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Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 1
« Charles Petitjean fils de serfs »
1ère Partie – Le Glaive et le Scarabée –
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 2
Le seigneur Tyrak de Roche Noire
C’était au temps où les Seigneurs régnaient en maît res
absolus sur leurs terres. Il y en avait de bons, de s faibles,
des justes, des fous, des débauchés et des cruels… et
certains étaient tout à la fois ; mais dans ces cas là, ils
n’étaient généralement ni bons ni justes.
Les terres des seigneurs étaient exploitées par des
paysans que l’on appelait alors les serfs. C’est un mot qui
vient du latin et qui veut dire esclave ! C’est dir e la façon
dont ils étaient traités. C’étaient des familles tr ès
nombreuses car, à cette époque, les enfants, surtou t
lorsque c’était des garçons, étaient autant de bras et de
jambes pour accomplir les durs travaux de la ferme. Il n’y
avait pas de tracteur. C’étaient les animaux, des bœufs,
des chevaux ou des mulets , qui tiraient la charrue et les
charrettes pour transporter la paille, le foin ou a ller
chercher l’eau…
Les seigneurs avaient droit de vie et de mort sur t ous ceux
qui étaient à leur service ou vivaient sur leur ter re, ainsi
que sur tous leurs enfants et le peu de biens qu’il s
possédaient… mais certains seigneurs en
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 3
abusaient. C’était le cas de celui dont je vais te conter
l’aventure, mon petit, mon enfant : Le seigneur Tyr ak de
Roche Noire.
Il était odieux, débauché et cruel. Il était toujou rs en noir,
son armure était de métal sombre, ses vêtements de
velours noir, ses gants noirs, son cheval d’un noir de jais,
le fourreau de son épée l’était aussi, mais, curieu sement,
son épée ne l’était pas.
Cette épée n’était pas à lui ; il l’avait volée !
Elle portait comme seule décoration gravée sur son
pommeau, une balance suivi du sceau de l’artisan fo rgeron
et armurier qui l’avait conçue et forgée. Sur l’in térieur de la
garde était gravé de façon discrète, son nom :
« Démocléter ». C’est avec une poignée de soldats, dans
une province voisine, que le seigneur avait pillé u n
forgeron peu connu mais de grand talent. « Démoclét er »
se trouvait au milieu du butin, des boucliers, des massues
et autres armes de main qu’ils emportèrent. On ne voyait
qu’elle. Elle avait une présence imposante. Tyrak d e Roche
Noire remarqua tout de suite la sobriété de sa form e et de
sa décoration ajoutée au sentiment de solidité et d e
puissance qui s’en dégageait.
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 4
Elle avait tout d’une arme exceptionnelle. Il chois it dans
l’atelier un fourreau noir, qu’il vola et fixa à sa ceinture,
puis y plaça Démocléter, qu’il décida donc de porte r à son
côté.
À ce jour, ce seigneur avait toujours fait exécuter les
châtiments qu'il infligeait par ses soldats, ne vou lant
accomplir les basses besognes. Toute personne qui le
gênait, le contrariait ou se montrait désobligeante , était
éliminée sur le champ. C’est à se demander si, en p lus de
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 5
la débauche et de la cruauté, il n’avait pas hérité une folie
impulsive et perverse.
Totalement à l’opposé étaient ses enfants: Henri, l ’aîné, et
Catherine, la cadette. Ils étaient aimés et choyés par tous
les gens du château à l’image de Dame Blandine, leu r mère
et son épouse, d’une beauté subtile et indéfinissab le qui
désarmait d’un simple regard toute agressivité tant son
charme et son sourire étaient apaisants ; les gens disaient
de Blandine et de ses deux enfants, qu’ils étaient simples
et intelligents, qu’ils avaient l’intelligence qui venait du
fond du coeur. Le mariage de Dame Blandine avec le
seigneur avait été arrangé par les parents afin de préserver
l’ensemble des terres, des domaines et des châteaux ,
comme cela se faisait à cette époque. Cependant Dam e
Blandine ne se résignait pas à la cruauté capricieu se de
son époux et le suppliait sans relâche de cesser de faire
tuer ainsi les serfs et leurs familles pour des vét illes, des
futilités ou des caprices, car ils étaient suffisam ment
pauvres et malheureux. Malgré cela, il y avait tant de
misère que lorsqu’une famille disparaissait, une au tre
venait la remplacer sans tarder.
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 6
La famille Petitjean
Ce jour là, Tyrak de Roche Noire faisait la tournée de ses
domaines afin d’y récolter la part du Maître et de prélever
les différents impôts. Près de leur mère, la douce Dame
Blandine, son fils aîné et sa fille accompagnaient en retrait
Tyrak le maître tyrannique du domaine.
Ils arrivaient à la ferme du Ru d’en Bas (le ru est un
ruisseau) dont la famille d’Augustin Petitjean étai t
responsable et qu’elle devait entretenir. Les Petit jean
étaient des serfs.
Augustin devait montrer toute la récolte de l’année en
fruits, céréales et légumes divers, les volailles e t les porcs,
dont une portée exceptionnellement belle et nombreu se de
Caline, la plus belle truie du domaine, ainsi que l es
troupeaux de moutons et de bovins, afin que le Régi sseur
du château puisse, à la fin de la visite, évaluer c e qu’il allait
prélever pour le seigneur, les personnels du châtea u, les
impôts et… la maigre part qui resterait aux serfs … si
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 7
toutefois il en restait.
Le Régisseur avait fini sa visite et rejoignait ave c Augustin
Petitjean, le seigneur et sa suite. Augustin suivai t le
régisseur l’air abattu. Des amis paysans l’accompag naient,
l’air tout aussi résignés, mais on sentait la colèr e rentrée,
sur l’injustice de leur sort. L’année avait été trè s mauvaise.
Le gel et la pluie avaient détruit ou pourri la plu s grande
partie de la récolte et plusieurs bêtes étaient mor tes de la
maladie. Augustin demanda bien au seigneur de lui l aisser
une ou deux bêtes en plus ou un petit porcelet de C aline,
quelques mesures de blé ou de seigle... Rien n’y f it !
Mais au moment où le cortège s’apprêtait à repartir , ne
laissant rien à la famille Petitjean, un petit porc elet égaré,
qui avait échappé à la visite, sortit d’une remise en courant.
… avant qu’Augustin n’ait pu comprendre, le seigneu r
Tyrak en furie, la main sur le pommeau de Démocléte r,
hurla au serf :
– D’où vient cet animal? Tu l’avais caché ? Tu es un
tricheur, manant !
Le Régisseur intervint et dit qu’il avait bien vu une portée
de petits durant la visite, mais pas celui-là avec sa tache
noire.
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 8
– Tu entends ce que dit l’économe ? Tu me voles, tu m e
caches des biens… connais-tu le châtiment d’un tel acte
de trahison ?
Tirant Démocléter de son fourreau pour la première fois
depuis qu’il se l’était appropriée, Tyrak de Roche Noire
transperça Petitjean, qui s’effondra devant les yeu x effarés
de mère Petitjean, de ses enfants et de ses quelque s amis
et voisins paysans. Dame Blandine fondit en larmes devant
ce spectacle de désolation. Son fils et sa fille, effondrés,
tentaient de la consoler… Personne ne voulait croire à ce
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 9
qui venait de se passer, tellement l’acte était cru el et
injuste ! Il n’avait pas même laissé à Augustin le temps de
s’expliquer.
Après un instant de stupeur, les paysans qui avaien t
accompagné Petitjean, devant cet acte de barbarie, voire
de folie inhumaine, ramassèrent aussitôt de grosses
pierres et les lancèrent de toutes leurs forces sur le
seigneur, qui s’écroula, atteint aux yeux et au cou !
Aussitôt, à la place de Tyrak, une sorte de grappe de fumée
noire, épaisse et plus lourde que l’air, tomba en p ointe sur
le sol, créant une boue noirâtre, d’où l’on vit éme rger un
gros scarabée lamellicorne (cornu) qui poussait une boule
de bouse vers un terrier, dans une boue de fumier e t de
crasse terreuse.
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 10
Les soldats n’avaient pas eu le temps de réagir. C ’est alors
qu’un drame horrible se produisit. Dame Blandine, q ui se
penchait vers son époux, pourtant si cruel, fut att einte à la
tempe par une des pierres, qui la tua tout net. Auc un des
paysans, ni leur femmes ni leurs enfants n’avait ja mais
voulu cela : c'était un terrible et regrettable acc ident. Mais
chose étrange, tout le monde fut enveloppé d’un bro uillard
brillant et doré. On ne voyait plus rien. On entend ait
seulement un bourdonnement ouaté… comme dans du
coton ! Puis tout devint clair, et seul un essaim d ’abeilles
accompagnée de sa reine survolaient l’emplacement d ans
un vol bourdonnant et stationnaire. Sais-tu, mon pe tit mon
enfant, que dans l’ancienne Egypte les abeilles éta ient
considérées comme les larmes du soleil Râ. C’est di re si
les justes et les bons étaient en peine de la mort et de la
disparition de Dame Blandine qui était pour tous le rayon
de soleil du château et de tous ceux qui travaillai ent ou
demeuraient sur le Domaine !
Affolés, les soldats du seigneur tentèrent de s’app rocher
des corps inertes. Mais, par extraordinaire, ils ne virent
plus rien. Le temps de l’émotion puis de la fumée n oire et
du brouillard doré, les trois corps avaient disparu comme
par magie… même celui d’Augustin Petitjean.
Tous étaient paralysés de terreur, ne sachant ni la raison
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 11
de ces subites et bizarres disparitions, ni ce qu’i l allait
advenir.
Quel sortilège ou quelle malédiction allait tomber sur ceux
qui avaient été témoins de cet événement.
Tous se regardaient et scrutaient partout, dans tou s les
sens, pour trouver un indice un signe pour se rassu rer !
Rien !
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 12
Les enfants Petitjean étaient immobiles, pleins d'u ne dure
et grosse tristesse retenue. Ils avaient au coin de s yeux
cette bulle de larme que tu connais, cette bulle qu i pèse au
coin de l’œil quand on est très triste ? – Elle gon fle, puis
éclate et dégouline comme un petit ruisseau. Celle- là
dégoulinait le long des joues des petits, noircies par le
travail de la ferme….
La brave mère Petitjean rassembla les enfants. Ils se
tenaient tous par la main, et ensemble, dans le sil ence, ils
prirent le chemin de la ferme du Ru d’en Bas…
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 13
Mais comment expliquer que l’essaim d’abeilles les suivait
et que la reine des abeilles restait au-dessus d’Em ilie ? Quel
était ce phénomène ?
Ce que personne ne savait, c’est que Démocléter éta it un
glaive enchanté, aux pouvoirs extraordinaires. Mais cette
épée ou ce glaive, comme tu voudras, avait un pouvo ir
indécelable et impitoyables ! Quel que fût le maîtr e qui
l’avait en sa possession, Démocléter devait lui obé ir, et
exécuter l’action voulue par lui. Mais c’est après avoir servi
ce maître, que Démocléter avait le pouvoir magique de
châtier ou de gratifier suivant que l’action du maî tre était
juste, généreuse ou au contraire malfaisante. C’est
pourquoi aucun de ses maîtres, à ce jour n’avait su qu’il
possédait une épée aux pouvoirs magiques exceptionn els.
Personne ne pouvait donc savoir que l’ordonnateur d e ces
faits inexplicables était Démocléter resté par ter re dans la
boue, et que personne n’osait toucher.
Charles, le fils aîné des Petitjean était fascin é par cette
lame sobre et puissante. Il ramassa le glaive, sale et
mouillé, l’essuya avec sa chemise en toile grise, p uis le
posa à plat sur son épaule. Il brillait d’un éclat rassurant.
Charles l’emmena à la ferme sans que personne n’osâ t rien
dire ni s’y opposer. Il paraissait évident qu’il en était
devenu le nouveau maître, sans connaître pour autan t sa
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 14
particularité redoutable.
Emilie Petitjean et la Reine des abeilles
La vie était tellement dure, que le travail reprit tout de suite,
faisant oublier le dramatique événement et l’étrang eté des
phénomènes qui s’étaient produits. Toute la famille
Petitjean mettait les bouchées doubles. L’essaim qu i avait
suivi la mère Petitjean et ses petits s’installa au -dessus de
la porte de la ferme. Emilie courut alors nettoyer une ruche,
la plus solide et la plus grande. Elle voulait y faire
demeurer à l’aise et y loger le plus longtemps poss ible,
cette reine des abeilles et son essaim au comportem ent
étrange mais si amical. L’aîné, Charles, celui qui avait
ramassé Démocléter, avait pris le rôle du père de l a famille
Petitjean. Mais le plus efficace, travailleur et ma lin était
Paul. Il avait quatorze ans et menait tout le monde à la
baguette ….. Tout le monde ? Non, car Emilie, qui é tait la
troisième des neuf enfants et venait tout juste d’a voir ses
onze ans, ne voulait s’occuper que des ruches de la ferme,
car cela faisait partie des biens concédés à la fam ille de
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 15
serfs. Elle faisait craquer tout le monde. Toujours souriante
et généreuse, elle avait une voix à la fois pétilla nte de
malice mais douce et souple comme la tige d’une fl eur qui
se courbe au moindre souffle : ce que nous appelle rons
une âme pure. Et c’est elle qui prit en mains la co mpagnie
magique de la Reine des abeilles et de son magnifiq ue
essaim.
Un Dimanche, pendant le repas de midi, il y avait d es amis
du père Petitjean qui étaient là, et comme certain s se
remémoraient le triste événement, Emilie prit la pa role :
– Ça y est ça la reprend ! elle est folle !
– En tout cas Tyrak de Roche Noire est devenu un affr eux
Scarabée Bousier noir et cornu.
– S’il te plait Emilie ! Ne plaisante pas avec ça. La mort de
ton père fut un drame dont nous ne pourrons jamais
nous remettre ! Intervint la mère.
– Et d’abord comment peux-tu savoir cela ? lui demand a
Paul le frère cadet.
Les deux jumelles crièrent en chœur :
– Nous l’avons entendu parler avec une abeille ! Même
qu’elle parlait de Dame Blandine.
– (s’adressant à Emilie, elles poursuivirent): c’est vrai ! Tu
ne vas pas dire le contraire ?
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 16
– Je ne peux rien vous dire, mais je vous supplie de me
laisser jusqu’à la récolte du miel, quand les march ands
font la tournée des fermes pour acheter la cire, le miel et
surtout la gelée royale. Je vous en prie … et après je
vous dirais tout, si Dame Blandine me l’autorise !
– Ça y est ça la reprend ! elle est folle !
– Je vous en prie, faites-moi confiance … ne faites p as
tout rater !
La mère Petitjean calma tout le monde et défendit q ue l’on
reparlât de cela à Emilie. Cette décision eut pour effet
d’aiguiser la curiosité et la jalousie des deux jum elles,
Hyacinthe et Catherine, qui, avec leur frère Benoît ,
formaient une triplette de pipelettes, hypocrites,
malfaisantes et prêtes à tous les mauvais coups.
Le printemps, avec ses giboulées, était passé. L’ét é, les
moissons, le fauchage des foins, les fromages faits du lait
de pâturage qui sentaient bon l’herbe fraîche et od orante,
et non le foin sec de l’hiver…. Tout cela était ter miné avec
l’ouverture de la chasse et la très attendue tourné e des
marchands, acheteurs de cire et de miel.
Emilie avait fait le ménage dans la grande salle, e lle avait
allumé un bon feu dans la cheminée, placé quelques
châtaignes à griller pour les visiteurs, et préparé sur la
grande table de la ferme les petits pots de dégusta tion et
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 17
de cire que les marchands pourraient tester sur un coin de
la table.
La mère Petitjean et Paul le second des fils, deven u le
responsable de la ferme, essayèrent les cires et go ûtèrent
les miels pour les évaluer à la vente. À la surpris e d’Emilie,
les produits de la dernière ruche, celle de la rei ne des
abeilles avec qui elle parlait de Dame Blandine éta ient
exceptionnels. Une seule goutte de cire frottée sur un coin
de table devenait un vrai miroir et laissait une od eur de
maison propre et accueillante avec ses fleurs sur l e rebord
des fenêtres, ses rideaux en dentelle et ses napper ons sur
les meubles.
Cette victoire pour Emilie attisa encore plus la ja lousie de
la fameuse triplette malfaisante. Comme Emilie term inait la
préparation des lieux, la triplette surgit affolée en criant :
– Emilie ! Emilie ! ce doit être un ours, mais il y a une belle
ruche qui a été renversée et toutes les abeilles
s’envolent !!
Emilie sort, angoissée, car les marchands devaient venir
d’un moment à l’autre…
Pendant ce temps, la maléfique triplette se précipi ta dans
la salle et se goinfra du miel de la fameuse ruche aux
produits merveilleux. Les trois petits diables jetè rent la cire
dans la cheminée ce qui fit qu’il n’y avait plus d’ échantillon
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 18
pour les démonstrations aux marchands… et ils lancè rent
à l’unisson :
– Bien fait pour Emilie… c’est la préférée, la chouch oute !
Sur ces entrefaites Emilie rentra.
– Il n’y a pas de trace d’ours ! Qui a bien pu faire ça ?
C’est vous ? Pourquoi avez-vous fait ça ?
Voyant sur la table le pot de dégustation vide et s entant
l’odeur qui venait de la cheminée, Emilie comprit e t fondit
en larmes.
C’est à ce moment précis qu’entrèrent les marchands . Il y
avait le père François qui était l’accompagnateur, mais,
cette fois-ci, il y avait, en plus, un grand commer çant
italien.
– Quelle odeur merveilleuse règne dans cette maison !
S’exclama l’italien sur un ton jovial et chantant,
accompagnant son propos de grands gestes de
bonheur et de plaisir.
– Quel est donc ce produit qui sent si merveilleuseme nt la
maison propre et accueillante ?
– C’est le travail d’Emilie répondit le père François . C’est
elle qui s’occupe des ruches, et, dans le Domaine, on dit
qu’elle a fait une récolte d’une qualité exceptionn elle
avec une nouvelle ruche.
– Peut-on goûter son miel ? Demanda l’italien.
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 19
Dans un flot de larmes, Emilie tenta de dire au pèr e
François:
– Père François, les deux jumelles et mon petit frère ont
mangé le pot de dégustation de miel et ont jeté cel ui de
cire pour la démonstration dans la cheminée. Que pu is-
je faire ? J’ai mis un petit pot de dégustation de côté
pour vous, père François, pour vous remercier de vo tre
gentillesse. Croyez-vous que je puisse l’utiliser ?
– Va chercher le pot qui m’était destiné Emilie, et
régalons-nous avec ces marchands et cet honorable
acheteur italien.
Lorsqu’ils eurent trempé leurs doigts et goûté ce m iel si
extraordinaire, les marchands qu’avait amenés le pè re
François voulurent tous acheter toute la production .
C’est alors que se déroula la première vente aux en chères
dans le Domaine.
Le père François faisait tomber sur la grande table les
pièces d’or et d’argent…c’était à qui proposerait l e plus …
c’est l’italien qui l’emporta, parce qu’il acheta l a cire à un
prix très élevé.
Devant tant de richesse, tout d’un coup, la mère Pe titjean
invita tout le monde à partager deux beaux poulets. Emilie
avait retrouvé son sourire si doux et si charmant p endant
que l’horrible triplette se trouvait prise à son pr opre
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 20
piège... mais, n’y tenant plus, Hyacinthe lança:
– Tu nous as bien dit que tu nous expliquerais tout a près
la vente de la récolte de miel et de cire ? alors t iens
parole !
Personne ne répondit, mais tous attendaient que les
invités s’en aillent pour régler le problème de cet te
méchante triplette. Le père François, très heureux,
remercia la mère Petitjean et tous les marchands s’ en
allèrent.
C’est à ce moment, le calme revenu, que Charles int ervint.
Celui qui parlait peu lança avec une rare autorité :
– Les deux jumelles et Benoît, vous avez tenté de dét ruire
le travail d’Emilie! Paul dirige la ferme, il est o bligé de
travailler très dur et on sait ce que prennent les
Seigneurs pour le château. Tandis que le travail d’ Emilie
est celui qui permet à la famille de survivre. Vous avez
fait une faute grave, et, à la prochaine mauvaise a ction
de ce genre, vous serez chassés de la ferme, je m’y
engage personnellement !
Il y eut un grand silence. Sur la table restaient d es restes
de pots de miel de démonstration, et l’argent de la vente
aux enchères du père François ; plus d’argent qu’il s n’en
avaient jamais vu et possédé à ce jour.
C’est alors que la mère donna le signal de la récon ciliation
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 21
! Tous se précipitèrent sur les petits pots et se r égalèrent.
La fameuse reine des abeilles vint avec sa compagni e
participer à ce moment de réconciliation et de joie .
Charles Petitjean et le scarabée
Cependant Charles avait l’esprit ailleurs. Il s’éta it mis en
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 22
retrait dans un coin près de la cheminée. Il avait placé
Démocléter au-dessus de celle-ci. Mère Petitjean ne disait
rien, mais elle souffrait de voir cet objet à tout moment. Un
jour n’y tenant plus elle demanda à Charles d’aller jeter
cette épée ; elle avait pourtant bien conscience q ue ce
glaive avait une importance toute particulière pour
Charles ; néanmoins elle lui demanda ce sacrifice. Ce qu’il
fit. Il alla à l’emplacement même où Augustin son père avait
été tué par le seigneur Tyrak de Roche Noire ; il p ensait
l’enterrer à cet endroit.
Arrivé sur place, au même endroit exactement, il ap erçut le
terrier du scarabée bousier qui poussait sa boule d e bouse
pour l’enfoncer dans une petite galerie. Charles s’ aidant de
Démocléter commença à creuser en enfonçant la lame
dans le terrier.
Dégageant une motte de terre il mit en évidence le trou
principal et les petites galeries qui partaient de chaque
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 23
côté; et dans chacune desquelles se trouvait une bo ule de
bouse un peu séchée qu’avait placée le Scarabée, et dans
lesquelles la femelle déposait un oeuf.
L’œuf devenait larve, comme un petit animal emmaill oté
qui ressemblait à une momie en plus petit. Un jour, sortait
un scarabée. C’est pour cela que les égyptiens pens aient
que le scarabée était le symbole de la mort et de l a
renaissance.
Mais revenons à Charles qui creusait le terrier ave c la lame
de Démocléter. Avec la pointe de l’épée il prit une boule et
l’ouvrit. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’un é clat
brillant attira son regard. La boule ouverte entre ses doigts
découvrait une magnifique émeraude !
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 24
Par réflexe il ouvrit une autre boule, la prit entr e ses doigts.
Il vit alors briller un saphir du plus merveilleux bleu… et
ainsi de suite.
Il y avait une dizaine de boules et autant de pierr es
éclatantes. Il resta sans voix et sans faire le moi ndre geste.
Charles était peut-être noyé dans ses pensées, mais c’était
un jeune responsable, et qui voulait aider sa famil le. Il avait
une grande idée qu’il voulait réaliser, mais n’en a vait
jamais
parlé à qui que ce soit. Charles voulait être explo rateur,
faire le commerce des épices, devenir riche afin de
racheter la liberté de sa famille, offrir des étude s à ses
frères et sœurs, ainsi qu'une belle demeure avec de s terres
à la mère Petitjean, que Paul pourrait exploiter.
C’est alors, devant tous ces diamants représentant une
véritable fortune, que Charles réalisa le côté anor mal de
certains phénomènes qui venaient de se passer ; la
disparition des corps du seigneur, de son père Augu stin et
de Dame Blandine. Il revit les abeilles au dessus d u lieu du
drame , puis le Scarabée dans la boue se dirigeant vers so n
terrier en poussant sa boule, puis Emilie , que ses sœurs
avaient surprise parlant de Dame Blandine avec une abeille
… la récolte exceptionnelle de cette ruche et de ce lle-là
seulement. Il prit alors le temps de réfléchir.
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 25
La décision de Charles Petitjean
Tout d’abord il décida de garder Démocléter, car il se
sentait protégé par cette arme sobre et solide. Pui s il
creusa plus profond, déchira un pan de chemise, y p laça
les diamants sauf un. Dans le creux d’une poterie c assée
qui se trouvait là dans la boue, il mit cette sorte de petit sac
et enfonça le tout au fond du trou qu’il reboucha e t dont il
tassa la terre avec ses sabots de bois. Dans son pa ntalon,
il fit une poche cachée, dans laquelle il plaça l’é meraude et
partit d’un pied ferme voir qui ? Voir le père
François ! Celui qui connaissait les marchands de t ous les
pays. Quand il le vit arriver, le père François dev int sérieux
et d’une voix posée dit à Charles :
– Tu es un sage malgré ton âge, tu parles peu et tu a s le
sens des responsabilités. Alors que se passe-t-il d e si
grave pour que tu viennes me voir le soir avec
l’ancienne épée du Seigneur Tyrak de Roche Noire?
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– Je veux apprendre le métier de marin, d’explorateur et
de marchand d’épices. Il me faut rencontrer un capi taine
de vaisseau ou un armateur sérieux, et pour cela je ne
connais que vous, père François !
– Et ta mère ? as-tu pensé à ta mère ?
– D’accord, Paul a pris la gestion de la ferme et il y a
montré des compétences incontestables. Emilie fait des
merveilles … sans que je j’aie pu comprendre commen t
elle s’y prend. La famille n’est donc pas vraiment en
péril ! Mais ta mère? Tu as pris la place du père d e
famille maintenant.
– C’est justement cela qui me tourmente et m’a poussé à
partir. Il me faut penser à l’avenir et, avec le ca ractère
des deux jumelles et de Benoît qui filent un mauvai s
cocon, il va falloir des moyens. La ferme ne nourri ra pas
tout le monde et nous finirons par nous entre déchi rer. Il
me faut donc penser à l’avenir de la famille et che rcher
fortune ailleurs.
– Décidément, tu es bien raisonnable Charles.
Père François tira quelques bouffée de tabac de sa pipe
puis levant un doigt s’écria :
– Je crois connaître l’homme qu’il te faut rencontrer .
– Qui, père François ? Qui, s’il vous plaît ?
Les contes, légendes et aventures de Théoclès savoir-facile.com 27
– Vargas de la Lorca, explorateur, géographe, découvr eur
de nouvelles plantes et d’épices qu’il importe depu is
des années des Amériques, des Indes et d’ailleurs. Il est
veuf et ses enfants sont grands, ont fondé des fami lles,
et ont créé des commerces dans tous les coins de
France et de Navarre.
– Comment puis-je le contacter, partir avec lui, pour qu’il
m’apprenne tout ce que l’on doit savoir sur la mer, ses
dangers, le commerce, les brigands?
– Y a-t-il des brigands en mer, père François ?
– Et comment ! Et ils sont féroces : on les appelle d es
pirates, et leur drapeau représente une tête de mor t !
– Que dois-je faire père François? Il me faut partir !
– L’associé du marchand italien qui a acheté tout les
produits de cette ruche exceptionnelle d’Emilie, es t
venu avec son épouse. Tous deux veulent découvrir d es
terres nouvelles pour trouver de nouvelles variétés de
légumes et de fruits dont ils pourraient ramener le s
graines ou les oignons dans nos pays.
– Crois-tu qu’ils accepteraient de m’emmener avec eux ?
– Tu vois comme je suis vêtu, comme un pauvre !
– Germaine, ma femme, va bien te trouver d’autres
souliers, une autre chemise et nettoyer ton pantalo n.
Le lendemain, dès l’aube, Charles était prêt, devan t la
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porte d’entrée, dans le froid humide et perçant du petit
matin. Il savait que ce n’était rien à côté de ce q u’il allait
devoir supporter comme épreuves… Il y était détermi né !
– Bonjour, Charles ! C’est le grand départ ! Que veux -tu
que je dise à ta mère ?
– Père François, dites-lui que je l’aime plus que tou t, et
que je porte toute la famille en moi. Dites aussi à Paul
que je
l’estime et l’admire. Quant à Emilie dites-lui que je crois
avoir compris, mais que je garderai le secret quoiqu’il
arrive ; elle sera une femme exceptionnelle. E n ce qui
concerne la triplette dites-leur qu’il leur fa ut faire
attention car tout se paie un jour et avec les intérêts…
Alors, il vaut mieux être droit et généreux. J e les
embrasse très fort tous les trois
– Je leur dirai tout cela, Charles, pars et que la sa gesse et
l’honnêteté ne te quittent jamais !
– Adieu père François !
La bulle au coin de l’œil réapparut et un petit ru isseau
coula le long de la joue de Charles qui, levant la tête vit le
même sur la joue de père François.
Après une bonne semaine de voyage au sommet d’un
chemin, ils virent des bateaux, des quais, des gens qui
chargeaient et déchargeaient des paquets énormes… e t
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l’océan…
L’Associé du marchand italien et son épouse se rend irent
dans une maison sur la dune, et là, ce fut le jour
inoubliable pour Charles : sa rencontre avec l’aven ture et
le Capitaine
et armateur Vargas de la Lorca.
– Tu es Charles Petitjean ?
– Oui monsieur…
– Capitaine !! Charles, on m’appelle «Capitaine-Arma teur
Vargas » ! Retiens bien cela si tu veux aller plus loin !
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Il le prit par le bras et le retourna pour lui mont rer l’océan
et la flotte sur laquelle Charles Petitjean, fils d e serfs, allait
partir à l’aventure, emmenant dans son cœur toute s a
famille, les abeilles d’Emilie et Dame Blandine.
– Merci Capitaine-Armateur Vargas !
– Bien, mon petit ! Répondit Vargas, en appuyant sur
« bien ».
Fin de la 1ère Partie
bonne lecturebonne lecturebonne lecturebonne lecture…………
…e…e…e…et à bientôt surt à bientôt surt à bientôt surt à bientôt sur : savoir-facile.com Jacques Bonnet-Dupeyron et Moufida Brahim – illustrations Hervé Leroux dit « Albert »
2ème Partie
Le Glaive et le Tatouage Maléfique….
(à venir)