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    POLITIQUES MIGRATOIRES : UN HIVER EUROPEEN

    CONTRE UN PRINTEMPS ARABE

    Par Mathilde Lanathoua1,coordinatrice du ple Europe de Terra Nova

    Le 23 juin 2011

    Les dbats europens sur la gestion des flux migratoires en provenance du Sud de la Mditerrane,

    suite au dclenchement du printemps arabe et de la guerre en Libye, ont t particulirement

    difficiles. Les changes du Conseil europen des 23 et 24 juin en matire de frontires, dasile et de

    migration ne devraient pas tre moins tendus que ceux sur le sauvetage de la Grce.

    Le vif diffrend franco-italien sur le sort des migrants arrivs Lampedusa a non seulement reflt un

    manque de solidarit et de responsabilit regrettable, mais a conduit faire accepter la possibilit

    dun rtablissement des frontires intrieures en cas de contrle dfaillant des frontires extrieures

    Schengen. La perspective dune rvision des rgles Schengen, qui est tous points de vue une

    rgression, nest malheureusement pas la seule mesure susceptible de nous inquiter.

    Les mesures durgence que le Conseil doit adopter pour faire face cette pression migratoire sont

    trs insuffisantes : les Etats restent rticents loctroi dune protection temporaire aux rfugis, la

    mise en place de programmes de rinstallation et des concessions en matire de libralisation des

    visas. Cette approche trs restrictive se retrouve dans les lignes rouges du Conseil pour le

    parachvement du rgime d'asile europen commun et la mise en place dun partenariat global avec

    les pays du voisinage mridional.

    Particulirement inquite devant ces orientations, la commissaire europenne aux Affaires

    intrieures, Mme Malmstrm, a tenu marquer la clbration du 26e

    anniversaire de laccordSchengen le 14 juin dernier et de la Journe mondiale des rfugis le 20 juin, en appelant les Etats

    europens prserver et protger lespace Schengen, qui est lune des russites les plus tangibles

    de lUnion, renouveler leurs engagements en matire dasile et aider les pays tiers recevant les

    personnes dplaces de Libye, notamment en procdant des programmes de rinstallation.

    Ces dbats ne sont que le reflet dune approche scuritaire excessive des questions migratoires et

    un rflexe de fermeture qui ne peut qutre contreproductif pour une Europe vieillissante et

    qualimenter son dclin politique et conomique.

    1 Mathilde Lanathoua est le pseudonyme dune spcialiste des relations extrieures de lUE.

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    Lapproche globale europenne en matire migratoire doit donc urgemment tre quilibre, en

    faisant prvaloir une approche des questions migratoires par les droits individuels et non par un biais

    scuritaire, en adoptant une logique dopportunit, concevant les migrations comme un vecteur derichesse culturelle et conomique, et non comme un fardeau, et en concluant des partenariats enfin

    quilibrs, fonds sur une conditionnalit mutuelle, avec les pays dmigration.

    Lamlioration des rgles Schengen ne passe pas par la possibilit de rtablir les frontires

    intrieures, mais par un renforcement du contrle europen des frontires extrieures, via la mise en

    place dun systme europen de garde-frontires, des moyens financiers plus importants pour aider

    les Etats membres en difficult, et une amlioration des conditions de dlivrance des visas

    Schengen.

    Le rgime d'asile europen commun doit enfin tre exemplaire, tout comme les conditions daccueil

    et de dtention des migrants en Europe. La capacit des Etats assurer un retour volontaire doit tre

    renforce et un programme europen commun de rinstallation, trs rapidement cr et pilot par

    une unit permanente de la Commission europenne.

    Les dbats europens sur la gestion dune arrive importante de migrants en provenance du Sud dela Mditerrane ont t particulirement difficiles et refltent une scuritarisation excessive de laquestion migratoire, un manque de solidarit europenne et un rflexe de certains Etats lafermeture.

    La Haute Commissaire de lONU aux droits de lhomme, Navi Pillay, a ainsi ouvert la session duConseil des droits de lhomme du 30 mai dernier, en dplorant la rhtorique mise en place cesderniers mois, en particulier en Italie et en France , dpeignant les migrants comme un fardeaudont il conviendrait de se dcharger sur dautres et la rponse rflexe adopte dans lespaceSchengen. Elle a exhort les pays de lUnion apporter un soutien efficace dans le respect deleurs obligations internationales . Des appels similaires ont t rpts par le Conseil de lEurope etle directeur de FRONTEX, Ilkka Laitinen, soulignant que la clture n'est pas une solution .

    44 300 migrants du Sud de la Mditerrane sont arrivs en Europe depuis le dbut du printempsarabe, dont 16 800 de Libye depuis lclatement du conflit. Selon le Haut-commissariat de lONU auxrfugis (HCR), prs de 1 200 personnes auraient galement disparu dans leur traverse de laMditerrane depuis le 25 mars. Ce flux de migrants pose des dfis incontestables aux Etatseuropens, mais, comme le rappelait la Haute Commissaire de lONU aux droits de lhomme, ce sontles Etats mditerranens, eux-mmes confronts des situations intrieures difficiles, qui doiventaujourdhui accueillir la trs grande majorit des migrants et le million de rfugis qui ont fui la Libyedepuis le dbut de la guerre. Le nombre de migrants en Europe est finalement peu lev au regarddes vnements exceptionnels qui touchent toute lAfrique de Nord et le Moyen Orient et les 600 000migrants quaccueille aujourdhui la Tunisie. Le HCR estime qu'environ 8 000 personnes, ce jouraux frontires gyptiennes et tunisiennes, auront besoin d'tre accueillies ces prochains mois parlUnion.

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    Or les solutions que sapprte adopter le Conseil europen en matire dasile et de migration sonttrs insatisfaisantes. Il est particulirement dplorable que lexacerbation des risques lis cette

    crise migratoire conduise laffaiblissement daccords de long terme, comme lAccord de Schengenet du futur rgime dasile commun.

    1 - DES CHOIX DE POLITIQUE MIGRATOIRE ET DASILE TRES

    RESTRICTIFS

    1. 1 - LA MODIFICATION DES REGLES SCHENGEN : UNE REGRESSION POUR LACOOPERATION EUROPEENNE

    Le dbat sur la rvision des rgles applicables lespace Schengen fait suite au diffrendfranco-italien envenim par le manque de responsabilit et la surenchre des deux parties .Principal Etat europen concern par cette pression migratoire et critiquant le manque de solidaritde lUnion, notamment des fins de politique intrieure, lItalie sest empresse de conclure unaccord avec le nouveau gouvernent tunisien visant mettre un terme aux dparts des migrantsclandestins. LItalie a accept de ne pas renvoyer chez eux prs de 25 000 migrants tunisiens, encontrepartie dune coopration renforce, mais a dans la foule attribu massivement ces migrants,dans des conditions sans doute contestables au regard des rgles Schengen, des permis de sjourtemporaires, assortis de documents de voyage leur permettant de circuler librement dans lespaceSchengen.

    La France a alors invoqu le risque de trouble lordre public prvu par lAccord de Schengen pourrenforcer les contrles ses frontires avec lItalie et sassurer que les migrants tunisiens interpellssur le sol franais rpondaient bien aux critres dobtention de ce permis, lis leurs conditionsfinancires et lobjet de leur sjour. Elle a renvoy plusieurs migrants aux ressources jugesinsuffisantes vers lItalie et demand la Commission europenne dexaminer la validit desdcisions de dlivrance de ces permis par lItalie au regard des rgles Schengen.

    Les deux pays ont donc clairement contourn, voire dtourn, les rgles applicables dans

    lespace Schengen, lItalie en ne respectant pas les rgles doctroi de permis de sjour, la France en

    ayant massivement renforc ses contrles de police dans les zones frontalires avec lItalie au pointdavoir, pendant un certain dlai, bloqu la circulation des trains et port atteinte au principe de librecirculation.

    Ils se sont galement diviss sur la question de la solidarit europenne sur laquelle lesautorits italiennes, et notamment le ministre de lintrieur, Roberto Maroni, issu du parti populiste dela Ligue du Nord, ont fait de la surenchre pour de pures considrations de politique intrieure,donnant de lUnion europenne une image particulirement divise. Or la contribution de l'UE lasuite de cette crise atteint 100 millions deuros, dont la moiti a t fournie par la Commission. Deplus, trois des quatre fonds du programme Solidarit et gestion des flux migratoires flchent 425millions deuros vers les six tats les plus concerns, dont l'Italie. Trois oprations ont t lancespar Frontex depuis le dbut de lanne, dont deux, Herms et EPN-Herms, Extension2011 pouraider lItalie. Si cette assistance est certes encore insuffisante, cest aux Etats de la renforcer. La

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    solidarit demande par lItalie dans la gestion des migrants irrguliers et des demandeurs dasilearrivs sur son sol relve galement de leur bon vouloir. Or cette solidarit tait difficilement

    acceptable par les Etats membres qui, comme la France, lAllemagne ou le Royaume-Uni, assument ce jour la plus lourde charge en ce domaine.

    Les deux pays ont dpass leur contentieux en demandant M. Barroso, dans leur lettre communedu 26 avril, dexaminer la possibilit de rtablir temporairement le contrle aux frontiresintrieures des Etats. La France a propos la mise en place de mesures de sauvegarde visant autoriser les Etats membres rtablir les contrles aux frontires intrieures, soit en cas dedfaillance structurelle dun Etat membre contrler sa frontire extrieure (cas de la Grcenotamment), soit en cas darrive massive de migrants irrguliers. Lannonce dbut mai dugouvernement danois de vouloir rtablir le contrle ses frontires avec lAllemagne et la Sude,pour de toutes autres raisons, a aliment ce dbat sur la question du renforcement du contrle desfrontires intrieures et de la renationalisation de la gestion des frontires intrieures.

    La Commission a repris la proposition dune clause de sauvegarde dans sa communication

    du 4 mai sous certaines conditions. Elle insiste tout dabord sur la ncessit de renforcer lesystme de surveillance, de contrle et de suivi Schengen. Elle tient ensuite ce que la rponse auxinsuffisances de contrle dun Etat membre soit communautaire et vise en priorit le renforcementdes capacits oprationnelles sur les frontires extrieures vises, le rtablissement temporaire desfrontires intrieures ne pouvant tre dcid quen dernier recours dans des situations rellementcritiques , jusqu ladoption dautres mesures stabilisant la situation. Elle dissocie ainsi clairementles insuffisances du contrle des frontires extrieures, qui relvent de lexamen europen, des

    circonstances dordre public, dont lvaluation est nationale.

    Cette proposition nen remet pas moins en cause lacquis communautaire. Ce mcanisme, sildevait tre adopt, affaiblirait lesprit de responsabilit et de solidarit au cur de lAccord deSchengen, qui ne sera plus bas sur la confiance, mais sur la dfiance mutuelle. Il introduiraitgalement le risque que les Etats dcident de faire cavaliers seuls. Cette clause de sauvegarde, enfonction des modalits qui seront retenues, pourrait savrer contreproductive si elle devait diminuerde factola responsabilit de chacun des Etats pour lensemble de lespace Schengen et lincitation la solidarit pour lEtat en difficult. Le recours au caractre communautaire ou national du processusdcisionnel sera de ce point de vue dterminant.

    La Commission adopte une nouvelle fois une approche suiviste devant les exigences dEtatsmembres dont la duret trouve en partie sa source dans des vises lectoralistes, notamment enFrance, en Italie et au Danemark. Les engagements du Conseil en faveur du dveloppement dunsystme de surveillance des frontires dici 2013, de la communautarisation du systmedvaluation Schengen, jusque-l refus par les Etats membres, du renforcement des capacitsoprationnelles de lAgence Frontex et de la cration dune agence pour la gestion oprationnelle dessystmes d'information grande chelle sont saluer. Mais ce nouveau mcanisme risque daffaiblirles rgles Schengen et, a minima, douvrir la bote de Pandore sagissant du principe de librecirculation.

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    1. 2 - DES MESURES DURGENCE INSUFFISANTES, REFLETANT UN MANQUE DE

    RESPONSABILITE

    Le rflexe de fermeture est galement prgnant dans les mesures durgence envisages .

    Le Conseil Justice et Affaires intrieures du 12 avril a adopt sans difficult les propositions dupremier plan d'action de la Commission relatives laugmentation de laide pour les Etats membresles plus concerns, via un renforcement des moyens de Frontex, une augmentation des fondseuropens et le dploiement au bnfice de Malte dquipes du Bureau europen d'appui en matired'asile (BEA), oprationnel depuis quelques jours. Ladoption du rglement, qui augmentera lescapacits de lagence, a t retarde car les Etats membres ont refus certaines garanties,

    notamment sur les droits fondamentaux, demandes par le Parlement europen pour encadrer lesoprations de Frontex.

    Les Etats membres ont galement approuv une coopration renforce avec les paysmditerranens : la ngociation acclre daccords oprationnels entre Frontex et les autoritsd'gypte, du Maroc et de la Turquie, un projet oprationnel spcial avec la Tunisie pour renforcer sescapacits de contrle de ses frontires et faciliter le retour des personnes rapatries, et unprogramme de protection rgionale pour les rfugis couvrant l'gypte, la Libye et la Tunisie.

    Les autres propositions de la Commissaire Malmstrm en matire d'asile, comme les

    mcanismes de rinstallation des rfugis et loctroi dune protection temporaire, et celles en

    matire de libralisation des visas, ont par contre t accueillies trs difficilement. LePrsident Sarkozy a pour sa part fait savoir au Prsident de la Commission quil refusait toutes cespropositions, dans sa lettre du 6 avril dernier, afin de ne pas crer deffet dappel . On peutpourtant fortement douter que ces mesures aient un quelconque effet sur les personnes qui tententde rejoindre lEurope au pril de leur vie.

    En matire de protection internationale, la Commission reste prcautionneuse devant les rticencesdu Conseil qui estime, dans sa grande majorit, que les conditions ne sont pas encore runies pourtablir que lUnion est bien en prsence dune situation dafflux massif de personnes dplaces quine peuvent rentrer dans leur pays dorigine. Elle sen tient donc une position dattente en ce qui

    concerne la mise en uvre de la directive 55/2001 relative la protection temporaire.

    La Commission insiste davantage, mais encore avec peu deffets, pour que la rinstallation devienneune partie intgrante de la politique dasile de lUE. La rinstallation est lune des trois solutionsdurables, avec le rapatriement librement consenti et l'intgration sur place, prconises par le HCR ;elle consiste permettre ces personnes qui ont fui leur pays et qui se trouvent dans un pays tiers,de sinstaller sur le sol europen. Si elle doit rester la solution de dernier recours, car les autres luisont prfrables ne serait-ce quen termes de perspectives dintgration effective des personnesrinstalles, elle est essentielle dans les situations o une personne ne peut ni rentrer chez elle nirester dans le pays de premier accueil. Un plan daction communautaire prvoit certes la mise en

    place dun programme de rinstallation de rfugis, mais la plupart des Etats membres y sontrticents, manquent de tels programmes et fixent leurs priorits sans aucune coordination au niveau

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    de lUnion. La Commission rappelle quenviron 5 000 rfugis ont t rinstalls en 2010 dans l'UE,75 000 aux tats-Unis. Les 27 Etats europens rinstallent actuellement moins de rfugis que le

    seul Canada, qui la pratique certes un peu trop au regard des autres solutions. La Commissiondplore que cette question reste sujette au strict principe de volontariat des Etats membres. Lecontexte budgtaire trs contraint auxquels les Etats membres sont soumis et les demandes duParlement europen dans le cadre de la codcision nont pas permis jusquici ce programmecommunautaire dtre mis en place.

    Les concessions en matire de libralisation des visas, qui permettraient ds prsent de trouverune solution avec les pays dorigine et de faciliter les retours, sont pour lheure cartes. Cesconcessions nont en rgle gnrale t octroyes quen rponse des engagements des pays tiersen matire de retours et de radmissions, Les propositions sur la table visent les conditionner,comme laide europenne et un renforcement du partenariat avec lUnion, une coopration effectivedes pays du Sud de la Mditerrane en matire de lutte contre limmigration illgale. La principalemesure adopte en matire de visa reste donc lintgration dans le rglement n539/2001 relatif auxvisas dune clause de suspension de la libralisation des visas aux pays bnficiaires en cas dabus.

    1. 3-VERS UN REGIME COMMUN D'ASILE TRES RESTRICTIF EN 2012?

    Un rgime dasile europen commun est envisag depuis le trait dAmsterdam de 1999, pourinstaurer une procdure dasile unique offrant des garanties communes aux rfugis. Le pacteeuropen sur l'immigration et l'asile d'octobre 2008 prvoit son tablissement au plus tard dici 2012.Or la Commission a prsent, en 2008 et 2009, une srie de propositions qui nont gure prosprjusquici, le Conseil les jugeant trop complexes ou coteuses.

    Elle a ainsi prsent, le 1er juin dernier, des propositions rvise des directives accueil et

    procdure qui tentent de concilier les exigences trs divergentes du Conseil et du

    Parlement europen. La Commission concde notamment un assouplissement des conditionspermettant aux Etats davoir recours aux procdures acclres de traitement des demandes d'asilejuges infondes.

    Mais ces compromis sont encore insatisfaisants pour le Conseil , notamment au vu des lignesrouges communes dfinies par l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni et diffuses le 27

    mai dernier. Ces Etats sopposent une assistance juridique gratuite pour les demandeurs dasile enpremire instance, au raccourcissement du dlai daccs des demandeurs au march du travail et enrestent une anne, malgr les latitudes laisses pour limiter cet accs certains mtiers et rgulerle nombre d'heures de travail. Ils considrent galement que les dispositions relatives aux prestationssociales sont susceptibles de favoriser des demandes d'asile abusives et de peser sur les tatsmembres les plus gnreux (lettre commune). Ces Etats, qui sont les principaux pays de premierasile en Europe, jugent que ces mesures sont susceptibles dalourdir la charge administrative etfinancire qui pse sur leur systme dasile, ou de favoriser les dtournements de procdure dasile.

    La Commissaire Malmstrm et la prsidence hongroise se sont donc vu obliges de faire de

    nouvelles concessions qui reprsentent un recul regrettable pour le rgime commun dasile .

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    Si la Commission maintient un dlai de six mois pour traiter les demandes en premire instance, ellerend possible une extension un an, voire plus, en cas de grand nombre de demandes.

    La Commissaire renonce l'aide juridique gratuite en premire instance, pourtant fermementdfendue par le Parlement europen. Elle ne sera envisageable quen deuxime instance, lors desprocdures d'appel. Les tats membres pourront alors faire passer un test au demandeur valuant lalgitimit de ses intentions. En cas dchec, lassistance juridique gratuite ne sera pas obligatoire.

    La Commissaire rpond, qui plus est, nouveau au souhait des Etats membres de faire accder lesforces de police Eurodac, la base de donnes des empreintes digitales des demandeurs d'asile.

    La Commission ne revient pas sur le principe selon lequel la rtention de demandeurs d'asile nestpossible que dans des cas exceptionnels, mais donne plus de marges aux Etats pour dcider etorganiser ces rtentions, en vertu des critres de clart, de ncessit et de proportionnalit.

    Ces concessions affaiblissent considrablement les garanties du rgime dasile commun etnpargneront pas la commissaire europenne dpres ngociations avec le Conseil et leParlement.

    1. 4 - UNE COOPERATION AVEC LES PAYS MEDITERRANEENS FONDEE SUR UNECONDITIONNALITE A SENS UNIQUE

    Le dialogue sur les migrations avec les pays mditerranens reste plac sous le signe de laconditionnalit sens unique. Le soulvement de leurs peuples pour la dmocratie et la matrise deleur destin na pas conduit lUnion changer dapproche pour un partenariat plus quilibr.

    Le Conseil a accept, malgr la rserve de certains Etats, la proposition du Prsident Sarkozy,adresse M. Barroso dans sa lettre du 6 avril, demandant que lappui europen aux rgimes detransition au Sud de la Mditerrane soit conditionn la mise en uvre dune coopration effectiveen matire de lutte contre limmigration illgale, de radmission et de contrle de leursfrontires. Cette exigence tait pourtant malvenue car la diplomatie franaise sest distingue par sonouverture peu sourcilleuse Kadhafi et Bachar Al Assad, aujourdhui unanimement condamns pourcrimes contre lhumanit, et son refus de toutes lignes rouges en matire de droits de lhomme dans

    le cadre de lUnion pour la Mditerrane, au nom du ncessaire compromis. Cette conditionnalit ananmoins pu tre dulcore pour les interventions de la Banque dInvestissement Europenne(BEI).

    La Commission va dans le mme sens en plaant le principe de conditionnalit au cur du dialogue sur les migrations, la mobilit et la scurit avec les pays du Sud de la Mditerrane ,propos dans sa Communication du 24 mai. Considrer que ce principe est un incitatif indispensablepour obtenir des rsultats ne semble trangement pas aux Europens antinomique avec la notion departenariat quilibr et de coopration mutuellement avantageuse . La Commission note commeles Etats membres que la ngociation daccords de radmission avec plusieurs pays, en labsence

    dincitants en matire de visa ou dassistance financire, est trs difficile. La signature daccords deradmission comme lengagement de prendre des mesures contre les migrations irrgulires

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    subordonneront donc dsormais la ngociation daccords de mobilit avec les pays arabes post-rvolution. La disposition des partenaires cooprer conditionnera un soutien leurs capacits et

    une facilitation de la mobilit de leurs ressortissants.

    2 - LA POLITIQUE EUROPEENNE DE MIGRATION ET DASILE DOIT

    SINSCRIRE DANS UN AUTRE PARADIGME

    1. 1-REEQUILIBRER LAPPROCHE GLOBALE EUROPEENNE EN MATIERE MIGRATOIRE

    La mise en uvre de lapproche globale en matire de migration, adopte il y a cinq ans, doit trerquilibre, les Etats se focalisant aujourdhui sur le renforcement de la lutte contre la migration

    irrgulire, au dtriment de lorganisation de la migration lgale et de la maximisation des avantagesmutuels pour le dveloppement. La Commission devra dans sa communication-bilan venir inviterfortement les Etats membres sinvestir davantage dans les deux autres piliers de lapprocheglobale.

    Les Europens doivent pour cela faire prvaloir une approche des questions migratoires par

    les droits et non une approche scuritaire. Ce dbat au Conseil reflte la scuritarisationexcessive des questions migratoires qui a dbut dans les annes 1980 avec llargissement de lanotion de scurit , alors rserve la sphre gopolitique et militaire. Cette volution a talimente par les craintes de perte didentit et dacquis sociaux, et aujourdhui par des amalgames

    entre migrants et menaces, comme le terrorisme et la criminalit. Le discours du Prsident Sarkozyprononc le 27 janvier suite la rvolution tunisienne et agitant les chiffons rouges des menacesmigratoires, islamiste et terroriste, est emblmatique de ce phnomne. Cest galement le cas de ladcision prise le 12 mai dernier par le gouvernement libral-conservateur danois, appuy parlextrme-droite, de rtablir les contrles douaniers aux frontires avec l'Allemagne et la Sude pourlutter contre limmigration clandestine et la criminalit, alors que cette mesure est purementsymbolique, inefficace et inutilement coteuse selon les forces de police elles-mmes. Les loisdimmigration nen sont que plus restrictives, comme la loi du 16 juin 2011 relative limmigration.

    Limpact politique de cette volution est trs lourd pour lUnion europenne. LEurope a de plus enplus de mal tre crdible dans ses discours en matire de droits de lhomme alors que se font jourles graves insuffisances de sa politique dasile et saffirme la volont dassigner la majorit de lapopulation mondiale rsidence. Il est urgent que lUnion revienne une approche et un discoursavant tout fonds sur les droits et la libert. Ses exigences en matire de rgulation nen seront queplus acceptables.

    La tendance la fermeture doit galement laisser place une logique dopportunit,

    concevant les migrations comme un vecteur de richesse culturelle et conomique et non un

    fardeau. Comme soulign dans la Stratgie Europe 2020, l'une des principales difficultsconomiques de lEurope reste sa capacit compenser le dclin dmographique de sa populationactive. LUnion devra faire face un dsquilibre dmographique et un dficit de main duvre trshandicapants pour la prservation de sa comptitivit et de son modle social. Selon la Commission,lEurope pourrait connatre une importante pnurie de main duvre dans certains secteurs, plus dun

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    million dans celui de la sant dici 2020, environ 500 000 dans les TIC dici 2015, et autant dans larecherche. Le rapport sur lvolution dmographique allemande rendu Mme Merkel prconise ainsi

    une augmentation du nombre des immigrs de 350 000 chaque anne.

    Mais les travaux de la Commission, notamment son livre vert sur la rsorption des pnuries de main-duvre par la migration prvu pour 2012, comme ceux des Etats membres visant dfinir les besoins dimmigration europens doivent viter daboutir des prconisations trs restrictives etschmatiques et dencourager ce qui serait une fuite des cerveaux des pays en dveloppement.Les orientations europennes en matire migratoire doivent tre dfinies avec les pays de dpartpour que cette coopration bnficie mutuellement aux deux parties. Lattrait de migrants qualifisimplique dautant plus un dialogue avec les pays dmigration sur leurs besoins, les modalits dunchange de connaissances, les possibilits de migration circulaire et daide cible sur la formationuniversitaire.

    Des partenariats enfin quilibrs doivent tre conclus avec les pays de dpart et de transit.

    Lapproche scuritaire des Europens est prpondrante dans les accords conclus avec les pays dedpart et de transit. La conditionnalit sens unique que propose la Commission en matiremigratoire dans ses futurs accords de mobilit, comme dailleurs en matire de droits de lhommedans sa politique europenne de voisinage rnove, ne peut constituer la base dune cooprationquilibre et dintrt mutuels.

    De tels accords ont vocation rpondre tant aux besoins dune Europe vieillissante qu ceux dunepopulation jeune et croissante des pays dmigration mditerranens et sub-sahariens. La croissance

    ne sera favorise au Nord comme au Sud que si ces accords sont mme de dvelopper leurs fortescomplmentarits. La conditionnalit ne devrait enfin tre envisage que sur une base mutuelle etrciproque : lUnion europenne tenant ses engagements en matire dasile, de qualit daccueil, delibralisation de visa et dappui la lutte contre limmigration irrgulire en change dune bonnecoopration pour promouvoir les filires lgales et lutter contre les filires clandestines.

    2. 2 - RENFORCER LA COOPERATION EUROPEENNE EN AMELIORANT LAPPLICATION DESREGLES APPLICABLES DANS LESPACE SCHENGEN

    Les conditions de dlivrance des visas Schengen devraient tre amliores. Le potentiel du

    code communautaire des visas, entr en vigueur en avril 2010, doit dores et dj tre pleinementexploit. La Commission regrette notamment les rticences des Etats membres dlivrer des visas entres multiples aux voyageurs frquents. Lextension de la coopration europenne sur les visasSchengen de court sjour aux visas de long sjour, la mise en place des centres communs detraitement des demandes de visa et ladoption dun permis unique de rsidence et de travail, proposdepuis 2007 pour dterminer clairement les droits des migrants et simplifier les procduresadministratives, constitueraient dautres avances capitales pour amliorer lAccord de Schengen.

    Pour ce qui est du renforcement du contrle des frontires Schengen, un systme europen degarde-frontires devrait tre rapidement mis en place afin de mieux mutualiser les capacits des

    Etats membres et dharmoniser leurs normes. Le rle de FRONTEX pour faire converger lescapacits vers les lieux confronts une arrive massive de migrants doit tre dvelopp. Des efforts

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    supplmentaires doivent galement tre dploys pour prvenir les naufrages de bateaux demigrants.

    LUnion doit par ailleurs disposer de moyens financiers plus importants et plus facilement

    mobilisables pour faire face aux situations difficiles, y compris dans les pays tiers. Leprogramme gnral Solidarit et gestion des flux migratoires, qui nest pas conu ce jour pourdes situations durgence, pourrait dores et dj tre renforc et assoupli pour rpondre plusrapidement aux demandes d'assistance. La Commission a galement propos juste titre la crationde fonds fiduciaires, qui serait permise grce la rvision du rglement financier de lUE, pour faireface aux situations de crise.

    Le rtablissement des frontires intrieures en raison dune dfaillance du contrle extrieur

    de lUE doit terme tre cart. La Commission devra pour lheure veiller rduire au maximumles conditions dun tel rtablissement et garantir un processus dcisionnel communautaire.

    2.3-ADOPTER UN REGIME DASILE COMMUN FAVORABLE AUX DROITS ET A LINTEGRATIONDES REFUGIES

    Le rgime d'asile europen commun doit tre exemplaire pour faciliter les conditions de vie desrfugis, le traitement de leurs demandes dasile et la recherche de la solution durable la plussouhaitable pour chacun, au-del dun respect intgral de la Convention de Genve de 1951 relativeau statut des rfugis et des autres obligations internationales pertinentes. Ceci passe dores et djpar une application effective et complte de lacquis communautaire par lensemble des Etatsmembres, ce qui nest pas le cas ce stade.

    Une rvision du rglement de Dublin, qui exige d'examiner les demandes d'asile dans ltatmembre par lequel un migrant est entr et impose ainsi une charge disproportionne aux Etats depremier asile, est galement urgente. Mais pour que cette rforme soit accepte, tous les Etatsmembres doivent faire en sorte de jouer le jeu des rgles en matire dasile et de contrlerefficacement leurs frontires extrieures. Ce nest actuellement pas le cas de la Grce.

    Les conditions daccueil et de dtention des migrants en Europe doivent tre tout aussi

    rapidement amliores grce aux fonds europens pour garantir aux rfugis un traitement dcent.

    La Grce, notamment, doit mettre en uvre sans dlai son plan national en matire dasile et demigrations qui bnficie du soutien oprationnel et financier de lUE.

    Un programme europen commun de rinstallation doit tre cr rapidement et pilot par une

    unit permanente de la Commission europenne, comme le prconise la Commission du Parlementeuropen pour les liberts civiles, la justice et les affaires intrieures. Une augmentation de lappuifinancier de la Commission europenne pour le programme de rinstallation est galementncessaire.

    LUnion europenne doit galement sassurer que les pays vers lesquels seraient renvoys des

    migrants aux termes daccords de radmission aient des capacits daccueil suffisantes etgarantissent un accs l'asile.

  • 8/3/2019 110623 - Politiques migratoires - un hiver europen contre un printemps arabe - Mathilde Lanathoua_0

    11/11

    Terra Nova Note - 11/11

    www.tnova.fr

    La Communication de la Commission venir en 2012 sur la politique de l'UE en matire de retour

    doit par ailleurs contribuer promouvoir le retour volontaire et renforcer les capacits des tatsmembres lassurer. La Commission doit par ailleurs veiller ce que les Etats membres assurentrapidement la transposition de la directive de dcembre 2008 sur le retour des ressortissants de paystiersensjour irrgulier, dite directive retour .