1
l’ é éc co on no om mi ie e Lundi 23 septembre 2013 nice-matin C ’est le vaisseau amiral de la Côte d’Azur de demain. Hier, les spectateurs présents à l’Allianz Riviera ont mis le pied dans le XXI e siècle. Celui des éco- quartiers, des écocités, de ces nou- veaux modèles urbains où l’on s’ef- force de tout concilier, qualité de vie, activité commerciale, loisirs, services publics, déplacements… Grand Moscou, grand Paris, grand Lyon : l’ère des mégapoles est ar- rivée et, à notre échelle, nous n’échapperons pas à cette évolu- tion. Stade et commerces Bien que bétonné de façon un peu anarchique dans les années soixante à quatre-vingt, le littoral azuréen est naturellement attrac- tif. En outre, on y a oublié, au fil des décennies, bon nombre d’équipements structurants qui, aujourd’hui, s’imposent. Le grand stade, construit dans le délai record de deux ans par Vinci et ses filiales pour un montant de 217 Mhors taxes, est à la fois un superbe geste architectural, une prouesse technologique, mais aussi le cœur du nouveau Nice la- bellisé OIN (opération d’intérêt national). Dans les mois à venir, s’y adosse- ront le Musée national du sport et un programme de 29000 m 2 de commerces destinés à animer le quartier. Le tout s’intégrera dans une plaine du Var entièrement re- configurée sur plus de dix hecta- res, dont 44 % de logements. En cette période de crise et de dif- ficultés économiques, c’est une manne dont notre région peut dif- ficilement se priver. ouvriers, entreprises Le premier stade écoconçu de France a offert deux millions d’heures de travail à trois mille ouvriers et techniciens qui se sont succédé sur le site. Environ cent cinquante entreprises, majoritaire- ment locales, ont participé au plus gros chantier de la Côte d’Azur. Du pain béni en période d’atonie et d’incertitudes économiques. Car c’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Même si l’on estime qu’il y a, dans les cartons, de quoi cons- truire pour les trente prochaines années dans les Alpes-Maritimes et le Var, le BTP souffre et les archi- tectes aussi. Le nombre de mises en chantier est à la baisse, les em- bauches aussi, ainsi que la com- mande publique. Du côté de la commande privée, à part les villas de milliardaires, les familles qui aimeraient construire sont bloquées, plombées par les prix des terrains. En attendant, on est aujourd’hui sous le charme de projets emblé- matiques, où le geste architectural est important et confié par les constructeurs à des « grandes pointures » qui mettent leur griffe. La société parisienne d’architec- ture Wilmotte & Associés a mis la sienne sur ce stade considéré comme un « monument unique », selon les termes de l’architecte directeur du projet Ralf Levedag. Dans quelques mois, cette signa- ture sera aussi apposée sur le ma- gasin Ikea programmé tout près de là. Pour la première fois dans l’histoire de la marque, il ne sera pas qu’un simple cube bleu et jaune. SYLVIE BÉAL [email protected] Ils font l’actu Les aménageurs et architectes locaux ont-ils encore une chance de modeler nos villes? Une question qui se pose au lendemain de l’inauguration de l’Allianz Riviera à Nice L’Allianz Riviera marque le point de départ d’une ville nouvelle. La Côte d’Azur du futur est en marche, avec des projets pour les trente prochaines années. (Photo Jean-François Otonello) Avec qui va-t-on construire Architectes Ils sont 800 à 900 dans les Alpes- Maritimes et leVar, architectes, plasticiens, souvent très éloignés du star-system. École C’est l’exception azuréenne : pas d’école d’architecture. Au plus près, il faut aller à Marseille pour apprendre le métier. Le BTP dans les A.-M. Activité en baisse, cinq cents emplois perdus en 2012, et environ mille de moins d’ici à la fin de l’année. Le BTP dans le Var Activité en baisse, au premier trimestre 2013, mille deux cents emplois en moins par rapport à 2011. Mises en chantier L’offre de logements dans le neuf est en recul d’un tiers pour 2012. Opportunités À saisir notamment dans l’entretien et la rénovation, avant la hausse de la TVA au 1 er janvier. Repères Complexes et imposantes, les opérations d’aménage- ment laissent-elles une place aux régionaux de l’étape, aux petites équipes et architec- tes locaux? Un rien fataliste mais pas résignée, la profes- sion aimerait faire bouger les lignes en sa faveur. « Pour les très grands projets, il est désormais rare que les architectes locaux soient admis à concourir », expli- que Luc Svetchine, président du syndicat des architectes de la Côte d’Azur. « Parmi les critères de sélection, il y a des données qui portent sur le chiffre d’affaires. Seuls les gros cabinets les atteignent. Ces règles du jeu asphyxient les jeunes. On fait notre pos- sible pour faire bouger les li- gnes. Par exemple, à Nice, le site du Ray, désormais libéré, laissera la place à des opéra- tions multiples. Les architectes d’ici espèrent avoir leur part. Ça nous tient à cœur, ça fait partie de notre patrimoine, c’est un peu notre territoire. » « Cela étant, nous ne sommes pas jaloux des Wilmotte ou des Jean Nouvel, assure Luc Svetchine. S’ils en sont là, c’est qu’ils le méritent. Mais une région qui se fait sans ses acteurs locaux a tout à y per- dre. Certains de mes collègues évoquent aussi le risque de voir apparaître une architec- ture générique que l’on retrou- verait dans le monde entier. » Si les grandes opérations échappent partiellement aux architectes « d’ici », elles échappent aussi aux collec- tivités publiques, qui ne s’aventurent plus sur de tels terrains et laissent la place à des partenariats public-privé (les fameux PPP) qui sécuri- sent les coûts, les délais et permettent le montage d’opérations complexes. Au bout du compte, qu’est- ce qu’il reste? « Fort heureu- sement , souligne le représen- tant des architectes, la Côte d’Azur est atypique, hors nor- mes, et reste la cour de ré- création de milliardaires qui ont toujours envie de cons- truire. Il n’y a pas d’équivalent dans le monde. » SY. B. Luc Svetchine, Nice : « Gare à l’architecture mondialisée » Luc Svetchine, président du syndicat des architectes de la Côte d’Azur, André Guillaume et Pierre-Jean Abraini, vice-présidents : « Les très grands chantiers sont difficiles à décrocher, les petits projets sont en attente. » (Photo A. B.-J.) A ménageurs et architectes se bousculent au portillon pour dessi- ner nos villes et ag- glomérations des prochaines décen- nies. Mais qui sont- ils? Avec trente ans de projets dans les cartons, attractive, riche et en retard, notre région est con- voitée. Les grands groupes sont aux avant-postes, mais, derrière, les « petites mains » ont peur. Le BTP n’a pas de bons résultats et les archi- tectes locaux se dé- solent face à une commande publique en berne et des parti- culiers étranglés par le prix du foncier. II

130923 nice-matin

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 130923 nice-matin

l’ééccoonnoommiiee Lundi 23 septembre 2013nice-matin

C’est le vaisseau amiral de laCôte d’Azur de demain. Hier,les spectateurs présents à

l’Allianz Riviera ont mis le pieddans le XXIe siècle. Celui des éco-quartiers, des écocités, de ces nou-veaux modèles urbains où l’on s’ef-force de tout concilier, qualité devie, activité commerciale, loisirs,services publics, déplacements…Grand Moscou, grand Paris, grandLyon : l’ère des mégapoles est ar-rivée et, à notre échelle, nousn’échapperons pas à cette évolu-tion.

Stade et commercesBien que bétonné de façon un peuanarchique dans les années

soixante à quatre-vingt, le littoralazuréen est naturellement attrac-tif. En outre, on y a oublié, au fildes décennies, bon nombred’équipements structurants qui,aujourd’hui, s’imposent.Le grand stade, construit dans ledélai record de deux ans par Vinciet ses filiales pour un montant de217 M€ hors taxes, est à la fois unsuperbe geste architectural, uneprouesse technologique, maisaussi le cœur du nouveau Nice la-bellisé OIN (opération d’intérêtnational).Dans les mois à venir, s’y adosse-ront le Musée national du sport etun programme de 29000 m2 decommerces destinés à animer le

quartier. Le tout s’intégrera dansune plaine du Var entièrement re-configurée sur plus de dix hecta-res, dont 44 % de logements.En cette période de crise et de dif-ficultés économiques, c’est unemanne dont notre région peut dif-ficilement se priver.

ouvriers, entreprisesLe premier stade écoconçu deFrance a offert deux millionsd’heures de travail à trois milleouvriers et techniciens qui se sontsuccédé sur le site. Environ centcinquante entreprises, majoritaire-ment locales, ont participé au plusgros chantier de la Côte d’Azur.

Du pain béni en période d’atonieet d’incertitudes économiques.Car c’est un peu l’arbre qui cachela forêt. Même si l’on estime qu’ily a, dans les cartons, de quoi cons-truire pour les trente prochainesannées dans les Alpes-Maritimeset le Var, le BTP souffre et les archi-tectes aussi. Le nombre de misesen chantier est à la baisse, les em-bauches aussi, ainsi que la com-mande publique.Du côté de la commande privée, àpart les villas de milliardaires, lesfamilles qui aimeraient construiresont bloquées, plombées par lesprix des terrains.En attendant, on est aujourd’huisous le charme de projets emblé-

matiques, où le geste architecturalest important et confié par lesconstructeurs à des « grandespointures » qui mettent leur griffe.La société parisienne d’architec-ture Wilmotte & Associés a mis lasienne sur ce stade considérécomme un « monument unique »,selon les termes de l’architectedirecteur du projet Ralf Levedag.Dans quelques mois, cette signa-ture sera aussi apposée sur le ma-gasin Ikea programmé tout prèsde là. Pour la première fois dansl’histoire de la marque, il ne serapas qu’un simple cube bleu etjaune.

SYLVIE BÉ[email protected]

Ils font l’actu Les aménageurs et architectes locaux ont-ils encore une chance de modelernos villes? Une question qui se pose au lendemain de l’inauguration de l’Allianz Riviera à Nice

L’Allianz Riviera marque le point de départ d’une ville nouvelle. La Côte d’Azur du futur est en marche, avec des projets pour lestrente prochaines années. (Photo Jean-François Otonello)

Avec qui va-t-on construire

ArchitectesIls sont 800 à 900 dans les Alpes-Maritimes et le Var, architectes,plasticiens, souvent très éloignésdu star-system.ÉcoleC’est l’exception azuréenne : pasd’école d’architecture.Au plusprès, il faut aller à Marseille pourapprendre le métier.Le BTP dans les A.-M.Activité en baisse, cinq centsemplois perdus en 2012,et environ mille de moins d’icià la fin de l’année.Le BTP dans le VarActivité en baisse, au premiertrimestre 2013, mille deux centsemplois en moins par rapportà 2011.Mises en chantierL’offre de logements dans le neufest en recul d’un tiers pour 2012.OpportunitésÀ saisir notamment dansl’entretien et la rénovation,avant la hausse de la TVA au1er janvier.

Repères

Complexes et imposantes,les opérations d’aménage-ment laissent-elles une placeaux régionaux de l’étape, auxpetites équipes et architec-tes locaux? Un rien fatalistemais pas résignée, la profes-sion aimerait faire bougerles lignes en sa faveur.« Pour les très grands projets,il est désormais rare que lesarchitectes locaux soientadmis à concourir », expli-que Luc Svetchine, présidentdu syndicat des architectesde la Côte d’Azur. « Parmi lescritères de sélection, il y a desdonnées qui portent sur lechiffre d’affaires. Seuls lesgros cabinets les atteignent.Ces règles du jeu asphyxientles jeunes. On fait notre pos-

sible pour faire bouger les li-gnes. Par exemple, à Nice, lesite du Ray, désormais libéré,laissera la place à des opéra-tions multiples. Les architectesd’ici espèrent avoir leur part.Ça nous tient à cœur, ça faitpartie de notre patrimoine,c’est un peu notre territoire. »« Cela étant, nous ne sommespas jaloux des Wilmotte oudes Jean Nouvel, assure LucSvetchine. S’ils en sont là,c’est qu’ils le méritent. Maisune région qui se fait sans sesacteurs locaux a tout à y per-dre. Certains de mes collèguesévoquent aussi le risque devoir apparaître une architec-ture générique que l’on retrou-verait dans le monde entier. »Si les grandes opérations

échappent partiellement auxarchitectes « d’ici », elleséchappent aussi aux collec-tivités publiques, qui nes’aventurent plus sur de telsterrains et laissent la place àdes partenariats public-privé(les fameux PPP) qui sécuri-sent les coûts, les délais etpermettent le montaged’opérations complexes.Au bout du compte, qu’est-ce qu’il reste? « Fort heureu-sement, souligne le représen-tant des architectes, la Côted’Azur est atypique, hors nor-mes, et reste la cour de ré-création de milliardaires quiont toujours envie de cons-truire. Il n’y a pas d’équivalentdans le monde. »

SY. B.

Luc Svetchine, Nice : « Gare à l’architecture mondialisée »

Luc Svetchine, président du syndicat des architectes de la Côte d’Azur, AndréGuillaume et Pierre-Jean Abraini, vice-présidents : « Les très grands chantierssont difficiles à décrocher, les petits projets sont en attente. » (Photo A. B.-J.)

Aménageurs etarchitectes sebousculent au

portillon pour dessi-ner nos villes et ag-glomérations desprochaines décen-nies. Mais qui sont-ils? Avec trente ansde projets dans lescartons, attractive,riche et en retard,notre région est con-voitée. Les grandsgroupes sont auxavant-postes, mais,derrière, les « petitesmains » ont peur. LeBTP n’a pas de bonsrésultats et les archi-tectes locaux se dé-solent face à unecommande publiqueen berne et des parti-culiers étranglés parle prix du foncier.

II