arranger.

Tuvasvoir.

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Jegrimaçai,puismetapotailesyeuxaveclemouchoir.–Tunecomprendspas.Riennevas’arranger.Avantquejepuissepoursuivre,mamèreentraentrombedanslachambre.Sontailleurétaitfroissé,

etplusieursmèchesdecheveuxs’échappaientdesonchignon.–Oh,Regan!Jemeraidisetenfouismatêtedansl’oreiller.Connaissantmamère,elleavaitprobablementdéjà

entendutoutel’histoire.Depuismesmessagesprivéscolléssurlescasiersjusqu’àlavidéodiffuséeàl’école.Jeretinsmonsouffleetmepréparaiàdesremontrances–àcequ’ellemediseàquelpointelleétaitdéçue,etquecetteaffaireallait ruiner toutesseschancesd’être réélue lorsque lesmédiasl’apprendraient.Mamanlaissatombersonsacàmainparterre.Elles’approchademoi,leslèvresexsanguesàforce

d’êtreserrées.Ellemepritparlesépaules.Jedéglutisavecpeine.Onyétait.–Regan,je…Ellerefermalabouche,commesiellevenaitdechangerd’avis,etmeserracontreelle.Laviolencedesonembrassadem’effrayait.J’essayaidemedégager,maisellenefitquemeserrer

davantage.–Monbébé,murmura-t-ellecontrelesommetdemoncrânetoutenmecaressantlescheveux.Sachaleurm’enveloppait,toutcommel’odeurdesonChanelN°5–leparfumqu’elleportaitdepuis

quej’étaispetite.Jenemesouvenaismêmepasdeladernièrefoisqu’ellem’avaittenuecommeça.Ses bras serrés tout contre moi m’emplissaient de souvenirs de ma vie d’avant. Avant que toutdeviennesicompliqué.Les larmesque j’avaisessayésidésespérémentderetenirse libérèrentenfinet roulèrentsurmes

joues.–Maman,balbutiai-je,unebouledanslagorge.Jesuisdésolée.–Shhhh,murmura-t-elle contremoi.C’estmoi qui suis désolée,Regan.Le lycéem’amontré la

vidéo.Jen’avaispasidéedecequetuvivais.Jemetsbeaucouptropdepressionsurtesépaules.J’aidû faire tant d’efforts pour en arriver où j’en suis aujourd’hui… J’ai seulement pensé que si turéussissaismaintenant, la vie serait beaucoup plus facile pour toi qu’elle l’a été pourmoi. Jemetrompais.Ellepritunelongueinspirationtremblanteetconclut:–Pourras-tuunjourmepardonner?Luipardonner?Lesmédicamentsdevaientmefairehalluciner!–Maisc’estmoiquiaitoutgâché!protestai-je.Etàcausedeça,toutlemondeaulycéemedéteste.

EtAmber…Jeravalaiunsanglot.–Shhh,répéta-t-elle.Onnevapass’enfairepourtoutçamaintenant.Prenonsleschosesaujourle

jour.L’important,c’estqu’Ambersoitenvieetquetuaillesbien.Maisjen’allaispasbien.Enquelquessemaines,mavieentières’étaitdérobéesousmespieds,etje

portaislesmarquesdemachute.Leschosesquej’avaisfaitesetleschosesquej’avaisvuesallaientmehanterpourtoujours.Jelesavais,parcequechaquefoisquejefermaislesyeux,jerevoyaislespiedssansviedeJordandansl’écrandetélévision,etlecorpsd’Ambersecouédeconvulsionssurlesoldestoilettes.Jesavaisquemamanvoulaitseulementmeremonterlemoral–m’offrirunelueurd’espoirlàoùil

n’yenavait aucune.Ellen’aurait pasdû sedonner cettepeine.Àdix-sept ans, j’étais assezgrande

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pourvoirlavéritéenface.Certaineschosesn’allaientjamaiss’arranger.Quelqu’unfrappaàlaportedemachambre.Jerefermaimonlivre.–Regan?Mamanentrebâillalaporteetsourit.–Commentçava?demanda-t-elle.Elle avait l’air bizarre, en jean et sweatHarvard.Ses tennis, qu’elle possédait depuis des années,

étaientd’uneblancheurimmaculée.Ellen’avaitpasdûlesportersouvent.Ellen’avaitpasprisunseuljourdevacancesdepuisqu’elleavaitremportésapremièreélection,unedizained’annéesauparavant.Lorsqu’ellem’avaitdit à l’hôpitalqu’elleavaitprisdeuxsemainesdecongépourpasserdu tempsavecmoi, j’avaiscruqu’elleétaitdevenuefolle.Maisétrangement,ellesemblaitplusdétenduequejamais.Jeposaimonlivreetmeredressaicontremesoreillers.–Çava.Çan’apaschangédepuisladernièrefoisquetuesvenuevoir,ilyaunedemi-heure.Celadit,ses

visitesnemedérangeaientpas.Ellesmedistrayaient des sombres souvenirsqui fondaient surmoilorsqueleslivres,Internetetlatélévisionnesuffisaientpasàlesteniréloignés.Ellesourit,decegrandsourirehyper-enthousiastequ’elleréservaitd’ordinaireauxcollecteursde

fondsdesescampagnesélectorales.–Super.Alorstuesd’humeuràrecevoirdelavisite?Jemeredressaid’unbond.–C’estpas…–Non.Jeme détendis.Cette semaine,Nolan était venu deux fois à lamaison.À chaque fois, jem’étais

cachéedansmachambreetavaissuppliémesparentsdelechasser.Ladeuxièmefois,Nolanavaitattenduplusd’uneheureavantdefinirparabandonneretrentrerchezlui.Jelesavais,parcequej’avaispassémontempsàregarderparlafenêtrepourvoirsisavoitureétait toujoursgaréedans l’allée. Jen’avaisaucune idéedecequ’il avaitpu raconteràmesparentspendant tout ce temps,mais jem’en fichais.Aprèsqu’ilm’avaitmenti comme il l’avait fait, aprèsqu’ils’étaitservidemoi,jenevoulaisplusjamaislerevoir.–C’estqui?demandai-je.–C’estmoi,réponditPaytonenouvrantlaporteengrand.Elleportaitunsacàdospleinàcraquer,qu’ellelaissatomberparterreavecungrandbruitsourd.–Etj’aiapportétoustesdevoirsdelasemaine.Génial,non?fit-elleavecungrandsourire.Mamanattrapalesacàdospourlehissersurmonbureau.–Merci,Payton.Regannepeutpassepermettredevoirchutersesnotes…Elles’interrompitetravalalafindesaphraseensecouantlatête.–Voussavezquoi?reprit-elle.Etsionattendaitdemainpours’occuperdesdevoirs?Onpourrait

allervoirunfilmcesoir.Et…peut-êtrequePaytonaenviedesejoindreànous?Onpourraitsefaireunesoiréeentrefilles.Qu’est-cequetuendis,Payton?–Euh…hésita-t-elleenmejetantunregardencoulisse.Oui?–Excellent,ditmamanenallantverslaporte.Jevaisvoircequ’ilyaàl’affiche.Jereviens.Dèsqu’elleeutquittélapièce,Paytonsetournaversmoi.–C’étaitqui,celle-là?Etqu’est-cequ’elleafaitdetamère?

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Jehaussailesépaules.–Cherchepas.Extraterrestres,possessiondémoniaque,peuimporte.C’estunesacréeamélioration.–J’imagine,fitPaytonensautantsurmonlit.Alors,quandest-cequeturetournesaulycée?Jesuis

obligéedemangeravecmonfrèrelemidi,tuimagines?Jesuisdégoûtée…ÀlamentiondeNolan,magorgeseserra.Jesecouailatête.–Tuaseudesnouvellesd’Amber?Paytonsoupira.–Elleestenvie,c’esttoutcequejesais.J’aiessayédeluirendrevisiteàl’hôpital,maiselleaété

transféréedans le servicepsychiatriquedès que son état s’est stabilisé. Je suis allée la voir là-bas,maisellerefusetouteslesvisitesàpartcellesdesafamille.Ducoup,commejet’aidit,aulycée,jesuistouteseule.Tumemanquesvraiment.Jemelaissairetombersurmonoreiller.–Tuesbienlaseuleàquijemanque.–C’estpasvrai.Elleroulasurleventreetm’adressaunregardlourddesens.Jelafusillaiduregard.– Jen’aipas enviedeparlerde lui.Et puis jene suispasvraiment sûredevouloir retourner au

lycée…Rienqu’àl’idéederevoirtoutlemonde…Jefrissonnai.–Jesaispasquandjeseraiprête.Jesaismêmepassijeleseraiunjour.–Alorstuvasarrêterl’école?–Pas vraiment.Avecmaman, on a parlé d’embaucher un enseignant à domicile pour le reste de

l’année.–Çaseraitvraimentdommage,déclaraPaytonenarrachantunepeluchedemacouverture.–Pourquoi?Ellelevalesyeuxversmoi.–Leschosesontchangé.Depuistoutel’histoireavecAmberetlavidéo.Onaeuuneréunionavec

desintervenantsquiontparlédetoléranceettoutça.Cettepartie-làétaitnaze,ajouta-t-elleenlevantlesyeuxauciel.Ilsavaientaumoinsquaranteans.Qu’est-cequ’ilssaventdecommentçasepasseaulycéedenosjours?Enfinbref,quandilsontterminé,Nolans’estlevépourparlerdevotreprojet.Iladit que la vidéo de toi était censée être la première phase, et quemaintenant il voudrait que toutel’écoleparticipeà laphasedeux.Jenesaispascequis’estpassé,c’étaitcommes’ilétaitconnectéavectoutelasalle.Toutlemondeétaitsuperexcité.Jemeredressaidansmonlit.–MaispourquoiilslaissentNolanfaireçaaprèslecoupdelavidéo?–Écoute,jecherchepasàledéfendre,etjeluienveuxtoujoursd’êtreentrédansmachambrepour

piquer nosmessages surmon ordi,maisBlake a avoué à la principale queNolan a abandonné leprojetaumomentoùtuascommencéàtefaireemmerder.ÇaaénervéBlake,alorselleacontinuéleprojetdanssondos.Elleestmêmeallée jusqu’àvoler lavidéoque tuas filméeavec lacaméradeNolan.Lapartie surBlakeneme surprenait pas.Pasbesoind’êtreEinsteinpour comprendrequ’elle ne

pouvaitpasmesaquer.Etmaintenantquejesavaispourquoi,jepouvaisdifficilementluienvouloir.Moiaussi,j’avaissouventmentiettrahipourobtenircequejevoulais.CequimeblessaitleplusavecNolan,c’étaitqu’àcausedesesmensonges,jenesavaispluss’ils’intéressaitvraimentàmoi.Peut-êtrequetoutçan’avaitétéqu’unecomédievisantàobtenir les informationsqu’ilvoulait.Jerepris

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monlivreetfissemblantdelirelerésuméàl’arrière.–Est-cequ’onpeutparlerd’autrechose?–Lebal,c’estdemain.Jen’aipasdemecpourm’accompagner,alorssitoinonplus,jemedisais

qu’onpourraityallerensemble,dit-elled’unairemplid’espoir.Jereposaimonlivreetgrimaçai.–Tutefousdemagueule?–Allez…çaseramarrant.Onvasefairebelles,danseravecdesbeauxgosses…S’ilteplaît,Regan.–Jesuisdésolée.Jerepliaimesjambescontremapoitrineetlesentouraidemesbras.–Jenesuispasvraimentd’humeuràfairelafêteencemoment,ajoutai-je.Etdetoutefaçon,jene

vaispasavoirledroitdevenirpuisquejenevaisplusaulycée.–C’estpasvrai,répliquaPaytonensedécalantversmoi.J’aidemandéàlaprincipale,etelleadit

qu’elleseraitraviequetuviennes.Situveux,onn’auraqu’àresterletempsd’uneoudeuxchansons,etsit’espasbien,onpartira.Promis.–Non.JepensaiàAmber,quipasseraitlasoiréedubalenferméedansunservicepsychiatrique.–Jenecroisvraimentpasquecesoitunebonneidée.Elleselaissatombersurlematelas.–Tupeuxpaspasserlerestedetavieplanquéedanstachambre!–Jesuispasplanquée.–Ahnon?rétorqua-t-elleenhaussantunsourcil.Alorsprouve-le.Viensaubalavecmoi.–Pourquoijeferaisça?Toutlemondemedéteste.–C’estpasvrai, répéta-t-elleen rampantàcôtédemoi. Jecroisquepasmaldegens te trouvent

même carrément géniale.Après tout, y’en a pas beaucoup qui auraient eu la force de filmer leursexcusespourlesmontreràtoutlelycée.Pourça,ilfautvraimentdescouilles.–Euh,attends.Commenttusaispourmavidéo?Ellen’apasétédiffuséeenentier!–Euh…C’estpastoutàfaitvrai.–Quoi?Ellesetorditlesmains.– Je t’ai parlé de la réunion ? Eh bien, Nolan a passé votre vidéo – celle que vous avez faite

ensemble–avantdeparlerdevotreprojet.–C’estpasnotreprojet !m’écriai-jeen levant lesbrasen l’air.Jen’aipas lamoindre idéedece

dontils’agit!Etquiluiadonnél’autorisationdemontrercettevidéoàtoutlelycée?Paytonhaussalesépaules.–Jepensaisquetuauraisétéd’accord.Jeserrailesdoigtssurleborddemacouverture.–Non,jesuisabsolumentpasd’accord!Aprèsledésastredel’autrevidéo,j’enaimarred’essayer

detoutarranger.Chaquefoisquelesprojecteurssetournentversmoi,ilsepassequelquechosedecatastrophique.Jeveuxjustequ’onmelaissedisparaîtretranquille.MamèreentradanslapièceavantquePaytonpuisseprotester.ElleavaitlesyeuxrivéssursoniPad.–Ilyacettenouvellecomédieromantiquequipasseàdix-neufheures.Ouunfilmd’actionavec

BruceWillisàdix-neufheurestrente.Ettusaisl’effetquemefaitBruce,ajouta-t-elleavecunsourirecomplice.Commejenerépondaispas,elleabaissal’iPadpourmeregarder.–OK,qu’est-cequisepasse?

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Paytoncroisalesbras.–J’essayaisdepersuaderRegand’alleraubalavecmoidemain.–Çam’al’aird’uneexcellenteidée,fitmaman.Tunesorsjamaisdelamaisonàpartpouraller…Elle s’interrompit,mais je n’avais pas besoin qu’elle termine sa phrase.La seule fois où j’avais

quittélamaisondepuisquej’avaisatterriàl’hôpital,c’étaitpourallervoirmonpsy.–Alorsoùestleproblème?reprit-elle.–Leproblème,c’estquej’aipasenvied’yaller.Jesuispasencoreprêteàrevoirlesgensdulycée.MamanetPaytonéchangèrentdesregardsdéfaits.–Trèsbien,machérie,ditmaman.Personnenevateforceràfairequoiquecesoit.Maisavantde

refuserdéfinitivement,tudevraispeut-êtreprendrelanuitpouryréfléchir.Onpourraitallert’acheterunerobedemainmatin,etfaireunemanucure.Ceseraitsympa,non?Jedevaisbienl’admettre,çaavaitl’airsympa.Laseulefoisoùj’avaispasséunmomententrefilles

avec ma mère dans l’année, c’était quand on était allées aux portes ouvertes de l’université deColumbia.Maisjen’iraispasaubal.–Non.Ellesoupira.–Essaied’yréfléchir.Enattendant,jevaisréserverlesbillets.Payton,situappelaistamèrepour

t’assurerquec’estbonpourcesoir?–Biensûr.J’ailaissémonportabledansmavoiture.

Jepeuxmeservirdevotretéléphone?–C’estparici,réponditmamanenluimontrantlechemin.Une fois seule, je poussai un long soupir.Même simaman et Payton pensaient qu’une nouvelle

humiliation publique serait une idée sympa, pas question que j’aille à ce bal ! Et puis, avec lamontagnededevoirsquej’avaisaccumulésenmonabsence,jen’allaisavoirletempsderienfairesijevoulaisrattrapermonretard.Jedescendisdulitettraversailapiècepourfouillermonsacàdos.Çanemeferaitpasdemalde

passer en revue la pile de devoirs pour me faire une meilleure idée de la somme de travail quim’attendait. J’ouvrismon sac et vidai son contenu sur le bureau.Cinq livres de cours et plusieursfeuillesdepapierentombèrent.J’étaisentraindetrierleslivresetlesfeuillesdecoursparmatièrelorsque je remarquai le coin d’une enveloppe violette qui dépassait de mon livre de littératurecontemporaine.Desdoigts invisiblesme serrèrent le cœur. Je savais sansmême la regarderque la lettre étaitde

Nolan.Je la tiraid’entre lespages.LemotRegan était inscritdessusd’uneécriturebrouillonne. Jegardailesyeuxfixéssurl’enveloppependantplusd’uneminute,enessayantdepenseràtoutcequeNolanauraitpuécrirepourmedonnerenviedelerevoir.Rien.Je jetai l’enveloppe fermée dans la corbeille à papier sousmon bureau.À quoi bon la lire ?La

lettre,toutcommelebaldulycée,n’étaitqu’uneautreoccasiondem’infligerdesdouleursinutiles,etj’avaisdéjàassezsouffertpourtouteunevie.

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CHAPITRE22

À travers toute la ville, des filles étaient en train de s’appliquer une dernière couche de rouge à

lèvres,desetortillerpourentrerdansdesrobesàpaillettesetdechausserleursescarpins.Maispasmoi. J’avais enfilé un fuseau, un t-shirt extra-doux, et j’étais dans la cuisine en train de passer lesélastiquesdemes jambièressous les talonsdemesbottines. J’avais rencardavecunbeaugossedeconfessionéquine.Mamanapparutsurlepasdelaporte.Elleplissalesyeux.–Pourquoitueshabilléecommeça?–Parcequeçafaitplusd’unesemainequejen’aipasvuRookie.Etqu’aprèstoutcepop-cornetces

bonbonsqu’ons’estenfilésaucinéhiersoir,jemesuisditqu’unpeudesportn’allaitpasmefairedemal.Mamanhochalatête.–C’estvraiqu’onaengloutinotrerationdel’annéeenglucides.Maisonatoujourslargementle

tempsd’alleràlagymavantlesélectionsdenovembre.Jegrimaçai.J’appréciaisleseffortsqu’ellefaisaitavecmoi,maisilétaitétrangementrassurantde

savoirquemonanciennemèren’avaitpascomplètementdisparu.Papaentradanslacuisine,encostume.–Voilàlesdeuxplusbellesfemmesdumonde,dit-ilentendantàmamèreunecravateensoiebleue.

Meferas-tul’honneur…?Je regardai ses doigts agiles plier et replier la bande de soie en un impeccable nœud. Je

m’émerveillais toujours de la voir réussir à chaque fois du premier coup, sans même avoir àdesserrer le nœud pour rajuster la longueur. Lorsqu’elle eut terminé, il l’embrassa sur la joue etglissalacravatesoussaveste.Je n’avais jamais noué de cravate pour personne, et je me demandai si je pourrais refaire de

mémoirelesmouvementsdemaman.Enrouler.Tourner.Tirer.Maisdansma tête, lorsque je reculaipouradmirermontravail,cefutpourvoirlevisagedeNolanquimesouriait.Beurk.J’ouvrislesyeuxetsecouailatête,espérantchassercetteimage.–Vousallezoù?demandai-je.–Encoreundecesdînerspolitiquesmortels,soupiramonpère.Mamanluienvoyauncoupdecoudedanslescôtes.–Excuse-moi, fitpapaensefrottant lescôtes.Jevoulaisdire,encoreundecescharmantsdîners

politiquesbourrésderebondissements.–C’estmieux,ditmamanenjetantuncoupd’œilàl’horlogedumicro-ondes.Etonferaitbiend’y

aller si on ne veut pas être en retard. Tu sais, Regan, ajouta-t-elle, tu as toujours le temps de tepréparerpourlebalsijamaistuchangesd’avis.Jecombattisl’enviedeleverlesyeuxauciel.Mamanavaitfaitdetelseffortspouraméliorernotre

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relationcettedernièresemaine,jenevoulaispasretomberdansdemauvaiseshabitudes.– Je ne vais pas changer d’avis. J’ai appelé Payton cematin et je lui ai dit exactement lamême

chose,déclarai-jeenm’emparantdemabombe.Iln’yaqu’unmecavecquijevaisdansercesoir,etilpèsecinqcentskilos.–Çac’estmafille!fitpapaavecunclind’œil.Situcontinuesàprivilégierleschevauxauxgarçons

jusqu’à,disons,testrente-cinqans,jeseraiunhommecomblé.–Papa,souris-jeenlevantlesyeuxauciel.Mamanlefrappaavecsonsacàmain.–Viens,Steven.Onvaêtreenretard.Avantdepartir,ilmeserracontrelui.Sonparfummetitillalesnarines–unesenteurtièdeetépicée.–Jesuisvraimentfierdetoi.Il me relâcha et prit maman par la main. Ensemble, ils quittèrent la cuisine et partirent vers le

garage.Jerestaiquelquesinstantsdevantlaportefermée,àmedemandercequ’ilavaitvouludire.Fierde

moi?Pourquoi?Cesdernièressemaines–etmêmecesdernièresannées–jen’avaisfaitquemerder.Jecalaimoncasquesousmonbrasetprismesclés.Peut-êtreavait-ilseulementfaitsonpapa–il

avaitditceque,selonlui,j’avaisbesoind’entendre.Malheureusement,çan’avaitpasmarché.Riennesemblaitmarcher.C’étaitexactementpourçaquej’avaisbesoind’uneséancedethérapieéquestre.Jepartisverslaportedugarage,maislasonnettedel’entréeretentit.–Sérieux…murmurai-je.Jereposaimabombeetmesclésetallaiàlaported’entrée.–Payton,criai-je,j’espèrequecen’estpastoiquiviensessayerdemeconvaincred’alleraubal.Je

t’aidéjàditquejenevoulaispas.Jem’arrêtaidevantlaporte.Uneombresedéplaçadel’autrecôtédupanneaudeverredépoli.–Ettuasintérêtànepasêtreunpsychopathe,ajoutai-je.MesparentssontRépublicains.Onades

armes.Destas!J’entrebâillailaporte.Derrière,Nolanlevalamainpourmesaluer.Ilportaitunjeanetunevestede

costumeavecunechemisenoire.Sescheveuxétaientpeignésenarrièreetdisciplinésavecunenoixdegel.Iltenaitàlamainunepetiteboîte.–Non.Je voulus lui claquer la porte au nez. Apparemment, j’avais raison pour le psychopathe.

Malheureusement,Nolaneutletempsdecoincersonpieddansl’encadrement.Ilgrimaçalorsquelaporterebonditviolemmentsursonpiedpours’ouvrirengrand.–Tuviensaubalhabilléecommeça?demanda-t-il.J’aimebien.Çaalemérited’êtreoriginal.Ildevaitvraimentêtredingues’ils’étaitpointéenpensantquej’allaisdanseraveclui.Jecroisailes

bras.–Non.Jesaispascequetuesvenufaireici,maisc’estnon.Ilinclinalatête.–Tusaistrèsbiencequejesuisvenufaireici.C’estlesoirdubal,ettuasacceptéd’yalleravec

moi.–Danstesrêves,crachai-je.–Euh,si.Tuasaccepté.Tiens,c’estpourtoi,ajouta-t-ilenmetendantlaboîte.Jelarepoussai.–Jeveuxpasdetoncadeau.Etj’aijamaisrienaccepté.–Biensûrquesi,répliqua-t-ilavecungrandsourire.C’étaitdanslalettrequejet’aienvoyéehier

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soir–cellequetun’aspasmanquédelire,biensûr.Dedans,j’aiclairementécritquesitunevoulaispas aller au bal avec moi, tu pouvais soit m’appeler, soit m’envoyer un SMS pour me prévenir.Commetunem’aspascontacté,j’aisuquetuavaisacceptémoninvitation.Lacolèrebouillaitdansmesveines.Jemeretenaisdemecognerlatêtecontrelaporte.J’auraisdû

medouterqueNolanchercheraitàmepiéger.Latromperiefaisaitpartiedesesstratagèmesfavoris.Siseulementj’avaislulecontenudecettefoutueenveloppeviolette…–C’estpas…– Je suppose que tu es prête à partir,me coupa-t-il. Tu es très belle.On y va ? ajouta-t-il en se

dirigeantverslaporte.Àmagrandecontrariété,jemesentisrougir.Remets-toi,Regan.Qu’est-cequetut’enfousdeceque

penseNolanLetner?–Jevaisseulementteledireunefoisdeplusparcequ’apparemment,tuesàmoitiébouché:jevais

nullepartavectoi.Findel’histoire.–Etsijetedisaisquej’ailouéunelimousine?Jeregardaiderrière luiet,eneffet,une limousinenoirenousattendaitdans l’allée.Jehaussai les

épaules.–Jeterépondraisquetuvasavoirbeaucoupdeplacepourt’étalertoutseulàl’arrière.–Jenesuispastoutseul.Paytonestavecmoi.Commesi elle l’avait entendu,Paytonémergeadu toit ouvrant, vêtued’une robe-bustierviolette.

Sescheveuxétaientremontéssurlesommetdesoncrâneenunemassedebouclettesetdebarrettesenstrass.Ellemefitsigne.–Tuesprête?Lesangbattaitdansmes tempes.Nolanétaitarrivédepuisàpeinecinqminutes,et j’avaisdéjà la

migraine.Jemeretournaiversluietpoussaiunbruyantsoupir.–IlpourraityavoirlesfrèresHemsworthdanscettebagnole,jenevoudraistoujourspasyentrer.

Jenevienspas.Maintenant,j’aimeraisquetupartes.Ilm’attrapalamainavantquejepuissearriveràlaporte.Jereculai,commes’ilm’avaitbrûlé.Ses

épaulessevoûtèrentetsonsouriredisparut.–Regan,je…Ils’interrompit,avalasasaliveetreprit:–Non.Ilnes’agitpasdemoi.Laisse-moiréessayer.Jecroisailesbrasetattendis.–Tuesunefilleformidable,déclara-t-il.Cequejet’aifaitestimpardonnable.–Eneffet,dis-jeenessayantderefermerlaporte.Adios.Ilarrêtalaportedelamain.–S’ilteplaît.Laisse-moiterminer.Jesoupiraietmepinçail’arêtedunez.–J’aicommencéàtournerLavieentouteinconscienceavecBlakeparcequejevoulaisfairejustice

pourJordan.Mais,jenesaispascomment,lajustices’estchangéeenvengeance.Quandjem’ensuisrenducompteetquej’aidécidéd’annulertoutleprojet,lesdégâtsétaientfaits.Sij’avaispu,j’auraiseffacétoutelapeinequejet’aicausée,mêmesiçaavaitvouludirequ’ilneseseraitjamaisrienpasséentrenous.Illevalamaincommepourtouchermonvisage,maissesdoigtsrestèrentsuspendussiprèsdema

jouequejesentislachaleurquiirradiaitdesapeau.

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Unebouleseformadansmagorge.J’avaisenviederefermerladistancequinousséparait,etjemedétestaispourça.Jedétestaiscettefaiblessequi,malgrésatrahison,faisaitquej’avaistoujoursbesoinqu’ilmetouche.Parchance,Nolanrabaissalamain.Aussitôt,mesmusclescrispéssedétendirent.–Etcen’estpasrien,poursuivit-ilenserrantlespoings.AprèsJordan…tusais…j’aicruneplus

jamaisêtreheureux.Etpuistuesarrivée.Jesaisquej’auraisdûtoutt’avouerdepuisledébutmais,Regan, j’avais une trouille bleue de te perdre. Et maintenant que je t’ai perdue, c’est exactementl’enferquej’avaiscruqueceserait.Mapoitrineseserra.J’avaisdumalàrespirer.J’avaisenviedelecroire,detomberdanssesbras

commelejouroùAmberavaitditdumaldemoidanslestoilettes.Seulement,maintenant,c’étaitluiquim’avaitblesséeetjen’avaisnullepartoùm’enfuir.–Nolan,s’il teplaît,va-t’en,dis-jeàvoixbassepournepassangloter.Etemportetesmensonges

avectoi.Ilhochalatête,commes’ils’étaitattenduàcegenrederéplique.–D’accord.Maisjevoudraisquandmêmequetusachesquenotreprojetvaêtreinaugurécesoirau

bal.–Tonprojet,rétorquai-je.–C’étaittonidée.Jen’aifaitquelamettreenpratique.Jelevailesyeuxauciel.–Ons’enfout.–Non, on s’en fout pas, répliqua-t-il vivement.Ce projet est génial. Il a changé tout le lycée.Et

quand les autres écoles en entendront parler, ça pourrait aussi les faire évoluer. Ta mère s’estarrangéepourquelesjournalistessoientlàcesoirpourl’inauguration.Jemesuisditquetudevraisvenirpourrecevoirleshonneursquetumérites.J’ouvrislabouchepourprotester,maisilmecoupanet:–Mêmesiçaveutdirequejen’yseraipas.–Quoi?demandai-jeenledévisageantd’unairébahi.–Elleestpourtoi,déclara-t-ilendésignantlalimousine.Enfin,toietPayton.Lechauffeuradéjàété

payé.Jepeuxrentreràpied,etjeteprometsquejeneviendraipasaubal.Jeveuxquetuysois.Pourvoirleschosesincroyablesquetuascréées.Restes-ycinqminutesoubienlanuitentière,c’esttoiquivois.Mais vas-y, et vois ceque tu as initié.Tune seras pasdéçue, conclut-il avecunpetit souriretriste.–Vousvenez?criaPaytondepuislalimousine.Jememordillailalèvreinférieure.Jen’avaisvraimentpasenvied’alleraubal,maisjenepouvais

nierquelacuriositégrandissaitenmoiausujetduprojetsecretdeNolan–surtoutquec’étaitcenséêtremonidée.EtsiNolann’yallaitpas,jen’enavaisqueplusenviedem’yrendre.–Jepourraivraimentpartirquandjevoudrai?–Oui.–Doncengros,jepourraientreretressortiraussitôt?Ilhaussalesépaules.–C’esttalimousine.Tufaiscequetuveux.Jecroisailesbras.–Jenevaispasmettrederobe.–Çamevatrèsbien.Tuessexy,quoiquetuportes.Jelefusillaiduregard,etillevalesmainsensigned’apaisement.

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–Jenetementiraiplusjamais.Jejetaiuncoupd’œilàPayton,quimefaisaitsigne.–Dépêche-toi!cria-t-elle.Onvaêtreenretard.Jerepoussaimesépaulesenarrièreetreprismonsouffle.–Trèsbien.Jevaisyaller.Maisjusteletempsdevoircequec’estqueceprojetsecret,etaprèsje

mecasse.–Alorstuvasavoirbesoindeça,dit-ilenmetendantlaboîte.–Jet’aiditquejen’allaispasmettrederobe.Jeneveuxpasd’unbouquet.–Tuvasenavoirbesoin.Prends-le,insista-t-ilenmefourrantlaboîteentrelesmains.Maintenant,

tuferaisbiendedécoller.Tunevoudraispasraterledébut.Priantpournepasêtreentraindecommettreuneimmenseerreur,jeverrouillailaported’entréeen

tapantlecodedanslapoignée.Lorsquej’approchaidelalimousine,lechauffeurétaitdéjàsortipourm’ouvrirlaportière.Paytonpoussaunglapissementdejoielorsquej’entraidanslevéhicule.–Jesuistropcontentequetuviennes!Tunevaspasleregretter!Lechauffeurclaqualaportière,etsonsourirevacilla.Elleregardaparlavitre.–Attends.EtNolan?Jesuivissonregard.Nolan,deboutsousleporche,nousfaisaitunsignedelamain.–Iladitqu’ilallaitresteràlamaisonpourquejepuissealleraubal.–Oh!fitPaytonenserasseyantcontreledossierdecuirnoir.C’estgentil.Je me retins de lui faire remarquer qu’il pourrait bien faire un million de gestes gentils, ça

n’annuleraitjamaissesmensongesnilesravagesqu’ilavaitcausés.Aulieudeça,jeluimontrailaboîteencartonetdéclarai:–Ilm’adonnéça.Ellehaussaunsourcil.–C’estdesfleurs?Faisvoir.–D’accord.Maisjenevaispasleporter.Je glissai un doigt sous le couvercle et l’ouvris. Jem’attendais aux traditionnelles roses rouges,

maislaboîtenecontenaitqu’unmarqueurnoirposésurunlitdepapierdesoie.–C’estquoicetruc?m’écriai-jeenprenantlemarqueurdanslaboîtepourlemontreràPayton.Sonregards’éclaira.Elleeutunsouriremystérieux,puisseplaqualamainsurlabouche.–Jecomprendspas,dis-jeenreposantlemarqueurdanssaboîte.Lalimousinevenaitdesortirdel’alléepours’engagerdanslarue.Jerésistaiàl’enviederegarder

parlavitrearrièrepourvoirNolanunedernièrefois.–C’estcensévouloirdirequelquechose?–Tuvascomprendre,réponditPayton,quicachaittoujourssongrandsourirederrièresamain.

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CHAPITRE23

Lalimousines’arrêtadevantlelycée.Uninstantplustard,lechauffeurouvritnotreportièreetnous

tenditlamain.Endescendantduvéhicule,jeleprévins:–Restezdanslecoin.Jerevienstrèsvite.Je n’avais pas l’intention de traîner dans un gymnase rempli de ballons de baudruche, de papier

créponetde tenuesde soiréealorsque jeportais toujoursmesbottinesd’équitation.Cependant, lacuriosité commençait à s’infuser dans mon esprit comme un thé particulièrement puissant, et jen’allaispasrepartirtantquejen’auraispaslesréponsesquej’étaisvenuechercher.Lechauffeurhochalatête.–Bien,Madame.Jerestegarédevant.Paytonsortitdevoitureaprèsmoietmepritparlebras.–Prête?Suis-jeprête?Desrubansd’angoisseseglissaientdéjàentremescôtes.Qu’est-cequim’attendaità

l’intérieur?Payton sortit de son sac un petit carton. Demon côté, je retinsmon souffle en comprenant que

j’avaisfaittoutçapourrien.–Jenepeuxpasentrer!m’écriai-je.Jen’aipasachetédeticket.Paytonéclataderire.–Crois-moi,personnenevat’empêcherderentrerpourça.–Commentça?–Onestenretard,éluda-t-elleenm’entraînantparlebras.Viens.Unecamionnetted’unechaînedetéléétaitgaréedevantlegymnase,sonantennedéployée.Plusieurs

fillesbrushinguées,vêtuesderobesàpaillettes,étaientrassembléesdevantlaporte.Unevaguedenauséemesecoual’estomac.Jemelibéraidel’étreintedePaytonetpriaipournepas

vomirsurletrottoir.Elles’arrêta,leslèvresserrées.–Çava?Jeserrailesbrassurmonventredouloureux.–C’estpeut-êtrepasunesibonneidée,aprèstout,murmurai-je.Danslebâtimentdevantmoisetrouvaientdescentainesd’élèves,desélèvesquiavaientvulavidéo,

quisavaientcequej’avaisfait.Uneremontéedebilemebrûlalagorge.–Jepeuxpas…Jepeuxpas.–Regan,fitPaytonenmetendantlamain.Jeseraiavectoi.Toutvabiensepasser.Tuvasvoir.–Jesuisdésolée,Pay.Jesecouailatêteetfisplusieurspasenarrière.–Jepeuxpas,répétai-je.–Hé,Regan!appelaunedesfilles.

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Jemefigeai.Jenepouvaisplusm’enfuir.Jemetendisetmepréparaiàencaisserleursinsultes.Sara,unepetitebrunedesecondeenrobedesatinbleu,courutversmoi.–OhmonDieu, je suis tellement contenteque tu sois là !Tout lemonde s’est tellement inquiété

pourtoi!Deux autres filles de son groupe coururent vers nous pendant qu’une troisième, qui n’avait

visiblementpasautantl’habitudedeporterdestalons,titubaitprudemment.Enarrivantàmahauteur,ellebasculasurlecôtéetserattrapaaubrasdesavoisine.–Ouais, ditMindy, une élève de première que j’avais vue dans l’équipe de pom-pomgirls.Ton

projet,c’estdelabombe!Jeveuxdire,jesaisbienqueçavapasdurerpourtoujours,maisc’estjustegénialdevoirtoutlemondecommeça!J’aimêmehâted’alleraulycée,maintenant.Lesautresfillesexprimèrentleuraccordàl’unisson.Je ne comprenais rien. J’étudiai l’expression de Payton, pour voir s’il s’agissait d’une sorte de

blague.Ellesecontentadesourireethaussalesépaules.– J’adore ta tenue, ajouta la fille qui ne savait pas marcher avec des talons. Elle est tellement

unique…Tellementtoi.Lestroisfilleshochèrentlatête.Ellesmefaisaientpenseràunerangéedejouetsquibalançaientla

têtesurlaplagearrièred’unevoiture.–Jesais!s’écriaMindyentapantdanssesmains.Jevaisl’écrire!–Ooh,superidée!ditSarah.Avantquejepuisse leurdemanderdequoiellesparlaient,ellespartirentaupasdecoursevers le

gymnase.JemetournaiversPayton.–Qu’est-cequisepasse?Jem’étaisattendueàdesregardsnoirsetàdesinjures,pasà…ça.Elleéclataderireetmefitsigned’approcher.–Viens.Avecréticencejelasuivisetpassailadoubleportepourentrerdanslegrandespaceouvertdevant

legymnase.Lecomitéd’organisationavaitinstalléunetableàcôtéd’undistributeurdesodas.Deuxélèvesdetroisièmeàl’airblaséétaientassisderrière,vêtusdechemisesetdecravatesmalnouées.Ilsvérifiaientlesticketsd’unecourtefiledecouplesquiattendaientpourentrer.–J’aipasdeticket,rappelai-jeàPaytonalorsquelafileavançait.Elleagita lamaind’unairnonchalant.Lecoupledevantnoustenditses tickets,etnousarrivâmes

devantlatable.–Voilàmonticket,ditPayton.Etça,c’estReganFlay.Biensûr,ellen’apasbesoind’unticket.Lesdeuxgarçonsseredressèrentbrutalement.–Biensûr!s’écriaceluidegauche.Entrez.Toutlemondel’attend.Jefronçailessourcils.–Pourquoitoutlemondem’attend?Paytonmepritparlebrasetm’entraînaunpeuplusloinavantqu’ilspuissentmerépondre.–Tonfeutreestprêt?Jerefermailesdoigtssurlemarqueurquej’avaisaccrochéaucoldemont-shirt.–Pourquoi?Qu’est-cequisepasse?Uncouplequisepartageaitunsodaprèsdelaportemesourit.–C’estcooldetevoir,Regan,fitlegarçonenlevantlacanettepourmesaluer.JemerapprochaidePayton.Toutecettegentillesseaprèsdessemainesdeharcèlementcommençait

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vraimentàmefilerlesjetons.Toutel’écoleavait-elleétéenlevéepardesextraterrestres?Oupeut-êtrequetoutçan’étaitqu’unpiègepourmefairemontersurscèneetmeverserunseaudesangsurlatête,commedansCarrie.Jefrissonnai.–Tuvasarrêterdeflippercommeça?murmuraPaytonàmonoreille.Toutvabiensepasser.Jete

promets.Elle s’arrêta devant les portes ouvertes du gymnase. Sous les lumières tamisées, une masse

indistincte d’élèves couverts de paillettes se bousculaient au milieu du terrain de basket en setrémoussantsurunDJsetparticulièremententraînant.–Prête?J’avaisl’impressionquemesveinesétaientrempliesdeglacepilée.–Non.–Ehbienc’estcon,parcequetuvasquandmêmeyaller,répliqua-t-elleenmepoussantenavant.Jeplissailesyeuxpourtenterdem’habitueràlalumièredisco,quiprojetaitsurlesolunarc-en-

cieldelumièrescoloréesetdelasers.–VoilàRegan,ditunevoixderrièremoi.–Elleestlà,fituneautre.–Arrêtezlamusique.Plusieursautresvoixrépétèrentlamêmechoseet,uneminuteplustard,lamusiquefutcoupéeetle

gymnases’illumina.Lesdanseurss’immobilisèrentetseregardèrent lesuns lesautresdans laplusgrande confusion. Puis, peu à peu, tous les regards se tournèrent vers moi. Un sourd murmuretraversalafoule.Merde.Moncœurbattaitcommeunfou.Unfiletdesueurmecoulaitlelongdel’échine.Dansquoi

étais-jetombée?Jereculaid’unpas,maisentraiencollisionavecPayton.–Regan!Chérie!Parici.Jetournailatêteendirectiondelavoixfamilière.MonpèresetenaitàcôtédeMadameLochteetde

laprincipaleMcDill.Tousmesourirentavecchaleuretlevèrentleurverredepunch.–Bonretour!ditlaprincipale.Noussommestoustrèsfiersdevous.J’agitainerveusementlesdoigts,parcourued’unfrisson.Unmilliondequestionsm’envahissaient

l’esprit.Dequoiétait-elleaussi fière?Pourquoi tout lemondemeregardait?Etsurtout,qu’est-cequepapafoutaitlà?Je commençai àm’avancer vers lui pour lui poser la question,mais je remarquai soudain qu’il

n’étaitpastoutseul.Àquelquespasdelà,unjournalistetendaitunmicroàmamère.Jem’approchaiencoreunpeuplus.

Sij’arrivaisàécoutersoninterview,peut-êtrepourrais-jeenfincomprendrecequisepassait?Maisavant que je puisse la rejoindre, quelqu’un s’arrêta devant moi. Les cheveux de Christy étaientattachéssur lecôté,etelleportaitunelongueroberougebordeaux.Contrairementà tout lemondeautourdemoi,ellenesouriaitpas.Prudemment,jefisunpasenarrière.Detouslesgensquimedétestaient,c’étaitChristyquienavait

leplusledroit.Aprèstout,sanslavidéoquej’avaisfaitedanslesvestiaires,sacopinen’auraitpeut-êtrepastentédesesuicider.Jememordislalèvreetattendisl’attaque–cen’étaitpascommesijenel’avaispasmérité.Payton se plaça à côté demoi etm’adressa un sourire rassurant.Une agréable tiédeurm’emplit

aussitôtlapoitrine,etjeluirendissonsourire.Aumoins,jen’auraispasàaffronterChristyseule.–Jesaisquetun’espasresponsabledeladiffusiondelavidéo,ditChristy.

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Jeclignaidesyeux,incrédule.Cen’étaitpaslaréactionquej’avaisattendue.–Jesaisaussiquec’estBlakequinousaenvoyédespetitsmotspourqu’onseretrouvetoutesdans

lesvestiairesenmêmetemps,poursuivitChristy.ElleallaitaumêmegroupedesoutienLGBTquemoi.J’imaginequ’elleacomprisquijevoyaisetadécidédeseservirdetoipourexposerAmber.Àcenom,magorgeseserra.–CommentvaAmber?Christymesouritfaiblement.–Beaucoupmieux.Mêmesipersonnen’aimeêtreobligédefairesoncoming-out,jecroisqu’elle

estsoulagéequelesgenssoientaucourant.Sesparentsontmêmeétéplutôtcoolavecça.Ellesemorditlalèvre,puisajouta:–Jesaisquec’estcompliquéentrevousdeuxetqu’Amberpourraitnejamaisvousremercier,toiet

Nolan,deluiavoirsauvélavie.Maismoi,jeteremercie,conclut-elleenmeserrantlamain.Jevoulusrépondre,maislesmotss’étranglèrentdansmagorge.Christymelâchalamain.– Jem’attendais à un rejetmassif quand les gens ont appris pourmoi,mais tout lemondem’a

soutenue!Jesaisquec’estengrandepartiegrâceàtonprojet.Ilaeuunimmenseimpactsurtoutlelycée,toutlemondeestd’accordlà-dessus.Je jetai un coup d’œil derrière mon épaule pour voir que les danseurs immobiles me fixaient

toujours.Ilsattendaientquelquechose,maisjenesavaispasquoi.–Euh…J’auraisbienvoulum’attribuerleméritepourtoutça,mais…Christyouvritdegrandsyeux.–OhmonDieu,c’estvrai!Tul’aspasencorevu!Viens.Elles’avançaendirectiondelafoulededanseursetmefitsignedelasuivre.–Vas-y,insistaPaytonenmepoussantdoucementenavant.–Euh,d’accord.Jem’obligeaiàyallerdoucement,unpasaprèsl’autre.Lorsquej’atteignis l’oréedelafoule, les

danseurs s’écartèrent pour me laisser passer. Je déglutis et frottai mes mains moites sur monpantalon. Une fois que j’aurais fait un pas en avant, je serais encerclée. Jamais ils n’auraient unemeilleureoccasionpourmelancerdelapâtéepourchien,dusangdecochonoupireencore.Maisjen’allaispasfuir.S’ilsvoulaientsevengerdeladouleurquej’avaiscausée,jeleslaisseraisfaire.Jefermailesyeuxetfisunpasenavant.Ilesttempsd’affrontertonkarma,Regan.Aprèsquelquespas,voyantqueriennevenaitmefrapper,j’ouvrislesyeux.Unefilleàcôtédemoi

semitàapplaudir.Lemecàcôtéd’ellepoussauneacclamation.Ilfutsuiviparplusieursautrescrisetsifflementsjusqu’àcequetoutlegymnases’emplissed’untonnerred’applaudissements.Monsoufflesebloquadansmagorge.Quesepassait-il?Lesbattementsdemoncœuraccélérèrent

pourprendre le rythmedes applaudissementsdeplus enplus assourdissantsqui résonnaient sur leplafondetfaisaientvibrerlesgradinspousséscontrelemur.Jecontinuaiàmarcherjusqu’àémergerdelafouleàl’autreboutdugymnase,oùs’étendaitsurtoutelalongueurunmurrappelantlescabinesdetoilettesdesvestiaires.Jem’arrêtainet.–Qu’est-ceque…Unemainseposasurmonépaule.–Choisis-enune,criaPaytond’unevoixàpeineaudibledansletumulteambiant.—Tuveuxquej’ailleauxtoilettes?

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Elleéclataderire.–C’estpascequetucrois.Vas-y.Jechoisislacabinejustedevantmoietpoussailaporte:ellen’étaitpasfermée.–N’oubliepastoncrayon!criaPayton.Sansmeretourner, je levai lemarqueuretentraidanslacabine.Aussitôt, lesapplaudissementsse

turentetlamusiquereprit.Je pris un moment pour observer. Au premier regard, c’était une cabine normale. Ok. Et

maintenant? Tout comme dans les toilettes des vestiaires, l’intérieur de la cabine était couvert degraffitis. Je posai les yeux sur le marqueur que j’avais toujours à la main. Étais-je censée enrajouter?Jem’approchaidumurpourlirelesinscriptions.JasmineWalkeraunjolisourire.PeterDoyleestpremierenchimieetildonnedescoursparticuliersgratuits.Cemecestgénial!OliviaStoutestunesuperjoueusedevolley.Jesuissûrqu’ellevaobtenirunebourse.Jeposaiunemaintremblantesurmaboucheencontinuantmalecture.Biensûr,ilyavaittoujoursle

traditionnelJ’aimeuntel,maiscontrairementàlaplupartdesmurs,iln’yavaitaucungraffititraitantlesgensdesalopes,degarcesoudeputes.Chaquecommentaireavaitétépensépourencourager,etnonpourdescendre.Encoreplusincroyable,ilyavaitaumoinsunmillierdegraffitisrienquedanscettecabine.Jenepouvaisimaginercombienilyenavaitautotalsurlesmursdesautresstalles.LesouvenirdujouroùNolanétaitvenumevoirauxécuriess’imposasoudainàmonesprit.Nous

étionssiprès l’unde l’autre,moi toutepoussiéreuse, luiavecsabomberose.Tune trouvespasçatriste qu’on ne se souvienne de certaines personnes que grâce aux graffitis à leur sujet dans lestoilettes?avais-jedemandé.Maisça…Çan’avaitriendetriste.C’étaitainsiquelesgensméritaientderesterdanslesmémoires,

pourlebonetpaspourlemauvais.Contrairementauxtoilettesduvieuxbâtiment,cescabinesavaientunpotentielincroyable.Celuidechangerlafaçondontnousnoustraitionslesunslesautres,etpeut-êtremêmecelledontlesfuturesclassessecomporteraient.Cestoilettesétaientunepromessefaiteà tous les élèves du lycée qu’après notre diplôme, l’espoir que nous avions laissé derrière noussurpasseraitdeloinlahaine.Jeposaiunemainsurmabouchepourétouffer le sanglotétoufféquimontaitdansmagorge.Si

j’avaissuqu’endécidantdechanger,j’auraisengendréuneffetpapillonquiauraitmétamorphosétoutlelycée…Etjenel’avaispasfaittouteseule.Nolanavaitréussiàsaisirdansmonespritl’instantoùj’avais rayéDelaneyHinkler est une salepute et inscritChristyHolder est une fille formidable, etl’avaitchangéença.Malgrétousmeseffortspourlescontenir,deslarmesserépandirentsurmesjoues.Nolanavaittout

fait:ils’étaitarrangépourobtenirlespermissionsnécessaires,pourrécupéreretmettreenplacelescabines,etpourobtenirlesoutienetlaparticipationdetoutlelycée.Biensûr,ilm’avaitblessée.Ilm’avaitmenti.Maisilavaitaussiorganisétoutça.Çadevaitcompter.

Lesdoigts tremblants, jedécapuchonnaimonmarqueuret l’approchaid’unpetitespacevidesur lemur.NolanLetnerestJem’arrêtai,incapabledetrouverlemotjustealorsquemoncœurportaittoujourslesmarquesde

satrahison.Denouveau,jelevaimonfeutre.NolanLetnerest…

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Unconnard.Ungénie.Sournois.Attentionné.Je laissai retomber le feutreet le rebouchai.Peut-êtren’étais-jepasprêteà terminercettephrase.

Nolanétaitbeaucoupdechoses,troppourlerésumerenunmot.Maisdeuxenparticuliermevinrentàl’esprit.NolanLetnerest…Paslà.Etilauraitdûl’être.Malgrémessentimentscontradictoiresàsonsujet,c’étaitautantsonprojetque

lemien.Etilrataittoutparcequ’ilvoulaitquejesoisheureuse.Cen’étaitpasjuste.Jedécidaidefairedemi-tour.Paytonsouritenmevoyant.–Qu’est-cequetuenpenses?–J’enpensequeNolann’estpaslà.Ellefronçalessourcils,interloquée.–Quoi?Jeluitendismonmarqueuretpassaiàcôtéd’ellesansm’arrêter.Jepouvaisbienmettredecôtémes

sentiments,letempsdepasserunesoiréedansungymnaseenlaprésencedeNolan.Etmêmesijemerendaiscomptequemetrouverdanslemêmebâtimentqueluiétaittropduràsupporter,jepouvaistoujoursrentreràlamaison.J’avaisvucequej’avaisbesoindevoir.C’étaitsontour.Jemefrayaiunchemindanslafouledesdanseurs.Certainssourirentetmecrièrentdeschosessur

monpassage.Jeleurrendisleurssouriresetaccélérai.–Regan!m’appelamamanlorsquej’arrivaiàlaporte.Lejournalistetecherche.Ellefronçalenezenmevoyantpousserlaporte.–Qu’est-cequetufais?–Cequej’aiàfaire,répliquai-jeenlaissantlaporteserefermerderrièremoi.Le chauffeur avait tenu parole, la limousine était garée devant. Le soulagement m’enveloppa

commeunecouverturetiède.Jecourusverslevéhicule,maism’arrêtainetenl’apercevant.Lui.Ilneportaitplussavestedecostumeetilavaitenlevésacravate.Ilsautaduhayondesavoitureet

s’avançaversmoi.Plusilapprochait,plusmoncœursemblaitremonterdansmagorge.Jecrusquej’allaisétouffer.–Qu’est-cequetufouslà?demandai-je.Tum’aspromisquetuneviendraispas.Ilsourit,etsonsouriremeserraleventre.–Non. J’ai promis que je n’allais pas entrer. Je n’ai pas dit que je ne pouvais pas rester sur le

parking.Jenepusm’empêcherdesourire.DuNolantypique.Ildésignalalimousine.–Tuparsdéjà?–Enfait…répondis-je,malàl’aise,jem’apprêtaisàallertechercher.–Oh?fit-ilenhaussantunsourcil.–Ouais.J’aijuste…Jetrouvaisquec’étaitpasjustequetunesoispaslàpourvoirça.C’esttoiqui

astoutorganisé.Etc’esttellement…génial.Il fit un nouveau pas vers moi, et je me retrouvai enveloppée par son odeur.Mon cœur à tout

rompre.–C’étaittonidée,merappela-t-il.J’humectaimeslèvressoudaintoutessèches.–Maisc’esttoiquiasfaittoutletravail!C’estpasjustequejesoisàl’intérieuràm’attribuertoutle

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mérite.–Lemérite?fit-ilavecunpetitrireméprisant.Jem’enfous.Toutcequicomptepourmoi,c’esttoi.Àcesmots,jeduscombattrel’envieimpérieusedemeblottircontrelui.Aulieudeça,jefisunpas

enarrière.–J’aitellementenviedetecroire.Maistum’asfaitdumal,Nolan.J’aimeraisavoiruninterrupteur

pourcouperladouleur,maiscen’estpaspossible,répliquai-jeavantdedétournerlesyeux.–Jesais.Ilposaundoigtsousmonmentonetlevamonvisageverslesien.– Je ne m’attends pas à ça de ta part. Mais ça ne veut pas dire que je vais arrêter d’essayer

d’arrangerleschosesentrenous.Jenementaispasquandj’aiditquej’avaisdessentimentspourtoi,ReganFlay,etjesuisprêtàfairetoutcequ’ilfaudrapourterécupérer.Siseulementjepouvaisoublierlepasséetlecroire.Envérité,jesouffraisdenepouvoirleprendre

dans mes bras et enfouir ma tête contre son épaule comme ce soir-là dans sa chambre, quand ilm’avaitdemandédefairecommesinousétionsseulsaumonde.Àcetinstant,nousétionsseulsaumonde.Maisàprésent,unemontagnededouleuretdemensonges

s’étaitélevéeentrenous,dontjen’étaismêmepassûredepouvoirunjourmesurerlahauteur.–Jenepeuxpas tepromettreque teseffortsvontpayer,dis-jeenfin. Jenepeuxpas tepromettre

qu’ilyauraunjourunnous.Mêmesij’enavaisterriblementenvie.Lessourcilsfroncés,ilrabaissasamain.–Maisqu’est-cequetupeuxmepromettre?demanda-t-il.Jenesavaispasvraimentsij’avaisuneréponseàluidonner.Maisavantdepouvoirleluidire,je

fusinterrompueparunefemmequicriaitmonnom.JemeretournaipourvoirunejeuneBlackvêtued’un tailleur-pantalon rose courir versmoi en talons hauts, unmicro à lamain.Derrière elle, unhommemaigrevêtud’unsweatextra-large tenaitenéquilibreune lourdecamérasursonépauleetpeinaitàlarattraper.–ReganFlay?répétalafemmeenhaussantunsourcilparfaitementdessiné.Lecameramandirigeal’objectifversmonvisage,etjem’efforçaidenepastressaillir.–Euh,oui?Lafemmelevasonmicroversmeslèvres.–Pourriez-vousnousparlerdevotreprojet?Avecunemèredans lapolitique, jen’étaispasétrangèreauxcaméras,maisenavoirunedirigée

uniquementsurmoiétaitunetoutenouvelleexpérience–uneexpériencetrèsagréable.–Enfait,ceprojetétaitnotreidéeàtouslesdeux,répondis-jeenjetantàNolanunregardsuppliant.Avecunpetitsourireencoin,illevalesdeuxmainsetreculaavantquelajournalisteaiteuletemps

detournersonmicroverslui.–C’estfaux,dit-il.L’idéeétaitcelledeReganàcentpourcent.Jel’aiseulementaidéeàlaréaliser.Jevouluslefusillerduregard,maislajournalisteseglissaentrenous,mebloquantlavue.–Etqu’est-cequivousa inspirée?demanda-t-elleen levantencoreunpeu lemicro, sibienque

seulsquelquescentimètresséparaientmeslèvresdelacouchedemousse.Lecameramans’approcha.Magorgeseserra,etjemetrouvaiincapablededétournerleregardde

la lentille.C’étaitcommesi l’œilnoiret fixed’un terriblemonstreattendaitque jemeplantepourcapturermonhumiliationetlapartageraveclemondeentier.Je fermai lesyeuxet tentaid’imaginerque lapersonnederrière lacaméraétaitNolan, legarçon

dontj’étaistombéeamoureuselesoiroùnousavionsconvenudenepasavoirdepassé.Legarçon

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quim’avaitembrasséejusqu’àmedonnerletournis,etquim’avaitlaisséungoûtdesucrefondusurlalangue.Cemêmegarçonquim’avaitdétruiteenuninstant,mebrisantlecœurendesmorceauxsipetits,sidéchiquetés,qu’ilsnepourraientjamaisseremettrecomplètementenplace.Lajournalistepoussaunsoupirimpatient.–Qu’espériez-vouschanger?demanda-t-elle.–Tout,murmurai-jeenouvrantlesyeux.Jevoulaistoutchanger.–Commequoi?Jedéglutisavantderépondre.–Cesmurs,cesontnoscœurs.Dèsquequelqu’unfaituncommentaire,celui-cis’inscritennousde

manière permanente. Les mots gentils, les mots méchants, tout est là, poursuivis-je en posant lapaumedemamain surmapoitrine.Bien sûr, onpeut rayer lesmotsou essayerde repeindrepar-dessus,maissouslescouchesd’encreetdepeinture,ilssonttoujourslà,gravésauplusprofonddenous,commedes initialesgravéesdans le troncd’unarbre.Alorsonsebaladeaveccescicatrices,maispersonnenelesvoitetpersonnenesaitàquelpointellesfontmal.Etpendantcetemps,lesgenscontinuentàdireetàécriredenouvelleschoses,jusqu’àcequelemoindrecentimètrecarrédenoscœurssoitcouvertd’unveninsinoirquemêmenous-mêmesnesommespluscapablesdevoirlebonennous.Alors,nouscommençonsàajouternospropresmots,et ils sontplus sombresque tout lereste,etlescicatricess’inscriventplusprofondémentencorequelesautres.Lajournalisteavaitlesyeuxgrandsouverts.Lemicrotremblaitdoucementdanssamain.–Etvotreprojet?demanda-t-elled’unevoixquin’étaitplusqu’unmurmure.–J’ai faitmapartdemédisance. Jemesuis renducompte trop tardde tous lesdégâtsqu’avaient

causés les mots que j’avais écrits et prononcés. Tout comme ces graffitis sur les murs, ces motsseront inscritspour toujoursdans lecœurdecertainespersonnes.Ellesvivront le restede leurvieavec des cicatrices que je leur ai infligées. Non seulement je voulais présenter mes excuses auxpersonnesquej’aiblesséesmaisjevoulaisaussiempêcherlesautresd’infligerlesmêmespeines.Lesmursnesontqu’unsymbole,maisj’ail’espoirqueremplacerlesmotsempoisonnésdansnoscœurspardespreuvesd’amourpourrapeut-êtreeffacercertainesdenoscicatrices.Dumoins,conclus-jeenhaussantlesépaules,c’estundébut.Lajournalistemeregardafixementpendantquelquessecondesavantderabaissersonmicro.–Merci,Regan.C’esttoutcequ’ilnousfallait.Ellefitunsignedetêteaucameraman,quiabaissalacaméra.Elletournalestalonsmais,avantde

partir,mejetaundernierregardetajouta:– Je vous trouve formidable, déclara-t-elle.Qui sait combien de vies vous allez changer ?Quoi

qu’ilensoit,vousavezdequoiêtrefière.Elle m’adressa un clin d’œil avant de repartir vers la camionnette de la télé, garée au bord du

trottoir.Jenepouvaism’empêcherdesourireenlesregardantdémarrer.Jevoyaisdéjàmescartesdevisite:

ReganFlay,changeusedevies.Nolantouchamonbras,metirantdemespensées.–Sijenepensaispasdéjàquetuétaisunefillegéniale,ouah!cetteinterviewm’auraitrassuréàce

sujet.Toujourssouriante,jelevailesyeuxauciel.–Çasuffitaveclescompliments.Jesaistrèsbiencequetuessaiesdefaire.–Etçamarche?Jerisdoucement.

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–Jevais tedire :avantque la journalistenous interrompe, tum’asdemandéceque jepouvais tepromettre.Jecroisquej’aiuneréponse.–Ahoui?–Unedanse.Jepeuxtepromettreunedanse.Ungrandsourireauxlèvres,ilmepritparlamainpourmeramenerverslegymnase.–Pourl’instant,jem’encontenterai,déclara-t-il.

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