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LA PESTE CAMUS, 1942. ANTHOLOGIE RAISONNÉE Consigne : Pour chaque sujet, définir une problématique ; sélectionner une dizaine de passages significatifs d’une dizaine de lignes ; les organiser et les commenter. LES PERSONNAGES FACE À LA PESTE TARROU Thibaut Le Floch La peste est un roman qui a été écrit par Albert Camus en 1947. Ce roman raconte sous une forme de chronique le déroulement quotidien de la vie des habitants de la ville d'Oran lorsque celle-ci est frappée par une épidémie de peste, épidémie qui va couper cette ville du monde pendant plusieurs mois. Face à cette peste les personnages auront différentes réactions et façons d'agir. Qu'en sera-t-il pour Tarrou, quelle attitude a-t-il face à cette épidémie ? « [Ses carnets, en tout cas, constituent eux aussi une sorte de chronique de cette période difficile. Mais il s'agit d'une chronique très particulière qui semble obéir à un parti pris d'insignifiance. À première vue, on pourrait croire que Tarrou s'est ingénié à considérer les choses et les êtres par le gros bout de la lorgnette. Dans le désarroi général, il s'appliquait, en somme, à se faire l'historien de ce qui n'a pas d'histoire.] [...] [C'est à partir de ce moment que les carnets de Tarrou commencent à parler avec un peu de détails de cette fièvre inconnue dont on s'inquiétait déjà dans le public. En notant que le petit vieux avait retrouvé enfin ses chats avec la disparition des rats, et rectifiait patiemment ses tirs, Tarrou ajoutait qu'on pouvait déjà citer une dizaine de cas de cette fièvre, dont la plupart avaient été mortels.] » (32-33) Dans cette citation, on peut apprendre que Tarrou note sa vie quotidienne et les événements qui l'entourent dans des carnets. Donc on imagine que dans ses carnets il va retranscrire tous les faits de la « fièvre inconnue » (car à ce moment on ne sait pas encore qu'il s'agit de la peste). « - Voyons, Tarrou, êtes-vous capable de mourir pour un amour ? - Je ne sais pas, mais il me semble que non, maintenant. La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 1

expressionbts.files.wordpress.com · Web viewLe soir enfin, le Père expectora cette ouate qui l'étouffait. Elle [254] était rouge. Au milieu du tumulte de la fièvre, Paneloux

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LA PESTECAMUS, 1942.

ANTHOLOGIE RAISONNÉE

Consigne : Pour chaque sujet, définir une problématique ; sélectionner une dizaine de passages significatifs d’une dizaine de lignes ; les organiser et les commenter.

LES PERSONNAGES FACE À LA PESTE

TARROU

Thibaut Le Floch

La peste est un roman qui a été écrit par Albert Camus en 1947. Ce roman raconte sous une forme de chronique le déroulement quotidien de la vie des habitants de la ville d'Oran lorsque celle-ci est frappée par une épidémie de peste, épidémie qui va couper cette ville du monde pendant plusieurs mois. Face à cette peste les personnages auront différentes réactions et façons d'agir. Qu'en sera-t-il pour Tarrou, quelle attitude a-t-il face à cette épidémie ?

« [Ses carnets, en tout cas, constituent eux aussi une sorte de chronique de cette période difficile. Mais il s'agit d'une chronique très particulière qui semble obéir à un parti pris d'insignifiance. À première vue, on pourrait croire que Tarrou s'est ingénié à considérer les choses et les êtres par le gros bout de la lorgnette. Dans le désarroi général, il s'appliquait, en somme, à se faire l'historien de ce qui n'a pas d'histoire.] [...] [C'est à partir de ce moment que les carnets de Tarrou commencent à parler avec un peu de détails de cette fièvre inconnue dont on s'inquiétait déjà dans le public. En notant que le petit vieux avait retrouvé enfin ses chats avec la disparition des rats, et rectifiait patiemment ses tirs, Tarrou ajoutait qu'on pouvait déjà citer une dizaine de cas de cette fièvre, dont la plupart avaient été mortels.] » (32-33)

Dans cette citation, on peut apprendre que Tarrou note sa vie quotidienne et les événements qui l'entourent dans des carnets. Donc on imagine que dans ses carnets il va retranscrire tous les faits de la « fièvre inconnue » (car à ce moment on ne sait pas encore qu'il s'agit de la peste).

« - Voyons, Tarrou, êtes-vous capable de mourir pour un amour ?

- Je ne sais pas, mais il me semble que non, maintenant.

- Voilà. Et vous êtes capable de mourir pour une idée, c'est visible à l'oeil nu. Eh bien, moi, j'en ai assez des gens qui meurent pour une idée. je ne crois pas à l'héroïsme, je sais que c'est facile et j'ai appris que c'était meurtrier. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime.

Rieux avait écouté le journaliste avec attention. Sans cesser de le regarder, il dit avec douceur :

- L'homme n'est pas une idée, Rambert.

L'autre sautait de son lit, le visage enflammé de passion.

- C'est une idée, et une idée courte, à partir du moment où il se détourne de l'amour. Et justement, [180] nous ne sommes plus capables d'amour. Résignons-nous, docteur. Attendons de le devenir et si vraiment ce n'est pas possible, attendons la délivrance générale sans jouer au héros. Moi, je ne vais pas plus loin.

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Rieux se leva, avec un air de soudaine lassitude.

- Vous avez raison, Rambert, tout à fait raison, et pour rien au monde je ne voudrais vous détourner de ce que vous allez faire, qui me paraît juste et bon. Mais il faut cependant que je vous le dise : il ne s'agit pas d'héroïsme dans tout cela. Il s'agit d'honnêteté. C'est une idée qui peut faire rire, mais la seule façon de lutter contre la peste, c'est l'honnêteté.

- Qu'est-ce que l'honnêteté, dit Rambert, d'un air soudain sérieux.

Je ne sais pas ce qu'elle est en général. Mais dans mon cas, je sais qu'elle consiste à faire mon métier. » ( 153-154)

Ici on montre que Tarrou est un homme qui est dévoué face à la maladie contrairement à Rambert qui peut paraître égoïste face à la situation car il n'aiment pas les hommes et donc si ils ne les aiment pas il n'est pas prêt à mourir pour eux.

« Ils suivirent un petit couloir dont les murs étaient peints en vert clair et où flottait une lumière d'aquarium. [226] Juste avant d'arriver à une double porte vitrée, derrière laquelle on voyait un curieux mouvement d'ombres, Tarrou fit entrer Rambert dans une très petite salle, entièrement tapissée de placards. Il ouvrit l'un d'eux, tira d'un stérilisateur deux masques de gaze hydrophile, en tendit un à Rambert et l'invita à s'en couvrir. Le journaliste demanda si cela servait à quelque chose et Tarrou répondit que non, mais que cela donnait confiance aux autres. » (190)

Cela montre également la lucidité de Tarrou face à l'épidémie de la peste quand il dit que le masque ne sert a rien et ne fait qu'inspirer confiance. C'est un remède plutot psychologique pour ne pas inquiéter les gens qu'un rémède pour limiter l'épidémie.

« Mais le pire, écrivait Tarrou, est qu'ils soient des oubliés et qu'ils le sachent. Ceux qui les connaissaient les ont oubliés parce qu'ils pensent à autre chose et c'est bien compréhensible. Quant à ceux qui les aiment, ils les ont oubliés aussi parce qu'ils doivent s'épuiser en démarches et en projets pour les faire sortir. À force de penser à cette sortie, ils ne pensent [262] plus à ceux qu'il s'agit de faire sortir. Cela aussi est normal. Et à la fin de tout, on s'aperçoit que personne n'est capable réellement de penser à personne, fût-ce dans le pire des malheurs. Car penser réellement à quelqu'un, c'est y penser minute après minute, sans être distrait par rien, ni les soins du ménage, ni la mouche qui vole, ni les repas, ni une démangeaison. Mais il y a toujours des mouches et des démangeaisons. C'est pourquoi la vie est difficile à vivre. Et ceux-ci le savent bien. » (220)

Ici on peut voir la tristesse de la mort des pestiférés qui fait en quelque sorte pitié car comme le dit Tarrou il sont oubliés très vite car la peste amène d'autres soucis qui en font que la mort devienne presque quelque chose de normal dans le quotidien de cette ville envahie par la peste

« Oui, j'ai continué d'avoir honte, j'ai appris cela, que nous étions tous dans la peste, et j'ai perdu la paix. Je la cherche encore aujourd'hui, essayant de les comprendre tous et de n'être l'ennemi mortel de personne. Je sais seulement qu'il faut faire ce qu'il faut pour ne plus être un pestiféré et que c'est là ce qui peut, seul, nous faire espérer la paix, ou une bonne mort à son défaut. C'est cela qui peut soulager les hommes et, sinon les sauver, du moins leur faire le moins de mal possible et même parfois un peu de bien. Et c'est pourquoi j'ai décidé de refuser tout ce qui, de près ou de loin, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, fait mourir ou justifie qu'on fasse mourir.

[274] « C'est pourquoi encore cette épidémie ne m'apprend rien, sinon qu'il faut la combattre à vos côtés. » (231)

Dans cette citation Tarrou exprime les ressentiments de sa relation avec son père qu'il ne vit plus jamais pareil comme avant depuis qu'il avait assisté à l'une de ses séances où il ordonna la condamnation à mort d'un homme ( comme il en fit pour beaucoup d'autre s'en renda compte Tarrou après reflexion ; « je constatai [270] avec un vertige que mon père avait dû assister plusieurs fois à l'assassinat et que c'était les jours où, justement, il se levait

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très tôt. Oui, il remontait son réveil dans ces cas-là. » ). Et il montre donc les raisons qui l'ont poussé à s'investir dans la lutte contre la peste dans la ville d'Oran.

Donc avec cette petite anthologie et les passages qui y figurent on peut dire que Tarrou réagit de plusieurs manières face à la peste. Il agit premièrement en notant dans ses carnets ce dont il est témoin au tout début de l'épidémie ( lorsque que l'on ne sait même pas encore son nom) et dans un deuxième temps il va agir plus concrètement en aidant les malades aux côtés de Rieux en principe , pour donner des soins ou bien encore faire des diagnostics. Et plus tard dans le roman on en apprend un peu plus sur son choix d'aider les pestiférés dans l'espoir de ne pas mourir lors de ses confidences a Rieux.

RAMBERT.

HEBANT Floriane

Problématique : En quoi Rambert est-il un synonyme de résistant ?

Rambert, de son prénom Raymond, journaliste venu de Paris pour faire un reportage sur les conditions de vie des Arabes et en quête de renseignements sur leurs états sanitaires, se retrouve emprisonné dans la ville d'Oran après l'annonce de la peste. Il en suit plusieurs attitudes dont le mot résistant est le lien : tout d'abord, il refuse d'être enfermé dans cette ville avec laquelle il n'a rien à faire, surtout qu'une femme l'attend à Paris : il cherche à sortir de cette "prison" par l'administration et voyant que celle-ci ne fait rien (il a remplit divers formulaires sans aucune réponses), il va alors à la rencontre de passeurs. Mais après avoir longtemps cherché à s'extraire de la ville et de la peste, il décide de soutenir le Dr Rieux dans son action contre la peste après avoir su que Rieux avait lui aussi sa femme à l'extérieur de la ville. Alors en quoi Rambert est-il synonyme de résistant ? Je répondrais à cette question en analysant les dix extraits qui s'engagent dans mon raisonnement.

PASSAGE SÉLECTIONNÉ N°1 : P81-82. 

"Mais le matin, en se levant, l'idée lui était venue brusquement qu'après tout, il ne savait pas combien de temps cela pouvait durer. Il avait décidé de partir. Comme il était recommandé (dans son métier, on a des facilités), il avait pu toucher le directeur du cabinet préfectorale et lui avait dit qu'il n'avait pas de rapport avec Oran, que ce n'était pas son affaire d'y rester, qu'il se trouvait là par accident et qu'il était juste qu'on lui permît de s'en aller, même si, une fois dehors, on devait lui faire subir une quarantaine. le directeur lui avait dit qu'il comprenait très bien, mais qu'on ne pouvait pas faire d'exception, qu'il allait voir, mais qu'en somme la situation était grave et que l'on ne pouvait rien décider."

 Ce passage nous montre la ferveur des sentiments de Rambert quant à sa "libération". C'est l'utilisation du mot "juste" qui confirme cette théorie : Rambert n'accepte pas de rester enfermé indéfiniment et se décide à partir. C'est là que commence sa résistance contre cet enfermement qu'il subit. De plus, les arguments que Rambert utilise souligne l'injustice dont il se croit victime ("pas son affaire ; accident...").

PASSAGE SÉLECTIONNÉ N°2 : P101 

"Rambert avait d'abord continué ses démarches officielles. Selon ce qu'il disait, il avait toujours pensé que l'obstination finit par triompher de tout et, d'un certain point de vue, c'était son métier d'être débrouillard [...].Devant chacun d'eux cependant, et à chaque fois que cela avait été possible, Rambert avait plaidé sa cause. Le fond de son argumentation consistait toujours à dire qu'il était étranger à notre ville et que, par conséquent, son cas devait être spécialement examiné. En générale, les interlocuteurs du journaliste admettaient volontiers ce

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point. Mais ils lui représentaient ordinairement que c'était le cas d'un certains nombre de gens et que, par conséquent, son affaire n'était pas aussi particulière qu'il l'imaginait. A quoi cela Rambert pouvait répondre que cela ne changeait rien au fond de son argumentation, on lui répondait que cela changeait quelque chose aux difficultés administratives [...]."

 On peut voir ici que Rambert croit encore profondément à l'injustice qu'il lui a faite : il a toujours la même argumentation, sa révolte ne s'est toujours pas arrêter et il continu à clamer sa liberté. Même contre l'administration, ce qui mène à penser qu'on pourrait le croire égoïste vu qu'il se croit spécial : "aussi particulière qu'il l'imaginait". Pour moi, ce serait plutôt de la colère, dû à cet enfermement, qui causerait cette révolte. 

PASSAGE SÉLECTIONNÉ N°3 : P131 

"Rambert luttait pour empêcher que la peste le recouvrît. Ayant acquis la preuve qu'il ne pouvait sortir de la ville avec des moyens légaux, il était décidé, avait-il dit à Rieux, a user des autres. Le journaliste commença par les garçons de café. Un garçon de café est toujours au courant de tout. Mais les premiers qu'il interrogea étaient surtout au courant des pénalités très grave qui sanctionnaient ce genre d'entreprise. Dans un cas, il fut même pris pour un provocateur. Il lui fallut rencontrer Cottard chez Rieux pour avancer un peux. Ce jour-là, Rieux avaient parlé encore des démarches vaines que le journaliste avait faites dans les administrations."

 On peut voir ici la métaphore "zone occupé/zone libre" de ce passage. En effet, comme sous le régime de Vichy, Rambert cherche à passer de l'autre côté : la zone occupé (par la peste) et la zone libre où l'attend la femme qu'il aime. A replacer dans le contexte de la seconde guerre mondiale (plus le camp, les "collaborateurs, profiteurs et résistant"). C'est une forme de résistance que l'on retrouve ici. 

PASSAGE SÉLECTIONNÉ N°4 : P140 

« - Oui, dit Rieux. Dix médecins et une centaine d’hommes. C’est beaucoup apparemment. C’est à peine assez pour l’état présent de la maladie. Ce sera insuffisant si l’épidémie s’étend.

Rieux prêta l’oreille aux bruits de l’intérieur, puis sourit à Rambert.

-Oui, dit-il, vous devriez vous dépêcher de réussir.

Une ombre passa sur le visage de Rambert :

-Vous savez, dit-il d’une voix sourde, ce n’est pas cela qui me fait partir.

Rieux répondit qu’il le savait, mais Rambert continuait :

-Je crois que je ne suis pas lâche, du moins la plupart du temps. J’ai eu l’occasion de l’éprouver. Seulement, il y a des idées que je ne peux pas supporter.»

 Dans cet extrait, il y a deux sortes de résistance : celle contre la peste et celle de Rambert, contre lui-même. La

phrase : « J’ai eu l’occasion de l’éprouver » fournit l’indice principal qui me donne cette idée. Et dans « [les] idées

[qu’il] ne peut pas supporter », c’est peut-être la lâcheté dont il parle, ainsi, il est révolté contre lui-même avant même d’être révolté contre l’enfermement ou la peste. 

PASSAGE SÉLECTIONNÉ N°5 : P150 

« Il s’aperçut tout d’un coup, que Rambert le regardait.

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-Vous savez, docteur, dit-il, j’ai beaucoup pensé à votre organisation. Si je ne suis pas avec vous, c’est que j’ai mes raisons. Pour le reste, je crois que je saurais encore payer de ma personne, j’ai fait la guerre en Espagne.

-De quel côté ? demanda Tarrou.

-Du côté des vaincus. Mais depuis, j’ai un peu réfléchi.

-A quoi ? fit Tarrou

-Au courage. Maintenant je sais que l’homme est capable de grandes actions. Mais s’il n’est pas capable d’un grand sentiment, il ne m’intéresse pas.»

 La réflexion philosophique de Rambert est flagrante. Le fait qu’il puisse encore payer de sa personne signifie qu’il est prêt à résister encore pour ses raisons. La dernière phrase montre son attachement aux sentiments, qu’il qualifie de «grand» donc d’honorable. Ce qui veut dire qu’en fait, il est prêt à rentrer dans la résistance qui s’oppose à la peste sou la direction de Rieux et de Tarrou. 

PASSAGE SÉLECTIONNÉ N°6 : P190 

"-Ce n'est pas cela, dit Rambert. J'ai toujours pensé que j'étais étranger à cette ville te que je n'avais rien à faire avec vous. Mais maintenant que j'ai vu ce que j'avais vu, je sais que je suis d'ici, que je le veuille ou non. Cette histoire nous concerne tous.

Personne ne répondit et Rambert parut s'impatienter.

-Vous le savez bien d'ailleurs ! Ou sinon que feriez-vous dans cet hôpital ? Avez-vous donc choisi, vous, et renoncé au bonheur ?

Ni Tarrou ni Rieux ne répondirent encore. Le silence dura longtemps, jusqu'à ce qu'on approchât de la maison du docteur. Et Rambert, de nouveau, posa sa question, avec plus de force encore. Et, seul, Rieux se tourna vers lui. Il souleva avec effort :

-Pardonnez-moi, Rambert, dit-il, mais je ne le sais pas. Restez avec nous puisque vous le désirez."

 Rambert à enfin pris conscience de sa propre révolte. Il se dit près à combattre auprès de Tarrou, Rambert et de tous les autres : « je sais que je suis d’ici ». On ressent la ferveur des ses sentiments qui remonte comme dans le passage n°1. D’ailleurs, on la ressent le plus quand il pose sa question une deuxième, elle n’est pas réécrite, mais on la prend de plein fouet, comme s’il nous l’adressait. Ce dévouement aux sentiments fait parti de sa résistance : il est émotionnel. 

PASSAGE SÉLECTIONNÉ N°7 : P266 

« [...] Rambert attendait, dans un tremblement, de les confronter avec l’être de chair qui en avait été le support.

Il aurait souhaité redevenir celui qui, au début de l’épidémie, voulait courir d’un seul élan hors de la ville et s’élancer à la rencontre de celle qu’il aimait. Mais il savait que cela n’était plus possible. Il avait changé, la peste avait mis en lui une distraction que, de toutes ses forces, il essayait de nier, et qui, cependant, continuait en lui comme une sourde angoisse. Dans un sens, il avait le sentiment que la peste avait fini trop brutalement, il n’avait pas sa présence d’esprit. Le bonheur arrivait à toute allure, l’événement allait plus vite que l’attente.»

 J’ai pris cet extrait car il signe la fin de la résistance de Rambert. Enfin, il procède à une « défragmentation » intérieur. Il passe ses sentiments au crible et se trouve changé grâce/à cause de la peste, il sait qu’il ne sera plus comme avant, et cela lui fait peur. Mais c’est ainsi que sa révolte intérieur, on peut dire qu’il a enfin trouvé la peste après cet épisode tortueux pour son âme. 

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Ainsi, pour conclure, je dirais que Rambert est en fait un personnage vraiment très fort au niveau moral : il arrive à se remettre en question en permanence, grâce à ses sentiments, il a une volonté de fer. C’est la peste qui lui a permis de prendre conscience de cela. Et pour répondre à la problématique, je dirais que Rambert est un synonyme de résistant pour sa capacité à se révolter contre les injustices et pour la métaphore de la Seconde Guerre Mondiale qui entoure ce roman.

COTTARD

Marjorie Caraès

Pb : Comment Cottard est-il emblématique des individus égoïstes ?

Introduction : Le seul qui est heureux dans l’histoire de la peste, c’est Cottard, un employé de mairie qui cherche tout le temps les mots justes pour écrire. Au début du roman on ne connaît pas bien les raisons pour lesquelles il est recherché par la police et tente de se suicider. Nous apprenons qu’il devrait être condamné à de la prison, or il ne veut en aucun cas être séparé des autres. Comme l’administration, la police et la justice sont débordées, il se dit qu’on ne s’occupera pas de son cas et qu’il ne risque donc rien. Il préfère les risques de la peste à la certitude d’aller en prison. Cottard éprouve une malsaine satisfaction à l’égard de ses concitoyens. Il profite de l’épidémie pour se livrer à ses activités de trafic, de marché noir, pour s’enrichir en toute tranquillité. La peste arrange ses affaires. Ainsi il souhaite voir le malheur général s’amplifier et durer. Il est l’emblème des individus égoïstes tout au long du roman.

EXTRAITS N°1

« L'homme n'était pas tombé d'assez haut, ni trop brusquement, les vertèbres avaient tenu. Bien entendu, un peu d'asphyxie. Il faudrait avoir une radiographie. Le docteur fit une piqûre d'huile camphrée et dit que tout s'arrangerait en quelques jours.[...] Mais, à ce moment, le malade s'agita et se dressa [30] dans le lit en protestant qu'il allait bien et que ce n'était pas la peine. - Calmez-vous, dit Rieux. Ce n'est pas une affaire, croyez-moi, et il faut que je fasse ma déclaration.

- Oh ! fit l'autre.

Et il se rejeta en arrière pour pleurer à petits coups. Grand, qui tripotait sa moustache depuis un moment, s'approcha de lui.

- Allons, monsieur Cottard, dit-il. Essayez de comprendre. On peut dire que le docteur est responsable. Si, par exemple, il vous prenait l'envie de recommencer...

Mais Cottard dit, au milieu de ses larmes, qu'il ne recommencerait pas, que c'était seulement un moment d'affolement et qu'il désirait seulement qu'on lui laissât la paix. »

Cottard vient de tenter de se suicider. Le suicide est une première marque de l'égoisme chez lui. Ensuite, il fait preuve de lâcheté car il ne veut pas que Rieux prévienne la police de cet acte.

N°2

« - C'est la police, hein ?

- Oui, dit Rieux, et ne vous agitez pas. Deux ou trois formalités et vous aurez la paix.

Mais Cottard répondit que cela ne servait à rien et qu'il n'aimait pas la police. Rieux marqua de l'impatience.

- Je ne l'adore pas non plus. Il s'agit de répondre vite et correctement à leurs questions, pour en finir une bonne fois.

Cottard se tut et le docteur retourna vers la porte. Mais le petit homme l'appelait déjà et lui prit les mains quand il fut près du lit :

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 6

- On ne peut pas toucher à un malade, à un homme qui s'est pendu, n'est-ce pas, docteur ?

Rieux le considéra un moment et l'assura enfin qu'il n'avait jamais été question de rien de ce genre et qu'aussi bien, il était là pour protéger son malade. Celui-ci parut se détendre et Rieux fit entrer le commissaire.

On lut à Cottard le témoignage de Grand et on lui demanda s'il pouvait préciser les motifs de son acte. Il répondit seulement et sans regarder le commissaire que « chagrins intimes, c'était très bien ». Le commissaire le pressa de dire s'il avait envie de recommencer. Cortard, s'animant, répondit que non et qu'il désirait seulement qu'on lui laissât la paix. »

Dans ce passage, Cottard montre qu'il est solitaire. Il veut qu'on le laisse en paix.

N°3

« - Il est devenu poli.

- Ne l'était-il pas auparavant ?

Grand hésita. Il ne pouvait dire que Cottard fût impoli, l'expression n'aurait pas été juste. C'était un homme renfermé et silencieux qui avait un peu l'allure du sanglier. Sa chambre, un restaurant modeste et des [67] sorties assez mystérieuses, c'était toute la vie de Cottard. Officiellement, il était représentant en vins et liqueurs. De loin en loin, il recevait la visite de deux ou trois hommes qui devaient être ses clients. Le soir, quelquefois, il allait au cinéma qui se trouvait en face de la maison. L'employé avait même remarqué que Cottard semblait voir de préférence les films de gangsters. En toutes occasions, le représentant demeurait solitaire et méfiant.

Tout cela, selon Grand, avait bien changé :

- Je ne sais pas comment dire, mais j'ai l'impression, voyez-vous, qu'il cherche à se concilier les gens, qu'il veut mettre tout le monde avec lui. Il me parle souvent, il m'offre de sortir avec lui et je ne sais pas toujours refuser. Au reste, il m'intéresse, et, en somme, je lui ai sauvé la vie. »

Cet extrait amène des doutes sur les affaires de Cottard. Tout d'un coup il change de comportement et essaye de se mettre tout le monde dans sa poche pour augmenter ses affaires.

N°4

« Par la suite, Grand devait d'ailleurs signaler à Rieux d'autres changements dans le caractère de Cottard. Ce dernier avait toujours été d'opinions très libérales. Sa phrase favorite : « Les gros mangent toujours les petits » le prouvait bien. Mais depuis quelque temps, il n'achetait plus que le journal bien pensant d'Oran et on ne pouvait même se défendre de croire qu'il mettait une certaine ostentation à le lire dans des endroits publics. De même, quelques jours après s'être levé, il avait [69] prié Grand, qui allait à la poste, de bien vouloir expédier un mandat de cent francs qu'il envoyait tous les mois à une sœur éloignée. Mais au moment où Grand partait :

- Envoyez-lui deux cents francs, demanda Cottard, ce sera une bonne surprise pour elle. Elle croit que je ne pense jamais à elle. Mais la vérité est que je l'aime beaucoup. »

Les changements de comportements de Cottard montrent qu'il n'est pas clair dans ses affaires. On peut douter pour des histoires de traffics.

N°5

« Lui connaissait une filière et à Rambert, qui s'en étonnait, il expliqua que, depuis longtemps, il fréquentait tous les cafés d'Oran, qu'il y avait des amis et qu'il était renseigné sur l'existence d'une organisation qui s'occupait de ce genre d'opérations. La vérité était que Cottard, dont les dépenses dépassaient désormais les revenus, s'était mêlé à des affaires de contrebande sur les produits rationnés. Il revendait ainsi des cigarettes et du mauvais alcool dont les prix montaient sans cesse et qui étaient en train de lui rapporter une petite fortune.

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 7

- En êtes-vous bien sûr ? demanda Rambert.

- Oui, puisqu'on me l'a proposé.

- Et vous n'en avez pas profité ?

- Ne soyez pas méfiant, dit Cottard d'un air bonhomme, je n'en ai pas profité parce que je n'ai pas, moi, envie de partir. J'ai mes raisons.

Il ajouta après un silence :

- Vous ne me demandez pas quelles sont mes raisons ?

- Je suppose, dit Rambert, que cela ne me regarde pas.

- Dans un sens, cela ne vous regarde pas, en effet. Mais dans un autre... Enfin, la seule chose évidente, c'est que je me sens bien mieux ici depuis que nous avons la peste avec nous. »

En apprenant que Cottard connait une filière pour que Rambert puisse rejoindre son amie, on accentue nos doutes sur les affaires de Cottard. Grâce à la connaissance de Garcia, il peut permettre à Rambert de partir. Cet extrait montre également l'égoïsme de Cottard car depuis la peste il se sent bien mieux et il semble avoir des affinités avec la peste.

N°6

« Cottard regardait Tarrou sans comprendre. Celui-ci dit que trop d'hommes restaient inactifs, que l'épidémie était l'affaire de chacun et que chacun devait faire son devoir. Les formations volontaires étaient ouvertes à tous.

- C'est une idée, dit Cottard, mais ça ne servira à rien. La peste est trop forte.

- Nous le saurons, dit Tarrou sur le ton de la patience, quand nous aurons tout essayé.

Pendant ce temps, Rieux à son bureau recopiait des fiches. Tarrou regardait toujours le rentier qui s'agitait sur sa chaise.

- Pourquoi ne viendriez-vous pas avec nous, monsieur Cottard ?

L'autre se leva d'un air offensé, prit son chapeau rond à la main :

- Ce n'est pas mon métier.

Puis sur un ton de bravade :

- D'ailleurs je m'y trouve bien, moi, dans la peste, et je ne vois pas pourquoi je me mêlerais de la faire cesser. »

Dans ce passage, Cottard trouve des excuses pour ne pas aider le docteur Rieux et Tarrou pour soigner la peste. Il se sent bien mieux avec celle-ci. C'est une marque d'égoïsme de sa part.

N°7

« Tarrou se frappa le front, comme illuminé par une vérité soudaine :

- Ah ! c'est vrai, j'oubliais, vous seriez arrêté sans cela.

Cottard eut un haut-le-corps et se saisit de la chaise comme s'il allait tomber. Rieux avait cessé d'écrire et le regardait d'un air sérieux et intéressé.

- Qui vous l'a dit ? cria le rentier.

Tarrou parut surpris et dit :

- Mais vous. Ou du moins, c'est ce que le docteur et moi avons cru comprendre.

Et comme Cottard, envahi tout à coup d'une rage trop forte pour lui, bredouillait des paroles incompréhensibles :

- Ne nous énervez pas, ajouta Tarrou. Ce n'est pas le docteur ni moi qui vous dénoncerons. Votre histoire ne nous regarde pas. Et puis, la police, nous n'avons jamais aimé ça. Allons, asseyez-vous.

Le rentier regarda sa chaise et s'assit, après une hésitation. Au bout d'un moment, il soupira.

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 8

- C'est une vieille histoire, reconnut-il, qu'ils ont ressortie. Je croyais que c'était oublié. Mais il y en a un qui a parlé. Ils m'ont fait appeler et m'ont dit de me tenir à leur disposition jusqu'à la fin de l'enquête. J'ai compris qu'ils finiraient par m'arrêter. »

Cet extrait nous prouve bien que Cottard est impliqué dans des histoires malfamées. Si il s'énerve comme ça contre Tarrou c'est qu'il a des choses à cacher, et pas très fameuses. Il profite ainsi de la situation de l'épidémie pour ne pas se faire arrêté et être envoyé en prison,

N°8

« Il y avait pourtant dans la ville un homme qui ne paraissait ni épuisé ni découragé, et qui restait l'image vivante de la satisfaction. C'était Cottard. Il continuait à se tenir à l'écart, tout en maintenant ses rapports avec les autres. Mais il avait choisi de voir Tarrou aussi souvent que le travail de celui-ci le permettait, d'une part, parce que Tarrou était bien renseigné sur son cas et, d'autre part, parce qu'il savait accueillir le petit rentier avec une cordialité inaltérable. C'était un miracle perpétuel, mais Tarrou, malgré le labeur qu'il fournissait, restait toujours bienveillant et attentif. Même lorsque la fatigue l'écrasait certains soirs, il retrouvait le lendemain une nouvelle énergie. « Avec celui-là, avait dit Cottard à Rambert, on peut causer, parce que c'est un homme. On est toujours compris. » »

Dans ce passage on voit que la satisfaction de Cottard face à la peste ne cesse d'augmenter. Il montre en permanance son égoïsme et reste solitaire dans cette épreuve qui devrait être une forme de solidarité.

N°9

« En somme, la peste lui réussit. D'un homme solitaire et qui ne voulait pas l'être, elle fait un complice. Car visiblement c'est un complice et un complice qui se délecte. Il est complice de tout ce qu'il voit, des superstitions, des frayeurs illégitimes, des susceptibilités de ces âmes en alerte ; de leur manie de vouloir parler le moins possible. de la peste et de ne pas cesser cependant d'en parler ; de leur affolement et de leurs pâleurs au moindre mal de tête depuis qu'ils savent que la maladie commence par des céphalées ; et de leur sensibilité irritée, susceptible, instable enfin, qui transforme en offense des oublis et qui s'afflige de la perte d'un bouton de culotte. »

Dans cet extrait on voit encore une foi l'égoïsme et la forme de solitaire auquel appartient Cottard. Mais cette foi c'est Tarrou qui l'exprime.

N°10

« Mais il faut en venir à Cottard. Depuis que les statistiques étaient en baisse, celui-ci avait fait plusieurs visites à Rieux, en invoquant divers prétextes. Mais en réalité, chaque fois, il demandait à Rieux des pronostics sur la marche de l'épidémie. « Croyez-vous qu'elle puisse cesser comme ça, d'un coup, sans prévenir ? » Il était sceptique sur ce point ou, du moins, il le déclarait. Mais les questions renouvelées qu'il posait semblaient indiquer une conviction moins ferme. À la mi-janvier, Rieux avait répondu de façon assez optimiste. Et chaque fois, ces réponses, au lieu de réjouir Cottard, en avaient tiré des réactions, variables selon les jours, mais qui allaient de la mauvaise humeur à l'abattement. Par la suite, le docteur avait été amené à lui dire que, malgré les indications favorables données par les statistiques, il valait mieux ne pas encore crier victoire.

- Autrement dit, avait observé Cottard, on ne sait rien, ça peut reprendre d'un jour à l'autre ?

- Oui, comme il est possible aussi que le mouvement de guérison s'accélère.

Cette incertitude, inquiétante pour tout le monde, avait visiblement soulagé Cottard, et devant Tarrou, il avait engagé avec les commerçants de son quartier des conversations où il essayait de propager l'opinion de Rieux. Il n'avait pas de peine à le faire, il est vrai. Car après la fièvre des premières victoires, dans beaucoup d'esprits un doute était revenu qui devait survivre à l'excitation causée par la déclaration préfectorale. Cottard se rassurait au

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spectacle de cette inquiétude. Comme d'autres fois aussi, il se décourageait. « Oui, disait-il à Tarrou, on finira par ouvrir les portes. Et vous verrez, ils me laisseront tous tomber ! »

Ce passage montre bien l'égoïsme de Cottard. Il sent bien que la peste se termine et donc ses affaires par la même occasion. Ça ne l'arrange pas, il est heureux du maleur des autres.

N°11

« Tout d'un coup, parti des fenêtres des maisons occupées par les agents, un tir de mitraillette se déclencha. [328] Tout au long du tir, le volet qu'on visait encore s'effeuilla littéralement et laissa découverte une surface noire où Rieux et Grand, de leur place, ne pouvaient rien distinguer. Quand le tir s'arrêta, une deuxième mitraillette crépita d'un autre angle, une maison plus loin. Les balles entraient sans doute dans le carré de la fenêtre, puisque l'une d'elles fit sauter un éclat de brique. A la même seconde, trois agents traversèrent en courant la chaussée et s'engouffrèrent dans la porte d'entrée. Presque aussitôt, trois autres s'y précipitèrent et le tir de la mitraillette cessa. On attendit encore. Deux détonations lointaines retentirent dans l'immeuble. Puis une rumeur s'enfla et en vit sortir de la maison, porté plutôt que traîné, un petit homme en bras de chemise qui criait sans discontinuer. Comme par miracle, tous les volets clos de la rue s'ouvrirent et les fenêtres se garnirent de curieux, tandis qu'une foule de gens sortait des maisons et se pressait derrière les barrages. Un moment, on vit le petit homme au milieu de la chaussée, les pieds enfin au sol, les bras tenus en arrière par les agents. Il criait. Un agent s'approcha de lui et le frappa deux fois, de toute la force de ses poings, posément, avec une sorte d'application..

- C'est Cottard, balbutiait Grand. Il est devenu fou.

Cottard était tombé. On vit encore l'agent lancer son pied à toute volée dans le tas qui gisait à terre. Puis un groupe confus s'agita et se dirigea vers le docteur et son vieil ami. »

Ce dernier extrait peut permettre de synthétisé le comportement de Cottard face à la peste et au malheur des autres. En apprenant la fin de la peste il est devenu fou car il allait tout perdre et être emprisonné. Il déclencha des tirs car il n'a pas supporté la joie des habitants d'Oran.

Conclusion : Chaque personnages sont présentés dans ce roman. Ils apparaissent comme une réponse à la question « que faire face à la peste ? ». Cottard signifie la collaboration avec l’ennemi et l’égoïsme de l’homme. Il était solitaire, là où il aurait du être solidaire. Peut-être qu'il mérite sa fin, la mort, car c'est ce qu'il a souhaité pour chaque personne tout au long de l'épidémie pour pouvoir s'enrichir. Cottard ne méritait donc pas de vivre.

LE PÈRE PANELOUX

Énora Corbel

PROBLÉMATIQUE : EN QUOI LE PÈRE PANELOUX EST-IL UNE FIGURE EMBLÉMATIQUE DE CE ROMAN ?

Paneloux est le représentant de la religion et du clergé dans la Peste. En effet il est le seul prêtre de ce roman et a donc beaucoup d'influence sur les habitants d'Oran. Il prononce deux prêches dans ce récit le premier se situe un dimanche dans la cathédrale d'Oran et le deuxième est dit suite à la mort de l'enfant du juge Othon. On peut donc se demander en quoi le père Paneloux est une figure emblématique dans ce roman.

En premier plan nous verrons son premier prêche et en deuxième plan son second prêche.

Au cours de son premier prêche (p.91 à 95) Paneloux fait constater que la peste n'a touché jusque la que les ennemis de Dieu, ce qui donne une image négative de le divinité. En effet selon lui Dieu prend vengeance. Le prêtre

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dit que Dieu a punit les hommes en envoyant la Peste ; « Dieu qui, pendant si longtemps, a penché sur les hommes de cette ville son visage de pitié, lassé d'attendre, déçu dans son éternel espoir, vient de détourner son regard. Privés de la lumière de Dieu, nous voici pour longtemps dans les ténèbres de la peste! », p.92.

Rieux lui ne partage pas cet avis. Cela se comprend puisque il a vu mourir tant d'innocents et donc pour lui la séparation que propose Paneloux entre les ennemis de Dieu et les croyants, est inconcevable ; « Le fléau implacable battra le blé humain jusqu'à ce que la paille soit séparée du grain. »p.92. Étant médecin, Rieux sait qu'une maladie comme la peste n'épargne personne à cause de son innocence religieuse, mais qu'elle peut atteindre chacun indépendamment de sa foi.

Paneloux trouve aussi a la peste un côté positif : elle montre la voie vers le principe de toute vie ; « Elle nous guide vers le silence essentiel et vers le principe de toute vie. », p.94/ 95. Pour lui le bon chemin est de respecter les règles de Dieu c'est-à-dire le prier et aller le plus souvent possible à l'église.

Rieux lui ne croit pas en l'image d'un Dieu juste car pour lui il représente la brutalité (la mort par la peste). Il préfère s'en tenir à sa propre force comme médecin et ne pas dépendre de la divinité. Mais un autre point qui le gêne c'est que le père Paneloux n'offre pas d'aide dans son prêche pour guérir les malades de la peste.

Ensuite, le père Paneloux entame un deuxième prêche (p.202 à 208) dans lequel il change d'avis par rapport au premier, il va même jusqu'à le contredire et tout nier ; « Mes frères, l'instant est venu. Il faut tout croire ou tout nier. Et qui donc, parmi vous, oserait tout nier ? » p.202. Il vient de voir mourir un innocent, un enfant de la peste. Il ne considère donc plus le maladie comme une punition aux infidèles mais il garde toujours l'idée que cette maladie sert à éduquer les gens. Il dit qu'on ne doit pas malgré cela douter de Dieu ni se poser des questions sur ce sujet ; « la souffrance et la mort des enfants, lui seul en tout cas la rendre nécessaire, parce qu'il est impossible de la comprendre ». Paneloux admet que la peste n'a pas d'explication par Dieu et contredit donc le premier prêche.

Quand à Rieux lui ne peut pas croire la conviction du père Paneloux envers la religion. Pour lui le christianisme empêche les personnes de se développer car pour lui elles ne sont pas libres.

Au cours de son premier prêche Paneloux dit que la peste est châtiment divin pour punir les hommes de leur absurdité. Mais dans son deuxième prêche Paneloux représente la religion et l'explication par la Bible mais celle-ci ne pourra être valable durant tous le roman car déjà lors de son deuxième prêche il contredit les arguments du premier (suite à la mort d'un innocent : le fils du juge Oton) et plus tard dans le livre on apprend qu'il est malade de la peste et il refusera de ce soigner et en mourut donc. Dans cette fin tragique pour ce prêtre, Camus veut nous montrer qu'il ne faut pas toujours croire en Dieu, qu'il n'est pas toujours la solution des problèmes et en l'occurrence ici ce qui bravera Dieu est la médecine qu'exerce Rieux.

GRAND

Lydie Diverrès

La Peste de Camus présente beaucoup de personnages. Ils arrivent tous dès la première partie du roman. Chaque personnage est décrit pendant le roman. Ils ont aussi une vision différente les uns des autres de faire face a la l'épidémie et réagissent comme l'estime le mieux. On va donc voir comment le personnage de Grand se comporte-t-il face à la Peste ? A travers ces extraits, on va pouvoir étudier sa personnalité et donc son comportement et sa façon d'être.

PREMIER PASSAGE :

- Il faut le surveiller cette nuit. A-t-il de la famille ?

- Je ne la connais pas. Mais je peux veiller moi-même.

Il hochait la tête.

- Lui non plus, remarquez-le, je ne peux pas dire que je le connaisse. Mais il faut bien s'entraider.

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Dans les couloirs de la maison, Rieux regarda machinalement vers les recoins et demanda à Grand si les rats avaient totalement disparu de son quartier. L'employé n'en savait rien. On lui avait parlé en effet de cette histoire, mais il ne prêtait pas beaucoup d'attention aux bruits du quartier.

- J'ai d'autres soucis, dit-il.

I/Cet extrait montre que Grand est volontaire et solidaire. Ainsi, il n'est pas préoccupé par le début de la Peste. Il nous est présenté simplement et rapidement mais nous ne pouvons pas savoir qu'il jouera un rôle par la suite avec les autres personnages principaux.

2E PASSAGE :

Il y avait de longues années que cet état de choses provisoire durait, la vie avait augmenté dans des proportions démesurées, et le salaire de Grand, malgré quelques augmentations générales, était encore dérisoire. Il s'en était plaint à Rieux, mais personne ne paraissait s'en aviser. C'est ici que se place l'originalité de Grand, ou du moins l'un de ses signes. Il eût pu, en effet, faire valoir, sinon des droits dont il n'était pas sûr, du moins les assurances qu'on lui avait données. Mais, d'abord, le chef de bureau qui l'avait engagé était mort depuis longtemps et l'employé, au demeurant, ne se souvenait pas des termes exacts de la promesse [58] qui lui avait été faite. Enfin, et surtout, joseph Grand ne trouvait pas ses mots.

Dans un certain sens, on peut bien dire que sa vie était exemplaire. Il était de ces hommes, rares dans notre ville comme ailleurs, qui ont toujours le courage de leurs bons sentiments. Le peu qu'il confiait de lui témoignait [59] en effet de bontés et d'attachements qu'on n'ose pas avouer de nos jours. Il ne rougissait pas de convenir qu'il aimait ses neveux et sa sœur, seule parente qu'il eut gardée et qu'il allait, tous les deux ans, visiter en France. Il reconnaissait que le souvenir de ses parents, morts alors qu'il était encore jeune, lui donnait du chagrin. Il ne refusait pas d'admettre qu'il aimait pardessus tout une certaine cloche de son quartier qui résonnait doucement vers cinq heures du soir. Mais pour évoquer des émotions si simples cependant, le moindre mot lui coûtait mille peines. Finalement, cette difficulté avait fait son plus grand souci. « Ah ! Docteur, disait-il, je voudrais bien apprendre à m'exprimer. » Il en parlait à Rieux chaque fois qu'il le rencontrait.

II/Ces deux passages sont pensés par Rieux. Ils décrivent Grand, ce qui amène à comprendre le comportement de Grand à plusieurs situations comme la Peste. Son principal soucis est qu'il n'arrive pas s'exprimer. Lorsque quelque chose ne lui plait pas, il est embêter et ne cherche pas à se révolter car il ne trouve pas les mots. Il fait dons ce problème et se soumet à celui-ci.

3E PASSAGE :

Le docteur Rieux se détourna brusquement de l'affiche et reprit le chemin de son cabinet. Joseph Grand, qui l'attendait, leva de nouveau les bras en l'apercevant.

- Oui, dit Rieux, je sais, les chiffres montent.

La veille, une dizaine de malades avaient succombé dans la ville. Le docteur dit à Grand qu'il le verrait peut-être le soir, puisqu'il allait rendre visite à Cottard.

- Vous avez raison, dit Grand. Vous lui ferez du bien, car je le trouve changé.

- Et comment cela ?

- Il est devenu poli.

- Ne l'était-il pas auparavant ?

III/Dans ces quelques lignes, Grand et Rieux ont une conversation à propos de Cottard. Grand ne s'attarde pas sur le sujet de la maladie mais sur celui de Cottard car c'est dans sa nature de s'occuper des personnes en difficultés. On peut le remarquer puisqu'il décide de l'aider, alors qu'on nous apprend qu'il ne le connaissait pas vraiment avant qu'il le sauve.

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4E PASSAGE :

Joseph Grand à son tour avait souffert. Il aurait pu recommencer, comme le lui fit remarquer Rieux. Mais voilà, il n'avait pas la foi.

Simplement, il pensait toujours à elle. Ce qu'il aurait voulu, c'est lui écrire une lettre pour se justifier. « Mais c'est difficile, disait-il. Il y a longtemps que j'y pense. Tant que nous nous sommes aimés, nous nous sommes [98] compris sans paroles. Mais on ne s'aime pas toujours. À un moment donné, j'aurais dû trouver les mots qui l'auraient retenue, mais je n'ai pas pu. » Grand se mouchait dans une sorte de serviette à carreaux. Puis il s'essuyait les moustaches. Rieux le regardait.

- Excusez-moi, docteur, dit le vieux, mais, comment dire ?... J'ai confiance en vous. Avec vous, je peux parier. Alors, ça me donne de l'émotion.

Visiblement, Grand était à mille lieues de la peste.

IV/Cet extrait se situe quand Grand se confie à Rieux pour son mariage avec Jeanne. Il décrit aussi la personnalité de Grand. Il n'arrive pas à s'exprimer et est assez réservé. On sait qu'il souffre pour la femme qui l'a quitté et non pour la Peste. La Pest n'est donc pas dans ces soucis.

5E PASSAGE :

- C'est un fou, dit Grand.

Rieux, qui venait de lui prendre le bras pour l'entraîner, sentit que l'employé tremblait d'énervement.

- Il n'y aura bientôt plus que des fous dans nos murs, fit Rieux.

La fatigue aidant, il se sentait la gorge sèche.

- Buvons quelque chose.

Dans le petit café où ils entrèrent, et qui était éclairé par une seule lampe au-dessus du comptoir, les gens parlaient à voix basse, sans raison apparente, dans l'air épais et rougeâtre. Au comptoir, Grand, à la surprise du docteur, commanda un alcool qu'il but d'un trait et dont il déclara qu'il était fort. Puis il voulut sortir. Au dehors, il semblait à Rieux que la nuit était pleine de gémissements. Quelque part dans le ciel noir, au-dessus des lampadaires, un sifflement sourd lui rappela l'invisible fléau qui brassait inlassablement l'air chaud.

V/Ces quelques lignes montrent que la peste a un effet sur le comportement de Grand. Il est tendu, énervé et fatigué. Il voit de plus en plus de personnes atteints par la maladie. Cela l’inquiète jusqu’à le rendre nerveux. Grand met son désespoir dans l’alcool et arrive à oublier la maladie pour dériver vers son livre, en réalité sa phrase.

6E PASSAGE :

De ce point de vue, et plus que Rieux ou Tarrou, le narrateur estime que Grand était le représentant réel de cette vertu tranquille qui animait les formations sanitaires. Il avait dit oui sans hésitation, avec la bonne volonté qui était la sienne. Il avait seulement demandé à se rendre utile dans de petits travaux. Il était trop vieux pour le reste. De dix-huit heures à vingt heures, il pouvait donner son temps. Et comme Rieux le remerciait avec chaleur, il s'en étonnait : « Ce n'est pas le plus difficile. Il y a la peste, il faut se défendre, c'est clair. Ah ! Si tout était aussi simple ! » Et il revenait à sa phrase. Quelquefois, le soir, quand le travail des fiches était terminé, Rieux parlait avec Grand. Ils avaient fini par mêler Tarrou à leur conversation et Grand se confiait avec un plaisir de plus en plus évident à ses deux compagnons. Ces derniers suivaient avec intérêt le travail patient que Grand continuait au milieu de la peste. Eux aussi, finalement, y trouvaient une sorte de détente.

VI/

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Cet extrait nous informe que Grand a accepté d’aider dans les formations sanitaires. Rieux le remercie mais reste modeste. Il pense que vaincre et repousser la maladie est bien plus dur. On peut remarquer que cette association d’aide organiser par Tarrou et Rieux crée des liens entre eux et les rapproche. Ils sont solidaires.

7E PASSAGE :

- Ah ! Docteur, ah ! Docteur, faisait-il.

Rieux hochait la tête pour l'approuver, incapable de parler. Cette détresse était la sienne et ce qui lui tordait le cœur à ce moment était l'immense colère qui vient à [283] l'homme devant la douleur que tous les hommes partagent.

- Oui, Grand, dit-il.

- Je voudrais avoir le temps de lui écrire une lettre. Pour qu'elle sache... et pour qu'elle puisse être heureuse sans remords...

Avec une sorte de violence, Rieux fit avancer Grand. L'autre continuait, se laissant presque traîner, balbutiant des bouts de phrase.

- Il y a trop longtemps que ça dure. On a envie de se laisser aller, c'est forcé. Ah ! Docteur ! J'ai l'air tranquille comme ça. Mais il m'a toujours fallu un énorme effort pour être seulement normal. Alors maintenant, c'est encore trop.

VII/Ce passage, qui est le moment où Grand tombe malade montre que finalement la maladie a joué sur son moral. Il est épuisé, cela l’a mené à bout. Ainsi, il y a une accumulation, qui fait qu’il va craquer jusqu’au point d’en tomber malade. Son livre, sa femme et la peste s’accumulent. Mais on voit qu’il fait des efforts : « il m’a toujours fallu un énorme effort pour être normal ». De plus, il partage la même douleur que les autres.

8E PASSAGE :

Grand et le docteur partirent dans le crépuscule finissant. Comme si l'événement avait secoué la torpeur où s'endormait le quartier, ces rues écartées s'emplissaient [329] à nouveau du bourdonnement d'une foule en liesse. Au pied de la maison, Grand dit au revoir au docteur. Il allait travailler. Mais au moment de monter, il lui dit qu'il avait écrit à Jeanne et que, maintenant, il était content. Et puis, il avait recommencé sa phrase

« J'ai supprimé, dit-il, tous les adjectifs. »

Et avec un sourire malin, il enleva son chapeau dans un salut cérémonieux.

VIII/C’est le dernier passage où Grand est présent et adresse la parole. C’est un contraste avec le passage précédent, il revit et recommence tout. Le fait qu’il tomba malade et la peur de mourir l’a fait réfléchir. On voit que la Peste est finie et il se permet de reprendre la vie comme elle l’était avant le fléau. Il est tout de même plus calme et soulagé.

Grand est un personnage discret au début du roman puis il prend sa place. Ainsi, on remarque qu’il se préoccupe de plus en plus de l’épidémie et participe même aux formations sanitaires. Tandis qu’il ne souciait pas dans la première partie du roman. On le découvre progressivement à ses relations de travail avec Rieux et Tarrou.

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ESTHÉTIQUE ROMANESQUE

LA STRUCTURE DU ROMAN

Ophélie Thomas

La première partie relate l'apparition des rats, décrit la monté de la tension et s'achève sur l'énonciation de l'évènement : la maladie de la peste. On remarque également des dates précises « 30 avril », la mort du concierge qui évoque le début de l'épidémie.

PASSAGE N°1 :

«  Le matin du 16 avril, le docteur Bernard Rieux sortit de son cabinet et buta sur un rat mort, au milieu du palier. Sur le moment, il écarta la bête sans y prendre garde et descendit l'escalier. Mais, arrivé dans la rue, la pensée lui vint que ce rat n'était pas à sa place et il retourna sur ses pas pour avertir le concierge. Devant la réaction du vieux M. Michel, il sentit mieux ce que sa découverte avait d'insolite. La présence de ce rat mort lui avait paru seulement bizarre tandis que, pour le concierge, elle constituait un scandale. La position de ce dernier était d'ailleurs catégorique : il n'y avait pas de rats dans la maison. Le docteur eut beau l'assurer qu'il y en avait un sur le palier du premier étage, et probablement mort, la conviction de M. Michel restait entière. »

PASSAGE N°2 :

« Le mot de « peste » venait d'être prononcé pour la première fois. À ce point du récit qui laisse Bernard Rieux derrière sa fenêtre, on permettra au narrateur de justifier l'incertitude et la surprise du docteur, puisque, avec des nuances, sa réaction fut celle de la plupart de nos concitoyens. Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu'ils vous tombent sur la tête. Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. Le docteur Rieux était dépourvu, comme l'étaient nos concitoyens, et c'est ainsi qu'il faut comprendre ses hésitations. C'est ainsi qu'il faut comprendre aussi qu'il fut partagé entre l'inquiétude et la confiance. Quand une guerre éclate, les gens disent : « Ça ne durera pas, c'est trop bête. » Et sans doute une guerre est certainement trop bête, mais cela ne l'empêche pas de durer. La bêtise insiste toujours, on s'en apercevrait si l'on ne pensait pas toujours à soi. »

La deuxième partie montre l'installation et le progrès de la peste dans la cité désormais fermée sur elle même, les efforts pour organiser la lutte contre le fléau, le crescendo de la peur, le sentiment de l'exil, la révolte. On s'aperçoit qu'il n'y a plus de dates aussi précises, mais des dates relatives à la fermeture de la ville « le lendemain », « deux jours après la fermeture des portes ». La narration s'accélère avec un dernier passage à la fin de la partie sur Rambert, le journaliste.

PASSAGE N°3 :

« À partir de ce moment, il est possible de dire que la peste fut notre affaire à tous. Jusque-là, malgré la surprise et l'inquiétude que leur avaient apportées ces événements singuliers, chacun de nos concitoyens avait poursuivi ses occupations, comme il l'avait pu, à sa place ordinaire. Et sans doute, cela devait continuer. Mais une fois les portes fermées, ils s'aperçurent qu'ils étaient tous, et le narrateur lui-même pris dans le même sac et qu'il fallait s'en arranger. C'est ainsi, par exemple, qu'un sentiment aussi individuel que celui de la séparation d'avec un être aimé devint soudain, dès les premières semaines, celui de tout un peuple, et, avec la peur, la souffrance principale de ce long temps d'exil. »

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PASSAGE N°4 :

« , vers la fin de ce mois, les autorités ecclésiastiques de notre ville décidèrent de lutter contre la peste par leurs propres moyens, en organisant une semaine de prières collectives. Ces manifestations de la piété publique devaient se terminer le dimanche par une messe solennelle placée sous l'invocation de saint Roch, le [108] saint pestiféré. À cette occasion, on avait demandé au Père Paneloux de prendre la parole. Depuis une quinzaine de jours, celui-ci s'était arraché à ses travaux sur saint Augustin et l'Église africaine qui lui avaient conquis une place à part dans son ordre. D'une nature fougueuse et passionnée, il avait accepté avec résolution la mission dont on le chargeait. Longtemps avant ce prêche, on en parlait déjà et il marqua, à sa manière, une date importante dans l'histoire de cette période. »

La troisième partie revendique sa place centrale, tant en ce qui concerne le récit qu'en ce qui concerne l'action. Elle affirme le règne de la peste, ses violences, ces enterrements, la souffrance des séparés. Cette partie plus courte que les autres concerne seulement le mois d'août. Le rythme de narration est ralenti.

PASSAGE N°5 :

« Ainsi, à longueur de semaine, les prisonniers de la peste se débattirent comme ils le purent. Et quelques-uns d'entre eux, comme Rambert, arrivaient même à imaginer, on le voit, qu'ils agissaient encore en hommes libres, qu'ils pouvaient encore choisir. Mais, en fait on pouvait dire à ce moment, au milieu du mois d'août, que la peste avait tout recouvert. Il n'y avait plus alors de destins individuels, mais une histoire collective qui était la peste et des sentiments partagés par tous. Le plus grand était la séparation et l'exil, avec ce que cela comportait de peur et de révolte. Voilà pourquoi le narrateur croit qu'il convient, à ce sommet de la chaleur et de la maladie, de décrire la façon générale et à titre d'exemple, les violences de nos concitoyens vivants, les enterrements des défunts et la souffrance des amants séparés. »

PASSAGE N°6 :

« Nos concitoyens s'étaient mis au pas, ils s'étaient adaptés, comme on dit, parce qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement. Ils avaient encore, naturellement, l'attitude du malheur et de la souffrance, mais ils n'en ressentaient plus la pointe. Du reste, le docteur Rieux, par exemple, considérait que, justement, c'était cela le malheur, et que l'habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. Auparavant, les séparés n'étaient pas réellement malheureux, il y avait dans leur souffrance une illumination qui venait de s'éteindre. À présent, on les voyait au coin des rues, dans les cafés ou chez leurs amis, placides et distraits, et l'œil si ennuyé que, grâce à eux, toute la ville ressemblait à une salle d'attente. »

La quatrième partie accentue la montée de la maladie et de la terreur. Elle commence par un retour en arrière, on note aussi un flou temporel. La narration s'accélère. En effet, on passe rapidement de la fin octobre, à la Toussaint, puis à Noël.

PASSAGE N°7 :

« Pendant les mois de septembre et d'octobre, la peste garda la ville repliée sous elle. Puisqu'il s'agissait de piétinements, plusieurs centaines de milliers d'hommes piétinèrent encore, pendant des semaines qui n'en finissaient pas. La brume, la chaleur et la pluie se succédèrent dans le ciel. Des bandes silencieuses d'étourneaux et de grives, venant du sud, passèrent très haut, mais contournèrent la ville, comme si le fléau de Paneloux, l'étrange pièce de bois qui tournait en sifflant au-dessus des maisons, les tenait à l'écart. Au début d'octobre, de grandes averses balayèrent les rues. Et pendant tout ce temps, rien de plus important ne se produisit que ce piétinement énorme. »

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PASSAGE N°8 :

« La Toussaint de cette année-là ne fut pas ce qu'elle était d'ordinaire. Certes, le temps était de circonstance. Il avait brusquement changé et les chaleurs tardives avaient tout d'un coup fait place aux fraîcheurs. Comme les autres années, un vent froid soufflait maintenant de façon continue. De gros nuages couraient d'un horizon à l'autre, couvraient d'ombre les maisons sur lesquelles retombait, après leur passage, la lumière froide et dorée du ciel de novembre. Les premiers imperméables avaient fait leur apparition. Mais on remarquait un nombre surprenant d'étoffes caoutchoutées et brillantes. Les journaux en effet avait rapporté que deux cents ans auparavant, pendant les grandes pestes du Midi, les médecins revêtaient des étoffes huilées pour leur propre préservation. Les magasins en avaient profité pour écouler un stock de vêtements démodés grâce auxquels chacun espérait une immunité. »

La cinquième partie voit la peste décroître et règle le sort de quelques autres personnages qui ont jusque-là survécu, tels Tarrou et le juge Othon. On retrouve des dates précises.

PASSAGE N°9 :

« Quoique cette brusque retraite de la maladie fût inespérée, nos concitoyens ne se bâtèrent pas de se réjouir. Les mois qui venaient de passer, tout en augmentant leur désir de libération, leur avaient appris la prudence et les avaient habitués à compter de moins en moins sur une fin prochaine de l'épidémie. Cependant, ce fait nouveau était sur toutes les bouches, et, au fond des cœurs, s'agitait un grand espoir inavoué. Tout le reste passait au second plan. Les nouvelles victimes de la peste pesaient bien peu auprès de ce fait exorbitant : les statistiques avaient baissé. Un des signes que l'ère de la santé, sans être ouvertement espérée, était cependant attendue en secret, c'est que nos concitoyens parlèrent volontiers dès ce moment, quoique avec les airs de l'indifférence, de la façon dont la vie se réorganiserait après la peste. »

PASSAGE N°10 :

« Les portes de la ville s'ouvrirent enfin, à l'aube d'une belle matinée de février, saluées par le peuple, les journaux, la radio et les communiqués de la préfecture. Il reste donc au narrateur à se faire le chroniqueur des heures de joie qui suivirent cette ouverture des portes, bien que lui-même fût de ceux qui n'avaient pas la liberté de s'y mêler tout entiers. De grandes réjouissances étaient organisées pour la Journée et pour la nuit. En même temps, les trains commencèrent à fumer en gare pendant que, venus de mers lointaines, des navires mettaient déjà le cap sur notre port, marquant à leur manière que ce jour était, pour tous ceux qui gémissaient d'être séparés, celui de la grande réunion. »

LES REGISTRES

Laurent Urvoy

La peste est un roman écrit par Albert Camus est publié en 1947 a permis a l’auteur de remporté le prix Nobel en 1957. Il se situe a Oran pendant l’Algérie française dans les années 1940. Il conte la vie quotidienne des habitants de la ville, sous forme de chronique, pendant une épidémie de peste qui la frappe de plein fouet et la coupe du monde extérieur.Pour arriver à son but Il utilise plusieurs registres comme le registre fantastique, le tragique et le réaliste. Comment les utilise-t-il et dans quel but ?

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 17

POUR COMMENCER, NOUS ALLONS ABORDER LE REGISTRE FANTASTIQUE.

Le fantastique fait présence dès le début du roman en suscitant l’inquiétude, la peur d’un mal inconnu.

« La nuit, dans les couloirs ou les ruelles, on entendait distinctement leurs petits cris d'agonie. Le matin, dans les faubourgs, on les trouvait étalés à même le ruisseau, une petite fleur de sang sur le museau pointu, les uns gonflés et putrides, les autres raidis et les moustaches encore dressées. Dans la ville même, on les rencontrait par petits tas, sur les paliers ou dans les cours. Ils venaient aussi mourir isolément dans les halls administratifs, dans les préaux d'école, à la terrasse des cafés, quelquefois. Nos concitoyens stupéfaits les découvraient aux endroits les plus fréquentés de la ville. La Place d'Armes, les boulevards, la promenade du Front-de-Mer, de loin en loin, étaient souillés. Nettoyée à l'aube de ses bêtes mortes, la ville les retrouvait peu à peu, de plus en plus nombreuses, pendant la journée. Sur les trottoirs, il arrivait aussi à plus d'un promeneur nocturne de sentir sous son pied la masse élastique d'un cadavre encore frais. On eût dit que la terre même où étaient plantées nos maisons se purgeait de son chargement d'humeurs, qu'elle laissait monter à la surface des furoncles et des sanies qui, jusqu'ici, la travaillaient intérieurement. » ( Extrait page 21 )

L’auteur utilise le lexique de la peur par ces mots : « petits cris d’agonie », « gonflés et putrides », « raidis »,  « cadavre encore frais », « furoncles et des sanies ». Ce qui maintient l’ambiguïté et qui amplifie le trouble du personnage confronté à des phénomènes inexplicables. L’auteur fait une description très précise de l’état des sujets morts pour faire découvrir au lecteur que les personnages sont terrifiés par l’apparition de ces décès d’animaux qu’ils voient comme étrange.La dernière phrase démontre que les personnages discernés par le mot « on », sont dans une telle peur qu’ils vont même jusqu’à inventer des explications plus surnaturelles que possibles.

LE TRAGIQUE, UN REGISTRE TRÈS PRÉSENT DANS L’ŒUVRE.

La « chronique » est composée de cinq parties ce qui rappelle sans nul doute la tragédie classique construite en cinq actes. Tout y fait penser : l’introduction, l’ascension de la catastrophe, le sommet de la maladie et la retombée du drame avec les conséquence et la fin.

« C'est pourtant le même jour, à midi, que le docteur Rieux, arrêtant sa voiture devant son immeuble, aperçut au bout de la rue le concierge qui avançait péniblement, la tête penchée, bras et jambes écartés, dans une attitude de pantin. Le vieil homme tenait le bras d'un prêtre que le docteur reconnut. C'était le Père Paneloux, un jésuite érudit et militant qu'il avait rencontré quelquefois et qui était très estimé dans notre ville, même parmi ceux qui sont indifférents en matière de religion. Il les attendit. Le vieux Michel avait les yeux brillants et la respiration sifflante. Il ne s'était pas senti très bien et avait voulu prendre l'air. [28] Mais des douleurs vives au cou, aux aisselles et aux aines l'avaient forcé à revenir et à demander l'aide du Père Paneloux.

- Ce sont des grosseurs, dit-il. J'ai dû faire un effort.

Le bras hors de la portière, le docteur promena son doigt à la base du cou que Michel lui tendait ; une sorte de nœud de bois s'y était formé. 

- Couchez-vous, prenez votre température, je viendrai vous voir cet après-midi.» ( Extrait pages 22-23 )

La réplique du concierge suggère qu’il ne peut rien faire et qu’il cherche une explication à tous ses symptômes et quelle maladie ou dérangement était derrière tout cela. L’auteur compare la façon du concierge de se déambuler à un pantin, puis en l’examinant au niveau du coup, il semble ne trouver aucune raison au « nœud de bois » qui s’est formé a cet endroit.

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 18

« Quant à l'enfant, il fut transporté à l'hôpital auxiliaire, dans une ancienne salle de classe où dix lits avaient été installés. Au bout d'une vingtaine d'heures, Rieux jugea son cas désespéré. Le petit corps se laissait dévorer par l'infection, sans une réaction. De tout petits bubons, douloureux, mais à peine formés, bloquaient les articulations de ses membres grêles. Il était vaincu d'avance. C'est pourquoi Rieux eut l'idée d'essayer sur lui le sérum de Castel. Le soir même, après le dîner, ils pratiquèrent la longue inoculation, sans obtenir une seule réaction de l'enfant. » ( Extrait page 196 )

Ce passage se situe vers la moitié du texte. Grâce aux expressions : « son cas désespéré », « Il était vaincu d’avance », l’auteur expose l’impuissance du Docteur Rieux face à ce stade avancé de la maladie et montre qu’il ne lui reste qu’une seule solution : « essayer sur lui le sérum de Castel ».

« Le docteur serrait avec force la barre du lit où gémissait l'enfant. Il ne quittait pas des yeux le petit malade qui se raidit brusquement et, les dents de nouveau serrées, se creusa un peu au niveau de la taille, écartant lentement les bras et les jambes. Du petit corps, nu sous la couverture militaire, montait une odeur de laine et d'aigre sueur. L'enfant se détendit peu à peu, ramena bras et jambes vers le centre du lit et, toujours aveugle et muet, parut respirer plus vite. Rieux rencontra le regard de Tarrou qui détourna les yeux.

Ils avaient déjà vu mourir des enfants puisque la terreur, depuis des mois, ne choisissait pas, mais ils n'avaient jamais encore suivi leurs souffrances minute après minute, comme ils le faisaient depuis le matin. Et, bien entendu, la douleur infligée à ces innocents n'avait jamais cessé de leur paraître ce qu'elle était en vérité, c'est-à-dire un scandale. Mais jusque-là du moins, ils se scandalisaient abstraitement en quelque [234] sorte, parce qu'ils n'avaient jamais regardé en face, si longuement, l'agonie d'un innocent. » (Extrait page 197 )

Cet extrait renforce l’idée que le personnage principal ( le Docteur Rieux ) n’a aucun pouvoir sur le mal qui se déroule devant ses yeux, pour cela l’auteur montre l’impuissance de ce dernier : « Le docteur serrait avec force la barre du lit où gémissait l'enfant. Il ne quittait pas des yeux le petit malade qui se raidit brusquement », « Ils avaient déjà vu mourir des enfants puisque la terreur, depuis des mois, ne choisissait pas, mais ils n'avaient jamais encore suivi leurs souffrances minute après minute, comme ils le faisaient depuis le matin » .Il n’est qu’un spectateur face à cette scène où l’auteur amplifie cette image par le portrait exact de l’agonie de l’enfant.

LE RÉALISTE EST UN REGISTRE LITTÉRAIRE TRÈS SOUVENT UTILISÉ DANS LE GENRE ROMANESQUE.

« Ces quelques indications donnent peut-être une idée suffisante de notre cité. Au demeurant, on ne doit rien exagérer. Ce qu'il fallait souligner, c'est l'aspect banal de la ville et de la vie. Mais on passe ses journées sans difficultés aussitôt qu'on a des habitudes. Du moment que notre ville favorise justement les habitudes, on peut dire que tout est pour le mieux. Sous cet angle, sans doute, la vie n'est pas très passionnante. Du moins, on [16] ne connaît pas chez nous le désordre. Et notre population franche, sympathique et active, a toujours provoqué chez le voyageur une estime raisonnable. Cette cité sans pittoresque, sans végétation et sans âme finit Par sembler reposante et on s'y endort enfin. Mais il est juste d'ajouter qu'elle s'est greffée sur un paysage sans égal, au milieu d'un plateau nu, entouré de collines lumineuses, devant une baie au dessin parfait. On peut seulement regretter qu'elle se soit construite en tournant le dos à cette baie et que, partant, il soit impossible d'apercevoir la mer qu'il faut toujours aller chercher. » ( Extrait page 12 )

Ce morceau de texte est la fin d’un long prologue où l’auteur cherche a décrire de façon très précise les habitudes de vie des citoyens d’ Oran et l’univers qui les entoure. La description minutieuse est utilisée afin d’avoir un regard ayant un soupçon de pessimisme, voire malsain.

« Justement l'enfant, comme mordu à l'estomac, se pliait à nouveau, avec un gémissement grêle. Il resta creusé ainsi pendant de longues secondes, secoué de frissons et de tremblements convulsifs, comme si sa frêle carcasse pliait sous le vent furieux de la peste et craquait sous les souffles répétés de la fièvre. La bourrasque passée, il se

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détendit un peu, la fièvre sembla se retirer et l'abandonner, haletant, sur une grève humide et empoisonnée où le repos ressemblait déjà à la mort. Quand le flot brûlant l'atteignit à nouveau pour la troisième fois et le souleva un peu, l'enfant se recroquevilla, recula au fond du lit dans l'épouvante de la flamme qui le brûlait et agita follement la tête, en rejetant sa couverture. De grosses larmes, jaillissant sous les paupières enflammées, se mirent à couler sur son visage plombé, et, au bout de la crise, épuisé, crispant ses jambes osseuses et ses bras dont la chair avait fondu en quarante-huit heures, l'enfant prit dans le lit dévasté une pose de crucifié grotesque. » ( Extrait page 197 )

Ce passage montre effectivement la précision de l’auteur dans la description de la scène, ce qui donne au lecteur une vision de vraisemblance.

L’auteur a utilisé ces trois registres dans le but de mettre en évidence la dureté de la maladie qui s’en prend à de pauvres innocents, il donne ainsi au lecteur plus facilement une image de la scène et de l’histoire qui se déroule, il montre aussi l’impuissance de l’homme face à la maladie et même la mort.

LA NARRATION, LE RÉALISME

Pauline Derrien

Problématique : Comment le narrateur, grâce à des procédés précis, nous donne-t-il l’impression de réalisme ?Le narrateur tout au long du roman La Peste utilise des procédés afin de donner au lecteur l’impression de réalisme de l’histoire. Je vais donc, avec des passages du livre, montrer ces procédés.

PASSAGE 1 :

Dans ce passage, le narrateur donne de nombreuses indications temporelles comme « les jours qui suivirent », « le quatrième jour », « matins », « la nuit » qui donne une première impression de réalisme. Ainsi, le lecteur, en ayant des repères chronologiques, peut s’imaginer l’histoire plus aisément. Le narrateur intègre aussi dans son récit beaucoup d’indications de lieux telles que « réduits », « sous-sols », « caves », égouts », « couloirs », « ruelles », « faubourgs », « paliers », « cours », « halls administratifs », « préaux d’écoles », etc. Ces localisateurs renforcent l’effet de réel car le lecteur peut ainsi se représenter le décor dans lequel évoluent les personnages. L’accumulation de détails permet également de renforcer le réalisme. Par exemple, lorsque le narrateur décrit les rats mourants, le

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 20

lecteur peut presque voir les rongeurs « vaciller à la lumière, tourner sur eux-mêmes et mourir ». Ces indications espace-temps et ces descriptions permettent au lecteur de recréer visuellement le récit.

PASSAGE 2 :

Dans ce passage, on constate que le narrateur est omniscient car il sait ce qu’il se passe dans l’esprit des personnages : « la préfecture et la municipalité commençaient à s’interroger », « personne n’avait pensé à bouger. », « c’est le moment que choisit Castel ». Il parle également de choses de la vie courante telles que la presse, qui permettent au lecteur le rapprochement avec la réalité. De même, la précision de l’âge approximatif du docteur Castel favorise le parallèle entre le lecteur et les personnages.

PASSAGE 3 :

Dans ce passage comme dans le premier, il y a des indications de temps : « l’instant », « chaque soir », « peu à peu », « la nuit », « cette heure », « autrefois », et « aujourd’hui » qui donne au lecteur la possibilité de situé temporellement le passage et des annonces de localités : « la pièce », « la rue du faubourg », « au-dehors », « au balcon », « les quartiers alentours » qui dresse le décors imaginaire ou se déroule l’histoire. Les mouvements sont décris de telle manière qu’ils sont quasiment perçus par le lecteur : les détails sont nombreux et précis : « s’animait », « les lampes s’allumèrent », « la liberté qui gonflait », « envahie par une jeunesse bruyante ». Le réalisme en est ainsi accentué.

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 21

PASSAGE 4 :

Dans ce passage comme dans le second, le narrateur est omniscient : il connait les réactions et ressentis de tous les personnages : « chacun dut accepter de vivre au jour le jour », « souffrirent », etc. Il décrit les sentiments régnant chez les habitants de la ville comme si il était présent dans leurs esprits parmi leurs pensés. Cependant lorsqu’il dit « il semblait, à les voir », le lecteur peut penser qu’il est externe mais en réalité il ne fait que s’exclure de la population pour souligner le faite qu’il ne fait que transcrire les émotions de celle-ci.

PASSAGE 5 :

Dans ce passage, le narrateur bien que omniscient ne développe pas les sentiments de la vieille femme mais seulement quelques émotions passagères : « étonnée », « décidée avec beaucoup d’hésitations ». « Selon ses propres termes » signifie que le discourt est rapporté un peu à la manière d’un journal. Il n’y a que très peu d’indicateur espace-temps mais la situation rapportée dans le passage suffit au lecteur pour se repérer. La narration ici ne s’attarde pas sur les détails, néanmoins les évènements sont nettement éprouvés par le lecteur.

PASSAGE 6 :

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 22

Dans ce passage, il n’y a ni indicateurs de temps ni indicateurs de lieu, malgré cela, le lecteur arrive très bien à imaginer la situation car son réalisme vient du fait qu’elle provient de la vie courante : les journaux atténuant les faits affin de ne rien laisser paraitre de grave alors que la population sait pertinemment se qu’il en ait. Ici le narrateur parle de lui à la troisième personne du singulier, se qui montre qu’il s’inclut dans l’histoire en temps que personnage à part entière.

PASSAGE 7 :

Dans ce passage, il y a des localisateurs ainsi que des notations temporelles : « quatre heures des l’après-midi », « les chaussées », « des rues à arcades », « au seuil des couloirs ». Le réalisme est, en plus des ces indications, soutenu par les descriptions qui sont familière pour le lecteur : il fait beau et chaud donc les stores des boutiques sont baissés, cette scène est assez courante. De même la peste n’est pas ressentie dans se passage et pousse donc le lecteur à se représenter le tableau facilement, ce qui donc renforce l’impression de réel.

PASSAGE 8 :

Dans ce passage, les indications espace-temps sont aussi présentes : « un jour, vers dix heures », « des maisons du vieux quartier », « les carrefours obscures », « des rues ». Ce premier effet de réel est accompagné de descriptions qui aident le lecteur à « finir le décor » : « le ciel luisait doucement », « un léger vent soufflait ». Le lecteur s’imagine alors clairement la situation qui peu lui sembler banale et donc réelle. Le narrateur ici est externe, il ne décrit pas les sentiments des chacun il se contente de décrire « ce que l’on peut voir de l’extérieur » par des expressions telles que « et là il se frotta les mains ».

La Peste, anthologie raisonnée Mars 2011 page 23

PASSAGE 9 :

Dans ce passage, les indicateur de temps sont vagues mais nombreux : « même époque », « lendemain matin », « à midi », «  le soir », « dans la semaine », mais il n’y a qu’un seul localisateur : « à l’hôpital » cependant le lecteur arrive à visualisé l’endroit. Le narrateur est, comme dans le passage précédant, externe, il ne dit pas se que ressentent les personnages, il se contente de rapporter les paroles.

PASSAGE 10 :

Dans ce passage, le narrateur est omniscient, il décrit les sentiments du docteur : « se demandant », « il attendait », « il espérait », « s’en réjouissait », etc. cela incite le lecteur a ce glissé dans la peau de se personnage et donc appui le sentiment de réalité. Les annonces espace-temps sont peu présentes : « le surlendemain », « quelque jours avant », « chez lui », «  à midi », mais suffise au repérage et au renforcement de l’effet de réel.Le narrateur utilise donc des indications de lieus et de temps ainsi que des descriptions simples et de choses de la vie de tous les jours pour instaurer le réalisme dans le récit. De plus du fait qu’il soit tant tôt omniscient, tant tôt externe, il incite le lecteur à s’intégrer dans l’histoire.

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THÈMES

LA PESTE COMME MÉTAPHORE DE LA GUERRE

Alann Kersual

Albert Camus est un écrivain à qui la guerre a laissé des marques, elle est d'ailleurs la raison pour laquelle ce dernier ne connaitra jamais son père tué lors de La Bataille de La Marne. Il s'impliquera dans la guerre lui même en temps que résistant durant la Seconde Guerre Mondiale où il luttera contre le régime allemand. Au début de la Seconde Guerre Mondiale le nazisme s'abat sur l'Europe comme un véritable « fléau » certains le surnomme « la peste brune » (par analogie avec la couleur des uniformes que portaient les nazis ainsi que la capacité de la maladie à se rependre rapidement et à infecter les personnes atteintes). Y a-t-il un rapport entre cette peste et celle décrite par Camus? Est-ce que l'œuvre d'Albert Camus La Peste serait en quelque sorte un apologue cherchant à montrer les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale ?Les extraits de La Peste ci-dessous présentent des éléments évoquant la Seconde Guerre Mondiale.

ARRIVÉE DE L'ENVAHISSEUR

« C'est à peu près à cette époque en tout cas que nos concitoyens commencèrent à s'inquiéter. Car, à partir du 18, les usines et les entrepôts dégorgèrent, en effet, des centaines de cadavres de rats. Dans quelques cas, on fut obligé d'achever les bêtes, dont l'agonie était trop longue. Mais, depuis les quartiers extérieurs jusqu'au centre de la ville, partout où le docteur Rieux venait à passer, partout où nos concitoyens se rassemblaient, les rats attendaient en tas, dans les poubelles, ou en longues files, dans les ruisseaux. »

Ce texte se situe au début du livre et un de ses liens avec la guerre est que l'évènement qu'il sous-entend se déroule également au début des hostilités. L'évènement qui nous est induit ici est l'invasion des troupes allemandes soit le développement du nazisme, de la « peste brune » dans plusieurs pays d'Europe (Pologne, Norvège, France etc.). Dans cet extrait et même dans tout le deuxième chapitre, le développement du nazisme est allégorisé par cette arrivée soudaine des rats dont la quantité semble évoluer crescendo tout comme l'ampleur de la « peste brune » en Europe. (On peut noter que le rat est plutôt bien choisit pour désigner les nazis en raison de la connotation négative qu'il inspire.) Le fait que les rats se mettent à mourir partout dans la ville d'Oran (ici on voit qu'ils meurent par centaines dans les usines et les entrepôts) montre bien que le fléau nazi se disperse partout en Europe. Dans cet extrait le nombre de rats ou des termes comme « en tas » ou « en longues files » nous font penser à une armée.Par cet extrait et dans tout son deuxième chapitre Camus a cherché à montrer la rapidité a laquelle c'est développé le nazisme en Europe.

UN GOUVERNEMENT REFUSANT DE VOIR LA RÉALITÉ EN FACE QUI FINIT PAR ÊTRE DÉPASSÉ PAR LES ÉVÈNEMENTS

« Le surlendemain, en tout cas, Rieux pouvait lire de petites affiches blanches que la préfecture avait fait rapidement coller dans les coins les plus discrets de la ville. Il était difficile de tirer de cette affiche la preuve que les autorités regardaient la situation en face. Les mesures n'étaient pas draconiennes et l'on semblait avoir beaucoup sacrifié au désir de ne pas inquiéter l'opinion publique. L'exorde de l'arrêté annonçait, en effet, que quelques cas d'une fièvre pernicieuse, dont on ne pouvait encore dire si elle était contagieuse, avaient fait leur apparition dans la commune d'Oran. »

[…]

« Dans les premières heures de la journée où l'arrêté entra en vigueur, la préfecture fut assaillie par une foule de demandeurs qui, au téléphone ou auprès des fonctionnaires, exposaient des situations également intéressantes et, en même temps, également impossibles à examiner. »

Les deux extraits ci-dessus se réfèrent tout deux à la préfecture qui correspond en comparaison avec la Seconde Guerre Mondiale au gouvernement français, le régime de Vichy. Dans le premier extrait on voit une préfecture qui

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« fait semblant » de prendre des mesures pour tenter de stopper la propagation de la maladie. La préfecture fait preuve d'optimisme elle prétend ne voir aucune conséquences graves dans la maladie en propagation. Cela peut nous évoquer le gouvernement français qui disait qu'il gérait la situation face à l'oppression allemande. Le second extrait nous montre une préfecture débordée de travail suite aux évènements qui se déroulent à Oran. En comparaison avec le gouvernement français on peut dire que cette période correspond au moment ou le gouvernement s'apprête à signer l'armistice avec l'Allemagne d'Hitler. Camus nous présente une préfecture et une municipalité complètement perdues et dépassées par les évènements afin de critiquer les agissements du gouvernement français au début de la guerre.

LE COUVRE-FEU

« La seule mesure qui sembla impressionner tous les habitants fut l'institution du couvre-feu. À partir de onze heures, plongée dans la nuit complète, la ville était de pierre. »

Ce court extrait nous rappel bien sûr le couvre-feu imposé par la Wehrmacht en France occupée où tout citoyen devait rester cloitré chez lui après dix-neuf heures sous peine d'être tiré dessus à vue.

PROPAGANDES

« Les journaux, naturellement, obéissaient à la consigne d'optimisme à tout prix qu'ils avaient reçues. À les lire, ce qui caractérisait la situation, c'était « l'exemple émouvant de calme et de sang-froid » que donnait la population. Mais dans une ville refermée sur elle-même, où rien ne pouvait demeurer secret, personne ne se trompait sur « l'exemple » donné par la communauté. Et pour avoir une juste idée du calme et du sang-froid dont il était question, il suffisait d'entrer dans un lieu de quarantaine ou dans un des camps d'isolement qui avaient été organisés par l'administration. Il se trouve que le narrateur, appelé ailleurs, ne les a pas connus. Et c'est pourquoi il ne peut citer ici que le témoignage de Tarrou. »

L'extrait ci-dessus nous explique tout simplement que la presse d'Oran était censurée par l'administration. On peut le comparer avec la Seconde Guerre Mondiale car il y eu au cours de cette dernière un certain contrôle des informations diffusés dans la presse par les autorités ainsi qu'une forte propagande notamment par des affiches. Dans cet extrait on perçoit une certaine ironie du narrateur quand il dit par exemple « naturellement » ou alors lorsqu'il inclut dans sa phrase une citation de ce qu'il a lu dans la presse. Ainsi le narrateur et indirectement l'auteur nous fait part de sa désapprobation avec se que raconte la presse lorsqu'elle est influencée par les autorités.Camus nous montre bien l'aberration que l'on peut avoir face à des journaux qui nous cachent la vérité et qui veulent nous en faire croire une autre.

DIFFICULTÉS DE RAVITAILLEMENT ET DÉSIR DE FUITE EN «  ZONE LIBRE »

« On pouvait cependant avoir d'autres sujets d'inquiétude par suite des difficultés du ravitaillement qui croissaient avec le temps. La spéculation s'en était mêlée et on offrait à des prix fabuleux des denrées de première nécessité qui manquaient sur le marché ordinaire. Les familles pauvres se trouvaient ainsi dans une situation très pénible, tandis que les familles riches ne manquaient à peu près de rien. Alors que la peste, par l'impartialité efficace qu'elle apportait dans son ministère, aurait dû renforcer l'égalité chez nos concitoyens, par le jeu normal des égoïsmes, au contraire, elle rendait plus aigu dans le cœur des hommes le sentiment de l'injustice. Il restait, bien entendu, l'égalité irréprochable de la mort, mais de celle-là, personne ne voulait. Les pauvres qui souffraient ainsi de la faim pensaient, avec plus de nostalgie encore, aux villes et aux campagnes voisines, où la vie était libre et où le pain n'était pas cher. Puisqu'on ne pouvait les nourrir suffisamment, ils avaient le sentiment, d'ailleurs peu raisonnable, qu'on aurait dû leur permettre de partir. Si bien qu'un mot d'ordre avait fini par courir qu'on lisait, parfois, sur les murs ou qui était crié, d'autres fois, sur le passage du préfet : « Du pain ou de l'air ». Cette formule ironique donnait le signal de certaines manifestations vite réprimées, mais dont le caractère de gravité n'échappait à personne. »

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Cet extrait, nous explique que de nombreuses familles pauvres commencent à manquer d'argent pour acheter de quoi se nourrir en raison de la spéculation et qu'elles ressentent également l'envie de quitter la ville pour éviter l'épidémie. On peut alors faire deux rapprochements entre cet extrait et celui de la Seconde Guerre Mondiale. Les familles pauvres qui ne peuvent plus se nourrir nous rappèlent les difficultés de ravitaillement, le rationnement qu'ont connus les citoyens pendant la guerre. L'envie de quitter la ville afin d'échapper à une éventuelle contamination peut nous évoquer les familles qui, se sentant menacées par le nazisme, tentèrent de fuir l'occupation et d'aller se réfugier en « zone libre ».Camus cherche ainsi à dénoncer l'état de famine que purent connaître beaucoup de familles pendant la guerre. Il veut également nous faire comprendre l'envie que certains eurent de passer la frontière pour acquérir la liberté.

CAMP DE CONCENTRATION

« Tarrou rapporte, en effet, dans ses carnets, le récit d'une visite qu'il fit avec Rambert au camp installé sur le stade municipal. Le stade est situé presque aux portes de la ville, et donne d'un côté sur la rue où passent les tramways, de l'autre sur des terrains vagues qui s'étendent jusqu'au bord du plateau où la ville est construite. Il est entouré ordinairement de hauts murs de ciment et il avait suffi de placer des sentinelles aux quatre portes d'entrée pour rendre l'évasion difficile. De même, les murs empêchaient les gens de l'extérieur d'importuner de leur curiosité les malheureux qui étaient placés en quarantaine. En revanche, ceux-ci, à longueur de journée, entendaient, sans les voir, les tramways qui passaient, et devinaient, à la rumeur plus grande que ces derniers traînaient avec eux, les heures de rentrée et de sortie des bureaux. Ils savaient ainsi que la vie dont ils étaient exclus continuait à quelques mètres d'eux, et que les murs de ciment séparaient deux univers plus étrangers l'un à l'autre que s'ils avaient été dans des planètes différentes. »

Cet extrait nous décrit l'environnement dans lequel les personnes plausibles d'attraper la maladie étaient placés en quarantaine. Les constructions qui y sont décrites rappèlent beaucoup celles des camps de concentrations où furent exportés plusieurs millions de prisonniers par les nazis. En effet, les « hauts murs de ciment », les « sentinelles » placées « aux quatre portes pour rendre l'évasion plus difficile » mais également « les tramways qui passaient » nous évoquent l'ambiance de ces camps; l'enfermement et le transport des déportés par la voie ferrée (évoqué par les passages de tramways). L'auteur par son « camp installé sur le stade municipal » veut nous déceler les conditions d'enfermement que connurent les prisonniers des nazis ( comparé avec des personnes conditionnées en collectivité dans un espace réduit à cause de la peste)

ÉVASIONS

« On peut penser que toutes ces circonstances, ajoutées au vent, portèrent aussi l'incendie dans certains esprits. Les portes de la ville furent attaquées de nouveau pendant la nuit, et à plusieurs reprises, mais cette fois par de petits groupes armés. Il y eut des échanges de coups de feu, des blessés et quelques évasions. Les postes de garde furent renforcés et ces tentatives cessèrent assez rapidement. »

Cet extrait nous apprend que quelques Oranais sont parvenus à s'échapper de la ville et par la même occasion de ce fléau qui les menaçaient. Cela nous amène à penser à tout les individus fait prisonniers durant la seconde guerre mondiale qui sont parvenus à s'échapper sous l'emprise de leurs geôliers.Albert Camus nous invoque le terme d'évasions. Il montre par cet extrait le peu de chance de s'évader ( il y a eu seulement « quelques évasions » et cela à coutés en échange des « coups de feu » et « des blessés »).

COLLABORATIONS

« La vérité était que Cottard, dont les dépenses dépassaient désormais les revenus, s'était mêlé à des affaires de contrebande sur les produits rationnés. Il revendait ainsi des cigarettes et du mauvais alcool dont les prix montaient sans cesse et qui étaient en train de lui rapporter une petite fortune.

- En êtes-vous bien sûr ? demanda Rambert.

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- Oui, puisqu'on me l'a proposé.

- Et vous n'en avez pas profité ?

Ne soyez pas méfiant, dit Cottard d'un air bonhomme, je n'en ai pas profité parce que je n'ai pas, moi, envie de partir. J'ai mes raisons. »

Ce texte nous révèle l'implication de Cottard dans des affaires de contrebande. Ici Cottard est le complice de la peste. On apprend alors qu'il profite lâchement de l'épidémie de peste pour mener à bien son petit marché c'est de ces « raisons » que Cottard veut parler. L'attitude de Cottard est similaire à celle des « collabos » qui pactisaient avec l'ennemi pour des raisons qui les arrangeaient politiquement ou personnellement.Camus a tenu à dénoncer la collaboration avec l'ennemi en y introduisant le personnage peu aimable de Cottard.

FOSSES COMMUNES

« À l'extrémité du cimetière, dans un espace nu couvert de lentisques, on avait creusé deux immenses fosses. Il y avait la fosse des hommes et celle des femmes. De ce point de vue, l'administration respectait les convenances et ce n'est que bien plus tard que, par la force des choses, cette dernière pudeur disparut et qu'on enterra pêle-mêle, les uns sur les autres, hommes et femmes, sans souci de la décence. Heureusement, cette confusion ultime marqua seulement les derniers moments du fléau. Dans la période qui nous occupe, la séparation des fosses existait et la préfecture y tenait beaucoup. Au fond de chacune d'elles, une grosse épaisseur de chaux vive fumait et bouillonnait. Sur les bords du trou, un monticule de la même chaux laissait ses bulles éclater à l'air libre. Quand les voyages de l'ambulance étaient terminés, on amenait les brancards en cortège, on laissait glisser au fond, à peu près les uns à côté des autres, les corps dénudés et légèrement tordus et, à ce moment, on les recouvrait de chaux vive, puis de terre, mais jusqu'à une certaine hauteur seulement, afin de ménager la place des hôtes à venir. »

L'extrait qui est présenté ci-dessus décrit les conditions dans lesquelles les victimes de la peste étaient enterrées. Les conditions qui sont décrites s'apparentent à celle dans lesquelles de nombreuses victimes de la guerre on été enterrées. En effet, pendant la guerre de nombreux morts furent enterrés dans des fosses communes dans des conditions indignes d'une sépulture; lesquelles conditions sont décrites dans l'extrait ci-dessus ( « on enterra pêle-mêle, les uns sur les autres, hommes et femmes, sans souci de la décence » ; «  une grosse épaisseur de chaux vive fumait et bouillonnait » ; « on laissait glisser au fond, à peu près les uns à côté des autres, les corps dénudés et légèrement tordus et, à ce moment, on les recouvrait de chaux vive, puis de terre, mais jusqu'à une certaine hauteur seulement, afin de ménager la place des hôtes à venir. »)En écrivant ces lignes Camus cherche à démontrer l'horreur et l'indignité des conditions dans lesquelles les défunts furent enterrés.

Four crématoire

« Un peu plus tard cependant, on fut obligé de chercher ailleurs et de prendre encore du large. Un arrêté préfectoral expropria les occupants des concessions à perpétuité et l'on achemina vers le four crématoire tous les restes exhumés. Il fallut bientôt conduire les morts de la peste eux-mêmes à la crémation. Mais on dut utiliser alors l'ancien four d'incinération qui se trouvait à l'est de la ville, à l'extérieur des portes. »

Cet extrait évoque l'obligation des services sanitaires de la ville d'Oran d'incinérer les victimes de la peste par manque de place dans les cimetières et par mesure d'hygiène. L'évocation du four d'incinération nous ramène aux camps d'exterminations allemands qui, durant la Seconde Guerre Mondiale, se débarrassaient des prisonniers ( 90% d'entre eux étaient des juifs) qu'ils avaient gazés en les incinérant dans de grands fours crématoires.En évoquant le terme de four incinérateur, Camus cherche à nous remémorer les victimes de la Shoah ainsi que les immenses fours crématoires dans lesquels ils était incinérés dans des conditions atroces où un bon nombre d'identités furent effacées à jamais.

RÉSISTANCE

« Il ne s'agissait pas de refuser les précautions, l'ordre intelligent qu'une société introduisait dans le désordre d'un fléau. Il ne fallait pas écouter ces moralistes qui disaient qu'il fallait se mettre à genoux et tout abandonner. Il

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fallait seulement commencer de marcher en avant, dans la ténèbre, un peu à l'aveuglette, et essayer de faire du bien. Mais pour le reste, il fallait demeurer, et accepter de s'en remettre à Dieu, même pour la mort des enfants, et sans chercher de recours personnel. »

Dans cet extrait, le narrateur cite une phrase «  Il ne fallait pas écouter ces moralistes qui disaient qu'il fallait se mettre à genoux et tout abandonner ». On peut associer cette phrase au raisonnement qu'aurait fait un résistant au cours de la Seconde Guerre Mondiale. En effet, « ces moralistes qui disaient qu'il fallait se mettre à genoux et tout abandonner » correspondent aux hommes politiques appelant les citoyens à la collaboration avec l'ennemi. En écrivant cela, Camus critique à nouveau le gouvernement sous l'occupation mais il laisse également émerger un quelconque appel à la résistance.

L'ARRESTATION DES « COLLABOS »

« Tout d'un coup, parti des fenêtres des maisons occupées par les agents, un tir de mitraillette se déclencha. Tout au long du tir, le volet qu'on visait encore s'effeuilla littéralement et laissa découverte une surface noire où Rieux et Grand, de leur place, ne pouvaient rien distinguer. Quand le tir s'arrêta, une deuxième mitraillette crépita d'un autre angle, une maison plus loin. Les balles entraient sans doute dans le carré de la fenêtre, puisque l'une d'elles fit sauter un éclat de brique. A la même seconde, trois agents traversèrent en courant la chaussée et s'engouffrèrent dans la porte d'entrée. Presque aussitôt, trois autres s'y précipitèrent et le tir de la mitraillette cessa. On attendit encore. Deux détonations lointaines retentirent dans l'immeuble. Puis une rumeur s'enfla et en vit sortir de la maison, porté plutôt que traîné, un petit homme en bras de chemise qui criait sans discontinuer. Comme par miracle, tous les volets clos de la rue s'ouvrirent et les fenêtres se garnirent de curieux, tandis qu'une foule de gens sortait des maisons et se pressait derrière les barrages. Un moment, on vit le petit homme au milieu de la chaussée, les pieds enfin au sol, les bras tenus en arrière par les agents. Il criait. Un agent s'approcha de lui et le frappa deux fois, de toute la force de ses poings, posément, avec une sorte d'application.. »

L'extrait présenté ci-dessus retrace l'arrestation du contrebandier Cottard. Cottard que l'on avait qualifié comme complice de la peste, collaborateur avec la maladie. Cet extrait nous évoque la période juste après la guerre où les « collabos » furent arrêtés, punis ou même assassinés par ceux qui refusaient l'occupation. Ici, la violence ( «  tir de mitraillette » ; « Deux détonations lointaines retentirent dans l'immeuble » ; « porté plutôt que traîné, un petit homme en bras de chemise qui criait sans discontinuer » ; «  Un agent s'approcha de lui et le frappa deux fois, de toute la force de ses poings ») avec laquelle est arrêté Cottard rappel les conditions dans lesquelles les collaborateurs étaient arrêtés.Camus c'est servit du personnage de Cottard pour retracer ce qui advenait des collaborateurs en général pendant et après la guerre.

VICTOIRE, RÉJOUISSANCES ET RETROUVAILLES

« On dansait sur toutes les places. Du jour au lendemain, la circulation avait considérablement augmenté et les automobiles, devenues plus nombreuses, circulaient difficilement dans les rues envahies. Les cloches de la ville sonnèrent, à la volée, pendant tout l'après-midi. Elles remplissaient de leurs vibrations un ciel bleu et doré. Dans les églises, en effet, des actions de grâces étaient récitées. Mais, en même temps, les lieux de réjouissance étaient pleins à craquer et les cafés, sans se soucier de l'avenir, distribuaient leurs derniers alcools. Devant leurs comptoirs, se pressait une foule de gens pareillement excités et, parmi eux, de nombreux couples enlacés qui ne craignaient pas de se donner en spectacle. Tous criaient ou riaient. La provision de vie qu'ils avaient faite pendant ces mois où chacun avait mis son âme en veilleuse, ils la dépensaient ce jour-là qui était comme le jour de leur survie. Le lendemain, commencerait la vie elle-même, avec ses précautions. Pour le moment, des gens d'origines très différentes se coudoyaient et fraternisaient. L'égalité que la présence de la mort n'avait pas réalisée en fait, la joie de la délivrance l'établissait, au moins pour quelques heures. »

Le texte ci-dessus se situe vers la fin du roman. Il décrit les festivités qui on lieu dans la ville d'Oran une fois l'épidémie vaincue. Le rapprochement que l'on peut faire avec la Seconde Guerre Mondiale se situe également à la fin de cette dernière il s'agit bien évidemment de la libération où de nombreuses fêtes eurent lieu pour célébrer la

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victoire. L'extrait nous évoque tout à fait cette ambiance : « On dansait » ; «  Les cloches de la ville sonnèrent, à la volée » ; «  des actions de grâces étaient récitées » ; « Tous criaient ou riaient » etc.Camus nous montre ainsi par cet extrait les émotions ressenties par tout un peuple libéré du fléau nazi.

UNE MENACE COMMINATOIRE

« Écoutant, en effet, les cris d'allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu'on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu'il peut rester pendant des dizaines d'années endormi dans les meubles et le linge, qu'il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l'enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse. »

Cet extrait nous fait part des pensées de Rieux au sujet de la peste. Il explique qu'elle a décimé des populations mais qu'elle peut très bien en décimer d'autres par la suite en raison de l'immortalité du bacille de la peste. Cela semble se référer à la guerre en général, il y en a toujours eu et il y en aura encore. Les exemples que l'on peut donner sont les trois guerres successives de la France contre l'Allemagne ( au bout de la deuxième on croyait que c'était la dernière « Der des der » mais la soif de vengeance de l'Allemagne déclencha cette troisième guerre) il n'est donc pas impossible que le désir de vengeance menace d'une quatrième guerre contre l'Allemagne.Camus veut également démontrer par cet extrait que le nazisme n'a pas encore totalement disparus, des esprits ainsi que des documents à tendances fascistes sont toujours en liberté dans la nature. Camus n'exclut pas l'hypothèse d'une renaissance du mouvement nazi.

EN CONCLUSIONAlbert Camus tout au long de son roman cherche à faire passer des messages à travers des textes métaphorisés s'apparentant au thème de la Seconde Guerre Mondiale et du nazisme et ceux sont ces messages qui qualifie ainsi ce roman d'apologue. Le roman semble être un historique de la Seconde Guerre Mondiale, il relate plusieurs évènements par ordre chronologique ainsi que quelques éléments propre à cette guerre. On peut alors trouver en quelques sortes deux histoires conditionnées en un seul roman.

LA RÉSISTANCE ET LA RÉVOLTE

Perrot Cécile

Problématique :La résistance et la révolte du peuple face à l'épidémie, ont-elles permit une amélioration de la situation ?

Introduction :Tout d'abord, la chronique la Peste de Albert Camus montre de diverses réactions face aux événements survenants. L'épidémie a engendré des affolements dans le peuple. Effectivement, on peut l'observer sous 2 grandes manières : la peur, l'abattement ou la résistance et la révolte. Dans cet exposé, j'aborderais cette seconde réaction qui est la moins passive. Le peuple se révolte contre la peste par des moyens plus ou moins efficaces mais on remarque qu'un mouvement collectif se met en place dans tout domaine.

1E R PASSAGE :

« Le 28 avril, cependant, Ransdoc annonçait une collecte de 8.000 rats environ et l'anxiété était à son comble dans la ville. On demandait des mesures radicales, on accusait les autorités, et certains qui avaient des maisons au bord de la mer parlaient déjà de s'y retirer. Mais, le lendemain, l'agence annonça que le phénomène avait cessé

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brutalement et que le service de dératisation n'avait collecté qu'une quantité négligeable de rats morts. La ville respira. »

Page22Les habitants se posent des questions et cherchent un coupable, un responsable à ce phénomène. Cette première phase montre le caractère vif de ces derniers ( accusait les autorités, mesures radicales, brutalement ). C'est donc par le biais du gouvernement de la ville que les Oranais se révoltent car il n'ont pas encore les réponses à ce problème.

2E PASSAGE :

« Mais elle précisa que les rapatriés ne pourraient, en aucun cas, ressortir de la ville et que, s'ils étaient libres de venir, ils ne le seraient pas de repartir. Là encore, quelques familles, d'ailleurs rares, prirent la situation à la légère, et faisant passer avant toute prudence le désir où elles étaient de revoir leurs parents, invitèrent ces derniers à profiter de l'occasion. Mais, très rapidement, ceux qui étaient prisonniers de la peste comprirent le danger auquel ils exposaient leurs proches et se résignèrent à souffrir cette séparation. Au plus grave de la maladie, on ne vit qu'un cas où les sentiments humains furent plus forts que la peur d'une mort torturée. »

Page 71Cette deuxième phase représente la réflexion et la prise de recule des habitants face à l'enfermement pesant. Les arguments pour faire revenir leurs proches sont tentants (vocabulaire de la liberté : libres, ressortir, profiter de l'occasion ) mais on voit que vers la fin de l'extrait le sérieux revient ( vocabulaire du danger : grave de la maladie, peur, mort torturée, prisonniers, exposaient, résigner à souffrir ). En effet, le peuple serait plus fort et résistants grâce au soutien de leurs proches mais le risque de les perdre reste trop élevé. La force de caractère et le courage leurs permet de rester fort face à la Peste.

3E PASSAGE :

« Les cafés enfin, grâce aux stocks considérables accumulés dans une ville où le commerce des vins et des alcools tient la première place, purent également alimenter leurs clients. À vrai dire, on buvait beaucoup. Un café ayant affiché que « le vin probe tue le microbe », l'idée déjà naturelle au public que l'alcool préservait des maladies infectieuses se fortifia dans l'opinion. Toutes les nuits, vers deux heures, un nombre assez considérable d'ivrognes expulsés des cafés emplissaient les rues et s'y répandaient en propos optimistes. »

Page 80Pour se distraite par ces temps d'inactivités, le peuple se retrouve aux endroits publics. Ils ne se laissent pas abattre, s'occupent comme il le peuvent et se mettent à espérer en toutes choses pouvant améliorer la situation actuelle. Les hommes ne veulent pas laisser passer leurs chances, alors sans vraiment y croire ils ne loupent pas une occasion ( proverbe commerciale «  le vin probe tue le microbe » ). C'est un moyen de résister à l'isolement, la peur et la dépression. La seule solution de vaincre la maladie c'est l'espoir et optimistes.

4E PASSAGE :

« Mais le matin, en se levant, l'idée lui était venue brusquement qu'après tout, il ne savait pas combien de temps cela pouvait durer. Il avait décidé de partir. Comme il était recommandé (dans son métier, on a des facilités), il avait pu toucher le directeur du cabinet préfectoral et lui avait dit qu'il n’avait pas de rapport avec Oran, que ce n'était pas son affaire d'y rester, qu'il se trouvait là par accident et qu'il était juste qu'on lui permît de s'en aller, même si, une fois dehors, on devait lui faire subir une quarantaine. Le directeur lui avait dit qu'il comprenait très bien, mais qu'on ne pouvait pas faire d'exception, qu'il allait voir, mais qu'en somme la situation était grave et que l'on ne pouvait rien décider. 

Mais enfin, avait dit Rambert, je suis étranger à cette ville. » 

Page 84

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La fuite promus comme meilleur solution par Rambert, n'a pas aboutie. On remarque que la peur l'envahit ( brusquement, de partir, dehors, la situation était grave ). Il n'a donc pas le choix et doit donc affronter ce qui lui arrive , on le comprend dans la suite de la chronique. Il est résigné a soutenir le peuple et devenir collectiviste. Même les personnages les plus étranger à la ville résiste à la Peste et ne se laisse en aucun cas abattre.

5E ET 6E PASSAGES :

« Or, vers la fin de ce mois, les autorités ecclésiastiques de notre ville décidèrent de lutter contre la peste par leurs propres moyens, en organisant une semaine de prières collectives. Ces manifestations de la piété publique devaient se terminer le dimanche par une messe solennelle placée sous l'invocation de saint Roch, le [108] saint pestiféré. À cette occasion, on avait demandé au Père Paneloux de prendre la parole. »

Page 92

« Il rappela seulement qu'à l'occasion de la grande peste de Marseille, le chroniqueur Mathieu Marais s'était plaint d'être plongé dans l'enfer, à vivre ainsi sans secours et sans espérance. Eh bien ! Mathieu Marais était aveugle ! jamais plus qu'aujourd'hui, au contraire, le Père Paneloux n'avait senti le secours divin et l'espérance chrétienne qui étaient offerts à tous. Il espérait contre tout espoir que, malgré l'horreur de ces journées et les cris des agonisants, nos concitoyens adresseraient au ciel la seule parole qui fût chrétienne et qui était d'amour. Dieu ferait le reste. »

Page 98Ces deux derniers passages prouvent que toute la ville est concernée par ce malheur, elle se soutient pour lutter ensemble. L'Eglise devient un refuge, elle redonne courage et envie de résister et de se révolter contre ce châtiment. Camus met en opposition la souffrance (l'enfer, horreur, cris des agonisants ) et l'espérance notamment grâce à la religion ( l'espérance chrétienne, secours divin, d'amour, tout espoir ). L'autorité s'est rappuyer sur la croyance pour créer un soutien au peuple ; qu'il se sente en compagnie de Dieu face au destin cruel.

7E PASSAGE :

« Mais les bruits de pas précipités reprenaient. Rieux descendait déjà et deux hommes passèrent devant lui quand il fut dans la rue. Apparemment, ils allaient vers les portes de la ville. Certains de nos concitoyens en effet, perdant la tête entre la chaleur et la peste, s'étaient déjà laissé aller à la violence et avaient essayé de tromper la vigilance des barrages pour fuir hors de la ville. »

Page 104 La révolte du peuple tourne au carnage, l'enfermement devient insupportable et les habitants tombent dans la folie. Ce passage met en valeur la furie et l'énervement ( violence, précipités, tromper la vigilance ). On peut donc en déduire que la révolte n'a pas eu que des effets bénéfiques pour la ville mais plutôt néfaste avec le temps.

8E PASSAGE:

« Rieux lui prit le bras, mais Tarrou, le regard détourné, ne réagissait plus. Et soudain, la fièvre reflua visiblement jusqu'à son front comme si elle avait crevé quelque digue intérieure. Quand le regard de Tarrou revint vers le docteur, celui-ci l'encourageait de son visage tendu. Le sourire que Tarrou essaya encore de former [310] ne put passer au delà des maxillaires serrés et des lèvres Cimentées par une écume blanchâtre. Mais, dans la face durcie, les yeux brillèrent encore de tout l'éclat du courage. »

Page 269Ce passage montre la dernière résistance que soumet le peuple contre la peste par le biais de Tarrou. En effet, on voit que Camus utilise le champ lexical de l'espoir ( sourire, encourageait, éclat du courage, brillèrent ). On voit donc la résistance faite, la peste est personnifié pour concrétiser le combat entre l'épidémie et le peuple. La métaphore des digues intérieures annonce la défaite … C'est la fin de l'affrontement.

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CONCLUSION :Pour conclure, on peut donc dire que la révolte et la résistance on permis au peuple de ne pas se laisser abattre face à la Peste. Cela a permis de se raccrocher à quelques, de ne pas perdre son temps à désespérer. Ce mouvement n'a pas toujours été direct, les habitants se révoltaient indirectement contre l'épidémie par le biais de l'autorité. L'affrontement permet de refoulé la peur, l'angoisse et l'enfermement.

LA RELIGION

Charlyne Scao

Problématique : Dans le roman « La peste » ,en quoi Albert Camus dénonce t'il l'impuissance de L'église face à la fatalité du fléaux?

EXTRAIT 1 :«  Si, aujourd'hui, la peste vous regarde, c'est que le moment de réfléchir est venu. Les justes ne peuvent craindre cela, mais les méchants ont raison de trembler. Dans l'immense grange de l'univers, le fléau implacable battra le blé humain jusqu'à ce que la paille soit séparée du grain. Il y aura plus de paille que de grain, plus d'appelés [111] que d'élus, et ce malheur n'a pas été voulu par Dieu. Trop longtemps, ce monde a composé avec le mal, trop longtemps, il s'est reposé sur la miséricorde divine. Il suffisait du repentir, tout était permis. Et pour le repentir, chacun se sentait fort. Le moment venu, on l'éprouverait assurément. D'ici là, le plus facile était de se laisser aller, la miséricorde divine ferait le reste. Eh bien ! cela ne pouvait durer. Dieu qui, pendant si longtemps, a penché sur les hommes de cette ville son visage de pitié, lassé d'attendre, déçu dans son éternel espoir, vient de détourner son regard. Privé de la lumière de Dieu, nous voici pour longtemps dans les ténèbres de la peste ! »

Dans ce prêche, on comprend que Paneloux explique la présence de la peste dans la ville d'Oran comme une punition de Dieu.

EXTRAIT 2 : Il y a bien longtemps, les chrétiens d'Abyssinie voyaient dans la peste un moyen efficace, d'origine divine, de gagner l'éternité. Ceux qui n'étaient pas atteints s'enroulaient dans les draps des pestiférés afin de mourir certainement. Sans doute, cette fureur de salut n'est-elle pas recommandable. Elle marque une précipitation regrettable, bien proche de l'orgueil. Il ne faut pas être plus pressé que Dieu et tout ce qui prétend accélérer l'ordre immuable, qu'il a établi une fois pour toutes, conduit à l'hérésie. Mais, du moins, cet exemple comporte sa leçon. À nos esprits plus clairvoyants, il fait valoir seulement cette lueur exquise d'éternité qui gît au fond de toute souffrance.

EXTRAIT 3 :À Tarrou qui avait eu l'air de s'étonner de la vie cloîtrée qu'il menait, il avait à peu près expliqué que selon la religion, la première moitié de la vie d'un homme était une ascension et l'autre moitié une descente, que dans la descente les journées de l'homme ne lui appartenaient plus, qu'on pouvait les lui enlever à n'importe quel moment, qu'il ne pouvait donc rien en faire et que le mieux justement était de n'en rien faire. La contradiction, d'ailleurs, ne l'effrayait pas, car il avait dit peu après à Tarrou que sûrement Dieu n'existait pas, puisque, dans le cas contraire, les curés seraient inutiles.

Ici comme a plusieurs autres extraits de l'oeuvre de Camus, la religion est contestée, en effets certains personnages ne croivent pas en l'éxistance de Dieu. Donc ne pensent pas que l'épidémie soit une

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EXTRAIT 4 :Justement l'enfant, comme mordu à l'estomac, se pliait à nouveau, avec un gémissement grêle. Il resta creusé ainsi pendant de longues secondes, secoué de frissons et de tremblements convulsifs, comme si sa frêle carcasse pliait sous le vent furieux de la peste et craquait sous les souffles répétés de la fièvre. La bourrasque passée, il se détendit un peu, la fièvre sembla se retirer et l'abandonner, haletant, sur une grève humide et empoisonnée où le repos ressemblait déjà à la mort. Quand le flot brûlant l'atteignit à nouveau pour la troisième fois et le souleva un peu, l'enfant se recroquevilla, recula au fond du lit dans l'épouvante de la flamme qui le brûlait et agita follement la tête, en rejetant sa couverture. De grosses larmes, jaillissant sous les paupières enflammées, se mirent à couler sur son visage plombé, et, au bout de la crise, épuisé, crispant ses jambes osseuses et ses bras dont la chair avait fondu en quarante-huit heures, l'enfant prit dans le lit dévasté une pose de crucifié grotesque.

Je trouve que la mort de l'enfant est très symbolique. Puisque celle ci reflète l'horreur de la maladie. Si l'épidémie avait été une volonté de Dieu, et que lui seul controlait l'avancée de celle-ci il est plutot impensable que sa soit un enfant qui soit mit en martyre. En effet l'enfant reprèsente la puretée et l'inoncence

EXTRAIT 5 :Du moins, maintenant, la situation était claire, le fléau concernait tout le monde. Nous tous, au milieu des détonations qui claquaient aux portes de la ville, des coups de tampon qui scandaient notre vie ou nos [203] décès, au milieu des incendies et des fiches, de la terreur et des formalités, promis à une mort ignominieuse, mais enregistrée, parmi les fumées épouvantables et les timbres tranquilles des ambulances, nous nous nourrissions du même pain d'exil, attendant sans le savoir la même réunion et la même paix bouleversantes. Notre amour sans doute était toujours là, mais, simplement, il était inutilisable, lourd à porter, inerte en nous, stérile comme le crime ou la condamnation.

Dans cet extrait on comprend que la peste n'épargne personne et qu'elle est vécu comme une fatalitée pour toute la ville. On ne peut plus l'areter et elle décide, sans l'aide de personne, qui elle tue. Elle laisse dans

EXTRAIT 6 :Rieux n'avait plus devant lui qu'un masque désormais inerte où le sourire avait disparu. Cette forme humaine qui lui avait été si proche, percée maintenant de coups d'épieu, brûlée par un mal surhumain, tordue par tous les vents haineux du ciel, s'immergeait à ses yeux dans les eaux de la peste et il ne pouvait rien contre ce naufrage. Il devait rester sur le rivage, les mains vides et le cœur tordu, sans armes et sans recours, une fois de plus, contre ce désastre. Et à la fin, ce furent bien les larmes de l'impuissance qui empêchèrent Rieux de voir Tarrou se tourner brusquement contre le mur, et expirer dans une plainte creuse, comme si, quelque part en lui, une corde essentielle s'était rompue.

La mort de Tarrou est vécu comme une fatalité pour Rieux. On comprend avec ce passage que l'épidémie emporte a présent même les êtres qui lui sont chers. De plus je trouve que l'utilisation des termes «  brûléee, tordue, nauvrage, désatre  » montre l'état de tristesse et de détresse dans lequel cet mort laisse Rieux,

EXTRAIT 7 :On peut en donner comme exemple l'usage immodéré que nos concitoyens faisaient des prophéties. Au printemps, en effet, on avait attendu, d'un moment à l'autre, la fin de la maladie, et personne ne s'avisait de demander à autrui des précisions sur la durée de l'épidémie, puisque tout le monde se persuadait qu'elle n'en aurait pas. Mais à mesure que les jours passaient, on se mit à craindre que ce malheur n'eût véritablement pas de fin et, du même coup, la cessation de l'épidémie devint l'objet de toutes les espérances. On se passait ainsi, de la main à la main, diverses prophéties dues à des mages ou à des saints de l'Église catholique.

C'est l'éspérance des citoyens que reflète cet extrait. A ce moment les prières et les espérance ce tournent vers l'église cependant je trouve qu'un léger doute est posé face aux résulats que cela pourait avoir sur la peste

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EXTRAIT 8 :À l'hôpital, Paneloux ne desserra pas les dents. Il s'abandonna comme une chose à tous les traitements qu'on lui imposa, mais il ne lâcha plus le crucifix. Cependant, le cas du prêtre continuait d'être ambigu. Le doute persistait dans l'esprit de Rieux. C'était la peste et ce n'était pas elle. Depuis quelque temps d'ailleurs, elle semblait prendre plaisir à dérouter les diagnostics. Mais dans le cas de Paneloux, la suite devait montrer que cette incertitude était sans importance.La fièvre monta. La toux se fit de plus en plus rauque et tortura le malade toute la journée. Le soir enfin, le Père expectora cette ouate qui l'étouffait. Elle [254] était rouge. Au milieu du tumulte de la fièvre, Paneloux gardait son regard indifférent et quand, le lendemain matin, on le trouva mort, à demi versé hors du lit, son regard n'exprimait rien. On inscrivit sur sa fiche : « Cas douteux. »

C'est pour moi l'extrait le plus significatif, en effet la mort de Paneloux est la preuve de l'impuissance de la religion face a l 'épidémie. Même si sa mort est dite des causes uncertaines, je trouve que les syptômes laissent entendre au lecteur qu'il s'agit bien de la peste. Dans ce cas, on comprend que Dieu n'aurai pas choisi de tuer le religieux le plus engagé de la ville.

EXTRAIT 9 :Ils niaient tranquillement, contre toute évidence, que nous ayons jamais connu ce monde insensé où le meurtre d'un homme était aussi quotidien que celui des mouches, cette sauvagerie bien définie, ce délire calculé, cet emprisonnement qui apportait avec lui une affreuse liberté à l'égard de tout ce qui n'était pas le présent, cette odeur de mort qui stupéfiait tous ceux qu'elle ne tuait pas, ils niaient enfin que nous ayons été ce peuple abasourdi dont tous les jours une partie, entassée dans la gueule d'un four s'évaporait en fumées grasses, pendant que l'autre, chargée des chaînes de l'impuissance et de la peur, attendait son tour.

L'impuissance de la ville toute entière est ici clairement exprimée. La peste est bien une fatalité que nul ne peux contrôler ou même comprendre.

EXTRAIT 10 :Le Noël de cette année-là fut plutôt la fête de l'Enfer que celle de l'Évangile. Les boutiques vides et privées de lumière, les chocolats factices ou les boîtes vides dans les vitrines, les tramways chargés de figures sombres, rien ne rappelait les Noëls passés. Dans cette fête où tout le monde, riche ou pauvre, se rejoignait jadis, il n'y avait plus de place que pour les quelques réjouissances solitaires et honteuses que des privilégiés se procuraient à prix d'or, au fond dune arrière-boutique crasseuse. Les églises étaient emplies de plaintes plutôt que d'actions de grâces. Dans la ville morne et gelée, quelques enfants couraient, encore ignorants de ce qui les menaçait. Mais personne n'osait leur annoncer le dieu d'autrefois, chargé d'offrandes, vieux comme la peine humaine, mais nouveau comme le jeune espoir. Il n'y avait plus de place dans le coeur de tous que pour [282] un très vieil et très morne espoir, celui-là même qui empêche les hommes de se laisser aller à la mort et qui n'est qu'une simple obstination à vivre.

Ici l'église est accusée.

CONCLUSION :Pour ma part je trouve que l'auteur de La Peste dénonce clairement dans son oeuvre l'impuissance de Dieu et de l'église face au fléaux qu'est cet épidémie, en effet durant tout le long de l'intrigue la Peste est vécu comme une fatalitée, et au fil de l'avancement de la maladie on ressents les doutes de toute la ville face a la religion. En effet celle-ci n'a non plus aucun contrôle sur

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