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Chapitre 6 Les transformations démographiques 1. Les grandes évolutions démographiques depuis le 19ième siècle 1.1 Distinguer les transformations quantitative et qualitative de la population 1.1.1 L’évolution du solde démographique Document 1 : La dimension quantitative de la dynamique démographique 1.1.2 Le vieillissement de la population Document 2 : La dimension qualitative de la dynamique démographique La dynamique démographique ne fait pas uniquement varier les effectifs d’une population, elle produit également une modification de la structure par âge de la population. On parle de vieillissement démographique (ou de vieillissement) lorsque la proportion des personnes âgées (par convention, celles qui ont plus de 60 ans) augmente dans une population, et en contrepartie, celle des jeunes diminue. Ce phénomène, qui concerne un groupe, est à distinguer du « vieillissement » tout court, propre à un individu, et qui se manifeste au fur et à mesure qu'il avance en âge. Source : manuel Studyrama 2017 1.1.3 Un outil pour mesurer la structure démographique et son évolution : la pyramide des âges ESH ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018 Naissances Décès Immigrés Emigrés Solde naturel Solde migratoire Dynamique démographique comme variation quantitative de la population 1

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Chapitre 6 Les transformations démographiques

1. Les grandes évolutions démographiques depuis le 19ième siècle

1.1 Distinguer les transformations quantitative et qualitative de la population

1.1.1 L’évolution du solde démographique

Document 1 : La dimension quantitative de la dynamique démographique

1.1.2 Le vieillissement de la population

Document 2 : La dimension qualitative de la dynamique démographiqueLa dynamique démographique ne fait pas uniquement varier les effectifs d’une population, elle produit également une modification de la structure par âge de la population. On parle de vieillissement démographique (ou de vieillissement) lorsque la proportion des personnes âgées (par convention, celles qui ont plus de 60 ans) augmente dans une population, et en contrepartie, celle des jeunes diminue. Ce phénomène, qui concerne un groupe, est à distinguer du « vieillissement » tout court, propre à un individu, et qui se manifeste au fur et à mesure qu'il avance en âge.

Source : manuel Studyrama 2017

1.1.3 Un outil pour mesurer la structure démographique et son évolution : la pyramide des âges

Document 3 : la pyramide des âgesSelon l’INED, la pyramide des âges est une « représentation graphique qui permet de visualiser la répartition d’une population par sexe et âge, à un moment donné. Elle est constitué de deux histogrammes (un pour chaque sexe, par convention, les hommes à gauche et les femmes à droite), où les effectifs masculins et féminins sont portés en abscisse et les âges en ordonnée ». La fécondité et l’espérance de vie déterminent la structure par âge de la population et, de fait, la forme de la pyramide des âges. Les pays se caractérisant par une forte fécondité et une espérance de vie limitée sont des sociétés dans lesquelles la part des jeunes dans la population totale est importante. Pour le coup, la pyramide des âges a bien la forme d’une pyramide. Les sociétés dans lesquelles la part des personnes âgées dans la population totale est plus importante se caractérisent par une base plus étroite et des effectifs importants aux âges plus élevés. Les sociétés affectées par le vieillissement démographique se caractérisent par des pyramides des âges qui ne prennent pas la forme d’une pyramide. Quand la fécondité se maintient et permet d’assurer le

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Naissances Décès Immigrés Emigrés

Solde naturel Solde migratoire

Dynamique démographique comme variation quantitative de la population

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renouvellement des générations, le vieillissement démographique et causé essentiellement par l’allongement de la durée de vie. On dit que la population vieillit par le haut. Cela se traduit graphiquement par une pyramide des âges qui prend la forme d’un cylindre. Quand l’allongement de la durée de vie se conjugue à une faible fécondité, la population vieillit par le haut et par le bas. Dans ce cas, le vieillissement démographique est rapide et la pyramide des âges prend la forme d’une toupie.

Source : Manuel ESH Studyrama

1.2 La transition démographique, un phénomène universel

1.2.1 L’évolution de la population mondiale depuis 1700

Document 4

Dans son cours au Collège de France, Philippe Aghion analyse l’évolution de la population mondiale depuis l’an 10 000 avant J.C. Il rappelle que la population mondiale demeure faible même en l’an 1000 après J.C. La croissance de la population a décollé seulement à partir du 19ième siècle. il précise que la croissance démographique était de l’ordre de 0,04% entre 10 000 avant J.C et l’an 1, ce qui signifie qu’il fallait 1750 années pour que la population double. L’accélération de la croissance (elle passe à 0,6% par an) au 19ième siècle a permis un doublement de la population en l’espace de seulement 127 ans. Le taux ESH ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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de croissance démographique continue à s’accélérer jusqu’à un pic de 2% dans la seconde moitié de la décennie 1960. La population mondiale double entre 1927 et 1974 pour atteindre 4 milliards d’habitants. Depuis le taux de croissance démographique mondial décélère. La population mondiale atteint 7,4 milliards en 2016. Les démographes prévoient une stabilisation probable de la population mondiale autour de 10 milliards d’habitants aux alentours de 2100.

Source : manuel Studyrama, 2017

Document 5

1.2.2 Le modèle de la transition démographique

Document 6La théorie de la transition démographique est initialement exposée en 1934 par Adolphe Landry dans son ouvrage La Révolution démographique. En 1986, dans La Transition démographique, Jean-Claude Chesnais explique que la transition démographique consiste en une succession de phases historiques.

L’étape pré-transitionnelle se caractérise par une forte natalité qui est équilibrée par une forte mortalité (les deux se situent autour de 40%). L’écart entre la natalité et la mortalité est faible, mais dans l’ensemble les naissances dépassent les décès, ce qui assure une croissance démographique, même très faible. A ce stade, la population est très jeune. La part des jeunes dans la population totale est importante. L’étape transitionnelle se déroule en deux phases. Au cours de la première phase, la mortalité recule significativement alors que la natalité demeure inchangée. L’accroissement naturel accélère alors fortement. Au cours de la seconde phase, la natalité se met elle aussi à décroître. L’écart entre la natalité ESH ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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et la mortalité se réduit, conduisant à un ralentissement de l’accroissement naturel. L’étape post-transitionnelle se caractérise par un équilibre relatif entre faible natalité et faible mortalité. L’accroissement naturel reste positif mais redevient faible. La population croît faiblement mais surtout elle vieillit. La part des personnes âgées dans la population totale est devenue plus importante.

Source : manuel Studyrama 2017

Document  7 : les conséquences de la transition démographique sur le « vieillissement » de la population

Dans les deux régimes démographiques, les naissances et les décès sont à peu près équilibrés et la population n'augmente pas ou que lentement. Les deux régimes se distinguent cependant par des répartitions par âge très différentes. Le régime ancien s'accompagnait d'une population très jeune, avec près de 44% de la population ayant moins de 20 ans, et 6 % seulement 60 ans ou plus. Le nouveau régime démographique, à supposer qu'il perdure suffisamment longtemps, conduit à terme à une répartition par âge moins jeune (25 % de moins de 20 ans, et 25 % de 60 ans ou plus). Le vieillissement démographique peut cependant encore se poursuivre si la durée de vie continue de s'allonger. La pyramide des âges garde alors la même base tout en gagnant en hauteur par l'ajout d' « étages supplémentaires ». Le vieillissement peut aussi s'accentuer si la fécondité, au lieu de se stabiliser à deux enfants en moyenne par femme (le niveau qui assure le remplacement des générations à terme) diminue en dessous de ce seuil. Les naissances sont alors d'année en année moins nombreuses, et la population, qui diminue, est encore plus âgée. (…) Le vieillissement démographique est lié à la diminution de la fécondité et à l'allongement de la durée de vie, phénomènes que toutes les régions du monde ont connu ou sont en train de connaître.

Source : Gilles Pison, Le vieillissement démographique sera plus rapide au sud qu'au nord, Population et société, INED n°457, juin 2009. (Bordas)

1.2.3 La transition démographique en Europe

Document 8C’est à la fin du 18ième et au début du 19ième siècle que la transition démographique débute en Europe. Entre 1750 et 1900, la population européenne est presque multipliée par 3 et passe de 140 millions à 410 millions d’habitants.

Source : manuel Studyrama 2017

Document 9 : La transition démographique dans quelques pays européensTaux de mortalité inférieur à 20 pour 1 000 à partir de

Taux de natalité inférieur à 30 pour 1 000 à partir de

Taux de natalité

Taux de mortalité

Taux d’accroissement naturel

1880

1930

1880 1930

1880 1930

Danemark 1881 1899 32 18 19 11 13 7Norvège Avant 1850 1899 31 16 17 11 13 6Allemagne 1904 1910 37 16 26 11 12 5Royaume-Uni

1881 1892 33 16 19 12 13 4

Italie 1912 1923 36 25 29 15 8 11Russie Fin des années

1930Vers 1950 50 44 36 22 14 22

Source : Alain Monnier, Démographie Contemporaine en Europe, A. Colin, 2006

Document 10 : La baisse de la mortalité infantile et juvénileDans le régime démographique qui prévalait autrefois (avant la transition démographique), la fécondité était élevée - autour de six enfants en moyenne par femme- et la mortalité aussi. Il naissait beaucoup d'enfants, mais la majorité d'entre eux mourait avant d'atteindre l'âge adulte - 6 sur 10 n'atteignaient pas 20 ans dans la France du milieu du XVIIIe siècle.

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La mortalité a baissé depuis grâce aux progrès de l'hygiène et de la médecine et au développement économique, et les couples se sont mis à limiter les naissances. Ces changements, qui constituent la transition démographique, portent en germe un nouveau régime démographique, avec une fécondité basse - deux enfants en moyenne par femme dans la France du début du XXIe siècle- et une mortalité également basse - seul un nouveau-né sur 100 meurt avant l'âge de 20 ans aujourd'hui.

Source : manuel Studyrama 2017

Document 11 : révolution agricole et accès à l’alimentation (Angus Deaton – Prix Nobel 2015)Au 18ème siècle et au début du 19ème, la population britannique consommait moins de calories qu’il n’était nécessaire pour que les enfants grandissent au maximum de leur potentiel, et pour que les adultes aient un corps fonctionnant sainement, apte à effectuer un travail rémunérateur et productif. Les gens étaient très petits et très maigres, peut-être plus petits qu’à aucune autre époque. Tout au long de l’histoire, l’homme s’est adapté au manque de calorie en ne devenant ni trop gros ni trop grand. Le rachitisme est la conséquence d’une alimentation insuffisante, surtout dans l’enfance, mais un corps plus petit exige moins de calorie pour son entretien de base, et il permet de travailler avec moins de nourriture qu’il n’en faudrait pour un corps plus grand. Un travaillant mesurant un mètre quatre-vingt et pesant quatre-vingt-dix kilos aurait à peu près aussi bien survécu au 18ème siècle qu’un homme arrivé sur la lune sans combinaison spatiale ; en moyenne, il n’existait tout simplement pas assez de nourriture pour soutenir une population dotée des caractéristiques physiques d’aujourd’hui. Les petits ouvriers du 18ème siècle étaient prisonniers d’un piège nutritionnel : ils ne pouvaient pas gagner beaucoup parce qu’ils étaient faibles physiquement, et ils ne pouvaient pas manger parce que, sans travail, ils n’avaient pas de quoi s’acheter de la nourriture. Avec le début de la révolution agricole, le piège en vint à se démanteler. Le revenu par tête commença à augmenter et, peut-être pour la première fois, une amélioration régulière de l’alimentation devint possible. Cette meilleure alimentation rendit les hommes plus grands et plus forts, ce qui permit une hausse de la productivité, créant une synergie positive entre le progrès du revenu et le progrès de la santé, chacun encourageant l’autre. Quand le corps des enfants est privé des nutriments nécessaires à la croissance physique, le développement du cerveau a également peu de chance d’atteindre tout son potentiel : ces individus plus grands et plus riches étaient aussi peut-être plus intelligents, ce qui favorisait encore l’essor économique et accélérait le cercle vertueux.

Source : Angus Deaton, La Grande évasion Santé, richesse et origine des inégalités, PUF, 2016 p.115-118

Document 12 : politique de santé et amélioration du capital humainCela ne fait aucun doute, la nutrition s’est améliorée et les hommes sont devenus plus grands, plus forts et plus sains. Mais se focaliser uniquement sur l’alimentation ne suffit pas (…). Cette approche sous-estime le contrôle direct de la maladie, et se concentre trop sur le rôle de l’économie de marché, trop peu sur les efforts collectifs et politiques. (…) Si la mortalité déclina parmi les enfants, ce qui entraîna une hausse de l’espérance de vie, cela vient du contrôle de la maladie que permirent les mesures de santé publique. Cela prit (…) la forme d’améliorations en matière d’hygiène et d’alimentation en eau, (…) la vaccination générale contre une série de maladie et l’adoption de bonne pratiques de santé personnelles et publiques fondées sur la théorie microbienne. L’amélioration de la santé publique exigeait l’action des autorités publiques, ce qui supposait une campagne politique et n’aurait pu être accompli par le seul marché, même si la hausse des revenus réels rend certainement plus facile de financer des projets sanitaires souvent coûteux. Au niveau individuel, le déclin des maladies – en particulier la diarrhée, les problèmes respiratoires et autres infections parmi les enfants – améliora l’alimentation et contribua aux gains en taille, en force et en productivité. La consommation de nourriture est importante, mais c’est surtout l’alimentation nette qui compte, la quantité réellement disponible si l’on déduit la nourriture perdue à cause des maladies, directement dans le cas de la diarrhée, mais aussi dans la lutte contre la fièvre et l’infection.

Source : Angus Deaton, La Grande évasion Santé, richesse et origine des inégalités, PUF, 2016 p.115-118

Document 13 : L’importance du capital public pour assurer la santé – le cas de l’Angleterre industrielle du 19ème siècle (Angus Deaton)

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La Révolution industrielle en Grande-Bretagne conduisit des millions de campagnards dans les villes nouvelles comme Manchester, où l’industrie offrait de nouveaux emplois, mais où presque rien n’était prévu pour affronter les risques pour la santé causés par la présence de tant de gens dans un espace limité. La vie rurale est relativement sans danger même en l’absence d’un système officiel d’élimination des déchets humains, mais cela ne vaut pas pour les villes. Les animaux domestiques, les chevaux pour le transport, les vaches pour le lait et les cochons pour la nourriture et la consommation des ordures, vivaient tout près de leurs propriétaires dans ces villes nouvelles. Les usines produisaient aussi des déchets dangereux, tout comme les processus « toxiques » comme la tannerie et la boucherie, et l’eau potable était souvent contaminée par les détritus humains et autres. Il y avait plus de latrines publiques dans la Rome antique qu’à Manchester à l’époque de la Révolution industrielle. Quand les sources fournissant l’eau potable servaient aussi à emporter les selles, le lien féco-oral qui était un problème de la révolution néolithique prit une ampleur industrielle. L’espérance de vie dans les villes tomba bien en dessous de l’espérance de vie à la campagne, comme c’est le cas dans les pays pauvres aujourd’hui. La migration vers les villes malsaines explique pourquoi l’espérance de vie de l’ensemble de la population fut si lente à augmenter au début du XIXe siècle, et pourquoi la hausse générale de l’espérance de vie dut attendre après 1850. Finalement ces villes dangereuses et puantes, avec leurs « usines sataniques », (…) provoquèrent une réaction publique allant au-delà des déclarations sur la décadence morale des victimes ; les autorités locales et les responsables de la santé publique se penchèrent sur les questions d’assainissement. Le mouvement sanitaire n’avait aucune science pour guider ses efforts. Sa théorie de la maladie, la « théorie des miasmes » – ce qui sentait mauvais était mauvais pour la santé – était erronée (…). Cette théorie contenait pourtant assez de vrai pour être assez efficace lorsqu’elle était appliquée avec rigueur. En effet, les gens risquent moins de tomber malades si les détritus humains sont évacués et si l’eau de la ville ne sent pas mauvais. Mais cette théorie mena à une trop grande insistance sur l’assainissement et pas assez sur l’alimentation en eau, de sorte que les autorités londonienne de santé en vinrent à vider dans la Tamise les fosses d’aisance des caves nauséabondes, recyclant ainsi le choléra dans l’approvisionnement en eau. Quelques années plus tard, durant l’épidémie de choléra de 1854, une des deux compagnies qui fournissaient Londres en eau potable de la Tamise puisait en aval des rejets d’eaux usées, recyclant les bactéries du choléra d’une génération de victimes pour la suivante. Le fait que l’autre compagnie puisait son eau en amont, dans une zone plus pure, permit à John Snow, alors médecin à Londres, de cartographier les morts causés par le choléra et de les associer à la première compagnie, et donc de prouver que le choléra se propageait par l’eau potable contaminée. (…) Ce fut l’une des premières « expériences naturelles » en santé publique, et j’y vois la plus importante de tous les temps. Les découvertes de Snow, complétées par les travaux postérieurs de Robert Koch en Allemagne et Louis Pasteur en France, contribuèrent à implanter la théorie microbienne des maladies (…). La découverte, la diffusion et l’adoption de la théorie microbienne furent les clés de la chute de la mortalité juvénile en Grande-Bretagne et à travers le monde. (…) Le savoir de base – les microbes causent les maladies ; dans le cas du choléra, les bactéries se propagent par l’eau contaminée – était gratuit et accessible à tous dans le monde. Pourtant, cela ne signifiait pas que les mesures qui découlaient de la théorie aient été adoptées aussitôt ou même rapidement. D’une part, tout le monde n’était pas convaincu. Et même quand les gens étaient bel et bien convaincus, il existait toutes sortes de barrières. Le savoir avait beau être gratuit, son adoption avait un prix. Construire une infrastructure sûre d’alimentation en eau coûte moins cher que de construire des usines de traitement des déchets, mais cela a quand même un coût, et elle exige des compétences en ingénierie et en surveillance, pour garantir que l’eau n’est réellement pas contaminée. Il faut se débarrasser des ordures de manière à ne pas polluer la source d’eau potable. La surveillance des individus et des entreprises est difficile et se heurte souvent à des résistances, et exige une autorité et une bureaucratie compétente. Même en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, la contamination fécale de l’eau potable resta un problème pendant une partie du 20ème siècle. Passer de la théorie microbienne à l’assainissement et à l’eau sans danger prend du temps et exige argent et autorité ; ces éléments n’étaient pas toujours disponibles il y a un siècle, et ne le sont toujours pas aujourd’hui dans de nombreuses parties du monde. Comme toujours, la politique a son importance. L’historien Simon Szreter décrit comment, dans les villes de la révolution industrielle, l’eau pure était largement disponible, mais comme source d’énergie pour les usines, pas comme boisson pour les habitants. Comme c’est si souvent le cas, les avantages des nouvelles méthodes étaient loin d’être équitablement répartis. Et les industriels, qui payaient aussi les impôts, n’avaient aucun intérêt à dépenser leur propre argent pour fournir leurs ouvriers en eau pure. Szreter

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montre comment de nouvelles coalitions politiques de travailleurs et de propriétaires terriens évincés firent campagne pour l’infrastructure d’approvisionnement en eau pure, mais connurent le succès seulement après que des réformes successives eurent accordé le droit de vote aux travailleurs. Une fois modifié l’équilibre politique, les industriels prirent le train en marche et les villes se mirent à rivaliser pour faire savoir combien la vie y était saine (…). Chaque fois que la santé dépend de l’action collective – travaux publics, soins médicaux ou éducation –, la politique doit jouer un rôle. Dans ce cas, la suppression (partielle) d’une inégalité – les travailleurs n’avaient pas le droit de voter – contribua à en supprimer une autre – les travailleurs n’avaient pas accès à une eau potable pure. La diffusion des idées et leur mise en pratique prennent du temps parce qu’elles exigent souvent que les gens changent leur façon de vivre. Dans le monde riche, aujourd’hui, presque tout le monde apprend à l’école qu’il faut éviter les microbes en se lavant les mains, en se désinfectant et en manipulant correctement la nourriture et les détritus. Mais ce qui nous paraît aller de soi était inconnu à la fin du 19ème siècle, et il fallut des années avant que les comportements publics et privés changent pour profiter pleinement des connaissances nouvelles.

Source : Angus Deaton, La Grande évasion Santé, richesse et origine des inégalités, PUF, 2016 p.118-123

1.2.4 Le cas atypique de la transition démographique française

Document 14 : évolution du taux de mortalité et du taux de natalité en FranceTaux de mortalité inférieur à 20 pour 1 000 à partir de

Taux de natalité inférieur à 30 pour 1 000 à partir de

Taux de natalité

Taux de mortalité

Taux d’accroissement naturel

1880

1930

1880 1930

1880 1930

Allemagne 1904 1910 37 16 26 11 12 5Royaume-Uni

1881 1892 33 16 19 12 13 4

France 1902 Avant 1850 25 18 22 16 2 2Source : Alain Monnier, Démographie Contemporaine en Europe, A. Colin, 2006

Document 15 : évolution de la fécondité, comparaison France / Allemagne

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1.2.5 La transition démographique dans les pays en développement

Document 16 : après 1945A partir des années 1950, la mortalité infantile dans les PED a fortement chuté et permis un accroissement important et rapide de l’espérance de vie à la naissance, ce qui tend à réduire l’écart avec les pays les plus développés qui connaissent des gains à l’espérance de vie plus modérés. En Chine, le taux de mortalité infantile est passé de 200 pour 1000 à 30 pour 1000 en l’espace de 40 ans (entre 1950 et 1990). Si le recul de la mortalité infantile a été beaucoup plus rapide dans les PED que dans les pays développés, c’est parce que les PED ont pu bénéficier des connaissances médicales et sanitaires produites dans les pays développés. Le recours aux antibiotiques, les programmes de vaccination, la lutte antiparasitaire et le développement des infrastructures d’assainissement expliquent une bonne part du recul de la mortalité infantile. La réduction de la fécondité a pris davantage de temps que dans les pays développés, et dans l’intervalle, le taux d’accroissement naturel dans les PED a explosé, alimentant la croissance de la population mondiale. Par la suite, le recul de la fécondité, tout comme le recul de la mortalité, a été beaucoup plus rapide dans les PED que dans les pays du Nord. Il a fallu 12 ans pour que la natalité chinoise passe de 5 enfants par femme à 2, 5 (1972-1984) contre 150 ans en France (1760-1910). La transition démographique dans les pays en développement est donc à la fois plus rapide et d’une plus grande amplitude que dans les pays développés. Elle engendre également un vieillissement démographique accéléré.

Source : Manuel ESH Studyrama

1.3 D’autres facteurs explicatifs des variations du solde naturel

Document 17 : la saignée de la guerre de 14-18 (France)

Document 18 : le baby boom, comparaison France / Allemagne

1.4 Les variations du solde migratoire ESH ECE 2 Camille Vernet Nicolas Danglade 2017-2018

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Document 19 : les flux migratoires au 19ième siècleDepuis la découverte des Amériques, on a assisté à un flux régulier de migrations internationales, (…) mais le flux de migrants avant 1820 était composé essentiellement d’esclaves africains (près de 9 millions), de domestiques sous contrat ou de condamnés. Les travailleurs libres n’étaient donc qu’une infime minorité de ces flux migratoires. (…) Avec la vague de mondialisation du 19ième siècle, le changement est à la fois dans le type de migration (la part des migrants libres passe de 20% dans les années 1820 à 80% dans les années 1840) et dans l’ampleur du flux. Dans les années 1840 aux années 1870, en moyenne le nombre annuel d’émigrants européens a été de 300 000, il augmente rapidement pour atteindre à la fin du 19ième siècle plus d’un million par an. (…) La destination principale de ces migrants est les Etats-Unis. A partir de 1880, les flux augmentent vers l’Amérique du Sud, le Canada, l’Afrique du Sud, l’Australie. Les migrations ne se limitent pas à des mouvements intercontinentaux, il y a aussi des flux importants à l’intérieur de l’Europe avec l’émigration irlandaise vers la Grande-Bretagne, les Italiens vers la France et les peuples d’Europe centrale vers l’Allemagne. (…) Au total, ces migrations de masse se traduisent par des taux d’immigration et d’émigration supérieurs à 50 pour 1000. A la veille de la première guerre mondiale, les non-autochtones sont pratiquement 15% de la population des Etats-Unis et 30% de la population de l’Argentine, c’est-à-dire des proportions nettement plus élevées qu’aujourd’hui.

Source : Mathilde Lemoine, Philippe et Thierry Madiès «  Les grandes questions d’économie et finance internationales », De Boeck, 2007, p. 38-39

Document 20 : la diaspora planétaire des européensQuelque 60 millions d'Européens partent outre-mer entre le début du XIXe siècle et la veille de la Première Guerre mondiale lorsque cet exode culmine (1,4M de départs chaque année entre 1909 et 1911, 1,5M en 1913).Les îles Britanniques fournissent les gros bataillons (…), elles représentent plus de 40% des migrants européens : 8,5 millions de 1880 à 1910. Pour tout le XIXe siècle, la population du Royaume-Uni passe de 16 à 42 millions malgré le départ de 20 millions de personnes. Les autres grands foyers d'émigration sont l'Italie (6M), les pays de langue allemande (5M), l'Espagne et le Portugal (3,5M), la Russie (2M), la Pologne, les régions de l'Autriche-Hongrie et les pays scandinaves (1,5M).Les gouvernements européens facilitent les départs car ceux qui partent sont les plus pauvres et donc les plus mécontents, les laisser partir ne peut que réduire les tensions sociales, soutenir les salaires réels et renforcer la cohésion nationale.La France, à l'inverse des flux migratoires en Europe, manque de main d'œuvre et importe des travailleurs à la fin du siècle : les étrangers constituent 3% de la population et 7 à 8% des ouvriers. Les Italiens représentent environ le tiers de ces apports extérieurs, suivis par les Belges (un quart), les Espagnols, les juifs d'Europe centrale chassés de Pologne, Russie, pays de l'Empire austro-hongrois. Ils suscitent, surtout les plus nombreux, les Italiens dans le Midi, le même genre de réactions que les immigrés un siècle après, puis ils s'assimileront progressivement à partir des années 1900/1910.

Source : http://brasseul.free.fr/Chapitre_4_mondialisation_XIXe.htm

Document 21 : arrivées annuelles aux États-Unis1820 - 1830 : 14 300 immigrants par an1830 -1840 59 9001840 - 1850 : 171 300 (accélération liée à la crise de 1845-48 en Europe)1850 - 1860 : 259 800 (époque de la ruée vers l'or, découvert en 1849 en Californie)1860 - 1870 : 240 000 (maintien des migrations à un niveau élevé malgré la guerre de

Sécession)1870 - 1880 : 280 0001880 - 1890 : 524 000 (grande dépression en Europe qui favorise les départs)1890 - 1900 : 384 000 (reprise économique qui les freine)1900 - 1910 : 879 500 (1900-1903 : 664 000 par an, 1904 : 821 000, 1905 : 1 027 000)1910 - 1920 : 573 500

Source : http://brasseul.free.fr/Chapitre_4_mondialisation_XIXe.htm

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Document 22 : des pays d’immigration ancienneLa proportion d’immigrés dans un pays reflète l’importance des flux d’immigration passés. Ainsi, les États- Unis, avec 13 % de la population née à l’étranger en 2010 (43 millions de personnes), est le premier pays d’accueil des migrants, malgré l’imposition des quotas par nation, qui avaient fortement ralenti les flux de 1924 à 1965. Il le reste aujourd’hui avec un solde migratoire (différence entre les entrées et les sorties de personnes de son territoire) estimé en moyenne à un million d’individus par an au cours de la période 2005-2010.La France est également un vieux pays d’immigration, avec des migrants venus au XIXième siècle des pays voisins – Belgique, Angleterre, Allemagne, Suisse – puis au XXième siècle, après la première guerre mondiale, de Pologne, d’Italie, d’Espagne et, après la seconde guerre mondiale, du Portugal, du Maghreb, puis plus récemment, d’Afrique subsaharienne et d’Asie. Dans les années 1950 et 1960, le solde migratoire était, proportionnellement à la population, plus élevé en France qu’aux États- Unis (en moyenne près de quatre pour mille habitants par an, contre deux), du fait des quotas d’entrée. Depuis 1970, c’est l’inverse, le flux d’entrée s’étant réduit en France alors qu’il a plutôt augmenté aux États-Unis, notamment dans les années 1990. Au cours des deux dernières décennies, le solde migratoire s’est situé autour de quatre pour mille en moyenne annuelle aux États-Unis contre un peu plus d’un pour mille en France. Mis à part ces différences conjoncturelles, les deux pays ont en commun une longue histoire d’immigration, avec un flux d’entrée qui, même modeste pendant certaines périodes, s’est maintenu de façon presque ininterrompue sur plus d’un siècle.

Source : Gilles Pison, « Le nombre et la part des immigrés dans la population : comparaisons internationales » Population et sociétés, Novembre 2010, n°472

Document 23 : le cas français

1.5 Les évolutions contemporaines dans l’UE : un point commun, le vieillissement

Document 24 : un point commun à l’ensemble des pays européensProportion en % de la population âgée de :Moins de 20 ans Plus de 65 ans Plus de 80 ans

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1950 2010 1950 2010 1950 2010Danemark 33,2 23,5 9,1 16,3 1,2 4,1Norvège 30,7 25,7 9,7 14,8 1,7 4,5Allemagne 30,4 21,3 9,7 20,7 1 5,1Royaume-Uni 28,9 25,2 10,7 16,5 1,3 4,7France 30,2 25,4 11,4 16,8 1,7 5,4Italie 34,8 19,6 8,3 20,3 1,1 5,8Espagne 36,5 21 7,3 16,9 1 4,9Europe 34,6 24,4 8,2 17,4 1,1 4,7

Alain Monnier, Démographie Contemporaine en Europe, A. Colin, 2006 et Eurostat pour les données 2010

Document 25: L’ampleur du vieillissement démographique

Document 26 : la pyramide des pages en Allemagne (2000)

Document 27 : la pyramide des âges en France (2000)

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Document 28 : La diversité des dynamiques démographiques au sein de l’UEDETERMINANTS DEMOGRAPHIQUES ETATS MEMBRES DE L’UE A 27Croissance démographique

due seulement au mouvement naturel Irlande, Polognedue principalement au mouvement naturel Chypre, Espagne, France, Pays-Bas, Slovaquie,

Royaume-Unidue principalement au mouvement migratoire Belgique, Danemark, Grèce, Slovénie, Finlande,

Luxembourg, République tchèque, Suèdedue seulement au mouvement migratoire Autriche, Italie, PortugalDéclin démographiquedû seulement à l’accroissement naturel Estonie, Hongriedû principalement à l’accroissement naturel Allemagne, Bulgarie, Lettonie, Roumaniedû principalement à l’immigration nette Lituaniedû seulement à l’immigration nette Malte

(Bordas) Rapport démographique 2010. Des Européens plus vieux, plus nombreux et différents, Commission européenne, 2011

Document 29 : projection population France / Allemagne

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Document 30 : démographie France / Allemagne, le chassé croisé

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2. L’impact du vieillissement démographique sur l’activité économique

2.1 Le vieillissement d’une population est-il source d’inflation ?

Document 31 : le vieillissement se répercute sur la population active (la part des actifs baisse dans la population totale ; dans certains pays, le nombre d’actifs baisse aussi)

Avec plus de 20 % de sa population ayant atteint ou dépassé 65 ans, le Japon est devenu, en 2006, le premier pays « super âgé » selon les critères des Nations Unies. Quelques années plus tard, l’Allemagne et l’Italie l’ont rejoint au sein du club du quatrième âge qui devrait grandement s’étoffer dans les prochaines années. D’ici 2020, le monde comptera en effet 13 pays super âgés, principalement en Europe, et d’ici 2030, ce nombre passera à 34 et inclura Hong Kong, la Corée du Sud, les États-Unis et le Royaume-Uni. Japon et Allemagne ont depuis longtemps passé le « moment charnière » où la population en âge de travailler (habituellement définie comme la catégorie des 15-64 ans) touche un point haut avant d’amorcer un recul. Le nombre de personnes en âge de travailler a commencé à baisser en 1996 au Japon et en 1998 en Allemagne. En Italie, pays d’Europe qui vieillit le plus vite, les vagues d’immigration intervenues depuis la seconde moitié des années 1990 ont empêché la contraction de la population en âge de travailler, mais la proportion de personnes en âge de travailler dans la population totale a connu une contraction marquée depuis le milieu des années 1990. Aux États-Unis, la population en âge de travailler a continué de progresser (et devrait augmenter de 10 % d’ici 2050), et n’a commencé à décroître, en pourcentage de la population totale, qu’au début des années 2010. Aujourd’hui, la part de la population en âge de travailler s’inscrit en baisse dans la plupart des pays à hauts revenus.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 32 : des tensions sur le marché du travail qui provoqueraient une accélération des salaires et une inflation par les coûts

Pour Goodhart et al. , le vieillissement mondial devrait marquer le début d’une ère de tensions sur le marché du travail, ouvrant la voie à une augmentation du pouvoir de négociation des salariés, donc, à une progression des salaires réels, entraînant, in fine, une inflation par les coûts.De fait, depuis quelques années, les employeurs allemands ont de plus en plus de mal à recruter. Dans un contexte de chômage historiquement bas (3,8 % en janvier 2017), l’Allemagne est confrontée à une pénurie croissante de main-d’œuvre, notamment qualifiée (ingénieurs, spécialistes de l’informatique ou de la santé, etc.), qui obère d’ores et déjà la croissance dans 5plusieurs régions.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 33 : pourtant les salaires n’augmentent pasPour l’heure, l’évolution des salaires n’accrédite pas la théorie de Goodhart et al. Deux décennies après le pic de population en âge de travailler et le début du déclin, la croissance nominale des salaires est restée modérée en Allemagne, au Japon et en Italie. Outre-Rhin, les salaires nominaux se sont sensiblement appréciés depuis 2010, mais cette hausse est intervenue après une longue période de modération, notamment au niveau des rémunérations les plus faibles. En 2015, la fiche de paie des Allemands moins bien payés que la moyenne a été dopée par l’introduction d’un salaire minimum légal de 8,50 euros de l’heure. Mais la pénurie de main-d’œuvre n’a pas, du moins pour le moment, réussi à engendrer des tensions fortes sur les salaires. Et l’impact des hausses (limitées) de salaire n’a pas eu de répercussion significative sur l’inflation sous-jacente. Les salaires ont enregistré de bien meilleures performances moyennes aux États-Unis que dans les trois pays plus âgés.Même si la pyramide des âges influe sur le pouvoir de négociation, d’autres facteurs susceptibles de contrer l’effet de la démographie sont à l’œuvre. Il s’agit notamment :

- de la perte d’influence constante des syndicats ; - des évolutions technologiques : la baisse rapide du prix des équipements informatiques et la révolution

des technologies de l’information ont dopé le rendement du capital, incitant les entreprises à privilégier le capital au détriment du travail, contribuant à la baisse de la part du travail dans le revenu total. En outre, ces progrès techniques ont entraîné des « évolutions technologiques favorisant les compétences »

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qui ont réduit la demande de travailleurs peu qualifiés, faisant baisser leurs salaires et les empêchant de négocier des hausses de rémunération ;

- De la mondialisation, facteur de modération salariale en raison de l’intensification de la concurrence qui découle de l’arrivée sur le marché du travail de pays riches en main- d’œuvre tels que la Chine. De fait, les entreprises qui ont recours à la délocalisation, à la sous-traitance ou au recrutement de travailleurs immigrés (c’est-à-dire nés à l’étranger) ont accès à la main-d’œuvre hors de leurs frontières nationales. Surtout, « effet de menace » oblige, il est difficile de maintenir des salaires élevés dans des secteurs menacés par l’externalisation, notamment le secteur manufacturier, même sans déplacement effectif du lieu de production.

- De l’évolution de la structure des entreprises en réaction aux pressions des marchés financiers, désireux d’optimiser la valeur pour l’actionnaire, c’est-à-dire le rendement des actifs. Cette pression incite les entreprises à mener des stratégies industrielles qui privilégient leur cœur de métier, donc à externaliser les activités intensives en travail.

Malgré deux décennies de baisse de la population en âge de travailler, la situation des travailleurs des pays super âgés n’a pas connu d’embellie, signe que l’impact de la démographie sur le pouvoir de négociation de la main-d’œuvre n’a pas suffi à compenser les pressions découlant notamment de la mondialisation et du progrès technologique.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 34 : le vieillissement n’est pas corrélé avec une reprise de l’inflation

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

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2.1.1 Le vieillissement de la population fait-il baisser la production et la productivité du travail ?

Document 35 : évolution de la population active en Allemagne (ou au Japon)

Document 36 : Répartition de l’emploi par âge de 1962 à 2007 (France)

Source : Olivier Marchand, « 50 ans de mutations de l’emploi », Insee Première n°1312, septembre 2010

Document 37 : vieillissement de la population active et baisse de la productivité du travailLes évolutions démographiques n’affectent pas que le volume de la population active, elles en affectent aussi la structure par âge. Alors qu’en 1995, seulement 7,7 % des actifs avaient 55 ans ou plus, cette part s’élève à 12,4 % en 2010 et pourrait atteindre près de 18 % en 2060. Quel est l’effet du vieillissement de la population active sur la productivité du travail ? L’opinion courante voudrait que la production par âge suive une courbe en U inversée : croissante dans un premier temps grâce aux acquis de l’expérience qui augmentent et améliorent le capital humain, et décroissante ensuite. Cette réduction de la productivité des travailleurs âgés s’expliquerait par la diminution de certaines compétences physiques au delà d’un certain âge, la détérioration de l’état de santé, l’obsolescence du capital humain acquis durant la période de formation initiale, voire la résistance aux innovations des personnes âgées. L’OCDE montre ainsi que la productivité après 55 ans diminue partout bien davantage en raison de la distance à la formation initiale que par un effet de vieillissement physique.

Source : d’après F. Aubry-Louis et M. Sylvain, « Les effets du vieillissement sur l’économie française », Ecoflash n°262, 11/2011

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Document 38 : hausse de l’espérance de vie et investissement en capital humainLe secteur de la santé est trop souvent présenté comme une charge, une source de dépenses pesant sur la croissance et qu’il faudrait réduire au minimum. C’est ignorer que la santé compte pour une large part dans le bien-être social et le bonheur des gens, et qu’elle est également créatrice de valeur et source de croissance. N’est-il pas évident qu’une population en bonne santé travaille mieux et plus longtemps ? Au delà de cet effet direct, il faut également prendre en compte les effets positifs indirects. Plus on anticipe que l’on vivra vieux, plus on est incité d’abord à investir dans l’éducation (car l’horizon d’amortissement s’allonge), et ensuite à épargner pour sa retraite. Or cette épargne de long terme a un effet positif sur l’investissement et le stock de capital, et donc sur la croissance. Certains économistes ont fait valoir qu’une amélioration du système de santé, surtout dans les pays en développement, a pour effet de réduire les taux de mortalité, notamment infantile et augmente ainsi le taux de croissance de la population. Cette croissance démographique accélérée aurait elle-même pour effet de réduire presque mécaniquement la croissance du PIB par habitant. Cependant cette vision malthusienne ne prend pas en compte le fait qu’un allongement de l’espérance de vie conduit les individus à repenser leurs décisions en matière de planning familial. On constate que les couples qui anticipent une durée de vie plus longue pour leurs enfants tendent à diminuer leur fécondité, mais à investir davantage dans l’éducation de ces derniers, ce qui, in fine, a des répercussions positives sur le développement économique. Ainsi, il apparaît que, sur le long terme, une augmentation de l’espérance de vie, même si elle a un effet neutre ou légèrement positif sur la croissance de la population a un effet positif beaucoup plus large sur la croissance du PIB, de telle sorte que le PIB par habitant augmente plus rapidement dans un pays où l’espérance de vie est plus longue.

Source : Philippe Aghion, Alexandra Roulet, Repenser l’Etat. Pour une social-démocratie de l’innovation, coll. La République des idées, Seuil, 2011

Document 39 : évolution du % de diplômés du supérieur

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Document 40 : Le Monde 19 mai 2009, Philippe Aghion Nous vivons avec l'idée que la santé est un coût, et le vieillissement de la population un fardeau économique. Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard et membre du Conseil d'analyse économique (CAE) prend le contre-pied de ces postulats, dans une étude conjointe avec Fabrice Murtin, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).Depuis 2005, il multiplie les publications dans lesquelles il démontre, seul ou en association, que "l'amélioration du niveau de santé se traduit par une baisse de la mortalité à différents âges". Et que "cet allongement de la durée de la vie à un effet positif sur la croissance du produit intérieur brut (PIB) par tête". Cet impact, affirme M. Aghion "joue autant pour les pays de l'OCDE que pour les pays en développement".Un lourd travail statistique a permis de corréler santé et croissance. Les taux de croissance du PIB par tête sur les soixante dernières années - au plan national et international - ont été mis en relation avec les statistiques sur l'accroissement de l'espérance de vie et l'évolution des taux de mortalité par âge dans les différents pays. "En reliant ces deux séries, dit-il, on voit que, quand on réduit la mortalité, la croissance du PIB par tête augmente." Des méthodes dites d'instrumentation "prouvent qu'il y a une relation de causalité entre baisse de la mortalité et augmentation de la croissance".

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OCDE (noir)

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Cette hausse du PIB par tête est mesurable. "Nos estimations montrent que si on double le rythme de croissance de l'espérance de vie, laquelle augmente actuellement de trois mois par an, on gagne un point de croissance du PIB. Ce qui est énorme, commente M. Aghion. (…)."Ces analyses nouvelles, qui tentent de cerner les facteurs constitutifs de la croissance, donnent un statut nouveau à la santé, qui devient "au même titre que l'éducation, une forme de "capital humain", soit un facteur structurant de hausse de la productivité du travail. Un individu en bonne santé est plus productif car moins souvent absent, plus endurant, avec de meilleures capacités cognitives et donc d'absorption de savoirs nouveaux.""En outre, poursuit M. Aghion, un individu qui prévoit de vivre plus longtemps sera davantage incité à investir dans son éducation et celle de ses enfants, à se maintenir à niveau dans l'apprentissage des nouvelles technologies, car cet investissement lui sera profitable sur un horizon temporel plus grand.""Un individu vivant plus longtemps aura aussi intérêt à accroître son épargne tout au long de sa vie active pour s'assurer une retraite confortable. Cette épargne supplémentaire alimente à son tour la croissance du stock de capital physique, et donc celle du revenu par habitant", précise M. Aghion.Ce cercle vertueux oblige à modifier nos perceptions quant au coût de la santé ou de l'éducation. "Si on appréhende la réforme de l'hôpital ou la réforme de l'université uniquement en termes de coût, on commet une erreur stratégique. L'école et l'hôpital doivent être réformés pour plus d'efficacité, mais ce ne sont pas des entreprises. Ces deux secteurs ont des "externalités" puissantes", ce qui signifie qu'ils rayonnent sur le reste du fonctionnement économique et social. "Toute réforme des systèmes éducatifs et de santé doit avoir pour objectif de maximiser le potentiel de croissance de l'économie", ajoute M. Aghion.La croissance a également un effet en retour sur la santé. "Les progrès de la médecine ou de la qualité de vie vont de pair avec le développement. Mais notre méthode d'instrumentation permet de montrer l'effet causal de la santé sur la croissance", assure l'universitaire.Les gains d'espérance de vie des jeunes et des actifs semblent plus à mêmes de se traduire en points de croissance supplémentaires. "Nos séries statistiques montrent que, au-delà de 65 ans, les progrès de l'espérance de vie sont encore corrélés à la croissance. Après 80 ans, la preuve est plus difficile à apporter."M. Aghion espère que des progrès seront réalisés dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. "De nouveaux traitements feront croître la productivité des seniors, dont nous cherchons à augmenter le taux d'emploi (à travers le recul de l'âge d'entrée) en retraite. Mais nous ne sommes pas encore en mesure de réaliser une analyse coûts-bénéfices précise des gains de croissance potentielle associés au traitement de cette maladie."

2.1.2 Le vieillissement de la population a-t-il un impact sur la consommation ?

Document 41 : Vieillissement et évolution de la structure de la consommationLes individus les plus âgés ont tendance à moins consommer de produits manufacturés et plus de services. Cela devient extrême dans les situations de dépendance liées au grand âge. On peut donc s’attendre à une déformation de la consommation des biens industriels vers les services et vers beaucoup de services non échangeables, parce que l’assistance à domicile – qui va devenir de plus en plus nécessaire – et que les services de proximité ne sont pas importables et exportables, et qu’ils doivent donc être produits sur place. (…) Cela risque d’avoir sur la croissance des conséquences d’ordre structurel, totalement indépendantes des questions de dimensionnement liées à la taille de la population active. (Or) Dans les services, en particulier dans ces services de proximité, les gains de productivité sont plus faibles que dans l’industrie manufacturière – du moins jusqu’à présent – et on peut donc s’attendre à un trend de ralentissement de la productivité. Ceci va venir se superposer à d’autres motifs de ralentissements de la croissance. Source : J.-L. Schneider « Conséquences économiques et financières du vieillissement », Les Notes bleues de

Bercy, Octobre 2005

Document 42 : la structure de la consommation évolue Le fait qu’une population vieillisse, ou diminue, a de multiples effets secondaires sur la demande, notamment une modification des habitudes de consommation. Les personnes âgées ont en effet tendance à acheter moins de biens nécessitant un investissement lourd (par exemple des logements) et à dépenser plus en services (soins médicaux et tourisme notamment).

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

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2.1.3 Le vieillissement d’une population a-t-il des conséquences sur la capacité à épargner des ménages ?

2.1.3.1 Le modèle du cycle de vie

Document 43 : Cycle de vie et épargne : le modèle du cycle de vie

Source : (Bordas) P. Villieu, Macroéconomie Consommation et épargne, Repères, La Découverte 2002

Document 44 : Le modèle du cycle de vie (Franco Modigliani)La démographie a une influence sur l’épargne des ménages en longue période. L’accumulation patrimoniale s’inscrit dans le cycle de vie. Si le crédit ne leur est pas rationné, les jeunes adultes dépensent plus qu’ils ne gagnent. En effet, le coût de l’entretien et de l’éducation des enfants leur est imputé. Ils peuvent emprunter en anticipant sur la croissance de leurs revenus futurs. Les adultes d’âge mûr en activité (40 à 60 ans en France) épargnent beaucoup pour rembourser leurs dettes passées et pour constituer une richesse financière et immobilière en vue de leur retraite. Une partie croissante de cette épargne est contractualisée dans l’assurance-vie et les fonds de pension administrés par les investisseurs institutionnels. Au contraire, les retraités consomment leur richesse en désépargnant (…). En conséquence, un déplacement de la pyramide des âges élève le taux d’épargne moyen s’il se produit de la première à la deuxième catégorie, l’abaisse s’il se produit entre la deuxième et la troisième.

Source : Michel Aglietta, Macroéconomie financière, collection Grands Repères, La Découverte, 2008 (5ème édition)

Document 45 : le modèle du cycle de vieSelon la théorie du cycle de vie de l’épargne, les pays dont la population vieillit doivent s’attendre à une baisse de l’épargne totale, une part de plus en plus importante de ménages prenant leur retraite et commençant à désépargner. D’après cette théorie, les individus lissent leur consommation sur la durée de leur vie en fonction des ressources anticipées. Les jeunes ménages ont souvent des besoins supérieurs à leurs revenus, donc ils épargnent peu et empruntent, tablant sur une hausse future de leurs moyens

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financiers. Lorsqu’ils avancent en âge, leur rémunération progresse généralement, ce qui leur permet de rembourser leurs dettes passées et d’accumuler de l’épargne, notamment en prévision de leur retraite. L’épargne atteint un pic en milieu et en fin de carrière professionnelle. Enfin, une fois à la retraite, les ménages voient leurs revenus diminuer et commencent à désépargner et à vivre des actifs accumulés.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

2.1.3.2 Le modèle du cycle de vie à l’épreuve des faits

Document 46 : l’épargne institutionnelle suit le modèle du cycle de vie L’institutionnalisation de l’épargne, qui est dans sa phase d’accumulation par les personnes actives d’âge compris entre 40 et 60 ans, renforce la pertinence du modèle du cycle de vie. Lorsque ces personnes entreront dans la retraite, la clôture de ces contrats d’assurance-vie l’emportera sur la création de nouveaux contrats. L’accumulation nette d’épargne dans les fonds de pension fera place à une désaccumulation nette. L’épargne totale des ménages incluant l’épargne contractuelle qui est gérée par les investisseurs institutionnels suit un profil par âge plus accusé que l’épargne personnelle.

Source : Michel Aglietta, Macroéconomie financière, collection Grands Repères, La Découverte, 2008 (5ème édition)

Document 47 : Le taux d’épargne des ménages dans différentes nations européennes

Source : d’après les données de l’observatoire européen de l’épargne 

Document 48

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Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 49 : transmissions intergénérationnelles et épargne de précaution Si l’on s’appuie sur le cycle de vie décrit ci-dessus, le taux d’épargne global devrait être fortement influencé par la taille relative des différentes tranches d’âge. Toutes choses égales par ailleurs, plus la proportion des plus de 65 ans (c’est-à-dire ceux qui épargnent peu) augmente, plus la tendance du taux d’épargne des ménages devrait être orientée à la baisse.Au final, dans le cas du Japon et de l’Italie, la théorie du cycle de vie de l’épargne s’est révélée tout à fait pertinente. Mais, dans celui de l’Allemagne, où le taux d’épargne des ménages a peu évolué depuis le début des années 1990, théorie et pratique ne semblent pas coïncider. Il parait donc nécessaire de recourir à d’autres motifs d’épargne pour pouvoir expliquer le comportement des Allemands en la matière. Une raison pour laquelle la désépargne des retraités est moins importante que ne le prédit la théorie du cycle de vie peut avoir trait à une volonté de transmission intergénérationnelle du patrimoine. Une autre raison peut être que les individus consacrent plus d’argent à la prévoyance privée, car ils vivront plus longtemps (et seront donc plus longtemps à la retraite) et que les incertitudes qui entourent l’avenir des systèmes de pensions les incitent à rester plus longtemps en activité, donc à épargner plus, au cours d’une carrière professionnelle plus longue.De manière plus générale, la volonté de bâtir et de conserver une épargne de précaution afin de faire face aux aléas de la vie (perte de revenus, problème de santé, etc.) affecte probablement les comportements d’épargne des ménages au cours de leur vie. Et, bien sûr, ils épargnent aussi pour des raisons indépendantes de la démographie. Ces dernières sont multiples: ampleur des inégalités de revenus (et/ou part revenant aux plus aisés), capacité à emprunter (notamment pour acheter un logement), niveau de la fiscalité directe et prise en charge par les systèmes de retraite, d’assurance maladie et de sécurité sociale notamment. Par exemple, toute baisse du niveau des pensions de retraite futures aura tendance à accroître le besoin d’épargne en prévision de la retraite.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 50 : la durée de la période de retraite n’est pas connue au moment où les ménages épargnent

Le modèle du cycle de vie ne rend toutefois pas compte de la complexité des liens entre l’épargne et la démographique. Ce modèle décrit en effet une motivation individualiste de l’épargne tournée vers le financement d’une période de retraite de durée connue. Un autre motif important est l’épargne de précaution contre les risques. Ceux qui augmentent avec l’âge contrecarrent la diminution du taux d’épargne pendant la période de retraite. Ce sont les risques de maladie et de dépendance s’ils sont insuffisamment couverts par la protection sociale. C’est aussi l’incertitude sur la durée de la retraite découlant de celle de la date de la mort. Enfin, un objectif de transmission intergénérationnelle peut exister, du moins parmi les catégories sociales capables d’accumuler du patrimoine. Cet objectif conduit à maintenir un taux d’épargne constant

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jusqu’à la mort. Ces deux motivations amortissent le profil de l’épargne avec l’âge qui résulte du cycle de vie.

Source : Michel Aglietta, Macroéconomie financière, collection Grands Repères, La Découverte, 2008 (5ème édition)

Document 51 : la consommation baisse chez les très âgésLe taux d’épargne croît en général avec l’âge de la personne de référence du ménage.  Il diminue toutefois pour la tranche d’âge 60 - 69 ans, mais remonte ensuite. Le pic pour les plus âgés peut traduire un souhait d’épargne de précaution ou de transmission, mais aussi l’habitude des générations plus anciennes de moins consommer. (…) Le taux d’épargne des plus jeunes est globalement négatif (- 10 %). L’introduction des aides financières entre ménages (pensions alimentaires, aides des parents à un enfant parti vivre seul…) modifie le profil des taux d’épargne. Ces transferts privés, en grande partie versés par les ménages de 50 ans ou plus, augmentent nettement le taux d’épargne des ménages les plus jeunes : négatif avant transferts, il ne l’est plus après. Les aides financières reçues par les plus jeunes, ajoutées à leur revenu, leur permettent donc de couvrir leurs dépenses de consommation.

Source : INSEE PREMIERE n°1265, Novembre 2009

2.1.4 Le vieillissement de la population a-t-il un impact négatif sur l’investissement ?

Document 52 : transformation de la consommation et ralentissement de la croissance désincitent à la consommation

Le vieillissement de la population peut décourager l’investissement pour au moins deux raisons. Premièrement, le fait qu’une population vieillisse ou diminue a de multiples effets secondaires sur la demande, notamment une modification des habitudes de consommation. Les personnes âgées ont en effet tendance à acheter moins de biens nécessitant un investissement lourd (par exemple des logements) et à dépenser plus en services (soins médicaux et tourisme notamment). De plus, une augmentation modérée ou une diminution de la main-d’œuvre réduit la capacité d’un pays à croître, faisant généralement craindre une dégradation future des résultats des entreprises qui risque d’inciter les ménages soucieux de leur avenir à consommer moins et à épargner plus dès aujourd’hui. Et moins les ménages consomment, moins les entreprises vendent, donc moins elles investissent. Cette situation peut inciter les habitants d’un pays à investir à l’étranger pour profiter du faible coût de la main d’œuvre et des meilleures perspectives de croissance, mais aussi pour engranger un rendement supérieur à celui qui est envisageable dans leur pays.Deuxièmement, les entreprises ont besoin d’un stock de capital donné (matériel, structures, terrains) par travailleur, ce qui signifie qu’un ralentissement de la croissance démographique se traduit par un recul de la demande en logements, bureaux et biens d’équipement neufs. Une croissance lente ou une diminution de la main-d’œuvre est synonyme de moindre demande en nouveaux investissements, un

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problème soulevé par Alvin Hansen à la fin des années 1930. Selon Hansen, la baisse du taux de natalité aux États-Unis comptait parmi les principales causes du déficit d’investissement (donc du manque de demande globale) caractéristique de la Grande Dépression. Pour lui, un ralentissement de la croissance démographique implique une baisse durable de la demande en investissement, ce qui peut créer une surabondance chronique d’épargne qui risque de plonger l’économie dans un marasme semi-permanent (une « stagnation séculaire » telle qu’il l’a qualifiée en 1938 dans un discours devant l’American Economic Association). Certains auteurs, dont Larry Summers et Paul Krugman, estiment que le vieillissement de la population fait partie des principales causes des périodes prolongées de croissance molle subies par les économies avancées au cours de la dernière décennie.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 53 : Alvin Hansen (1939) « Economic progress and declining population growth », American Economic Review, 29(1): 1-15.

Il a exposé son point de vue comme suit : « il faut que la technologie progresse plus vite que par le passé si nous voulons disposer d’opportunités d’investissement privé en mesure d’assurer le plein emploi... Je suis de plus en plus convaincu que l’effet combiné du ralentissement de la croissance démographique et de l’absence d’innovation d’importance réelle et d’ampleur suffisante pour absorber de grandes quantités de capitaux constitue une explication tout à fait sérieuse à l’incapacité de la reprise récente à assurer le plein emploi. »

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 54 : l’exemple du JaponL’histoire récente du Japon tend à conforter la thèse pessimiste du vieillissement de la population: l’économie nippone est entrée dans une période de stagnation au moment même où sa main-d’œuvre commençait à décliner, et le pays s’est alors enfoncé dans la déflation.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 55 : une baisse du taux d’investissement

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

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2.1.5 Le vieillissement de la population provoque-t-il un excès (paradoxal) d’épargne ?

Document 56 : l’épargne des ménages baisse, mais l’épargne des entreprises augmente

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 57

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 58  : une situation identique en Allemagne

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

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Document 59 : l’excès d’épargne nationale, l’exemple du JaponL’histoire récente du Japon tend à conforter la thèse pessimiste du vieillissement de la population: l’économie nippone est entrée dans une période de stagnation au moment même où sa main-d’œuvre commençait à décliner, et le pays s’est alors enfoncé dans la déflation. Élément frappant: sur les trois dernières décennies (exception faite d’une brève période entre la fin des années 1980 et le début des années 1990), le Japon a affiché un très fort surcroît d’épargne privée (somme de l’épargne des entreprises et des ménages) par rapport à l’investissement privé (somme de l’investissement de ces deux groupes).Si le vieillissement de la population (est) susceptible d’entraîner une baisse du taux d’investissement plus forte que la baisse du taux d’épargne, alors un contexte économique caractérisé par un excédent durable d’épargne désirée par rapport à l’investissement désiré tel que décrit par l’hypothèse de la stagnation séculaire a toute chance d’émerger. Et, comme le soulignait Hansen, une offre durablement excédentaire d’épargne entraîne un déficit chronique de demande globale qui réduit croissance et inflation.

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

Document 60 : L’excès d’épargne nationale et le déséquilibre des comptes courants

Source : Société Générale, Econote n°37, mars 2107

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