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« Internet et téléphonie mobile comme acteurs
et facteurs de changements sociaux »
Dr Cyriaque PARE
Lefaso.net (www.lefaso.net)
cyriaque.pare@lefasonet
De la chute fracassante des régimes tunisien, égyptien et libyen à la régularité des
élections ayant conduit à une alternance consensuelle au Sénégal en 2012 (tout comme
en 2000 déjà), les médias ont acquis, au cours des dernières années, un pouvoir de
transformation sociale exceptionnel. Mais comme nous le rappelait avec sagesse
l’UNESCO à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse 20121, si les
médias de tout horizon ont joué une part importante dans les développements
sociopolitiques et démocratiques globaux sans précédent, il paraît excessif de parler de
« révolution des médias sociaux ».
Et si le printemps arabe a été , de façon décisive, porté par Facebook, Twitter, conjugués
aux médias satellitaires, il est resté uniquement « arabe », échouant à déferler sur le
reste du continent où ici et là, la soif de changement s’est pourtant exprimée plus ou
moins bruyamment.
Afin d’apprécier le rôle, et bien sûr les limites, des nouveaux médias comme acteurs et
facteurs de changements sociaux, je vous propose quelques points pour nourrir la
réflexion.
D’abord, quelles leçons peut-on retenir du printemps arabe ?
Il ne faut pas oublier que l’événement considéré comme l’élément déclencheur du
printemps arabe, à savoir la mort du jeune Bouazizi en Tunisie aurait pu passer
inaperçu. En rappel, c’est le 17 décembre 2010 que Mohamed El Bouazizi, diplômé au
chômage devenu vendeur de fruits et de légumes se donne la mort par immolation par le
feu à Sidi Bouzid, une ville du centre de la Tunisie. Malgré les manifestations de
protestation de ses proches, les médias tunisiens ne parlent pas de ce drame. Il faudra
1 Document de réflexion. Journée mondiale de la liberté de la presse 2012 sur www.unesco.org/
l’implication d’un jeune cyberactiviste de Sidi Bouzid pour que l’affaire prenne une autre
tournure.2
Ce jeune cyberactiviste diffuse sur son compte Twitter l’information. Elle est reprise par
Slim Amamou, un dynamique blogeur tunisien qui sera par la suite Secrétaire d’Etat à la
jeunesse et aux sports, pendant quelques temps, dans le premier gouvernement post
Bel Ali.
Slim Amamou met l’information sur Facebook qui est plus populaire que Twitter en
Tunisie comme dans la plupart des pays. C’est à partir de ce moment qu’éclate
véritablement l’affaire Mohamed El Bouazizi avec la reprise de la nouvelle par les médias
traditionnels et surtout par les chaînes d’information internationale. La suite, on la
connaît aussi, ce sera la chute du régime de Ben Ali.
La première remarque à souligner est que cela n’a été possible que grâce à
l’exceptionnel développement des TIC en Tunisie. En effet, malgré le caractère policier
du défunt régime de Ben Ali, il a massivement investi dans le développement des
technologies de l’information et de la communication au point de paraître comme un des
pionniers en Afrique. On retient que la Tunisie a été le premier pays arabe et africain à
se connecter au réseau mondial Internet dès 1991. La population est donc très
largement familiarisée avec la technologie plus que dans beaucoup d’autres pays
africains. Il ressort ainsi qu’entre le 17 décembre 2010 et le 20 février 2011, plus de
400 000 tunisiens se sont inscrits à Facebook pour comprendre la situation, ce qui se
passait dans leur pays. Et au 22 mai 2012, nous avons relevé que la Tunisie comptait
2 972 340 utilisateurs de Facebook, représentant un taux de pénétration de 28,19 % de
la population globale et 82% de la population en ligne selon les données du site Social
Bakers3.
Dans les autres pays comme l’Egypte, la Libye où le printemps arabe a connu ses lettres
de noblesse, en entraînant des bouleversements radicaux, Facebook, Twitter, You
2 « La révolution arabe. Et après » in « Les dossiers de l’actualité », N°1, mai-juin 2011
3 www.socialbakers.com
Tube, Dailymotion, apparaissent comme des médias qui ont joué un grand rôle dans la
collecte et la diffusion de l’information malgré parfois des conditions d’expression
difficiles.
Au 22 mai 2012, l’Egypte enregistre plus de 10 740 00 utilisateurs de Facebook, soit un
taux de pénétration de 13% de la population. La Libye enregistre à la même période un
peu plus de 500 000 utilisateurs du réseau social, pour un taux de pénétration d’environ
7% ; ce qui parait un faible. Mais il faut noter que dans le cas de la Libye, l’intervention
extérieure a pesé de façon plus décisive que la mobilisation sociale interne dans
l’avènement du changement social, pensons-nous.
A l’analyse, le rôle de transformation joué par les médias sociaux ne semble possible
que dans certaines conditions et selon un certain schéma. Ainsi, si Twitter permet de
diffuser rapidement une information, en version courte, il est plutôt réservé à des usagers
plus élitistes. Facebook touche donc davantage de monde grâce à la diversité et à
l’attrait de ses services. Et avec la fonction recommandation « J’aime », (qui permet de
partager facilement l’information) la logique de la diffusion en réseau est plus dynamique
et plus efficace et permet donc de toucher beaucoup plus de monde.
Mais, bien entendu, les réseaux sociaux à eux seuls ne suffisent pas pour que la
mayonnaise de la révolution sociale prenne véritablement. Il faut un basculement de la
contestation vers les médias traditionnels, de préférence les médias internationaux. Il
faut donc une passerelle entre ces médias et les réseaux sociaux et c’est une fois
l’information reprise par les grandes chaînes internationales et les grands titres que le
processus semble réellement enclenché. Dans le cas du printemps arabe, Al Jazeera a
joué dans ce sens un rôle capital de l’avis de beaucoup d’observateurs4.
Rapidement schématisé à la lumière de l’expérience du printemps arabe, il apparait que
le processus qui permet de passer d’un événement local à une affaire d’Etat
déstabilisant un régime est le suivant : un témoin, direct ou indirect d’un événement
4 Voir La révolution arabe et après ? in « Les dossiers de l’actualité », op. cit. ed. Lafont presse, N°1, mai-juin
2011
portant atteinte d’une façon plus ou moins grave aux droits de l’homme s’en fait l’écho
sur le Net. L’information est relayée auprès des usagers des réseaux sociaux avant
d’être reprise à l’étranger par la diaspora ou les militants activistes en ligne pour lui
assurer un vrai buzz. Quand elle arrive sur une chaîne internationale comme Al Jazeera,
elle acquiert du même coup une résonance mondiale par la duplication sur d’autres
chaînes d’envergure internationale. Avec pour effet d’encourager les manifestants à
redoubler d’efforts dans les activités de protestation et de contestation, une fois que la
cause est connue et soutenue à l’étranger.
Il ressort alors que pour que ça marche, il faut les réseaux sociaux, mais il faut aussi des
activistes, des relais auprès des médias traditionnels et surtout internationaux. Mais cela
est loin d’être le cas dans tous les pays africains car malgré les progrès extraordinaires
en matière de connectivité, les disparités restent encore criardes d’une région à l’autre
du continent comme on peut les voir dans les chiffres de Social Baker ou de Worldstats5
Aujourd’hui, Internet, Facebook, Twitter, You Tube sont donc les outils d’expression qui
accompagnent les changements sociaux. Mais les premiers acteurs de cette révolution
sont les cyberactivistes qui se sont courageusement engagés dans la collecte et la
diffusion de l’information sur le réseau mondial dont ils maîtrisent parfaitement le
potentiel et les outils de contestation et de subversion.
L’UNESCO note ainsi que beaucoup de facteurs ont contribué à la mise en place des
évènements, particulièrement dans les pays arabes où les problèmes économiques et la
répression politique ont entrainé une organisation massive, notamment chez les jeunes.6
Une autre des leçons que l’on peut tirer donc, c’est que les révolutions ne sont passibles
que si le contexte économique, social, technologique s’y prête aussi. Ainsi, à l’opposé de
la Tunisie, de l’Egypte et de la Libye, on a vu des révoltes sociales, trop vite assimilées
5 www.socialbakers.com et www.internetworldstats.com
6 Document de réflexion de la Journée mondiale de la liberté de la presse 2012, op. cit.
par certains observateurs au printemps arabe, et qui ont plutôt fini en feu de paille. Il en
est ainsi du cas du Burkina.
Déjà, les conditions socio-économiques et technologiques sont bien différentes de celles
des pays à printemps arabe. Selon les chiffres de Social Bakers, en mai 2012, on
enregistre 111 300 utilisateurs de Facebook au Burkina, avec une augmentation de plus
de 22 000 utilisateurs au cours des six derniers mois. Ce qui représente un taux de
pénétration de 0,69% de la population totale et un taux de 62% de la population
connectée. La frange la plus représentée est sans surprise celle des 18 à 24 ans.
En matière de blogs, seuls ceux de quelques journalistes (Quophiblogeur7, Barkbiiga sur
Fasozine8, et Ramata Soré titré explicitement « Journalisme engagé »9), restent à notre
avis les plus percutants de par leurs productions et/ou le caractère militant de leurs
articles.
Au total, il ressort de notre observation qu’au Burkina aussi, Facebook est le média
social le plus emblématique de par sa popularité et la prolixité de ses usagers. Mais son
utilisation comme outil de contestation et de changement social, particulièrement lors de
la crise du premier semestre 2011 avec la création de groupes prônant le départ de
Blaise Compaoré, n’a pas eu les mêmes effets qu’ailleurs.
Plusieurs groupes ont en effet été créés dans ce sens : les groupes “Blaise Compaoré
dégage”10 (une trentaine d’abonnés), « Blaise Compaoré doit partir »11 (un seul ami et
des mentions « J’aime »), le groupe « Mouvement Blaise Compaoré doit partir »12 (un
peu plus de 3700 membres) ou encore “La voix des Burkinabè”13 ‘(un peu plus de 4600
membres en début mai) ont eu très peu d’écho sur le Net et encore moins hors du Web,
dans les médias traditionnels notamment.
7 http://le10sident.blogspirit.com/
8 http://www.fasozine.com/index.php/le-blog-de-barkbiiga
9 http://ramses1.blog4ever.com/blog/index-66434.html
10 http://www.facebook.com/profile.php?id=100001959026599&ref=ts
11 http://www.facebook.com/pages/Blaise-Compaore-DOIT-Partir/193268870716006
12 http://www.facebook.com/groups/revolutionburkina2011/
13 http://www.facebook.com/groups/turfaso/
Par contre, à une échelle moins Web 2.O, le téléphone mobile a eu plus de succès dans
la mobilisation sociale, par l’utilisation des SMS. Comme l’a souligné Edouard
Ouédraogo, directeur du quotidien burkinabè, L’Observateur Paalga, la mobilisation des
élèves pour les différentes manifestations, et surtout celle des soldats mutins, se faisait
souvent par l’envoi de SMS. Si l’accessibilité de l’outil, (le téléphone de base) et le coût
des messages en font l’outil de mobilisation sociale le plus populaire, le téléphone mobile
a un revers, celui de rendre aisé l’identification de son utilisateur et au Burkina, c’est en
retraçant les SMS que la plupart des soldats mutins ont été retrouvés et arrêtés, rappelle
Edouard Ouédraogo14. En plus des expériences déjà connues au Sénégal, en Ouganda,
nous aurons certainement plus de détails sur les avantages et les inconvénients de la
téléphonie mobile comme outil d’accompagnement de la démocratie avec la
communication de notre ami Daudi WERE du Kenya qui nous parlera du projet Ushahidi.
En dehors des causes politiques, les médias sociaux restent encore des facteurs et
acteurs de mobilisation sociale pour d’autres causes, humanitaires, culturelles, de loisir,
etc. Ainsi, le plus grand regroupement autour du Burkina sur Facebook que nous avons
repéré est ouvertement apolitique15... Il compte plus de 6100 membres et a pour objectif
la détente, les loisirs, le partage de passions.
Toujours hors du Web, l’expérience de l’association Burkina Ntic16 en termes
d’appropriation des TIC par des couches sociales habituellement marginalisées comme
les paysans reste particulièrement édifiante notamment en matière de collecte et de
diffusion des prix des céréales. Il en est de même de l’utilisation de la webtélévision pour
la promotion des droits humains par l’association Droit Libre TV17
14
Edouard Ouédraogo, communication lors des Universités Africaines de la Communication de Ouagadougou (UACO), novembre 2011. 15 « Tu sais que tu es burkinabè quand… », http://www.facebook.com/groups/141858732566819/ 16
www.burkina-ntic.net 17
Voir le site : www.droitlibre.tv
Quelques constats sur les médias sociaux comme acteurs et facteurs de
changements sociaux
De la rapide radiographie que l’on peut faire des regroupements en ligne et des
initiatives de mobilisation par les réseaux sociaux, on peut titrer quelques conclusions
1. En l’absence de statistiques exhaustives, les chiffres avec Facebook montrent
qu’il y a une progression non négligeable de l’appropriation des nouveaux médias
sociaux dans les pays africains même s’ils restent l’apanage d’une certaine élite
selon toute attente. Parfois cette progression est de près de 20% sur six mois.
2. Pour être réellement source de changement social, les médias sociaux ont besoin
de passionnés, d’activistes. Mais pour le moment, l’engagement reste le grand
défi des habitants du Web et dans les communautés virtuelles, la passivité reste
le trait de caractère le plus partagé. Nous avons ainsi noté, aussi bien au Burkina
qu’au sein de la diaspora africaine, des tentatives de passer du virtuel au réel à
travers des rencontres en live ou même l’organisation d’activités humanitaires ou
autres. Mais ces initiatives de mobilisation connaissent rarement un réel succès.
3. Au sein des regroupements en ligne, il y a une inorganisation des débats qui sont
rarement structurés et constructifs. L’exemple des forums de discussions sur les
sites des médias est ici éloquent car il apparait clairement que chaque participant
est souvent plus préoccupé à porter sa parole, à faire entendre son son de cloche
qu’à défendre une idée, une cause. ; ce qui transforme ces espaces en de
simples espaces de défoulement.
4. Il y a ensuite la confidentialité des groupes. Nous l’avons vu avec le schéma
conduisant aux actions réussies, pour qu’une information ait du succès, il faut
qu’elle fasse du buzz, qu’elle soit reprise en boucle, dupliquée sur les différents
supports d’information, médias traditionnels et nouveaux médias confondus. En
dehors de la région arabe, dans les autres pays africains, il existe peu de
cyberactivistes, ayant une grande influence et capables de réussir de grandes
mobilisations sur le Web ; à l’exception de quelques cas isolés au Cameroun, en
RDC comme.
5. L’on note également un faible engouement des animateurs des médias
traditionnels pour les médias qui sont pourtant un maillon essentiel dans le
processus de changement social ; on l’a vu en février dernier au Burkina quand
un ministre a été promptement limogé suite à un fait divers rapporté par la presse
où il était accusé d’avoir fait bastonner un individu avec qui il avait eu un
accrochage dans la circulation. Sur ce dénouement, les commentateurs ont
affirmé que la pression de l’opinion publique (particulièrement dans les forums de
discussion des sites médias) a été importante.
En dehors de cela, en général, très peu de journalistes (au Burkina comme dans
la plupart des autres pays africains) entretiennent des blogs, des pages Facebook
ou des comptes Twitter d’intérêt ; il s’agit le plus souvent de pâles copies de leurs
articles déjà publiés dans leurs journaux respectifs. Alors que le blog, la page
Facebook sont censés permettre aux journalistes de se « lâcher », d’avoir un
espace à lui où il n’est pas tenu au respect du principe de l’objectivité et de toute
autre considération d’impartialité généralement proclamée.
Même dans les forums de discussion qui bénéficient d’un intérêt plus marqué
avec la reprise d’extraits dans les versions imprimées comme le font les
quotidiens l’Observateur et Le Pays au Burkina, il n’y a pas une vraie implication
de la rédaction dans l’animation des débats. Alors que ces forums devraient être
de nouveaux espaces de débats démocratiques, ils restent des lieux de
« monologues » des internautes pendant que les pages Facebook, les blogs,
quand il y en a, restent désespérément atones. Le potentiel d’enrichissement des
contenus, d’aide à l’enquête et de diverses contributions que représentent les
internautes à travers le crowdsourcing reste inexploité. Idem pour les versions
mobiles des sites Web que beaucoup de médias ignorent.
Les médias en retard d’une révolution ?
On est même tenté de conclure qu’en matière de réseaux sociaux, les médias africains
sont pour l’essentiel en retard d’une révolution. Et la question de l’appropriation des
médias sociaux par les journalistes mérite que nous nous y arrêtions plus longuement,
dans le cadre de notre rencontre.
Eric Scherer, dans son ouvrage « A-t-on encore besoin des journalistes ? »18 rapporte
ainsi que le patron de la BBC, en février 2010, a exhorté ses journalistes à utiliser les
réseaux sociaux ou… à quitter la maison. « Ce n’est pas quelque chose pour ceux qui
aiment la technologie. C’est tout simplement obligatoire » a-t-il affirmé. Si une telle
menace devait s’abattre sur les journalistes africains, beaucoup de rédactions seraient
désertées.
Le manque de ressources financières et humaines sert généralement à justifier
l’appropriation souvent minimaliste des atouts du Web par les médias africains ;
minimaliste car dans le cas des réseaux sociaux, cette appropriation se limite la plupart
du temps à une simple insertion des boutons (Facebook, Twitter, Google+, etc.)
automatiquement fournis pour les CMS.
En effet, face à la précarité et aux multiples équations parfois insolubles qu’ils doivent
affronter au quotidien, l’on dira que c’est insensé de vouloir investir dans des stratégies
18
Eric Scherer, « A-t-on encore besoin des journalistes » ? ed. PUF, p. 136.
dont la viabilité est très incertaine. Mais il n’est pas forcément plus sensé non plus de
vouloir se tenir à l’écart d’une révolution donnée pour irréversible.
En plus du fait que beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que l’avenir des médias
passe par le Net, il y a aussi ce qu’on appelle la prime à l’ancienneté. Car même s’il est
étroit et balbutiant, il existe un marché pour l’économie des médias en ligne. Pour parler
de notre expérience personnelle, nous l’avons un peu expérimenté avec Lefaso.net, un
site Internet créé en 2003, avec moins de 100 euros et qui huit ans plus tard réussit à
faire un chiffre d’affaires d’environ 50 000 euros, alimenté essentiellement avec la
publicité. Peut-être que nous y reviendrons dans les autres sessions, si cela intéresse
certains d’en savoir un peu plus.
D’autres expériences ici et là en Ouaganda, au Kenya, rapportés par l’Association
mondiale des journaux (notamment dans le guide pour la mise en application de
l’information et du business mobiles19), indiquent qu’il y a des affaires à faire et incitent à
l’optimisme. Le modèle économique des médias n’est donc plus totalement irréalisable.
Et pour en conclure avec notre sujet sur Internet et la téléphonie mobile comme acteurs
et facteurs de changements sociaux, je dirai qu’il n’y a pas de miracle pour le moment en
matière de transformation de la société par les réseaux sociaux. Les changements se
feront certainement avec le temps, au rythme de l’appropriation de la technologie, rythme
qui défend des conditions socio-économiques de la population africaine. Car comme le
souligne Patrice Eveno, historien des médias, « Quand il y a un vaste mouvement social,
les médias contemporains jouent automatiquement un rôle d’intermédiaires. Quelques
mois avant la Révolution française de 1789, les journaux et les revues pamphlétaires ont
poussé comme des champignons et la même chose se déroula en 1848. On peut dire
que les médias deviennent alors des outils d’expression, qui accompagnent et font
19
WAN/IFRA, AMI, « Les services médias mobiles des journaux de l’Afrique subsaharienne, Rapport, 2011, 82 pages.
monter en puissance les révoltes. Le propre de la révolution, c’est quand le pouvoir ne
parvient plus à maintenir le couvercle sur la marmite. La parole prend le pouvoir et celle-
ci épouse les normes technologiques de son époque »20.
20
« La révolution arabe. Et après » in Les dossiers d’actualité, Lafont Presse, 2011