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Pour Jean Paul Dutrisac, avant même la refonte des ordres, c’est la confiance du public qu’il faut retrouver Page 3 PROFESSIONS SEMAINE DES PROFESSIONNELS De quoi parlez-vous quand vous parlez d’ éthique ?, nous demande René Villemure Page 5 Les urbanistes soulignent un demi- siècle d’activités professionnelles Pages 6 à 8 CAHIER THÉMATIQUE G › L E D E VO I R , L E S SA M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 01 3 MARIE LAMBERT-CHAN L e système profession- nel ne peut se permet- tre de prolonger l’ap- parente déroute ac- tuelle. Ce sont tout de même plus de 366 000 personnes ré- parties entre 45 ordres — les sexologues ont récemment formé le leur — qui en subis- sent les conséquences, c’est-à- dire, au Québec, un travailleur sur douze. Une façon de revenir dans les bonnes grâces du public est d’améliorer la justice disci- plinaire, ce à quoi s’emploie le CIQ depuis un certain temps. En sa qualité d’organisme- conseil auprès des autorités gouvernementales, notam- ment du ministère de la Justice et de l’Office des professions du Québec, il a su convaincre le gouvernement Marois de re- mettre au feuilleton un projet de loi sur l’amélioration de la justice disciplinaire. L’Assemblée nationale en a fait l’adoption en juin der- nier. « Nous sommes très heu- reux et espérons ainsi répon- dre aux attentes du public » , dit M. Renauld. Accélérer le processus disciplinaire C’est que les critiques ont été nombreuses à l’endroit de conseils disciplinaires des or- dres, jugés trop lents à rendre leurs décisions. Le manque de transparence dans le proces- sus de sélection des présidents de ces mêmes conseils «est aussi un sujet de préoccupation de la population et mine la cré- dibilité des ordres , indique le président du CIQ. Auparavant, ils étaient nommés par le gou- vernement et pouvaient donc faire l’objet de biais. » Le projet de loi devrait remé- dier à ces lacunes. L’Office des professions, qui est le chien de garde du Code des profes- sions, comptera désormais un bureau des présidents des conseils de discipline. Dirigée par un président en chef, cette unité assu- jettira les présidents et les membres des conseils de discipline à un code de déonto- logie. La conduite des plaintes sera aussi soumise à des règles de pratique et de preuve. Le processus de sélection des prési- dents sera enfin beaucoup plus rigoureux et transparent. « Le problème des délais sera par ailleurs pratiquement éli- miné, car les présidents travail- leront le plus souvent à temps plein, ce qui n’était pas le cas auparavant », ajoute François Renauld. Moderniser le Code des professions L’an prochain, le Code des professions soufflera ses 40 bougies et, à cette occasion, subira une cure de rajeunisse- ment. « Les exigences liées à l’éthique, à la mondialisation, aux nouvelles technologies, aux attentes du public ou encore à l’évolution rapide des pra- tiques professionnelles sont au- tant de facteurs qui appellent à une adaptation du fonctionne- ment des ordres », fait remar- quer le président du CIQ. Le Code des professions n’a subi que de légères modifica- tions au cours des deux der- nières décennies, mais les or- dres s’apprêtent cette fois-ci à procéder à une véritable mo- dernisation. François Re- nauld ne peut en révéler tout le contenu. Il a tou- tefois laissé savoir que le public sera mieux repré- senté au sein des conseils d’administration des ordres. Des amélio- rations seront apportées à la gouvernance de ces conseils, entre autres pour prévenir les conflits d’intérêt. L’encadrement disci- plinaire ne touchera plus seule- ment les individus, mais il en- globera aussi les firmes profes- sionnelles, toujours dans le but de renforcer la protection du public. Et les sanctions seront plus dissuasives. « Ces outils donneront plus de mordant au système », résume M. Renauld. Le CIQ veut avoir voix au chapitre en éducation Autre dossier important au CIQ : ajuster la collaboration entre les ordres profession- nels et les établissements d’en- seignement. «Quelque 400 programmes universitaires et collégiaux mènent ultérieure- ment à l’obtention d’un permis professionnel , souligne Fran- çois Renauld. Nous sommes des partenaires naturels, mais mal- heureusement la relation n’est pas optimale. Nous souhaitons une collaboration plus ouverte et plus soutenue. Les établisse- ments devraient être obligés de consulter l’ordre professionnel concerné lors de l’élaboration ou de la révision d’un pro- gramme d’études qui donne ou- verture à un permis. Un tel suivi permettrait de mieux sou- tenir l’évolution des professions. » Le CIQ a écrit ces demandes noir sur blanc et les a fait connaître lors du Sommet sur l’enseignement supérieur qui s’est tenu en février dernier. Les ordres ont obtenu satisfac- tion, puisque le rapport Corbo, issu du chantier sur le Conseil national des universités (CNU), leur a donné raison. « Toutefois, pour nous assu- rer d’avoir voix au chapitre, il nous apparaît essentiel qu’au moins une personne du milieu des ordres figure parmi les cinq membres de la société civile qui seront désignés au sein du futur CNU », insiste M. Renauld. Le CIQ suivra donc de près ce dossier, dont les suites se- ront annoncées cet automne. Collaboratrice Le Devoir Il faut redonner au public le moyen de reprendre confiance en ses ordres professionnels Le Conseil interprofessionnel du Québec multiplie les initiatives pour assurer une meilleure protection de la population JACQUES NADEAU LE DEVOIR Un travailleur québécois sur douze est un professionnel. La confiance du public à l’égard des ordres professionnels s’est effritée au cours des dernières années. Leur capacité à protéger la population est mise en doute. Il faut dire que l’actualité n’a cessé de nourrir les suspicions, la commission Charbonneau en donnant l’exemple le plus éloquent. Le Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) s’est donné pour mission de renverser la vapeur. « Les ordres sont, par définition, des bâtisseurs de confiance et entendent bien le prouver », déclare son président, François Renauld. François Renauld

PROFESSIONS...PROFESSIONS LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 OCTOBRE 2013 G 3 Fiers de peser dans la balance. En s’impliquant dans la réforme du droit d’ici et …

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Page 1: PROFESSIONS...PROFESSIONS LE DEVOIR, LES SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 OCTOBRE 2013 G 3 Fiers de peser dans la balance. En s’impliquant dans la réforme du droit d’ici et …

Pour Jean PaulDutrisac, avant mêmela refonte des ordres,c’est la confiance dupublic qu’il fautretrouverPage 3

PROFESSIONSSEMAINE DES PROFESSIONNELS

De quoi parlez-vousquand vous parlezd’éthique?, nousdemande RenéVillemurePage 5

Les urbanistessoulignent un demi-siècle d’activitésprofessionnellesPages 6 à 8

C A H I E R T H É M A T I Q U E G › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3

M A R I E L A M B E R T - C H A N

L e système profession-nel ne peut se permet-tre de prolonger l’ap-parente déroute ac-

tuelle. Ce sont tout de mêmeplus de 366 000 personnes ré-parties entre 45 ordres — lessexologues ont récemmentformé le leur — qui en subis-sent les conséquences, c’est-à-dire, au Québec, un travailleursur douze.

Une façon de revenir dansles bonnes grâces du publicest d’améliorer la justice disci-plinaire, ce à quoi s’emploie leCIQ depuis un certain temps.En sa qualité d’organisme-conseil auprès des autoritésgouvernementales, notam-ment du ministère de la Justiceet de l’Office des professionsdu Québec, il a su convaincrele gouvernement Marois de re-mettre au feuilleton un projetde loi sur l’amélioration de lajustice disciplinaire.

L’Assemblée nationale en afait l ’adoption en juin der-nier. « Nous sommes très heu-reux et espérons ainsi répon-dre aux attentes du public »,dit M. Renauld.

Accélérer le processusdisciplinaire

C’est que les critiques ontété nombreuses à l’endroit deconseils disciplinaires des or-dres, jugés trop lents à rendreleurs décisions. Le manque detransparence dans le proces-

sus de sélection des présidentsde ces mêmes conseils « estaussi un sujet de préoccupationde la population et mine la cré-dibilité des ordres, indique leprésident du CIQ. Auparavant,ils étaient nommés par le gou-vernement et pouvaient doncfaire l’objet de biais. »

Le projet de loi devrait remé-dier à ces lacunes. L’Office desprofessions, qui est le chien degarde du Code des profes-sions, comptera désormais unbureau des présidents desconseils de discipline. Dirigéepar un président enchef, cette unité assu-jettira les présidentset les membres desconseils de disciplineà un code de déonto-logie. La conduite desplaintes sera aussisoumise à des règlesde pratique et depreuve. Le processusde sélection des prési-dents sera enfin beaucoup plusrigoureux et transparent.

«Le problème des délais serapar ailleurs pratiquement éli-miné, car les présidents travail-leront le plus souvent à tempsplein, ce qui n’était pas le casauparavant », ajoute FrançoisRenauld.

Moderniser le Code desprofessions

L’an prochain, le Code desprofessions souf flera ses 40bougies et, à cette occasion,subira une cure de rajeunisse-

ment. « Les exigences liées àl’éthique, à la mondialisation,aux nouvelles technologies, auxattentes du public ou encore àl’évolution rapide des pra-tiques professionnelles sont au-tant de facteurs qui appellent àune adaptation du fonctionne-ment des ordres », fait remar-quer le président du CIQ.

Le Code des professions n’asubi que de légères modifica-tions au cours des deux der-nières décennies, mais les or-dres s’apprêtent cette fois-ci àprocéder à une véritable mo-

dernisation. François Re-nauld ne peut en révélertout le contenu. Il a tou-tefois laissé savoir que lepublic sera mieux repré-senté au sein desconseils d’administrationdes ordres. Des amélio-rations seront apportéesà la gouvernance de cesconseils, entre autrespour prévenir les conflits

d’intérêt. L’encadrement disci-plinaire ne touchera plus seule-ment les individus, mais il en-globera aussi les firmes profes-sionnelles, toujours dans le butde renforcer la protection dupublic. Et les sanctions serontplus dissuasives. « Ces outilsdonneront plus de mordant ausystème», résume M. Renauld.

Le CIQ veut avoir voix auchapitre en éducation

Autre dossier important auCIQ : ajuster la collaborationentre les ordres profession-

nels et les établissements d’en-seignement. « Quelque 400programmes universitaires etcollégiaux mènent ultérieure-ment à l’obtention d’un permisprofessionnel, souligne Fran-çois Renauld. Nous sommes despartenaires naturels, mais mal-heureusement la relation n’estpas optimale. Nous souhaitonsune collaboration plus ouverteet plus soutenue. Les établisse-ments devraient être obligés deconsulter l’ordre professionnelconcerné lors de l’élaborationou de la révision d’un pro-gramme d’études qui donne ou-ver ture à un permis. Un telsuivi permettrait de mieux sou-tenir l’évolution des professions.»

Le CIQ a écrit ces demandesnoir sur blanc et les a faitconnaître lors du Sommet surl’enseignement supérieur quis’est tenu en février dernier.Les ordres ont obtenu satisfac-tion, puisque le rapport Corbo,issu du chantier sur le Conseilnational des universités (CNU),leur a donné raison.

« Toutefois, pour nous assu-rer d’avoir voix au chapitre, ilnous apparaît essentiel qu’aumoins une personne du milieudes ordres figure parmi les cinqmembres de la société civile quiseront désignés au sein du futurCNU», insiste M. Renauld.

Le CIQ suivra donc de prèsce dossier, dont les suites se-ront annoncées cet automne.

CollaboratriceLe Devoir

Il faut redonner aupublic le moyen de

reprendre confianceen ses ordres

professionnels

Le Conseil interprofessionneldu Québec multiplie lesinitiatives pour assurer

une meilleure protection de la population

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Un travailleur québécois sur douze est un professionnel.

La confiance du public à l’égard des

ordres professionnels s’est ef fritée au

cours des dernières années. Leur capacité

à protéger la population est mise en doute.

Il faut dire que l’actualité n’a cessé

de nourrir les suspicions, la commission

Charbonneau en donnant l’exemple

le plus éloquent. Le Conseil

interprofessionnel du Québec (CIQ)

s’est donné pour mission de renverser la

vapeur. «Les ordres sont, par

définition, des bâtisseurs de

confiance et entendent bien

le prouver», déclare son président,

François Renauld.

François Renauld

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LE P, C’EST POUR PROFESSIONNEL.Il y a plus d’un an déjà, les trois ordres comptables du Québec se regroupaient sous la nouvelle bannière CPA.

Pourquoi? Parce qu’une profession comptable unie et guidée par les plus hauts standards de pratique et d’éthique répondra plus efficacement aux besoins des organisationsen plus de mieux servir l’intérêt du public.

cpa-quebec.com

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Fiersde peser dans la balance.En s’impliquant dans la réforme du droit d’ici et d’ailleurs et dans l’amélioration de l’éthique professionnelle, le Barreau du Québec et ses bénévoles contribuent chaque jour à l’avancement de la justice.

OFFICE DES PROFESSIONS

Il faut regagner la confiance du public« Nous avons demandé aux ordres professionnels de mettre la prévention davantage au cœur de leurs actions »

L'Ordre des conseillers et conseillères d'orientation : un repère depuis 50 ans

www.orientation.qc.ca

5 e A N N I V E R S A I R E50 ans passés à préparer l’avenir

M A R T I N E L E T A R T E

La confiance envers les or-dres professionnels est le

thème cette année de la Se-maine des professionnels. C’estaussi un élément important surlequel travaille Jean Paul Dutri-sac, président de l’Office desprofessions du Québec, depuisson arrivée en poste, en 2007.Alors que les efforts commen-cent à porter leurs fruits, no-tamment avec l’annonce de lacréation du Bureau des prési-dents des conseils de discipline,d’autres projets importants sonten cours, comme la préparationd’un projet de loi omnibus pourréformer le Code des profes-sions du Québec.

«Nous avons invité les ordresprofessionnels à nous faire leursrecommandations pour moder-niser le Code et j’ai mis enplace, à l’Of fice, des chantierssur dif férentes thématiques im-portantes, pour arriver avec desmodifications qui prendront encompte les nouvelles réalités dela pratique», affirme M. Dutri-sac, qui souhaite déposer sonprojet de loi omnibus en 2014,année du 40e anniversaire de lacréation du système profes-sionnel québécois.

La gouvernance sera l’undes axes de réflexion. « Il y ades problèmes dans le systèmeprofessionnel et il faut amélio-rer les structures de gouver-nance pour qu’elles soient plusef ficientes, indique M. Dutri-sac. Probablement que, dans lanouvelle approche, nous accor-derons plus de place à la repré-sentation du public. On pour-rait augmenter le nombre de re-présentants du public dans les

conseils d’administration et lescomités statuaires, pour appro-cher les 40%. Nous croyons quele public se sentira mieux pro-tégé par les ordres profession-nels et aura plus confiance eneux s’il est mieux représenté. »

Un deuxième chantier por-tera sur l’exercice en société.«On sait par exemple que l’Or-dre des ingénieurs du Québecvoudrait pouvoir encadrer etsanctionner les firmes de génie»,précise Jean Paul Dutrisac.

Le processus d’indemnisa-tion et les formes d’encadre-ment des actes professionnelssont d’autres axes de réflexion,tout comme la justice discipli-naire. «Chaque étapedu processus discipli-naire sera revue pourvoir si nous pouvonsaméliorer le système etapporter plus de célé-rité, af firme le prési-dent de l’Of fice. Le public est souvent plusen contact avec lesmoyens curatifs quepréventifs de protec-tion du public qu’utili-sent les ordres professionnels. Siles moyens curatifs ne sont pasefficaces, il perd confiance.»

Bureau des présidentsDe grands changements en

matière de justice disciplinairesont déjà à prévoir, avec l’an-nonce en juin de la création duBureau des présidents desconseils de discipline.

« Le Bureau des présidentssera créé au sein de l’Office, in-dique M. Dutrisac. Les prési-dents y travailleront à tempsplein et seront des employés del’État, alors qu’actuellement ce

sont des avocats qui font sou-vent en même temps de la pra-tique privée. Avec la créationdu Bureau des présidents, unecollégialité pourra s’installer, etnous sommes convaincus quecela améliorera grandement lesystème disciplinaire. »

L’ O f f i c e e s p è r e q u e l e Bureau des présidents desconseils de discipline sera enplace au milieu de l’année 2014.« Nous devons passer à traverstout le processus d’appel de can-didatures et de sélection», pré-cise le président de l’Office desprofessions du Québec, qui aété reconduit en juin 2012 pourun mandat de cinq ans.

Réflexion, surveillance etaccompagnement

La dernière planification stra-tégique de l’Office, terminéel’an dernier, était axée sur la no-tion de protection du public.

Une grande réflexiona été faite sur le sujet.«On a abordé entre au-tres, avec les ordres, laquestion des compé-tences à maîtriser pouravoir accès à la profes-sion et l’importance dela formation continue,explique M. Dutrisac.Nous travaillons aussiavec les ordres pouraméliorer la communi-

cation avec le public qui re-cherche de l’information. Ons’est également questionné à sa-voir si, en matière de redditionde comptes et de transparence, laréalisation d’un rapport annuelest suffisante.»

L’Office a même proposé unnouveau rôle sociétal aux or-dres professionnels. « Nousvoulons qu’ils deviennent deréels pôles de compétences surles pratiques professionnelles etsur l’évolution des contextesdans lesquels évoluent les profes-sions, explique M. Dutrisac. Ilsy ont adhéré unanimement.»

Cette grande réflexion aamené l’Office des professionsà revoir son rôle de surveillance.«Nous voulons d’abord améliorerla rétroaction que nous faisonsauprès des ordres lorsque des ci-toyens nous font par t de pro-blèmes, indique M. Dutrisac. Ilspourront ainsi se doter possible-ment de moyens supplémentairesqui contribueront à améliorer laconfiance du public. De plus,nous allons réaliser une veillestratégique plus importante pourêtre à l’af fût des grandes ten-dances et des meilleures pra-tiques dans le monde profession-nel, ici et ailleurs.»

L’Of fice des professions travaillera également à accroî-t r e l ’ i m p o r t a n c e d u r ô l e d’accompagnateur.

«Nous avons demandé aux or-dres professionnels de mettre laprévention davantage au cœur deleurs actions et nous les aiderons àle faire en facilitant le partage desvisions et en diffusant l’informa-tion recueillie par notre veille stra-tégique pour qu’ils puissent s’eninspirer», explique M. Dutrisac.

Il est à prévoir que ces élé-ments se retrouveront dans laplanification stratégique de2014-2018 de l’Office, qui sou-haite travailler en continuité.

L’an dernier, Jean Paul Dutri-sac avait été préoccupé de voirles résultats d’un sondage réa-lisé pour le compte du Conseilinterprofessionnel du Québec.«La majorité de la population di-sait avoir confiance en leurs pro-fessionnels, mais seulement 11%comprenaient que les ordres pro-fessionnels étaient là pour proté-ger le public et non leurs mem-bres. Il y a un problème de per-ception. Nous pensons que notrenouvelle approche en matière deprotection du public et de surveil-lance améliorera la confiance dupublic.»

CollaboratriceLe Devoir

Alors que la confiance du public envers le système profession-nel souf fre des révélations faites devant la commission Char-bonneau, l’Of fice des professions du Québec multiplie les ef forts pour améliorer ses mécanismes et mieux protéger les citoyens.

PAUL LABELLE PHOTOGRAPHE INC.

Jean Paul Dutrisac croit qu’il y a un problème de perception desordres professionnels dans la population.

De grandschangementsen matière de justicedisciplinairesont déjà à prévoir

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SEMAINE DES PROFESSIONNELS

Peut-on imaginer le Québec de l’après-commission Charbonneau?« Les ordres et les syndics ne peuvent pas tout faire »

A N D R É L A V O I E

P our Jean-François Thuot,une semaine dans l’année,

ce n’est pas trop pour célébrerle travail de 366000 profession-nels québécois répartis entre45 ordres. Ils sont aussi bien

médecins qu’ingénieurs, psy-chologues que dentistes, ouencore sages-femmes et…sexologues. En effet, l’Ordredes sexologues du Québecvient tout juste de joindre lesrangs, cette profession comp-tant maintenant parmi les 53of ficiellement reconnues.Mais cette reconnaissance im-pose aussi des responsabilités.

Même en suivant l’actualitéd’un œil distrait, il est facilede constater que ces obliga-tions sont parfois malmenées.Et ce n’est pas un hasard sil’un des temps forts de la Se-maine sera la tenue d’uneconférence et de groupes dediscussion por tant un titreplutôt évocateur : « Imaginerle Québec de l’après-commis-sion Charbonneau ».

Ce temps de réflexion setiendra le 16 octobre prochainau Centre des sciences deMontréal et, pour Jean-Fran-çois Thuot, il apparaissait in-contournable. « Cette cin-quième édition de la Semainecoïncide avec des événementsimportants pour toute la popu-lation québécoise, souligne-t-il.Pour le CIQ, la commissionCharbonneau, c’est devenu unsymbole de la crise de confianceentre la population et ses repré-sentants publics. Parmi eux, ondoit malheureusement aussicompter des professionnels etdes systèmes professionnels. »

CrédibilitéAu-delà de ce triste constat

et de ce que Jean-FrançoisThuot qualifie de « déficit decrédibilité », le CIQ ne restepas les bras croisés, cherchantà réa f f i r mer son rô le de rassembleur auprès de ses membres et d’éveilleur deconscience à l’égard de l’opi-nion publique. « Nous sommesla voix collective des ordres surdes sujets d’intérêt commun.»

Il rappelle également une ca-ractéristique fondamentale dusystème professionnel québé-cois. « Il y a ici une loi-cadre,un code, pour toutes les profes-sions, peu importe le domained’activité. La sage-femme estdonc soumise à des mécanismesde surveillance et d’encadre-ment semblables à ceux qui s’ap-pliquent au chimiste, au géo-logue et au dentiste. C’estunique au Canada, sinon dansle monde. »

Les esprits cyniques diront

que ces «mécanismes» se sontparfois déréglés au cours desdernières années, provoquantdes dérapages qui s’étalent jus-tement devant la désormais cé-lèbre commission Charbon-neau. Jean-François Thuot enappelle à la vigilance d’un pu-blic «de plus en plus informé etéduqué», tient-il à préciser.

« Les ordres et les syndics nepeuvent pas tout faire. Le pu-blic joue un rôle essentiel dansle rendement de ces méca-nismes. S’il n’est pas satisfaitd’un service professionnel, ildoit mettre les ordres dans lecoup, car ceux-ci ont la respon-sabilité de s’assurer que le dos-sier est mené rondement. Et,pour cela, au nom des 45 or-dres, le CIQ doit mieux infor-mer les citoyens sur leurs re-

cours, sur ce qu’est un ordreprofessionnel, son mandat etson rôle dans le développementdu Québec. »

Variationsdémographiques

Les délais par fois indusdans le traitement des plaintesreprésentent d’ailleurs un desenjeux étroitement surveilléspar le CIQ, mais ce n’est pas leseul. « La question de la démo-graphie nous interpelle, affirmele directeur général. On an-nonce une baisse des inscrip-tions dans les cégeps et ellerisque de se répercuter dans lesuniversités. Ce n’est pas unesurprise, parce que les projec-tions nous l’annonçaient depuisquelques années. Mais ça nousinquiète, dans la mesure où lecorps professionnel, qui a aug-menté [il était de 357 000 l’andernier], risque de diminuerdans un contexte où la popula-tion vieillit. On a une préoccu-pation quant à notre capacitécomme société de produire assez de professionnels pour sub-venir aux besoins, à moyenterme.»

Le maintien de cette capa-cité passe par la concertationavec le milieu de l’éducation,

tout particulièrement les sec-teurs collégial et universitaire,car ces derniers offrent « 400programmes d’études qui don-nent des ouvertures à des per-mis de pratique, précise Jean-François Thuot. C’est pourcette raison que la qualité de larelation entre les ordres et lesétablissements d’enseignementest prioritaire. C’est là qu’onforme en partie les structuresprofessionnelles. »

Si on ajoute à ce tableau laquestion épineuse des équiva-lences pour les nouveaux arri-vants, l’accès aux formationsd’appoint et le coût par foisélevé de la reconnaissanced’un diplôme obtenu à l’étran-ger, le CIQ ne pour ra tout régler en une semaine.

Dans ce contexte, l’événe-ment doit durer, assure le di-recteur général. « Plus on vaparler des ordres, plus les profes-sionnels vont se sentir fiers d’ap-partenir à un ordre et à un sys-tème professionnels. » Mêmeaprès la commission Charbon-neau ? «On va se retrousser lesmanches pour pousser les mem-bres à faire des changements. »

CollaborateurLe Devoir

Les préjugés sont parfois tenaces, dont cette conviction queles ordres professionnels protègent les intérêts de leurs mem-bres plutôt que ceux du grand public. Jean-François Thuot, di-recteur général du Conseil interprofessionnel du Québec(CIQ), ne ménage pas ses ef forts pour déconstruire quelquesmythes, et particulièrement pendant la Semaine des profes-sionnels qui se tient du 15 au 18 octobre.

Outre leur rôle dans l’accès aux ressources minérales, les géologues ont un rôle primordial pour protéger le public dans l’alimentation en eau souterraine, la gestion de la contamination des terrains et la prévention des risques naturels. Pour une opinion compétente, faites appel à un professionnel qui connait le terrain en vous assurant qu’elle ou il soit membre de l’Ordre des géologues.

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www.ogq.qc.ca

PEDRO RUIZ LE DEVOIR

Jean-François Thuot, directeur général du Conseil interprofessionnel du Québec

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Pour le CIQ, la commission Charbonneau est devenue un symbolede la crise de confiance entre la population et ses représentantspublics, af firme Jean-François Thuot.

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P R O F E S S I O N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3 G 5

CODES DE CONDUITE

L’éthique comme nécessité

É M I L I E C O R R I V E A U

«Q uand on nous parle desolutions à apporter aux

manquements à l’éthique, tout cedont on nous parle, c’est de struc-tures, note René Villemure. Orl’éthique est un élément de cul-ture et une affaire de sens.»

Confusion des genresDéfinie par M. Villemure

comme l’ensemble des concep-tions morales dictant uneconduite, l ’éthique est unconcept souvent mécompris.Alors que celle-ci se rapporte ausens et aux valeurs, on a ten-dance à lui attribuer une fonc-tion déontologique.

D’après l’éthicien, il s’agit làd’un problème important. « Jedis souvent que l’éthique, c’est lesujet qui a la plus forte notoriétéet le plus bas niveau de connais-sance. En entreprise, dans lesmunicipalités, au gouvernement,on demande à des juristes de secharger d’éthique, mais ce dontils traitent en fait, c’est de déonto-logie. Ils créent des règles pour ré-gir un exercice. Or les règles nesont pas suffisantes. La déontolo-gie, il faut y réfléchir en amont.»

Dans le même esprit, M. Vil-lemure note que beaucoup d’en-treprises confondent valeurs,motivations et objectifs. Auxdires de l’éthicien, trop d’organi-sations ont tendance à utiliserdes vocables comme «producti-

vité» ou «efficacité» pour cer-ner les valeurs qui guident leurmission, alors qu’en fait ceux-cin’ont aucune teneur éthique.

« Je ne dis pas que ça n’a passa place en entreprise, mais cestermes-là font référence à la ges-tion, pas à l’éthique, souligneM. Villemure. La valeur doitm’indiquer un sens.Or, quand le sens, c’estla productivité, honnê-tement, la corruption,c’est une bonne idée!»

Même concept pourles si populaires «plai-sir », « créativité » et« innovation » dontsont truffés les codesd ’é th ique d ’entr e -prise : « Ce n’est pasutile, ça ! Une valeur,cela a deux caractéris-tiques impératives.Cela a un contenu mo-ral nécessairement po-sitif et ça contient sapropre raison d’être.Par exemple, l’honnê-teté. C’est moralementpositif, car il n’y a pasde façon malhonnêted ’ê tre honnête . Çacontient également sa propre rai-son d’être. L’éthique, ça se basesur ces valeurs-là. Pour parlerd’éthique, il faut qu’il y ait des va-leurs morales qui émanent de lamission et qu’on les rende claires,praticables, fortes et partagées»,explique-t-il.

Pour répondre aux pro-b l è m e s d e m a n q u e m e n téthique que vit le Québec,M. Villemure estime qu’il y aencore beaucoup à faire. Loind’être en défaveur des guidesde bonne conduite ou descodes de déontologie, il sou-ligne que ceux-ci doivent impé-rativement s’inscrire dans unedémarche d’une plus granderéflexion.

« Ce qu’il faut parvenir àfaire, c’est de réintroduire lesens, affirme l’éthicien. Le sens,c’est la direction. Sans direction,on s’égare. Et l’égarement, çamène à la faute et à l’incon-duite. Il est temps d’entamerune réflexion en profondeur. Aupoint où on en est, l’éthique, ce

n’est plus un luxe, c’estune nécessité. Rame-ner une dose d’huma-nisme dans la société,ça ferait du bien àtous les niveaux.»

Facile à dire, maiscomment faire pour yparvenir? D’abord, ensensibilisant davan-tage les dirigeants enplace aux réalités del’éthique, croit l’éthi-cien. « Changer uneculture, ça ne se faitpas en claquant desdoigts. Ça prend desannées de “faire autre-ment”. Il faut avoir unhorizon humain. Ilfaut faire comprendreaux dirigeants que cen’est pas à coups de for-mations de trois

heures ou de codes d’éthiquequ’ils vont transformer leurs fa-çons de faire. Il faut leur pointerdes entreprises exemplaires quiréussissent bien, susciter chezeux le désir de faire les change-ments nécessaires.»

Ensuite, en accordant une

plus grande place à l’éthiquedans le système scolaire, parti-culièrement au cégep et à l’uni-versité. « Je pense qu’on doitdonner aux jeunes la chance dese poser des ques t ions , d i tM. Villemure. Pour bien desgens, le cégep, c’est le seul mo-ment où on peut se questionnersur le pourquoi des choses. Àl’université également, je croisqu’on ne devrait pas extraire lessciences humaines des pro-grammes. Actuellement, onforme beaucoup de techniciensqui, avec leurs diplômes, sontcapables de dire comment fonc-tionnent les choses, mais pour-

quoi elles fonctionnent commeça, par contre, ça les embête ! »

Refonte électoraleEn fin de compte, M. Ville-

mure juge qu’on devrait égale-ment revoir notre systèmeélectoral. Il souligne que,lorsqu’on élit un par ti pourquatre ans, il y a de grandeschances que les actions de ce-lui-ci soient davantage guidéespar des motivations électora-listes que par la poursuite dubien commun.

« Je crois qu’il va falloir met-tre en place des modèles deconfiance dif férents, confie

l’éthicien. Je pense par exempleà la possibilité de rappeler desdéputés lorsqu’ils ne sont pasadéquats. Il faudra aussi faireplus de consultations publiques,donner plus souvent la parole àla population, etc. »

Si M. Villemure est d’avisque ce n’est pas demain laveille que seront résolus lespr oblèmes du Québec en matière de manquements àl’éthique, il assure tout demême avoir confiance dans lesgénérations à venir.

« L’autorité a migré d’unconcept hiérarchique absoluvers le sens. Il y a toute une gé-nération de jeunes actuellementqui disent non lorsqu’ils ne sontpas d’accord. Ce sont des jeunesqui se questionnent. Ils ont par-fois l’air d’être désabusés, maisc’est parce qu’ils ont un idéal etque celui-ci a été éteint. Saufque, contrairement à bien desadultes, il leur reste une petiteétincelle qui ne demande qu’àêtre rallumée. J’ai une grandefoi en eux. »

Semaine desprofessionnels

Le 16 octobre prochain,dans le cadre de la cinquièmeédition de la Semaine des pro-fessionnels, laquelle sera te-nue sous le thème de laconfiance envers les ordresprofessionnels, René Ville-mure participera au groupe dediscussion « Imaginez le Qué-bec de l’après-Charbonneau ».Pour l’occasion, il réfléchira àla question de la sévérité dessanctions prises contre lescontrevenants.

CollaboratriceLe Devoir

Pour plus de détails :www.ethique.net.

Ces derniers mois, particulièrement depuis les débuts de lacommission Charbonneau, le terme «éthique» est sur toutesles lèvres. En créant de nouvelles politiques et en formulantde plus stricts codes de conduite, le Québec tente d’ef fectuerun grand ménage dans ses organisations. Or René Villemure,éthicien, indique que la province fait fausse route si elle croitrégler ses problèmes d’ordre moral en se contentant d’em-ployer des solutions structurelles.

FIER PARTENAIRE DE LA SEMAINE DES PROFESSIONNELS!!

desjardins.com/professionnels

Détails et conditions sur desjardins.com/professionnels.

Dion

Desjardins o"re aux professionnels du milieu des a"aires et de la santé une gamme d’avantages adaptés à leur réalité.

SOURCE CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU QUÉBEC

Selon l’éthicien René Villemure, l’éthique est le sujet qui a la plusforte notoriété et le plus bas niveau de connaissance.

«Il faut fairecomprendreaux dirigeantsque ce n’estpas à coups deformations detrois heuresou de codesd’éthiquequ’ils vonttransformerleurs façonsde faire»

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3G 6

URBANISTESUN DEMI -S IÈCLE D ’ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES

Ils sont quelque 800 urbanistes à être mem-bres d’un ordre professionnel au Québec,dont le vaste mandat se rapporte à la planifi-cation et à la gestion du développement rural,urbain et régional. Ils sont des guides qui uti-lisent leurs compétences pour éclairer lesélus et les citoyens dans leur prise de déci-sions af fectant les territoires et leurs habi-tants. À l’occasion des 50 ans d’existence del’Ordre des urbanistes du Québec, son prési-dent, Rober t Cooke, jette un éclairage surcette profession.

R É G I N A L D H A R V E Y

Qu’en est-il au juste des interventionsde l’urbaniste? «Son rôle, c’est de s’as-surer que les projets de développementsur l’ensemble du territoire dans unsecteur particulier soient intégrés et

respectent les règles de l’art en ce qui concerne,bien sûr, le développement durable : on parle d’in-tégration sur les plans social et écologique, tout entenant compte de l’aspect économique.» Il fournitcette explication : « Souvent, la problématiqueéconomique se pose du fait que le promoteur im-mobilier s’en tient uniquement à une rentabilitéfinancière, alors que l’urbaniste se doit de sensibi-liser les différents intervenants qui œuvrent dansle domaine de l’aménagement du territoire ; il luirevient de s’assurer justement de l’intégration del’ensemble des activités qui s’y déroulent.»

InterdisciplinaritéL’interdisciplinarité compte pour beaucoup

dans l’exercice d’une profession qui s’intéressenotamment au développement immobilier et àl’aménagement du territoire : « Ef fectivement.Un urbaniste ne peut exercer dans son milieusans considérer la capacité portante des lieux etcelle des réseaux existants ; on se doit de faire af-faire avec un ingénieur en structure pour leslieux et de recourir à un ingénieur civil pour lesréseaux d’aqueduc et d’égout. Si on se tourne versun projet dans un secteur dense qui va concerner1000 ou 2000 logements additionnels, il va yavoir une conséquence sur la circulation. Si onparle de mettre en valeur un site, cette opérationexige que le volet écologique entre en ligne decompte, parce que c’est un milieu naturel quisera urbanisé : est-ce qu’on détruit des milieuxqui sont sensibles ou est-ce qu’on les met en va-leur dans un tel cas?»

Dans toutes ces situations, plusieurs profes-sions sont en cause : « Il y a des choix à faire àl’intérieur de tout cela. Donc, biologistes, ingé-nieurs et architectes sont mis à contribution surle type de bâtiment qui doit être construit, surson style architectural et sur son intégration dansson environnement. Quand on pense à mettre envaleur un secteur d’une municipalité, tous ceséléments font partie des enjeux et on doit travail-ler en étroite collaboration avec les différents pro-fessionnels qui sont concernés. »

Questionné sur l’existence d’une harmonisa-tion dans le travail de ces gens issus de divershorizons, Robert Cooke signale que la profes-sion a beaucoup évolué : « Il y a quelques an-

nées, on considérait souvent les urbanistescomme des penseurs et des rêveurs. Aujourd’hui,on n’a pas d’autre choix que de s’asseoir avectous les intervenants, et il est devenu impossiblede ne pas accorder une importance majeure aurôle de l’urbaniste dans une perspective de déve-loppement durable ; il a un rôle d’intégrateur desdiverses activités professionnelles et il doit s’assu-rer que les différents professionnels se parlent, cequi est devenu extrêmement important. »

La valeur ajoutée à l’urbanisteAu chapitre de la transparence et de la crédi-

bilité inhérentes aux décisions prises en urba-nisme, l’urbaniste lui-même est tributaire enquelque sorte du politique : «Cela passe par lerôle direct qu’il a à jouer, dès la base, avec le mi-lieu municipal et avec le niveau gouvernemen-tal.» Il existe de grandes orientations gouverne-mentales qui sont intégrées dans les divers do-cuments de planification que sont les schémasd’aménagement dans les régions et les plansd’aménagement dans les communautés métro-politaines ; il en découle des plans d’urbanismepour les municipalités constituantes et des rè-glements applicables auprès de la population.

Au point de départ, il appartient à la profes-sion de guider les élus : «On intervient pour lesaider à déterminer des orientations. Je crois que lerôle de l’urbanisme au Québec, c’est de s’assurerque les personnes qui conseillent les décideurs élusdans tous les ordres de gouvernement soient com-pétentes et respectent les règles de l’art ; l’impor-tance de la profession ici, c’est de s’assurer que lesurbanistes répondent à des critères très précis enmatière de formation et d’acquis professionnels.»

Le temps étant venu d’aborder l’aspect de laprotection du public par l’ordre, le président seprononce de la sorte : «Cette protection relève dela formation des membres, parce que c’est un ti-tre réservé et qu’il n’y a pas d’actes qui soient ré-servés en urbanisme, contrairement à certainesautres professions, notamment en santé. Cer-taines personnes qui n’ont pas nécessairement lescompétences pour œuvrer comme urbaniste lefont en émettant des recommandations, sans quele citoyen puisse profiter des recours pour se pro-téger dans un tel cas. Je considère donc que, dans

un premier temps, l’acte doit être réservé. »Il lui est difficile d’indiquer des points précis

sur lesquels pourraient porter des plaintes decitoyens, en raison de la nature même de laprofession : « Ce sont les élus qui finalementprennent les décisions. De notre côté, on doit s’as-surer que l’analyse a été bien menée, que l’infor-mation est complète et qu’on présente toutes lesoptions susceptibles d’éclairer les décisions ; onpasse par le volet politique. »

Congrès anniversaire« Civiliser le changement », tel est le thème

du congrès du 50e anniversaire de l’Ordre, quise tiendra du 23 au 25 octobre. Robert Cookeexplique de quoi il en retourne : « Ça veut dire

s’ajuster à l’évolution de ce qui se passe ; c’est in-tervenir pour faire du développement durable enconsidérant l’ensemble du développement et lacomplexité de l’aménagement du territoire. C’estune mise à niveau en fonction de l’évolution dela civilisation. »

Ce type de développement a eu un impactmajeur sur la profession : « Il a forcé à intégrerles intérêts divergents vers un consensus, qu’ils’agisse des économistes, des promoteurs, des éco-logistes ou des ingénieurs. On veut que ce congrèsserve à sensibiliser l’ensemble des professionnelset les nôtres à la réalité d’aujourd’hui. »

CollaborateurLe Devoir

L’urbaniste, un intégrateur en matière de développement durableLe congrès anniversaire voudra rien de moins que « civiliser le changement »

OLIVIER ZUIDA

Un des rôles de l’urbaniste est de s’assurer que les projets de développement sur l’ensemble duterritoire dans un secteur particulier soient intégrés et respectent les règles de l’art.

PEDRO RUIZ LE DEVOIR

Quand on parle de mettre en valeur un site, cetteopération exige que le volet écologique entre enligne de compte dans le travail de l’urbaniste.

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U R B A N I S T E SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3 G 7

Clément Demers était encore sur les bancsd’école lorsque fut créé l’Ordre des urba-nistes en 1963 ; quelques années plus tard, àl’époque où on creusait le métro de Montréalet où Expo 67 prenait lentement forme au mi-lieu du fleuve Saint-Laurent, il étudiait en ar-chitecture à l’Université de Montréal. Pasétonnant qu’il ait suivi alors avec intérêt lesdiscussions ayant entouré le premier exercicede planification urbaine tenu ici en 1967,sous le vocable de «Montréal, horizon 2000».

M I C H E L B É L A I R

«P our la première fois ici, explique Clé-ment Demers, en faisant un retour dans

le temps, des architectes, des sociologues, des ges-tionnaires et des urbanistes articulaient un planglobal, une vision de ce que pouvait devenir toutela grande région de Montréal. On y parlait detransports en commun, d’aménagement et de dé-veloppement d’infrastructures communes, maisaussi de mesures à mettre en place pour contrô-ler la spéculation sur les terres autour de la ville,afin de densifier l’occupation du territoire.C’était une approche d’avant-garde reflétant plei-nement le triomphe d’accessibilité et d’ouvertureau monde que fut Expo 67. Un véritable travailde visionnaires…»

Sauf qu’à l’époque, on le sait, deux écoles s’af-frontaient, et les idées du clan des « vision-naires » ont cédé devant celles des « pragma-tistes »… et leur chapelet d’autoroutes etd’échangeurs entourant — perforant même! —le tissu urbain du Grand Montréal. Avec aussi,comme conséquence plus ou moins souhaitable,le développement anarchique des banlieues,l’apothéose du béton et la congestion routièrepresque permanente. Il aura fallu presque undemi-siècle pour commencer à ne réparerqu’une partie de ce très mauvais choix…

Penser globalementMais Clément Demers n’est pas pessimiste

pour autant : « Il faut toujours chercher à s’inspi-rer du meilleur et tenter de corriger le pire, dit-ilavec un sourire au coin de la voix. Je suis opti-miste et je ne suis pas le seul, puisqu’on a déposéplus de 300 mémoires lors des audiences sur lePlan métropolitain d’aménagement et de déve-loppement [PMAD] en 2011. C’est énorme pour

un sujet aussi peu sexy que le développement ré-gional et cela montre clairement que les genss’intéressent de plus en plus à ces questions quiles touchent directement. »

À la tête du grand chantier du Quartier inter-national de Montréal tout comme dans son rôlede gestionnaire du projet du Quartier des specta-cles, en plein cœur de la métropole, Clément De-mers joue depuis plusieurs années un rôle-clé demédiation dans l’aménagement du centre-ville.

« Médiation ne signifie pas compromis, pré-cise-t-il. L’urbaniste est un généraliste qui doit semontrer créatif, ne rien laisser tomber et faireplutôt réfléchir pour trouver des solutions nou-velles. L’urbanisme n’est pas une “spécialité”,c’est un métier qui nécessite un solide espritd’analyse et de synthèse. Un métier qui ramènetoujours au même objectif fondamental : vivre en-semble le plus harmonieusement possible dansun espace commun. Avouons toutefois que c’estlà une donnée quand même assez récente auQuébec ; nous ne partageons pas une culture ur-baine, contrairement aux citoyens des grandesvilles européennes. C’est pourquoi l’urbaniste

doit trouver le moyen de sensibiliser la popula-tion, comme tous les partenaires concernés, auxenjeux du développement urbain. »

C’est la raison pour laquelle il défend, entreautres, l’idée de prioriser le développement duGrand Montréal, à l’heure où s’impose de plusen plus le concept des grands ensembles ur-bains à l’échelle des mégapoles et même desmégalopoles. Il a ainsi déposé, aux audiencesdu PMAD tenues en 2011, un mémoire(« Quand la compétition locale nuit à la compé-titivité internationale du Grand Montréal ») in-sistant sur la nécessité de mettre fin aux divi-sions et de penser de plus en plus globalementle développement, dans le contexte de cesgrandes villes-régions qui prennent forme unpeu partout.

Il y cite l’exemple de l’Europe, où on pensede plus en plus le développement des serviceset des projets en fonction de grands axescomme la « Banane bleue », qui regroupe unchapelet de grandes villes situées entre Lon-dres et Marseille, ou encore « l’Arc méditerra-néen », un vaste demi-cercle s’étendant de Va-

lencia, en Espagne, jusqu’à Rome — une bonnecentaine de millions d’habitants dans les deuxcas. En Amérique du Nord, les urbanistes et lesdéveloppeurs visionnaires parlent plutôt desaxes ChiPitts et BosWash. Clément Demerspense qu’il importe de commencer à planifier leplus tôt possible en fonction du corridor Qué-bec-Windsor, afin de se greffer aux projets demise en valeur des actifs de l’axe Chicago-Pitts-burgh (ChiPitts) tout autant que celui rejoi-gnant Boston et Washington (BosWash). Mont-réal jouit, selon lui, d’une position enviabledans ce contexte.

Qualité et convivialitéNous en sommes donc à devoir favoriser les

grands projets rassembleurs qui réunissent au-tant les concepteurs et les développeurs que lescitoyens. En ce sens, la vision de l’urbaniste re-flète concrètement une vision collective d’occu-pation du territoire. Malgré l’existence d’hor-reurs comme l’échangeur Turcot ou la tran-chée Décarie, il est toujours possible de «conta-miner les gens par de bons projets »… Il y a tou-jours place pour des initiatives redéfinissantl’espace public en le rendant plus accessible,plus convivial aussi….

«La qualité entraîne la qualité, souligne en-core Clément Demers. Un plan d’urbanisme est,par définition, un projet rassembleur relié à tousles métiers ; il amène les concepteurs, les créa-teurs et les citoyens à mieux vivre ensemble. Laville se fait tous les jours ; c’est en quelque sorte letémoignage le plus concret de notre culture. Pourque cela prenne vraiment forme, l’urbaniste doitproposer des projets stimulants qui touchent lesgens qui vivent dans la ville et qui y travaillent ;penser plus en termes d’investissements que dedépenses. Il faut redonner aux citoyens le goût demarcher dans leur ville, de se la réapproprier enchoisissant la mise en valeur des actifs qui sontdéjà là, comme on l’a fait, par exemple, en reva-lorisant le Vieux-Montréal et le canal de La-chine. Ou encore en transformant une zone plusou moins dévastée comme le Quartier des specta-cles… si je prêche pour ma paroisse. »

« Une ville comme Montréal, conclut-il, faitpar tie d’un grand ensemble [le nord-est ducontinent américain] et n’a pas d’autre choix quede se démarquer par son originalité. »

Beau programme, non?

CollaborateurLe Devoir

DU QUARTIER INTERNATIONAL AU PMAD

«Un plan d’urbanisme est, par définition, un projet rassembleur»Le développement de Montréal doit être pensé à l’échelle continentale

CONGRÈS ANNUEL DES URBANISTES

23 AU 25 OCTOBRE 2013 PALAIS DES CONGRÈS DE MONTRÉAL

LES URBANISTES, CINQUANTE ANS À CIVILISER LE CHANGEMENT

PEDRO RUIZ LE DEVOIR

Malgré l’existence d’horreurs comme l’échangeur Turcot, il est toujours possible de « contaminer lesgens par de bons projets », croit Clément Demers.

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U R B A N I S T E SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3G 8

Une loi est demandée pour améliorer l’imputabilitéprofessionnelle des urbanistesAu Québec, on peut déposer des projets d’urbanisme sans être urbanistes

É T I E N N E P L A M O N D O N É M O N D

L e projet de loi sur l’aména-gement durable du terri-

toire et l’urbanisme est mortau feuilleton. Sylvain Gau-dreault, ministre des Affairesmunicipales, des Régions et del’Occupation du ter ritoire,s’est engagé lors du derniercongrès de l’Union des munici-palités du Québec (UMQ), quis’est déroulé du 9 au 11 maidernier au Palais des congrèsde Montréal, à revoir la Loisur l’aménagement et l’urba-nisme. Au ministère des Af-faires municipales, des Ré-gions et de l’Occupation du ter-ritoire (MAMROT), on assureque « les travaux en ce sens ontdébuté».

Pour l’Ordre des urbanistesdu Québec (OUQ), cette révi-sion est perçue comme unpoint charnière. D’abord, elleconstitue la voie par laquelle

elle espère pouvoir rendre im-putables les professionnelsproduisant des avis d’urba-nisme. « Actuellement, n’im-porte qui peut être consultanten urbanisme », s’inquièteClaude Beaulac, directeur gé-néral de l’Ordre des urba-nistes du Québec.

Champs d’interventionLors des consultations qui

ont entouré l’avant-projet deloi du gouvernement Charest,l’OUQ avait recommandé quela responsabilité des urba-nistes soit juridiquement re-connue en ce qui concerne lasupervision professionnelle del’élaboration des instrumentsde planification du développe-ment et de l’aménagement duterritoire ou de réglementa-tion d’urbanisme. De plus, lanouvelle loi devait, selonl’OUQ, réser ver aux urba-nistes l’émission d’avis profes-sionnels à l’égard de la confor-

mité des documents d’aména-gement et d’urbanisme.

Du même souf fle, l ’OUQsoulignait qu’elle était lamieux placée pour valider lescompétences professionnelleset veiller au respect d’un codede déontologie dans le do-maine de l’urbanisme. Une de-mande cruciale « au momentoù le cynisme de la populationenvers ses élus, ses institutionset ses professionnels ne va qu’ens’accroissant », indiquait le mé-moire présenté le 24 avril2011, dans le cadre des consul-tations ayant entouré l’avant-projet de loi de la LADTU.

Des plaintes sans suite…À l’autre bout du fil, M Beau-

lac explique que, en 2013, il ya toujours des professionnelsqui s’improvisent consultantsen urbanisme, avec ou sans di-plôme, sans être membres del’Ordre. Ainsi, lorsque desplaintes sont enregistrées au-près du syndic de l’OUQ, l’ins-tance se retrouve parfois sansrecours, puisque lesditesplaintes ne visent pas toujoursun membre de l’Ordre.

Pire, M. Beaulac raconteque, par fois, des profession-nels qui étaient membres del’Ordre se sont tout simple-ment désaffiliés lorsqu’ils ontappris qu’une plainte avait étéformulée contre eux auprès du

syndic. « La seule sanctionqu’on peut imposer, c’est : “Tune peux pas porter le titre d’ur-baniste.” C’est déjà arrivé. Lapersonne recommence à prati-quer, puis elle ne peut plus êtresanctionnée. Donc, on n’a plusde contrôle. »

Dans des cas comme ceux-là, impossible pour l’OUQ d’in-tervenir ou même d’enquêter,déplore M. Beaulac. «C’est unelacune. On veut jouer notre rôleimportant au niveau de la pro-tection du public, mais on n’apas l’outil qu’il faudrait. » SelonM. Beaulac, cette imputabilitédevrait être inscrite dans la Loisur l’aménagement et l’urba-nisme plutôt que dans une au-tre législation. « Il y a des loisprofessionnelles, mais, idéale-ment, dans la Loi sur l’aména-gement et l’urbanisme, ce seraitprobablement plus ciblé et plusrattaché aux mécanismes degouvernance qui sont prévus.Ce serait plus rattaché à cesactes qui sont de notre ressort.Je pense que c’est beaucoup plusdans ces mécanismes-là qu’on abesoin d’une protection.»

Repenser le rôle ducitoyen

Un autre aspect majeur àconsidérer dans une nouvelleloi sur l’aménagement et l’urba-nisme, selon M. Beaulac, c’estle rôle accordé aux citoyens ausein des consultations surl’aménagement et l’urbanisme.«À l’Ordre, on pense qu’il y a desmécanismes de référendum quisont lourds, qui ne sont pasadaptés aux réalités et qui de-vraient être revus et corrigés »,déclare M. Beaulac.

« Actuellement, les méca-nismes sont assez rigides. Ons’est rendu compte que lesconsultations publiques en finde projet, ça ne fonctionnaitpas parce que les gens sont enréaction négative. » D’ailleurs,les mécanismes de référen-dum rattachés au zonage « po-sent beaucoup d’insatisfactionet ne sont pas ef ficaces », jugeM. Beaulac. Selon l’OUQ, leplan d’urbanisme devrait da-vantage constituer le contratsocial entre les citoyens et lesélus. L’approbation référen-daire devrait donc être applica-ble à ces plans plutôt qu’au rè-glement de zonage.

«Les mécanismes de consulta-tion sont à revoir. Dans quellemesure les consultations enamont, on met ça dans la loi oudans les mécanismes de bonnegouvernance, plutôt que dansune loi comme telle ? Il y a desdiscussions à avoir là-dessuspour améliorer le processus, lerendre plus transparent et pluscréatif au niveau de la partici-pation des citoyens. »

Car M. Beaulac croit que,dans les projets où les urba-nistes, les élus et les promo-teurs ont tâté le pouls des ci-toyens en amont, « tout lemonde y gagne ». Même lespromoteurs, car leur projet de-

vient souvent mieux adapté aumilieu et gagne une meilleureréputation que s’il avait provo-qué une levée de boucliers.Les citoyens, quant à eux, peu-vent jouer un rôle plus proactifet plus positif dans l’élabora-tion d’un plan ou d’un projet,plutôt que d’être acculés àfaire des critiques. «Commentpeut-on encadrer ça sans êtret r o p r i g i d e ? , d e m a n d eM. Beaulac. Parce que, dans

chaque milieu, les mécanismesvont être dif férents, les interac-tions vont être dif férentes etl’ampleur des projets ne serapas la même.»

Citoyens et usagers d’unmême territoire

Lors du congrès de l’UOQ,qui se tiendra du 23 au 25 octo-bre prochain au Palais descongrès de Montréal, on discu-tera même de la notion de «ci-toyen» pour déterminer si elledevrait inclure tous les u s a -

g e r s d ’ u n t e r r i t o i r e ,comme ceux qui y travaillent,y font des sorties culturellesou y étudient, plutôt que de secantonner seulement aux rési-dants. Sans en faire un enjeupour la future loi sur l’aména-gement et l’urbanisme, la ré-flexion est lancée.

«Quand arrivent les électionsmunicipales, ce sont unique-ment ceux qui dorment ou lespropriétaires qui peuvent se

prononcer. La voix desrésidants est très fortepar rappor t aux au-tres usagers de la ville.Très souvent, les élussont sensibles à leursélecteurs et ça mèneparfois à des discoursqui opposent ceux qui

résident dans la ville à ceux quiy viennent à d’autres fins, ob-serve-t-il. Comment amène-t-onça dans le débat public ? Jepense que d’ouvrir cette ques-tion, c’est de faire réfléchir aufait qu’on ne vit pas seulement,en tant que citoyen, où on ha-bite et dor t, mais aussi où ontravaille et où on va faire nosautres activités. »

CollaborateurLe Devoir

Le projet de loi sur l’aménagement durable du territoire etl’urbanisme (LADTU), déposé par le gouvernement Charest le8 décembre 2011, est mort au feuilleton. Mais l’Ordre des ur-banistes du Québec (OUQ) voit toujours la révision de la Loisur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) comme un enjeu ca-pital pour améliorer l’imputabilité professionnelle des urba-nistes et mieux faire appel à la créativité des citoyens dans lesconsultations.

Portés par une vision renouvelée de lamunicipalité proposée dans le Livre blancmunicipal «L’avenir a un lieu», élus eturbanistes ont de nombreux défis à relever.

Ensemble, faisons émerger des solutionsinnovantes pour un aménagement durabledu territoire au bénéfice des générationsprésentes et futures.

L’Ordre des urbanistes du Québecsouffle ses 50 chandelles aumoment où le monde municipalprend un important virage.

Suivez-nous sur Twitter@UMQuebec

Qu’est-ce que c’est, le territoire québécois ? Qu’est-ce que c’est, le Nord ? Le Sud ? Qu’est-ce que c’est, l’appartenance ? Qu’est-ce que c’est, un territoire ? Simplement ce qui se trouve à l’intérieur des frontières ? Ou bien une manière de faire vivre une terre ? Une douzaine de penseurs et de marcheurs donnent leurs réponses.

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SOURCE PALAIS DES CONGRÈS

Lors du congrès de l’UOQ, qui se tiendra au Palais des congrèsde Montréal, on discutera même de la notion de « citoyen» pourdéterminer si elle devrait inclure tous les usagers d’un territoire.

«On veut jouer notre rôleimportant au niveau de la protection du public, mais on n’a pas l’outil qu’il faudrait»

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P R O F E S S I O N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3 G 9

Peu de professionnels conjuguent leur tâcheavec des questions morales et humaines, quitouchent l’ensemble de la société, comme lefont les médecins. Le groupe de travail enéthique clinique du Collège des médecins réfléchit aux grandes orientations de la pra-tique médicale et à leurs impacts sociaux.

S A R A H P O U L I N - C H A R T R A N D

M embre du groupe de travail en éthique cli-nique du Collège des médecins, le doc-

teur Yves Robert prend bien soin de remettreen perspective les réflexions du groupe : ellesne concernent pas directement l’éthique de tra-vail des médecins, puisque la pratique médicaleest déjà bien encadrée par le code de déontolo-gie. « Le groupe travaille sur des sujets éthiquesqui concernent la profession, mais qui abordentavant tout de grandes questions sociales. »

Malgré cette distinction, force est d’admet-tre que rares sont les professions où lesgrandes orientations éthiques ont un impactsocial aussi important. Aide médicale à mourir,dons d’organes ou commercialisation d’unecertaine branche de la médecine : les sujets quiméritent l’attention de ce groupe de réflexionne manquent pas.

Fin de vieDepuis 2009, le groupe de travail réfléchit à

un sujet sous haute surveillance : les soins enfin de vie. «Nous avons établi la position du Col-lège des médecins, rappelle le Dr Robert, qui estque notre code de déontologie aborde déjà laquestion de ces soins. »

L’ar ticle 58 du code de déontologie se litainsi : « Le médecin doit agir de telle sorte que ledécès d’un patient qui lui paraît inévitable sur-vienne dans la dignité. Il doit assurer à ce pa-tient le soutien et le soulagement appropriés. »« Nous disions donc que, dans notre interpréta-tion et notre application de cet article, si on aideun patient à mourir dans des conditions parti-culières, c’est un soin approprié. » En septem-bre, le groupe de travail a publiquement ap-puyé le projet de loi 52 concernant les soins defin en vie.

Mais le groupe de travail a aussi pris soin derappeler que la question de l’aide médicale àmourir ne relève pas seulement des médecins.« Nous parlions de l’interprétation que nous al-lions faire, dans notre juridiction, de notre codede déontologie, mais il y avait aussi des questionssans réponse et la société dans son ensemble de-vait se poser ces questions et y répondre », ex-plique le Dr Robert, également secrétaire duCollège des médecins.

Des questions aussi délicates ne déclenchentpas l’adhésion de tous les médecins québécois,et le groupe de travail en est bien conscient.« Nous avons salué le projet de loi 52 à ce titre,car il respectait le droit du médecin à l’objectionde conscience, explique le Dr Yves Robert. Nousn’avons aucun problème avec ça. C’est le même

principe dans le cas de l’avortement. On a droità l’objection de conscience, et le système sait s’or-ganiser pour que la profession médicale puissequand même répondre à un besoin des patients età un choix de société. »

Prévenir l’eugénisme?Le groupe de travail en éthique clinique

existe depuis 1999 et s’est penché, dans les der-nières années, sur les médecins à l’ère des mé-dias sociaux, sur les dons d’organes dans lescas d’arrêt cardiaque ou encore sur la procréa-tion assistée.

Dans les prochaines années, le groupe de tra-vail entend se pencher sur le cas de la géno-mique, autre sujet soulevant des questionséthiques importantes et porteuses de dérives

possibles. Actuellement, des patients peuventobtenir leur car te génétique, moyennantquelques centaines de dollars envoyés à des la-boratoires étrangers. La plupart des gens nepeuvent par contre pas analyser ce qui s’y re-trouve et se tournent alors vers leur médecin.

«On commence à peine à savoir comment in-terpréter ces résultats ou la présence de certainsgènes. On ne peut donc pas établir de façon abso-lue ni des pronostics, ni ce qu’il faudrait fairepour éviter que les pires pronostics se réalisent »,dit le Dr Robert. Et, ajoute-t-il, une fois qu’on aces informations personnelles en main, on nepeut plus ne pas savoir…

La capacité de déterminer si on est porteurd’un gène dès la naissance ou même avant in-quiète également le groupe de travail enéthique clinique. « On n’est pas loin de l’eugé-nisme…, avance le secrétaire du Collège desmédecins. Le problème n’est pas encore là, maison veut réfléchir à la question tout de suite, etnous souhaitons demander au gouvernement unencadrement dans la prescription de ces examens,afin qu’ils ne soient pas accessibles autrement quepar le biais d’un contrôle professionnel.»

Un autre des problèmes que soulèvent lescartes génétiques est la protection des informa-tions personnelles. Qui aura accès à ces infor-mations et où seront-elles stockées?

Dans les car tons du groupe de travail setrouve aussi la question de la « boutique méde-cine », qui englobe les services médicaux of-ferts sur une base privée, mais qui ne sont pasmédicalement requis : injections de Botox ouprescription de crèmes esthétiques, par exem-ple. «On est devant des actes qui sont à la fron-tière entre le commerce et la médecine », ex-plique le Dr Robert.

Des examens de laboratoire devraient aussipasser sous la loupe du groupe de travail dansles prochaines années. «L’aspect commercial decertains laboratoires nous préoccupe un peu, ditle Dr Robert. Ce n’est pas parce qu’on peut fairedu profit avec un examen que c’est nécessaire-ment une bonne idée de le rendre disponible dansle marché libre. »

CollaboratriceLe Devoir

COLLÈGE DES MÉDECINS

«On a droit à l’objection de conscience»Le groupe de travail en éthique clinique existe depuis 1999

La réputation du métier d’ingénieur a perdu des plumes aprèsles divers scandales de corruption et de collusion révélés aucours des dernières années. L’Ordre des ingénieurs du Qué-bec (OIQ) veut donner un sérieux coup de barre éthique enpoussant son encadrement vers un territoire jusqu’alors inex-ploré : les pratiques d’af faires des firmes qui emploient sesmembres.

INGÉNIEURS

Repousser les limites du système professionnel

Le travail de l’ingénieur influence toutes les facettes de notre vie au quotidien. Il est donc important de faire confiance aux ingénieurs et de nous appuyer sur leurs compétences.

L’Ordre des ingénieurs du Québec soutient ses quelque 60 000 membres pour les aider à respecter leurs obligations professionnelles. Il s’agit d’un engagement de tout instant pour assurer la protection du public et qui s’exprime concrètement sur plusieurs plans.

La création de la ligne 1 877 ÉTHIQUE (384-4783), pour répondre aussi bien aux questions du public qu’à celles des membres qui croient avoir été témoins d’une pratique douteuse de la part d’un ingénieur.

L’adoption d’un règlement sur la formation continue obligatoire, pour le maintien et l’amélioration des connaissances et des compétences.

L’instauration d’un cours obligatoire sur le professionnalisme visant à assurer de hauts standards en matière d’éthique et de déontologie.

Le programme d’audit, un encadrement des fi rmes qui o! rent des services d’ingénierie dans le but d’assurer une meilleure intégrité. L’adhésion est volontaire. L’Ordre agit afi n que les ingénieurs évoluent dans un contexte où ils peuvent remplir adéquatement leurs obligations déontologiques et professionnelles.

Le travail du Bureau du syndic, une équipe multidisciplinaire regroupant des enquêteurs, des ingénieurs, des avocats et des analystes-recherchistes. Le Bureau du syndic veille à ce que la pratique du génie se fasse en respectant les principes d’éthique et le Code de déontologie des ingénieurs.

LE GÉNIE ÇA NOUS REGARDE ET ON Y VOIT!!

www.oiq.qc.ca

C A R O L I N E R O D G E R S

«L a confiance du publicenvers la profession a

diminué de façon significativedans les dernières années, ditDaniel Lebel, président del’Ordre des ingénieurs. Avec lacommission Charbonneau, lephénomène s’est accentué. Aumilieu des années 2000, lessondages révélaient que le tauxde confiance de la populationenvers les ingénieurs était de74 %. Aujourd’hui, il n’est plusque de 51%.»

Une perte de confiance quidérange les ingénieurs. «C’estmalheureux, parce que les gestesd’une petite minorité d’ingé-nieurs éclaboussent l’ensemblede la profession. C’est pourquoinos membres nous demandentd’intervenir et de sanctionnerles fautifs le plus vite possible.»

Au cours de la dernière an-née, l’Ordre a travaillé pourdévelopper un programmed’encadrement et d’audits au-près des sociétés de génie-conseil.

« Notre système actuel nouspermet d’enquêter auprès denos membres et non auprès desorganisations qui les emploient.Nous avons décidé de repousserles limites du système profes-sionnel en mettant en place ceprogramme qui fera le tour despratiques d’af faires, des pra-tiques professionnelles, de l’oc-troi et de la gestion des contratset du développement des af-faires. Les firmes pourront yparticiper de façon volontaire. »

Normes pour lesentreprises

Pour que tout soit fait selonles règles de l’ar t, l’OIQ tra-vaille en collaboration avec le

Bureau de normalisation duQuébec pour développer unenorme privée. «À la fin du pro-cessus, le nom de la firme audi-tée sera publié dans un registrepublic, où nous allons certifierque, après avoir réalisé des au-dits, nous constatons que cetteentreprise agit avec intégrité etéthique », dit le président. Auprintemps 2014, de trois à cinqfirmes volontaires seront lespremières à se plier à cet exa-men, qui sera par la suite offertà l’ensemble du secteur.

En parallèle, l’Ordre conti-nuera d’assurer l’encadrementdisciplinaire individuel de sesmembres et travaillera sur laquestion de la prévention enleur offrant plus de formationstouchant l’éthique et la déonto-logie. «Nous allons notammentaborder l’indépendance profes-sionnelle, la gestion des contrats,les pratiques d’affaires et la ges-tion des travaux. Il faut mieuxoutiller nos ingénieurs, cela faitpar tie des solutions concrètesproposées dans le mémoire quenous déposerons auprès de lacommission Charbonneau.»

Une ligne téléphonique spé-ciale, 1-877-ETHIQUE, a aussiété mise à la disposition desmembres qui ont des ques-tions sur la déontologie, ainsiqu’à celle du public en géné-ral, qui peut dénoncer des si-tuations jugées inadmissibles.

800 enquêtes en coursL’Ordre a présentement 800

enquêtes en cours concernantses membres, qui sont 60 000au total et dont 10 000 travail-lent au sein de sociétés de génie-conseil. Jusqu’en 2008, ilrecevait environ 80 demandes

VOIR PAGE G 11 : INGÉNIEURS

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Le code de déontologie des médecins précise que « le médecin doit agir de telle sorte que le décèsd’un patient qui lui paraît inévitable survienne dans la dignité. Il doit assurer à ce patient le soutienet le soulagement appropriés. »

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P R O F E S S I O N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3G 10

TRAVAILLEURS SOCIAUX

Des valeurs de chacun à l’insertion sociale«Chacun de nos membres est évalué selon sa pratique»

CONSEILLERS ET CONSEILLÈRES D’ORIENTATION

Un ordre est apparu il y a 50 ans dans la foulée du rapport Parent

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

D ès 2007, l’Ordre des tra-vailleurs sociaux et théra-

peutes conjugaux et familiauxdu Québec (OTSTCFQ) pu-blie deux guides, l’un sur la ré-flexion éthique, l’autre sur ladélibération éthique. Deux ou-vrages distribués à l’ensemblede ses membres.

« Ça prouve bien qu’on estpréoccupé par cette question, es-time Claude Leblond, prési-dent de l’ordre. Du fait que,parmi les valeurs que portentles travailleurs sociaux, toutesles questions de justice sociale,de défense des droits des per-sonnes, de respect de l’autono-mie sont des phares pour eux,ils sont très sensibles aux situa-tions d’injustice et d’iniquitéqui sont vécues par des per-sonnes ou des groupes de per-sonnes. Ils sont souvent parmiles premiers professionnels,dans une équipe interdiscipli-naire, à déceler qu’il pourrait y

avoir, en bout de ligne, unconflit de valeurs à résoudre etune situation qui nécessiteraune délibération éthique, pouren arriver à faire un choix quirespecte à la fois les valeurs dela personne et son besoin de protection, par exemple. »

ÉvaluationDe par la loi, la fonction du

travailleur social est d’évaluerle fonctionnement social, dedéterminer un plan d’interven-tion et d’en assurer la mise enœuvre, ainsi que de souteniret rétablir le fonctionnementsocial de la personne en réci-procité avec son milieu, dansle but de favoriser le dévelop-pement optimal de l’être hu-main en interaction avec sonenvironnement.

L’information, la promotionde la santé et la prévention dusuicide, de la maladie, des accidents et des problèmes sociaux font également partiede l’exercice de la professionauprès des individus, des fa-

milles et des collectivités.Certaines des activités ex-

clusives des travailleurs so-ciaux démontrent tout l’enjeuéthique qui se dégage de cetteprofession : évaluer une per-sonne en matière de garded’enfants, de droitd’accès ou d’adoption,déterminer le pland’inter vention pourune personne atteinted’un trouble mentalou présentant unrisque suicidaire, éva-luer un enfant quin’est pas encore ad-missible à l’éducationpréscolaire et qui pré-sente des indices deretard de développe-m e n t o u e n c o r e décider de l’utilisa-t i o n d e m e s u r e sd’isolement.

«Les travailleurs so-ciaux exercent auprèsdes populations detout âge et pour tousles types de dif ficultés,explique Claude Le-blond, notamment relation-nelles. Il y a des travailleurs so-ciaux dans des établissementstrès divers, que ce soient les cen-tres jeunesse sur les probléma-tiques liées aux besoins de pro-tection des enfants, auprès desjeunes contrevenants, en éva-luation et en suivi des famillesqui veulent adopter ; ils inter-viennent dans les centres desanté et de services sociaux en

périnatalité, en milieu scolaire,en première ligne, en santémentale, auprès des personnesâgées qui ont besoin de res-sources d’hébergement ou quisont victimes de mauvais traite-ments ou d’exploitation, auprès

des personnes en perted’autonomie en ouver-ture de r ég ime de protection, en fin dev i e , e t c . L a t r è sgrande majorité denos membres travail-lent dans le secteurpublic et leur champd’action est très, trèsvaste. »

InterventionsAinsi, dans l’exer-

cice de leur pratique,les travailleurs so-ciaux sont constam-ment confrontés àdes situations où plu-sieurs valeurs se trou-vent en tension. Ledésir d’autonomie dela personne et le be-soin de protection de

cette personne devenue vulné-rable sont deux éléments qu’ila souvent à jauger pour pren-dre la bonne décision.

« Le travailleur social étantsensible à ces deux éléments, ilva souvent être porté à les dé-fendre dans l’intérêt de la per-sonne qu ’ i l sui t , expl iqueM. Leblond, et à être le porte-voix de cette tension entre cesdeux besoins, qui peuvent par-

fois nécessiter des éléments desolution qui sont à l’opposé. »

Comme tous les ordres, ce-lui des travailleurs sociaux areçu du gouvernement le man-dat de réglementer et de sur-veiller une activité profession-nelle qui comporte des risquesde préjudice, dans le but d’as-surer la protection du public. Àcette fin, il doit notammentcontrôler l’exercice de la pro-fession par ses membres.

« Ainsi, chacun de nos mem-bres est évalué selon sa pra-tique, note son président. Biensûr, l’éthique entre en jeu danscette évaluation, puisqu’il s’agitd’une compétence absolumentessentielle à la pratique de laprofession. La capacité de ré-soudre des conflits ou de porterune réflexion éthique sur la si-tuation et de prendre une déci-sion qui respecte les dif férentesvaleurs qui sont en cause faitpartie de l’exercice et donc dumécanisme d’inspection. Biens û r, l e s p r o b l é m a t i q u e sd’éthique font également partiedes formations que nous offronset chaque membre est tenu de semaintenir à niveau.»

PréoccupationsParmi les préoccupations du

moment, l’ordre des travail-leurs sociaux suit de près ledébat autour du projet de loi52 sur les soins en fin de vie.S’il appuie le projet, il réclamela poursuite de la réflexion ci-toyenne pour que soit prise en

compte la situation singulièredes personnes inaptes.

En sep tembr e der n ier,M. Leblond a pris la parole de-vant la Commission de la santéet des services sociaux, char-gée d’étudier le sujet.

« Il faut que la Commissionsur les soins de fin de vie puissese pencher sur le sort réservé auxpersonnes souf frantes mais quidemeureront toujours sans voix,telles que les personnes n’ayantpu exprimer clairement leurs di-rectives médicales anticipéesavant de devenir inaptes, les per-sonnes qui ont toujours étéinaptes en raison d’un handicapou d’une maladie mentale et quine seraient pas en mesure d’ex-primer leurs volontés de fin devie, les personnes atteintes d’unemaladie dégénérative, ainsi queles personnes mineures.»

Encore une fois, l’éthique seretrouve au centre d’une pro-blématique à laquelle le travail-leur social aura à faire faceune fois la loi votée.

«C’est le quotidien du travail-leur social que de se retrouversans cesse face à des dilemmesimportants et de se demanderquelle valeur prime sur l’autre,conclut Claude Leblond. Et ilest de notre devoir, du côté del’Ordre, de lui donner tous lesoutils dont il a besoin pourprendre la meilleure décision. »

CollaboratriceLe Devoir

Chaque jour, le travailleur social doit gérer des conflits de valeurs dans l’intérêt des personnes et de la société dans sonensemble. L’éthique est présente dans chacun des gestesqu’ef fectuent les 12 000 travailleurs sociaux que compte leQuébec. Ils doivent sans arrêt remettre en question leur pra-tique et mener un processus de réflexion qui permette de régler des conflits de valeurs. Une nécessité d’autant plus es-sentielle qu’ils font face à un public souvent en situation desouffrance physique ou de détresse sociale.

Certaines des activitésexclusives destravailleurssociauxdémontrenttout l’enjeuéthique qui se dégage de cetteprofession

A S S I A K E T T A N I

A lors que, il y a un siècle,on choisissait la plupar t

du temps son métier pour lavie, le monde du travail est au-jourd’hui confronté à des pro-blématiques d’un tout autre or-dre : les crises économiques,la précarité ou les restructura-tions ont fait basculer les travailleurs dans une dyna-mique d’orientation tout aulong de la vie. De plus, la re-cherche constante d’un équili-bre entre le travail et la vie per-sonnelle, l’évolution des at-tentes autour des choix profes-sionnels et le besoin de se réa-liser dans le travail fontaujourd’hui partie des préoc-cupations centrales. De ce fait,l’orientation relève désormaisdu développement de la per-sonne et s’inscrit dans un pro-

jet de vie, si bien que les 2350conseillers d’orientation quifont partie de l’Ordre doiventmaîtriser un éventail deconnaissances aussi bien so-ciologiques qu’économiqueset psychologiques.

Orienter quelqu’un est loind’être un geste mécanique,pour lequel il suf fit de fairepasser un test ou de consulterles statistiques d’emploi. En ef-fet, le travail du conseillerd’orientation implique « un ac-compagnement de la personnedans les décisions relatives àson parcours professionnel », ex-plique Josée Landry, vice-pré-sidente de l’Ordre. À traversune démarche complexe, par-fois longue et jamais automa-tique, il faut faire un bilan descompétences pour savoir « cequi les représente le mieuxcomme activité professionnelle

et pour cerner leur potentiel ».Avant toute chose, il s’agitpour le conseiller de « com-prendre la dynamique de lapersonne et de son travai l

avant de passer à l’action».Alors qu’en 1963 97 % de la

c l i en tè le des conse i l l e rsd’orientation venait des écoles,c e t t e p r o p o r t i o n e s t a u -jourd’hui tombée à moins de50%. En effet, loin de se limiterà une clientèle scolaire qui sedemande ce qu’elle fera aprèsavoir fini son cégep, les pra-tiques se sont considérable-ment diversifiées au fil des dé-cennies. Certains consultentparce qu’ils ont besoin de défi-nir et de clarifier leur projetprofessionnel après l’école ouune période de chômage. Lesconseillers d’orientation inter-viennent également auprès depersonnes qui sortent handica-pées ou fortement diminuéesd’une maladie ou d’un accident.Parmi les autres cas de figure,citons l’insertion profession-nelle, qui concerne les décro-cheurs ou les professionnelsqui veulent se réorienter, maisaussi les retraités qui, face auspectre de l’inactivité, cher-chent un moyen de se redéfi-nir, ou encore les immigrés quine peuvent plus exercer le mé-tier dans lequel ils ont acquisleur exper tise. Il peut enfins’agir de consultations en en-treprise pour aider les diri-geants à mieux comprendre ladynamique organisationnelle,à évaluer la relève et à cher-cher à savoir si les employésoccupent un poste qui leurconvient.

Dans la plupart des cas, lesconseillers d’orientation pren-

nent en charge des clients quise trouvent dans une situationde fragilité, dans un tournantde leur carrière. « La plupartdes clients qui consultent sontdes adultes qui éprouvent desdif ficultés au travail et qui sontmalheureux. » Puisqu’il s’agit« d’interrogations profondes,liées à leur identité profession-nelle et à leur place dans leurmilieu de travail », la relation àinstaurer doit être basée surla confiance. « Nous faisons dela psychologie du travail, pour-suit Josée Landry. Nous avonsle devoir d’humaniser le rap-port de la personne à son em-ploi. » Une exigence délicatelorsqu’il s’agit d’évaluer desclients aux besoins par ticu-liers, souf frant par exempled’anxiété, d’un handicap ou de TDAH. L’exper tise desconseillers d’orientation dé-borde ainsi largement sur leterrain de la santé mentale, etc’est dans cette perspectiveque l’évaluation en orientationprofessionnelle de personnesatteintes d’un trouble mentalou neuropsychologique est,depuis la loi 21, une activité ré-servée à l’Ordre.

Dignité et intégritéAu cœur du code de déonto-

logie de la profession, mis aupoint dès le début des années1980 et actualisé en 2006, ontrouve donc des valeurs cen-trées sur l’obligation de protec-tion du public, le respect de ladignité et de l’intégrité de la

personne ou encore le secretprofessionnel. « Il fut un tempsoù les résultats des consulta-tions étaient affichés sur un ba-billard, comme des résultatsd’examen», rappelle Josée Lan-dry, sans égard de confidentia-lité, de réserve ou de pudeur.«Or certaines personnes ont desrêves de carrière farfelus, dontelles hésitent à parler publique-ment, et ont besoin de créer unerelation de pleine confiancepour se livrer. »

D’autres impératifs de la pro-fession viennent du préjudicequi peut découler d’un mauvaisjugement. « Nous avons uneobligation de bien évaluer les be-soins du client, pour pouvoir luiproposer un plan d’interventionqui lui corresponde.» La profes-sion est donc surveillée : outrele code de déontologie, il y ades comités de discipline etune obligation de maintenir lescompétences à jour, notam-ment à travers des formationscontinues visant à « coller aumarché du travail».

Et, malgré les espoirs et lesmythes persistants, « le conseil-ler n’a pas une boule de cristal,rappelle-t-elle. Nous travaillonsavec l’information dont nousdisposons. » Ainsi, exercer lemétier exclut un quelconquerecours à toute forme de publi-cité mensongère : il ne s’agitpas de leur promettre une car-rière rêvée, mais bien d’effec-tuer une évaluation rigoureuseet une analyse des besoinspour proposer des pistes réa-listes. «Peut-on conseiller un re-tour aux études à une mère mo-noparentale qui risqueraitd’être plongée dans une situa-tion financière dif ficile ? » , interroge-t-elle. Inversement,faut-il orienter en priorité unepersonne vers les secteurs enpénurie, au détriment de sesbesoins ? « Les consei l lersd’orientation doivent tenircompte de nombreux facteurs »,estime-t-elle, tant au niveau dumarché du travail que de laréalité du client. Ainsi, « nousdevons éviter de proposer desplans d’action qui risqueraientde rendre nos clients encoreplus malheureux », au risqueparfois de «défaire des rêves».

Et, dans l’équilibre entre lapersonnalité, la réalité écono-mique et les besoins de la per-sonne, l’ingrédient-clé setrouve justement du côté del’éthique.

CollaboratriceLe Devoir

Il y a 50 ans, la Corporation des conseillers d’orientation pro-fessionnelle du Québec est née dans le sillage du rapport Pa-rent, où l’orientation était conçue comme la pierre angulairedu système d’éducation. Depuis, le métier a considérablementévolué, soulevant au passage des enjeux éthiques qui se sontcomplexifiés à mesure que la société a évolué.

SOURCE ORDRE DES CONSEILLERS ET CONSEILLÈRES D’ORIENTATION DU QUÉBEC

«Nous avons le devoir d’humaniser le rapport de la personne à son emploi », précise Josée Landry.

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BARREAU

«Rares sont les sociétés où on ose se regarder»Le nouveau code de déontologie innovera avec son préambule éthique

C L A U D E L A F L E U R

«J e suis consciente des dom-mages à la réputation que

tout cela peut causer, déclareJohanne Brodeur, intervenantdans la foulée des commis-sions en cours, mais je suisd’abord et avant tout fière quenous ayons le courage d’exami-ner en profondeur ce qui ne vapas afin d’y apporter les correc-tifs nécessaires. »

Convaincue, à juste titre,que la corruption existe unpeu partout ailleurs, Me Bro-deur observe que « rares sontles sociétés où on ose se regar-der. Nous, nous avons le cou-rage de nous donner une com-mission d’enquête et l’UPAC.»

Elle rappelle que le Barreaudu Québec a milité pour que lacommission Charbonneau dis-pose de tous les pouvoirs né-cessaires pour mener à bienson enquête et qu’il suit deprès ces travaux afin, le mo-ment venu, de faire des recom-mandations pertinentes.

Un nouveau code dedéontologie… novateur

La bâtonnière rappor teaussi qu’on réfléchit actuelle-ment à la révision du Code desprofessions du Québec, qui a40 ans cette année. «Voilà quimontre, une fois de plus, qu’ona la capacité de se remettre enquestion et de se renouveler. »

Le Barreau par ticipe lui-même à cet « examen deconscience collectif » en propo-sant un nouveau code de déon-tologie. « Comme ordre profes-sionnel , dit-elle, on se metmême à l’avant-garde. »

C’est ainsi que ce code inno-vera en proposant un préam-bule éthique. « Il y a une dif fé-rence entre l’éthique et la déon-tologie, fait remarquer Jo-hanne Brodeur. Un code dedéontologie établit des normesqui, si elles ne sont pas respec-tées, peuvent donner lieu à dessanctions. L’éthique, c’est unrappel des valeurs et des prin-cipes auxquels on aspire pourune meilleure pratique. »

Le Barreau a par conséquentdécidé d’inscrire, en préam-bule de son code de déontolo-gie, des principes éthiques. «Ils’agit de rappeler nos valeurs, in-dique Mme Brodeur, ce qu’est unavocat, quelle doit être sa contri-bution à la société, ce qu’on at-tend de lui comme qualités per-sonnelles, ce à quoi notre profes-sion devrait aspirer, etc. Cesprincipes d’éthique, qui ne per-mettront pas de porter des accu-sations, donneront cependant leton et vont nous permettre parla suite d’interpréter la déontolo-gie en regard de ces valeurs.»

Il s’agit même d’une dé-marche novatrice, puisquel’Of fice des professions duQuébec voit dans celle-ci unenouvelle génération de codesde déontologie. « Notre codepourrait servir d’inspirationaux autres ordres, indique labâtonnière, et c’est pourquoi ony apporte un soin particulier. »

Plus globalement, le nou-veau code du Barreau codifiela jurisprudence. « C’est-à-direque, là où il pouvait y avoir desarticles un peu flous ou qui ontfait l’objet d’interprétations,nous avons inséré le droit ac-tuel , explique Me Brodeur.

C’est dire que notre code va êtreà la fine pointe de ce que les tri-bunaux ont décidé récemment. »

Transformations socialesEn ou t r e , l e code t i en t

compte de l’évolution de la société, notamment en ce qui atrait à l’évolution des technolo-gies de communication. «Com-ment conjugue-t-on le droit degarder confidentielle l’informa-tion dans un monde où onéchange par courriels ? », poseJohanne Brodeur. D’autre part,de plus en plus de citoyens sereprésentent eux-mêmes de-vant les tribunaux, tout enconsultant des avocats pour obtenir opinions et conseils.«Quelles sont la responsabilité etles obligations d’un avocat dansces cas-là?», demande-t-elle.

Le code de déontologie duBarreau a donc été moderniséafin de tenir compte de l’envi-ronnement technologique et

du développement de la pro-fession, ainsi que du nouveaucode de procédure des pra-tiques en société multidiscipli-naire, précise-t-elle.

C’est ainsi que les membresdu comité chargé de rédiger lenouveau code ont procédé à sarefonte à partir de la jurispru-dence. Et, si tout va bien, la bâ-tonnière espère que ce codesera adopté d’ici le printempsprochain, après révision auprèsde l’Office des professions etdu ministère de la Justice.

Secteurs d’interventionprioritaires

En juin dernier, Johanne Bro-deur est devenue la bâtonnièredu Québec pour l’année 2013-2014 (son terme ne dure qu’uneannée). Il s’agit de la cinquièmefemme à occuper cette fonction,mais de la première avocate encontentieux d’entreprise à êtrenommée à ce poste.

Me Brodeur a entre autresété la directrice du Service ju-ridique et du contentieux del’Union des producteurs agri-coles et la bâtonnière du Bar-reau de Longueuil. Elle a aussiprésidé le Comité de l’inspec-tion professionnelle du Bar-reau du Québec et siégé ausein de plusieurs comités,dont celui chargé de la révi-sion du code de déontologie.« Je connais la boîte de l’inté-rieur et de l‘extérieur ! », dit-ellejoyeusement.

De ce fait, quatre prioritéslui tiennent à cœur : la protec-tion du public, les relationsavec les membres, l’accès à lajustice et, surtout, l’éducationjuridique des jeunes.

Elle souhaite d’ailleurs l’inté-gration d’un programme d’édu-cation juridique dès le secon-daire. «Si on apprend à nos en-fants les bases de la vie en dé-mocratie, on investit dans une

société où les gens compren-dront mieux leurs obligat ionse t r e s p o n s a b i l i t é s c i -toyennes, dit-elle.

Me Brodeur souhaite ainsique nous formions nos jeunesen leur disant: voici ce qu’est lacorruption, voici comment çase présente, voici où vous devezêtre vigilants, voici vos droits etobligations… «Je pense qu’on serendrait collectivement un grandservice et que cela participeraità l’amélioration de notre déonto-logie et de notre éthique collec-tive», estime-t-elle.

Et de conclure la bâton-nière : « J’espère que, en regardde la situation dans laquellenous nous trouvons, nous al-lons trouver des solutions dura-bles. Mais, pour cela, il ne fau-dra pas produire de beaux rapports qui seront tablettés ! »

CollaborateurLe Devoir

«Soyons fiers de ce que nous accomplissons présentement auQuébec», lance Johanne Brodeur, la nouvelle bâtonnière duQuébec. Pour elle, les enquêtes réalisées par la commissionCharbonneau et par l’Unité permanente anticorruption (UPAC)sont les marques du courage dont nous faisons preuve.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Le nouveau code de déontologie des juristes sera forgé autour du droit actuel.

d’enquête par année. Depuis2009, il en reçoit environ 400par an. Alors qu’auparavant lesenquêtes portaient principale-ment sur les compétences desingénieurs, aujourd’hui, sur800 enquêtes actives, une cen-taine portent sur la collusionet la corruption, tandis que350 portent sur le financementpolitique illégal.

« Nous ne lâcherons pas ducôté disciplinaire, c’est notreboulot et nous allons le faire.C’est beaucoup de travail pourun ordre professionnel. Il afallu revoir l’ensemble de nosprocessus d’enquête et ajouterdes ressources. Nous avons dou-blé nos ef fectifs au bureau dusyndic. »

Une loi de 1964La loi actuelle qui définit le

champ d’exercice des ingé-n i e u r s d a t e d e 1 9 6 4 . Àl’époque, le génie se déclinaitprincipalement en quatregrandes disciplines : civil, mé-canique, électrique et indus-triel. Mais le métier a énormé-ment évolué. Aujourd’hui, oncompte plus de 40 nouveauxprogrammes de génie dans lesuniversités, tels le génie biomé-dical ou le génie informatique.

« Beaucoup de diplômés deces programmes ne peuventmême pas aller chercher leplein titre d’ingénieur parcequ’ils ne se retrouvent pas dansle champ d’exercice défini en1964. Cela fait en sor te quenous ne sommes même pas enmesure de leur of frir l’encadre-ment nécessaire à la protectiondu public. Avec tous les grandschantiers en cours et à venir,c’est un problème important »,dit Daniel Lebel.

L’Ordre milite égalementpour que la surveillance destravaux soit rendue obligatoirepar la loi. « On veut s’assurerque la conception d’un ouvraged’ingénierie, quel qu’il soit, soittotalement conforme. La sur-veillance est un élément impor-tant à ajouter dans la mise àjour de la loi. »

Au printemps 2012, le projetde loi modernisé était mort au

feuilleton en raison des élec-tions provinciales. Les ordresprofessionnels espèrent main-tenant que le projet de loi 49,qui porte le nom de «Loi modi-

fiant diverses lois profession-nelles et d’autres dispositionslégislatives dans le domainedes sciences appliquées », dé-posé le printemps dernier, et

qui touche également les ar-chitectes, les agronomes, leschimistes et les géologues, nesubira pas le même sort.

«Nous faisons des représenta-

tions auprès du gouvernementpour lui faire comprendre quela modernisation de la loi estun outil essentiel, si on veut en-cadrer adéquatement nos mem-

bres et faire face aux enjeuxéthiques actuels. »

CollaboratriceLe Devoir

Une Chambreà l’Ordre !

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SUITE DE LA PAGE G 9

INGÉNIEURS

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Les psychoéducateurs… des intervenants au cœur de votre quotidien!

Dépistage et prévention des difficultés d’adaptation

Évaluation du développement et du comportement de l’enfant et de l’adolescent Sensibilisation aux besoins des jeunes de 0 à 18 ans Soutien à la relation parent/enfants et aux habiletés parentales Intervention en situation de criseAccompagnement des aînés

Protéger le public, c’est aussi prendre position sur les enjeux de notre société. Plus qu’une mission, une responsabilité !

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ITINÉRANCE

COMPTABLES PROFESSIONNELS AGRÉÉS

Une norme internationale dicte le nombre d’heures de formation obligatoire« On a un programme avec des milliers de cours offerts ! »

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

L’ Ordre des comptablesprofessionnels agréés du

Québec (CPA) vient tout justede fêter en mai dernier sonpremier anniversaire.

Créé en 2012, ce nouvel or-dre, au sein des 43 autres quecompte le Québec, est en faitla résultante de la fusion del’Ordre des comptables agréés(CA), de l’Ordre des compta-bles généraux accrédités(CGA) et de l’Ordre des comp-tables en management accrédi-tés (CMA).

On a procédé à cette unifica-tion dans le but de renforcer lepositionnement de la profes-sion comptable québécoisesur la scène nationale et inter-nationale. Il regroupe mainte-nant 35 600 membres et plusde 6500 candidats et étudiants.Comme tout ordre profession-nel, l’Ordre des CPA doit sui-vre un ensemble de règles defonctionnement imposées parle Code des professions, le butd’un ordre étant essentielle-ment la protection du public.

Obligatoire formationcontinue

En plus du Code des profes-sions, l’Ordre des CPA s’estdoté d’un règlement sur la for-mation continue obligatoire.Cet outil efficace contribue aumaintien de bonnes pratiquescomptables.

Martine Picard, vice-prési-dente à l’inspection et à la pra-tique professionnelle, travailledans l’axe de la protection dupublic et s’assure du maintiendes connaissances et des com-pétences des membres par lavoie de la formation obliga-toire. Mme Picard gère aussi ledomaine de l’inspection profes-sionnelle, qui consiste en la va-lidation de certains champs depratique spécifiques. « Nos or-dres ont été parmi les premiersà mettre en place des règle-ments de formation continue »,explique Mme Picard.

En fait, l’Ordre des CPA nepossède pas qu’un, mais biendeux règlements de formationcontinue : « Il y a un premiergrand règlement auquel doiventse soumettre les 35000 CPA etun deuxième qui concerne lesautres activités liées à la comp-tabilité publique», précise Mar-tine Picard. C’est une norme in-ternationale qui dicte le nom-bre d’heures nécessaire pourune telle formation. « Cettenorme internationale gère lemaintien des connaissances et leperfectionnement professionnelpour l’ensemble des comptablesdu monde entier. On a regardécette norme et on s’y est main-tenu.»

En quoi consiste cette fa-meuse formation ? « On a unprogramme avec des milliers decours offerts !», nous dit Mme Pi-card. Ces cours sont tous liésd’une manière ou d’une autre àla protection du public. On levoit clairement dans l’article 4du règlement, qui stipule qu’ondoit «maintenir à jour, amélio-rer et approfondir les habiletéset connaissances dans l’exercicede la profession de CPA».

Ensuite, cette formation doitnécessairement être en lienavec le domaine dans lequel lemembre œuvre. Quant à lui,l’ar ticle 6 de ce même règle-ment précise que cette forma-tion doit être « pertinente, me-surable et vérifiable ». MartinePicard est personnellementconcernée par cet ar ticlepuisque, « en tout temps, jedois, en tant que responsable,être capable de valider cette for-mation, puisque l’Ordre exigede conserver toutes les piècesjustificatives. »

Processus de validationCe volet de validation est

très structuré à l’Ordre desCPA. «L’ensemble des membressont convaincus que, dans lemonde d’aujourd’hui et à la vi-tesse où les normes changent, cen’est pas un choix que de se met-tre à jour. Ce règlement est

venu encadrer le processus deformation. Je dirais que nousn’avons pas beaucoup de mem-bres en dérogation, la majoritédes membres ef fectuent beau-coup plus d’heures que cequ’exige la formation obliga-toire. Ça fait partie de la cul-ture de la profession», expliqueMartine Picard.

Dans ce contexte, la valida-tion se fait sur la base de dé-clarations des heures d’acti-vité de formation. Madame Pi-card dispose de certains outilsde vérification : quand les for-mations sont suivies en per-sonne, on a évidemment laliste des présences, et quandun membre s’inscrit à uncours à distance, à tout mo-ment, il peut devoir répondre

à un jeu-questionnaire dont lanote de passage doit être d’aumoins 7 sur 10.

«Nous validons aussi sur unebase de matrice de risque et enfonction du secteur d’activité etde profil d’industrie où nosmembres travaillent. On saitque, dans certains secteurs, lesformations sont plus difficiles àobtenir, alors notre travailconsiste à faire des extractionsde la base de données et on peutalors demander des preuves. » Ilest aussi possible pour Mme Pi-card de faire parvenir des avisde dérogation aux membres etceux-ci doivent alors fournirles pièces justificatives.

Pour ce qui est des membresles plus récalcitrants, MartinePicard possède même un pou-

voir de radiation : « Je vous ras-sure, j’en ai très peu de ceux-là!»

Lourd catalogueComme on vient de le voir,

les CPA retournent régulière-ment sur les bancs d’école.D’ailleurs, le catalogue descours offerts est assez impres-sionnant. Chaque année ap-por te son lot de nouveauxcours, mais le catalogue offreaussi des cours qui sont don-nés depuis très longtemps.«Avant même l’imposition d’uneréglementation de formationobligatoire, on of frait une poli-tique d’apprentissage perma-nent à l’aide d’un programmede développement professionnel.Depuis 15 ans, ce programmegrossit de manière exponen-

tielle», nous dit Mme Picard. Si tous les cours ne sont pas

nécessairement of fer ts parl’Ordre, toutes les formationsqui concernent l’acte réservéet les secteurs d’activité lesplus fréquentés sont toutefoisoffertes, «ainsi, on peut contrô-ler le contenu de la formation etla qualité des formateurs, c’estun plus pour la protection dupublic», ajoute Martine Picard,qui conclut : «Nous croyons sin-cèrement que le fait de bien maî-triser toutes les compétences per-met au professionnel, et à l’hu-main en lui, de faire les inter-liens et de savoir s’il se met oupas dans le pétrin.»

CollaboratriceLe Devoir

Au Québec, les ordres professionnels sont tous assujettis auCode des professions. Si l’Ordre des CPA ne fait pas excep-tion, il s’est aussi doté d’outils et de mécanismes pour assu-rer au public une éthique et de bonnes pratiques comptables.

SOURCE UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

L’ordre des CPA possède deux règlements de formation continue, ce qui contribue au maintien des connaissances et auperfectionnement professionnel de l’ensemble des comptables.

Le domaine de l’exploration des ressources minérales vit d’es-poir, nous rappelle Alain Liard, directeur général et secrétairede l’Ordre des géologues du Québec (OGQ). Plus la valeur dusous-sol paraît grande sous les pieds du scientifique, pluscelle des actions de l’entreprise qui l’embauche est suscepti-ble de grimper. C’est pourquoi la pression est forte sur les géo-logues pour qu’ils dépeignent en rose la réalité souterraine.

GÉOLOGUES

Vous souvenez-vous de Bre-X ?« Il y a toujours la tentation, chez certains promoteurs malhonnêtes, de gonfler la valeur des choses »

B E N O I T R O S E

C’ est la fraude de la sociétéminière canadienne Bre-

X qui a mené à la création, en2001, de la Loi sur les géo-logues au Québec. Au milieudes années 1990, cette petiteentreprise aurifère de Calgaryfait saliver des milliers d’inves-tisseurs en leur faisant croire àla découverte d’un énorme gi-sement d’or sur le territoire deBusang, en Indonésie. Demois en mois, la valeur des ac-tions de Bre-X prend du galon,avant que la tromperie n’éclateau grand jour. «La falsificationimportante des échantillons etla fausse évaluation de la va-leur se sont pratiquées à uneéchelle, sur une période detemps et avec une précisionsans précédent dans l’histoirede l’industrie minière mon-diale », rappelle Radio-Canadadans son site web.

Non, il n’y avait pas d’or àBusang, ou si peu, et ce fut ladébandade boursière. À la

suite de cette saga, au coursde laquelle l’un des géologuesœuvrant pour Bre-X se seraitsuicidé en se jetant du hautd’un hélicoptère, les autoritésdes marchés financiers ont dé-cidé d’exiger la signature deprofessionnels sur certains do-cuments techniques déposésdans le cadre d’opérations fi-nancières. Cette intervention aentraîné le Québec «à prendredes mesures pour garantir aupublic que, au moins dans lesecteur des ressources miné-rales, l’exercice de la géologierelève exclusivement de profes-sionnels expressément qualifiéset juridiquement encadrés», ex-plique l’OGQ, qui a vu le jouraprès l’adoption par Québecde la Loi sur les géologues.

Compétence et intégritéSelon l’OGQ, ce sont près

de 1000 géologues qui exer-cent au Québec. Ils contri-buent à l ’explorat ion et à

VOIR PAGE G 13 : GÉOLOGUES

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P R O F E S S I O N SL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 2 E T D I M A N C H E 1 3 O C T O B R E 2 0 1 3 G 13

Ne laissez pas n’importe qui entrer dans votre tête

AVANT D’ENTREPRENDRE UNE PSYCHOTHÉRAPIE, ASSUREZ-VOUS DE CONSULTER UN PROFESSIONNEL AUTORISÉ PAR LA LOI.

En 2012, l’Ordre des psychologues a reçu un mandat important du gouvernement du Québec : encadrer la pratique de la psychothérapie. À ce titre, l’Ordre émet les permis de psychothérapeute et assure la surveillance de la pratique illégale de la psychothérapie.

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SUZANNE COUPAL TÉMOIGNE

«Les professionnels doivent mettre un peu d’ordre en leur sein»La juge à la retraite déplore que le lien de confiance avec le public soit rompu

l’exploitation des ressources minérales, pétro-lières et gazières, au captage et à la protection del’eau souterraine, à la caractérisation et à la res-tauration des terrains contaminés, ainsi qu’à l’im-plantation d’aménagements et à la prévention desrisques naturels. Tous ont une solide formationscientifique de niveau universitaire, et environ lamoitié d’entre eux possèdent une maîtrise ou undoctorat. Ils travaillent pour des ministères, dessociétés d’État ou des universités, mais surtoutpour des entreprises et des bureaux d’études.

La version moderne du code de déontologie decette profession est en vigueur depuis l’été 2011.«Un élément particulièrement important lorsqu’onparle des géologues, souligne Alain Liard, c’est l’obli-gation de compétence, qui est aussi liée à l’intégrité.Le travail comporte des difficultés importantes: legéologue cherche à évaluer des situations dans lesous-sol avec des moyens limités. On ne regardequ’une fraction de ce qui s’y trouve avec des outils desondage. Il faut donc bien juger des limites de l’infor-mation qu’on va chercher par rapport aux objectifs.»

Autrement dit, le géologue doit savoir interpré-ter une donnée ponctuelle en fonction d’uncontexte géologique. « Par exemple, poursuitM. Liard, une pépite d’or donne une forte valeurponctuelle, mais sa signification peut être négligea-ble en matière de potentiel de gisement exploita-ble.» Il doit donc choisir judicieusement les bonsoutils à utiliser pour son évaluation et ensuitebien communiquer l’information à la personnequi fait appel à ses services.

Des pressions constantesL’action du géologue n’est pas libre de pres-

sions et implique une dimension éthique impor-tante, poursuit M. Liard : « Dans le milieu del’exploration minérale, il y a toujours la tenta-tion, chez certains promoteurs malhonnêtes, degonfler la valeur des choses pour que celle des ac-tions augmente. À ce moment-là, la pression est

constante pour que les nouvelles que sortent lesgéologues tendent à surévaluer ou à donner l’im-pression que c’est plus beau que la réalité. »

«C’est un jeu délicat, car l’exploration vit d’espoiret doit vivre d’espoir, avance le secrétaire de l’OGQ.Alors, le défi pour les géologues est de bien doser et deprésenter honnêtement les situations.» Mais, vu queceux-ci sont embauchés — comme employés ouconsultants — par les entreprises qui font les re-cherches, c’est leur emploi qui peut être en jeu.«Et on peut aussi leur offrir des avantages financierstrès importants», ajoute M. Liard. Récemment, unmembre a été radié de l’OGQ, coupable d’avoir fal-sifié de l’information dans un dossier d’exploration.Ce qui n’est pas sans rappeler le cas Bre-X.

Dans le domaine de l’environnement, où l’ac-tion des géologues n’est pas encore réglementéeau Québec, la pression peut venir du proprié-taire d’un terrain contaminé qui n’aurait aucontraire pas intérêt à voir enfler les donnéesd’une évaluation : c’est généralement lui qui de-vra payer le coûteux nettoyage. Dans un tel cas,le géologue doit absolument procéder en gar-dant en tête qu’il défend aussi l’intérêt du public.

Une loi à moderniserEn mai 2012, le ministre libéral Jean-Marc

Fournier a déposé à l’Assemblée nationale unprojet de loi visant la modernisation de la Loi surles géologues. Relégué aux oubliettes pour caused’élections provinciales, celui-ci devait redéfiniret élargir les activités réservées à la profession.«Cela aura pour ef fet d’assurer que le public re-çoive des services de professionnels soumis au Codedes professions dans toute évaluation des condi-tions du sous-sol ou de l’eau souterraine pouvantentraîner des conséquences sur le patrimoine, lasanté ou la sécurité des personnes ainsi que surl’environnement», saluait l’OGQ à l’époque.

Au Québec, actuellement, n’importe qui peutévaluer la contamination d’une nappe phréatiqueou d’un terrain, tant que ce n’est pas lié à un projetde ressources minérales, s’inquiète M. Liard. «Il ya des conflits fréquents dans ces dossiers-là, et on seretrouve avec des personnes qui n’ont pas nécessai-rement les compétences requises. Il y a des doutes

sur ce qui s’est fait par le passé et sur ce qui continuede se faire.» Soumis à son code de déontologie, unprofessionnel a aussi l’obligation d’avertir les auto-rités si un propriétaire s’entête à ne pas agir parrapport à la contamination de son terrain. Un non-professionnel, lui, peut toujours s’en remettre sim-plement aux désirs de son client.

L’initiative de cette modification de la loi a été

reprise par le nouveau ministre responsable del’application des lois professionnelles, BertrandSaint-Arnaud. Si des élections ne viennent pas ànouveau jouer un tour aux géologues québé-cois, elle pourrait aboutir sous peu.

CollaborateurLe Devoir

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SUITE DE LA PAGE G 12

GÉOLOGUES

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Au cours des dernières an-nées, plusieurs sujets d’ac-

tualité ont soulevé des interroga-tions sur la capacité des ordres àassumer leur mandat de protec-tion du public. Le nom même dela commission Charbonneau estdevenu la cristallisation de l’affai-blissement du lien de confianceentre la population et les profes-sionnels. À l’occasion de la cin-quième édition de la Semainedes professionnels, cinq émi-nents invités se pencheront surles moyens de renouer ce lien.Parmi eux, l’honorable SuzanneCoupal, juge à la retraite et com-mentatrice à RDI.

Les professionnels manque-raient-ils d’éthique?

Il faudra nécessairement seposer la question lorsque lacommission Charbonneauaura rendu son rappor t etqu’on verra qu’on a des pro-blèmes majeurs. Tout ne peutpas reposer sur l’application dela loi et les sanctions. Il faut semettre tout de suite à réfléchirà l’après-commission. Voir s’il

n’y a pas en jeu des questionsde morale, d’éthique, de codesde déontologie, qui sont peut-être existants, mais que les res-ponsables n’ont sans doute pasles moyens d’appliquer.

À quelles sor tes de moyensfaites-vous allusion?

Si on a des problèmes enmatière d’éthique avec cer-tains groupes de profession-nels, on peut se demander s’ilsont les outils nécessaires pourrépondre aux besoins du pu-blic. Les corporations ont cedevoir de protéger le public,c’est le but premier de toutesces professions qui sont régiespar un code. Est-ce que, si on avu un cer tain relâchementdans bien des secteurs, c’estparce qu’ils n’ont pas les outilsnécessaires pour intervenir enfaisant des enquêtes, parexemple ? Les syndics ne sontpeut-être pas assez outillésdans chacun de ces orga-nismes pour inter venir adé-quatement, prévenir les scan-dales et mettre un peu d’ordreen leur sein. Ce sont des ques-tions qu’il faut se poser, parcequ’on ne peut pas tout atten-

dre du gouvernement.

Les professions qui se retrou-vent aujourd’hui devant la com-mission Charbonneau sont-elles les seules à rencontrerces problèmes ?

J’aimerais en fait qu’onpousse la réflexion un peu plusloin et qu’on prenne exemplesur certains pays où, dès le plusbas âge, on essaye d’inculqueraux enfants cette notion de mo-rale, de valeurs de société,d’éthique, tout ce qui fait ensor te que, une fois à l’âgeadulte, on pense un peu plus aubien commun dans toutes lesdécisions qu’on est amené àprendre, aussi bien sur le planpersonnel que professionnel.Ici, en Amérique du Nord en gé-néral, on a développé cette no-tion que l’individualisme prime.Que le collectif est l’affaire desgouvernements et que si leslois ne sont pas appliquées, celane nous regarde pas. Nous de-vrions revenir à une réflexionplus profonde en matière d’édu-cation. C’est un souhait à longterme bien évidemment, mais ilserait bien, après la commis-sion Charbonneau, qu’on sedise tous, collectivement, quetout n’appar tient pas au sys-tème judiciaire.

Mais, à p lus cour t terme,quelles sont les actions à

mettre en place ?Les systèmes judiciaire et lé-

gislatif ainsi que les règle-ments qui sont promulguéspar notre gouvernement enca-drent l’exercice des profes-sions. Si on regarde au niveaudes contrats, il y a tout unexercice qui est fait pour s’as-surer qu’il y ait plus de trans-parence. Les ordres ont égale-ment le devoir de rappeler àleurs membres les prescrip-tions de leur code de déontolo-gie. Je souhaite que les archi-tectes, les ingénieurs, les avo-cats, etc., soient rappelés à l’or-dre. Qu’on leur rappelle que,s’ils sont régis et ont l’exclusi-vité au Québec sur leur acti-vité, c’est parce qu’ils ont unefonction sociale de protectiondu public. On a tous l’obliga-tion d’être honnête dans la vie,mais l’éthique va plus loin.Chez les professionnels, il y atoute cette notion de faire af-faire avec quelqu’un qui pré-suppose que la parole a de lavaleur et qu’on agisse toujoursavec ce qu’on a de meilleur.

Le public a-t-il lui aussi un rôleà jouer ?

Il y a un lien de confiancequi a été brisé entre le publicet certaines professions. Noussommes dans une société net-tement individualiste, axée surdes valeurs d’argent et de pou-

voir. Dans ce contexte, le pu-blic ne devrait jamais hésiter àdénoncer les scandales et àfaire appel aux ordres lorsqu’ilse sent lésé par un profession-nel ou qu’un ser vice est malrendu. D’un autre côté, il fautégalement qu’il par vienne àfaire la par t des choses. S’ilécoute la commission Char-bonneau, il peut rapidementavoir l’impression que tous lesingénieurs sont corrompus.Or ce n’est pas exact. Le pu-blic a donc aussi le devoir dese renseigner, auprès des or-dres par exemple, ou via lesmédias, qui sont très occupésmais qui essayent d’informerle mieux possible. Il faut s’édu-quer, c’est la base de tout. Etl’éducation ne passe pas seule-ment par l’école.

Pour l’instant, on perçoit cependant un certain cynismede la part du public…

Le problème, c’est qu’il esttrès peu consulté dans les déci-sions prises par les gouverne-ments pour soi-disant favoriserle bien-être de nos sociétés et levivre-ensemble. C’est comme siles politiques se servaient des ci-toyens pour se faire élire, pourcollecter ou payer des impôts,mais qu’on ne les associait pasaux choix de société. Il faut reve-nir à des notions de base de ladémocratie, donc faire en sorteque les décisions, aussi bien auniveau du pouvoir politique quedes organisations de profession-nels, se prennent réellement enfonction du bien-être de tous.J’ai malheureusement l’impres-sion que nous ne sommes plusallumés par ce sens du biencommun. Autant au niveau del’éthique personnelle de toutprofessionnel qui remplit sa mis-sion sociale que des groupes, onne se pose plus cette question.

Collaboratrice Le Devoir

Me Coupal interviendra lors dela conférence et des groupes dediscussion qui se tiendront lemercredi 16 octobre, de 8h30 à14h30, au Centre des sciences deMontréal dans la salle Belvédère.

Selon Suzanne Coupal, juge à la retraite, tout ne peut pas re-poser en société sur la simple application de la loi et des sanc-tions qui en découleraient. Il faut revoir le système de valeursqui régit notre société.

JEAN-GUY THIBODEAU

Suzanne Coupal

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Qu’est-ce qu’un ordre professionnel ?

Comment les ordres professionnels protègent-ils le public ?

Quelle est la contribution sociale et économique des ordres et des 360 000 professionnels qui en sont membres ?

Questions ? [email protected]

Le Conseil interprofessionnel du Québec et les 45 ordres professionnels répondent à vos questions.

www.ordredeproteger.com