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traductologie

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  • rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l'Universit de Montral, l'Universit Laval et l'Universit du Qubec

    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. rudit offre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

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    Article

    Lpistmologie cintique de la traduction: catalyseur dthique Pier-Pascale BoulangerTTR, vol. 17, n 2, 2004, p. 57-66.

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  • Lpistmologie cintique de la traduction : catalyseur dthique Pier-Pascale Boulanger En tant que pratique dcriture et activit de thorisation, la traduction peut-elle se poser comme une thique? Un philosophe rpondrait demble quon ne peut induire une thique partir dune science ou dune discipline. Au demeurant, la dfinition de lthique relverait strictement des comptences de la philosophie, du moins si on croit limpermabilit des sciences humaines et lintrt de lgifrer sur le sens universel dune thique. Nous dirons de la traduction quelle est forte dattitudes, de modes de penser et de comportements qui suggrent une thique sans toutefois noncer de principes selon une logique aprioristique et premptoire. Cest pourquoi nous vitons de parler dune thique de la traduction, foncirement prdtermine, linstar dun code dontologique. Or, la traduction, dans sa pratique surtout, mais dans sa thorisation aussi, se fait dans limpondrable propre chaque nouvelle rencontre dun corps textuel et dun corps traduisant. Ds lors que la traduction accorde une valeur aux impondrables (quils soient historiques, politiques, sociaux, institutionnels, linguistiques, voire psychanalytiques) et sengage y rflchir, comme le fait la traductologie avec une intensit sans cesse croissante depuis les annes 1980, elle se tourne vers une thique ouverte et renouvelable. En revanche, une thique ferme, tel un code ou mode dagir prdfini, fait glisser la traduction vers une tactique dcriture annexante et un mode de pense dogmatique.

    La traduction sest mancipe depuis les trente dernires annes, gagnant de lassurance et dlaissant peu peu le dispositif scientifique de la linguistique, afin de tisser des liens dinterdisciplinarit avec diverses sciences humaines. Sil est vrai que la traduction a emprunt des outils conceptuels dautres disciplines, celles-ci nont pas hsit en retour potentialiser la puissance

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  • heuristique de la traduction sen servant comme idologme, tel que lont fait la philosophie, le postcolonialisme et les Gender Studies. Paradoxalement sans doute, cest dans son mouvement vers dautres champs de connaissance et rciproquement que la traduction a commenc se connatre davantage. Ce qui lui a longtemps t reproch comme un manque de fixit conceptuelle marque, en rtrospective, une tendanceTPF1FPT vers les autres, que la traduction sait ncessaire son dveloppement et donc son autonomie conceptuelle. Tout le contraire dun repli thorique, cette ouverture, cette propension laltrit, ne participe-t-elle pas dune thique? Par ailleurs, la traductologie semble avoir intgr la sagesse du sujet traduisant admettant que toute construction de sens est provisoire. Prenons tmoin le foisonnement de thories qui ne cessent de renouveler les questions de la traduction, de sorte quil soit impossible de converger, tant en thorie quen pratique, vers un nombre toujours plus restreint de dfinitions de la traduction et de solutions, comme Vinay et Darbelnet lenvisageaient en toute rigueur scientifique la fin des annes 1950.

    pistmologie cintique Quand on survole la traductologie, on voit bien quun projet bablien dune haute tour thorique na pu fixer ses assises et quil serait plus raliste de faire le constat dune migration horizontale des thories rsistant une accumulation linaire. La figure du rhizome deleuzien illustre bien une telle dynamique. Cette migration nous amne proposer que lpistmologie de la traduction est cintique, cest--dire quelle a le mouvement pour principe. Dans cette pistmologie, ont grand-peine sancrer les its qui gouvernent traditionnellement la science, savoir luniversalit, la totalit et lobjectivit. En fait, plus la traduction se pense, plus elle constate le caractre inoprant de ces its fixes, si on peut dire, dans la mesure o celles-ci occultent sa dynamique. Quelle est cette dynamique? Qu chaque situation la donne de dpart ne soit pas fixe parce que mdiatise par linterprtation, quil faille mobiliser des ressources diffrentes pour trouver des solutions et que les rsultats de traduction sont toujours circonstanciels et donc jamais systmatiquement reproductibles.

    Quand Meschonnic a expos les 36 propositions pour une

    potique de la traduction en 1973 et que, plus tard, Berman a formul le projet de sortir la traduction de son ghetto idologique (Berman,

    T1T. Tendance est entendue ici dans son sens physique dattraction des corps.

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  • 1984, p. 17), ctait pour ouvrir des horizons pistmologiques, de sorte que la thorie ne simpose pas la pratique comme un dogmatisme et quinversement la pratique nenferme pas la thorie dans le pragmatisme. Mais, pour sortir de son ghetto, la traduction devait avant tout comprendre et dfaire les attaches mtaphysiques qui ly cantonnaient. Et effectivement, la traductologie sest occupe de faire la critique des poncifs qui posaient la traduction comme un mal ncessaire depuis Babel et une pratique de leffacement du sujet. Ensuite, on a commenc concevoir positivement le dcentrement de la traduction, cest--dire sa tendance sapprovisionner en concepts et mthodologie chez dautres. Enfin, le dcentrement autorisait et potentialisait ce qui, sur le plan de la pratique, tait la condition dinterdisciplinarit ncessaire de la traduction. Il y a quinze ans, Robert Larose faisait tat du dplacement transversal entre les domaines de connaissance : La traductologie nest pas de la littrature, ni de la psychanalyse, ni de la linguistique, ni de la philosophie. Cependant, mesure que la traductologie se constitue, elle doit emprunter ces disciplines la mthodologie et les outils conceptuels ncessaires la description de son objet dtude (Larose, 1989, p. 10).

    Qui peut nier aujourdhui que la traductologie na fait que

    multiplier ses changes avec dautres domaines thoriques, mettant au dfi limpermabilit des sciences traditionnellement cloisonnes? Puisque la traduction a su amnager un espace rflexif qui supprime les frontires entre les disciplines, on peut considrer quelle est sortie de son ghetto. Par ailleurs, la rsistance de la traduction au fondement dune mtathorie met en chec la fdration de ses multiples conceptualisations sous la bannire dune logique universelle. ce chapitre, il est rvlateur dentendre certains collgues comparer la traductologie un archipel de connaissances, quils souhaiteraient voir se continentaliser. Cette mtaphore connotation tectonique vient confirmer, en voulant linverser, la cintique propre lpistmologie de la traduction.

    Dans une pistmologie qui a le mouvement pour principe, admettre sa situation ou sa position, cest--dire les savoirs sur lesquels on a arrt son choix, fonde un comportement enclin lthique. Parcourons certaines positions thoriques en insistant sur la scientificit fondamentale de la traductologie, qui nest pas astreinte un critre dogmatique de vrit et ne cherche pas trancher entre une thorie vraie et une thorie fausse. Une thorie de la traduction nest pas plus vraie quune autre. Elle situe les traductions dans des postulats, des pratiques, des vises, des effets dont les cohrences sont diffrentes

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  • (Meschonnic, 1982, p. 19). Si, comme laffirme Bachelard, chaque science appelle sa propre pistmologie, il est lgitime dargumenter que lpistmologie cintique de la traduction doive tabler sur louverture et la nature inachevable du processus de thorisation, de mme que dans la pratique, chaque traduction convoque sa spcificit interprtative et sa mthodologie, contre des dcisions prdtermines. Voici, parmi tant dautres, certaines situations que la thorie propose.

    La thorie des polysystmes Invoquant demble limpossibilit de cartographier le processus mental qui sous-tend la traduction sans glisser dans la reconstruction hypothtique et subjective des faits, la thorie des polysystmes abandonne la dmarche traditionnelle consistant valuer lintgrit des quivalences en vue de prescrire une bonne mthode interprtative. Lobjet dsormais ltude nest plus le processus traductif, mais le produit lui-mme, dont on dit quil se trouve contextualis dans le rseau complexe du polysystme. La thorie du polysystme est fonde sur la multistratification des systmes littraires et des cultures, savoir non seulement quil y a des littratures et des cultures, mais que celles-ci sont composes de systmes, qui eux-mmes comportent diffrentes strates interagissant selon des rapports de force semblables ceux qui animent la dynamique des classes sociales. Sont galement considres comme autant de facteurs rgulant le processus traductif la relativit et la mouvance des conventions littraires diffrant selon la priode historique, lidologie en cours, la potique dominante, le donneur douvrage et les stratgies mises en uvre par le sujet traduisant. La traduction est reconnue comme une pratique de rcriture, o seffectue ouvertement ou non la manipulation des lments du texte source.

    Les perspectives sociologiques Les perspectives sociologiques ouvrent lespace thorique la subjectivisation du processus de traduction. On considre maintenant que traduire est un acte sinscrivant dans lespace social, en tant quil est pratiqu par une personne protgeant ses propres intrts, quils soient symboliques, financiers ou politiques. Ds lors, le sujet traduisant ne pose plus son geste dans labsolu, tout comme lcriture ne saurait tre le reflet fidle du gnie pur de lcrivain dtach de toute ralit. Linscription du traduire dans lespace social met en cause le rle instrumental et le statut ancillaire de la traduction explicitement vhiculs par les mtaphores de transparence, de fidlit ou, son

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  • corollaire, la trahison. Pour insister sur la dsutude du rle traditionnellement transparent du traducteur, la sociologie donne penser la traduction comme un travail et neutralise les conceptualisations qui valorisent leffacement du sujet et sa non-intervention. Il devient lgitime de postuler que les stratgies de traduction procdent des rapports de force qui dterminent la valeur symbolique des productions esthtiques. Traduire nest donc jamais neutre. Par ailleurs, la sociologie de la traduction montre que la langue neutre est une fiction en raison de lvnementialit de la parole (ou limpossibilit de dire deux fois la mme chose) et, par consquent, limpossibilit de la ritrer, ce qui a pour effet de librer la traduction de son ide dprciative de copie. Traduire nest jamais neutre non plus en raison de lconomie des changes linguistiques et, implicitement, la valorisation idologique de certaines langues et productions discursives au dtriment dautres. Le processus traductif se complexifie par la prise en considration des enjeux identitaires, au mme titre que les pratiques dcriture dont le geste est toujours pos la frontire de plusieurs systmes idologiques, linguistiques, culturels et historiques.

    Les perspectives fministes Dentre de jeu, les perspectives fministes abolissent le mythe dune langue commune ou dun matriau linguistique neutre que chacun sapproprie individuellement. Il est admis que lhritage conceptuel et linguistique a largement exclu les femmes et que les connaissances transmises comme tant communes l homme ont servi et servent encore renforcer lordre patriarcal. En consquence, les hirarchies et les reprsentations traditionnelles sont mises en cause, tel le rapport ancillaire de lcriture la traduction suggr par les mtaphores sexistes que Lori Chamberlain a finement releves. Par ailleurs, on se mfie des ouvrages qui se rclament dun savoir universel, tels les encyclopdies, les dictionnaires et les grammaires, car ils sont les lieux stratgiques de manipulation idologique corroborant la logique androcentrique. Dans le climat de mfiance gnrale, lhistoire est rvise, afin dbranler les interprtations classiques des rcits historiques, mythologiques et religieux. Contre les discours universalisants qui occultent les femmes, les idiolectes sont mis en valeur par lcriture du corps fminin (premier thme que les fministes ont cherch se rapproprier), lexploration formelle de la langue et la thorisation de la diffrence. Dans cette dynamique exploratoire, on abandonne la notion dquivalence et on repense le rapport didentit entre les textes, les langues et les sexes, pour conceptualiser le geste

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  • traductif comme tant situ et crateur et non plus effac et reproducteur. Depuis que parler nest jamais neutre, toute position nonciative est genre, cest--dire situe socialement, historiquement et idologiquement, et mouvante, ce qui rejoint la fonction performative que le paradigme des Cultural Studies accorde au processus identitaire, savoir que identity is understood as a positioning in discourse and in history (Simon, 1996, p. 141). La traduction est perue comme un moyen de crer de nouvelles positions nonciatives et possibilits smantiques dans lintertexte fminin. Lide que le sens et les pratiques dcriture sont renouvelables par la traduction vient ruiner la conception traditionnelle qui idalise la traduction en termes de transfert absolu de chanes signifiantes dune langue lautre. Selon les perspectives fministes, la traduction peut donc tre conceptualise comme un vecteur de transformation identitaire et linguistique. Les perspectives postcolonialistes Lapplication rationnelle de la traduction et ses effets coercitifs en tant quoutil de domination se posent contre lidologie humaniste qui la donne voir comme un moyen de communication entre les peuples. En raction contre lhritage conceptuel occidental, on relit et rinterprte les textes classiques transmis par lEmpire, comme le fait Eric Cheyfitz avec The Tempest de Shakespeare, afin de mettre en lumire la logique et les tropesTPF2FPT qui consolident lordre eurocentrique colonial. Dans le mme ordre dides, les schmes de reprsentation conventionnels sont mis en cause et plus particulirement ceux qui articulent soi et lAutre (le civilis et le barbare ou laborigne, lautochtone, limmigrant, lethnique). Puisque ltranger est traditionnellement dfini en termes homognisants par le pouvoir colonial, tant intellectuel que politique, comme tant tout ce que le civilis nest pas ou ne veut pas tre et cache, les thories postcolonialistes cherchent mettre en valeur la spcificit et la pluralit qui habitent la diffrence. Il sagit plus prcisment de dterritorialiser les langues standard afin de ruiner la hirarchie traditionnelle entre les langues pures et leurs dialectes. On montre que les langues interagissent et se mlangent constamment, et plus activement encore dans les zones de contact coloniales, un point tel quil devient impossible daffirmer le non-mtissage daucune. Toutefois, contre la tendance universalisante, on sefforce de nuancer le

    T2T. Citons lexemple probant que Cheyfitz donne : Caliban, la figure du cannibale, dans The Tempest.

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  • discours thorique par la ralit des asymtries qui sous-tendent les rapports de force interlinguistiques et interculturels. Exploitant le potentiel subversif de la traduction, la littrature postcoloniale travaille brouiller les frontires entre les langues, entre loriginal et la copie et, par extension thorique, entre le centre et la priphrie. De plus, dans un double mouvement de globalisation et de rgionalisation, les littratures trangres se traduisent vers langlais, langue dominante, mais en le truffant de particularits dialectales, sociolectales et idiolectales afin den altrer la puret .

    Lhermneutique Selon une hermneutique de la traduction, le geste traductif sinscrit dans la relation bilatrale entre le sujet et lobjet. Sil est un fondement qui peut tre postul, cest celui de laltrit; cest--dire que lactivit traductive nest possible que par linterdpendance du soi et de lAutre. On admet une dynamique de transformation intersubjective, qui rappelle le dialogue et annule le rapport hirarchique qui spare le texte original et sa traduction (ainsi que lauteur du traducteur et lauteur du lecteur), non pas pour les amalgamer, mais bien pour marquer leur interrelation. Au demeurant, fonder la traduction dans laltrit, cest lui reconnatre la capacit de produire une logique et une mthodologie dans le rapport au texte premier selon une intelligibilit qui ne lui prexiste pas. Lhermneutique mine la conception instrumentaliste de la traduction, qui lui assigne le rle traditionnel consistant transmettre des messages dune langue lautre. En misant aussi sur le foisonnement smantique des textes, lhermneutique de la traduction invalide la fixit dun sens originel inaltrable dans ses interprtations successives et ses traductions travers le temps. Ds lors que la mouvance du sens est admise dans la dynamique transformationnelle qui sous-tend le travail interprtatif, le poncif de la traduction comme reproduction tombe. La potique Par sa critique de lidologie de la transparence, la potique du traduire vient mettre fin la pratique annexionniste et permet dapprcier lapport du sujet traduisant sa juste valeur en tant quactivit dcriture. Dans sa potique, Meschonnic contourne les schmas dualisants opposant fond et forme, auteur et traducteur, thorie et pratique, et pose lactivit traductive comme une pratique de lcriture misant sur lorganisation des lments textuels qui ont une valeur

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  • signifiante pour le sujet traduisant. La potique rend donc caduque la notion de transparence, car, en sollicitant lapport du sujet dans la construction de la signifiance du texte original, elle reconnat que le sujet se trouve toujours dans une situation marque par un temps, un espace et une idologie spcifiques. La prise en considration de cette subjectivit ruine la conceptualisation du sens en termes de signifi objectif, universel et absolument vrai. Dans la mesure o elle se fait par lorganisation toujours diffrente des valeurs dun texte, la potique du traduire empche lapplication dune solution connue davance, telle que limpliquerait, entre autres, le placage des structures de la langue de traduction sur le texte original dont Berman a montr lethnocentrisme. En revanche, elle rcuse galement le calque, quil soit dordre tymologique, lexical, syntaxique ou phrasologique, coupable lui aussi dappliquer une logique mcanique. La potique dnonce la rationalisation uniforme des textes, qui vise leur mise au got du jour, mais ne fait que garantir leur dsutude une fois ce got dpass.

    juste titre, certains souligneront labsence des thories fonctionnelles de la traduction, tandis que dautres critiqueront lomission de lanalyse du discoursTPF3FPT. Ainsi, il simpose de rappeler quil ne sest pas agi de cartographier lespace traductologique, mais bien de montrer que, dans son mouvement rflexif, la traduction prsente des comportements thiques. cette fin, nous avons expos les modes opratoires de la traductologie. Dabord, la traduction va vers les autres pour mieux se connatre : cest la condition dinterdisciplinarit qui prside la formation de son savoir. Ensuite, la traduction met en cause ses acquis thoriques et ses rflexes conceptuels, sinterrogeant sur la fiabilit de ses repres conceptuels traditionnels, tels que les notions de fidlit, dquivalence et de transparence. Plus encore, elle ouvre sur une pluralit davenues thoriques qui se jouxtent et sentrecroisent. La traduction mise aussi sur ce quelle peut apporter, transformer et crer, pour en finir avec les discours culpabilisants de la perte. Enfin, mesure quelle se dote dune pistmologie qui lui est propre, la traduction annonce lautonomie de sa thorisation et ses limites vers la constitution dun savoir ouvert, pluriel et mouvant qui na pas se mesurer aux critres de rigueur scientifique dautres domaines.

    Universit Concordia

    T3T. Jeremy Munday donne voir un tel spectre du champ de la traduction dans son livre Introducing Translation Studies.

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  • Rfrences BERMAN, Antoine (1984). Lpreuve de ltranger. Paris, Gallimard. CHEYFITZ, Eric (1991). The Poetics of Imperialism. New York, Oxford University Press. LAROSE, Robert (1989). Lerreur en traduction . TTR, 2, 2, pp. 7-10. MESCHONNIC, Henri (1973). Pour la potique II. Paris, Gallimard. (1982). Critique du rythme. Lagrasse (France), Verdier. MUNDAY, Jeremy (2001). Introducing Translation Studies: Theories and Applications. New York, Routledge. SIMON, Sherry (1996). Gender in Translation. New York, Routledge. RSUM : Lpistmologie cintique de la traduction : catalyseur dthique Tant dans sa pratique que sa rflexion, la traduction gnre un savoir et un savoir-faire pluriels et parpills. ce titre, ils empchent la continentalisation de la traductologie et limplantation dune mtathorie prdominante. La dispersion des thories htrognes de la traduction, leur mouvement migratoire, participe dune pistmologie cintique, selon laquelle il nest que de situations et de positions, quelles soient polysystmiques, sociologiques, fministes, postcolonialistes, hermneutiques ou potiques. Le geste mme dadmettre sa situation, sa position, tmoigne dun comportement thique. ABSTRACT: The Kinetic Epistemology of Translation Through its practice as well as its theorization, translation generates knowledge and know-hows that are plural and scattered. As such, they frustrate the federation of translation theories into a monolithic domain, hence foiling the domination of any one metatheory. Because of their dispersion, heterogeneous theories of translation seem to follow a migratory movement, pointing to a kinetic epistemology. The act of admitting where one stands, ones positionbe it in polysystems theory, sociology, feminism, postcolonialism, hermeneutics or poeticsis the foundation of an ethical behavior.

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  • Mots-cls : pistmologie cintique, thique ouverte, dcentrement, pluralit, migration thorique. Keywords: kinetic epistemology, open ethics, decentering, plurality, migratory theories. Pier-Pascale Boulanger : Universit Concordia, Dpartement dtudes franaises, 1455, boul. de Maisonneuve Ouest, Montral (Qubec) H3G 1M8 Courriel : [email protected]

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